BALZAC, Honoré de (1799-1850)
: Une
Prédiction
(1846).
Numérisation du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (20.VIII.2015) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire d'une collection particulière de l'ouvrage Les Parisiens comme ils sont : 1830-1846 dans l'édition donnée par André Billy à Genève chez La Palatine en 1947. Une Prédiction (Almanach du jour de l'An, 1846) par Honoré de Balzac _____ A Paris, rien ne se passe comme ailleurs. Ainsi les morts ont un temps de répit qui ressemble comme deux gouttes d'os, dirait Odry, à l'existence. On visite un mort pendant trois jours ; il est l'objet de réclames faites par sa famille ; enfin, il est tant de choses entre le jour du décès et le jour du convoi, qu'à proprement parler, la véritable expression pour lui devrait être : ex-vivant. On ne passe mort que le lendemain de l'inhumation. Il y a des privilèges. Certains morts reviennent à la quatrième page des journaux, — les embaumés-Gannal qui sont cités à propos des morts frais à embaumer. De profonds observateurs, abonnés à la Gazette des Tribunaux, pensent qu'à Paris presque tous les morts sont hâtifs. Paris est surtout la ville des primeurs, soit dit sans calembour. Cette opinion, accréditée par les travaux des princes de la science (en langue de cour d'assises, ce logogriphe signifie tout bonnement chimistes), nous a dicté cet apologue d'outre-tombe :
UN FAIT-TOMBOUCTOU DU « JOURNAL DES DÉBATS NÈGRES » Dans six mille ans d'ici, Paris étant devenu ce qu'est Palmyre ou Babylone, Ecbatane ou Thèbes, ou autres civilisations décédées, ce pays si célèbre n'est plus exploité que par des chercheurs de cubes en grès dont la vingt-troisième époque du globe éprouve le besoin pour sucrer son bol alimentaire. Tout est changé, comprenez-vous ? Une des substances les plus précieuses de ce temps cataclytique est l'arsenic, qui se met dans des drageoirs, comme les épices au défunt moyen âge. Un pauvre homme, poursuivi par ses créanciers, et qui s'est ruiné en recherches archéologiques sur les Gaules Napoléonniennes, s'est réfugié dans un désert sur un monticule, à l'est de la Seine. « En y creusant les fondements de sa cabane, dit le Journal des Débats de Tombouctou (le centre de la civilisation est alors au milieu de l'Afrique, dont le climat est enchanteur), il y a trouvé une mine d'arsenic dont on lui offre un milliard. Il paraît que ce lieu servait de sépulture aux riches Parisiens. On sait, d'après les archives judiciaires du XIXe siècle, que la plupart des gens de biens mouraient empoisonnés. » |