NOTTA, Docteur Alphonse Henri (1824-1914) : Mémoire sur l'oblitération des artères ombilicales et sur l'artérite ombilicale.- Paris : J.-B. Baillière, 1855. - 16 p. ; 25 cm. Extrait des Mémoires de l'Académie impériale de Médecine, Tome XIX, p. 1. Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (28.XI.2000) Texte relu par : Y. Bataille Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56 Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Texte établi sur l'exemplaire de la bibliothèque municipale (BmLx : br norm 642). Mémoire sur l'oblitération des artères ombilicales et sur l'artérite ombilicale (1)
par le Docteur Notta Chirurgien de l'hôpital de Lisieux, ancien interne des hôpitaux civils de Paris, etc. ~~~~Dans les recherches que j'ai faites sur la cicatrisation des artères à la suite de leur ligature (2), l'étude des faits m'a amené à conclure que le caillot et la portion d'artère comprise entre la ligature et la première collatérale ne se transformaient pas en cordon fibreux, mais subissaient seulement une atrophie qui permettait néanmoins d'en reconnaître toujours les divers éléments. Je crois aussi avoir démontré à quoi était due la présence de ce cordon fibreux qui, unissant les deux bouts d'une artère liée dans sa continuité ou la surface de la cicatrice à l'extrémité du vaisseau, dans les amputations, avait pu en imposer pour une transformation de l'artère. A ces résultats, qui sont en opposition avec les idées généralement reçues depuis les travaux de Jones, Béclard, etc., on trouvait naturellement une objection dans la transformation fibreuse de l'artère ombilicale. En effet, les lois qui régissent la nutrition des divers tissus de l'économie étant constamment les mêmes pour chacun de ces tissus, on a peine à concevoir pourquoi les autres artères ne se comportent pas comme les artères ombilicales. Cette objection m'ayant vivement préoccupé, j'ai dû chercher les causes de cette exception, et pour cela étudier le mode d'oblitération des artères ombilicales. Ce travail est pour ainsi dire tout neuf, car dans les divers ouvrages où l'on parle des changements qui surviennent chez le nouveau-né après la naissance, on traite longuement de la chute du cordon, et nous devons à C. Billard (3) un fort bon mémoire sur ce sujet, mais on ne nous apprend pas comment les artères ombilicales s'oblitèrent et se transforment en cordon fibreux. Pendant deux années que j'ai passées à l'hôpital Saint-Louis comme interne, j'ai fait un assez grand nombre d'autopsie de nouveau-nés afin d'étudier cette question. Ce sont les résultats de ces recherches que je vais exposer dans ce travail. Mais auparavant je ne puis me dispenser de rappeler certaines particularités sur la structure des artères ombilicales que j'emprunte à M. Ch. Robin (4), et qui pourront peut-être rendre compte de plusieurs phénomènes que j'aurai à signaler. Comme les autres artères du corps humain, les artères ombilicales sont composées de trois tuniques ; seule la tunique moyenne offre une différence dans sa structure, mais elle est capitale. Ainsi, elle est à peu près exclusivement formée de fibres musculaires de la vie organique ; le tissu jaune et la substance fenêtrée y sont très peu abondants, tandis que la membrane moyenne des autres artères est presque uniquement formée de ces tissus. On sait que la membrane moyenne des artères est dépourvue de vaisseaux. Elle se nourrit par imbibition à la manière des cartilages, puisant d'une part ses matériaux dans la colonne sanguine qui parcourt le vaisseau, et d'autre part dans le réseau capillaire qui, ramifié dans la tunique celluleuse, l'enveloppe extérieurement. En est-il de même pour la tunique moyenne essentiellement musculeuse des artères ombilicales ? Cela n'est pas probable. M. Ch. Robin (5) pense qu'elle est vasculaire ; mais il n'a pas encore fait d'injections pour s'en assurer. Cependant une grande prédisposition à l'inflammation, qui produit des effets semblables à ceux que l'on observe dans les tissus vasculaires, m'autorise à regarder cette tunique moyenne comme étant pourvue de vaisseaux. Je reviendrai plus loin sur cette proposition que je devais cependant indiquer ici. Ainsi, vascularité très probable, structure essentiellement musculeuse de la tunique moyenne, tel est le caractère anatomique des artères ombilicales. Il s'ensuit qu'elles doivent être beaucoup plus contractiles que les autres artères. Malgré la structure musculeuse de leur tunique moyenne, les artères ombilicales se comportent exactement comme les autres, sous l'action de la ligature ; c'est-à-dire que les tuniques interne et moyenne sont coupées ; la celluleuse seule est respectée. Lorsqu'on examine les artères ombilicales vingt-quatre heures après la naissance, tantôt on les trouve complétement dépourvues de caillots ; tantôt elles renferment un petit caillot mou, peu adhérent, d'une longueur variable et rapproché de l'ombilic. Les parois artérielles, revenues sur elles-mêmes par la contractilité de leur tissu, sont en contact ; néanmoins, elles se laissent facilement distendre, et par l'hypogastrique on peut y introduire un stylet de trousse ordinaire sur lequel on les déplisse pour ainsi dire. A une époque plus avancée, au bout de trois jours, on observe exactement les mêmes phénomènes. Seulement, le stylet est plus serré dans l'artère, et s'il existe un caillot, il est plus dense et adhère à la membrane interne. De plus, près de l'ombilic, dans une longueur qui varie entre 5 millimètres et 1 centimètre, les artères présentent une tuméfaction qui double ou triple leur volume. Cette tuméfaction est presque constante. Cependant je l'ai vue manquer quelquefois. Plus tard, du onzième au vingt et unième jour, on peut encore facilement introduire un stylet fin par l'hypogastrique. On sent que ce stylet est serré dans le vaisseau dont les parois contractées sur elles-mêmes déterminent quelques plis longitudinaux sur la membrane interne ; mais celle-ci est encore parfaitement reconnaissable et conserve sa surface lisse, polie. Les parois de l'artère ne sont donc que rapprochées pour empêcher l'accès du sang, mais elles ne sont pas encore soudées. La cavité du vaisseau existe encore et peut être en partie rétablie par l'introduction du stylet. Les artères participent au développement général de la paroi abdominale, et ont ainsi peut-être un peu plus de volume qu'au moment de la naissance, mais elles n'offrent aucun épaississement, aucune hypertrophie dans leur trajet, si ce n'est au niveau de l'ombilic où l'on observe encore cette tuméfaction que nous avons précédemment signalée. Quant au caillot, lorsqu'il existe, il est dense, rougeâtre, adhérent à cette époque ; plus tard, il disparaît peu à peu, et l'on sait qu'on n'en retrouve plus de traces lorsque la transformation en cordon fibreux est complète. L'exiguïté de ce caillot d'une part, et de l'autre la vascularité des parois qui l'entourent nous rendent compte de cette résorption. A quelle époque les artères ombilicales sont-elles complétement oblitérées et converties en cordon fibreux ? Suivant M. Cazeaux (6), elles sont oblitérées au bout de trois ou quatre jours et transformées en cordon fibreux au bout de trois semaines. Les enfants les plus âgés que j'aie observés pour étudier cette question avaient vingt et un jours, et, d'après ce qui vient d'être dit dans le paragraphe précédent, on voit que les artères ombilicales étaient loin d'être transformées en cordon fibreux. D'un autre côté, je trouve dans la thèse de mon collègue E. Dubois (7) trois autopsies : l'une au vingtième jour, l'autre à six semaines, l'autre à sept semaines, dans lesquelles il est dit que les artères ombilicales ne sont pas encore oblitérées. Il suit de là que la transformation des artères ombilicales met beaucoup plus de temps à s'effectuer qu'on ne le pense généralement. Les faits me manquent pour en déterminer l'époque précise ; mais il faut au moins deux ou trois mois ou peut-être plus. C'est à l'observation ultérieure de décider cette question. Tel est l'ensemble et la succession des phénomènes que nous a présentés l'oblitération des artères ombilicales. Nous allons maintenant revenir sur certains points qui demandent quelques développements. Nous avons dit que l'existence d'un caillot dans les artères ombilicales n'est pas constante, et que lorsqu'il existe il ne remplit pas l'artère dans toute son étendue, depuis l'anneau ombilical jusqu'à l'hypogastrique. Cette exception à une règle aussi générale que la formation du caillot pour l'oblitération des artères, après leur ligature, s'explique très bien. En effet, au moment où la respiration s'établit, le sang, qui est attiré par le poumon, est poussé avec beaucoup moins de force dans les artères ombilicales ; souvent même il cesse d'y aborder, tellement que, dans un certain nombre de cas, l'absence de la ligature du cordon ne serait suivie d'aucune hémorrhagie. Je ne dirai pas avec Bichat (8) «que la cause principale me paraît en être la nature du sang rouge qui n'est plus en rapport avec la susceptibilité de cette artère,» mais bien la contraction de ses parois musculaires qui entre en jeu dès que la colonne sanguine qui la parcourt diminue de volume et ne lui fait plus équilibre. Cette contraction empêche bientôt l'abord du sang, et partant la formation du caillot. D'autre fois, au contraire, les battements persistent un certain temps dans le cordon après la naissance, soit que la respiration s'établisse plus difficilement, soit qu'il y ait un embarras quelconque dans la circulation générale. Alors, suivant que la colonne sanguine aura parcouru plus ou moins de temps les artères ombilicales, suivant que leur contraction aura été plus ou moins régulière, plus ou moins complète, il y aura formation d'un petit caillot d'une étendue variable. Si les choses ici ne se passent plus comme dans les autres artères de l'économie, c'est que les conditions ne sont plus les mêmes. Nous n'avons plus un tube béant, fermé à l'une de ses extrémités, contre laquelle heurte continuellement une colonne de sang, mais un tube qui, en se contractant, empêche l'abord du sang, tantôt d'une manière complète, tantôt incomplétement dans certains cas que nous avons indiqués. Il n'est donc pas étonnant que la formation du caillot ne soit pas régulière et constante comme dans les autres artères. Nous avons vu que les artères ombilicales, vers le troisième jour, quelquefois un peu plus tôt, quelquefois un peu plus tard, offraient près de l'ombilic une tuméfaction presque constante ; cette tuméfaction est évidemment liée à la chute du cordon ombilical. Suivant Billard (9), la chute du cordon présente deux phénomènes différents : tantôt l'ombilic s'enflamme et suppure abondamment ; tantôt la séparation se fait par une simple dessiccation, accompagnée quelquefois d'un léger suintement à la base, mais sans nulle inflammation éliminatoire. Je ne puis partager l'opinion de Billard sur ce dernier point ; je crois qu'il y a toujours de l'inflammation au niveau de l'ombilic, seulement cette inflammation ne détermine pas toujours de la suppuration ; alors elle ne se manifeste que par ce léger suintement qu'il signale lui-même. Cette inflammation envahit, dans une certaine étendue, les artères ombilicales : de là cette tuméfaction plus ou moins étendue, plus ou moins prononcée, suivant l'intensité de la phlegmasie. Cette tuméfaction est si bien l'effet de l'inflammation, qu'elle s'accompagne toujours de rougeur, et que, dans certains cas, il s'y développe de la suppuration. M. Cazeaux, qui la mentionne, a le tort de la désigner sous le nom d'hypertrophie, qui n'implique pas l'idée d'inflammation. Cette tuméfaction des parois artérielles est toujours limitée au voisinage de l'ombilic ; ce n'est que dans les cas pathologiques qu'elle s'étend jusqu'à 2 et 3 centimètres au delà, et jamais je ne l'ai vue envahir les artères dans toute leur longueur. Celles-ci, dans plus des deux tiers de leur trajet à partir de l'hypogastrique, n'offrent aucune hypertrophie de leurs parois ; on a donc eu tort d'avancer que les artères ombilicales s'oblitéraient par une hypertrophie concentrique de leurs parois. OBSERVATION I. - Enfant né à terme, mort trois jours après sa naissance. Le cordon ombilical est noir, aplati, desséché ; au niveau de son point d'implantation à l'ombilic, il y a un peu de suppuration ; les artères ombilicales ont leurs parois en contact, mais cependant il est facile d'y introduire un stylet par l'hypogastrique ; on n'y trouve pas de traces de caillot ; la membrane interne est lisse au niveau de l'anneau ombilical et dans l'étendue de 5 ou 6 millimètres ; en arrière les artères sont dures, tuméfiées, leur volume est au moins triple de ce qu'il est dans le reste de leur trajet. Dans ce point le stylet est arrêté tout d'abord, mais en poussant avec force il ressort à la surface de l'ombilic sans chasser au-devant de lui aucune trace de caillot. En incisant l'artère dans ce point, on trouve la membrane interne lisse ; mais l'épaisseur des parois est considérable (1 millimètre au moins), et paraît due à un dépôt de lymphe plastique épanché entre les mailles de leur tissu, dont la coloration rosée tranche avec celle du reste du vaisseau, qui est d'un blanc nacré. Cette observation parle assez d'elle-même pour qu'il soit inutile de la commenter. J'ai dû la rapporter ici comme un des types qui m'ont servi à faire ce travail. Je ferai seulement remarquer qu'il y avait absence de caillot, et bien que la tuméfaction inflammatoire, au voisinage de l'ombilic, fermât plus complétement le vaisseau, l'accès du sang ne lui était pas moins complétement interdit dans le reste de son étendue, par la contraction de ses parois. Cette tuméfaction ne joue donc qu'un rôle accessoire variable dans l'oblitération des artères ombilicales. Ainsi, abord moins considérable du sang dans l'artère ombilicale, contraction de l'artère dans toute son étendue, formation d'un caillot qui n'est pas nécessaire, la contraction de l'artère suffisant, dans un grand nombre de cas, pour oblitérer son calibre ; tuméfaction inflammatoire des parois au niveau de l'ombilic seulement, puis résorption du caillot lorsqu'il existe, et transformation ultérieure des parois en cordon fibreux qui participe au développement de l'abdomen, telles sont les diverses phases par lesquelles passent les artères ombilicales. On voit combien elles diffèrent du mode d'oblitération des autres artères à la suite de leur ligature, tel que je l'ai observé et que je vais en terminant résumer très succinctement pour qu'on puisse établir la comparaison. Immédiatement après la ligature, la colonne sanguine continue de remplir le vaisseau jusqu'à son extrémité, qui ne se contracte pas. Un caillot se forme et remplit le calibre de l'artère jusqu'au niveau de la première collatérale, quel que soit soit son volume, pourvu qu'elle soit perméable. Le caillot et la portion d'artère qui le renferme persistent et ne se transforment jamais en cordon fibreux. Nous avons précédemment signalé une tuméfaction inflammatoire des artères ombilicales au niveau de l'ombilic, qu'on peut, pour ainsi dire, appeler physiologique, parce qu'elle est intimement liée à la chute du cordon. Mais l'inflammation ne reste pas toujours dans les mêmes limites ; nous allons voir que, dans certains cas, elle augmente d'intensité et peut donner lieu à la suppuration des parois artérielles et aux accidents qui en sont la conséquence. Cette seconde partie de notre mémoire est donc du domaine de la pathologie, et offre peut-être un certain intérêt pratique. On a lieu de s'étonner que l'artérite ombilicale ne soit pas même mentionnée par les auteurs qui se sont occupés des maladies des nouveau-nés. Je n'en ai trouvé que trois cas dans les recueils périodiques, et encore ne sont-ils indiqués que par hasard dans le cours d'observations publiées dans un autre but. Cependant cette affection est loin d'être rare, puisque j'ai pu en recueillir cinq observations bien caractérisées. J'espère donc être à même de donner l'anatomie pathologique de cette affection. Quant aux symptômes, ils me manquent en grande partie, n'ayant observé les sujets qu'à l'amphithéâtre. Cependant, malgré l'importance de cette lacune, que je regrette de ne pouvoir combler, j'espère éveiller l'attention des observateurs sur ce sujet, et provoquer de nouvelles recherches qui permettront de donner une histoire complète de l'artérite ombilicale. Je commencerai par rapporter avec détail toutes les observations que j'ai recueillies en indiquant les numéros des pièces qui leur correspondent au musée Dupuytren, où je les ai déposées. OBSERVATION II. - Enfant à terme, âgé de six jours. Le cordon est détaché de l'abdomen ; la peau de l'ombilic n'est pas rouge ; au centre de la dépression ombilicale sont quelques lamelles de pus desséché, au-dessous desquelles on trouve une surface jaunâtre, purulente. Le péritoine renferme une cuillerée à bouche de sérosité roussâtre ; sur la surface de la vessie et sur le trajet des artères ombilicales il y a une injection marquée. Ces artères sont très tuméfiées (elles ont chacune le volume d'une plume d'oie), dans les deux tiers de leur trajet à partir de l'ombilic, dans le dernier tiers, jusqu'à l'hypogastrique, elles ont leur volume normal, et l'on peut y introduire un stylet par l'hypogastrique. Ce stylet se trouve bientôt arrêté pour chaque artère dans le point où elle commence à se dilater, par un petit caillot rouge de 2 millimètres de long, adhérent, dans toute sa hauteur, à la membrane interne. Les artères, incisées dans leur portion dilatée, laissent écouler du pus. Un stylet pénètre par l'ombilic dans leur cavité. A la partie moyenne leurs parois sont très amincies, réduites seulement à la tunique externe, qui est elle-même ramollie. Plus près de l'ombilic les trois tuniques sont conservées et épaissies, leur surface interne est rugueuse, dépolie, présente un piqueté rouge dans quelques points. La veine ombilicale, revenue sur elle-même, est encore très perméable. Un stylet ressort sans rencontrer d'obstacles par l'ombilic ; cependant un caillot qui remplit son calibre sans lui adhérer empêche le pus de pénétrer dans son intérieur. Le foie est noirâtre, gorgé de sang ; pas d'abcès ; hépatisation rouge du lobe inférieur de chaque poumon. OBSERVATION III. - Artérite ombilicale chez un enfant mâle né à huit mois, et mort six jours après sa naissance. L'enfant est grêle et chétif ; l'abdomen n'offre rien de particulier. Le cordon ombilical est noir, sec, aplati, encore fortement adhérent. Le fond de la dépression ombilicale présente une surface jaunâtre un peu sèche, et à sa circonférence on remarque une auréole rosée ayant 4 ou 5 millimètres de large. En ouvrant l'abdomen, il s'écoule une forte cuillerée à bouche de sérosité citrine, transparente. Il n'y a pas de fausses membranes, et le péritoine viscéral n'est ni rouge ni injecté. Les deux artères ombilicales font saillie sous le péritoine, sont blanches et parfaitement saines dans la plus grande partie de leur trajet. Mais, dans l'étendue d'un centimètre et demi à partir du point où elles pénètrent dans l'ombilic, elles offrent un volume environ quatre fois plus considérable. Cette partie tuméfiée est dure, le tissu cellulaire qui l'entoure est rouge, injecté. En fendant ces artères, on voit que cette augmentation de volume est due à une lame de pus jaune, bien lié, située entre la celluleuse et la membrane interne, et ne communiquant pas dans la cavité du vaisseau, dont la membrane interne est lisse, ramollie, sans arborisations, jaunâtre pour une des deux artères, tandis que l'autre est d'un rouge-brique. Dans cette partie la cavité des deux artères est libre et vient s'ouvrir à l'ombilic. Immédiatement au-dessous du renflement inflammatoire qui vient d'être décrit on trouve, dans une étendue d'un centimètre, un caillot très grêle adhérent aux parois. La veine ombilicale ne contient pas de pus et n'offre pas de rougeur. Elle renferme un caillot mou, non adhérent. Le foie est noirâtre, gorgé de sang. Les poumons ne présentent rien de particulier. (Musée Dupuytren, Maladies du système circulatoire, pièce n° 116.) OBSERVATION IV. - Artérite ombilicale chez un enfant mâle né à terme, mort onze jours après sa naissance. Enfant grêle, chétif. Le cordon est tombé. Il y a un peu de sang noir desséché autour du nombril, et au centre un peu de suppuration ; l'abdomen étant ouvert, on trouve la veine ombilicale à l'état normal. Les artères ombilicales, dans une longueur de 2 centimètres à partir de l'anneau, ont un volume quatre fois plus considérable que dans le reste de leur étendue. Le péritoine, qui recouvre la portion tuméfiée, est un peu injecté ; cependant, après l'avoir détaché, on voit qu'il a conservé sa transparence. En incisant les artères on trouve leurs parois tuméfiées, épaissies, très injectées, un peu ramollies ; leur membrane interne n'est plus lisse. Dans leur cavité est du pus en libre communication avec l'extérieur ; la limite inférieure de ces foyers purulents est constituée par un petit caillot de la grosseur d'une épingle ordinaire et de 3 millimètres de longueur, adhérant à la paroi interne des artères dans toute son étendue. Au delà, les artères sont saines, ne renferment rien dans leur intérieur, et en pénétrant par l'hypogastrique on peut y introduire un stylet fin. Le péritoine ne contient pas de sérosité ni de pseudo-membranes. Le foie et les poumons sont sains. (Musée Dupuytren, Maladies du système circulatoire, n° 118.) OBSERVATION V. - Artérite ombilicale chez un enfant à terme mort le neuvième jour. L'enfant est bien conformé, non amaigri, le cordon est tombé. Au centre de l'ombilic est une petite plaie froncée, grisâtre, le 4 à 5 millimètres de diamètre ; autour la peau est saine, sans rougeur. L'abdomen étant ouvert, on voit les artères ombilicales converger l'une vers l'autre, et se réunir en un seul cordon à un centimètre de l'anneau ombilical. A leur partie moyenne, elles présentent un renflement fusiforme ayant un centimètre et demi de long, et plus du double du volume du vaisseau. Ce renflement est dur, sa surface externe est rouge, plus vascularisée. Un stylet fin pénétra facilement, par la plaie ombilicale, dans le canal formé par la réunion des deux artères ombilicales, et de là, dans chacune de ces deux artères ; mais il est arrêté au niveau de la partie moyenne du renflement fusiforme dont nous avons parlé. Un stylet, introduit par les hypogastriques, pénètre facilement dans les artères ombilicales, mais il est arrêté au niveau de l'extrémité inférieure des renflements fusiformes. Après avoir fendu les artères ombilicales on constate : qu'au niveau de la moitié inférieure des renflements fusiformes, elles sont oblitérées par un caillot de près d'un centimètre de long, et adhérant à la circonférence des tuniques artérielles ; au-dessus de ce caillot, elles sont pleines d'un pus jaunâtre, bien lié ; leur face interne est moins lisse, moins polie, mais non vascularisée. Les tuniques interne et moyenne de l'artère ombilicale gauche sont complétement détruites dans la moitié supérieure du renflement fusiforme, la celluleuse seule est intacte. Ces renflements fusiformes sont produits par la collection purulente et par un épaississement des parois, qui paraît dû à un épanchement de lymphe plastique. Quant au canal commun, résultant de l'adossement des deux artères ombilicales et de la destruction partielle de leurs parois, il présente une surface grisâtre semblable à celle de la petite plaie ombilicale avec laquelle il communique. La veine ombilicale est perméable ; elle ne renferme pas de pus ni de caillots. Les poumons sont sains. Le foie n'offre rien de particulier. Il n'y a pas de traces de péritonite. (Musée Dupuytren, Maladies du système circulatoire, pièce n° 117.) OBSERVATION VI. - Artérite ombilicale chez un enfant né à terme, mort vingt et un jours après sa naissance. Sujet bien développé, le cordon est tombé, le pourtour de l'ombilic présente une auréole rosée. Au centre est un peu de pus concret, fermant un petit orifice qui permet à une collection purulente, située au-dessous du péritoine, de communiquer avec l'intérieur. L'abdomen étant ouvert, on trouve au niveau de l'ombilic le péritoine soulevé par une saillie irrégulièrement quadrilatère, d'un centimètre de large sur 3 centimètres de long. Le péritoine qui le recouvre est un peu injecté et grisâtre ; cependant dans plusieurs points on distingue des taches blanchâtres formées par le pus situé au-dessous de lui. Il y a imminence de perforation. En comprimant cette tumeur, on fait sortir le pus au dehors par l'ombilic. En l'incisant on tombe dans une cavité pleine de pus jaunâtre, bien lié, formée par la destruction des artères ombilicales, dans une longueur d'un centimètre au moins. Aux deux angles inférieurs de cette cavité viennent aboutir les artères ombilicales qui, quelques millimètres avant, augmentent un peu de volume et prennent une teinte grisâtre. Dans le reste de leur trajet, jusqu'à l'hypogastrique, elles sont saines et ont leur volume normal. Par l'artère hypogastrique on peut y introduire un stylet fin, mais il est fortement serré par les parois qui, revenues sur elles-mêmes, empêchent le sang d'y aborder. En les fendant on trouve dans l'une d'elles un petit caillot fibrineux, rougeâtre, adhérent, ayant 1 centimètre ½ de longueur, commençant dans le point où l'artère s'abouche dans la cavité purulente, et finissant à 2 centimètres de l'hypogastrique. Dans l'autre artère le caillot n'a que quelques millimètres de longueur. L'extrémité de la veine ombilicale est détruite, et dans le point où elle vient aboutir à l'angle supérieur de la collection purulente que nous avons décrite, ses parois sont accolées l'une à l'autre, de sorte qu'il est impossible d'y faire refluer du pus. Dans le reste de son trajet elle n'est pas oblitérée. Il n'y a pas de péritonite générale. La vessie est saine. L'ouraque est oblitéré. Le foie et le poumon sont sains. (Musée Dupuytren, Maladies du système circulatoire, n° 119.) Dans quatre des observations qui précèdent, le cordon était détaché ; dans un seul cas (obs. III), le cordon adhérait encore ; mais dans tous il y avait du pus dans la dépression ombilicale. L'ombilic a présenté deux fois une auréole rosée, mais jamais de tuméfaction considérable. Dans tous les cas les artères, au voisinage de l'ombilic, offraient tous les caractères d'une phlegmasie violente ; leurs membranes étaient en partie détruites, tuméfiées ; elles contenaient du pus qui communiquait librement à l'extérieur, excepté toutefois dans l'observation III, où le pus était encore contenu entre la celluleuse et la membrane interne. Ce dernier fait est très important, car il nous montre que la tunique moyenne a pris la part la plus active à l'inflammation, et que même elle en a été le point de départ. Dans les autres artères, au contraire, cette tunique étant anhiste, n'y participe pas plus que les cartilages dans les tumeurs blanches. Ainsi, j'ai observé des membranes moyennes d'artères ramollies par un contact prolongé avec le pus, et comme sphacélées par suite d'un défaut de nutrition ; mais jamais je ne les ai vues épaissies, vascularisées, contenant du pus dans leur épaisseur. Cette différence capitale dans la manière dont se comporte la tunique moyenne des artères ombilicales ne peut s'expliquer que par sa vascularité ; aussi n'ai-je pas hésité, en parlant de sa structure, à y admettre l'existence de vaisseaux, bien qu'on n'ait pas encore fait d'injection dans le but de les démonter. Dans deux cas (obs. V et VI) l'inflammation a été tellement vive, que dans le point où les deux artères convergentes sont accolées l'une à l'autre, leurs parois contiguës ont été détruites, de sorte qu'il y avait formation d'un vaste foyer purulent qui, ne communiquant à l'extérieur que par un petit pertuis, se vidait difficilement, et avait une grande tendance à s'ouvrir dans le péritoine, ce qui serait infailliblement arrivé dans l'observation VI, si l'enfant eût vécu seulement un jour de plus. Dans tous les cas, le foyer purulent était limité du côté de l'artère hypogastrique par un petit caillot fibrineux adhérent, d'une longueur qui a varié entre 2 et 15 millimètres. Jamais le caillot ne s'étendait jusqu'à l'artère hypogastrique. A-t-il précédé le développement de l'inflammation ? sa présence l'a-t-elle favorisée ? C'est ce que je ne saurais dire ; je me borne à constater le fait. Dans aucun des cas que j'ai rapportés, il n'y avait de fausses membranes dans le péritoine ; mais deux fois il contenait de la sérosité, et le péritoine qui recouvrait les artères était injecté dans une certaine étendue ; une fois cette injection existait sans épanchement. On conçoit que l'inflammation de l'artère doit souvent s'étendre au péritoine et donner ainsi lieu à des péritonites mortelles, surtout quand il y a rupture d'un foyer purulent. Dans deux cas le péritoine qui recouvrait les artères n'était pas sensiblement injecté, et rien au premier abord, à part la tuméfaction, ne pouvait faire soupçonner la lésion artérielle, qui eût bien certainement passé inaperçue, si l'attention n'eût point été éveillée par des faits antérieurs. C'est ce qui nous explique comment on a dû souvent méconnaître l'existence de l'artérite. Dans tous les cas que j'ai observés, les veines ombilicales étaient saines et ne présentaient aucune trace d'inflammation, ce qui prouve bien que les artères ombilicales ont en elles-mêmes une grande disposition à s'enflammer, et que leur inflammation n'est pas due à l'extension d'une phlegmasie primitivement développée dans la veine. Cependant on trouve quelquefois l'artérite coexistant avec la phlébite ; ainsi, sur treize observations de phlébite ombilicale que j'ai rassemblées (10), j'en trouve trois dans lesquelles il est dit que les artères sont épaissies et pleines de pus jusqu'à un pouce de l'ombilic. Les enfants qui sont atteints d'artérite ombilicale meurent-ils toujours ? Dans nos observations l'inflammation de l'artère est la principale lésion. On doit donc en conclure qu'elle peut, à elle seule, déterminer la mort, surtout lorsque la phlegmasie envahit le péritoine. Mais, d'un autre côté, la maladie n'ayant jamais été diagnostiquée sur le vivant, on ne saurait affirmer qu'elle n'a jamais guéri. Il est même probable que ces suppurations prolongées de l'ombilic, qui se terminent par guérison, sont quelquefois dues à une artérite peu étendue. Quoi qu'il en soit, cette affection est très grave, et par sa situation dans le voisinage du péritoine, et parce qu'elle peut être le point de départ de ces érysipèles des nouveau-nés, qui, comme on le sait, apparaissent toujours autour de l'ombilic. C'est là, du reste, un sujet de recherches qui demande à être éclairé. Les faits d'anatomie pathologique que nous avons cités prouvent que le diagnostic de l'artérite ombilicale est très difficile. En effet, souvent rien à l'extérieur ne révèle l'inflammation des artères. Il n'y avait un peu de rougeur autour de l'ombilic que dans deux cas ; dans les autres il y avait seulement un peu de suppuration au fond de l'ombilic ; encore aurait-elle pu passer inaperçue avec un examen peu attentif, car elle était souvent recouverte d'une croûte sèche. Je crois donc qu'il est important, lorsque l'ombilic d'un enfant présente de la suppuration, de l'explorer avec soin, d'examiner si la pression exercée à son pourtour n'est pas douloureuse, si elle ne fait pas refluer du pus à l'extérieur. Il faut se rappeler que la cicatrisation de l'ombilic doit être complète, en général, vers le dixième jour, et que si, à cette époque, il y a encore de la suppuration, ou si elle se prolonge au delà, il y a lieu de craindre qu'elle ne soit entretenue par une collection purulente, comme dans les observations IV, V et VI. Enfin, si l'on soupçonnait l'existence d'une collection purulente, on pourrait explorer avec précaution la dépression ombilicale avec un stylet fin. Si le stylet pénétrait dans une cavité située sur le trajet des artères, il n'y aurait plus de doutes. Le traitement doit être surtout préventif. C'est avec de grands soins de propreté, en évitant des frottements réitérés de linges sales et durs sur l'ombilic, en faisant des lotions avec de l'eau de guimauve pour empêcher que la petite quantité de pus qui est sécrétée à la suite de la chute du cordon ne stagne au-dessous d'une croûte desséchée, c'est à l'aide de ces petits moyens que l'on veut évidemment se mettre dans les conditions les plus favorables pour modérer l'intensité de l'inflammation et empêcher qu'elle ne se propage aux artères. Si l'on avait cependant reconnu l'existence d'une collection purulente, il n'y aurait pas à hésiter, il faudrait débrider légèrement l'ouverture ombilicale, afin de faciliter l'écoulement du pus au dehors, et tâcher ainsi de prévenir une perforation dans le péritoine. Ce traitement n'a pas pour lui la sanction de l'expérience, mais il est formellement indiqué par l'anatomie pathologique. Nous avons vu, en effet (observations V et VI), que le pus réuni en collection ne pouvait s'écouler au dehors que par un très petit pertuis inextensible, puisqu'il était formé par l'anneau aponévrotique de l'ombilic. D'ailleurs ce débridement n'intéresserait aucun organe important, et devrait être fait de haut en bas. Notes : |