GUEULLETTE, Thomas-Simon (1683-1766) : Le mauvais exemple.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (24.VII.2000) Texte relu par : Y. Bataille Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56 Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées Texte établi sur un exemplaire (BmLx : ns 919) de l'édition du Théâtre des boulevards, réimprimée à Paris en 1881 par Edouard Rouveyre, avec une notice de Georges d'Heylli. PARADE
~~~~ACTEURS
CASSANDRE. ISABELLE GILLES. Madame GILLES. SCENE PREMIERE.
GILLES, MADAME GILLES.
GILLES.
JE ne fus pas plutôt marié que j'eus une femme. N'est-ce pas vrai, not' Minagere ? MADAME GILLES.
Que ça est drôle ! est-ce que je n'eus pas un homme, moi ? GILLES.
Ah oui : ça n'est bien drôle qu'au commencement, n'est-ce pas ? MADAME GILLES.
Fi donc, que cela est vilain, tu penses toujours à la gaudriole. GILLES.
Quelle bête est-çe ç'a, Madame Gilles, que la gaudriole ? MADAME GILLES.
Voyez le grand benêt, qui fait les choses sans le sçavoir. Mais je commence à m'appercevoir que tu te négliges à mon endroit ; je t'assure que je te ferai marcher droit. GILLES.
Oh dame, je vais droit tant que je puis ; quand je boite, pardienne, ce n'est pas ma faute. Mais not' Minagere, à propos, je n'y pensois pas, vous le prenez bien haut, sçavez-vous bien que la quenouille va mal, quand la barbe n'a pas le dessus. MADAME GILLES.
Ah oui, ta barbe, je t'en réponds : ce que tu dis n'est pas toujours vrai. Mais dans les affaires de la vie, il y feroit beau voir ; est-ce que la jupe ne vaut pas mieux que la culotte ? demande plutôt à ces Messieurs. GILLES.
Il y en a peut-être d'uns et d'autres, mais enfin dans la culotte est la force, la culotte a toujours le dessus. MADAME GILLES.
Je te dis moi que sous la jupe est la force, et que toi ni d'autres ne lui donneront jamais son reste. GILLES.
Il faut convenir, Madame Gilles, que vous avez un joli bec. MADAME GILLES.
Pour ç'a oui, je l'ai meilleur que toi. GILLES.
Pardienne, ç'a est drôle, je ne puis m'empêcher d'en rire ; elle appelle un bec..... ah, ah, ah, c'est, comme dit l'autre qui disoit à l'autre, voyez l'insolent, qui appelle la quille de mon pere un bec. Ah, ah...... MADAME GILLES lui arrachant son jerôme.
Ah ! je t'apprendrai à rire. (Elle le frappe). GILLES.
Madame Gilles, vous me faites tort, vous prenez mon droit, je soutiens que c'est à moi qu'il appartient de battre dans le ménage. MADAME GILLES.
Tu vois bien que c'est à toi qu'il appartient d'être battu. Prends garde tant seulement à ce que tu diras. Vois moi tenir ce jerôme, vois comme je m'en aide ; est-il trop gros pour ma main ? GILLES criant.
Ah, ah, ce n'est pas ç'a que j'y voudrois voir. MADAME GILLES.
Eh bien ! la jupe est-elle la plus forte à stheure ? GILLES.
Pardienne oui, quand alle est accompagnée d'un gros jerôme. MADAME GILLES.
Je te dis qu'elle l'est toujours. (Elle le frappe). GILLES.
Au feu, au feu. MADAME GILLES.
Pourquoi cries-tu au feu ? GILLES.
C'est pour qu'on vienne plus vite. Au feu, au feu. SCENE II.
CASSANDRE, GILLES, MADAME GILLES.
CASSANDRE.
QU'EST-CE donc, mes enfans, qu'est-ce qui brule ? GILLES.
Pardienne, not' Maître, c'est moi qu'on bat. CASSANDRE.
Ah ? ce n'est rien ; ce sont petites privautés d'amour, qui font la paix d'un heureux mariage. GILLES.
Pardienne, voilà de drôles de pets. J'en fais qui ne font pas tant de mal que ç'a. CASSANDRE.
Va, mon ami, quand tu seras plus sage, tu connoîtras la sagesse, voici cinq sols et demi de monnoye pour m'aller acheter...... mais non, je consens de t'en faire un présent en pur don pour aller boire à ma santé. GILLES.
Pardienne, c'est mieux dit que ce que vous contez ordinairement. Allez, laissez-moi faire, je vais faire une bonne comparaison avec une pinte de vin. CASSANDRE.
Eh bien oui, va te rafraîchir : et moi je vais pendant ce tems faire ta paix. GILLES.
Oh petez tant qu'il vous plaira ; mais je n'entends pas que vous petiez pour moi. CASSANDRE.
Tiens, prends ton jerôme. GILLES.
Mordienne, je n'en veux point, il m'a battu. Eh bien si fait, donnes-le, not' minagere, il me servira peut-être à prendre ma revanche. (Il sort). CASSANDRE.
Vous voyez, ma mignonne, comment l'amour rend libéral. GILLES revenant
Eh, not' Maître ? CASSANDRE.
Plaît-il ? GILLES.
Boirai-je du vin ? CASSANDRE.
Et pourquoi non ? ç'a est fort du vin, ç'a réjouit le coeur. GILLES.
C'est que si je buvois de la bierre, j'en boirois davantage pour vot'argent. CASSANDRE.
Eh mais la bierre est bonne, ç'a rafraîchit, et n'est pas si cher. GILLES.
Du vin, de la bierre, etc. (à volonté). SCENE III
CASSANDRE, MADAME GILLES.
CASSANDRE.
ENFIN donc le voilà parti, mais ce n'est pas sans peine. MADAME GILLES.
Ces vilains hommes sont comme ç'a toujours sur la boisson, au lieu de leur femme. CASSANDRE .
Vous voyez, ma pouponne, tout ce qu'il m'en coûte pour le faire partir. MADAME GILLES.
S'il pouvoit s'en aller pour ne pas revenir, dame, ce seroit ç'a qui seroit bon ; car voyez-vous, Monsieur Cassandre, ç'a est bien incommode un mari. CASSANDRE.
Oui, d'une incommodité certainement incommodante, et sur-tout un manan comme celui-là, qui maltraite toujours sa petite femme. MADAME GILLES.
Hélas ! vous avez vu vous-même à quelles extrémités je suis contrainte avec lui, je crois que si je ne l'avois battu, moi à qui on a donné pour surnom de Guerre, la Douceur, je crois, mon cher Monsieur Cassandre, qu'il m'auroit assommé. CASSANDRE.
Allez, mon adorable, vous êtes charmante, et je ne connois point de douceur plus douce que la vôtre. MADAME GILLES.
Si je ne vous avois pas pour me consoler dans mon affliction, je ne sçais ce que je ne deviendrois pas, mais vous m'en empêchez. CASSANDRE.
C'est vous qui me rendez les jours de ma vie d'un bonheur enchanté. Le petit trognon ! MADAME GILLES.
Faites donc queuque chose pour moi, Monsieur Cassandre. CASSANDRE.
Eh oui, mon adorable, sois persuadée que je le ferai tant que je pourrai. Par exemple, je vais bien vite chercher quatre livres dix sols qui me sont dues bien légitimement par un de mes comperes, et je reviens au plutôt profiter de l'absence de Gilles, et te carresser, te baiser, te.... MADAME GILLES.
Allez, allez, mon bon Monsieur, mais n'oubliez pas d'apporter en revenant, une quarte de bierre, et des échaudés ; car vous sçavez bien qu'il faut toujours baffrer, et et qu'après la panse vient la danse. CASSANDRE.
J'y cours, ma toute charmante. SCENE IV.
MADAME GILLES seule.
LE vieux fou avec sa bierre ! ce n'est pardienne pas celle-là qu'il lui faudroit, je n'en peux pas tirer grand'chose, j'en conviens, mais c'est toujours un amoureux en attendant mieux. Comment donc ! le voilà déjà de retour ? il vient ici ? à qui diable en a-t-il ? SCENE V.
CASSANDRE, ISABELLE, MADAME GILLES.
CASSANDRE à Isabelle.
JE veux sçavoir où vous alliez comme ç'a toute seule ? ISABELLE.
Hélas, mon cher papa, j'allois faire un tour sur le Boulevard. CASSANDRE.
Faites-le dans vot' chambre. Vraiment ! c'est bien là le promenoir d'une fille toute seule. ISABELLE.
Je vous assure qu'il z'y en a beaucoup, et de fort agriables ; mais si vous ne voulez pas que j'y aille, vous n'avez rien tant qu'à dire, et je ne vous quitterai pas toute la journée. (Elle regarde Madame Gilles) CASSANDRE.
Je ne dis pas cela. Il faut bien qu'une fille ait un peu de liberté : sans cela, le diable a bien de la malice. ISABELLE.
Ah, mon papa, je ne sçais point de malice. Comment cela est-il fait de la malice ? c'est-il bien gros, c'est-il bien long ? CASSANDRE.
Voilà qui est véritablement admirable. Attends, la malice, c'est..... mais je suis bien bon. Ce n'est point z'à moi à te le montrer, c'est à moi tout au contraire à te conseiller de garder ton honneur. ISABELLE.
Est-ce qu'on le peut emporter, mon papa ? CASSANDRE.
Voilà certes une petite fille plus embarrassante avec ces questions, que tout ce que je connois d'embarrassant. Que l'on se taise, et que l'on soit sage comme moi. ISABELLE.
Je n'y manquerai pas, mon papa, et je tâcherai de vous imiter. CASSANDRE.
Vous ferez fort bien ; autrement..... je sors, et quand je reviendrai, que je ne vous trouve pas ici. ISABELLE.
Oui, mon papa, irai-je sur le Boulevard ? CASSANDRE.
Oui, oui, c'est fort bien fait. C'est aujourd'hui le beau jour, tu y verras la fille à Madame Grate-cul la Revendeuse, qui a un équipage fait par Lancry, le plus brillant du monde. La femme de M. Pillardin, Procureur, qui joue le rôle de petite Duchesse avec son Clerc, à qui elle a fait mettre un plumet pour qu'il aye l'air d'un Marquis, et tout le beau monde qui revient des Porcherons, ç'a est gaillard, ç'a divertit. Ma foi ç'a fait une promenade bien composée. SCENE VI.
ISABELLE seule.
DITES-MOI ma pensée, ce que fait à présent mon cher Liandre au jour d'aujourd'hui qu'il n'est point ici, je suis comme une branche sans l'oiseau dessus. Que ferai-je sur le Boulevard, où tous les autres sont deux à deux ! J'y serai toute seule, et je ne me laisserois pas raccrocher par un Prince quand il voudroit me mener en Fiacre au bois de Boulogne ; car jamais je n'ai z'eu d'Amant qui fût tant à mon gré que stui-là. Stapendant il est bien long-tems dehors, quatre jours me sont aussi longs comme des jours sans pain, et z'une fille est z'un corps sans ame, quand elle n'a pas son Monsieur. Ah, que je voudrois bien faire comme Monsieur Cassandre me l'a dit, il ne m'envoye promener que pour demeurer avec not' servante, et pour travailler au bonet de monsieur Gilles. Il s'imagine, le bon homme, que je ne vois pas plus loin que son nez, je lui en veux donner z'un pied, et demeurer pour le faire z'endever. Mais on dit qu'il faut laisser faire le monde en paix. Allons donc me promener, dame, il est bien triste aussi de le faire tout seule. Mais peut-être trouverai-je mon cher Liandre ; il aime la bonne compagnie, et elle se trouve au Boulevard. SCENE VII.
ISABELLE, MADAME GILLES.
MADAME GILLES.
ENFIN, ma chere Maîtresse, le vieux penard est donc détalé, et je vous ai laissé tout le tems de ruminer z'à part vous, vot' amour. ISABELLE.
Je te puis t'assurer que j'aurois tué z'un Mercier pour un peigne, tant il m'a z'ennuyé, en me sarmonant de la maniere. Mais que veux-tu ? Quand z'une fille z'est sage, il faut bien qu'elle broute où elle est liée. MADAME GILLES.Ce n'est que trop vrai, sans cela je parie bien que vous iriez drès tout à stheure par-delà Senlis. ISABELLE.
J'irois de bon coeur chercher mon adorable Monsieur Liandre, et quand nous devrions coucher dans les bleds, j'en serois toujours bien contente, car c'est la belle saison pour ç'a. MADAME GILLES.
Mais est-il là pour un grand tems ? ISABELLE.
Il y est allé pour demander au Roi de l'emploi, mais je n'entends rien à toutes ces fichaises-là, et je m'ennuye de ne pas avoir mon Amant. MADAME GILLES.
Voulez-vous, pendant qu'il n'y est pas, que je fasse comme il feroit ? ISABELLE.
A ce qui z'est de moi, je n'aime point ce qui est incivil, et rien n'est si mal poli que deux femmes qui se reluquent. MADAME GILLES.
Je ne prétends pardi pas vous rien faire, je voudrois tant seulement pour vous dissiper vot' ennui, vous parler un moment comme si c'étoit Monsieur Liandre, et jouer, comme on fait la Comédie, ç'a nous désennuira peut-être ; car des femmes seules, quoique d'autres en disent, ç'a n'est pas trop amusant. ISABELLE.
Eh bien, voyons ç'a. MADAME GILLES.
Dame, je n'ai rien à vous montrer. Mais écoutez toujours. Eh bien, ma charmante, comment ç'a va-t-il ? ISABELLE.
Fort bien, mon cher Liandre, quand vous m'aurez consolée de vot' chere absence. MADAME GILLES.
C'est ce que nous verrons tout à stheure. (Elle fait semblant de raper sous son tablier). Mon adorable, en voulez-vous ? ISABELLE levant le tablier.
Oui, quoi, bon ! ce n'est que du tabac. MADAME GILLES.
Je ne vous montre que ce bout là, parce que les passans m'empêchent de vous faire autant d'amitié que je ferois s'il étoit nuit. ISABELLE.
C'est qu'il y a long-tems, mon cher Liandre, que vous me manquez ; et vot' voyage s'est-il bien porté ? MADAME GILLES.
Fort bien. Stapendant, ma chere z'Isabelle, ma pensée a été toujours droite z'à votre intention, et je sentois une dureté bien dure si éloigné de vous, et de ne pouvoir vous dire à genoux, que vous êtes une z'Isabelle comme il n'y en a point.... Laissez-moi vous baiser. ISABELLE.
Fort peu de ç'a, s'il vous plaît, vous iriez m'échauffer la tête, et puis ce ne seroit toujours qu'une femme. O, mon cher Liandre, que n'est-ce vous qui me parlez de la maniere, comme je vous embrasserois. (Elle embrasse Madame Gilles). MADAME GILLES.
Fort peu de ç'a, s'il vous plaît, vous iriez m'échauffer la tête, et puis ce ne seroit toujours qu'une femme. ISABELLE.
Ah vraiment, tu as bien de la raison : mais c'est que l'emportement m'emporte, et tu fais si justement comme lui. Mais ne crains point que je m'y fie, car je n'aime pas ç'a comme ç'a, ç'a est si plat, et j'ai toujours en tête la différence qu'il y a d'une cornette z'à un chapeau. MADAME GILLES.
Pardi je le crois bien, mais à propos de ç'a, vous en coulez de bonnes avec not' Monsieur Cassandre. ISABELLE.
Ne veux-tu pas que je lui dise de quoi z'il retourne, il m'empêcheroit peut-être de mettre les enjeux, et pis je vois à part moi comment tu en donnes à garder à Gilles, comme ç'a je mets tout à profit, et je pourrai faire de même à mon cher Liandre, quand z'il sera mon mari. MADAME GILLES.
Ah dame, pour un mari, comment pourroit-on faire, si l'on ne l'y donnoit du galbanum. Il faudroit n'entendre pas le jar. ISABELLE.
Mais quoi ! je m'amuse ici à la moutarde. Il est vrai que ce sera toujours de même pour moi dans l'absence de mon cher Liandre. Mon pere va venir, il ne faut pas qu'il me trouve ici. Adieu. MADAME GILLES.
Adieu, not' Maîtresse, je boirai un coup à vot' santé ; mais je crains bien que Monsieur Cassandre ne puisse aller à la pinte, et il faudra me contenter de la chopine. ISABELLE.
Tu z'es plus heureux qu'un enfant legitime de boire comme ç'a avec un homme qui t'en veut : ç'a me fait venir l'eau z'à la bouche, et je m'en vais à stintention là toute seule amuser ma tristesse. SCENE VIII.
MADAME GILLES seule.
VLA ce qu'on appelle une fille ; dame, ç'a vous est sage, ç'a vous a mis son affection z'à z'une personne, ç'a n'entreroit pas dans un Cabaret avec un autre quand il voudroit faire un écot d'un écu ; mais patience, ç'a est jeune, ç'a se corrigera, la vie du monde lui dira comme il faut faire. Mais voici mon vieil amoureux. SCENE IX.
MADAME GILLES, CASSANDRE.
(Cassandre porte de la bierre et des échaudés dans son mouchoir)
CASSANDRE.
MA fille est-elle partie, ma charmante z'amour ? MADAME GILLES.
Oui, Monsieur, elle s'en est allée se promener. CASSANDRE.
Elle a bien fait : car, voyez-vous, il ne faut pas faire de certaines choses devant la jeunesse, ç'a leur apprendroit bien vite.... MADAME GILLES.
Ah ! Monsieur, je crois qu'Isabelle verroit tout sans rien apprendre, elle est si sage, cet enfant là. C'est ce que je disois à part moi. CASSANDRE.
Ah pour ç'a oui, elle est aussi sage que feue sa mere, mais aussi je vous l'ai élevée... Ah ç'a, c'est assez parler d'autres choses : vous voyez, mon adorable, que j'ai tout mis par écuelles, et que mes libéralités pleines de largesses, nous donnent queuques momens d'une liberté bien libres. Commencerons-nous par boire ? MADAME GILLES.
J'en suis d'avis, car le tems est aujourd'hui salé. CASSANDRE.
Vous avez toujours comme ç'a le mot pour rire. Je m'en vais tirer. MADAME GILLES.
Oui, cette table, n'est-ce pas ? et puis z'après nous irons dans la maison, nous fermerons la porte, et nous ferons comme des Papes Colas. Ils se mettent à table, et boivent. Cassandre embrasse Madame Gilles.
SCENE X.
CASSANDRE, MADAME GILLES, GILLES.
GILLES.
AH pardienne, cela va bien, à vot' aise, mais je vois bien qu'il faut vous séparer, vous êtes trop mal ensemble. Allons, allons, maître Jerôme, ma revanche. (Il les frappe tous deux). CASSANDRE.
Aye, aye. (Quand Gilles a bien battu, il boit un coup, s'évente). MADAME GILLES.
Mon cher mari, je vous demande pardon, vous avez tort. GILLES.
Ah ç'a, Monsieur, mon congé et mes gages. CASSANDRE.
Comment tes gages ? je viens de te les payer. GILLES.
Quoi ! ce sont là mes gages ? Oh pardienne, je vais mettre vot' maison sur le grand pied. (Il le frappe encore). CASSANDRE.
Eh bien, comptons. GILLES.
Dame, je les ai donnés sans compter : recommençons donc. CASSANDRE.
Eh non de par le diable qui te fracasse, combien veux-tu d'argent ? GILLES.
Je veux cent sols. CASSANDRE.
Comment cent sols ! il n'y a pas huit jours que je t'ai pris à mon service, et cent sols sont au moins les gages de trois mois. Mais faisons mieux, veux-tu quinze sols ? nous n'avons point fait de marché. GILLES.
Comment quinze sols ! par la jarnichou. MADAME GILLES.
Eh, mon cher mari ! GILLES.
Ote-toi de là. CASSANDRE.
Eh bien, ne te fâche plus, je vais t'en donner dix-huit pour boire à ma santé, mais à condition que tu ne sortiras point de mon service. GILLES.
Pardienne, j'y consens. CASSANDRE en comptant la monnoye.
Tout ce que l'amour fait faire ! quelle dépense ! SCENE XI.
GILLES, MADAME GILLES.
GILLES.
JE me suis douté de sa manigance, et cela m'a mordié bien réussi. MADAME GILLES.
Quoi ! vous croyez, Monsieur le malpeigné que Monsieur m'a.... et vous ferez comme ç'a du tort à mon honneur..... GILLES.
Eh pardienne, je n'y touche pas. (Il boit) (Pendant qu'il boit, Madame Gilles lui prend son jerôme, le bat, le fait mettre à genoux, et se fait donner l'argent).
GILLES.
Je vais me plaindre à Monsieur Liandre. MADAME GILLES.
Va te plaindre au diable, si tu veux. Mais où est-il Monsieur Liandre ? GILLES.
Il est sur le rempart dans un Cabaret, avec not' Demoiselle, au premier étage ; il occupe le devant. Elle a profité de l'exemple Mamselle z'Isabelle. MADAME GILLES.
Va, va, je m'en vais les y trouver. Mais crois-moi, sois sage, ou..... SCENE DERNIERE.
GILLES seul.
ET moi, par-dessus le Marché, je vais dans la maison boire ceci, et manger cela : mais pardienne j'ai là une femme plus sage que je ne croyois pas, il faut que je la fasse recevoir à S. Côme. |