Audiobooks by Valerio Di Stefano: Single Download - Complete Download [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Alphabetical Download  [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Download Instructions

Miguel de Cervantes y Saavedra - Don Quijote de la Mancha - Ebook:
HTML+ZIP- TXT - TXT+ZIP

Wikipedia for Schools (ES) - Static Wikipedia (ES) 2006
CLASSICISTRANIERI HOME PAGE - YOUTUBE CHANNEL
SITEMAP
Make a donation: IBAN: IT36M0708677020000000008016 - BIC/SWIFT:  ICRAITRRU60 - VALERIO DI STEFANO or
Privacy Policy Cookie Policy Terms and Conditions
C. Mendès : Monstres parisiens - V (1883)
MENDÈS, Catulle (1841-1909) : Monstres parisiens. V : Léa ; Les Faux amants ; Blanche de Caldelis (1883).
Numérisation du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (23.IV.2012)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros] obogros@cclisieuxpaysdauge.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)

Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire (coll. part.) des Monstres parisiens (Paris : chez tous les libraires, 1883.– 10 fascicules en 2 tomes in-32, 242 + 232 p.)
 
Monstres parisiens
V
par
Catulle Mendès

~*~

LÉA

I

EN six mois, deux palefreniers ont demandé leur congé, parce que Mlle Léa leur avait cinglé la face à grands coups de cravache ! Enfant encore, seize ans à peine, elle a des violences soudaines de petite bête fauve. Ses trépignements de fillette, pour une gronderie ou pour un caprice contrarié, sont des attaques de nerfs qui veulent mordre et qui mordent. Ses mains, dans ses colères, empoignent le bois de la table et y enfoncent les ongles. Elle a une façon impérieuse et méprisante de regarder les gens, qui a l'air de prévoir quelque insulte et déjà d'y répondre. Soupçonneuse à l'excès, elle guette dans les sourires, dans les haussements d'épaules, dans les paroles mal entendues, des intentions d'outrage ou d'ironie, et ses rages, qui piétinent et cassent les bibelots, n'attendent pas la certitude de l'offense. Ce sont des enfants pareilles à elle qui ont dû être à seize ans les impératrices de Rome et les sanguinaires courtisanes de l'Age de Fer. Un de ses ancêtres, au Brésil, — car elle est de race portugaise — fut un rude fouetteur de nègres, un pendeur de mulâtresses, qui, le soir, rentrait à la fazenda avec des taches de sang sur son habit blanc de planteur : elle tient de l'aïeul, pour une lenteur à obéir ou pour ordre mal exécuté, le besoin des justices immédiates, que l'on se fait à soi-même, juge à la fois et bourreau ; et il lui semble que ses esclaves, c'est tout le monde. L'éducation moite du couvent, la vie mondaine, où depuis quelques mois elle commence à paraître, n'ont pas attendri ni frivolisé sa brutalité native. Elle est comme une de ces petites lionnes nées et élevées en cage, en qui se révolte l'instinct du coup de dent et du coup de griffe. Même sa mère, de qui la tendresse s'étonne et s'inquiète, ne réussit pas à la maintenir. Elle aime sa mère, certes, comme elle peut aimer, avec des effusions emportées qui sautent au cou et mangent les joues de baisers dans des larmes pas-sionnées. N'importe, elle lui en veut souvent, la déteste presque, par saccades, et aussi en de sourdes rancunes qui sont la résignation de son impuissance. Pourquoi ? à cause des réprimandes, sans doute, et des conseils. Elle n'a jamais oublié un soufflet qu'elle a reçu quand elle avait neuf ans ! Mais ce qui l'a surtout exaspérée, — sans qu'elle ait clairement démêlé les causes vraies de son irritation, — c'est que madame de Pontevedra soit devenue la comtesse d'Asprières, se soit remariée encore jeune et belle, pas plus de trente-trois ans. Que ce fût par colère du nom familial répudié ou par je ne sais quelle jalousie héréditaire, inconsciente, qui ne s'explique pas, mais qui existe chez beaucoup d'enfants du premier lit, Léa déclara qu'elle n'assisterait point à la cérémonie des noces, s'enferma, resta deux jours entiers sans manger ni boire, voulant mourir de faim, criait-elle à travers la porte ; on l'entendait, toute la nuit, frapper du poing, avec un bruit d'enfoncer des clous contre le bois de son lit. Et jamais elle n'a pu s'habituer à la présence de cet homme qui, n'étant pas le maître de la maison, donne des ordres aux domestiques, qui, n'étant pas le mari de sa mère puisqu'il n'est pas son père, à elle, entre dans la chambre conjugale, et qui, trop jeune pour qu'elle puisse être sa fille, la traite cependant avec des bonhommies de camarade paternel, l'appelle : « Léa » tout court, la tutoie, lui donne des tapes sur la joue et, les soirs, vers onze heures, lui dit : « Je crois qu'il est temps que tu ailles te coucher. » Pour ces raisons, et pour d'autres, sans raison aussi, — elle est née telle, voilà tout, — elle est perpétuellement une susceptibilité en éveil, qui se rencoigne en montrant les dents, prête à bondir, et qui bondit ; une fois, parce que le chat, en jouant, l'avait égratignée, elle l'a pris au cou, et le serrant, le serrant toujours, ses doigts ne pouvant plus s'ouvrir, elle l'a étranglé, malgré elle, avec plaisir, comme l'abbé Delacollonge étrangla sa maîtresse ! Ainsi faite, elle est peu à l'aise dans le monde où ses réparties brutales, ses : « Non, vous m'ennuyez » à ceux qui l'invitent pour une danse, déconcertent les politesses. Elle se tient le plus souvent dans sa chambre, marchant à grands pas d'un mur à l'autre, lisant, sans s'asseoir, des livres, n'importe lesquels, dont elle déchire les pages qui lui ont déplu ; et sa seule joie, c'est, le matin, quand tout le monde dort encore dans l'hôtel, de sauter en selle, en amazone courte, les cheveux frisés sous un chapeau rond, sans voile, presque un petit homme, sur un cheval qu'elle a bridé elle-même, de cravacher la bête en lui mettant l'éperon au ventre, et de l'enlever, et de s'enfuir dans un galop furieux le long des arbres de l'avenue, et de tourner en plein champ, et de franchir les fossés, les ravins, les haies, sans souci des obstacles, ne s'écartant pas pour un arbre qui traverse la route ou pour une charrette qui barre le chemin ; de sorte que, plus d'une fois, la jupe déchirée, les mains meurtries, une blessure au front, elle a été rapportée à l'hôtel se débattant, par des gens qui l'avaient ramassée, et qu'elle injuriait !


II

Une fois, comme elle achevait de s'habiller pour un bal, dans la chambre de sa mère, on frappa deux coups à la porte ; le comte d'Asprières venait s'informer si sa femme était prête à partir.

— Entre donc, dit celle-ci.

— Mais, maman, je n'ai pas encore mis ma robe et j'ai les bras tout nus.

— Bon ? Après ? Tu es une petite fille. Vous pouvez entrer, Georges !

    Léa enfonça ses deux poings, qui saignèrent, dans la glace où elle se mirait.


III
   
Le lendemain, un peu avant le soir, comme la grande chaleur du jour s'attiédissait dans un commencement de crépuscule, elle vint dans l'appartement du comte d'Asprières, en costume de cheval, la cravache à la main, avec un air point fâché, qu'elle a très rarement.

— Ma mère est à la vente de charité chez Mme de Rosavène, elle ne rentrera pas de longtemps. Voulez-vous venir vous promener avec moi, en attendant le dîner ?

— Tiens, tu es de bonne humeur aujourd'hui. As-tu dit de seller les chevaux ? Partons.

Lui, bon cavalier, elle, folle amazone, ce fut une course charmante sous les arbres remués, du côté du Bois où les voitures étaient rares déjà. En galopant, elle bavardait, très gamine, riait pour une branche qui lui rebroussait le chapeau, montrait ses petites dents de jeune louve, était très espiègle, avait des mots tout drôles. Jamais elle ne s'était montrée aussi bonne enfant, aussi joliment cordiale. Comme ils suivaient une allée déserte : « Tiens ! à nous voir ainsi, tous les deux, seuls, on pourrait croire, savez-vous, que vous êtes en bonne fortune ? » Et de rire de plus belle. Il pouffait aussi. Cela lui plaisait que cette sauvagesse s'égayât, se rit mignonne, amusante, amusée. Très jolie, d'ailleurs, avec son air garçonnier. Une charmante promenade. Mais il y eut un accident. Justement, comme ils passaient tout près du pavillon d'Armenonville, le cheval de Léa, dans la vitesse du galop, butta contre un tronc d'arbre et s'abattit. Elle était déjà relevée, quand le comte eut sauté à terre ; pas blessée, se tenant les côtes, tant elle riait, mais la figure barbouillée de sable. « Vite, un cabinet ! » cria-t-elle en entrant dans le restaurant ; et elle demanda du champagne, pendant que le comte s'inquiétait encore, prit la bouteille des mains du garçon, en cassa le goulot sur le bord de la table, s'emplit les paumes de vin doré, se mouilla tout le visage en buvant un peu, — l'air d'une petite nymphe qui lape de l'eau dans ses mains, — releva sa tête folle où il y avait de la mousse dans les cheveux frisés. « Au moins, tu n'as pas de mal ? dit-il. — Ah ! bien oui ! J'ai une idée : puisque nous sommes ici, si nous dînions ? » dit-elle. Pourquoi pas ? Il consentit. Pendant le dîner, elle fut tout à fait extraordinaire, si différente d'elle-même ! Elle se divertissait des moindres choses, de la mine sérieuse du garçon, du nom du restaurateur tramé dans les serviettes, d'un verre qui tombe avec un bruit clair, d'une bouteille que l'on a de la peine à déboucher ; ne voulait pas qu'on remportât les crevettes, disait : « Est-ce que ça se mange, tous ces plats qu'il y a sur la carte ? » exigeait qu'on les commandât tous. Dame, elle n'avait jamais dîné en cabinet particulier ! Et elle ne cessait pas de rire. Il la laissait faire et la laissait jacasser, indulgent. Il songeait à la joie de la comtesse d'Asprières quand elle apprendrait que sa fille, si morose d'ordinaire et si brutale, avait eu ces franches gaietés. A un moment, comme elle avait beaucoup bu, — beaucoup, pour son âge, versant elle-même, forçant le comte à boire, — « Ah ! mon Dieu ! comme il fait chaud ! » dit-elle. « Veux-tu que j'ouvre la fenêtre ? — Mais non ! mais non ! » et, d'un geste vif, elle déboutonna le haut de son corsage. Une étroite blancheur, quelque chose de grêle et de pâle, apparut. Il regardait, étonné. Bah ! presque sa fille. Il regardait toujours, sans défiance, non sans plaisir. Elle ne cessait pas d'être diablesse, versant du champagne, encore, s'écriant : « Mais buvez donc ! moi, je crois que je suis grise, un peu. » Et, à chaque plat que l'on mettait sur la table, — relevant le corsage quand le garçon entrait, le laissant retomber quand le garçon était sorti, — elle avait des exclamations puériles, demandant avec quoi c'était fait. « N'importe, c'est très bon ! » Ses dents, sous les lèvres retroussées, luisaient comme un éclair de neige. D'ailleurs elle trouvait que, maintenant, il faisait bien plus chaud. « Vous aviez raison, si l'on ouvrait la fenêtre ? » Elle se leva, alla vers la croisée, mais elle se ravisa, tourna, sur ses talons, et, déboutonnant son corsage jusqu'à la ceinture, elle se laissa tomber sur les genoux du comte, en murmurant : « Ah ! mais, oui, je suis très grise. Ce qui serait charmant, ce serait d'avoir son lit ici ! Il devint très pâle. Il comprenait enfin, presque. La repousser, lui dire : « Voyons, il est tard, votre mère s'inquiète, mettez votre chapeau, partons, » c'était ce qu'il voulait. Mais, du corsage ouvert, où les grêles seins pâles tremblaient dans la mousseline, il venait une si douce caresse d'odeur fraîche, la chaleur des petites jambes, sur ses genoux, était si enlaçante et si câline, les dents blanches, mouillées encore de champagne, lui riaient si près des lèvres, qu'une folie l'emporta, — c'était ce moët, aussi, bu coup sur coup, — et qu'il l'a prit entre ses bras, violemment, lui serrant des deux mains le cou, la bouche cherchant la bouche. Mais alors elle s'échappa, dans un grand rire de triomphe, ramassa sa cravache tombée à terre, lui en cingla le visage, comme elle avait fait aux palefreniers, ouvrit la porte, s'enfuit, demanda son cheval ; et une heure après, entrant dans le salon de sa mère, où des gens jouaient au whist en écoutant une sonate : « Eh ! bien, tu sais, cria-t-elle, ton mari, lui, ne trouve pas que je suis une petite fille, et je te l'aurais pris, si j'en avais voulu ! »


LES FAUX AMANTS

QUELQU'UN dit, étourdiment, en allumant un cigare :

— Depuis que Mme de Roseboise est la maîtresse de Clerqueville...

Valentin haussa les épaules.

— Mes chers amis, vous êtes de grands enfants ! Briséïs a dormi avec Achille, Aspasie avec Périclès, Cléopâtre avec Antoine, Héloïse avec Abélard, la Parabère avec Philippe II, Manon Lescaut avec quelques-uns, Constance Chaput avec tout le monde, et ma cuisinière tutoie mon valet de chambre d'une heure à trois heures du matin, mais Mme de Roseboise n'est pas la maîtresse de Clerqueville !

— Tu te moques de nous.

— En aucune façon.

— Tout cet hiver, Mme de Roseboise était accompagnée par Clerqueville, le matin, au Bois.
   
 — Je l'accorde.

— Les lundis, à l'Opéra, les mardis, à la Comédie- Française, ils étaient ensemble dans une baignoire, souvent seuls.
   
— Je l'admets.

— Après les concerts chez Mme de Roseboise, Clerqueville affectait de s'attarder dans le salon, accoudé au piano, quand tout le monde partait déjà.
   
— Je le reconnais.

— Depuis huit jours, ils sont à Aix-les-Bains, logés dans le même hôtel. Enfin leur liaison est avérée, affichée.

— Affichée seulement. Vous n'avez pas d'autres preuves ?

— Beaucoup d'autres ! C'est par le crédit de Clerqueville, député et bientôt ministre, que Mme de Roseboise a fait décorer Mirbelot, bien qu'il peigne des batailles comme on barbouille des enseignes.

— Il est vrai.

— Clerqueville a usé de l'influence de Mme de Roseboise, qui est la sœur du général Bruck, pour faire exempter du service militaire trente conscrits de son arrondissement.

— Il est possible. Et de tout cela vous concluez ?

— Qu'ils sont amants, parbleu !

— C'est fort mal conclu. Amants, eux ? Allons donc ! associés, voilà tout. Peuvent-ils aimer, ces gens-là, s'aimer surtout, se connaissant ? Avec ses trente-sept ans revenus de toutes les illusions, est-ce que Mme de Roseboise est capable encore d'un sentiment sincère et d'un abandon tendre ! Mais, pour donner son cœur, il lui faudrait d'abord en rassembler les morceaux éparpillés par le hasard des flirtations diplomatiques dans toutes les capitales de l'Europe ! Elle ne trouverait pas le temps d'aimer, d'ailleurs. Le maquillage lui prend une moitié de sa journée ; l'autre moitié est dévorée par les affaires et les intrigues, causeries avec le coulissier que l'on reçoit en peignoir dans le cabinet de toilette, visites chez les sœurs ou les femmes des membres du gouvernement, dîners ou bals dans les ambassades. Et, la nuit, Mme de Roseboise se repose. Ce n'est pas une femme, cette vanité et cette puissance habillées par Juvency ou par Labaudt et Robina. Quant à Clerqueville, cinquante-deux ans, pansu, qui s'essoufle à monter les escaliers de son cercle, le croyez-vous homme à s'attarder aux tendresses minutieuses et absorbantes d'un attachement vrai, parmi les soucis que lui donnent son discours de demain à la Chambre, la déconfiture probable de la banque qu'il commandite, et sa présidence d'un conseil d'administration, qui lui vaut cent mille francs par an ! Si vous voulez trouver et admirer l'amour, ne le cherchez pas, camarades, chez cette mondaine affairée de plaisirs et d'ambitions, ni chez ce financier de parlement que la cupidité et le besoin d'influence tenaillent, mais considérez, le soir, avec des yeux attendris, dans les rues mal éclairées de gaz, le [?]ort garçon de boutique qui serre sur son cœur, à pleins bras, sous les portes cochères, quelque jeune servante sans bonnet, ou bien, le matin, au détour du sentier des bois, les amoureux qui passent, enlacés et buvant sur leurs lèvres unies les gouttes de rosée qu'y a laissées choir le remûment fleuri des branches !

— Eh ! qui te parle d'une idylle populaire ou d'une jeune oarystis ? Clerqueville et Mme de Roseboise ne s'aiment pas, c'est possible, c'est probable ; est-ce une raison pour qu'ils ne soient pas du dernier bien, comme disaient les marquis de Molière ? Les trente-sept ans maquillés de Mme de Roseboise sont alléchants et attirent, et, quoique ventru, Clerqueville, habillé par un tailleur de génie, a fort bel air encore. D'ailleurs, gens du même monde, se rencontrant chaque jour, elle bien née et lui millionnaire, pouvant sans trop de scandale laisser entendre qu'ils se sont plu, ils avaient précisément tout ce qu'il faut pour contracter une liaison de convenance.

— Elle est charmante, soit ; il est élégant, soit. Mais pour se laisser prendre, lui, à ce charme, elle, à cette élégance, chacun d'eux est trop cons-cient de la valeur réelle de l'autre, ils savent trop bien de quels soins, de quels artifices, de quel redressement opiniâtre de tout leur être est fait ce qui leur reste de jeunesse et de grâce ! La déception dont serait suivi un abandon trop complet dans des bras qui hésiteraient à s'ouvrir, Mme de Roseboise le prévoit, grâce à d'anciennes expériences ; la nudité d'un crâne est hideuse parmi les dentelles d'un oreiller, les barbes les mieux teintes peuvent laisser des baisers noirs sur la bouche défardée ; et Clerqueville redoute des désillusions analogues. Il ne croit pas à la sincérité des corsets qui étranglent la taille et, plus haut, s'élargissent ; il redoute l'expansion soudaine du ventre que comprimèrent les baleines ; il soupçonne l'hypocrisie du rose sur les lèvres et du noir sous les yeux ! Dans la négligence des enlacements mourants, les rondeurs naguère maintenues s'abandonnent et s'affaissent, les plus légers plis se détendent en rides. Qui sait si, malgré les nécessites de la courtoisie, il ne montrerait pas quelque hésitation, au moment même où il convient de n'en pas montrer, — lui qui n'a plus l'emportement aveugle des jeunes années ? Et non moins que la peur des déceptions, la vanité leur conseille de s'abstenir l'un de l'autre. Se révéler telle qu'elle est en effet à celui qui l'a toujours connue si différente ? cesser d'être pour elle le gentleman net et bien conservé que le monde juge irréprochable ? enfin, avec des affres forcées de sourire et de baiser, voir passer dans les yeux, elle de lui et lui d'elle, la rancœur furtive du désappointement ? Extrémités formidables, qu'ils éviteront toujours ! Oh ! certes, les familiarités intimes des flirtations consenties, ils se les prodiguent, presque heureux ; leurs regards se mêlent, d'un peu loin, avec des tendresses pâmées, et on les a surpris derrière des rideaux, les mains dans les mains. Même, sans être amants, ils laissent croire qu'ils le sont. Ils veulent qu'on le pense, ils veulent qu'on le dise. Pourquoi ? par vanité peut-être : pour qu'on les suppose capables de se donner le bonheur qu'ils ne peuvent pas se devoir. Pour d'autres raisons encore. Puisque la mode exige d'une femme comme elle qu'elle ait — sans le cacher ni l'avouer — un amant de son monde, puisqu'il est de bon goût, pour un homme comme lui, d'être vu d'un bon œil par une parfaite mondaine, ils acceptent avec plaisir le vague scandale chuchoté de leur liaison. D'ailleurs, affamés de millions et d'influences, ils tirent de ces soupçons un profit considérable ! on les redoute d'autant plus et on les sert d'autant mieux, qu'on les suppose plus étroitement unis et leur intimité supposée double en effet leur puissance.

En achevant ces paroles, Valentin nous regardait, triomphant, persuadé de nous avoir convaincus.

L'un de nous répondit :

— Chimère ! Il y a trois semaines, une nuit, vers deux heures du matin, j'ai vu, moi qui vous parle, Mme de Roseboise et Clerqueville, elle, très voilée, lui, le collet relevé, sortir furtivement d'un de ces restaurants nocturnes où il y a des lits dans les cabinets de mousseline et de soie.

Valentin parut quelque peu décontenancé.

Mais il ne tarda pas à reprendre.

— Eh bien, si vous ne vous êtes pas trompé, s'il est vrai que Clerqueville et Mme de Roseboise aient poussé jusqu'à de tels rendez-vous l'hypocrisie de leurs fausses amours, voici ce qui s'est passé avant, pendant et après le souper. A peine seuls, il s'est jeté aux pieds de son amie, la remerciant, l'adorant, avec des paroles et des gestes éperdus ! Elle ne l'a pas repoussé, clémente. Le garçon est entré, a détaillé le menu. Ils avaient l'air troublé, inquiet, craignant d'avoir été surpris. Ils se sont assis devant la petite table, sur le sopha. Il la regardait manger, avec des yeux pleins de reconnaissance. Qu'elle était belle ! qu'elle était bonne d'être là ! Il lui prenait une main, — celle qui ne tenait pas la fourchette — lui passait un bras autour de la taille. Mais à chaque instant, le garçon entrait. C'était insupportable. Enfin Clerqueville a dit : « Je sonnerai ! » Mais, en poussant la porte, il a remarqué qu'elle fermait très mal, malgré le verrou. Oh ! si l'on était chez soi. Pourtant, il est revenu s'asseoir sur le sopha. Presque enlacés, ils se parlaient à voix basse. Elle inclinait la tête sur le coussin, un peu. Ce fut une heure délicieuse. Tous les chers mots, il les lui disait. Son haleine écartait, ardente, les petits frisons roux qu'elle a sur le front. Et il lui mettait des baisers dans le cou, et, très tendre, elle laissait s'entr'ouvrir ses lèvres pareilles à une rose qui veut être cueillie. Hélas ! comme le temps passe vite ! Deux heures du matin ! On devait songer à partir. Clerqueville sonna. Mais, avant que le garçon ne vînt, ils s'embrassèrent une dernière fois, passionnément. Ils étaient haletants, tremblants. Ils avaient été heureux, si heureux ! Et, quand ils furent sur l'escalier, ils étaient émus et tendres encore au point de se tutoyer sans y prendre garde, — chose très grave, puisque le garçon les suivait ! — oui, de se tutoyer, comme s'ils en avaient eu le droit.

Nous éclatâmes de rire.

— De sorte, dis-je, que Mme de Roseboise est en réalité une femme absolument vertueuse, et Clerqueville le plus chaste des Sigisbés.

— Pardon ! répliqua Valentin, je crois et j'affirme que les choses se sont passées ainsi dans le cabinet de soie et de mousseline, où il y avait un lit ! Mais rien ne nous empêche de penser que Mine de Roseboise a quelque part dans Paris, par delà des ponts, un jeune ami, bien discret, obscur, inconnu, à qui elle ne craint pas d'avouer les imperfections encore exquises de sa beauté savante, et que Clerqueville, le soir même, s'est départi de sa continence, grâce aux complaisances énergiques de quelques demoiselles.


BLANCHE DE CALDELIS

C’EST à elle que Madame de Soinoff, un soir de thé intime, cinquante personnes à peine, osa dire tout à coup, pour gagner sa gageure : « A propos, comtesse, on prétend que vous avez les plus belles jambes de Paris, faites-nous les donc voir, je vous prie! » et la comtesse, baissant déjà la main pour saisir le bas de sa jupe, eût montré de ses jambes tout ce qu'on en aurait voulu admirer, si M. de Caldelis, rouge jusqu'aux oreilles ne se fut hâté de mettre le pied sur la robe de sa femme. Elle parut très surprise ! regarda son mari, et Madame de Soïnoff, et les autres, les yeux grands ouverts, avec un air de dire : « Qu'y a-t-il ? est-ce que je ne peux pas montrer mes jambes, puisqu'on demande à les voir? » Car, dans son berceau de gaze et d'alençon, vingt-cinq ans auparavant, les fées des heureuses naissances avaient mis toute la beauté avec toutes les grâces, et plus d'une vertu aussi, mais elles avaient complètement omis d'ajouter aux plus précieux charmes cet art sournois de les cacher qu'on appelle la pudeur et qui, du reste, a toujours semblé parfaitement inutile aux déesses et aux fleurs.

Aucune pudeur ! Aucune ! l'audace ingénue des petites filles qui lèvent leur chemise pour montrer leur ventre aux passants, elle l'a gardée, presque entière, à peine modérée par l'habitude des nombreuses étoffes et par les honnêtes exemples. Elle s'habille, oui, pour faire comme tout le monde, mais elle ne voit pas la nécessité de s'habiller ! Lorsque, d'enfant qu'elle était, elle fut sur le point de devenir jeune personne, on eut toutes les peines du monde à obtenir d'elle qu'elle n'allât plus jouer derrière le mur du parc, aussi peu vêtue qu'eux-mêmes, avec les garçonnets du village qui se mettent tout nus pour faire des cabrioles, et sa première jupe longue lui causa un chagrin étonné. Il fallut lui défendre sévèrement de descendre en chemise, les jours d'été, au déjeuner de famille ; même en robe montante, il y avait toujours un peu de peau qu'on voyait, par des déchirures ou des dégrafements, aux manches, au corsage, n'importe où. D'ailleurs aucune intention coupable ; une candeur parfaite. C'était chez cette enfant pareille à une fleur en bouton, quelque chose comme un besoin d'éclore, impérieux et naïf. Après avoir lu le roman de Bernardin de Saint-Pierre, elle pensa que si Virginie avait refusé de se laisser déshabiller, c'était parce que, ce jour-là, sans doute, il faisait beaucoup de vent sur le rivage. Une fois, comme elle traversait le corridor pour aller à la salle de bain, elle dit au valet de chambre: « Apportez-moi le linge, très chaud, dans une demi-heure ; » instruite de l'ordre donné, la mère de Blanche accourut, furieuse, et gronda de la bonne manière la pauvre petite qui tremblait dans sa baignoire où aucune poussière de son n'embrumait la transparence de l'eau. « C'était du joli ! dire à un homme de venir dans une chambre où l'on est nue ! Elle perdait la tête, apparemment. Qu'allaient penser d'elle les gens de la maison ? elle devrait mourir de honte. Mais on en avait assez, de ses folies et de ses imprudences. On la mettrait dans un cloître, qui serait comme une prison, et on l'y laisserait, si elle ne changeait pas de conduite ! » Vingt autres paroles, cruelles, emportées ; de sorte que Blanche — elle adorait sa mère — pleurait toutes les larmes de son corps, demandait pardon, jurait d'être très sage. Elle fut pardonnée. Mais, quelques instants après, — comme, dans l'émotion de l'aventure, personne n'avait songé à apporter le linge, — elle alla le chercher elle-même, sans le moindre vêtement, à l'office ! Depuis, par la règle du couvent où les visages même se dérobent, et par le mariage, où l'on apprend l'économie des trésors qui appartiennent, presque tous, à un seul, elle s'est résignée en apparence à une certaine modestie. Oui, des robes et des corsets, et des jupes, et des pantalons aussi, puisqu'il le faut ! Mais sa haine instinctive du voile trouve, sans les chercher, toutes les occasions possibles de se satisfaire. L'impudence des décolletages qu'elle exige étonne les couturiers les plus déshabilleurs ; les soirs, à l'heure de partir pour le bal, lorsque Louissette fait observer, timidement, que les manches de madame ne tiennent à rien, descendront jusqu'aux coudes dès la seconde valse, elle a des : « Eh ! bien, après ? » qui déconcertent la femme de chambre. Jamais elle n'a poussé le verrou de son cabinet de toilette ! L'idée de fermer les rideaux des fenêtres, quand tombent une à une, comme un effeuillement de blancheurs, les dentelles, les mousselines, et les plus intimes batistes, ne lui est jamais venue ! Lorsque le coiffeur entre dans la chambre où la comtesse de Caldelis dort à demi sur le sopha toute blanche et toute rose dans quelque diaphane camisole, « attendez, » dit-elle ; mais, ce qu'il doit attendre, ce n'est pas qu'elle ait jeté un peignoir sur ses épaules : c'est qu'elle ait ôté la camisole ! et cela lui plaît de sentir tous ses cheveux s'écouler sans liens sur ses épaules et sur sa gorge dont le miroir double la nudité.

*
* *

Pourquoi ? Pareille aux Immortelles, dont l'impudeur auguste est un des attributs de leur divinité, a-t-elle ce rêve d'éblouir les yeux par le spectacle de la beauté parfaite ? Est-elle en proie à la chimère d'être, dans la splendeur de sa forme, l'idole vivante d'un peuple agenouillé ? Point du tout. Une mondaine comme les autres. Aucun songe très hautain ne la hante. Même, elle lit peu les poètes, ne se laisse pas entraîner aux rêveries. Un esprit simple, malgré les petites complexités communes à toutes les femmes. Ni trop ni trop peu de pensées. Elle n'a, pour excuser l'amour de l'air nu sur sa chair, ni l'orgueil sacré des déesses, ni l'inconscience des lys ! Elle éprouve, voilà tout, un besoin d'être hors des étoffes. Les vêtements lui causent une gêne. Elle s'explique que l'on en mette lorsqu'il fait très froid et que le feu s'éteint ; dans d'autres cas, à quoi bon ? Sans y prendre garde, elle fait souvent l'effort de se serrer, de s'amincir, pour que sa robe, plus lâche, puisse glisser. Habillée, elle est comme un animal à qui l'on aurait jeté, sur sa peau, une autre peau ; quelquefois, elle se secoue pour être débarrassée. Et à la gêne matérielle s'ajoute une gêne morale : il y a, dans son instinct d'impudeur, un désir de franchise ; elle ne conçoit pas qu'on se vête, comme de braves gens ne comprennent pas qu'on mente. Mais ne croyez pas un seul instant qu'une aussi radicale absence d'hypocrisie physique implique des abandons plus complets de soi-même. La comtesse Blanche de Caldelis est la plus fidèle des épouses ! Sa vertu est de celles que l'on cite en exemple ; bien qu'on l'ait aimée si souvent, et poursuivie, les uns, avec les emportements des passions sincères, les autres avec la stratégie, plus dangereuse, des désirs maîtres d'eux, elle est demeurée irréprochable ; et, ce qu'elle n'hésiterait pas à montrer à tous, c'est à un seul qu'elle le donne.

*
* *

Plus que tous les autres, M. de Pervenchères l'adora. Jeune, beau, avec le million qu'il convient d'avoir lorsqu'on n'est ni un grand poète ni un grand artiste, peu de femmes l'eussent dédaigné. Il ne prenait pas garde aux regards qui disent : -« Essayez, l'on veut bien ! » ni aux sourires qui sont déjà des consentements ; car il ne voyait qu'elle seule : Blanche ! Trois années durant, il la suivit, de près ou de loin, toujours. Elle avait cette tendresse autour d'elle comme un enveloppement de respects et de prières. Elle ne demandait plus d'où venait le bouquet qu'elle trouvait, tous les matins, dans sa chambre, et que, tous les matins, elle jetait, hélas ! par la fenêtre. A l'église, au bal, à la porte des maisons ouvrières où elle va porter ses aumônes, il était là, partout. Une telle constance eût attendri enfin le plus barbare cœur. Mais elle feignait de ne pas même remarquer ce persistant amour ; elle n'avait jamais voulu qu'on lui présentât M. de Pervenchères. Lui avait-il parlé ? une ou deux fois, dans les hasards d'un cotillon. Telle était la vertu sévère de Blanche de Caldelis. Une fois pourtant, il réussit à passer quelques jours auprès d'elle, s'étant fait inviter dans un château où le comte et la comtesse étaient en villégiature. Tous les hôtes, dès le matin, partaient pour la chasse ; lui seul, amoureux, et elle, paresseuse, restaient au château. Se déclarer, il le fallait enfin ! Un jour, après avoir hésité, tout tremblant, pendant une heure, il entra dans la chambre où Madame de Caldelis, un livre tombé des mains, était étendue sur une chaise longue. Il s'arrêta. Elle était si peu vêtue ! et ce qui l'étonna, c'est que, surprise ainsi, elle ne lui montrait pas la porte, d'un geste d'épouvante ou de colère. Non, elle ne bougeait point. Elle le salua — une inclinaison de tête, — avec une indifférence polie. L'air de recevoir quelqu'un qu'on voit sans plaisir comme sans peine. Il fit quelques pas. Il dévorait des yeux, délicieusement blanche et rosée un peu comme de la neige qui serait des fruits, la belle gorge ferme hors de la chemise ouverte, et les bras nus, abandonnés. Quoi, vraiment, elle ne le renvoyait point ? Quoi ? elle ne songeait même pas à ramener sur sa poitrine le voile de dentelle ? Ebloui du divin spectacle, extasié du bonheur probable, il s'agenouilla, et, marchant sur les genoux avec une lenteur qui craint de faire du bruit, il se rapprocha encore de la chaise-longue. Ses mains qui s'avançaient frissonnantes, touchèrent, non la peau, — oh ! il n'eût pas osé ! — mais les étoffes, et, peu à peu, du bout des doigts, avec les temps d'arrêt d'un voleur qui ouvre un coffre-fort, — tandis que la comtesse, ne s'apercevant de rien, lui disait des choses vaines : « il ne fait guère beau aujourd'hui ; vous n'êtes pas allé à la chasse ? vous aurez eu peur de la pluie ? » — il la dépouilla du corsage défait, du corset, des jupons, et des bas de soie noire, tant qu'enfin elle fut pareille à une hamadryade couchée, sans voile, après le bain. Elle l'avait laissé faire, pas étonnée, tranquille, causait, souriait, avait de l'esprit. Enfin, sûr d'être aimé, ivre de joie, il eut un cri de triomphe ! et, lui prenant les mains, il les couvrit de baisers furieux. Mais alors, la comtesse Blanche de Caldelis, blême de colère, sursauta, et debout, toute nue, d'un geste auquel il n'y a rien à répliquer, elle chassa l'insolent, — parce qu'il lui avait baisé la main.


Static Wikipedia 2008 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2007 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2006 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Sub-domains

CDRoms - Magnatune - Librivox - Liber Liber - Encyclopaedia Britannica - Project Gutenberg - Wikipedia 2008 - Wikipedia 2007 - Wikipedia 2006 -

Other Domains

https://www.classicistranieri.it - https://www.ebooksgratis.com - https://www.gutenbergaustralia.com - https://www.englishwikipedia.com - https://www.wikipediazim.com - https://www.wikisourcezim.com - https://www.projectgutenberg.net - https://www.projectgutenberg.es - https://www.radioascolto.com - https://www.debitoformativo.it - https://www.wikipediaforschools.org - https://www.projectgutenbergzim.com