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Variétés instructives, morales ou plaisantes (1824)
[Le Grand Messager boiteux] Variétés instructives, morales ou plaisantes (1824).
Saisie du texte et relecture : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (09.X.2014)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
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Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : R146br) de Le Grand Messager Boiteux de Strasbourg : Almanach historique, moral et récréatif pour l'année bissextile 1824 publié à Strasbourg chez L. Fr. Le Roux éditeur. 

Le Grand Messager boiteux de Strasbourg - 1824


VARIETES INSTRUCTIVES, MORALES ou PLAISANTES

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Fragments sur Londres.

Lorsqu’un jeune homme de l'une de nos petites villes d’Alsace vient pour la première fois à Strasbourg, il est tout ébahi de voir cette population nombreuse qui circule rapidement dans ses rues, ces maisons à 4 et 5 étages serrées l'une contre l'autre : et cependant Strasbourg, sous ce rapport, ne peut guères se comparer qu'à un faubourg de Paris. Mais Paris même, cette grande et superbe ville, est pour l'étendue et le nombre de ses habitants encore bien au-dessous de Londres. Là on comptoit, en 1811, 1.990.300 habitants qui y vivent tant bien que mal. Probablement les deux millions seront bientôt complets. Cette ville contient donc à elle seule le quart de toute la population du royaume d'Angleterre. On pourroit loger à Londres la masse entière des sujets de certains royaumes, du Royaume de Wurtemberg par exemple, et les loyers seroiept encore moins chers qu'ils ne le sont à présent. Le loyer d'une maison située dans les bons quartiers se paie de deux à cinq cents livres sterling par an ; c'est-à-dire de cinq à douze mille francs, car là livre st. vaut environ 35 fr. Pour une chambre garnie on paie une guinée, même au-delà, par semaine. Des villages qui, il y a 70 ans, étoient encore dans les environs de la ville, sont aujourd'hui fondus dans son enceinte. La ville s'étend de jour en jour davantage. Si cela continue, toute l'Angleterre finira par devenir Londres.

L'étranger qui vient à Londres ne tarde pas à s'apercevoir qu'il est dans un état marchand. On y fait trafic de tout, de choses même qui ne devroient pas être vénales. Par exemple, veut on se défaire de sa femme, on la mène au marché la corde au cou. Le cas est rare, à la vérité ; mais le droit existe et, quoique tombé en désuétude, il n'est pas abrogé. L'adultère est puni par une amende pécuniaire. Tel mari n'est pas du tout fâché de surprendre sa femme en flagrant délit, si son complice est riche. Il n'est même pas inouï que mari et femme se soient entendus pour des spéculations de ce genre. Pendant que l'adultère en est quitte pour de l'argent, gare au voleur s'il est découvert : le plus léger larcin le conduit à la potence. Que conclure de là ? que l'honneur y est d'un moindre prix que l'or ?

On prétend que la somme des fausses lettres de change, des faux billets de banque et autres papiers-monnaies en circulation à Londres se monte au moins à 170.000 l. st., et celle des fausses monnaies à 500.000 l. st. Belles sommes ! Comment pourroit-il en être autrement dans une ville où la disproportion des fortunes est telle, que journellement plus de 30.000 individus se réveillent le matin sans savoir comment ils appaiseront leur faim dans la journée, ni où ils reposeront leur tête le soir ; tandis que d'un autre côté plusde 20,000 richards en se levant ne savent comment ils s'y prendront pour dépenser le plus gaiement possible l'énormité de leurs revenus, et se racheter de l'ennui ; car, ayant épuisé tous les genres de plaisir, il ne prennent plus goût à rien ; à force de jouissances ils ont émoussé toute sensation ; ils ont tant vécu qu'ils sont rassasiés de la vie. C'est ce que dans le pays on nomme spleen.

Je ne sais quel auteur français a dit : « Les hommes ont un génie si inventif que, si le ciel avoit oublié de fixer un terme à la vie, ils auroient eux-mêmes inventé la mort. La preuve, c'est qu'ils ont inventé la guerre, la navigation, la médecine et l'art de la cuisine. » Si cet auteur eût vécu de nos jours, il auroit ajouté : et les révolutions.
 
Les Anglais font grand cas de la cuisine. Grand bien leur fasse ! L'art d'assouvir la faim, ou, pour mieux dire, de flatter le palais et s'exciter à manger sans avoir faim, a quelque chose (je ne dirai pas de si brutal, car les brutes ne font rien de semblable) quelque chose, de si contraire à la nature que l'art de la guerre, c'est-à-dire l'art de tuer des hommes qu'on ne connoit pas, et, qu'on ne hait pas individuellement. Les Romains du temps de Sénèque, avant de se mettre à table, prenoient un vomitif pour pouvoir mieux manger ; puis ils mangeoient pour vomir de nouveau. Les choses n'en sont pas encore à ce point-là à Londres. Mais à l'installation d'un nouveau lord-maire (le premier magistrat de Londres), quand se donne le grand banquet, on a coutume dans la prière de faire commémoraison des estomacs : « Seigneur, préservez-nous des indigestions et des maladies qui en dérivent. » Un Anglais bien joufflu, bien ventru, bien rembourré de porc et de rostbeef, n'imagine d'autres plaisirs, sur la terre et dans le ciel que ceux de la bouche.
 
Il n'est pas étonnant que dans Londres il se passe tant de choses contre nature : la nature dans cette ville monstrueuse seroit un phénomène. On n'y voit rien de la terre que quelques bandes étroites entre les toits, et le ciel est presque toujours voilé par les brouillards, les exhalaisons et la fumée. Des semaines, des mois entiers se passent, surtout dans la mauvaise saison, sans qu'on soit réjoui d'un seul rayon du soleil. On raconte qu'un ambassadeur d'Espagne, rappelé de Londres par sa cour après un séjour de quatre mois d'hiver, n'avoit pas vu le soleil pendant tout ce temps. A son audience de congé, le roi d'Angleterre, qui l'estimoit beaucoup, lui ayant témoigné le désir de faire quelque chose qui pût lui être agréable, l'ambassadeur répondit : « Sire, votre bonté me pénètre dé reconnoissance, et puisque votre Majesté le permet, j'ose lui demander deux grâces la première, de me conserver sa bienveillance ; la seconde, de me recommander au soleil quand un jour il reviendra en Angleterre. »

Les boxeurs ou les combats à coups de poings sont aussi une des particularités de Londres, ou plutôt de toute l'Angleterre. Nous en parlerons plus tard.

Que dans une ville comme Londres il y ait une prison spéciale pour les débiteurs qui ne veulent ou ne peuvent pas payer leurs dettes, il n'y a là rien d'extraordinaire ; on voit cela partout ailleurs. Le bâtiment destiné à cet usage est très-ancien, il s'appelle Ludgate. Etienne Forster, lord- maire de Londres au quinzième siècle, le fit réparer, agrandir et arranger de manière à offrir à ses nombreux hôtes un séjour plus commode. Malgré cela, ce vaste édifice avec ses cours et ses corps de logis est encore trop étroit pour notre siècle où l'art de faire des dettes a acquis une si grande extension. Laissons-là cette vilaine prison, et parlons plutôt d'Et. Forster, de cet ami de l'humanité ; son histoire plaira, j'en suis sûr, davantage à nos lecteurs que la description de ces tristes cachots. Monsieur Forster, le père d'Etienne, étoit un honnête marchand de la cité de Londres. Le ciel bénit son travail, et la fortune versa sur lui ses faveurs au point que, dans peu d'années, il devint un homme richissime que tout le monde aimoit et estimoit. Mais cette prospérité ne dura pas. Bientôt l'inconstante fortune lui tourna le dos ; des revers de tout genre vinrent fondre sur lui, comme autrefois sur Job. M. Forster, en ces tristes circonstances, prit son parti selon les principes de christianisme alors en vigueur : il vendit ce qui lui restoit et paya ses dettes. D'après les principes d'aujoutd'hui, ce brave homme auroit dissimulé ses pertes, augmenté sa dépense pour conserver son çrédit ; puis, après avoir contracté de nouvelles dettes, il auroit déposé son bilan, fait un honnête accord avec ses créanciers, auxquels, s'il vouloit être bien généreux, il auroit offert vingt-cinq pour cent. Par ce moyen, M. Forster seroit resté après sa déconfiture aussi riche qu'auparavant. Il n'en fit rien, aussi tomba-t-il dans la misère. Un malheur après l'autre vint l'accabler ; le chagrin et les soucis minèrent sa santé, une longue maladie épuisa ce qui lui restoit de ressources. A peine fût-il rétabli que sa femme tomba malade, et il se vit bientôt sans le sou, hors d'état de payer même les médicaments nécessaires.
 
M. Forster avoit un fils, nommé Étienne ; c'étoit un beau jeune homme de vingt-deux ans, doué des plus belles qualités. Il aimoit ses parents de tout son cœur et leur prodiguoit tous les soins que leur état exigeoit. Aussi fut-il inconsolable quand enfin le dénuement absolu le rendit incapable de leur procurer le moindre soulagement. Dans son embarras extrême il se souvient d'un certain monsieur Philips, homme puissamment riche, qui autrefois avoit été l'intime ami de son père. C'est à lui qu'il se décide de s'adresser.
 
Il court chez lui, et le conjure par l'ancienne amitié qu'il portoit à son père de lui prêter huit l. st., promettant de les lui rendre bientôt. Mais l’ancien, l'intime ami ne pouvoit se rappeler d'avoir jamais été lié avec un sieur Forster de la cité. Il y a des gens qui dans certaines circonstances ont la mémoire bien foible. Cependant Etienne ayant si bien mis sur la voie cette débile mémoire qu'il ne fut plus possible de désavouer l'ancienne intimité, M. Philips se retrancha derrière un torrent de doléances sur la stérilité des affaires, sur la rareté de l'argent. Etienne y joignit les siennes de son mieux en lui dépeignant la détresse de sa maison, et le pressa sans relâche de lui prêter les huit l. st., s'engageant à les lui rendre au jour qu'il fixeroit. M. Philips, pour se débarrasser enfin de l'importun jeune homme, consent à lui compter la moitié de cette somme contre son billet.

Etienne, transporté de joie, vole avec ses quatre l. st. à la maison, et pour ne pas inquiéter son père sur la restitution de cet argent, il lui fait accroire que c'est un cadeau de je ne sais quelle riche tante qui restoit aux environs de Londres, et qui jadis avoit fait beaucoup de caresses au petit Etienne dans son enfance. M. et Mme. Forster recouvrèrent bientôt leur santé quand ils ne furent plus privés du nécessaire.
 
Cependant le jour de l'échéance du billet arrive, Etienne va en tremblant chez M. Philips et le prie de lui accorder un délai, lui exposant humblement qu'ayant été obligé de veiller jour et nuit près du lit de ses parents, il n'avoit rien pu gagner. « Je me reposai, ajouta-t-il, sur la bonté de votre cœur. Mais M. Philips pensoit que le cœur n'avoit rien à faire dans cela ; que le billet étant échu, il falloit le payer ; et sans plus de façons, il fit conduire sors débiteur à Ludgate.
   
Quelle désolation chez les Forster ils étoient plus affligés que le prisonnier même que soutenoit du moins la conscience de s'être sacrifié pour ses parents. La perte de sa liberté l'affectoit peu, s'il pouvoit continuer à leur être utile. Pour cela il surmonte sa fierté naturelle, et s'abaissant jusqu'au rôle de mendiant, tous les jours il va se placer â une fenêtre avec un écriteau sur sa poitrine ou on lisoit ces mots écrits en grosses lettres : PRISONNIER SANS REPROCHE.

Un jour qu'Etienne étoit à son poste accoutumé, une jeune et jolie personne, vêtue de noir et suivie d’une servante, vint à passer et s'arrêta devant un homme âgé qui paroissoit avoir beaucoup de respect pour elle. La jeune dame engagea une conversation avec lui. Comme par hasard elle avoit le visage tourné vers la fenêtre derrière les barreaux de laquelle Etienne se tenoit, il s'aperçut que malgré la chaleur de sa conversation avec le vieillard, la jeune inconnue, laissoit de temps en temps échapper de son côté des regards où se peignoit toute sa compassion. (Voyez la gravure.) Bientôt il put juger qu'elle parloit de lui, car le vieillard tourna soudain ses yeux du côté de la prison, et la dame, après lui avoir serré la main, s’éloigna.  Le vieillard alors s'approchant de la grille, demande au prisonnier la signification de son écriteau. Etienne lui raconte succinctement son histoire. Quand le vieillard fut au fait de tout, il s'écria : « Pour quatre livres st. ! n'est-ce que cela ? En voici huit, vous êtes libre. »

Le jeune homme, transporté de joie, alloit se répandre en actions de grâces ; mais le vieillard lui dit avec modestie : « ce n'est pas à moi, mais à cette noble dame qui vient de me quitter que vous en avez l'obligation. » Et comme Etienne le pressoit de lui nommer sa bienfaitrice, ce monsieur lui dit en secouant la tête : « Elle me l'a défendu. » Puis il partit.
 
Etienne paya sa dette et courut chez ses parents. Quelle fut leur joie ! Père, mère et fils se tenoient embrassés en versant des larmes d'attendrissement. Quand cette première émotion fut calmée, ils se mirent à délibérer comment pour l’avenir ils gagneroient leur vie par un travail honnête ; mais le plus vif de leurs désirs était celui de témoigner leur reconnoissance à leur bienfaitrice inconnue. Etienne ne sortait jamais de la maison sans promener ses regards de tout côté pour la découvrir. Il n'y réussit pas, mais au bout d'une huitaine de jours il rencontra la servante ou femme de chambre qu'il se rappelle avoir vue à sa suite. Il l’accoste avec empressement et apprend d'elle qu'elle est au service de mistriss Simpson, la plus jeune et la plus riche veuve de Londres dont le mari étoit mort d'apoplexie depuis quatre mois, à l'âge de soixante- huit ans.
 
Etienne n'eut rien de plus pressé que de voler chez sa généreuse bienfaitrice. Il se fit annoncer et fut admis. Elle le reçut avec bonté, écoutant en rougissant les transports de sa reconnaissance, qui bientôt se manifesta plus encore par les larmes dont ses yeux étoient mouillés que par ses paroles. Lorsqu'il en vint aux causes de sa détention à Ludgate, mistriss Simpson l'interrompit en lui disant : « Je sais tout; j'ai pris des informations sur vos parents, et touchée de leurs malheurs, j'avois résolu d'améliorer leur sort par quelques avances d'argent. Je veux le faire dès à présent. Quant à vous, comme j'ai besoin d'un homme honnête, intelligent et actif pour l'administration de mes biens, je vous destine cette place si elle vous convient.» « Si elle me convient, mistriss ! » s'écria Etienne en posant la main sur son cœur, les yeux levés verste ciel, « ah disposez de ma vie. »

L'affaire fut bientôt conclue. La famille Forster ne cessoit de remercier Dieu du changement inespéré survenu dans leur position, et Etienne se chargea avec zèle de l'administration des biens de la maison Simpson. Il s'en acquitta avec tant d'ardeur et d'habileté que sa maitresse avoit tout lieu de se féliciter de son choix. Il joignait à cela tant de désintéressement qu'elle ne put lui faire accepter qu'un modique traitement. « Jamais, » lui disoit-il souvent, quand elle lui témoignoit le désir de l'augmenter, « jamais je ne pourrai m'acquitter envers vous pour tout le bien que vous avez fait à mes parents ; je ne demande qu'à vous consacrer tous les moments de ma vie, je n'ai d'autre ambition. » Bref, ce jeune homme ne vivoit, ne respiroit que pour sa bienfaitrice ; il ne pensait qu'à elle et ne rêvoit que d'elle, et si parfois il étoit obligé de s'absenter quelques jours, pour visiter un domaine éloigné, cette courte absence lui paroissoit durer une année.
 
Le lecteur voit bien que c'étoit un sentiment plus tendre que celui de la reconnoissance qui s'était emparé d'Etienne à son insu. Je n'en décrirai pas ici toutes les gradations, ni l'inclination toujours croissante de mistriss Simpson pour son jeune intendant. Un messager boiteux n'a pas, l'habitude du langage des romans, qui d'ailleurs seroit déplacé dans un almanach. Cependant, comme ce n'est pas un roman, mais une histoire véritable que je raconte, je ne saurai passer sous silence un événement qui contribua beaucoup à hâter le dénouement, et sans lequel ces deux amants ne se seraient peut-être jamais avoué à eux-mêmes le véritable état de leur cœur.
 
Les richesses et la beauté de la jeune veuve avoient fait une telle impression sur un baronnet dont les terres touchoient à celles de mistriss Simpson, qu'il la rechercha en mariage. Celle-ci rejeta la proposition du premier abord, sans balancer. Le baronnet, piqué de ce refus, résolut, à tout prix, de se mettre en possession de l'objet de ses désirs, et pour y parvenir il eut recours à des moyens aussi odieux que coupables ; tels enfin que la passion la plus déréglée pouvoit seule les lui inspirer. Il aposta deux hommes pour enlever celle qui ne vouloit pas répondre à son amour. Ceux qu'il avoit choisis étoient des coquins déterminés, très propres à exécuter un pareil coup. Ils forcèrent une petite porte du parc qui donnoit sur la campagne, et se cachèrent près d'un bosquet où mistriss Simpson avoit coutume de se reposer, dans les belles soirées au retour de ses promenades. Non loin de là étoit un tertre sur lequel Etienne avoit fait élever un cabinet de verdure pour y jouir de la beauté de la vue et s’abandonner sans témoins à ses rêveries. Un jour qu'il s'y rendoit, il vit la porte du parc entr'ouverte contre l'usage ; mais pensant que le jardinier étoit sans doute sorti par-là, il n'en conçut aucun soupçon.

Mistriss Simpson qui revenoit de sa promenade, suivie de deux femmes de chambre, s'étoit à peine assise à sa place favorite, que les deux coquins, le visage couvert d'un masque, s'élancent de leur embuscade l'épée à la main, et lui ordonnent de les suivre. Les femmes de chambre poussent un cri de frayeur. Etienne l'entend et accourt à la hâte. En repassant devant la porte du parc, il voit les deux ravisseurs qui entraînoient mistriss de force. Tirer l'épée et fondre sur eux fut l'affaire d'un clin d'œil. Les scélérats lâchent leur proie pour se défendre. Mistriss tomboit en défaillance ; Etienne donne ordre à ses suivantes de l'emmener à la hâte ; puis il presse vivement ses deux adversaires. La fureur et l'indignation doubloient ses forces, il en eut bientôt mis un hors de combat, l'autre s'enfuit par la porte du parc, s'élance sur un cheval et s'échappe. Le blessé fut livré à la justice, et le baronnet pour se soustraire aux suites de cette méchante affaire, quitta l'Angleterre.

 Il est facile au lecteur de deviner avec quels sentiments mistriss reçut son libérateur, lorsqu'il vint la rejoindre après son combat. Elle aurait volé à son secours si ses femmes ne l'eussent retenue ; elle trembloit pour sa vie, et eut peine à se persuader qu'il n'avoit pas reçu de blessure. Leur émotion réciproque trahit le secret de leur cœur. En un mot l'issue de cette aventure fut qu'Etienne Forster, l'intendant de la riche et belle mistriss Simpson devint son mari. Monté au rang que lui donnoit une alliance si brillante, il sut bientôt se faire distinguer par ses concitoyens. Son esprit, sa probité, son zèle pour le bien public lui concilièrent tellement leur estime et leur attachement qu'ils l'élurent pour leur lord-maire.
 
Dans ce poste élevé il n'oublia pas Ludgate qui avait été le fondement de sa fortune. Tous les ans il payoit la rançon d'un prisonnier pour dettes, et il fit tout ce qui étoit en son pouvoir pour alléger le sort des autres détenus. C'est à lui que cette prison doit son agrandissement, ses améliorations et la construction d'une chapelle. On y lit une inscription qui fait son éloge et celui de son épouse. Elle fut posée en 1515, l'année ou Thomas Forster fut nommé lord-maire.

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* *

Le roi d’Akin.

Sur les côtes occidentales de l'Afrique s'étend sous un soleil brûlant, mais à l'ombre des palmiers, des cèdres, des ricins et des gommiers, un vaste pays qu'on nomme Guinée. Il est habité par des nègres qui vivent sous divers rois dont les royaumes portent chacun un nom particulier peu connu des Européens. Car lorsque ceux-ci en firent la découverte ils s'embarrassèrent peu de la géographie des Maures, mais ne consultant que leur, caprice, ils en établirent une à leur guise. C'est ainsi que la Guinée, ce pays où ils recueilloient la poudre d'or qui servoit à faire leurs guinées, fut divisée en divers districts auxquels ils donnèrent des nom» conformes aux objets qu'ils y recherchoient, tels que l'ivoire, la poudre d'or, du poivre, des esclaves. De là les noms de Côte des Dents, Côte d'or, Côte de Malaguette etc., tous lesquels ils sont encore de nos jours désignés sur nos cartes. Le royaume d'Akin ou d'Acanes renferme une grande partie de la Côte d'Or ; mais comme il est dans l'intérieur des terres, à près de 100 lieues des côtes, les Européens n'y pénétrèrent que plus tard.

Cependant Frempung, le roi d'Akin, avoit entendu parler de l'apparition des monstres marins blancs. C'est sous ce nom que ces ignorants nègres avoient l'insolence de nous désigner, nous autres aimables Européens. Eux qui sont noirs comme charbon, et qui à la place de nos grands cheveux noirs, bruns, châtains ou blonds n'ont qu'une laine courte et rude ; eux dont les nez épatés et les grosses lèvres rendent à nos yeux leurs figures si uniformes et si hideuses, nous appeloient des monstres ! tant les notions de beauté sont différents et arbitraires !
 
Nous disons donc que le roi d'Akin avoit entendu parler des monstres marins blancs qui étoient venus du fond ou de par-delà la mer dans de grands coffres de bois. Des voyageurs qui avoient vu ces créatures de leurs propres yeux, prétendoient que ces êtres avoient beaucoup de conformité avec les hommes ; qu'ils marchoient sur deux jambes, qu'ils avoient une voix à l'aide de laquelle ils articuloient divers sons, ce qui fesoit supposer qu'ils pouvoient se faire entendre entre eux de même que d'autres animaux. Ils ajoutoient qu'à l'exception du visage, qui étoit d'un blanc dégoûtant, ils ne se ressembloient pas les uns aux autres, ayant les parties du corps différemment conformées, plus ou moins velues et de couleurs diverses, bleu, vert, rouge etc. ; qu'ils étoient même la plupart marqués de différentes couleurs comme certains oiseaux ; De nouveaux voyageurs survinrent qui prétendoient que ces êtres sortis de la mer n'étoient pas des hommes, mais une espèce d'amphibies ; que plusieurs d'entre eux avoient de longs poils sous le nez qui rendoient leur figure hideuse ; que leur boisson favorite étoit une certaine eau que nul homme ne pouvoit avaler;  qu'ils avoient voulu en goûter, mais que quelques-gouttes seulement leur avoit mis la langue en feu, et qu'ils se hâtèrent de la rejeter. Ces êtres extraordinaires, ajoutoient-ils, portent des espèces de massues creuses dans laquelle la foudre est renfermée. Dirigent-ils ces massues contre un oiseau en l'air, soudain la foudre sort avec éclat, et l'oiseau tombe mort comme s'il avoit été percé d'une flèche.
 
A ces nouvelles le roi d'Akin, qui étoit un seigneur doué de beaucoup de raison, fut rempli de surprise. Il n'ajoutoit pas foi entière, à tout ce qu'on racontoit ; apparemment le proverbe a beau mentir qui vient de loin étoit-il aussi en usage dans son royaume. Cependant, ces nouvelles se succédant et se confirmant de jour en jour, il ne savoit plus qu'en penser. Enfin le rapport d'un homme très considéré de sa cour, qui revenait d'un voyage qu'il avoit fait sur les côtes, mit le comble à son étonnement. Il avoit aussi vu ces enfants de la mer, et il déclara devant le roi qu'il les prenoit pour des hommes sortis de contrées très éloignées. Voici sur quoi il fondoit ses conjectures.
 
« Il s'est établi au bord de la mer des hommes de notre race qui ont appris la langue de ces êtres inconnus, qui même peuvent converser avec eux, donc il faut que ce soit des hommes ; car on n'est jamais parvenu à faire une pareille expérience sur les animaux. Mais je ne saurois affirmer qu'ils soient doués d'intelligence au même degré que nous, j'en doute même ; quelquefois à la vérité, je les trouvois très-raisonnables, mais souvent aussi ils semblent entièrement dénués de raison. Par exemple, leur plus grand plaisir est de boire de cette eau brûlante dont on vous a déjà parlé. Quand ils en ont bu, ils deviennent comme fous, ils rient, ils hurlent, ils chancellent et ne peuvent se tenir sur leurs jambes ; d'autres fois ils s'embrassent, puis ils se querellent , se battent et se blessent; d'autres font des sauts et des gambades jusqu'à ce que le sommeil les gagne. Quand ils se réveillent, ils paroissent redevenus raisonnables.»

« Ils ont aussi le goût de la danse, et j'ai remarqué que lorsque l'un d'eux frotte avec un petit bâton à poils sur un morceau de bois creux pardessus lequel sont tendus des boyaux de je ne sais quel animal, il en résulte une espèce de sifflement qui met leurs jambes en train ; tantôt ils marchent et glissent à pas mesurés, tantôt il sautillent à droite et à gauche, le plus souvent ils se tiennent deux à deux en tournoyant à perte d'haleine, ce qui est très-plaisant à voir. »

« J'ai aussi remarqué qu'ils avoient des espèces de fétiches dont ils s'occupent beaucoup. Deux, trois ou quatre s'asseoient au tour d'une table ; ils prennent un paquet de ces fétiches, tous de la même grandeur, mais diversement peintes ; ils les mêlent et les distribuent entre eux. Alors chacun se met à bien examines les siens, sans en détourner les yeux. Bientôt le charme opère : les uns deviennent mornes et sérieux, d'autres témoignent une joie maligne ; à mesure qu'ils jettent leurs fétiches sur la table un à un, la joie des uns augmente, tandis que les autres prennent un air de mécontentement, quelque fois de désespoir, comme s'ils venoient d'éprouver un grand malheur. Du reste ils n'ont pas grand respect pour ces fétiches, car j'ai vu de ces sauvages qui, dans leur colère, les ont jetés à terre, même mis en pièces.»
 
Le roi d'Akin secouoit la tête à tous ces rapports, comme un homme qui est indécis s'il doit y ajouter foi ou non. Tout ce qu'il venoit d'entendre excitoit sa curiosité au suprême degré, et il ne désiroit rien tant que de voir par lui-même une de ces singulières créatures. Il convoqua ses conseillers et ses serviteurs les plus expérimentés et les plus fidèles pour entendre leur avis. Le sentiment des plus anciens étoit qu'il devoit bien se garder d'admettre chez lui ces avortons dont il n'y avoit rien de bon à se promettre. Mais les jeunes, aussi curieux que le roi même, pensoient qu'il convenoit à un roi d'examiner soigneusement tout ce qui se présentoit d'extraordinaire pour s'assurer de ce qui pouvoit en résulter de bien ou de mal, afin d'en instruire son peuple, aux intérêts duquel c'était son devoir de veiller. Qu'avant tout il était important de constater si ces êtres sortis de la mer étoient des hommes ou non.
 
Frempung flottant encore entre ces deux opinions contradictoires, raconta à la jolie Mandingo, jeune négresse de quinze ans et sa favorite, ce qui s'étoit passé dans son conseil. Celle-ci, pénétrée à l'instant du plus violent désir de voir ces étranges figures que l'eau salée venoit de produire, pria le roi, en lui faisant mille caresses, d'en faire venir, Ceci le décida. Frempung envoya vers les côtes une ambassade choisie parmi ses plus vaillants guerriers, pour inviter les fils de la mer, s'ils étoient réellement des êtres doués de raison, à députer l'un des leurs à sa cour, ou, si ce n'était que des animaux inconnus, pour tâcher d'en amener un en vie.
 
L'ambassade, trouva les Européens vivant dans la meilleure intelligence avec les nègres établis dans un village sur la côte. Sur la mer on voyoit dans le lointain un grand vaisseau avec ses mâts, ses agrès et ses banderolles. C'étoient des Danois qui étoient venus débarquer à la Côte d'Or dans le royaume d'Acra pour y faire refleurir le commerce d'une de leurs colonies. Ceux-ci furent charmés d'apprendre qu'un roi de l'intérieur de l'Afrique désiroit faire connoissance avec eux. Leur imagination s’enflamma, et déjà ils voyoient en perspective la poudre d'or, la gomme, l'ivoire, les diamants et les esclaves qu'ils allaient se procurer à vil prix. Monsieur Kamp, le subrécargue, fut désigné pour ambassadeur, et il partit, accompagné d'un interprète, avec l'ambassade d'Akin.
 
Arrivé sans obstacle à la capitale de Frempung, il dut, dès le lendemain, avoir l'honneur d'être présenté au monarque nègre. Monsieur le subrécargue Kamp, homme de la vieille roche qui se piquait de savoir vivre, donna un soin particulier à sa toilette.

Frempung, assis sur un carreau et entouré des principaux de sa cour l’attendoit non sans éprouver un secret battement de cœur. Des deux côtés de la salle étoient rangées une centaine de jolies négresses qui brûloient d'impatience de voir l'animal marin. Enfin monsieur Kamp entre en habit de dimanche, en bas de soie blancs, souliers à boucles d'argent, sur la tête une perruque à queue poudrée. A sa vue, un mouvement général de surprise se manifeste. Chacun de ces nègres et négresses s'étoit attendu à voir un monstre extraordinaire; mais ce qu'ils voyoient passoit tout ce que leur imagination avoit pu concevoir. Ils croyoient tout bonnement que ces pans d'habit, cette veste, ces culottes et ces bas étoient inhérents au corps comme le poil des quadrupèdes ou les plumes des oiseaux.

Dans cette supposition la figure de monsieur Kamp dans son accoutrement faisoit un grotesque contraste avec les formes herculéennes ou gracieuses de ces nègres ou négresses dans leur état de pure nature. Mais l'envie de rire à laquelle ces jeunes filles, et surtout la pétulante Madingo, sentoient une disposition prête à eclater, leur passa bientôt, car le monstre marin s'avança droit vers le roi que ce mouvement suspect ne mettoit pas trop à son aise.

L'honnête subrécargue, qui dans son pays passoit pour un homme très poli, ne voulant pas compromettre cette réputation en présence d'une cour africaine, s'arrêta quand il fut à dix pas du monarque, et fit un profond salut en étendant la jambe droite en arrière le plus qu'il put. Frempung, non familiarisé avec cette manœuvre de civilité européenne, l'interpréta mal, et s'imagina que l'animal étranger vouloit prendre son élan pour lui sauter au visage. Car dès l'entrée de monsieur Kamp, celui-ci ayant tourné la tête de côté et d'autre dans la salle, le roi avoit remarqué la longue queue à la prussienne qui pendoit à sa perruque, et en avoit conclu que c'étoit un singe d'une espèce inconnue. Quand donc il lui vit faire la manœuvre que nous venons de raconter, il s'étendit par terre tout de son long, pour l'esquiver, et en même temps il appela ses gardes à son secours.

Le bon Danois sentit qu'il y avoit quelque mal-entendu, et ayant appris de son interprète quelle avoit été l'inquiétude du roi, il s'empressa de lui expliquer très humblement que son mouvement n'avoit été qu'une démonstration de respect usitée en Europe. Frempung le dispensa pour l'avenir de pareilles démonstrations.
 
L'ambassadeur, profitant du calme qui s'étoit rétabli, se mit en devoir d'exposer, au nom du gouverneur pour sa majesté danoise du fort de Christians-bourg, les vœux que la colonie formoit pour la conclusion d'un traité de commerce avec S. M.' ackimoise, qui offrit des avantages réciproques. Dans cette vue il s'étoit fait apporter dans la salle d'audience une caisse renfermant des présents pour le roi. Mais avant de les lui remettre, il voulut prononcer un discours qu'il avoit étudié avec soin, et que l’interprète devoit rendre dans la langue du pays. Pour cela ayant pris une attitude imposante et solennelle, il commença par vanter la magnificence et la puissance de sa majesté danoise. Il n'en avoit encore débité que quelques périodes qu'il fut interrompu d'une manière très-fâcheuse.
 
Pendant que toute la cour examinoit attentivement l'être étrange venu de la mer et écoutoit avec surprise son baragouin, l'un des conseillers du roi s'avisa d'éprouver si cet animal pouvoit mordre, et ce qu'il y avoit à craindre de ce côté-là. Pour faire cette expérience il prit un long bâton blanc qu'il tint devant la bouche de l'orateur. Celui-ci croyant sans doute que c'était l'étiquette de la cour, continua sa harangue sans y faire attention. Le prudent conseiller, enhardi par la douceur de l'animal, lui passa à plusieurs reprises son bâton très-près de la bouche en répétant gnrr ! gnrr ! pour l'exciter à mordre. Au moment même où monsieur Kamp, dans la chaleur de son éloquence, ouvrit la bouche plus que de coutume, le conseiller lui fourra adroitement le bâton entre les dents.
 
Pour le coup notre orateur fut tout déconcerté, il se remit cependant de son émotion, mais ne voulant plus continuer son discours, il ordonna à l'interprète de rendre au roi ce qu'il venoit de dire. Frempung ne l'écouta pas, et comme il avoit vu que le singe étoit bien apprivoisé et qu'il n'y avoit rien à en craindre, il s'approcha de lui et le tâta de tous les côtés. Ce qui excitoit le plus son admiration c'étoit la queue de la perruque ; car il croyoit avec toute sa cour que c'étoit une queue naturelle qui, aulieu de croître à la place accoutumée, tenoit à la nuque, chose monstrueuse qui ne se voyoit à aucun autre animal connu. L'interprète eut beau assurer que cette queue n'étoit qu’artificielle, et qu'elle pouvoit s'enleyer avec la chevelure entière, on n'en vouloit rien croire. Enfin le roi demanda que l'étranger en fit l'expérience.

Cette demande parut bien impertinente à monsieur l'ambassadeur, et il alloit se fâcher tout de bon. Cependant pour se calmer et avoir le temps de réfléchir sur le parti qu'il devoit prendre, il prit une prise de tabac. Nouveau sujet d'étonnement. Quand la cour vit ce drôle d'animal ouvrir pathétiquement une petite boite, y prendre entre deux doigts un peu de poudre brune et l'introduire dans son nez, tous partirent d'un grand éclat de rire ; les négresses surtout faillirent en étouffer. Elles trouvoient cela si plaisant de la part de ce singe qu'elles auroient donné tout au monde pour lui voir recommencer cette opération.
 
Monsieur le subrécargue, qui ne pouvoit se figurer qu'une action aussi ordinaire eût pu exciter une telle hilarité, avoit dans cet intervalle fait ses réflexions, et ayant considéré que les ambassadeurs dévoient souvent se prêter à toutes sortes de facéties pour atteindre le but de leur mission, il avoit résolu de céder aux désirs du roi. Il saisit de ses doigts le sommet de la perruque pour l'enlever de dessus sa tête, un profond silence s'établit par toute la salle, tous regardoient bouche béante et l'œil immobile une chose qui jusque-là leur avoit paru impossible ! Toute la chevelure se détache, à la fois et la queue est séparée de la nuque. Un cri général se fait entendre ; mais quand le subrécargue, pour démontrer à l'assemblée qu'il n'en avoit pas pris de mal, tourna en tout sens sa tête pelée, un nouvel éclat de rire retentit, un rire bruyant, inextinguible, tel qu'on n'en avoit jamais entendu en Afrique. Le roi que ce spectacle amusoit beaucoup, fit alors prier le monstre d'ôter aussi sa tête, de déposer ses bras et ses jambes, car Frempung crut désormais que tout lui étoit possible. Cette nouvelle prétention ne laissa pas d'embarrasser monsieur Kamp, qui commençoit à comprendre qu'on ne le prenoit pas pour un être raisonnable. Dans de pareilles circonstances il craignoit de voir échouer sa négociation. Il se donna donc toutes les peines imaginables pour faire comprendre au roi qu'il étoit un être doué de raison, un homme enfin, à la couleur et aux cheveux près, formé comme un nègre ; qu'il pouvoit bien déposer les habits qui couvroient son corps, mais non se séparer des membres précieux qu'il tenoit du créateur.
 
Frempung doutoit encore et exigea qu'il fournît une preuve sans réplique de ce qu'il avançoit en se déshabillant et se montrant dans son état naturel. Kamp s'accommoda au temps, mais refusa de se déshabiller en présence des femmes. Ce seroit, disoit-il, une inconvenance, une indécence à laquelle il ne pouvoit se résoudre. Les négresses ne concevoient rien à son obstination, et étoient de très-mauvaise humeur de ce qu'il les vouloit empêcher d'être témoins d'une aussi surprenante expérience. Il eût été pourtant si drôle de lui voir déposer, sa peau comme un vieux serpent ! S'il étoit véritablement un homme, se disoient-elles, il ne feroit pas tant de façons. Mais M. Kamp fut inexorable ; tout en faisant mille excuses à ces noires beautés qui, dans leur innocence et sans y entendre malice, le pressoient de céder à leur curiosité, il déclara nettement qu'il n'en feroit rien. Enfin Frempung décida. Un signe de sa part et les femmes s'éloignent.
 
Alors Monsieur le subrécargue tient parole et se déshabille. Le Roi regarde cette opération avec un étonnement toujours croissant. Enfin il voit devant lui au lieu d'un monstre, un homme auquel il ne manque que la couleur. Il palpe chacun de ses membres non sans dégoût ; après cette investigation il s’écrie : « Tu es un homme, je n'en puis disconvenir ; mais tu es blanc comme le diable. »

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SUITE DES VARIÉTÉS.

 
Les opérations de recrutement, au moment d'être terminées dans le département du Jura, ont présenté dans l'arrondissement de Poligny un phénomène que l'on peut regarder comme l'un des plus dignes d'intérêt et de curiosité.
 
Lors du tirage du canton des Grandes-Planches, un père a apporté devant l'autorité, dans une besace, deux jeunes gens appartenant à la classe de 1822, et nés en 1802 à Foncine-le-Haut, qui pesoient ensemble 83 livres, et dont la taille de l'un étoit de 3 pieds 8 pouces, et celle de l'autre de 3 pieds moins quelques lignes. En naissant, ils pesoient sept livres et demie les deux. Ces enfants intéressants ont pris dans l'urne de verre mise à leur portée, le numéros 27 et 31.
 
Leur physique est celui de deux enfants, l'un de six ans, l'autre de trois et demi. Il faut assurément toute la sévérité des recherches dans ces sortes d'opérations administratives, pour croire, sans en douter que ces jeunes gens sont à la veille d'être majeurs. Leurs formes sont toutes régulières et même modelées, aucune infirmité ne les a encore atteints ; leur caractère est l’enjouement, leur figure gracieuse le peint à merveille ; leur intelligence n'a suivi que le développement de leur physique ; mais ils ont celle des âges qu'on leur accordé en les voyant ; leur voix est tout à fait enfantine.

Depuis seize ans, ils suivent les écoles, et n'ont pu encore qu'épeler et connaître, leurs lettres. Entièrement prives de mémoire, ce qu'ils ont appris le matin est oublié le soir : du reste, ils n'ont rien qui puisse approcher même de l'état d'idiotisme ou d'imbécillité. Ces jumeaux sont de la plus parfaite ressemblance ; leurs cheveux sont également blonds, presque blancs ; leurs jeux, leurs habitudes sont ceux des enfants de leur taille.

Le père est un superbe homme, de cinq pieds sept pouces et demi, d'une belle figure, spirituelle et même distinguée ; la mère est également une femme très-remarquable, et leurs autres enfants sont les trois plus belles filles-du Canton.

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Enterrements des Tunquinois.

L'enterrement des Morts est sans contre dit l'une des plus grandes et des plus dispendieuses cérémonies du Tunquin. On y observe scrupuleusement un rituel qui tire son origine de la Chine, et on se garde d'autant plus d'y manquer que les Tunquinois sont pénétrés de deux préceptes de Confucius : Servez les morts comme les vivants ; et ayez pour les absents les mêmes égards que pour les présents.
   
Ils ont la croyance que les enfants au sein de leur mère sont animés par les âmes des enfants morts avant d'avoir atteint l'âge viril ; les âmes des hommes faits errent sur la terre, et, font aux vivants du bien ou du mal, selon qu'elles sont bien ou mal traitées par leurs parents : de là vient que les Tunquinois donnent à leurs morts des vivres et des bijoux ; ceux-ci sont placés dans leur bouche, ceux-là, à côté d'eux. Ils ne s'approchent pas volontiers d'un mourant, mais dès qu'ils s'aperçoivent qu'il est sur le point d'expirer, ils étendent un mouchoir sur son visage, dans l'opinion d'y recueillir son âme. Avant qu'on enterre un mort ; les prêtres et les devins sont consultés sur le jour qui seroit le plus favorable pour cette cérémonie : d'où il arrive quelquefois chez les riches du moins, que le cadavre reste deux ans sans être enterré. En attendant, le cercueil, bien calfeutré et proprement laqué, est placé sur quatre pieux, dans un lien convenable où les parents viennent chaque jour lui porterie tribut de leurs gémissements et des vivres en abondance. Le fils aîné doit pendant tout ce temps passer les nuits couché au pied du cercueil, lequel est recouvert d'étoffes de soie. Le cadavre y est couché sur le dos le visage tourné vers le ciel, et la tête assujettie sur une espèce de pâte. Les riches dépensent des sommes énormes pour l'enterrement des membres de leur famille ; les pauvres aussi se mettent en frais autant que leurs moyens le leur permettent.
 
Le jour de l'enterrement, les parents et les amis du défunt s'assemblent en habits de deuil, qui consistent dans de longs sarreaux de coton grossier et non-teint ; le fils ou le plus proche parent est ceint d'une corde, et porte sur la tête un torchon de paille en guise de bonnet. Tous marchent appuyés sur leurs bâtons pour exprimer le poids de leur douleur ; les femmes ont le visage couvert d'un voile de toile, et poussent des cris lamentables. Le corps est porté par vingt à trente personnes avec lenteur et gravité ; sur le cercueil est posé un vase rempli d'eau ; si rien n'en est versé, c'est un bon signe, et les porteurs sont bien récompensés.

Tout le cortège précède ou suit le cercueil ; un maître des cérémonies prescrit les génuflexions, les prosternements, les gémissements ; les cris comme le silence se succèdent d'après son signal. Tantôt c'est une cacophonie épouvantable : celle-ci regrette dans le défunt son mari, celui-là son père, un autre son ami, son bienfaiteur, etc. ; un instant après, au signal donné, tout se tait. On s'arrête souvent pour offrir des sacrifices, puis le tintamarre, les génuflexions recommencent de plus belle. Pendant la marche, le fils aîné se jette quelquefois par terre, et laisse le cercueil passer sur son corps ; en vain veut-on le retenir, il semble ne vouloir pas survivre plus long-temps à celui qu'il a perdu : c'est le plus grand témoignage de respect et d'amour filial qu'il puisse donner. En tête du convoi funèbre on porte des drapeaux où sont inscrits quelques éloges du défunt, et à côté desquels des musiciens jouent de divers instruments. Mais l'objet le plus essentiel du convoi est le mouchoir dans lequel doit se trouver l'âme ; après l'avoir porté avec beaucoup de précaution jusqu'à la tombe, on le rapporte à la maison, où il est posé sur un guéridon destiné exclusivement à cet usage. Les gens de distinction observent encore beaucoup d'autres cérémonies; ils font diverses marques sur des morceaux de papier doré qu'ils brûlent en l'honneur du défunt : ce sont autant de lettres de change dont il pourra se servir dans l'autre monde. Outre ces sacrifices on dresse des tables chargées de toutes sortes de mets. Lorsqu'enfin tout est terminé, le cortège retourne à la maison du deuil, on s'asseoit à un grand repas et on noie son chagrin dans le vin.

Les grands seigneurs ont plusieurs cercueils, l'un au-dessus de l'autre, qui sont portés sous un baldaquin, escorté par des soldats et une longue suite de mandarins. Plus un fils fait de dépense pour l'enterrement de ses parents, plus il est estimé et considéré : aussi arrive-t-il quelquefois qu'à force de vouloir se surpasser l'un l'autre par ce luxe funèbre, on finit par se ruiner. Le deuil pour les parents se porte trois ans en habits gris de cendre avec des bonnets de paille, mais le fils aîné doit le porter trois mois en sus ; pendant tout ce temps on mène la vie la plus dure, la plus austère et la plus triste. Le choix du lieu de sa sépulture est pour tout homme un objet important dont il s'occupe long-temps avant sa mort, parce qu'on croit qu'il influe puissamment sur le bonheur ou le malheur de ses descendants. On ne laisse jamais croître d'herbe sur les tombeaux et autour d'eux, et on en retourne la terre tous les ans. Les grands font construire des voutes et quelquefois même des temples sur leurs tombeaux, Après l'écoulement du temps fixé pour le deuil, on déterre le cercueil, et on en retire les ossements pour les-mettre dans un cercueil plus petit qu'on va enterrer ailleurs. Si les chaires se sont conservées jusqu'alors, c'est une preuve que le défunt étoit un méchant homme qui tourmentoit les vivants, aux dépens desquels il s'est conservé de la sorte ; si au contraire on ne retrouve que des os ou de la poussière, c'étoit un juste, et l'honneur en rejaillit sur sa famille.
 
De tout cela il résulte que les Tunquinois sont loin du matérialisme, et qu'ils sont bien convaincus de l'immortalité de l'âme.

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Aventures d'un étudiant.

Dans une société où les plaisirs d'une conversation spirituelle et intéressante, passe-temps sans contredit plus instructif et plus digne d'un être raisonnable que les cartes ou les dés, formoient le principal amusement, un de ses membres raconta une aventure qui lui étoit arrivée dans sa jeunesse, et que le messager boiteux, qui l'a écoutée attentivement et qui a bonne mémoire, veut communiquer à ses lecteurs.
 
« Lorsque je fis mes études à Heidelberg (nous laissons, parler le héros de l'aventure), je me plaisois pendant les vacances à faire dans les environs des excursions à pied. Au bout de quelques années, et quand je me disposai à quitter l'université pour retourner dans ma ville natale, je résolus de visiter encore le lac de Constance. J'espérai y arriver au temps des vendanges mais j'avois compté sans mon hôte, ou, pour mieux dire, sans mon professeur, chez lequel je suivois avec quelques camarades un cours privé, que notre savant traîna tellement en longueur que les arbres se dépouilloient déjà de leurs dernières feuilles lorsqu'enfin il tourna le dernier feuillet de son cahier. Mieux vaut tard que jamais, me dis-je, en faisant mon paquet, et je me mets en route. Les bords riants du lac, quoiqu'ils eussent déjà perdu la plus grande partie de leur parure, offroient encore des charmes capables de satisfaire un homme peu exigeant et aussi grand admirateur des beautés de la nature que moi ; si seulement les frimas n'avoient pas hâté leur arrivée d'autant de semaines que j'en avois éprouvé de retard.

« Un soir il tomba tant de neige que je dus précipiter mes pas pour atteindre un abri. Une petite auberge isolée fut le premier qui se présenta, et voici quelle étoit sa situation : à sa gauche l'entrée d'une vallée profonde et étroite, à sa droite des broussailles très-touffues ; le silence qui régnoit dans cette contrée déserte n'étoit interrompu que par le bruit monotone et lointain d’un moulin ; les parois escarpées d'une montagne bornoient la vue en face de cette bicoque, et par derrière elle étoit adossée à un côteau de vignes qu'il falloit tourner pour arriver au misérable village dont ce cabaret faisoit partie. En entrant dans le cabaret je le trouvai rempli de paysans à moitié ivres, assis au tour d'une table, qui écoutaient avec grande attention les historiettes de brigands et de revenants que leur racontait le maitre d'école, et qui me firent éprouver à moi-même un secret frémissement, tant elles étoient épouvantables. Heureusement sa mémoire s'épuisa en même temps que sa bouteille, et sa langue devint immobile quand il n'eut plus de quoi l'arroser. Il se leva, paya son écot et sortit d'un pas mal assuré ; son auditoire ne tarda pas à le suivre.

« Pendant ce temps on m'avoit servi un frugal souper à une autre table à laquelle un homme en habit de chasseur étoit assis dans un coin vis-à-vis de moi. Dans le premier moment je ne fis pas grande attention à lui, la faim qui me pressoit ne permettant pas de m'occuper d'autre chose que de mon assiette. Quand mon estomac fut enfin apaisé, mes autres sens reprirent leurs fonctions ; je recommençai à voir et à entendre. Alors le chasseur me donna dans la vue. Le chapeau enfoncé dans la tête, il paroissoit insensible à ce qui se passoit au tour de lui ; je m'aperçus néanmoins qu'à la dérobée il tournoit de tous côtés des yeux perçants. Je lui adressai la parole, il me répondit avec un accent étranger qui me parut plus affecté que naturel, quand je voulus continuer la conversation, il coupa court. J'en conçus de fâcheux soupçons, et ne me crus pas trop en sûreté dans ce lieu. Cependant le chasseur prend de la table son couvert qui lui appartenoit, et le remet dans le fourreau de son énorme couteau de chasse. M'imaginant qu'il m'avoit fait voir celte arme dans la vue de me braver, je fis semblant de chercher quelque chose dans mes poches, et j'en tirai mes pistolets que je déposai devant moi sur la table. L'inconnu n'y jeta pas même les yeux. Alors je me lève brusquement, et lui disant sèchement bon soir, je demande après ma chambre. Pendant que l'hôte me conduisoit à travers la cour dans un petit corps de logis séparé où étoit la seule chambre décente et chauffable de l'auberge, je le questionnai sur le compte du chasseur étranger; mais il ne put m'en donner le moindre renseignement.
 
« A peine me vis je seul qu'une frayeur panique s'empare de moi. Resterai-je ? Irai-je plus loin ? Si je reste, je passerai pour le moins une mauvaise nuit ; si je pars, je m'expose à la risée et aux brocards du cabaretier et de ses gens. Où aller d'ailleurs par le temps qu'il fait ? comment diriger mes pas dans l'obscurité ? Pendant que je délibère ainsi, on frappe doucement à ma porte. J'en suis tout interdit, et je ne réponds pas. On frappe plus fort, je demande qui est là, et une voix que je crois reconnoître pour celle de mon voisin de table, me dit d'ouvrir. Je réponds d'un ton brusque qu'à pareille heure je n'ouvrois à personne. Là-dessus on s'éloigne. Je prends sur le champ mon parti, je me rhabille et remets mon paquet sur le dos. Dans cet instant on frappe de nouveau, et j'entends la voix du cabaretier qui me prie instamment d'ouvrir. Je tire le verrou, l'hôte entre et derrière lui le chasseur, qui se place devant moi en me disant d'un ton froid et calme « Je suis *Jean de Constance* ; vous aurez entendu parler de moi. » Je n'ignorois pas que le chef d'une bande de brigands qui répandoit la terreur dans ces contrées portoit ce nom, aussi en fus-je si troublé que je lui dois encore la réponse.

« Ne craignez rien, continua-t-il en me frappant assez rudement sur l'épaule ; couchez-vous tranquillement, il ne vous arrivera pas le moindre mal. J'ai déjà fait la même promesse à cet homme. Mes gens se réuniront ici cette nuit, ils se conduiront paisiblement, tant que...» Ici il éleva la voix... « tant qu'on ne les inquiétera pas. » Cela dit, le redoutable Jean s'en va et emmène l'hôte avec lui.
 
Mon premier mouvement fut de prendre la fuite ; mais je me ravisai bientôt. Où aller ? Dans le cabaret ?... Supposé même que le cabaretier ne fût pas complice de la bande, quel secours pouvois-je en attendre ? Dans le village ?, Le brigand est trop prudent pour m'y laisser aller. M'échapper secrètement ? Le scélérat a sans doute pris des mesures pour l'empêcher. Mieux vaut rester. Après tout il y a chez ces sortes de gens une certaine probité de métier, et ce ne seroit pas la première fois que la parole d'un brigand auroit été plus sacrée que tel engagement souscrit par un soi-disant honnête homme. Je me résignai donc à faire ce que monsieur le capitaine Jean m'avoit ordonné, c'est-à-dire à déposer toute crainte et à m'enfoncer dans mon lit. L'un et l'autre me devint également impossible. Je reste donc levé et je prends un livre ; mais réfléchissant bientôt que la lumière dans ma chambre pourroit déplaire à ces messieurs et m'attirer une mauvaise affaire, je résolus de la cacher dans un coin. Avant d'y procéder je voulus, selon ma coutume en voyage, visiter le dessous de mon lit. Pendant que je m'en occupai, la chandelle tombe du chandelier et s'éteint. Désespéré de cet accident, je me jette sur le lit. Je n'y pus tenir long-temps, l'inquiétude et l'ennui m'en chassèrent bientôt, et je me mis à me promener en long et en large. Mais ma chambre étoit au rez de chaussée, vraisemblablement elle étoit surveillée, le capitaine m'avoit ordonné de me coucher, il ne falloit donc pas m'exposer à être vu. Nouvel embarras. Je vais me tapir derrière le poêle. Les poêles de cette contrée sont très grands en terre cuite, avec deux ou trois marches à côté de la même matière, sur lesquelles les gens du pays aiment à se reposer en hiver. Je montai sur la plus élevée, et de ce poste je pouvois voir tout ce qui se passoit dans la cour. Il sonna minuit. Cinq ou six figures passèrent comme des ombres, se dessinant distinctement sur la neige. Pas le moindre bruit ne se faisait entendre, seulement le cliquetis des carreaux de mes fenêtres interrompoit de temps en temps, sous les coups du vent, ce sinistre silence. Mes joues étoient brûlantes, tandis qu'un frisson fiévreux faisoit claquer mes dents. Presque hors de moi je retourne eu chancelant vers mon lit, qui n'étoit séparé du corridor que par une mince cloison en planches. J'avois à peine fermé les veux que j'entends tout près de moi un bruit de chaînes. Croyant m'être trompé, j'écoute en retenant mon haleine. Le même bruit se répète très-distinctement ; j'entends en outre marcher très-légèrement, et un cri perçant comme d'un enfant. En même temps ma porte craque comme si l'on faisoit des efforts pour l'enfoncer. Je saute du lit à pieds joints, et dans ma frayeur je traîne tables, chaises, tout ce qui me tombe sous la main, devant la porte. Mes membres tremblent, une sueur froide se répand par tout mon corps ; j'étais sur le point de perdre connoissance, quand la porte craque de nouveau. Le désespoir me ranime, je prends un pistolet de chaque main, et fermement résolu de me frayer un chemin à travers les brigands ou à vendre chèrement ma vie, je m'avance précipitamment, et me cogne avec une telle violence contre ma barricade que je recule chancelant et tout étourdi. Alors je cours à la fenêtre, que j'ouvre et que j'enjambe ; mais au moment que je vais passer l'autre jambe pour m’élancer dans la cour, je reçois au front un coup violent qui me jette à la renverse sans conoissance. J'ignore combien de temps je restai dans cet état, seulement je me rappelle qu'en reprenant mes sens je vis la lueur d'une lumière qui jetoit sur le plafond de ma chambre l'ombre vacillante d'une figure humaine. Bientôt on frappe à ma porte et j'entends la voix de mon hôte qui me dit : « Etes, vous éveillé, mon bon monsieur ? ouvrez, tout est parti, nous sommes délivrée » Il fut obligé de me le répéter avant que j'y ajoutasse foi. Enfin je débarrasse la porte et j'ouvre. Le cabaretier entre précipitamment d'un air effarer ; mais lorsqu'il m'eut éclairé de sa lanterne il recule épouvanté en me voyant pâle, défait la tête ensanglantée, les yeux hagards, les cheveux hérissés. « Que cette nuit étoit horrible ! » s'écria-t-il en se jetant sur un siège, « Volontiers je serais venu près de vous ; mais ces coquins nous avoient défendu, sous les plus terribles menaces, de quitter nos lits. Ils ont tramé quelque nouveau coup ; j'espère du moins qu'il ne sera pas dirigé contre-moi. » - Dans ce moment le bruit de chaines qui m'avoit tant effrayé dans la nuit se fait entendre de nouveau. Je saisis la lumière et cours voir ce que c'est. Ce spectre, le croirez-vous n'étoit autre chose qu'un tire bottes assujetti au plancher par une chaîne comme c'est assez généralement l'usage dans les petites auberges, pour que les voyageurs ne puissent pas l'emporter. Le cabaretier en voyant mon étonnement se mir à rire, « Vous n'êtes pas le premier, me dit-il, que ces maudits rats ayent épouvanté de la sorte. »

Je n'eus pas plutôt la clef de cette énigme que je devinai facilement toutes les autres. Je m'asseois sur mon lit, et passant en revue tout ce qui m'étoit arrivé celte nuit, je rougis de moi-même. Le craquement de la porte était l'effet naturel de la chaleur du poêle sur des planches encore neuves ; les pas, les cris que j'avois entendus provenoient des voleurs à quatre pattes qui se disputoient le bout de chandelle que j'avois laissé tomber tout près du tire bottes ; et le coup que je reçus à la tête, grâces en soient rendues au vent qui poussa le volet contre mon front ! il m'a sauvé la vie. Car, si j'avois effectué mon projet de sauter dans la cour, les deux brigands qui y étoient en sentinelle m'auroient fait un mauvais parti. Si, dès le principe je n'avois pas perdu la tête, j'aurois réfléchi que le brigand, eût-il voulu me dévaliser ou m'assassiner ne seroit pas venu chez moi se nommer pour que je me tienne en garde. Je n'ignorois pas d'ailleurs que les voleurs ne font jamais d'effraction dans les lieux où ils se rassemblent. J'aurois pu me dire tout ceci et autres choses encore pour me rassurer, si la peur ne m'avoit pas troublé la raison. »

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Les feuilles allemandes, sous la date de Varsovie, 4 mai, ont publié le fait suivant :

« Un juif aubergiste, à qui un voyageur anglais avoit confié, pour la lui garder, une cassette qui contenoit pour plus d'un million de valeurs, a nié ce dépôt lorsque le propriétaire le lui a demandé, et il a persisté en justice dans sa dénégation. Dans son désespoir l'étranger a porté plainte devant le grand-duc Constantin. Ce prince fit tous ses efforts pour amener l'aubergiste à un aveu, lui promettant même son pardon. Tout fut inutile. Alors S.A..I. porta  la conversation sur d'autres objets, et ayant, tiré sa montre, comme s'il doutait qu'elle alla bien, il dit au juif de tirer la sienne pour savoir au juste l'heure qu'il était. Le prince feignant de trouver cette montre, fort belle, lui proposa de l'échanger contre la sienne ; l'aubergiste, qui ne perdait assurément pas au troc, y consentit avec empressement. Alors le prince s'étant retiré pour un moment dans son cabinet, envoya un de ses gens avec la montre du juif, dire de la part de celui-ci à sa femme, qu'il avoit besoin de la cassette à elle connue pour conclure une affaire avec le grand-duc ; la femme, à qui l'exhibition de la montre de son mari ne laissait aucun doute, remit la cassette au valet de chambre. Le grand-duc ayant alors les moyens de convaincre le scélérat, lui offrit encore le pardon, s'il voulait avouer son crime. Celui-ci persista obstinément dans sa dénégation par serment, Le prince le livra alors au tribunal militaire, qui le condamna à être fusillé par vingt juifs ; ceux-ci exécutèrent si maladroitement cet ordre que le coupable n'expira qu'après deux heures de souffrances.

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Nouvelle spéculation manufacturière.
 
Si le lecteur a trouvé étrange d'apprendre l'année dernière qu'on avoit vendu au marché des souris à la douzaine, enfilées comme des alouettes, que dira-t-il si aujourd'hui je lui apprends qu'on en fait des ouvrières dans les fabriques ? Vive l'industrie ! vive le génie du commerce qui sait tirer parti de tout ! Ne voilà-t-il pas que M. Halton en Angleterre s'est avisé d'employer les souris dans sa filature ! Sans doute que ces animaux rongeurs l'auront importuné outre mesure quand ils lui inspirèrent l'idée de les transformer en êtres utiles à la société. Eh ; pourquoi ne feroit-on pas travailler cette race parasite, lorsque chien, animal bien autrement intéressant, est depuis long-temps condamné à faire mouvoir le soufflet du cloutier ! M. Halton fait donc pour essai faire quelques douzaines de petites roues, du genre de celles que font mouvoir les écureuils, mais proportionnées à la grandeur et la force des souris, ces roues, il les adapte à ses dévidoirs ; des souris sont enfermées, elles courent et font bon gré malgré elles l'office de dévideuses.

Comme elles ne reçoivent par mois que pour un sou de farine d'avoine, nourriture qu'on a trouvé suffisante, parce qu'elles deviendroient paresseuses si on les engraissoit trop, l'habile fabricant, qui sait son barème par cœur, a calculé que chaque souris lui rapporte un bénéfice clair et net de 8 fr. par an.

Je trouve, moi, qu'il a oublié d'évaluer un autre bénéfice qui résulte encore pour lui de sa nouvelle invention : c'est que désormais il peut, il doit même se passer de chats. Dans une grande fabrique on ne pouvoit tenir jusque-là moins de dix chats ; un chat ne vit pas uniquement de souris, il mange aussi du rôti, voire même de la volaille si on lui en donne ou s'il peut s'en procurer par adresse ; du moins faut-il lui passer une subvention fixe de nourriture que je puis évaluer, sans exagération, à un demi sou par jour : cela feroit donc, si je n'ai pas oublié mon abécé en arithmétique, 91 fr. d'épargnes par an. Or, ce qu'on épargne est autant de gagné, ceci est incontestable, et si nous ne le savions depuis long-temps, nous l'aurions appris de reste par ce qui se dit chaque année à la tribune lors des débats sur le budget.

Quel beau revenu l’on pourroit se faire avec seulement deux ou trois mille souris ! Vraiment c'est bien dommage qu'on ne puisse appliquer l'invention de M. Halton aux presses d'imprimeur : c'est alors que le lecteur aurait des almanachs à bon marché, si au lieu de faire du dégât dans les ma-gasins de librairie, en rongeant sans respect les messagers, boiteux, les souris étoient forcées de les imprimer.

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Le fou et son conducteur.
 
Les journaux de Londres ont rapporté cette année l'anecdote suivante : Il y avoit dans le comté d'Hertsfordshir un fou. Comme sa maladie étoit de nature à troubler la tranquillité publique, on avoit obtenu l'ordre de le faire conduire dans une maison d'aliénés. On le saisit, et l'on se met en route. Le fou et son gardien, près d’arriver, descendent dans une auberge et couchent dans la même chambre. Comme le gardien dormoit profondément, sou malade se lève, s'empare du porte-feuille, y prend, l'ordre dont le conducteur étoit chargé, s'habille, sort sans éveiller son compagnon, et se rend auprès du directeur de la maison des aliénés ; il lui annonce qu'il a l'ordre de lui amener un fou qui loge en tel endroit. « Mais, dit-il au directeur, ne vous y trompez pas, c'est un fou fort singulier.
Il a des accès d'une bizarrerie inconcevable. Croiriez-vous qu'en ce moment il soutient que c'est moi qui suis le fou, et que c'est lui qui doit m'amener ici ; mais vous voyez l'ordre dont je suis porteur ; je vous prie donc de m'accompagner et de me donner main-forte s'il est besoin.

On se transporte, en effet au lieu indiqué : bon gré mal gré, on se saisit du conducteur ; il s'obstine en vain à se prétendre raisonnable ; on l'emmène ; on le place dans un lieu destiné au traitement des fous, et plus il se prétend raisonnable, plus il se débat, plus on lui administre de douches. Cependant, le véritable fou regagne son village bien content de son exploit.

Le gardien est enfin parvenu à se faire reconnoître pour raisonnable ; mais cette aventure a failli lui faire réellement perdre la tête.

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En Angleterre il est des gens qui par goût ou par point d'honneur, quelquefois par spéculation, plus rarement par colère ou esprit de vengeance, se défient au combat à coups de poings. Un amateur de ces sortes de combats en rencontre-t-il un autre également renommé en ce genre, ou bien voit-il un homme d'une stature qui promette un champion digne de lui, il l'arrête et lui montre les poings. Celui-ci est obligé d'accepter le combat, ne veut point passer pour un lâche. Les champions sont-ils d'accord pour une partie de coups de poings, ils se déshabillent jusqu'aux hauts-de-chausses et se mettent en position ; alors les bras s'allongent, se retirent, les coups de poings se distribuent de part et d'autre ; dans les commencements tout se passe de sang-froid et selon les principes de l'art, mais bientôt les combattans s'échauffent, le combat devient plus vif, et l'on ne se quitte que lorsque l'un, quelquefois l'un et l'autre des combattans ont les yeux pochés, les dents enfoncés, et quelque côte de rompue. Voilà ce que l'on nomme boxer. Celui qui soutient le combat le plus long-temps, et qui est encore debout lorsque l'adversaire n'en peut plus et demande merci, est le vainqueur.

Chez nous, si pareille fantaisie prenoit à deux individus, on iroit bien vite chercher main-forte pour mettre le holà. En Angleterre au contraire, on se garde bien de troubler deux boxeurs dans leur divertissement, on fait cercle autour d'eux ; le riche, le pauvre, le lord, et le décrotteur, tout s'arrête pour voir ces combats ; on prend parti pour l'un ou pour l'autre des deux combattans, des paris s’engagent, et un coup de poing maîtrement appliqué a souvent décidé du gain et de la perte des sommes les plus considérables.
 
Un semblable combat a eu lieu il y a quelques années entre Cribb et Molineux, deux des plus fameux boxeurs de la Grande-Bretagne. Avant de raconter ce grand événement, je dois faire connoître les deux héros à mes lecteurs. Cribb est connu pour la meilleure pièce de chair humaine que la nature ait coulée dans son moule. C'est un terrible mangeur. En souplesse et dans l'art de donner des coups de poing, il ne le cède à aucun boxeur, et les surpasse tous en courage. Le nègre Molineux s'étoit déjà mesuré quelques mois auparavant pendant vingt-cinq minutes avec ce redoutable adversaire, et la victoire étoit restée si long-temps douteuse, que même au moment de l'issue du combat il se faisoit encore des paris pour Molineux. Ceci étoit bien fait pour exciter la jalousie la plus violente parmi les amis de Cribb ; l'orgueil national se révoltoit de voir qu'un nègre eût tenu tête au premier boxeur de la Grande-Bretagne. Quelque grande que fût leur appréhension pour l'issue d'un nouveau combat, ils forcèrent néanmoins Cribb d'accepter le cartel que Molineux lui avoit envoyé de nouveau.

Cribb, pour défendre son honneur, se soumit au régime le plus sévère. Le capitaine Barclay, son protecteur déclaré, fit sur lui l'essai d'une méthode qu'il avoit inventée pour former un boxeur parfait, et qui avait pour but de diminuer le poids du sujet tout en augmentant ses forces. Effectivement, retiré dans un coin solitaire de l’Ecosse, le genre de vie auquel il fut astreint sous la direction du capitaine, rendit Cribb plus léger de trente Livres. Molineux n'avait pas l'avantage d'être dirigé par un maître aussi expérimenté ; il ne pouvait prendre conseil que de soi-même, et n'étoit pas assez indépendant pour pouvoir s'adonner exclusivement à l'étude de son art.
 
La plaine de Thisleton-Gap, dans le comté de Rutland, fut choisie pour le théâtre de ce combat remarquable. Au centre de cette vaste plaine, on érigea une estrade élevée de six pieds, au tour de laquelle on forma un cercle au moyen de cordes fixées à des pieux. La veille du combat on n'auroit pu se procurer un asile, ni même un lit à vingt milles à la ronde. Lorsqu'enfin le jour remarquable et si impatiemment attendu vint à pointer, des spectateurs en foule affluèrent de tous côtés dans la plaine ; les piétons se placèrent immédiatement au tour de l'enceinte, en rangs tellement serrés qu'il leur devenoit impossible de faire le moindre mouvement. Derrière eux et à perte de vue, on voyoit une immense quantité de spectateurs à cheval, en voitures et sur des charriots de toute espèce, les sièges, les impériales et jusqu'aux roues, tout étoit couvert de monde.
 
Peu avant midi arrivèrent les seconds, leur vue causa dans le public une agitation extraordinaire, il annonçoit l'approche du combat. A midi le noir Molineux parut dans l'enceinte, mais Cribb sauta le premier sur l'estrade et salua l'assemblée avec beaucoup de gaieté ; de bruyans applaudissements retentirent de toutes parts. Le salut de Molineux excita des acclamations moins nombreuses, cependant on en put juger qu'il ne manquait pas non plus de partisans.
 
Cribb avait une mise élégante ; son extérieur est vraiment imposant, sa taille est de cinq pieds et demi. Molineux portoit un habit bleu, des pantalons de nankin. Il n'est pas si grand que son adversaire, mais il  a une poitrine large, des épaules d'Hercule et une paire de bras muscleux, faits tout exprès pour asséner des coups de poing.

On fit enfin les apprêts de la manière la plus solennelle ; il est impossible de décrire quelle étoit en ce moment l'impatience et l'anxiété de la multitude. L'air résolu des combattans, la force qu'ils décéloient, l'animosité du nègre, tout annonçait une lutte terrible. Cribb et Molineux se déshabillent ; tous les spectateurs sont dans la plus vive attente.

Le combat fut cette fois de courte durée, mais des plus violents. Cribb fut assailli par son adversaire avec tant d'impétuosité qu'il auroit succombé s'il n'avoit bientôt repris son aplomb, grâce à sa fermeté et à l'excellence de son éducation, toute entière dirigée vers le pugilat. Le nègre, au contraire, étoit tellement emporté par sa fureur que bientôt essoufflé il se donna aveuglément en prise aux coups meurtriers de son adversaire. Il reçut à la gorge un coup qui lui causa une hémorragie interne, et on s'apercevoit de temps à autre que le sang manquoit de l'étouffer. Le coup qu'il reçut dans le côté au moment de sa chute, ressemblait à un coup de marteau, et fut entendu des spectateurs les plus éloignés, qui en témoignèrent leur satisfaction par de longs applaudissements. Malgré cela il faut dire que le nègre se bat bien ; Cribb avoue lui-même que personne ne frappe avec tant de vigueur, et il en portait sur son corps des marques parlantes. Mais quand une fois Molineux a reçu quelques coups trop violents, il s'emporte et oublie toutes les finesses et ressources de son art : dans les derniers moments il se battait en frénétique, et tomba comme une énorme poutre. Ses seconds furent obligés de le relever comme une masse de plomb, et de le conduire comme un enfant prés de Cribb. Dès lors la victoire ne fut plus douteuse. Après la onzième attaque Molineux ne fut plus en état de soutenir le combat, et Cribb, à grand cris fut proclamé vainqueur.

Molineux resta long-temps étendu sur le plancher comme mort. Le chirurgien qu'il avoit amené avec, lui, de Londres le saigna, et quelque temps après on le porta plus qu'on le conduisit dans sa voiture. Il avoit la machoire en pièces et deux côtes fracassées. Cribb sauta en bas de l'estrade et fit quelques entrechats pour montrer au public qu'il, était encore, en état de donner et de recevoir des coups de poing.

Selon la coutume anglaise le reste de la journée se passa en banquets qui furent prolongés jusqu'au  lendemain. Les vainqueurs, c'est-à-dire ceux qui avaient parié pour Cribb, célébroient leur triomphe le verre à la main ;  les vaincus cherchaient à noyer dans le vin le souvenir de leur perte. C'est ainsi que s'amusent les anglais.

Anecdote.

En. 1359 les anglais assiégeaient la ville de Rennes en Bretagne. Les braves Bretons avaient déjà repoussé plusieurs assauts, lors, que les anglais, désespérant de s'emparer de la ville par la force des armes, résolurent de la réduire par la famine, et convertirent le siège en un rigoureux blocus. En effet les assiégés eurent bientôt à souffrir de la disette-. Pour rendre leur situation encore plus insupportable par le spectacle de l'abondance, les assiégeants s'avisèrent de faire passer devant les murs de la ville, et sous une forte escorte, un grand troupeau de bestiaux ; pour perpétuer même ce genre de supplice, ils établirent- à une petite distance de la place un nombreux troupeau de porcs qu'ils firent garder par l'élite de leurs troupes. A cette vue le célèbre Bertrand Du Guesclin, qui se trouvait parmi les assiégés, imagina un stratagème pour s'emparer de ce troupeau sans effusion de sang. Il fit faire dans toute la ville la recherche d'un porc vivant, et on fut assez heureux pour en découvrir le seul qui se trouvât encore à Rennes. Il fit conduire ce cochon sous l'une des portes de la ville qu'il avoit fait ouvrir ; là on tourmenta l'animal en le pinçant à la queue et aux  oreilles pour le, faire crier. Aussitôt que le troupeau de porcs des anglais eût entendu ces cris poussé par l'instinct, il se mit à courir d'un trait vers le lieu d'où ils partaient, et sans que ses gardiens pussent l'arrêter, le troupeau tout entier se précipita dans la ville, dont les portes se fermèrent incontinent derrière lui.  Alors les  habitans coururent sur les remparts en criant aux Anglais : Au lard ! au lard ! qui veut acheter du lard.


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