[Octobre 1845]
Comme nous avons donné assez au long dans la
Lecture,
numéros de mai, de juillet et d'août 1843, l'analyse littéraire des
principaux ouvrages de M. de Balzac, indiqué leurs tendances et leur
but, et esquissé la biographie du célèbre romancier , nous ne pouvons
nous répéter ici : nous allons seulement, en quelques lignes, comme
résumé et complément des appréciations précédentes, nous servir de ce
travail analytique et biographique, en ajoutant, au besoin, nos
documents propres à ceux déjà publiés.
M. Honoré de Balzac est né à Tours, en 1799, d'une famille pauvre, mais
noble. Il a fait ses études au collège de Vendôme, et il les a achevées
dans une pension parisienne. Sans argent, au début de la vie, avec une
âme riche d'émotions et une imagination de feu, il lui fallut subir la
nécessité de sa position : il se fit imprimeur, il encourut tous les
embarras d'une faillite, par suite de mauvaises affaires : harcelé de
créanciers, et honnête homme il résolut de, travailler nuit et jour
pour combler l'abîme de ses dettes ; il s'improvisa homme de lettres à
Paris. Pour tout autre moins bien doué, il y eût eu échec complet.
M. de Balzac ne recula devant aucune impossibilité : il se cloîtra
pendant sept à huit ans, dans une froide mansarde ; il y entassa
volumes sur volumes, sans avoir le droit de les signer de son propre
nom. Il en composa ainsi une quarantaine, que les libraires lui
payaient d'une façon dérisoire ; à peine gagnait-il de quoi vivre
misérablement.
Enfin, à force de travail obstiné, il parvint à éteindre des dettes
énormes, et à payer annuellement 8,000 fr. d'intérêt pour des capitaux
qu'il a remboursés plus tard intégralement. Ceci est noble et grand
dans sa vie : aujourd'hui, tout le monde le sait, M. de Balzac est,
malgré ses travers d'idées et ses défauts littéraires, le premier et le
plus sérieux romancier de la France moderne.
Nous allons juger succinctement le nombre indéfini de ses livres,
nouvellement refondus et mis en ordre dans la nouvelle édition
complète, illustrée qu'en donne la librairie Hetzel, sous le titre
générique de la
Comédie humaine.
Disons-le hautement tout d'abord : l'
Avant-Propos
nous a grandement surpris de la part de M. de Balzac. Il s'y dit
profondément catholique et monarchique. Abrégeons cette profession de
foi : « L'homme n'est ni bon ni méchant : il naît avec des instincts et
des aptitudes ; la société, loin de le dépraver, comme l'a prétendu
Rousseau, le perfectionne, le rend meilleur : mais l'intérêt développe
aussi ses penchants mauvais. Le christianisme, et surtout le
catholicisme, étant un système complet de répression des tendances
dépravées de l'homme, est le plus grand élément d'ordre social...
L'enseignement, ou mieux, l'éducation par des corps religieux, est le
grand principe d'existence pour les peuples, le seul moyen de
diminuer la somme du mal, et d'augmenter la somme du bien dans
toute société. »
Dans le reste de l'
Avant-propos,
M. de Balzac combat les arguments de la critique religieuse et purement
littéraire qui, dit-il, ne connaissant pas son plan général, s'est
trompée sur ses oeuvres, en l'accusant de matérialisme et de
sensualisme. Il a voulu, c'est toujours lui qui se défend, peindre tout
entier le XIXe siècle, avec ses vices et ses vertus, au moyen de la
passion humaine, qui est l'élément nécessaire de tout roman de moeurs.
Or, pour cela, il a dû créer des types bons et mauvais, mêler l'infamie
à l'honneur, la fange à l'or pur. En admettant cette explication, nous
ajouterons que tous ses romans n'en sont pas moins extrêmement
dangereux à lire, pour la grande majorité, pour toute la jeunesse,
qu'il initie à des scènes d'orgie et de lubricité épouvantables, quand
bien même ses héros et ses héroïnes en seraient tardivement punis, ce
qui n'a pas toujours lieu, il s'en faut. Entrons dans le sommaire de
chaque nouvelle ou roman.
I. — 1004. LA MAISON DU CHAT QUI
PELOTTE.
Il s'agit dans cette
nouvelle d'un
vieux négociant en draps, type de probité et de vertus
patriarcales, de M. Guillaume. Or, M. Guillaume a deux filles, Virginie
et Augustine. Il marie la première à son commis, Joseph Lebas, un
honnête garçon qui accepte, quoiqu'il aime l'autre soeur, Augustine.
Celle-ci épouse, presque malgré sa famille, un artiste distingué, M.
Théodore de Sommervieux qui adore sa femme d'abord, puis la délaisse,
parce que, élevée bourgeoisement, elle ne comprend rien à l'art ni au
monde aristocratique fréquenté par Théodore. Augustine est uu modèle de
piété et de fidélité conjugale, qui aime passionnément son mari
dédaigneux, et qui meurt de douleur et de désespoir. L'auteur a voulu
prouver que l'amour s'éteint vite dans le mariage lorsqu'il y a des
mésalliances morales, lorsque les époux vivent dans un monde d'idées et
de sentiments opposés. Cette nouvelle ne peut être lue que par des
personnes expérimentées.
II. — 1005. BAL DE SCEAUX.
Le comte de Fontaine est un gentilhomme royaliste qui a dévoré sou
patrimoine en guerroyant dans la Vendée. Fier et dévoué quand même, il
va à la cour de Louis XVIII où il n'obtient que des sourires, et pas
une petite place lucrative. Or, il a une nombreuse famille pauvre qu'il
établit richement, mais par mésalliance, selon lui, dans la
magistrature nouvelle et ailleurs. Une seule de ses filles a une morgue
aristocratique inflexible ; elle ne veut épouser qu'un noble titré, un
pair de France. Le comte de Fontaine la gâte et l'aime à l'adoration.
Emilie de Fontaine rencontre au bal de Sceaux un inconnu, un jeune
homme qu'elle croit noble. Celui-ci la remarque, et déjà il l'aime
éperdument : Maximilien de Longueville est admis dans les nobles salons
de M. de Fontaine, mais l'orgueil d'Emilie triomphe de l'amour ; quand
elle apprend que ce charmant jeune homme est dans le commerce, elle le
dédaigne ; puis, par des circonstances imprévues, elle sait que
Maximilien est vicomte, au moment où il la repousse à son tour, et part
pour l'Italie. Emilie, dont le crime de l'orgueil a tué le bonheur,
finit par épouser son vieil oncle, un marin grisonnant. Cette histoire
trop détaillée intéresse, et peut être lue par tout le monde.
III. — 1006. LA BOURSE.
Un peintre très-distingué, Schinner, tombe d'une échelle placée dans
son atelier parisien. Sa blessure est grave, il est sans connaissance.
Deux femmes, qui habitent sur le palier de la maison, entendent sa
chute et viennent le secourir. C'est la mère et la fille, celle-ci
d'une beauté rare. Le peintre rétabli leur rend une visite, et il voit
des appartements mesquins, où la misère réside, et, à travers cette
misère, il comprend, aux belles manières des deux voisines, qu'elles
n'ont pas toujours été pauvres. Un vieillard à titre nobiliaire fait
chaque soir sa partie de wist avec la mère d'Adélaïde, et il perd
toujours. Le peintre épris d'amour pour la jeune fille, joue aussi,
perd, puis il s'aperçoit qu'on lui a volé sa bourse pleine d'or.
D'affreux soupçons le dévorent, il aimait la jeune fille de la baronne
deRouville, et quelques jours auparavant, d'après un mauvais original,
il avait fait pour cette pauvre famille, le portrait du baron, un marin
de distinction, c'était un vrai chef-d'œuvre. Schinner est malade ; sa
passion trompée le tue en secret, lorsque la baronne l'invite à jouer
de nouveau, puis Adélaïde glisse auprès de lui, sans qu'il s'en doute,
une magnilique bourse brodée en perles d'or, où ses louis sont
renfermés. Adélaïde avait passé deux nuits à payer le portrait de
l'artiste. Schinner épouse mademoiselle Adélaïde de Rouville.
Cette nouvelle peut être lue par tous, sauf la réserve et prudence
commandées à l'égard des jeunes personnes pour tous les romans, en
général, dont le meilleur est souvent dangereux.
IV. — 1007. — LA VENDETTA
Ce drame est un des plus saisissants de l'auteur. Le cadre en est
très-bien rempli, ce qui n'a pas lieu la plupart du temps pour M. de
Balzac, lequel ne finit presque jamais ses romans ni ses nouvelles,
d'une façon satisfaisante. Bartolomeo di Piombo est un Corse, venu se
réfugier en France, avec sa femme et et sa fille Ginevra, parce qu'il a
tué dans son pays la famille des Porto, par un de ces préjugés féroces
nommés vendetta en Corse.
Or, Bartolomeo devient riche à Paris par les soins de Napoléon, son
compatriote, qui se souvient de lui. Ginevra, la fille unique de
Bartolomeo est une belle et grande artiste dont les progrès en peinture
approchent du génie. La tendresse de Bartolomeo pour sa fille est sans
bornes et épanouit le cœur. Mais elle vient à aimer un jeune homme
échappé au massacre général de sa famille par Bartolomeo, Luigi do
Porto. La vendetta du Corse est plus forte que son amour pour sa fille.
Il la chasse. Celle-ci épouse, malgré lui, Luigi do Porto. Les deux
jeunes gens tombent dans la dernière misère. Ginevra meurt après avoir
donné le jour à un enfant que la faim a tué. Ceci est horrible de
détails émouvants. Enfin l'époux de Ginevra, au désespoir, apporte à
Bartolomeo les cheveux magnifiques de sa femme morte, et se brûle la
cervelle devant lui. La bonne morale repousse de pareilles atrocités,
quel que soit le degré de talent avec lequel elles sont racontées.
V.—1008. — MADAME FIRMIANI.
A la bonne heure, à côté du fumier, voici la perle ! Madame Firmiani
est la plus noble des femmes, comme la plus belle, malgré les calomnies
du grand monde qu'elle reçoit et qu'elle méprise. Elle a été mariée à
un vieillard, mort en Autriche, et qui lui a laissé une fortune
considérable ; elle repousse toutes les perfides séductions qui
l'entourent, et elle se marie secrètement à un jeune homme noble de
laTouraine, Octave de Camps. Il a 20,000 fr. de rentes, et madame
Firmiani ayant appris que ce patrimoine a été injustement enlevé par le
père d'Octave à des héritiers plongés dans la plus affreuse détresse,
elle force son mari à tout restituer, ce qui a lieu. Octave, le cœur
heureux et la conscience soulagée, vit dans une mansarde, et étudie
pour se refaire une fortune, sans rien demander à un vieil oncle, M. de
Bourbonne, qui vient le voir. Ce monsieur de Bourbonne est le prototype
de quelques gentilshommes du temps de Louis XV, gens d'esprit et de
loyauté, si vous voulez, mais qui se vantent de leurs galanteries
immorales, et regardent la religion et le mariage comme des préjugés.
Ce portrait peut être vrai, mais la jeunesse ne peut le lire.
Le motif du mariage secret de madame Firmiani est que, si son premier
mari est mort, et elle le sait, elle ne possède pas les pièces du décès
; les héritiers de son mari auraient pu, en apprenant sa seconde union,
lui enlever tous ses biens immenses, d'autant plus qu'elle n'avait pas
d'enfants. Mais les pièces officielles arrivent, et Octave de Camps est
publiquement proclamé l'époux de madame Firmiani.
VI. — 1009. UNE DOUBLE FAMILLE
Ce roman est d'une immoralité profonde. La dévotion y est peinte sous
les couleurs les plus fausses et les plus tristes. Un prêtre y joue un
rôle ridicule. La religion est atteinte au cœur. Enfin, le héros
principal du roman, fatigué de la vie, ayant perdu toutes ses
illusions, part pour l'Italie, et va ainsi s'ensevelir dans un oubli
éternel, après avoir dit à son fils que le défaut d'union entre deux
époux amène d'effroyables malheurs, et que nous sommes tôt ou tard
punis de n'avoir pas obéi aux lois sociales. Cette conclusion ne suffit
pas pour faire oublier les scènes de corruption éhontée qui remplissent
ce dangereux roman.
[Avril 1846]
(N°1869.) — VII. — LA PAIX DU
MÉNAGE.
Cette
nouvelle est semée de
conversations immorales qui ont lieu dans un bal sous l'Empire. Là
assistent des colonels, des généraux de Napoléon, qui cherchent à
s'enlever réciproquement leurs femmes, sans y parvenir. Il y a une
vieille duchesse, madame de Grandlieu, qui continue la tradition des
grandes dames rouées de la régence, dont les paroles parfois, et dont
les idées sur le mariage et sur tous les devoirs les plus sacrés,
révoltent. C'est un tableau de libertinage doré, qui doit rester voilé
à tous les honnêtes gens.
(N° 1870.) — VIII. — LA FAUSSE
MAÎTRESSE.
Ceci est une histoire d'admirable dévouement. Un comte Laginski,
réfugié Polonais, très-riche, a épousé une noble héritière du faubourg
Saint-Germain. Il a un ami intime, le comte Paz, qu'il a deux fois
arraché au trépas en Pologne. Paz aime le comte Laginski à la vie et à
la mort ; il prend les intérêts de sa fortune que le comte dissipe
follement ; et, malgré lui, il finit par adorer Clémentine, la femme de
son maître ; car il habite chez lui en qualité d'économe. Paz
s'apercevant que Clémentine est, de son côté, entraînée vers lui,
tremble de manquer à ses devoirs, et, par un sublime mensonge, il avoue
à la comtesse, pour qu'elle se détache à jamais de lui, qu'il aime une
écuyère vulgaire du Cirque olympique. La grande dame écoute cette
révélation fausse avec dégoût et mépris. Paz continue à veiller sur
elle et sur son mari comme une Providence. Elle n'apprend que plus
tard, lorsque Paz a fui, toute la grandeur et la générosité de son
dévouement. Cependant, cette nouvelle ne peut être lue par tous, en
raison des scènes grossières de mœurs de Malaga, l'écuyère du Cirque.
(N° 1871.) — IX.— ÉTUDE DE FEMME.
Dans ce croquis, il y a une marquise de Listomère, à la fois dévote et
mondaine, qui communie et va au bal et à l'Opéra, avec la permission du
directeur de sa conscience. Il est à remarquer que M. de Balzac, en
mettant en scène des prêtres ou des évêques, et ceci arrive souvent,
les calomnie ou les ridiculise à plaisir : Que signifie donc sa
profession de foi, si explicite, sur le catholicisme qu'il rapetisse et
fait mépriser dans ses ministres ?
(N° 1872.) — X. — ALBERT SAVARUS.
Ce roman, publié dans le
Siècle
en 1842, et qui se passe à Besançon, est l'histoire dramatisée de
l'amour contrarié d'une jeune fille noble, de mademoiselle Philomène de
Watteville, descendante du fameux abbé historique de Watteville, pour
un jeune homme de la plus haute distinction, Albert Savarus. Philomène
commet des crimes inutiles afin d'arriver à son but, et fait le malheur
d'Albert, qui va se renfermer à jamais dans la Chartreuse de Grenoble,
après avoir tout pardonné.
Des scènes d'opiniâtreté de caractère, de déplorables conflits entre
Philomène et madame de Watteville, encore une dévote étroite et sans
jugement, discréditent l'autorité maternelle, comme aussi de trop vifs
tableaux de passion rendent ce roman dangereux à lire.
(N° 1873.) — XI. — LES
CÉLIBATAIRES. — LE CURÉ DE TOURS.
Cette histoire est une lutte grotesque entre l'excellent abbé Birotteau
et l'abbé Troubert, que M. de Balzac pose en prêtre ambitieux et
dissimulé, lequel arrive à déposséder Birotteau de l'amitié de
mademoiselle Gomord, encore une dévote qui prête à rire, et tient chez
elle un pensionnat d'ecclésiastiques. L'abbé Troubert devient grand
vicaire, à force de basses intrigues où se mêlent des femmes du grand
monde, et le pauvre abbé Birotteau, un modèle de vertus, mais en même
temps un vieillard crédule et sans intelligence, est, d'un bout à
l'autre, la victime de son implacable ennemi. Tout cela est ennuyeux à
lire à force de longueurs. de détails saugrenus, invraisemblables,
faux. Ici les ministres du ciel sont ou ridicules ou pervers.
(N° 1874.) — XII. — LES
CÉLIBATAIRES. — UN MÉNAGE DE GARÇON.
Voici une histoire orgiaque, hideuse, et, en vérité, nous
ne comprenons point l'auteur qui déclare avoir la prétention
d'enseigner les masses en écrivant de pareilles turpitudes. C'est une
ironie diabolique. Il y a dans ce roman volumineux, un monstre,
Philippe Bridau, un ancien officier de Napoléon, qui ruine sa pauvre
mère, joue, vole, se bat en duel, mène une vie de libertin et de
scélérat, arrive à la fortune, devient noble et riche à millions,
tandis que sa mère, qui l'adore par aveuglement, meurt de misère dans
un galetas, et méconnaît un autre de ses fils, Joseph, un peintre
remarquable, aussi haut par le coeur que par le talent. Il y a encore
un vieil oncle, celui de Philippe Bridau, un imbécile qu'une courtisane
domine... Nous ne pouvons remuer tant de fange accumulée. Ce livre
inspire à la fois du dégoût et de l'horreur. L'auteur déclare qu'il a
voulu prouver par là la nécessité du pouvoir paternel dans la famille
et moraliser le peuple ! C'est incroyable, mais c'est écrit en tête du
roman dédié à feu Charles Nodier !
(N°1875.) — XIII. — LES
PARISIENS EN PROVINCE. — L'ILLUSTRE GAUDISSART.
Ceci n'est qu'une assez mauvaise plaisanterie en actions. L'auteur a
voulu peindre en profil le portrait du commis voyageur qui va, avec son
éloquence universelle et ses formules vides, pleines d'
ithos et de
pathos,
prendre à la glu de ses promesses les crédules provinciaux. Gaudissart
est un type de commis voyageur ; il fait des abonnements aux journaux
de toutes les couleurs, il prêche sur tous les tons, et change d'idées
et d'opinions à volonté ; il se rend à Tours et dans la banlieue de
cette ville, où un Molière du pays le mystifie très-adroitement. Cette
nouvelle drôlatique pourrait amuser s'il n'y avait une courtisane,
maîtresse de l'illustre Gaudissart. M. de Balzac ne peut fabriquer un
roman sans l'intervention de ces tristes créatures.
(N°1876.) — XIV. — LES PARISIENS
EN PROVINCE. — LA MUSE DU DÉPARTEMENT.
Ce roman, publié l'an passé dans le
Messager, journal officiel du
gouvernement, soulève à peu près autant de boue que celui d'un
Ménage de Garçon, inséré
précédemment dans la
Presse.
Madame de la Baudange, une femme noble, mariée à un vieillard froid et
stupide, abandonne son mari pour un journaliste, Poulteau , un drôle
sans cœur, usé dans tous les vices et tous les excès, et de Saverne
vient habiter Paris avec lui ; puis, humiliée, déshonorée par cet homme
qui court les tripots et les parties scandaleuses, elle se rapproche de
son mari débonnaire qui l'accepte avec joie, elle et ses deux enfants.
Ce roman, d'une immoralité nue, est souvent écrit en jargon, en argot à
la mode. C'est ainsi que M. de Balzac se dit catholique et religieux.
Quelle dérision !
(N°1876.) — XV. — LES RIVALITÉS. — LA VIEILLE FILLE.
Ce fastidieux roman, étalé, il y a environ trois ans, dans
les colonnes du feuilleton de la
Presse,
respire, d'un bout à l'autre, un libertinage effronté. Mademoiselle
Cormon est une vieille fille, dévotement niaise, d'Alençon. — Toujours
des dévots et des dévotes ! — Elle est très-riche. Un vieux chevalier
de Valois, ou soi-disant tel, qui met du rouge et vit de son gain au
jeu, la courtise et voudrait pour tout au monde l'épouser ; mais
elle est recherchée,d'autre part,d'un certain républicain, nommé du
Bousquier, un bourgeois parvenu, un libertin qui ne croit à rien et que
les excès ont usé. Elle finit par épouser du Bousquier, après une
déconvenue qui la foudroie. La plupart des peintures de ce roman sont
repoussantes d'analyses sensuelles, et traversées, çà et là, de
courtisanes impures. Le livre de la
Vieille
Fille est d'un style pâteux et diffus.
[Juin 1846]
(N° 1983.) — XVI. — LE CABINET
DES ANTIQUES.
M. de Balzac a voulu peindre ici un de ces caractères de fer de la
vieille noblesse qui, malgré deux révolutions, vivent tout entiers dans
la France féodale, et dont la pauvreté est trop fière pour commettre le
crime d'une mésalliance. Le caractère du marquis d'Agrignon et de sa
soeur, qui s'obstine à garder le célibat, quoiqu'elle soit recherchée
par de hauts partis de la finance, est très-bien tracé. Ce roman
renferme un personnage du plus grand intérêt, le notaire Chenel qui se
ruine complétement pour subvenir aux dépenses forcées, aux excès de
toutes sortes du jeune Victurnien, fils unique du marquis ; Victurnien
est arraché au déshonneur, au bagne même, par l'excellent Chenel, et il
finit par entrer dans la roture. Ce livre, qui contient de belles pages
sur la noblesse ancienne, parce qu'elles sont vraies, la dégrade comme
à plaisir, en étalant les vices du jeune Victurnien et en les
exagérant. La lecture de ce roman doit être interdite à la jeunesse.
(N° 1984.) — XVII. — LE LYS DE
LA VALLÉE.
Ce roman, un des mieux écrits de l'auteur, renferme un beau et grand
caractère de femme, celui de la comtesse de Mortsauf, qui meurt pure et
entre les bras de la religion, quoique adorée par un jeune homme
qu'elle aime. Les devoirs de la femme mariée et de la mère y sont
peints sous de vives couleurs et avec une éloquence pleine de passion.
Madame de Mortsauf est une perle enfouie au fond d'une campagne, dans
un vieux château en Touraine. Des scènes de sentiment trop ardent
empêchent pourtant qu'on mette ce roman entre les mains de la jeunesse.
(N° 1985.) — XVIII. — URSULE
MIROUET.
Ce livre, comme idée juste, est un des meilleurs de l'auteur. Ursule
est une toute petite fille élévée dans des sentiments religieux et
catholiques. L'exemple de ses vertus naissantes convertit à la longue
son vieil oncle, un voltairien, qui veut lui laisser sa fortune, et qui
en est empêché par de sourdes intrigues de famille. Le profil très-bien
dessiné du curé Chaperon offre le modèle parfait des humbles apôtres
des campagnes. Nous remercions sincèrement M. de Balzac de la sincérité
avec laquelle il a peint cette belle vie, toute de charité, de
simplicité et d'amour, du curé Chaperon. Quand le parti pris n'entraîne
pas l'auteur, il a une éloquence qui émeut l'âme et la repose doucement
des scènes lubriques et dangereuses qu'il étale trop souvent aux
regards. Il y a dans cette oeuvre, que tous peuvent lire, une question
de magnétisme très-bien traitée, et des réflexions vraies sur les
héritages et les abus que le Code civil ne peut réprimer.
(N° 1986.) — XIX. — EUGÉNIE
GRANDET.
Voici le chef-d'oeuvre de M. de Balzac. Ici, rien d'oiseux, rien de
faux. Le caractère du père Grandet, de Saumur, de cet ignoble avare de
province, est peint de main de maître, et, depuis Molière, aucun
caractère n'a été aussi savamment, aussi profondément tracé. Le père
Grandet meurt possesseur de 18 millions de fortune, et il laisse son
frère, Grandet, de Paris, se brûler la cervelle par suite d'une
faillite qui réduit son fils à la mendicité. Madame Grandet, de Saumur,
et Eugénie, sa fille, sont deux saintes, deux martyres résignées,
auxquelles l'avare enlève tous les plaisirs permis à leur position. Les
intrigues qui s'agitent pendant la vie de Grandet et après sa mort
autour de la riche héritière, à la main de laquelle prétendent
plusieurs jeunes gens des familles les plus considérables de Saumur,
sont d'une vérité frappante. Cet ouvrage n'a rien d'immoral.
(N° 1987.) — XX. — PIERRETTE.
Ce roman est l'histoire d'une jeune fille pauvre qui abandonne la
Bretagne, pour venir habiter Provins, auprès de deux célibataires
riches, retirés du commerce parisien. Pierrette devient une lamentable
victime de ses parents qui la tuent, à force de mauvais traitements et
d'humiliations incessantes. Elle expire à quatorze ans, innocente
et pure, et en pardonnant à ses bourreaux. Pierrette est le portrait
idéal de l'amour angélique, de la franchise et de la naïveté d'une
jeune fille bretonne. Par malheur, l'injustice et le crime triomphent
dans ce livre qui, du reste, renferme de belles pages, pleines de coeur
et de sentiments élevés.
(N° 1988). — XXI. — LES DEUX
POËTES.
Lucien de Rubempré est un poëte, très-beau garçon, aux
formes apolloniennes ; il fait des vers charmants, à Angoulême, mais il
est pauvre. Sa mère est une femme de peine et s'appelle Chardon. Lucien
est introduit dans les salons de madame de Bargeton qui l'aime par
vanité et qu'il adore. Lucien possède à Angoulême un ami, un autre
poëte dans un genre différent, un imprimeur, nommé David Séchard, qui
rêve le progrès de son art, et consume ses forces dans une invention
qui doit le rendre millionnaire. David est épris de la soeur de Lucien,
d'Ève, et il l'épouse, après avoir succédé à son père, un avare qui est
le pendant du père Grandet de Saumur, sauf les nuances du caractère.
Lucien, fou d'amour pour madame de Bargeton, la suit à Paris, la tête
farcie d'idées de gloire et de fortune.
(N° 1989.) — XXII. — UN GRAND
HOMME DE PROVINCE A PARIS.
Ce livre est la deuxième partie du roman de Lucien de Rubempré.
L'orgueil ultra-aristocratique de madame de Bargeton repousse Lucien
que la désillusion, le désespoir et la misère atteignent dans la grande
ville. Lucien se fait journaliste et vend son talent au premier venu.
Il réussit d'abord, courtise les actrices, mène une vie de lion, dîne
au Café de Paris ; puis la jalousie et l'envie le poursuivent avec
acharnement. Au bout de quelques années, il est sans ressource, blasé
sur tout : il a le coeur et le cerveau vides, et les orgies l'ont
vieilli de trente ans. M. de Balzac a fait dans cet ouvrage un tableau
du journalisme et des écrivains de la presse contemporaine, hideux de
vérités crues et d'une hardiesse qui lève tous les voiles. Nous
regardons pour notre compte cet effrayant tableau, à part les épisodes
cyniques qu'il contient, comme une bonne action, car il est temps que
les honnêtes gens connaissent à fond les hommes vils, les plates
intrigues qui les dirigent, par l'influence délétère de l'idée écrite.
Les journalistes, en particulier, n'ont jamais pardonné à l'auteur
cette peinture d'eux-mêmes, copiée sur le vif, et depuis ils se sont
rués à l'envi sur son talent incontestable. Enfin, Lucien humilié,
réduit à l'état de mendiant, quitte Paris dans une nudité presque
absolue, et retourne à Angoulême auprès de sa famille.
[Juillet 1846]
(N° 2050.) — XXIII. — EVE ET
DAVID.
Ici, et c'est la troisième partie de ce roman, l'auteur nous initie aux
souffrances de l'inventeur de province. David Séchard, qui continue son
père, le vieil avare, est contraint, en raison de ses mauvaises
affaires, de céder son invention aux frères Caiotet, des imprimeurs
riches, qui sont ses rivaux à Angoulême. Le père de David cultive ses
vignes, amasse écus sur écus, se plaint sans cesse de son dénûment
prétendu, et abandonne son fils à la merci des misérables qui
l'exploitent et le volent. Quant à Lucien, sa vie est impossible à
supporter. Il prend la résolution de se noyer ; et il va l'exécuter,
quand un hasard lui fait rencontrer, en dehors de la ville d'Angoulême,
une calèche élégante dans laquelle se trouve un chanoine de Tolède,
l'abbé Carlos Herrera, bandit qui s'est déguisé et a pris un faux nom
et qui n'est autre qu'un ancien chef de voleurs de Paris, Vautrin un
des personnages du
Père Goriot,
de M. de Balzac. Le chanoine, une sorte de Méphistophélès en soutane,
un être dégénéré et qui ne croit à rien, excepté au génie du mal,
combat le suicide de Lucien, et l'emmène de nouveau avec lui à Paris,
en lui promettant toutes sortes d'honneurs, s'il veut suivre ses
conseils à la Talleyrand.
Outre l'invraisemblance de cette rencontre, et celle plus absurde
encore d'un galérien transformé en chanoine-diplomate, ce roman est
semé d'immoralités qui ne peuvent être lues par les personnes qui se
respectent.
(N° 2051.) — XXIV. — LE PÈRE
GORIOT.
L'auteur a traîné ici la paternité, ce sentiment sublime, dans la boue.
Le père Goriot est un ancien vermicellier, qui se retire des affaires
avec 50,000 fr. de rentes. Il a deux filles qu'il marie richement,
qu'il aime avec passion, et qui le réduisent froidement à la mendicité.
L'amour du père Goriot pour ses deux filles, la baronne de Nucingue et
madame de Restaut, est monstrueux et impossible. Goriot non-seulement
se ruine pour elles, lorsqu'il sait qu'elles le méprisent et qu'il leur
fait honte, mais il leur procure des amants ! Ce livre est une sentine
de corruption, où les plus nobles instincts du coeur sont raillés et
traités de niaiserie. Le Vautrin dont je vous ai parlé commence dans ce
roman, chez une vieille femme du quartier latin qui tient un
restaurant, à débiter ses maximes de scélérat sur les choses les plus
sacrées d'ici-bas
(N° 2052.) — XXV. — HISTOIRE DES
TREIZE FERRAGUS.
Ce roman, ainsi que les deux qui vont suivre, est l'histoire effrayante
d'une corporation occulte de bandits, exploitant la capitale, se
prêtant un mutuel secours, qui semble miraculeux, dans chacun de leurs
coups de main particuliers. Ici, Ferragus, chef des dévorants, est un
ancien repris de justice, comme Vautrin : il vole, il tue impunément :
il se déguise et s'introduit partout, dans les mansardes comme dans les
salons les plus brillants. Il a une fille, madame Jules qui a épousé un
homme honnête et riche, M. Desmarets qui adore sa femme. Or, madame
Jules voit souvent en cachette son père, banni de la société, et
celui-ci a pour sa fille une passion profonde. L'amour de madame Jules
est pour ce bandit l'univers entier. M. Desmarets s'aperçoit des
disparitions fréquentes de sa femme, de ses rendez-vous mystérieux, et
il devient d'une jalousie furieuse. La pauvre madame Jules supporte
tout en silence, et meurt victime de son dévouement peur son père, sans
oser révéler à son mari le nom abhorré de celui qui lui a donné le jour.
Les souffrances intérieures de madame Jules, l'héroïsme chrétien qui la
rend résignée, sont exprimées avec un sentiment et une éloquence qui
arrachent des larmes. C'est une des oeuvres les plus saisissantes et
les plus morales de M. de Balzac.
(N° 2053.) — XXVI. — LA DUCHESSE
DE LANGEAIS.
La duchesse de Langeais est une grande coquette du faubourg
Saint-Germain, qui n'a jamais aimé personne et tend à tous ses pièges
de séduction. Elle admet particulièrement dans ses bonnes grâces le
général de Montiveau, un officier de l'empire, un homme d'une trempe
toute militaire, un caractère de fer. Le général sent naître en lui une
passion brûlante pour la duchesse : elle-même est prise à cette flamme
dont elle a ri pendant toute sa vie ; mais des circonstances
matérielles empêchent le général de croire à l'amour vrai de la
duchesse. Il la repousse dédaigneusement, et celle-ci, pour se punir du
crime de la coquetterie, va se cloîtrer dans un couvent de femmes, en
Espagne. Le général, aidé d'hommes appartenant à la secte des
Dévorants, tente, pendant la nuit, l'escalade du couvent, bâti à pic
sur une haute montagne. Il y parvient, mais la duchesse, qui n'est plus
que soeur Thérèse, est morte depuis quelques heures. Le général
Montiveau ne trouve plus qu'un cadavre qu'il enlève et fait transporter
à Paris. Il y a dans ce livre de belles pages sur l'excellence de la
vie monastique, de la vie contemplative, qui fait oublier des intérêts
terrestres à mesure que l'âme monte vers la sphère du ciel. Quand il le
veut, l'auteur comprend et développe à merveille la puissance et la
grandeur des institutions catholiques.
(N° 2054.) — XXVII. — LA FILLE
AUX YEUX D'OR.
Ce roman est un imbroglio sanglant où rien n'est
clairement défini. Qu'il nous suffise de dire qu'un jeune roué du
siècle, un lion, Henri de Marsay, beau garçon qui ne croit à rien et
qui a tous les vices, aime une charmante enfant mystérieusunent cachée
dans un hôtel somptueux de la rue Saint-Lazare. Cette enfant est la
fille d'une esclave de sa soeur, qu'il ne connaît pas, car il l'a
perdue de vue depuis longtemps, et de Marsay est un fils naturel. Or,
par toutes sortes de ruses et d'adresse surprenante, il pénètre dans
l'hôtel et voit la
Fille aux yeux
d'or.
Cet amour est surpris, et la pauvre Paquita Valdès, c'est son nom,
expire dans des supplices atroces qui lui sont infligés par sa
maîtresse arrivant de Londres, et qui est justement la soeur de Henri
de Marsay. Ce roman est tout simplement absurde, de tout point immoral
et impossible.
(N° 2055.) — XXVIII. — LE
COLONEL CHABERT.
Ceci est un roman historique, émouvant et plein de péripéties. Il
s'agit d'un vieux soldat de l'empire que sa femme croit avoir été tué à
Essling, avec le grade de colonel et l'amitié de Napoléon. Elle épouse,
en toute sûreté de conscience, le comte Férand ; puis, un beau jour, le
colonel Chabert, échappé à la mort par prodige, revient à Paris,en
haillons et demande sa femme effrayée, qui le repousse. De lâches
intrigues sont ourdies par la comtesse et son homme d'affaires pour que
le colonel Chabert, dont le signalement a été reconnu, s'ensevelisse
dans l'obscurité et laisse à sa femme l'immense fortune qu'elle
possède, grâce à sa bravoure récompensée par l'empereur. Le colonel,
homme de coeur, désespéré de voir tant de bassesse dans la femme qu'il
a aimée, consent à tout, reste mort civilement, et finit ses jours dans
la maison de fous de Bicêtre. Chacun peut lire cette triste histoire.
(N° 2056.) — XXIX. — FACINO CANE.
Ceci n'est qu'une nouvelle assez courte. Facino Cane est un pauvre
joueur de flûte italien, aveugle. Il a été sénateur de Venise et avait
le droit de devenir doge. L'amour l'a fait jeter en prison, dans une de
ces prisons obscures, humidèes et mortelles, où il a langui pendant
vingt-deux ans ; puis il a pu, à force de courage et de patience,
percer l'épaisse cloison de son cachot, pénétrer dans un souterrain de
la république qui renfermait d'immenses tonnes d'or, en emplir des sacs
énormes, et après avoir gagné le geôlier par l'appât de ce métal
triomphant, s'embarquer pour la France et y arriver en sûreté. D'autres
malheurs l'accablent pendant la révolution française et le réduisent à
la misère. Voilà tout. Cette nouvelle écourtée ne prouve rien et
n'offre qu'un intérêt très-minime. Elle ne finit pas, comme la plupart
des oeuvres plus longues de l'auteur.
(N° 2057.) — XXXI [?].
— LA MESSE DE L'ATHÉE.
Un illustre médecin, Desplein, une des gloires contemporaines, avant
d'arriver au pinacle de la renommée, a beaucoup souffert : la misère
l'a atteint de ses pointes acérées ; il a longtemps végété dans une
mansarde froide et délâbrée, sans vêtements et sans pain. Un pauvre
porteur de Saint-Flour, témoin des souffrances de l'étudiant, en a
pitié, lui prête quelques écus et subvient avec toute sorte de
compatissance et de générosité à ses pressants besoins. Desplein,
cependant, triomphe des obstacles semés sur sa route et est proclamé
bientôt une des célébrités de la science médicale. Son obscur
bienfaiteur, homme d'une religion admirable et d'une foi sublime,
quoique sans instruction aucune, le porteur d'eau Bourgeot, meurt, et
Desplein, l'ayant assisté à sa dernière maladie, est témoin des
craintes que le brave homme exprime sur son salut éternel. Bourgeot
parle à Desplein, l'athée, de l'efficacité des messes pour le repos des
âmes. Le médecin ému, pour s'acquitter envers son cher Bourgeot, chaque
année fait célébrer à Saint-Sulpice plusieurs messes, selon les voeux
du porteur d'eau. Quoique athée, le médecin s'y rend, se recueille et
prie Dieu pour son bienfaiteur décédé. Ce petit roman est délicieux de
détails vrais et sentis.
II
Autres critiques des oeuvres de Balzac
parus dans le Bulletin de censure
(Septembre 1844 - Novembre 1846)
~ * ~
[Septembre 1844]
208. SPLENDEURS ET MISÈRES
des courtisanes. — Esther, — par M. de Balzac, 3 vol. in-8.
M. de Balzac s'est imposé la tâche de peindre dans ses romans les
ridicules, les travers, les vices et les crimes qui s'agitent au sein
de notre société moderne. La tache était rude, et il s'en acquitte avec
un courage qu'on ne saurait contester ; mais il nous semble qu'il
aurait pu nous représenter les moeurs contemporaines sans en rendre la
peinture immorale, comme il le dit lui-même, dans la préface de cet
ouvrage, où les existences des espions et des filles entretenues sont
retracées avec une vérité peut-être un peu
trop vraie.
L'auteur se flatte qu'on lui rendra justice en raison de l'art et
des
soins de ses mises en scène, de sa patience à rechercher le comique, et
de l'amour du vrai avec lequel il a trouvé les beaux côtés du caractère
de la courtisane, du criminel et de leurs entourages.
Nous l'aurions très volontiers dispensé, pour notre part, de ce dernier
soin, car nous ne voyons pas ce que la société peut gagner à voir les
vices et les corruptions qu'elle recèle représentées sous leur beau
côté.
Il faut convenir que M. de Balzac fait preuve, en parlant ainsi, d'une
grande naïveté, et qu'il invoque là de singuliers titres ! En quoi donc
l'art de grouper les figures, la recherche du comique et l'amour du
vrai, de ce vrai comme l'entend l'auteur, pourraient-ils constituer une
oeuvre sérieuse, complète, utile ? Et la moralité, ne compte-t-elle
pour rien ? Il est vrai que, si l'on en croit M. de Balzac, on
suspendra tout jugement sur chacun de ses ouvrages, pris à part, on ne
les considérera que comme autant de chapitres destinés par leur réunion
ultérieure, à former un tout, et, en attendant, à prouver une vérité
isolée, à développer, chacun séparément, une pensée générale, et à la
conduire parallèlement et par des routes diverses à la conclusion
dernière.
En effet, les livres de M. de Balzac ont cela de particulier qu'ils
finissent presque tous sans que leurs personnages aient achevé leur
rôle et aient disparu de la scène. On est tout surpris d'arriver au
bout du roman au moment où l'action est le plus engagée, où les fils
sont le plus enchevêtrés, où l'intérêt est le plus excité. Il ne manque
plus que ces mots :
La suite
prochainement, pour leur donner toute l'apparence d'un
feuilleton.
Nous n'avons point à nous expliquer sur le mérite de ce système, dont
le principal, peut-être, est de pousser à la vente, par la nécessité,
pour ceux qui y tiennent, de chercher dans les ouvrages antérieurs,
l'intelligence complète des volumes subséquents.
En vain l'auteur dit-il que,
quand
au jugement définitif, à la morale, au sens, il ne se fera pas attendre
; ce n'est point assez, il faut que chaque ouvrage porte avec lui sa
conclusion, son enseignement. Or, savez-vous ce qui arrive ? En
attendant la morale que nous annonce M. de Balzac, et qui peut être
fort bonne, chaque lecteur tire la sienne, qui peut être fort mauvaise,
attendu qu'on le laisse sans guide au milieu de ce conflit de tant de
passions ; puis, quand la morale de l'auteur viendra, il sera trop
tard, le mal sera fait : quel remède alors ? Voilà où le conduit ce
qu'il appelle
la philosophie de son
oeuvre.
Dans le livre des
Splendeurs et
Misères,
M. de Balzac met sur la scène une courtisane purifiée par un amour
profond qui se résout en un suicide pour échapper à une infidélité
forcée. Autour de cette figure, à laquelle nous croyons que l'auteur a
attaché trop d'intérêt, s'agitent, en première ligne, la terrible
figure d'un forçat déguisé en prêtre, qui a pris soin d'Esther, l'a
fait baptiser, car elle ne l'était pas encore, et lui a fait faire sa
première communion, pour
la livrer
le lendemain,
à titre de courtisane, à celui qu'elle aime ; en seconde ligne, un
jeune homme que le forçat a arraché à une mort volontaire, pour le
pousser à la fortune et aux honneurs par le chemin du vice ; puis,
viennent, sur le troisième plan, trois variétés d'espions, et un riche
banquier juif auquel chacun prétend vendre Esther, dont il est
éperdûment épris, et qu'il finit par payer un millionn sans en être
plus avancé.
Le roman finit au moment où le forçat et son protégé sont arrêtés et
conduits à la Force sous la double prévention d'assassinat et de vol.
On voit que ce n'est qu'une suspension ; la suite viendra lorsque
l'auteur en sera aux scènes de la vie judiciaire. Quant à la morale du
livre, quoique M. de Balzac prétende qu'elle viendra plus tard, nous
prétendons, nous, qu'elle est déjà venue, on peut en juger dès à
présent par le caractère des principaux personnages dont nous venons de
tracer la simple silhouette.
Nous devons examiner prochainement, et dans chacune d'elles, les
oeuvres complètes de M. de Balzac ; en attendant, nous voulons donner à
nos lecteurs une idée de ses principes. Voici quelques phrases prises
au hasard dans l'ouvrage ci-dessus, et qui peignent parfaitement
l'excentricité de l'auteur, sur la morale, sur les femmes et sur la
politique.
Il met le blasphéme suivant dans la bouche du forçat déguisé en prêtre
: « La fille repentie sera toujours une mystification ; s'il s'en
trouvait une,
elle deviendrait
courtisane dans le Paradis. »
Plus loin, l'auteur dit lui-même cette monstruosité sociale : « Une
police
préventive serait un
bienfait pour un pays. »
Enfin, parlant de la soeur d'un de ses personnages, il dit : «
Quoiqu'âgée d'environ
vingt-cinq ans,
elle avait gardé de la fraîcheur
de la
jeunesse. »
Ne croirait-on pas qu'il s'agit d'une femme de quarante ans ? Est-ce
que l'auteur aurait été élevé, par hasard, dans l'Arabie Pétrée, ou
autres climats torrides, où les femmes sont mères à dix ans, et
vieilles à vingt ?
[Janvier 1845]
392. MODESTE MIGNON, ou
les trois amoureux, par M. H. de Balzac. Paris, Chlendowski, 4 vol.
in-8.
Modeste Mignon est une jeune provinciale qui, exaltée par la lecture
des romanciers contemporains, s'éprend d'une belle passion pour un
poète parisien qu'elle n'a jamais vu, mais qu'elle juge d'après les
vers qu'il a publiés. Elle ne craint pas de lui adresser une longue
lettre dans laquelle elle lui déclare son amour et lui expose les
théories les plus singulières. Le poète, qui mène à Paris la vie, à la
mode, et dont le coeur est loin d'être aussi
angélique que ses productions, n'a
guère le temps de répondre à cette
petite
fille,
et il charge de ce soin son secrétaire. Celui-ci continue longtemps la
correspondance au nom de son patron, et finit par devenir lui-même tout
de bon amoureux. Les choses en sont là lorsque Modeste Mignon hérite
tout à coup d'une fortune considérable, ce qui amène à ses pieds, outre
un grand seigneur, le fier poète en personne ; mais, ayant découvert le
véritable auteur de la correspondance, elle évince les deux
compétiteurs et épouse le pauvre secrétaire.
Il y a dans cette donnée quelque chose d'original et de vrai, mais
malheureusement les personnages sont présentés sous un jour
complétement faux, à l'exception du poète, qui est peint de main de
maitre et qui constitue un type particulier à notre époque.
Le style de ce roman est encore plus prétentieux, plus incorrect, plus
relâché, plus enchevêtré et plus pâteux que dans la plupart des autres
productions de M. de Balzac. Certaines phrases sont de vrais modèles de
galimathias.
Ce roman doit être sévèrement interdit aux jeunes personnes.
[Janvier 1846]
1664. — HONORINE, par H.
de Balzac.
Honorine n'est qu'un
récit, une histoire racontée au milieu d'un salon, et dans laquelle M.
de Balzac s'efforce de mettre en action ses utopies et sentences
matrimoniales dont il nous a donné un si triste échantillon dans sa
Physiologie du mariage. Il y a loin
de la
Peau de chagrin, des
Scènes de la vie de province, etc.,
à
Honorine et aux
Paysans, ce malheureux ouvrage qui,
espérons-le du moins, ne sera jamais terminé.
Honorine est une jeune femme qui a quitté la maison conjugale pour
suivre un séducteur. Bientôt abandonnée elle-même, et n'ayant que peu
de ressources, elle se résigne à faire des fleurs artificielles et
arrange sa vie dans l'isolement le plus complet. Son mari, qui occupe
un des premiers postes de la magistrature, veille pendant sept ans avec
une sollicitude paternelle sur l'existence de cette femme qu'il aime
toujours. C'est lui qui, sous un faux nom, lui loue à vil prix la jolie
maison qu'elle habite à Paris ; c'est lui qui fait acheter par une
marchande à ses gages les fleurs qu'Honorine confectionne chaque jour,
et qu'elle vend ainsi dix fois leur valeur. Le comte Oscar parvient de
cette façon à rendre à sa femme une partie du luxe auquel elle a
renoncé. Tout à coup Honorine apprend les bienfaits dont elle est
redevable à la tendresse de son mari. D'abord elle veut fuir ; elle
veut se tuer ; enfin , après plusieurs lettres et pourparlers, elle se
décide à rentrer sous le toit conjugal, mais en annonçant bien
officiellement qu'elle mourra. Un an après, elle devient mère ; mais
cela ne change rien à sa détermination , et trois années ne se sont pas
écoulées depuis sa réconciliation avec son époux, qu'Honorine se laisse
mourir tranquillement de consomption, ou de la poitrine, ou d'un
anévrisme ; l'auteur nous laisse sur ce point intéressant dans un doute
affligeant. Comme l'histoire d'Honorine ne formait qu'un volume et
demi, et que M. de Balzac en avait vendu deux à son libraire, M. de
Balzac a complété le second volume à l'aide d'une oeuvre inintelligible
qui a pour titre :
Un Prince de
Bohême, auquel nous avouons humblement que nous n'avons rien
compris. En résumé,
Honorine
et
un Prince de Bohême
forment un tout d'une immoralité incontestable.
[Février 1846]
1741. — PETITES MISÈRES DE LA
VIE CONJUGALE, par H. de Balzac.
Ce livre est un supplément, une sorte de post scriptum à l'ouvrage
malheureusement si connu de la
Physiologie
du mariage du même auteur.
Les
Petites Misères de la vie conjugale
sont peut-être bien écrites, riches d'observations fines et de détails
vrais, tout cela est possible ; mais nous ne voulons pas même discuter
le mérite littéraire d'une oeuvre aussi profondément immorale que
celle-ci; nous nous bornerons à mettre sévèrement à l'index, ce roman,
cette esquisse de moeurs, cette physiologie ou cette biographie, comme
on voudra l'appeler ; et pour motiver ce jugement, nous dirons : qu'en
le lisant une femme y apprendrait à oublier ses devoirs, et un homme, à
se jouer des sentiments les plus sacrés. Si l'on veut en outre
connaître notre opinion personnelle et nos impressions intimes, nous
ajouterons que les
Petites Misères
de la vie conjugale
nous ont beaucoup ennuyés, et que nous ne savons rien de plus triste et
de plus pénible à lire que le récit de ces plaies sociales, analysées
froidement comme le poison déposé au fond d'un vase par un chimiste, et
réduites en questions algébriques, terminées par un axiome dont nous
voulons nier l'évidence.
[Octobre 1846]
(N° 2219.) — LA COUSINE BETTE,
ou les Parents pauvres, par M. de Balzac.
La lecture des romans de M. de Balzac est toujours très-mauvaise pour
l'esprit qu'elle fausse, aussi bien que pour le coeur qu'elle flétrit
ou désole. Du reste, ces misérables productions dont le public se
repaît avec une sorte de rage, sont un peu plus ou un peu moins dans le
goût dépravé du jour. La
Cousine
Bette, publiée dans le
Constitutionnel,
nous montre peut-être moins d'excentricités que beaucoup d'autres
produits du même auteur. On y voit des peintures trop vraies des
sommités de l'aristocratie de notre époque. La classe moyenne, qui
fournit tant de parvenus grotesques, y dévoile les roueries de son
grossier libertinage. Nous avons assurément des types de ce baron
Hulot, qui ruine sa famille et vole les deniers de l'état pour gorger
de viles et odieuses courtisanes. On citerait aussi plus d'un Crevet,
riche parfumeur retiré, aspirant aux dignités municipales, et
pataugeant néanmoins, malgré ses cheveux blancs, dans la débauche la
plus honteuse. On trouverait encore quelques ménages comme celui des
Marneff, où le mari spécule froidement et sans aucune pudeur sur les
désordres lucratifs de sa digne moitié. Tout cela n'est que trop vrai ;
mais on ne peut concevoir que, pour l'amour de l'art, on se décide à
fouiller dans cette boue fétide. Il en est de cela comme des
tableaux vivants,
exhibition théâtrale dont on a souillé les regards avec autorisation de
la police. Tout cela est réel, tout cela est nature, oui sans
doute ; mais tout cela doit se cacher.
Quant au caractère de cette vieille fille, qu'on appelle la cousine
Bette, caractère qui n'est pas non plus hors nature, mais qui est d'une
perversité raffinée qu'on rencontre assez rarement pour le repos des
familles, nous ne nierons pas qu'il ne soit peint avec une grande
habileté de pinceau. Mais encore un coup, c'est un monstre qui applique
toutes ses facultés à la vengeance et qui parvient, avec tous les
dehors de la bonté, à causer tous les malheurs de ses parents. N'est-ce
pas là de bien bons modèles à mettre sous les yeux. de la société
actuelle ?
(N° 2221.) — LA FEMME DE
SOIXANTE ANS, par H. de Balzac.
La
Femme de soixante ans
n'occupe qu'un volume et demi de l'ouvrage de M. de Balzac, l'autre
moitié se compose d'une histoire ayant pour titre :
Une Chambre à coucher au seizième
siècle,
et de plusieurs articles renfermant les physiologies de l'épicier, du
notaire, de l'avoué , etc., et de la femme de province. Tout cela est
peut-être très-savant ; mais à coup sûr, c'est fort ennuyeux, et
entremêlé de dissertations psychologiques sur l'amour platonique et
l'amour des sens qui en rendent la lecture on ne peut plus dangereuse
pour les jeunes gens.
[Novembre 1846]
(N° 2288.) — UN DÉBUT DANS LA VIE,
par H. de Balzac.
M. de Balzac, qui incontestablement est un auteur d'un mérite
littéraire supérieur, tombe cependant depuis quelques années dans un
travers qui dégénère en manie, c'est l'amour des généalogies ; il
emploie les trois quarts des deux volumes qui composent ses ouvrages
ordinaires, à donner la généalogie de tous les individus qui y figurent
; cela est fatigant et sans aucun intérêt, puisqu'il ne s'agit que de
personnages d'invention. Le héros du roman actuel est un nommé Oscar
Husson, dont l'existence se passe à faire des maladresses depuis son
enfance, jusqu'à ce qu'enfin il arrive cependant à être
receveur-général, ce qui n'est déjà pas si maladroit pour un homme
habitué à ne faire que des maladresses. Il serait presque inutile
d'ajouter qu'au milieu de tout cela il se trouve des pages qui ne
peuvent en aucune façon être lues par la jeunesse.
[Juillet 1847]
(N° 63.) — LE CABINET DES ANTIQUES, par H. de Balzac.
Que dire d'un roman de M. de Balzac ? si ce n'est que, tout en admirant
chaque œuvre sortie de la plume du célèbre écrivain, il faut éviter
avec soin d'en laisser lire la moindre ligne à la jeunesse, car les
livres de l'auteur de la
Comédie humaine sont à la société ce que
l'anatomie est à la médecine, et M. de Balzac a entrepris l'autopsie du XIXe siècle. Le
Cabinet des Antiques est un des diamants qui composent l'écrin
appelé les
Scènes de la Vie de province, et on y retrouve bon nombre
des personnages de ce monde imaginaire créé par l'auteur, personnages à
chacun desquels, avec un peu de bonne volonté, on pourrait attacher un nom
que nous voyons chaque jour nous coudoyer sur le trottoir ou nous
écla¬bousser en équipage.
(N° 65.) — LE COUSIN PONS, ou les deux musiciens, par H. de Balzac.
C'est presqu'une bonne fortune que de n'avoir point à mettre à l'
Index
un des romans de M. de Balzac, qui aborde habituellement des sujets
trop peu moraux pour que ses peintures puissent être chastes. Le
Cousin
Pons, quoique formant une histoire entièrement détachée et différente,
est donnée comme une suite de l'
Histoire des Parents pauvres, dont la
Cousine Bette est la première partie. Nous avons dit en quoi la lecture
de ce premier ouvrage pouvait être dangereuse. On ne saurait imputer
ce tort très-grave au
Cousin Pons, composition fort inoffensive à
l'endroit des moeurs et de la religion. Mais nous regrettons sincèrement
qu'au point de vue de l'art et de l'intérêt, cet ouvrage laisse tant à
désirer. Il faut le dire, nous ne pouvons concevoir le succès des
romans de M. de Balzac, à moins d'y voir l'œuvre de la réclame et du
prospectus. Ils sont la plupart d'une lecture fatigante et même
ennuyeuse. L'auteur a la prétention trop peu dissimulée de résoudre
des questions de philosophie trop au-dessus de sa portée ; ou bien il
fait parade d'une érudition artistique très-peu amusante : d'où il
résulte une froideur qui se communique facilement à tout le reste de
l'ouvrage. Le
Cousin Pons, par exemple, offre un cours complet de
bric-à-bracologie, parce que le bonhomme a le goût passionné des
collectionneurs de tableaux et de curiosités. Tout cela peut servir à
mettre en évidence le savoir de l'auteur ; mais tout cela intéresse
très-peu en faveur de ses personnages. Pons et l'Allemand Schmucke, les
deux musiciens, sont deux amis tout-à-fait excentriques, deux âmes
naïves jusqu'à la niaiserie, jetées au milieu de créatures ignobles ; ce
qui forme des contrastes trop choquants. Quand M. de Balzac ne vit pas
dans l'atmosphère viciée des courtisanes, il semble se complaire dans
la compagnie des Vautrin, des Fraisier, des Rémonencq, véritables gibiers de potence. Nous croyons bien qu'il y a dans le
monde des monstres de cette espèce ; mais ordinairement, par bonheur,
ils sont isolés. La cupidité, si naturelle au cœur humain, ne se
traduit qu'exceptionnellement par des crimes justiciables de la cour
d'assises. Toutes ces monstruosités sont donc l'œuvre de l'imagination
pessimiste de l'auteur. M. de Balzac a aussi la manie d'introduire dans
ses romans des personnages qui parlent un baragouin à peu près
inintelligible. Il faudrait presqu'un dictionnaire particulier pour se
rendre compte des paroles de l'Allemand Schmucke. L'auteur voudrait-il
exercer de toute manière la patience de ses lecteurs ?