Advertissement
a la Royne mere du Roy. Touchant les miseres du Royaume
au temps present, et de la conspiration des ennemis de sa Majeste.-
A
Orléans : [sn], 1562.- [24] p. ; 16,5 cm.
Saisie
du texte : S.
Pestel pour la collection
électronique de la Médiathèque
André
Malraux de Lisieux (27.VII.2005)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur un exemplaire
(coll.part.) d'une réimpression en fac-simile, (sans nom,
sans lieu ni date), de l'édition d'Orléans de
1562.
ADVERTISSEMENT
A LA ROYNE
MERE DU ROY.
Touchant les miseres du Royaume
au temps present,
& de la conspiration
des ennemis
de sa
Majeste
*
NOMB. XXI.
Pource cera-il escrit au livre des Batailles du Seigneur.
~*~
A la Royne Mere du Roy mon Prince & souverain Seigneur.
L ES anciennes sectes des Philosophes, Grecs & Romains, Madame,
& les historiens des siecles passez ont souvent deplore la
calamite de leur temps, comme l'on veoit par la memoire de leurs
livres, afin de ramener chacun a soy, & a la consideration des
choses pour lors presentes que le vulgaire ne pouvoit veoir : &
descouvrir aussi la maniere d'y remedier ou pour le moins remonstrer a
leur posterite qu'ils avoient cogneu telles choses, & que le
mal leur avoit despleu. Mais si jamais condition de Royaume ou province,
de temps ou de regne fut estrange & calamiteuse, l'estat ou je
voy pour le jourd'huy vostre France est extremement dangereux &
lamentable. Et semble a tout homme de bon esprit & jugement,
que la ruine de ce beau Royaume soit a la porte. Et que vous, Madame,
parlant sous vostre correction, toutesfois & du zele &
coeur que je doibs avec ceux de vostre conseil, au lieu d'eviter le
danger & mal tant apparent, courez a vostre perdition &
ruine de tous les vostres, a belle bride avalee, qui est l'extreme
condition des malheureux. Que pleust a mon Dieu que je ne veisse point
telles choses advenir de mon temps lesquelles je ne puis regarder
qu'avec pleurs & larmes de tel oeil que l'amour entier
& parfaict de ma patrie, & l'obeissance &
subjection que je doibs a mon Roy & a vous, Madame, me
recommandent, & contraignent. Car qui veit jamais un peuple si
esperdu, si confus & tant desole au milieu de tant de loix
& jugements, desquels l'authorite est si petite que lon peult
dire sans mentir que vostre Royaume est presque sans justice, sans
ordre & sans police aujourd’huy : Et cependant les
injustices, oppressions, meurtres, seditions & voyes de fait
ont la vogue. Mais ce n’est encore rien au pris
d’avoir ses ennemis mortels & capitaux dans les
entrailles, commançans desja la ruine proposee &
conjuree. Et non seulement dedans, mais eslevez par-dessus tout. Et
toutesfois vous ne le voyez point. Regardez comme ils y sont venus.
N’ont-ils pas d’entree saccage, meurtry, &
tue voz pauvres sujets sans forme ni figure de justice, pour venger
leurs injures privees sous ombre de la Religion ? si c’est
injure faite a eux quand on se tient des vostres, & de vostre
obeissance : regardez comme ils ont bonne envie d’estendre
& amplifier les fins & limites de vostre royaume. Car
qui ne scait que ce meurtrier n’a jamais voulu mal a ceux de
Vassy pour autre chose, que de ce qu’ils ne se sont jamais
voulus avouer a luy ? mais se sont fort & ferme deffendus pour
demeurer en vostre obeissance : pour estre Fransois, & non
point Lorrains : pour se maintenir sous vostre protection. Mais quelle
protection, Seigneur Dieu, Vous dissimulez soixante ou quatre vingts
meurtres : vous destournez voz oreilles & voz yeux de la
querelle & plaincte tant juste d’une grand troupe de
vesves & orphelins. Et non seulement cela, mais tenez les
coupables aupres de vostre Majeste comme en sauvegarde, contre Dieu,
contre les sainctes loix, & la justice, qui luy crient
vengeance. Et ce grand Dieu de qui vous tenez tout ce que vous avez,
maintiendra-il vostre domination en si grande injustice ? Mais ce
n’est pas encor tout, car j’ay delibere Madame,
vous dire en ce petit advertissement ce que tout le monde presume de la
fin de ceci, & ce que moy-mesmes a mon grand regret &
douleur, voy venir de loing, sans avoir esgard a forme ou loy de
Rethorique quelconque : mais seulement je vous veux faire entendre
l’estat ou vous estes, & la fin ou ces bonnes gens
qui esbranlent aujourd’huy vostre regne, qui troublent vostre
Royaume, & lesquels vous honnorez tant vous meneront, &
sans faute vous y meneront si vous ny donnez remede prompt. Regardez,
Madame, & vous proposez devant les yeux l’estat,
& de vostre cour & de tout le royaume, comme il estoit
devant que ce meurtrier entrast dernierement en France, & comme
le tout s’y porte maintenant. Il ne se parloit lors que
d’acquiter le Roy, que de paix, tranquilite &
justice. Maintenant on parle de proscription, banissemens, &
pillages de villes & pays. Les meilleures & plus nobles
familles sont designees, & notees desja comme proscrites a la
mort, & au sac, pour remplir les tanieres de ces goufres
d’avarice : pour assouvir leur tyrannie & ambition
insatiable. Et ont obtenu a leur entree une chose incroyable.
C’est de s’aprocher ainsi de la personne du Roy,
& de la vostre, ou plus tost de s’en emparer :
d’en eslongner & chasser les plus braves &
meilleurs hommes de vostre Royaume. Et qu’est-ce sinon
abbatre les defences d’une forteresse, pour puis apres faire
la bresche mieux a son aise : entrer dedans & mettre tout au
fil de l’espee ? Et non obstant cela se ventent
d’estre venus pour appaiser & pacifier les troubles.
Mais quel trouble y avoit-il quand ils sont venus ? chacun se contenoit
modestement en sa Religion. Il s’est trouve quelques foys
compagnie remplissant toute une rue de vostre grande ville de Paris de
gens de diverse Religion, entremesles, les uns allans au sermon, les
autres a la messe : & tout avec telle paix, qu’entre
vint mille personnes, lon eust ouy une mousche voler par maniere de
dire. Maintenant a grand peine voit on trois ou quatre personnes
ensemble qu’avec tel bruit & tumulte, qu’on
diroit que le feu tient aux quatre coins de la ville. Et
c’est depuis que ce brave Silla les a ainsi attisez, pour
pescher en eau trouble comme lon dit. Il vous propose des contes
frivoles, qui nont raison ny apparence du monde, pour vous intimider.
Tout cela vous a este tant debatu que je m’esmerveille comme
vous vous y pouvez arrester, tant soit peu. O que lon avoit bien fait
de s’en desvelopper ? Nous estions sauvez, si la France eust
vomy ce venin mortel, pour jamais ne le reprendre : Si vous, Madame,
eusiez en patience avec le bon gouvernement que vous faisiez des
affaires, duquel le peuple estoit si content, atendu la maturite de
l’aage du Roy vostre fils, sans y appeler ces monstres qui
vous defferont a la fin. Et ne voyez vous pas a quoy tend toute ceste
procedure ? C’est a vous de mettre petit a petit de toute
puissance, gouvernement & authorite. Et quelque belle mine
qu’ils facent au Roy de Navarre, autant en pensent-ils de
luy, qui devoit regarder le naturel de ceste race de Tigres : pour le
moins luy devoit il souvenir des playes fresches qui ne sont pas encore
consolidees. N’a il point de memoire, que sans
l’ombre des enfans de Dieu (soubs l’aile desquels
il s’est sauve comme par les marets, & par la seule
force desquels il consiste) il l’eussent dernierement defait
& extermine à Orleans ? Il sçait bien les
conclusions qu’ils avoyent prins contre luy, & le
logis qu’il luy avoyent prepare pour le reste de sa vie.
Maintenant le pauvre homme vend sa primogeniture pour une esculee de
souppe. Et soubs l’ombre d’une promesse plus vaine
que le vent, & de laquelle on ne verra jamais fin
qu’a sa confusion & ruine : se desunist de sa femme,
de son frere, de ses parens, de ses meilleurs serviteurs & bien
veillans, pour adherer a ses ennemis mortels, qui de tous temps
pourchassent sa perdition & ruine totale. Dieu sçait
en quelle reputation eux-mesmes le tiennent, & comme ils luy
tirent la langue par derriere, & la fin ou ils le meneront.
Quelle opinion pense-il que tour le peuple Francois a conceu de sa
belle procedure ? Et que est-ce que les Princes des peuples voysins en
estiment ? Car l’on conclud l’une de deux choses,
ou qu’il a perdu tout le sens commun, ou que c’est
une ame delaissee de Dieu. Le change est bon quand on change de mal en
bien, ou de bien en mieux. Mais cestuici a bien faict autrement : Car
il a change de Dieu avec Satan : de Christ avec Belial : de la paix a
la guerre : de la faveur & misericorde de Dieu a son ire,
d’un legitime gouvernement, a une tyrannie plus que
Catalinaire : de un bon conseil & de gens de bien &
craignans Dieu, a une troupe de maquereaux pusilanimes effeminez,
& de sa femme legitime Royne naturelle de race, a des
chambrieres & putains, villaines & execrables. O la
meschante & malheureuse permutation, son frere n’a
pas faict ainsi, mais il proteste de voloir mourir entre le peuple de
Dieu : aussi sera il ensevely avec ses peres. Que dieu te doint (o
Prince, vrayment Christien) voir avec triomphes & victoires la
fin de tes entreprises tant justes & raisonnables. Que le
Seigneur Dieu conserve ceux qui sont autour de ta personne, afin que je
puisse voir par ton moyen mon Roy & Seigneur delivre de ses
ennemis : la muraille de Jerusalem reedifiee, & le pur service
de Dieu restably. Et quant a vous, Madame, prenez garde que cependant
que lon vou amuse a faire la guerre a vos parens & bons
serviteurs, & a tout vostre peuple : & que a ces fins
on employe voz forces, que cependant, di-je, que vous combatez pour le
boys & la pierre pour, les idoles du Pape, & pour la
querelle du diable, quelqu’un par la permission de Dieu ou
vos flateurs mesmes les premiers, ne s’emparent de la
couronne, du sceptre & du Royaume, pour lequel defendre,
& non point mettre ainsi en route, la force se devoit reserver.
Et que par consequent quelque jour le Roy ne vous en puisse reprocher
la faute, & autant en imputer au Roy de Navarre :
C’est que sous ombre de le conservez, vous-mesmes
l’aurez desherite & perdu. Tout le monde voit ceci,
hors mis vous deux : voz bons serviteurs le protestent : & la
plupart de ceux de vostre maison lamentent vostre condition, &
vous le voudroient bien dire si lon pouvoit parler librement. On voit
que voz ennemis apres vous avoir faict la reverence par maniere
d’aquit, en derriere se rient & moquent de vous
& de ce pauvre homme aveugle, & en bavent &
desgorgent tous les brocards qu’il est possible. Voila ce que
vous avez gaigne a les rappeler : ils vous font hair &
persecuter les meilleurs & plus humbles serviteurs que vous
ayez, de la patience desquels ils abusent jusques a maintenant. Mais
c’est trop endure d’un tyran estranger, je ne pense
point que Dieu souffre plus longuement cecy. Le Seigneur verra du ciel
ceste cruaute & opression intollerable. Il descendra pour faire
la guerre luy-mesmes & rachetera son peuple. L’ange
de Sennacherib vit encores & le destructeur de Sodome
n’est point mort. Pourquoy doncques ne tremblent ceux qui
l’ont cogneu, & de propos delibere luy font la guerre
aujourd’huy, & sçavent bien la forte
resistance que leur peut faire ce grand Prince du Ciel &
Seigneur de toute la terre. O Synderese, o remort interieur, juges
criminels & bourreaux coustumiers des ames perdues &
desbordees des hommes effrontez & contempteurs diaboliques de
la Majeste de Dieu, rongez, tourmentez & deschirez ces
meschantes consciences noires et obscures & ne les laissez
reposer quelque part que elles se retirent. Et toy Seigneur je fus,
Eternel & perpetuel Sauveur, sauve ton Eglise : fais justice a
ton pauvre peuple :car il n’y en a gueres pour le present en
la terre pour luy. Recognois ta cause, Seigneur : prends les armes
Seigneur des batailles ; descen du ciel & vient combatre
ça bas a ce que les ennemis de ta Majeste cognoissent que tu
batailles pour nous. Pensez-vous, Madame, que dernierement que le
Connetable mettoit le feu de sa propre main aux chaises, ou
l’Evangile de Dieu se vouloit prescher, que Dieu mesmes ne
veid bien ce qu’il faisoit, & qu’il ne
l’ait escrit & engrave d’un burin
d’acier au livre de ses vengeances.Quand le Roy faisoit son
entree, & qu’il introduisoit dans la ville capitale
de son Royaume les ennemis de sa patrie, & de son peuple, il
s’est trouve, qu’en presence de sa Majeste on a
saccage & vole un pauvre marchant, soubs ombre qu’il
estoit Huguenot, comme lon dict. Et si vous ne l’avez veu,
c’est pour ce que ne l’avez voulu voir. Mais Dieu
ne la-il pas veu du ciel : ne regarde-il pas, &
n’attend-il pas encor’ de la hault quelle justice
vous en ferez ? laquelle se devoit faire sur le lieu , &
c’eust este un acte de justice, digne de l’entree
d’un Roy, digne d’une grande Monarchie &
d’un sceptre royal. Un Empereur romain fut requis, hors
jugement, & en passant, une pauvre femme de basse &
ville condition de lire quelque requeste & faire justice,
l’Empereur oubliant son devoir s’excusoit encor
assez modestement sur l’incommodite du lieu & la
haste qu’il avoit. Elle luy respond qu’il
n’estoit donc pas digne de commander ou regner. Adrian
considerant l’importance & consequence de cette
response luy fist justice, bien honteux d’avoir receu ce coup
de baston d’une pauvre femme. Car cela luy faisoit entendre
que ou la personne du Prince est, la mesmes est son premier &
principal throne de justice. Et notez,Madame, qu’autant
durera la couronne Royalle sur la teste du Roy vostre fils, comme les
jugemens auront lieu en France : j’entens la vraye justice :
mais vous souffrez en vostre presence massacrer & deschirer ainsi
vostre pauvre peuple. Et ce mal n’a pas este seul, ou pour un
coup, mais en a engendre plusieurs autres, selon que la nature du peche
porte. Car desja les malfaicteurs ont prins telle audace &
licence, que toute maniere de crime leur est non seulement licite, mais
louable, pourveu que ce soit en la personne des serviteurs de Dieu. Car
s’il se trouve un populas au sac de quelque maison, les
ministres de Guise sont la presens pour animer le peuple &
crier, tuez tout, assommez tout. Si les desolez viennent puis apres
tous meurdris & sanglans, volez & desheritez, demander
justice au Connestable, il crie comme un diable infernal, que ce ne sont
que coquins : il anime davantage les mechans a mal faire. Et apres de
vostre cour, qui vous deust faire dresser l’oreille,
n’a lon pas faict une violence plus que capitale a Madame la
Princesse de Conde, proche aliee du Roy, qui en a accouche devant le
terme ? Quelques jours au paravant comme le peuple de Dieu revenoit de
l’assemblee, que le Roy & vous, Madame, avec bon
& meur conseil luy aviez permis faire, pour
l’exercice de leur foy & Religion, le Prevost des
marchans envoya-il pas grande compaignie de gens perdus, armez jusques a
la gorge se ruer sur ce pauvre troupeau desarme. Car au paravant par
vostre commandement ils avoient pose les armes. Il en fut blesse un
grand nombre, beaucoup de morts, & entre autres mourut un
Gentil-homme, Alemand a Monsieur le Mareschal de Termes. Un Baron de
Champagne blesse de six coups mortels a la teste, meurdry &
deschire en plusieurs endroits de son corps, & une infinite
d’autres. En ceste cruaute on n’a espargne les
femmes mesmes, sans avoir esgard a personne, condition ou sexe, toute
maniere de mal s’il exerçoit. Depuis, tous les
jours on saccage maisons, on renverse & prophane tout droict,
toute police, & toute justice. Voyla comme l’on vous
obeist, & la reverence qu’on porte a vos loix
(j’entens de la part de ceux de l’Eglise Romaine
depuis la venue de ces gens de bien) de façon, Madame, que
si vous dissimulez plus telles choses, & permettez que ce feu
s’enflamme plus avant, il y a danger qu’il ne vous
brusle vous-mesmes a la fin : car c’est le droit chemin pour
se perdre, & tacitement renoncer a la juste couronne &
droicte administration du Royaume, & se declarer tiran tout
outre. Cependant les ennemis anciens de ce Royaume sont au guet, je
passe l’intelligence que je croy certainement
qu’ils ont avec ceux qui nous ont amene ces troubles, de
sorte que le tout bien considere je ne trouve, ny l’Estat de
vostre regne autrement legitime & de Dieu, ny la paix publique
en gueres grande seurete. Le peuple petit a petit cognoist cecy, la
patience des enfans de Dieu se pourroit bien convertir en fureur. Et si
Dieu mesmes dresse la corne il consommera tout. Pleust a Dieu que vous
eussiez l’intelligence de ceci, vous cognoistres les ennemis
de l’Evangile estre les vostres. Il se veulent faire Rois,
ils vous veulent jeter dehors, & tous les vostres : voyla leur
intention voilà leur but : & la somme de leurs
entreprises. C’est la qu’ils attachent leur
esperance : ils aspirent a la domination universelle de tout le
Royaume. Chassez donc ces pestes, madame & vous repousseres du
col de vostre peuple le cousteau, & de vos belles villes les
flammes & les desolations que ceste malheureuse race nous
apporte. C ‘est maintenant le besoing si jamais besoin fust.
La plus part de la Chrestiente attend a ceste heure qu’elle
sera vostre constance, & comme vous userez de votre prudence
& vertu coustumiere en cest endroict. Monstrez une procedure
virile : car l’extremite le requiert. Beaucoup de prieres
sont tous les jours devant Dieu pour vous, qui ne seront point vaines,
usez de l’occasion qu’il vous presente de luy faire
service, vous estes a present le seul baston ou pour le moins principal
appuy de son peuple, & avez un nombre infini de bons &
loyaus serviteurs, si vous ne vous esveillez de ce sommeil, il vous
sera mortel, & dressez par vostre tollerance un theatre en
France pour y voir de voz propres yeux jouer la plus triste &
la plus lamentable tragedie dont on ayt jamais fait mention, en
laquelle Dieu ne vueille que vous soyez le principal personnage, que
Dieu (di-je) ne le permette point, que je ne vous sois point si
veritable augure comme Cassandre aux Troyens, de laquelle ils faisoyent
si peu de compte : qu’il me face plustost la grace de voir ce
que j’ay eu tant frequent & familier en mes prieres
touchant vous, c’est de vous veoir une seconde Judith, a
laquelle ce grand Seigneur des armees, corrobore & fortifie le
bras pour trencher la teste au vieil Holopherne, tellement que elle ne
revienne jamais pour molester son peuple. Or ce mesme Dieu qui nous a
manifeste sa Majeste & grandeur en Christ nostre Seigneur
& roy Eternel, vueille conserver & maintenir vostre
regne & domination en paix, & vostre siege &
sceptre en toute droiture & equite, a la gloire de son nom. Par
iceluy Jesus Christ nostre Seigneur. Ainsi soit-il.
FIN
Le
Seigneur son Dieu est avec luy, & le bruit de la victoire du
Roy est en luy. Nom.23.
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