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C. Mendès : Monstres parisiens - VI (1883)
MENDÈS, Catulle (1841-1909) : Monstres parisiens. VI : Le vicomte Cyrille ;  La baronne de Trèfle ; Les Infaillibles (1883).
Numérisation du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.V.2012)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros] obogros@cclisieuxpaysdauge.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)

Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire (coll. part.) des Monstres parisiens (Paris : chez tous les libraires, 1883.– 10 fascicules en 2 tomes in-32, 242 + 232 p.)
 
Monstres parisiens
VI
par
Catulle Mendès

~*~

LE VICOMTE CYRILLE

DIS donc, freluquet, je t'ai invité à tâter de ma cuisine, pas de ma cuisinière !

Et le bon vieux peintre, dans un éclat de rire, - large face rose, avec des rides de laboureur, entre la barbe et les cheveux ras qui grisonnent, - poussa d'un coup de poing le joli vicomte qui tourna sur lui-même comme une toupie fouettée.

- Tu sais, ajouta le brave homme, je défends qu'on touche à Thérèse, moi ! C'est une belle fille, qui me plaît. Je me fiche pas mal de vos Parisiennes fines comme des aiguilles ; je préfère cette paysanne qui me remplit bien les bras. Je ne comprends pas l'amour, les mains vides. Tu as une fière chance d'être maigrichon comme une demoiselle, car, sans cela, tonnerre du Diable ! je t'aurais cassé en plusieurs morceaux, et ça n'aurait pas été long.

En même temps il avait relevé jusqu’à l'épaule la manche gauche de sa veste d'atelier, et faisant saillir ses muscles, il frappait d'une rude main velue le relief énorme du biceps, qui ne trembla point.

A ce spectacle conseiller de prudence, le vicomte Cyrille, - élégant amateur de peinture, qui s'encanaille parfois dans les ateliers, - jugea bon de prendre les choses en plaisanterie.

- Eh! dit-il, voilà beaucoup de bruit pour une servante pincée. Qui diantre se serait imaginé que votre jalousie...?

- Ma jalousie !

Le vieux maître, les poings aux côtes, riait à tel point que son ventre s'abaissait et montait comme un tremplin qui vient de recevoir le coup d'élan d'un gymnaste.

- Tu te figures que je suis jaloux de toi, gringalet ! Mais tu ne t'es donc jamais regardé dans la glace, petit ? On se ferait une idée des roseaux, sans en avoir jamais vu, rien qu'à contempler tes jambes. Seulement elles sont prêtes à rompre, tout en pliant. Si je te mettais la main sur la poitrine, je toucherais, du pouce, à ton épaule gauche, et, du petit doigt, à ton épaule droite. Tu te crois irrésistible, avec tes vingt-sept ans qui ont des rhumatismes, et ton maquillage de fille, et les odeurs d'Ylang-Yang et de Lubin, - un tas de saletés, - que tu as ramassées dans tous les restaurants et dans toutes les coulisses ? Ote-toi de là, je vais souffler, et tu t'envolerais par la fenêtre. Jaloux de toi, saint bon Dieu ! Vous êtes donc assez niais, toi et tes pareils, pour vous imaginer que vous êtes des hommes ? Allons, ne te rebiffe pas. A quoi ça te servirait il ? Assieds-toi, et ne bouge plus. Tiens, puisque tu as pincé Thérèse, - une fille qui te porterait à bras tendu de Barbizon à Chailly, - je vais en profiter pour te dire ton fait, à toi, et à quelques autres !  »

*
* *

« Pour être des hommes, il vous manque une seule chose, qui est à peu près tout Comprenons-nous bien. Je ne vous demande pas d'être des esprits ou des cœurs sublimes. Du talent jusqu’au génie, de l'amour jusqu'à la passion, ce n'est pas le fait du premier venu. On a le droit d'exister, - sans cela il faudrait accrocher l'écriteau : « Appartements à louer » à tous les murs de la rue humaine, - et de ne pas être Shakespeare ou don Juan. L'idéal, peste ! il serait absurde que l'on voulût forcer les gens à se hisser jusque-là. Le comprendre, l'entrevoir seulement, ce serait déjà bien joli. Je ne vous en demande pas tant. Je suis un n'importe qui, tout rond, pas compliqué, sans visées hyperphysiques, qui met sur la toile ce qu'il a vu dans la nature, - trop heureux si ses arbres imitent suffisamment les arbres de la forêt, si ses vaches ou ses brebis ne ressemblent pas à celles que l'on achète chez les marchands de jouets. Ce qui me convient dans Thérèse, c'est qu'elle me sert de la viande saignante et de la chair vive. Donc, sois tranquille, je ne pense pas que, pour avoir droit à l'air et au pain, il soit indispensable d'écrire des chefs-d'œuvre ou de grimper à une échelle de corde, au-dessus d'un précipice, dans la seule espérance de voir à travers le rideau sa bien-aimée faire la prière du soir devant une branche de buis bénit. Non pas ! redescendons, de toutes les échelles. Soyons pratiques. Mais, saperlipopette, pour être un homme, il faut au moins être une bête, je suppose ! Un jour, monsieur le vicomte, je vous conduirai dans un haras. Vous verrez dans la poussière en tourbillons l'ardent étalon qui se cabre, et qui hennit, furieux et superbe, et qui assaille la femelle écarquillée ! C'est cela qui vous donnera à réfléchir, mon camarade.

*
* *

« Ton histoire, - et celle des autres, - n'est pas difficile à deviner. Tout petit, tu n'étais pas plus mal bâti que le commun des mortels. Un de ces enfants qui peuvent devenir capables d'en faire. Mais, voilà, ta mère, une mondaine, t'a roulé dans la poudre de riz, comme on roule les éperlans dans la farine. Et vous êtes frit, vicomte ! Au lycée, tu n'as rien appris, naturellement, - ça, ça me serait égal, - mais tu n'as pas même joué aux barres. Virgile t'assommait, et la gymnastique t'éreintait. Tu faisais d'antres lectures, et d'autres exercices. On allume une petite bougie, la nuit, sous le drap soulevé, pour étudier le « Portier des Chartreux » ; il y a des coins, dans la cour de la récréation, à côté de la pompe et derrière les arbres, où les pions ne surveillent pas les écoliers qui se parlent deux à deux, ou par groupes. Tas de Corydons et d'Alexis ! Ah ! cette églogue-là, tu l'as lue, et tu l'expliquais aux « nouveaux », avec des commentaires. Je t'en aurais fichu, des coups de pied dans les reins ! Pour ce qui est des amourettes avec la petite cousine, des marguerites effeuillées, ah ! bien oui, des niaiseries. Faire la cour, c'est trop long. Avec ça que ce serait drôle, une petite sotte qui n'a lu que Paul et Virginie. Une éducation à faire ! plus souvent. Les femmes de chambre ou les cuisinières, oui, à la bonne heure, - il t'est resté, ce goût-là. Mais ces filles ont pour amoureux de robustes goujats, qu'elles préfèrent, et tu t'en revenais au lycée, - et à l'églogue. De sorte que, chétif, maigre, la poitrine rentrée, l'air d'avoir été plié en deux et d'avoir gardé le pli, de la bile et du sang à tes yeux sans cils, tu ressemblas bientôt à l'un de ces enfants cacochymes qui, jadis, jouaient les rôles de vieillards au théâtre de M. Comte. « C'est la croissance, » disait-on. Tu ne grandissais guère ! et même, à ta sortie du collège, quand ta taille se fut développée, -une perche qui va tomber,- tu étais encore comme un nain rachitique, et vieillot, qu'on aurait tiré en long. Alors ce fut du propre ! Dame, tu en avais lu de belles. Tu avais des espèces de rêves. La Popelinière t'avait enseigné un idéal. L'Idylle de Virgile t'avait fait pressentir et désirer celle de Théocrite. Tu concevais, à ta façon, des oaristis. Quelle fête ! En as-tu pris, à Bullier, à l'Elysée-Montmartre, aux Folies-Bergères et dans les brasseries à femmes, de ces maquillées qui, avant de se coucher, mettent leurs chignons sur la table de nuit. Quant à l'idée d'aimer, de convoiter seulement une belle fille saine et violente, franche de corps sinon de cœur, qui t'eut bien serré sur sa poitrine dure, tu ne l'as jamais eue ; tu avais peur d'une étreinte sincère, où tes os auraient craqué. Il te fallait déjà ces compagnonnes blasées ou lasses, qui bâillent au lit, tournent vite le dos, et dont l'ennui s'accommodait de ta faiblesse. Ta virilité, les chevreaux de Corydon l'avaient broutée dans le cytise amer ! N'importe, la fête, toujours ! sans désir réel, sans plaisir vrai ! Tant qu'enfin, après tant de longs soupers chez Lucien ou aux Halles, - un instinct, chez les filles comme chez toi, de reculer l'heure de l'abjecte hypocrisie, - après tant de louis laissés sur la cheminée, le lendemain, avec regret, après avoir, non certes dans la débauche, mais dans sa parodie, définitivement brisé, avili, annulé, ce qui te restait, à vingt-trois ans, de jeunesse, tu t'es écrié, un beau jour : « Tiens, si je me mariais ? »

*
* *

« Et tu t'es marié, en effet, avec une jeune fille, dix-huit ans, jolie, qui ne connaissait pas même de l'amour l'espérance du bonheur. Misérable ! Elle était là, dans le lit nuptial, ignorant tout, craignant tout, désirant elle ne savait quoi. Rose, elle cachait sa rougeur dans les dentelles de l'oreiller et dans ses cheveux qui bouffent ; elle avait de petits frissons, et, à la fois, elle était épouvantée et délicieusement émue d'être là. Une enfant qui va devenir femme, c'est exquis et auguste. Elle pleurait un peu, elle souriait, prête à tout refuser, vaguement consciente pourtant d'un devoir, - et d'un droit ! Et, toi, tu restais immobile, la regardant, inquiet, avec tes réminiscences de collège et tes souvenirs de cabinets particuliers. Sois sincère, mon camarade : ce fut un moment fâcheux. Enfin, t'inclinas vers elle. Ah ! misérable ! misérable, te dis-je ! L'époux est un monstre, qui, en souillant la vierge, ne divinise pas la femme. Rien ne t'absoudra de l'impur sacrilège, et il ne te sera jamais pardonné, cet effroi étonné d'une innocence, qui, sans avoir rien prévu, devine qu'on la déçoit. C'est en vain que tu partis pour l'Italie avec la vicomtesse, - le chemin de fer, suprême espérance ! - c'est en vain que tu tentas de divertir son instinct ou son rêve dans les plaisirs du monde, du luxe, dans mille folies ; peu à peu, elle comprit, et, six mois après, elle avait un amant. De quoi te serais-tu plaint ? Tu ne te plaignis pas. Tu éprouvas, dans ta bassesse, quelque chose qui ressemblait à la joie d'une délivrance. Tu respiras comme après un fardeau tombé ; et, alors, tu repris ta vie de naguère. Celui qui n'avait pas eu d'épouse, eut des maîtresses ou feignit d'en avoir. La fête encore ! mais plus élégante, car la dot de ta femme t'avait fait millionnaire. Les filles de théâtre, après les filles de brasseries ; et même, au lieu des petites cocottes, les grandes cocodettes. La réputation d'un viveur effréné, tu l'as conquise, et tu l'as méritée, à un certain point de vue. La complicité de celles pour qui c'est le plus beau des rêves que leur métier soit une sinécure, les manèges compromettants des flirtations qui aboutissent rarement aux abandons d'un canapé définitif, sauvegardent ta renommée. Même, à tes propres yeux, tu n'es pas aussi parfaitement déchu que tu devrais le croire. Tu te fais des illusions. Il t'arrive d'imaginer que tu désires ! Il t'arrive de pincer Thérèse dans le gras des reins ! Quelquefois aussi, de loin en loin, tu sors, la nuit, non de chez l'une de tes maîtresses, mais de quelque maison aux fenêtres closes, dont la porte se referme très vite, et, content de toi, respirant aussi largement qu'il t'est possible, tu marches, le long des murs, avec un air de triomphe, - pareil à un gastralgique incurable qui ne peut avaler lui-même aucun aliment, et qui, après qu'on a réussi à le nourrir artificiellement, au moyen de tubes en caoutchouc où glissent des bouillies, s'écrierait en s'enorgueillissant : « C'est égal, j'ai joliment bien dîné ! » Cependant, prenez garde, vicomte Cyrille. Il se peut que votre réputation de viveur souffre bientôt de plus d'une atteinte, et déjà l'on raconte une aventure assez plaisante, ma foi ! Vous étiez à la campagne, je ne sais quand, l'autre jour, avec des cabotines et des clubmen ; on manqua le train du retour ; aucune autre ressource que l'auberge voisine ; tous les couples logés, il resta deux chambres, - un lit dans chacune, - pour Lila Biscuit, pour Rose Flaman et pour vous. « Eh bien! dit Lila Biscuit, qui se décide vite, je coucherai avec Rose. - Mais point du tout ! s'écria celle-ci en montrant toutes ses dents dans un beau rire fou ; je suis une très vertueuse personne, et je partagerai le lit du vicomte, par prudence ! »


LA BARONNE DE TRÈFLE

CECI est une oraison funèbre. Car elle est morte, la pauvre baronne, en quelques râles, le crâne ouvert sur le pavé de la rue, avec du sang et de la cervelle parmi l'or des cheveux, morte comme cette exquise et abjecte comtesse de Lamotte qui se jeta par la fenêtre, à Londres, un soir qu'elle était ivre. La baronne n'était pas ivre. Pourquoi donc ce suicide ? On a dit: « Accès de folie. » Folie, oui, accès, non. Folie sans accalmie, pas d'accès, ou toujours l'accès. Depuis cinq ans ! C'est une longue histoire qu'il faut dire très rapidement, parce qu'elle est horrible. Mais la tombe de la baronne est charmante, au Père-Lachaise, avec ses touffes de myosotis qui seront fanées demain et ses bouquets de violettes de Parme toutes fraîches encore d'une rosée qui fait croire à des larmes.

*
* *

Elle mit un louis sur le 14, en plein. C'était à Monte-Carlo, au commencement des choses. Elle faisait son voyage de noces. Le baron était parfait; riche, élégant, ni trop beau ni trop laid, ni trop vieux ni trop jeune, aimable assez pour être supporté, pas assez pour donner le goût d'en aimer d'autres. D'ailleurs, est-ce qu'elle songerait jamais à aimer quelqu'un, cette petite femme presque pas femme, cette jolie chose parlante, toute soie et poudre de riz, de la peau peut-être sous l'étoffe et le fard, mais pas de cœur certainement sous la peau ? Si Eve avait été pareille à ces mignonnes et vaines créatures, ce serait Thomas Holden qui serait Jéhova. Est-ce que vraiment elles ont été engendrées et enfantées ? le moins possible. Un hasard de flirtation extrême, dans le boudoir tendre et sombre où les lampes ne sont pas encore allumées, - et non le fort et sain embrassement des couches conjugales ; puis, entre deux bals, quelques semaines de repos sur la chaise longue dans les dentelles pâles du peignoir. C'est à peine si on les a entrevues, bébés, - car la nursery se dérobe dans les lointains de l'hôtel ou de l'appartement - et, seize ans plus tard, on les retrouve poupées. Qui veut se les offrir, en manière d'étrennes ? Le baron avait lieu d'être satisfait de son emplette. Tout à fait gracieuse à montrer. Et il n'avait rien à craindre pour l'honneur de son nom ; l'adorable automate savait dire beaucoup de mots très drôles, mais on ne lui avait pas mis dans le corps le soufflet qui soupire : « Je vous aime. » Ainsi, le meilleur des ménages, avec les courtoisies convenues et toujours le baiser sur la main quand le mari arrivait ou s'en allait. C'est bon pour toi qui baises ta Martine à bouche ouverte, de la battre à poings fermés, Sganarelle ! tu n'entends rien aux délicatesses des unions mondaines. Aucun événement brutal n'aurait interrompu la félicité des nouveaux époux, - faite d'un tas de petites misères évitées,- si la baronne n'avait mis un louis sur le 14, en plein.

Elle gagna, joua encore, gagna encore.

Alors, tout à coup, elle eut le regard fixe, acharné sur les billets et sur l'or, et ses doigts se crispèrent, enfonçant dans la chair les grêles ongles roses. Vous avez vu un chat, d'un seul bond, agripper un moineau ? C'est ainsi que le jeu la saisit ; elle avait un petit râle dans la gorge, comme un étranglement délicieux. Dès lors elle joua toujours, toujours, toujours, - et partout. La roulette à Monte-Carlo, le baccara à Paris. Un besoin éperdu d'entendre la bille d'ivoire virer, siffler, hésiter entre le repoussement des cases, se fixer dans un bruit sec, ou de voir se retourner la carte qui précise la toute puissance du sort. Sa dot, - qui lui appartenait, - elle l'émietta, la déchiqueta furieusement sur les tapis verts avec l'emportement d'une femme trompée qui déchire les lettres d'amour. « En veux-tu ? - Eu voilà. » Le jeu en voulait bien. Elle donna des dîners, pour qu'on jouât après ; elle donna des bals, pour qu'on jouât pendant. La dot évanouie, elle dit au baron: « De l'argent, ou j'emprunte ! » Il devina à quelles conditions elle emprunterait, donna l'argent, commença à craindre de se ruiner. Elle avait pour amies de vieilles femmes qui jouaient avec leurs valets de chambre, le matin, avant déjeuner, sur la nappe ! Elle venait les voir, se mettait à jouer les poches pleines, ne cessait de jouer que les poches vides. Oui, les poches. Elle avait depuis longtemps renoncé aux portefeuilles en peau de boa, aux porte-monnaie en cuir de Russie : les pièces empoignées à pleines mains sous l'étoffe qui fait du bruit. C'était son horrible joie, - quand elle perdait, - de tâter et de remuer dans sa robe les sonnants espoirs de revanche. Uu demi-million,- la plus belle moitié de la fortune de son mari, - disparut en deux ans. « Vendez l'hôtel ! » Il le vendit, de plus en plus inquiet. Alors, la furie de sa passion s'exaspérant comme un incendie sous la tempête, la baronne ne prit même plus de prétexte pour donner à jouer : plus de dîner, plus de bal, les cartes tout de suite. A peine dix personnes dans le salon: « Apportez les tables ! » disait-elle. Une pensée unique : « se refaire ». On l'appelait déjà la baronne de trèfle. Toilettes? Flirtations ? choses oubliées. On s'aperçut, - habillée de la première robe venue, pas maquillée, - qu'elle devenait laide. Elle l'avait toujours été, l'adorable poupée. Elle ne le cachait plus. Ah ! bien, elle ne s'inquiétait guère des couturiers ou des coiffeuses. « Banco », le souflet qui lâchait ce mot-là, on ne l'avait pas omis dans le corps de l'automate. Le prix de l'hôtel était dissipé depuis longtemps; pas mille francs dans les tiroirs. Le baron se fâcha ; séparation, conseil judiciaire, que sais-je ? Il avait besoin de ce qui lui restait, ce mari, pour acheter des bijoux et des fleurs à une figurante des Fantaisies-Parisiennes. Le scandale n'émut pas la baronne. Séparée ? soit, plus libre. Elle s'installa à la diable, au quatrième étage, mit en nourrice sa petite fille qu'on lui avait laissée, - une enfant née en voyage, entre Marseille et Nice, l'hiver dernier, - compta, pour payer ses meubles, sur la pension que le tribunal lui avait allouée, ne les paya pas, joua la pension, perdit, emprunta à des parents de province, perdit encore, ne cessa pas de jouer, devint résolument une misérable folle qui s'informe des tripots, connaît les roulettes défendues, fait des prodiges déploie du génie pour trouver, le matin, l'argent qu'on lui volera, le soir, et ne s'endort pas avant l'aube grise, ou plutôt ne s'endort jamais, tourne dans son lit, les yeux écarquillés, palpant de ses mains moites des gains imaginaires, ne songe même pas qu'elle a perdu les quarante sous réservés pour le déjeuner et que, n'ayant pas le sou, elle a dit au cocher qui l'a ramenée de venir se faire payer le lendemain.

*
* *

La semaine dernière elle rentra chez elle en plein jour. Neuf heures du matin. Oh ! l'affreuse nuit. Chez Léocadie Tripier, qui donne à jouer, et à aimer. Une vieille chez qui viennent des jeunes. Elle en était descendue là, la baronne. Et jamais la chance ne l'avait poursuivie avec plus d'acharnement que cette nuit. Les derniers cinq louis - obtenus la veille en engageant une pendule saisie, - elle les avait perdus, franc par franc. Car elle jouait petit jeu, hélas ! comme un ivrogne, devant la bouteille presque vide, ne boit plus qu'à petits coups. Pas une seule fois elle n'avait gagné ! Elle avait les lèvres tout en sang, de les avoir mordues. Puis, après la partie, éreintée, elle s'était couchée sur un canapé dans le salon. Les lits étaient occupés par des dames qui n'étaient pas seules. Maintenant, elle rentrait. Léocadie Tripier lui avait offert une tasse de café au lait, avec du pain dedans. « Ça vous remettra. » Elle rentrait. Elle était venue à pied, dans le vent froid, sous la pluie. « Madame, dit la femme de chambre, maigre, hargneuse, à qui l'on doit six mois de gages, l'huissier est là, on fait le récolement. C'est la vente aujourd'hui. «  Eh ! que l'on vende. Seulement, voilà, elle ne pourrait pas mettre les rideaux au Mont-de-piété ; elle en aurait eu quatre-vingts francs au moins ; avec çà on aurait pu se refaire ; ça s'est vu. L'huissier et ses praticiens étaient dans le salon ; elle alla dans la chambre. Là, des cris d'enfant. La nourrice, jamais payée ; avait rapporté la petite. Dans le jour sale du matin d'hiver,    dans la chambre où il faisait froid, c'était lugubre, cette chétive créature, vêtue de chiffons, qui se tordait sur un fauteuil où on avait déployé un torchon de cuisine. Alors la baronne de trèfle se regarda dans la glace, pendant que l'enfant geignait et que la voix de l'huissier disait, un peu lointaine « Item, une jardinière de Boule… » Il y avait longtemps qu'elle n'avait regardé avec attention son visage. Laide ! oui, elle était laide. Des gonflements sous les yeux. Des plaques rouges sur les joues. Lèvres blêmes. Pas seulement la ressource d'aller chez la Tripier, dans la journée. Et pas d'argent, pas d'argent du tout ! Tout à l'heure l'appartement vide, avec la petite qui crierait, voulant du lait ou de la soupe, la domestique se fâchant, insultante. Elle vit que la fenêtre était ouverte. Il venait un air frais. Un moineau qui pépiait sur le balcon s'envola. S'envoler aussi ! elle pensa que ce serait doux d'être morte. A une fenêtre, en face, il y avait, derrière la vitre, des fleurs. Elle se dit que son mari, heureux d'être tout à fait délivré d'elle, lui ferait un bel enterrement, ferait mettre des fleurs sur la tombe. Elle s'approcha de la fenêtre ouverte. L'enfant criait, l'huissier disait : « Item, une table de Boule… » Elle s'approcha encore, se hissa, enjamba la barre du balcon et se laissa tomber. Le baron, ainsi qu'elle l'espérait, a porté des fleurs sur la jolie tombe. Seulement, comme il est réduit à de petites rentes et qu'il est un rentier prudent, la figurante des Fantaisies-Parisiennes, ce jour-là, n'a pas eu de bouquet.


LES INFAILLIBLES

VALENTIN dit :

-Ce qui distingue la femme de l'homme...

- C'est...

Valentin ne daigna pas sourire de cette médiocre facétie ; et, d'un air très sérieux :

- C'est qu'en aucun cas la femme ne se résout à se croire coupable de quoi que ce soit, sa faute fût-elle absolument prouvée ou parfaitement manifeste ! Non seulement elle nie, - l'homme serait capable d'un tel mensonge, - non seulement elle pouffe de rire au nez de l'évidence et dit au soupçon le mieux fondé : « Tu radotes !» Mais elle a en soi la faculté extraordinaire de se juger irréprochable, lorsque tout la condamne ; c'est avec une sincérité entière que, prise sur le fait, elle crie : « Ce n'est pas vrai! » et, si vous l'accusez d'impudence et d'hypocrisie, vous faites preuve d'une absurde ignorance de sa véritable nature. Quelque troublée et quelque assombrie que soit une conscience virile, il y subsiste toujours je ne sais quelle lueur qui oblige l'homme à s'apercevoir de ses erreurs ou de ses crimes ; il peut ne pas avoir de remords, il peut avoir le mauvais orgueil du mal, mais ce mal, dont il ne se repent point ou dont il se targue, il sait qu'il l'a commis. La femme, non. Cette grâce lui a été départie de s'estimer, dans le péché même, impeccable, et les vieilles cocottes qui épousent des rastaquouères se croient peut-être vierges en entrant dans le lit nuptial. Interrogez n'importe quelle fille, écœurement de tous les sophas d'hôtel garni, rebut de tous les trottoirs, ayant toutes les souillures au cœur et toutes les crottes au jupon, il y a vingt à parier contre un que, si elle vous raconte son histoire, elle voudra se faire passer pour une personne restée intacte dans le pataugement des boues ; elle accusera tout le monde, père, mère, ou frère, le premier maître ou le premier amant, et la misère et les hasards, jamais elle ne s'accusera elle-même, fût-ce d'une peccadille ou d'une imprudence ; victime toujours, rien que victime ; et tandis qu'elle parlera avec des hoquets d'ivrognesse et de relents de baisers à l'ail, vous verrez dans ses yeux la persuasion parfaite de son ingénuité. Ah ! vraiment, quand votre maîtresse, pleurant et bégayant de rage, vous reproche l'injure de votre jalousie si bien fondée qu'elle soit, vous croyez à une comédie ? Erreur profonde. Ce qu'elle dit, - ce mensonge déconcertant à force d'audace, - c'est pour elle la vérité même ; l'accuser, elle, elle ! voilà qui est trop fort, véritablement; et, n'était sa colère à cause de votre injustice, elle vous prendrait en pitié à cause de votre imbécillité! D'où provient cette prodigieuse puissance d'illusion ? C'est ce que nul, je m'imagine, ne saurait dire avec certitude. D'une admiration de soi, si passionnée et si aveugle qu'elle ne saurait rien admettre de ce qui la pourrait diminuer ? C'est possible, je ne sais. Mais cette puissance existe, incontestable. Et, sans elle, comment expliqueriez-vous le manque absolu d'indulgence à l'égard des autres chez celles qui en ont besoin, plus que les autres ? Malfaisante, médisante. La pruderie extrême n'est pas incompatible avec l'extrême libertinage. Qu'une femme, en quittant l'oreiller encore chaud des baisers coupables, apprenne que son mari, la veille, est allé dans un petit théâtre applaudir la gorge et les cuisses d'une diva d'opérette, elle poussera les hauts cris, se jugera la plus insultée des femmes, pleurera, fera ses malles ; ce qui lui paraîtra surtout abominable, c'est qu'un pareil outrage ait été fait, précisément, à la plus vertueuse des épouses ; et il se peut qu'elle jette à la tête de l'époux l'oreiller adultère, qui a plus de mémoire qu'elle. En vérité, je vous l'affirme, si quelqu’un avait raconté à Messaline, au moment même où elle revenait de la Subura, qu'une Vestale, au cirque, avait regardé à la dérobée les bras nus d'un esclave de Gaule, elle eût fait enterrer vive la vierge criminelle, en s'étonnant qu'une aussi exécrable offense aux bonnes mœurs, qu'un aussi complet oubli de toute réserve et de toute pudeur eût pu se produire à Rome, elle étant impératrice. Ecoutez autour de vous ! C'est madame de Graçay -dont tous les journaux ont raconté la fuite en Angleterre avec la petite Léo, des Nouveautés, - c'est la comtesse de Belvélise, - dont un procès scandaleux a révélé la liaison avec son valet de chambre, - qui, plus cruellement qu'aucune, sous l'éventail, avec des rougeurs étonnantes, épient, constatent, dénoncent l'innocence relative des flirtations mondaines. Vous supposez qu'elles ont oublié leurs propres aventures ? Elles n'ont jamais eu à les oublier, ne se les étant jamais avouées à elles-mêmes. Et, en vérité, la pire des débauchées, en se regardant dans son miroir la bouche encore pâlie d'on ne sait quels baisers, est tentée de s'écrier : « Tiens ! un ange ! » Oui, un ange. Des anges, toutes ! Plus elles ont failli, plus elles se jugent infaillibles. Mais ce n'est pas seulement à ceux qu'elles ont trahis qu'elles affirment, avec candeur, leur innocence; il ne leur suffit pas d'être elles-mêmes convaincues, inébranlablement convaincues, de leur pureté sans tache : elles vont plus loin encore! Vous connaissez madame Hélène de Courtisols ? Elle a un amant, le vicomte d'Argelès. Eh ! qui l'en blâme ? Petite comme une enfant un peu grande, toute blanche et toute rose, et si grasse partout, avec des yeux qui s'allument très vite et des lèvres couleur d'écrevisse, - que de piments on y devine ! - elle est tout à fait séduisante, d'autant plus qu'un joli air de pudeur et même de niaiserie, répandu sur son charme endiablé, - une petite folle qui serait une petite nonne, - autorise des espoirs de résistance ingénue et d'abandon étonné ; et il serait fâcheux qu'elle se bornât à faire le bonheur de M. de Courtisols. Elle ne s'y borne pas ! Il n'est personne qui puisse ignorer son attachement pour le vicomte. Où les voit-on ensemble ? partout, dans la même voiture, au Bois, dans la même baignoire, aux premières. Oui, aux premières ! Comme cela, sans se gêner. Et la main de Mme de Courtisols n'est jamais seule sur le rebord de la loge. Pour un peu, ils se tutoieraient devant tout le monde. Et c'est en plein jour qu'elle descend rue Saint-Georges, d'un fiacre aux stores levés, devant la porte de la maison neuve où le vicomte a loué une garçonnière. Moi qui vous parle, je les ai vus, une après-midi, - elle en peignoir de rubans et de valenciennes, - à la fenêtre. De sorte que le mari a fini par se douter de quelque chose ! Comme il se donne le ridicule d'être jaloux, il a fait suivre sa femme, l'a suivie lui-même, Il voulait une preuve, il l'a eue. Un beau jour, - la porte enfoncée sous le genou d'un robuste commissionnaire dont il s'était fait accompagner, - il a pénétré dans la garçonnière avec une telle soudaineté qu'il a vu le vicomte d'Argelès, à demi rhabillé, sauter dans le jardin par une fenêtre heureusement peu haute, - un entresol très bas, - tandis que l'épouse coupable, à demi-nue, levait la tête dans le trouble de ses cheveux ébouriffés. Mais elle ne fut pas décontenancée, non, pas une minute ! Cet homme qui avait fui, ce devait être un voleur. Cet appartement, c'était celui d'une amie. Si elle était couchée dans ce lit, c'était à cause d'une indisposition qui l'avait prise tout à coup. Ce chapeau d'homme, sur une chaise, quel chapeau ? où voyait-il un chapeau ? il n'y avait pas de chapeau. Ni de redingote, ni de gilet, ni rien du tout : Et, en disant cela, elle le croyait ! Oui, elle le croyait ! Tel était son air de candeur, - ce n'était pas un air seulement,- que le mari la considérait avec des yeux où la stupéfaction se mêlait à la rage. Mais, forte de son innocence, elle ne s'en tint pas à la proclamer. Avoir été l'objet d'une pareille algarade, c'est ce qu'une honnête personne ne saurait endurer. Le soir même, tout émue encore d'une indignation légitime, elle alla chez son amant. « Vicomte ! lui dit-elle très vite sans lui donner le temps de s'informer des suites de leur mésaventure, vicomte, je sais que vous avez beaucoup d'amitié pour moi. Il faut que vous me serviez de guide dans des circonstances pénibles. Conduisez-moi chez un avoué. – Eh ! pourquoi faire, mignonne ? - Je veux intenter à mon mari un procès en séparation. – Vous ?- Moi-même Courtisols est un fou ; la vie auprès de lui m'est devenue impossible. - Explique-toi. Que t'a-t-il fait ? - Le plus imprévu des affronts. - Mais encore ? - Ah! Gaston, s'écria-t-elle en fondant en larmes, vous ne devineriez jamais. Il croit que je le trompe ! »


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