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Bulletin de Censure : Critique rétrospective des oeuvres complètes de Balzac (1845-1846)
[BULLETIN DE CENSURE] : Critique rétrospective des oeuvres complètes de Balzac (1845-1846).

Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (12.II.2015)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire (Bm Lisieux : 2770) du Bulletin de censure : Index français. Tables mensuelles et raisonnées de tous les produits de la librairie française. Septembre 1844 - Juillet 1847
 
Bulletin de censure
Index français.
Tables mensuelles et raisonnées de tous les produits de la librairie française

~ * ~

I

CRITIQUE RÉTROSPECTIVE.
Œuvres complètes de Balzac.

(Octobre 1845 - Juillet 1846)

Bulletin de censure - Balzac - octobre 1845

~ * ~

[Octobre 1845]

Comme nous avons donné assez au long dans la Lecture, numéros de mai, de juillet et d'août 1843, l'analyse littéraire des principaux ouvrages de M. de Balzac, indiqué leurs tendances et leur but, et esquissé la biographie du célèbre romancier , nous ne pouvons nous répéter ici : nous allons seulement, en quelques lignes, comme résumé et complément des appréciations précédentes, nous servir de ce travail analytique et biographique, en ajoutant, au besoin, nos documents propres à ceux déjà publiés.

M. Honoré de Balzac est né à Tours, en 1799, d'une famille pauvre, mais noble. Il a fait ses études au collège de Vendôme, et il les a achevées dans une pension parisienne. Sans argent, au début de la vie, avec une âme riche d'émotions et une imagination de feu, il lui fallut subir la nécessité de sa position : il se fit imprimeur, il encourut tous les embarras d'une faillite, par suite de mauvaises affaires : harcelé de créanciers, et honnête homme il résolut de, travailler nuit et jour pour combler l'abîme de ses dettes ; il s'improvisa homme de lettres à Paris. Pour tout autre moins bien doué, il y eût eu échec complet.

M. de Balzac ne recula devant aucune impossibilité : il se cloîtra pendant sept à huit ans, dans une froide mansarde ; il y entassa volumes sur volumes, sans avoir le droit de les signer de son propre nom. Il en composa ainsi une quarantaine, que les libraires lui payaient d'une façon dérisoire ; à peine gagnait-il de quoi vivre misérablement.

Enfin, à force de travail obstiné, il parvint à éteindre des dettes énormes, et à payer annuellement 8,000 fr. d'intérêt pour des capitaux qu'il a remboursés plus tard intégralement. Ceci est noble et grand dans sa vie : aujourd'hui, tout le monde le sait, M. de Balzac est, malgré ses travers d'idées et ses défauts littéraires, le premier et le plus sérieux romancier de la France moderne.

Nous allons juger succinctement le nombre indéfini de ses livres, nouvellement refondus et mis en ordre dans la nouvelle édition complète, illustrée qu'en donne la librairie Hetzel, sous le titre générique de la Comédie humaine.

Disons-le hautement tout d'abord : l'Avant-Propos nous a grandement surpris de la part de M. de Balzac. Il s'y dit profondément catholique et monarchique. Abrégeons cette profession de foi : « L'homme n'est ni bon ni méchant : il naît avec des instincts et des aptitudes ; la société, loin de le dépraver, comme l'a prétendu Rousseau, le perfectionne, le rend meilleur : mais l'intérêt développe aussi ses penchants mauvais. Le christianisme, et surtout le catholicisme, étant un système complet de répression des tendances dépravées de l'homme, est le plus grand élément d'ordre social... L'enseignement, ou mieux, l'éducation par des corps religieux, est le grand principe d'existence pour les peuples, le seul moyen de diminuer  la somme du mal, et d'augmenter la somme du bien dans toute société. »

Dans le reste de l'Avant-propos, M. de Balzac combat les arguments de la critique religieuse et purement littéraire qui, dit-il, ne connaissant pas son plan général, s'est trompée sur ses oeuvres, en l'accusant de matérialisme et de sensualisme. Il a voulu, c'est toujours lui qui se défend, peindre tout entier le XIXe siècle, avec ses vices et ses vertus, au moyen de la passion humaine, qui est l'élément nécessaire de tout roman de moeurs. Or, pour cela, il a dû créer des types bons et mauvais, mêler l'infamie à l'honneur, la fange à l'or pur. En admettant cette explication, nous ajouterons que tous ses romans n'en sont pas moins extrêmement dangereux à lire, pour la grande majorité, pour toute la jeunesse, qu'il initie à des scènes d'orgie et de lubricité épouvantables, quand bien même ses héros et ses héroïnes en seraient tardivement punis, ce qui n'a pas toujours lieu, il s'en faut. Entrons dans le sommaire de chaque nouvelle ou roman.
 
I. — 1004. LA MAISON DU CHAT QUI PELOTTE.

Il s'agit dans cette nouvelle d'un vieux négociant en draps, type de probité et de vertus patriarcales, de M. Guillaume. Or, M. Guillaume a deux filles, Virginie et Augustine. Il  marie la première à son commis, Joseph Lebas, un honnête garçon qui accepte, quoiqu'il aime l'autre soeur, Augustine. Celle-ci épouse, presque malgré sa famille, un artiste distingué, M. Théodore de Sommervieux qui adore sa femme d'abord, puis la délaisse, parce que, élevée bourgeoisement, elle ne comprend rien à l'art ni au monde aristocratique fréquenté par Théodore. Augustine est uu modèle de piété et de fidélité conjugale, qui aime passionnément son mari dédaigneux, et qui meurt de douleur et de désespoir. L'auteur a voulu prouver que l'amour s'éteint vite dans le mariage lorsqu'il y a des mésalliances morales, lorsque les époux vivent dans un monde d'idées et de sentiments opposés. Cette nouvelle ne peut être lue que par des personnes expérimentées.
 
II. — 1005. BAL DE SCEAUX.

Le comte de Fontaine est un gentilhomme royaliste qui a dévoré sou patrimoine en guerroyant dans la Vendée. Fier et dévoué quand même, il va à la cour de Louis XVIII où il n'obtient que des sourires, et pas une petite place lucrative. Or, il a une nombreuse famille pauvre qu'il établit richement, mais par mésalliance, selon lui, dans la magistrature nouvelle et ailleurs. Une seule de ses filles a une morgue aristocratique inflexible ; elle ne veut épouser qu'un noble titré, un pair de France. Le comte de Fontaine la gâte et l'aime à l'adoration. Emilie de Fontaine rencontre au bal de Sceaux un inconnu, un jeune homme qu'elle croit noble. Celui-ci la remarque, et déjà il l'aime éperdument : Maximilien de Longueville est admis dans les nobles salons de M. de Fontaine, mais l'orgueil d'Emilie triomphe de l'amour ; quand elle apprend que ce charmant jeune homme est dans le commerce, elle le dédaigne ; puis, par des circonstances imprévues, elle sait que Maximilien est vicomte, au moment où il la repousse à son tour, et part pour l'Italie. Emilie, dont le crime de l'orgueil a tué le bonheur, finit par épouser son vieil oncle, un marin grisonnant. Cette histoire trop détaillée intéresse, et peut être lue par tout le monde.

III. — 1006. LA BOURSE.

Un peintre très-distingué, Schinner, tombe d'une échelle placée dans son atelier parisien. Sa blessure est grave, il est sans connaissance. Deux femmes, qui habitent sur le palier de la maison, entendent sa chute et viennent le secourir. C'est la mère et la fille, celle-ci d'une beauté rare. Le peintre rétabli leur rend une visite, et il voit des appartements mesquins, où la misère réside, et, à travers cette misère, il comprend, aux belles manières des deux voisines, qu'elles n'ont pas toujours été pauvres. Un vieillard à titre nobiliaire fait chaque soir sa partie de wist avec la mère d'Adélaïde, et il perd toujours. Le peintre épris d'amour pour la jeune fille, joue aussi, perd, puis il s'aperçoit qu'on lui a volé sa bourse pleine d'or. D'affreux soupçons le dévorent, il aimait la jeune fille de la baronne deRouville, et quelques jours auparavant, d'après un mauvais original, il avait fait pour cette pauvre famille, le portrait du baron, un marin de distinction, c'était un vrai chef-d'œuvre. Schinner est malade ; sa passion trompée le tue en secret, lorsque la baronne l'invite à jouer de nouveau, puis Adélaïde glisse auprès de lui, sans qu'il s'en doute, une magnilique bourse brodée en perles d'or, où ses louis sont renfermés. Adélaïde avait passé deux nuits à payer le portrait de l'artiste. Schinner épouse mademoiselle Adélaïde de Rouville.

Cette nouvelle peut être lue par tous, sauf la réserve et prudence commandées à l'égard des jeunes personnes pour tous les romans, en général, dont le meilleur est souvent dangereux.

IV. — 1007. — LA VENDETTA

Ce drame est un des plus saisissants de l'auteur. Le cadre en est très-bien rempli, ce qui n'a pas lieu la plupart du temps pour M. de Balzac, lequel ne finit presque jamais ses romans ni ses nouvelles, d'une façon satisfaisante. Bartolomeo di Piombo est un Corse, venu se réfugier en France, avec sa femme et et sa fille Ginevra, parce qu'il a tué dans son pays la famille des Porto, par un de ces préjugés féroces nommés vendetta en Corse.

Or, Bartolomeo devient riche à Paris par les soins de Napoléon, son compatriote, qui se souvient de lui. Ginevra, la fille unique de Bartolomeo est une belle et grande artiste dont les progrès en peinture approchent du génie. La tendresse de Bartolomeo pour sa fille est sans bornes et épanouit le cœur. Mais elle vient à aimer un jeune homme échappé au massacre général de sa famille par Bartolomeo, Luigi do Porto. La vendetta du Corse est plus forte que son amour pour sa fille. Il la chasse. Celle-ci épouse, malgré lui, Luigi do Porto. Les deux jeunes gens tombent dans la dernière misère. Ginevra meurt après avoir donné le jour à un enfant que la faim a tué. Ceci est horrible de détails émouvants. Enfin l'époux de Ginevra, au désespoir, apporte à Bartolomeo les cheveux magnifiques de sa femme morte, et se brûle la cervelle devant lui. La bonne morale repousse de pareilles atrocités, quel que soit le degré de talent avec lequel elles sont racontées.

V.—1008. — MADAME FIRMIANI.

A la bonne heure, à côté du fumier, voici la perle ! Madame Firmiani est la plus noble des femmes, comme la plus belle, malgré les calomnies du grand monde qu'elle reçoit et qu'elle méprise. Elle a été mariée à un vieillard, mort en Autriche, et qui lui a laissé une fortune considérable ; elle repousse toutes les perfides séductions qui l'entourent, et elle se marie secrètement à un jeune homme noble de laTouraine, Octave de Camps. Il a 20,000 fr. de rentes, et madame Firmiani ayant appris que ce patrimoine a été injustement enlevé par le père d'Octave à des héritiers plongés dans la plus affreuse détresse, elle force son mari à tout restituer, ce qui a lieu. Octave, le cœur heureux et la conscience soulagée, vit dans une mansarde, et étudie pour se refaire une fortune, sans rien demander à un vieil oncle, M. de Bourbonne, qui vient le voir. Ce monsieur de Bourbonne est le prototype de quelques gentilshommes du temps de Louis XV, gens d'esprit et de loyauté, si vous voulez, mais qui se vantent de leurs galanteries immorales, et regardent la religion et le mariage comme des préjugés. Ce portrait peut être vrai, mais la jeunesse ne peut le lire.

Le motif du mariage secret de madame Firmiani est que, si son premier mari est mort, et elle le sait, elle ne possède pas les pièces du décès ; les héritiers de son mari auraient pu, en apprenant sa seconde union, lui enlever tous ses biens immenses, d'autant plus qu'elle n'avait pas d'enfants. Mais les pièces officielles arrivent, et Octave de Camps est publiquement proclamé l'époux de madame Firmiani.

VI. — 1009. UNE DOUBLE FAMILLE

Ce roman est d'une immoralité profonde. La dévotion y est peinte sous les couleurs les plus fausses et les plus tristes. Un prêtre y joue un rôle ridicule. La religion est atteinte au cœur. Enfin, le héros principal du roman, fatigué de la vie, ayant perdu toutes ses illusions, part pour l'Italie, et va ainsi s'ensevelir dans un oubli éternel, après avoir dit à son fils que le défaut d'union entre deux époux amène d'effroyables malheurs, et que nous sommes tôt ou tard punis de n'avoir pas obéi aux lois sociales. Cette conclusion ne suffit pas pour faire oublier les scènes de corruption éhontée qui remplissent ce dangereux roman.

[Avril 1846]

(N°1869.) — VII. — LA PAIX DU MÉNAGE.

Cette nouvelle est semée de conversations immorales qui ont lieu dans un bal sous l'Empire. Là assistent des colonels, des généraux de Napoléon, qui cherchent à s'enlever réciproquement leurs femmes, sans y parvenir. Il y a une vieille duchesse, madame de Grandlieu, qui continue la tradition des grandes dames rouées de la régence, dont les paroles parfois, et dont les idées sur le mariage et sur tous les devoirs les plus sacrés, révoltent. C'est un tableau de libertinage doré, qui doit rester voilé à tous les honnêtes gens.

(N° 1870.) — VIII. — LA FAUSSE MAÎTRESSE.

Ceci est une histoire d'admirable dévouement. Un comte Laginski, réfugié Polonais, très-riche, a épousé une noble héritière du faubourg Saint-Germain. Il a un ami intime, le comte Paz, qu'il a deux fois arraché au trépas en Pologne. Paz aime le comte Laginski à la vie et à la mort ; il prend les intérêts de sa fortune que le comte dissipe follement ; et, malgré lui, il finit par adorer Clémentine, la femme de son maître ; car il habite chez lui en qualité d'économe. Paz s'apercevant que Clémentine est, de son côté, entraînée vers lui, tremble de manquer à ses devoirs, et, par un sublime mensonge, il avoue à la comtesse, pour qu'elle se détache à jamais de lui, qu'il aime une écuyère vulgaire du Cirque olympique. La grande dame écoute cette révélation fausse avec dégoût et mépris. Paz continue à veiller sur elle et sur son mari comme une Providence. Elle n'apprend que plus tard, lorsque Paz a fui, toute la grandeur et la générosité de son dévouement. Cependant, cette nouvelle ne peut être lue par tous, en raison des scènes grossières de mœurs de Malaga, l'écuyère du Cirque.

(N° 1871.) — IX.— ÉTUDE DE FEMME.

Dans ce croquis, il y a une marquise de Listomère, à la fois dévote et mondaine, qui communie et va au bal et à l'Opéra, avec la permission du directeur de sa conscience. Il est à remarquer que M. de Balzac, en mettant en scène des prêtres ou des évêques, et ceci arrive souvent, les calomnie ou les ridiculise à plaisir : Que signifie donc sa profession de foi, si explicite, sur le catholicisme qu'il rapetisse et fait mépriser dans ses ministres ?

(N° 1872.) — X. — ALBERT SAVARUS.

Ce roman, publié dans le Siècle en 1842, et qui se passe à Besançon, est l'histoire dramatisée de l'amour contrarié d'une jeune fille noble, de mademoiselle Philomène de Watteville, descendante du fameux abbé historique de Watteville, pour un jeune homme de la plus haute distinction, Albert Savarus. Philomène commet des crimes inutiles afin d'arriver à son but, et fait le malheur d'Albert, qui va se renfermer à jamais dans la Chartreuse de Grenoble, après avoir tout pardonné.

Des scènes d'opiniâtreté de caractère, de déplorables conflits entre Philomène et madame de Watteville, encore une dévote étroite et sans jugement, discréditent l'autorité maternelle, comme aussi de trop vifs tableaux de passion rendent ce roman dangereux à lire.

(N° 1873.) — XI. — LES CÉLIBATAIRES. — LE CURÉ DE TOURS.

Cette histoire est une lutte grotesque entre l'excellent abbé Birotteau et l'abbé Troubert, que M. de Balzac pose en prêtre ambitieux et dissimulé, lequel arrive à déposséder Birotteau de l'amitié de mademoiselle Gomord, encore une dévote qui prête à rire, et tient chez elle un pensionnat d'ecclésiastiques. L'abbé Troubert devient grand vicaire, à force de basses intrigues où se mêlent des femmes du grand monde, et le pauvre abbé Birotteau, un modèle de vertus, mais en même temps un vieillard crédule et sans intelligence, est, d'un bout à l'autre, la victime de son implacable ennemi. Tout cela est ennuyeux à lire à force de longueurs. de détails saugrenus, invraisemblables, faux. Ici les ministres du ciel sont ou ridicules ou pervers.

(N° 1874.) — XII. — LES CÉLIBATAIRES. — UN MÉNAGE DE GARÇON.

Voici une histoire orgiaque, hideuse, et, en vérité, nous ne comprenons point l'auteur qui déclare avoir la prétention d'enseigner les masses en écrivant de pareilles turpitudes. C'est une ironie diabolique. Il y a dans ce roman volumineux, un monstre, Philippe Bridau, un ancien officier de Napoléon, qui ruine sa pauvre mère, joue, vole, se bat en duel, mène une vie de libertin et de scélérat, arrive à la fortune, devient noble et riche à millions, tandis que sa mère, qui l'adore par aveuglement, meurt de misère dans un galetas, et méconnaît un autre de ses fils, Joseph, un peintre remarquable, aussi haut par le coeur que par le talent. Il y a encore un vieil oncle, celui de Philippe Bridau, un imbécile qu'une courtisane domine... Nous ne pouvons remuer tant de fange accumulée. Ce livre inspire à la fois du dégoût et de l'horreur. L'auteur déclare qu'il a voulu prouver par là la nécessité du pouvoir paternel dans la famille et moraliser le peuple ! C'est incroyable, mais c'est écrit en tête du roman dédié à feu Charles Nodier !

(N°1875.) — XIII. — LES PARISIENS EN PROVINCE. — L'ILLUSTRE GAUDISSART.

Ceci n'est qu'une assez mauvaise plaisanterie en actions. L'auteur a voulu peindre en profil le portrait du commis voyageur qui va, avec son éloquence universelle et ses formules vides, pleines d'ithos et de pathos, prendre à la glu de ses promesses les crédules provinciaux. Gaudissart est un type de commis voyageur ; il fait des abonnements aux journaux de toutes les couleurs, il prêche sur tous les tons, et change d'idées et d'opinions à volonté ; il se rend à Tours et dans la banlieue de cette ville, où un Molière du pays le mystifie très-adroitement. Cette nouvelle drôlatique pourrait amuser s'il n'y avait une courtisane, maîtresse de l'illustre Gaudissart. M. de Balzac ne peut fabriquer un roman sans l'intervention de ces tristes créatures.

(N°1876.) — XIV. — LES PARISIENS EN PROVINCE. — LA MUSE DU DÉPARTEMENT.

Ce roman, publié l'an passé dans le Messager, journal officiel du gouvernement, soulève à peu près autant de boue que celui d'un Ménage de Garçon, inséré précédemment dans la Presse. Madame de la Baudange, une femme noble, mariée à un vieillard froid et stupide, abandonne son mari pour un journaliste, Poulteau , un drôle sans cœur, usé dans tous les vices et tous les excès, et de Saverne vient habiter Paris avec lui ; puis, humiliée, déshonorée par cet homme qui court les tripots et les parties scandaleuses, elle se rapproche de son mari débonnaire qui l'accepte avec joie, elle et ses deux enfants. Ce roman, d'une immoralité nue, est souvent écrit en jargon, en argot à la mode. C'est ainsi que M. de Balzac se dit catholique et religieux. Quelle dérision !

(N°1876.) — XV. — LES RIVALITÉS. — LA VIEILLE FILLE.

Ce fastidieux roman, étalé, il y a environ trois ans, dans les colonnes du feuilleton de la Presse, respire, d'un bout à l'autre, un libertinage effronté. Mademoiselle Cormon est une vieille fille, dévotement niaise, d'Alençon. — Toujours des dévots et des dévotes ! — Elle est très-riche. Un vieux chevalier de Valois, ou soi-disant tel, qui met du rouge et vit de son gain au jeu, la courtise et  voudrait pour tout au monde l'épouser ; mais elle est recherchée,d'autre part,d'un certain républicain, nommé du Bousquier, un bourgeois parvenu, un libertin qui ne croit à rien et que les excès ont usé. Elle finit par épouser du Bousquier, après une déconvenue qui la foudroie. La plupart des peintures de ce roman sont repoussantes d'analyses sensuelles, et traversées, çà et là, de courtisanes impures. Le livre de la Vieille Fille est d'un style pâteux et diffus.

[Juin 1846]

(N° 1983.) — XVI. — LE CABINET DES ANTIQUES.

M. de Balzac a voulu peindre ici un de ces caractères de fer de la vieille noblesse qui, malgré deux révolutions, vivent tout entiers dans la France féodale, et dont la pauvreté est trop fière pour commettre le crime d'une mésalliance. Le caractère du marquis d'Agrignon et de sa soeur, qui s'obstine à garder le célibat, quoiqu'elle soit recherchée par de hauts partis de la finance, est très-bien tracé. Ce roman renferme un personnage du plus grand intérêt, le notaire Chenel qui se ruine complétement pour subvenir aux dépenses forcées, aux excès de toutes sortes du jeune Victurnien, fils unique du marquis ; Victurnien est arraché au déshonneur, au bagne même, par l'excellent Chenel, et il finit par entrer dans la roture. Ce livre, qui contient de belles pages sur la noblesse ancienne, parce qu'elles sont vraies, la dégrade comme à plaisir, en étalant les vices du jeune Victurnien et en les exagérant. La lecture de ce roman doit être interdite à la jeunesse.

(N° 1984.) — XVII. — LE LYS DE LA VALLÉE.

Ce roman, un des mieux écrits de l'auteur, renferme un beau et grand caractère de femme, celui de la comtesse de Mortsauf, qui meurt pure et entre les bras de la religion, quoique adorée par un jeune homme qu'elle aime. Les devoirs de la femme mariée et de la mère y sont peints sous de vives couleurs et avec une éloquence pleine de passion. Madame de Mortsauf est une perle enfouie au fond d'une campagne, dans un vieux château en Touraine. Des scènes de sentiment trop ardent empêchent pourtant qu'on mette ce roman entre les mains de la jeunesse.

(N° 1985.) — XVIII. — URSULE MIROUET.

Ce livre, comme idée juste, est un des meilleurs de l'auteur. Ursule est une toute petite fille élévée dans des sentiments religieux et catholiques. L'exemple de ses vertus naissantes convertit à la longue son vieil oncle, un voltairien, qui veut lui laisser sa fortune, et qui en est empêché par de sourdes intrigues de famille. Le profil très-bien dessiné du curé Chaperon offre le modèle parfait des humbles apôtres des campagnes. Nous remercions sincèrement M. de Balzac de la sincérité avec laquelle il a peint cette belle vie, toute de charité, de simplicité et d'amour, du curé Chaperon. Quand le parti pris n'entraîne pas l'auteur, il a une éloquence qui émeut l'âme et la repose doucement des scènes lubriques et dangereuses qu'il étale trop souvent aux regards. Il y a dans cette oeuvre, que tous peuvent lire, une question de magnétisme très-bien traitée, et des réflexions vraies sur les héritages et les abus que le Code civil ne peut réprimer.

(N° 1986.) — XIX. — EUGÉNIE GRANDET.

Voici le chef-d'oeuvre de M. de Balzac. Ici, rien d'oiseux, rien de faux. Le caractère du père Grandet, de Saumur, de cet ignoble avare de province, est peint de main de maître, et, depuis Molière, aucun caractère n'a été aussi savamment, aussi profondément tracé. Le père Grandet meurt possesseur de 18 millions de fortune, et il laisse son frère, Grandet, de Paris, se brûler la cervelle par suite d'une faillite qui réduit son fils à la mendicité. Madame Grandet, de Saumur, et Eugénie, sa fille, sont deux saintes, deux martyres résignées, auxquelles l'avare enlève tous les plaisirs permis à leur position. Les intrigues qui s'agitent pendant la vie de Grandet et après sa mort autour de la riche héritière, à la main de laquelle prétendent plusieurs jeunes gens des familles les plus considérables de Saumur, sont d'une vérité frappante. Cet ouvrage n'a rien d'immoral.

(N° 1987.) — XX. — PIERRETTE.

Ce roman est l'histoire d'une jeune fille pauvre qui abandonne la Bretagne, pour venir habiter Provins, auprès de deux célibataires riches, retirés du commerce parisien. Pierrette devient une lamentable victime de ses parents qui la tuent, à force de mauvais traitements et d'humiliations  incessantes. Elle expire à quatorze ans, innocente et pure, et en pardonnant à ses bourreaux. Pierrette est le portrait idéal de l'amour angélique, de la franchise et de la naïveté d'une jeune fille bretonne. Par malheur, l'injustice et le crime triomphent dans ce livre qui, du reste, renferme de belles pages, pleines de coeur et de sentiments élevés.

(N° 1988). — XXI. — LES DEUX POËTES.

Lucien de Rubempré est un poëte, très-beau garçon, aux formes apolloniennes ; il fait des vers charmants, à Angoulême, mais il est pauvre. Sa mère est une femme de peine et s'appelle Chardon. Lucien est introduit dans les salons de madame de Bargeton qui l'aime par vanité et qu'il adore. Lucien possède à Angoulême un ami, un autre poëte dans un genre différent, un imprimeur, nommé David Séchard, qui rêve le progrès de son art, et consume ses forces dans une invention qui doit le rendre millionnaire. David est épris de la soeur de Lucien, d'Ève, et il l'épouse, après avoir succédé à son père, un avare qui est le pendant du père Grandet de Saumur, sauf les nuances du caractère. Lucien, fou d'amour pour madame de Bargeton, la suit à Paris, la tête farcie d'idées de gloire et de fortune.

(N° 1989.) — XXII. — UN GRAND HOMME DE PROVINCE A PARIS.

Ce livre est la deuxième partie du roman de Lucien de Rubempré. L'orgueil ultra-aristocratique de madame de Bargeton repousse Lucien que la désillusion, le désespoir et la misère atteignent dans la grande ville. Lucien se fait journaliste et vend son talent au premier venu. Il réussit d'abord, courtise les actrices, mène une vie de lion, dîne au Café de Paris ; puis la jalousie et l'envie le poursuivent avec acharnement. Au bout de quelques années, il est sans ressource, blasé sur tout : il a le coeur et le cerveau vides, et les orgies l'ont vieilli de trente ans. M. de Balzac a fait dans cet ouvrage un tableau du journalisme et des écrivains de la presse contemporaine, hideux de vérités crues et d'une hardiesse qui lève tous les voiles. Nous regardons pour notre compte cet effrayant tableau, à part les épisodes cyniques qu'il contient, comme une bonne action, car il est temps que les honnêtes gens connaissent à fond les hommes vils, les plates intrigues qui les dirigent, par l'influence délétère de l'idée écrite. Les journalistes, en particulier, n'ont jamais pardonné à l'auteur cette peinture d'eux-mêmes, copiée sur le vif, et depuis ils se sont rués à l'envi sur son talent incontestable. Enfin, Lucien humilié, réduit à l'état de mendiant, quitte Paris dans une nudité presque absolue, et retourne à Angoulême auprès de sa famille.

[Juillet 1846]

(N° 2050.) — XXIII. — EVE ET DAVID.

Ici, et c'est la troisième partie de ce roman, l'auteur nous initie aux souffrances de l'inventeur de province. David Séchard, qui continue son père, le vieil avare, est contraint, en raison de ses mauvaises affaires, de céder son invention aux frères Caiotet, des imprimeurs riches, qui sont ses rivaux à Angoulême. Le père de David cultive ses vignes, amasse écus sur écus, se plaint sans cesse de son dénûment prétendu, et abandonne son fils à la merci des misérables qui l'exploitent et le volent. Quant à Lucien, sa vie est impossible à supporter. Il prend la résolution de se noyer ; et il va l'exécuter, quand un hasard lui fait rencontrer, en dehors de la ville d'Angoulême, une calèche élégante dans laquelle se trouve un chanoine de Tolède, l'abbé Carlos Herrera, bandit qui s'est déguisé et a pris un faux nom et qui n'est autre qu'un ancien chef de voleurs de Paris, Vautrin un des personnages du Père Goriot, de M. de Balzac. Le chanoine, une sorte de Méphistophélès en soutane, un être dégénéré et qui ne croit à rien, excepté au génie du mal, combat le suicide de Lucien, et l'emmène de nouveau avec lui à Paris, en lui promettant toutes sortes d'honneurs, s'il veut suivre ses conseils à la Talleyrand.

Outre l'invraisemblance de cette rencontre, et celle plus absurde encore d'un galérien transformé en chanoine-diplomate, ce roman est semé d'immoralités qui ne peuvent être lues par les personnes qui se respectent.

(N° 2051.) — XXIV. — LE PÈRE GORIOT.

L'auteur a traîné ici la paternité, ce sentiment sublime, dans la boue. Le père Goriot est un ancien vermicellier, qui se retire des affaires avec 50,000 fr. de rentes. Il a deux filles qu'il marie richement, qu'il aime avec passion, et qui le réduisent froidement à la mendicité. L'amour du père Goriot pour ses deux filles, la baronne de Nucingue et madame de Restaut, est monstrueux et impossible. Goriot non-seulement se ruine pour elles, lorsqu'il sait qu'elles le méprisent et qu'il leur fait honte, mais il leur procure des amants ! Ce livre est une sentine de corruption, où les plus nobles instincts du coeur sont raillés et traités de niaiserie. Le Vautrin dont je vous ai parlé commence dans ce roman, chez une vieille femme du quartier latin qui tient un restaurant, à débiter ses maximes de scélérat sur les choses les plus sacrées d'ici-bas

(N° 2052.) — XXV. — HISTOIRE DES TREIZE FERRAGUS.

Ce roman, ainsi que les deux qui vont suivre, est l'histoire effrayante d'une corporation occulte de bandits, exploitant la capitale, se prêtant un mutuel secours, qui semble miraculeux, dans chacun de leurs coups de main particuliers. Ici, Ferragus, chef des dévorants, est un ancien repris de justice, comme Vautrin : il vole, il tue impunément : il se déguise et s'introduit partout, dans les mansardes comme dans les salons les plus brillants. Il a une fille, madame Jules qui a épousé un homme honnête et riche, M. Desmarets qui adore sa femme. Or, madame Jules voit souvent en cachette son père, banni de la société, et celui-ci a pour sa fille une passion profonde. L'amour de madame Jules est pour ce bandit l'univers entier. M. Desmarets s'aperçoit des disparitions fréquentes de sa femme, de ses rendez-vous mystérieux, et il devient d'une jalousie furieuse. La pauvre madame Jules supporte tout en silence, et meurt victime de son dévouement peur son père, sans oser révéler à son mari le nom abhorré de celui qui lui a donné le jour.

Les souffrances intérieures de madame Jules, l'héroïsme chrétien qui la rend résignée, sont exprimées avec un sentiment et une éloquence qui arrachent des larmes. C'est une des oeuvres les plus saisissantes et les plus morales de M. de Balzac.

(N° 2053.) — XXVI. — LA DUCHESSE DE LANGEAIS.

La duchesse de Langeais est une grande coquette du faubourg Saint-Germain, qui n'a jamais aimé personne et tend à tous ses pièges de séduction. Elle admet particulièrement dans ses bonnes grâces le général de Montiveau, un officier de l'empire, un homme d'une trempe toute militaire, un caractère de fer. Le général sent naître en lui une passion brûlante pour la duchesse : elle-même est prise à cette flamme dont elle a ri pendant toute sa vie ; mais des circonstances matérielles empêchent le général de croire à l'amour vrai de la duchesse. Il la repousse dédaigneusement, et celle-ci, pour se punir du crime de la coquetterie, va se cloîtrer dans un couvent de femmes, en Espagne. Le général, aidé d'hommes appartenant à la secte des Dévorants, tente, pendant la nuit, l'escalade du couvent, bâti à pic sur une haute montagne. Il y parvient, mais la duchesse, qui n'est plus que soeur Thérèse, est morte depuis quelques heures. Le général Montiveau ne trouve plus qu'un cadavre qu'il enlève et fait transporter à Paris. Il y a dans ce livre de belles pages sur l'excellence de la vie monastique, de la vie contemplative, qui fait oublier des intérêts terrestres à mesure que l'âme monte vers la sphère du ciel. Quand il le veut, l'auteur comprend et développe à merveille la puissance et la grandeur des institutions catholiques.
 
(N° 2054.) — XXVII. — LA FILLE AUX YEUX D'OR.

Ce roman est un imbroglio sanglant où rien n'est clairement défini. Qu'il nous suffise de dire qu'un jeune roué du siècle, un lion, Henri de Marsay, beau garçon qui ne croit à rien et qui a tous les vices, aime une charmante enfant mystérieusunent cachée dans un hôtel somptueux de la rue Saint-Lazare. Cette enfant est la fille d'une esclave de sa soeur, qu'il ne connaît pas, car il l'a perdue de vue depuis longtemps, et de Marsay est un fils naturel. Or, par toutes sortes de ruses et d'adresse surprenante, il pénètre dans l'hôtel et voit la Fille aux yeux d'or. Cet amour est surpris, et la pauvre Paquita Valdès, c'est son nom, expire dans des supplices atroces qui lui sont infligés par sa maîtresse arrivant de Londres, et qui est justement la soeur de Henri de Marsay. Ce roman est tout simplement absurde, de tout point immoral et impossible.

(N° 2055.) — XXVIII. — LE COLONEL CHABERT.

Ceci est un roman historique, émouvant et plein de péripéties. Il s'agit d'un vieux soldat de l'empire que sa femme croit avoir été tué à Essling, avec le grade de colonel et l'amitié de Napoléon. Elle épouse, en toute sûreté de conscience, le comte Férand ; puis, un beau jour, le colonel Chabert, échappé à la mort par prodige, revient à Paris,en haillons et demande sa femme effrayée, qui le repousse. De lâches intrigues sont ourdies par la comtesse et son homme d'affaires pour que le colonel Chabert, dont le signalement a été reconnu, s'ensevelisse dans l'obscurité et laisse à sa femme l'immense fortune qu'elle possède, grâce à sa bravoure récompensée par l'empereur. Le colonel, homme de coeur, désespéré de voir tant de bassesse dans la femme qu'il a aimée, consent à tout, reste mort civilement, et finit ses jours dans la maison de fous de Bicêtre. Chacun peut lire cette triste histoire.

(N° 2056.) — XXIX. — FACINO CANE.

Ceci n'est qu'une nouvelle assez courte. Facino Cane est un pauvre joueur de flûte italien, aveugle. Il a été sénateur de Venise et avait le droit de devenir doge. L'amour l'a fait jeter en prison, dans une de ces prisons obscures, humidèes et mortelles, où il a langui pendant vingt-deux ans ; puis il a pu, à force de courage et de patience, percer l'épaisse cloison de son cachot, pénétrer dans un souterrain de la république qui renfermait d'immenses tonnes d'or, en emplir des sacs énormes, et après avoir gagné le geôlier par l'appât de ce métal triomphant, s'embarquer pour la France et y arriver en sûreté. D'autres malheurs l'accablent pendant la révolution française et le réduisent à la misère. Voilà tout. Cette nouvelle écourtée ne prouve rien et n'offre qu'un intérêt très-minime. Elle ne finit pas, comme la plupart des oeuvres plus longues de l'auteur.

(N° 2057.) — XXXI [?]. — LA MESSE DE L'ATHÉE.

Un illustre médecin, Desplein, une des gloires contemporaines, avant d'arriver au pinacle de la renommée, a beaucoup souffert : la misère l'a atteint de ses pointes acérées ; il a longtemps végété dans une mansarde froide et délâbrée, sans vêtements et sans pain. Un pauvre porteur de Saint-Flour, témoin des souffrances de l'étudiant, en a pitié, lui prête quelques écus et subvient avec toute sorte de compatissance et de générosité à ses pressants besoins. Desplein, cependant, triomphe des obstacles semés sur sa route et est proclamé bientôt une des célébrités de la science médicale. Son obscur bienfaiteur, homme d'une religion admirable et d'une foi sublime, quoique sans instruction aucune, le porteur d'eau Bourgeot, meurt, et Desplein, l'ayant assisté à sa dernière maladie, est témoin des craintes que le brave homme exprime sur son salut éternel. Bourgeot parle à Desplein, l'athée, de l'efficacité des messes pour le repos des âmes. Le médecin ému, pour s'acquitter envers son cher Bourgeot, chaque année fait célébrer à Saint-Sulpice plusieurs messes, selon les voeux du porteur d'eau. Quoique athée, le médecin s'y rend, se recueille et prie Dieu pour son bienfaiteur décédé. Ce petit roman est délicieux de détails vrais et sentis.


II

Autres critiques des oeuvres de Balzac
parus dans le Bulletin de censure

(Septembre 1844 - Novembre 1846)

Bulletin de Censure - Novembre 1846

~ * ~

[Septembre 1844]

208. SPLENDEURS ET MISÈRES des courtisanes. — Esther, — par M. de Balzac, 3 vol. in-8.

M. de Balzac s'est imposé la tâche de peindre dans ses romans les ridicules, les travers, les vices et les crimes qui s'agitent au sein de notre société moderne. La tache était rude, et il s'en acquitte avec un courage qu'on ne saurait contester ; mais il nous semble qu'il aurait pu nous représenter les moeurs contemporaines sans en rendre la peinture immorale, comme il le dit lui-même, dans la préface de cet ouvrage, où les existences des espions et des filles entretenues sont retracées avec une vérité peut-être un peu trop vraie.

L'auteur se flatte qu'on lui rendra justice en raison de l'art et des soins de ses mises en scène, de sa patience à rechercher le comique, et de l'amour du vrai avec lequel il a trouvé les beaux côtés du caractère de la courtisane, du criminel et de leurs entourages.

Nous l'aurions très volontiers dispensé, pour notre part, de ce dernier soin, car nous ne voyons pas ce que la société peut gagner à voir les vices et les corruptions qu'elle recèle représentées sous leur beau côté.

Il faut convenir que M. de Balzac fait preuve, en parlant ainsi, d'une grande naïveté, et qu'il invoque là de singuliers titres ! En quoi donc l'art de grouper les figures, la recherche du comique et l'amour du vrai, de ce vrai comme l'entend l'auteur, pourraient-ils constituer une oeuvre sérieuse, complète, utile ? Et la moralité, ne compte-t-elle pour rien ? Il est vrai que, si l'on en croit M. de Balzac, on suspendra tout jugement sur chacun de ses ouvrages, pris à part, on ne les considérera que comme autant de chapitres destinés par leur réunion ultérieure, à former un tout, et, en attendant, à prouver une vérité isolée, à développer, chacun séparément, une pensée générale, et à la conduire parallèlement et par des routes diverses à la conclusion dernière.

En effet, les livres de M. de Balzac ont cela de particulier qu'ils finissent presque tous sans que leurs personnages aient achevé leur rôle et aient disparu de la scène. On est tout surpris d'arriver au bout du roman au moment où l'action est le plus engagée, où les fils sont le plus enchevêtrés, où l'intérêt est le plus excité. Il ne manque plus que ces mots : La suite prochainement, pour leur donner toute l'apparence d'un feuilleton.

Nous n'avons point à nous expliquer sur le mérite de ce système, dont le principal, peut-être, est de pousser à la vente, par la nécessité, pour ceux qui y tiennent, de chercher dans les ouvrages antérieurs, l'intelligence complète des volumes subséquents.

En vain l'auteur dit-il que, quand au jugement définitif, à la morale, au sens, il ne se fera pas attendre ; ce n'est point assez, il faut que chaque ouvrage porte avec lui sa conclusion, son enseignement. Or, savez-vous ce qui arrive ? En attendant la morale que nous annonce M. de Balzac, et qui peut être fort bonne, chaque lecteur tire la sienne, qui peut être fort mauvaise, attendu qu'on le laisse sans guide au milieu de ce conflit de tant de passions ; puis, quand la morale de l'auteur viendra, il sera trop tard, le mal sera fait : quel remède alors ? Voilà où le conduit ce qu'il appelle la philosophie de son oeuvre.

Dans le livre des Splendeurs et Misères, M. de Balzac met sur la scène une courtisane purifiée par un amour profond qui se résout en un suicide pour échapper à une infidélité forcée. Autour de cette figure, à laquelle nous croyons que l'auteur a attaché trop d'intérêt, s'agitent, en première ligne, la terrible figure d'un forçat déguisé en prêtre, qui a pris soin d'Esther, l'a fait baptiser, car elle ne l'était pas encore, et lui a fait faire sa première communion, pour la livrer le lendemain, à titre de courtisane, à celui qu'elle aime ; en seconde ligne, un jeune homme que le forçat a arraché à une mort volontaire, pour le pousser à la fortune et aux honneurs par le chemin du vice ; puis, viennent, sur le troisième plan, trois variétés d'espions, et un riche banquier juif auquel chacun prétend vendre Esther, dont il est éperdûment épris, et qu'il finit par payer un millionn sans en être plus avancé.

Le roman finit au moment où le forçat et son protégé sont arrêtés et conduits à la Force sous la double prévention d'assassinat et de vol. On voit que ce n'est qu'une suspension ; la suite viendra lorsque l'auteur en sera aux scènes de la vie judiciaire. Quant à la morale du livre, quoique M. de Balzac prétende qu'elle viendra plus tard, nous prétendons, nous, qu'elle est déjà venue, on peut en juger dès à présent par le caractère des principaux personnages dont nous venons de tracer la simple silhouette.

Nous devons examiner prochainement, et dans chacune d'elles, les oeuvres complètes de M. de Balzac ; en attendant, nous voulons donner à nos lecteurs une idée de ses principes. Voici quelques phrases prises au hasard dans l'ouvrage ci-dessus, et qui peignent parfaitement l'excentricité de l'auteur, sur la morale, sur les femmes et sur la politique.

Il met le blasphéme suivant dans la bouche du forçat déguisé en prêtre : « La fille repentie sera toujours une mystification ; s'il s'en trouvait une, elle deviendrait courtisane dans le Paradis. »

Plus loin, l'auteur dit lui-même cette monstruosité sociale : « Une police préventive serait un bienfait pour un pays. »

Enfin, parlant de la soeur d'un de ses personnages, il dit : « Quoiqu'âgée d'environ vingt-cinq ans, elle avait gardé de la fraîcheur de la jeunesse. »

Ne croirait-on pas qu'il s'agit d'une femme de quarante ans ? Est-ce que l'auteur aurait été élevé, par hasard, dans l'Arabie Pétrée, ou autres climats torrides, où les femmes sont mères à dix ans, et vieilles à vingt ?


[Janvier 1845]

392. MODESTE MIGNON, ou les trois amoureux, par M. H. de Balzac. Paris, Chlendowski, 4 vol. in-8.

Modeste Mignon est une jeune provinciale qui, exaltée par la lecture des romanciers contemporains, s'éprend d'une belle passion pour un poète parisien qu'elle n'a jamais vu, mais qu'elle juge d'après les vers qu'il a publiés. Elle ne craint pas de lui adresser une longue lettre dans laquelle elle lui déclare son amour et lui expose les théories les plus singulières. Le poète, qui mène à Paris la vie, à la mode, et dont le coeur est loin d'être aussi angélique que ses productions, n'a guère le temps de répondre à cette petite fille, et il charge de ce soin son secrétaire. Celui-ci continue longtemps la correspondance au nom de son patron, et finit par devenir lui-même tout de bon amoureux. Les choses en sont là lorsque Modeste Mignon hérite tout à coup d'une fortune considérable, ce qui amène à ses pieds, outre un grand seigneur, le fier poète en personne ; mais, ayant découvert le véritable auteur de la correspondance, elle évince les deux compétiteurs et épouse le pauvre secrétaire.

Il y a dans cette donnée quelque chose d'original et de vrai, mais malheureusement les personnages sont présentés sous un jour complétement faux, à l'exception du poète, qui est peint de main de maitre et qui constitue un type particulier à notre époque.

Le style de ce roman est encore plus prétentieux, plus incorrect, plus relâché, plus enchevêtré et plus pâteux que dans la plupart des autres productions de M. de Balzac. Certaines phrases sont de vrais modèles de galimathias.

Ce roman doit être sévèrement interdit aux jeunes personnes.


[Janvier 1846]

1664. — HONORINE, par H. de Balzac.

Honorine n'est qu'un récit, une histoire racontée au milieu d'un salon, et dans laquelle M. de Balzac s'efforce de mettre en action ses utopies et sentences matrimoniales dont il nous a donné un si triste échantillon dans sa Physiologie du mariage. Il y a loin de la Peau de chagrin, des Scènes de la vie de province, etc., à Honorine et aux Paysans, ce malheureux ouvrage qui, espérons-le du moins, ne sera jamais terminé.

Honorine est une jeune femme qui a quitté la maison conjugale pour suivre un séducteur. Bientôt abandonnée elle-même, et n'ayant que peu de ressources, elle se résigne à faire des fleurs artificielles et arrange sa vie dans l'isolement le plus complet. Son mari, qui occupe un des premiers postes de la magistrature, veille pendant sept ans avec une sollicitude paternelle sur l'existence de cette femme qu'il aime toujours. C'est lui qui, sous un faux nom, lui loue à vil prix la jolie maison qu'elle habite à Paris ; c'est lui qui fait acheter par une marchande à ses gages les fleurs qu'Honorine confectionne chaque jour, et qu'elle vend ainsi dix fois leur valeur. Le comte Oscar parvient de cette façon à rendre à sa femme une partie du luxe auquel elle a renoncé. Tout à coup Honorine apprend les bienfaits dont elle est redevable à la tendresse de son mari. D'abord elle veut fuir ; elle veut se tuer ; enfin , après plusieurs lettres et pourparlers, elle se décide à rentrer sous le toit conjugal, mais en annonçant bien officiellement qu'elle mourra. Un an après, elle devient mère ; mais cela ne change rien à sa détermination , et trois années ne se sont pas écoulées depuis sa réconciliation avec son époux, qu'Honorine se laisse mourir tranquillement de consomption, ou de la poitrine, ou d'un anévrisme ; l'auteur nous laisse sur ce point intéressant dans un doute affligeant. Comme l'histoire d'Honorine ne formait qu'un volume et demi, et que M. de Balzac en avait vendu deux à son libraire, M. de Balzac a complété le second volume à l'aide d'une oeuvre inintelligible qui a pour titre : Un Prince de Bohême, auquel nous avouons humblement que nous n'avons rien compris. En résumé, Honorine et un Prince de Bohême forment un tout d'une immoralité incontestable.


[Février 1846]

1741. — PETITES MISÈRES DE LA VIE CONJUGALE, par H. de Balzac.

Ce livre est un supplément, une sorte de post scriptum à l'ouvrage malheureusement si connu de la Physiologie du mariage du même auteur. Les Petites Misères de la vie conjugale sont peut-être bien écrites, riches d'observations fines et de détails vrais, tout cela est possible ; mais nous ne voulons pas même discuter le mérite littéraire d'une oeuvre aussi profondément immorale que celle-ci; nous nous bornerons à mettre sévèrement à l'index, ce roman, cette esquisse de moeurs, cette physiologie ou cette biographie, comme on voudra l'appeler ; et pour motiver ce jugement, nous dirons : qu'en le lisant une femme y apprendrait à oublier ses devoirs, et un homme, à se jouer des sentiments les plus sacrés. Si l'on veut en outre connaître notre opinion personnelle et nos impressions intimes, nous ajouterons que les Petites Misères de la vie conjugale nous ont beaucoup ennuyés, et que nous ne savons rien de plus triste et de plus pénible à lire que le récit de ces plaies sociales, analysées froidement comme le poison déposé au fond d'un vase par un chimiste, et réduites en questions algébriques, terminées par un axiome dont nous voulons nier l'évidence.


[Octobre 1846]

(N° 2219.) — LA COUSINE BETTE, ou les Parents pauvres, par M. de Balzac.

La lecture des romans de M. de Balzac est toujours très-mauvaise pour l'esprit qu'elle fausse, aussi bien que pour le coeur qu'elle flétrit ou désole. Du reste, ces misérables productions dont le public se repaît avec une sorte de rage, sont un peu plus ou un peu moins dans le goût dépravé du jour. La Cousine Bette, publiée dans le Constitutionnel, nous montre peut-être moins d'excentricités que beaucoup d'autres produits du même auteur. On y voit des peintures trop vraies des sommités de l'aristocratie de notre époque. La classe moyenne, qui fournit tant de parvenus grotesques, y dévoile les roueries de son grossier libertinage. Nous avons assurément des types de ce baron Hulot, qui ruine sa famille et vole les deniers de l'état pour gorger de viles et odieuses courtisanes. On citerait aussi plus d'un Crevet, riche parfumeur retiré, aspirant aux dignités municipales, et pataugeant néanmoins, malgré ses cheveux blancs, dans la débauche la plus honteuse. On trouverait encore quelques ménages comme celui des Marneff, où le mari spécule froidement et sans aucune pudeur sur les désordres lucratifs de sa digne moitié. Tout cela n'est que trop vrai ; mais on ne peut concevoir que, pour l'amour de l'art, on se décide à fouiller dans cette boue fétide. Il en est de cela comme des tableaux vivants, exhibition théâtrale dont on a souillé les regards avec autorisation de la police. Tout cela est réel, tout  cela est nature, oui sans doute ; mais tout cela doit se cacher.

Quant au caractère de cette vieille fille, qu'on appelle la cousine Bette, caractère qui n'est pas non plus hors nature, mais qui est d'une perversité raffinée qu'on rencontre assez rarement pour le repos des familles, nous ne nierons pas qu'il ne soit peint avec une grande habileté de pinceau. Mais encore un coup, c'est un monstre qui applique toutes ses facultés à la vengeance et qui parvient, avec tous les dehors de la bonté, à causer tous les malheurs de ses parents. N'est-ce pas là de bien bons modèles à mettre sous les yeux. de la société actuelle ?

(N° 2221.) — LA FEMME DE SOIXANTE ANS, par H. de Balzac.

La Femme de soixante ans n'occupe qu'un volume et demi de l'ouvrage de M. de Balzac, l'autre moitié se compose d'une histoire ayant pour titre : Une Chambre à  coucher au seizième siècle, et de plusieurs articles renfermant les physiologies de l'épicier, du notaire, de l'avoué , etc., et de la femme de province. Tout cela est peut-être très-savant ; mais à coup sûr, c'est fort ennuyeux, et entremêlé de dissertations psychologiques sur l'amour platonique et l'amour des sens qui en rendent la lecture on ne peut plus dangereuse pour les jeunes gens.


[Novembre 1846]

(N° 2288.) — UN DÉBUT DANS LA VIE, par H. de Balzac.

M. de Balzac, qui incontestablement est un auteur d'un mérite littéraire supérieur, tombe cependant depuis quelques années dans un travers qui dégénère en manie, c'est l'amour des généalogies ; il emploie les trois quarts des deux volumes qui composent ses ouvrages ordinaires, à donner la généalogie de tous les individus qui y figurent ; cela est fatigant et sans aucun intérêt, puisqu'il ne s'agit que de personnages d'invention. Le héros du roman actuel est un nommé Oscar Husson, dont l'existence se passe à faire des maladresses depuis son enfance, jusqu'à ce qu'enfin il arrive cependant à être receveur-général, ce qui n'est déjà pas si maladroit pour un homme habitué à ne faire que des maladresses. Il serait presque inutile d'ajouter qu'au milieu de tout cela il se trouve des pages qui ne peuvent en aucune façon être lues par la jeunesse.


[Juillet 1847]

(N° 63.) — LE CABINET DES ANTIQUES, par H. de Balzac.

Que dire d'un roman de M. de Balzac ? si ce n'est que, tout en admirant chaque œuvre sortie de la plume du célèbre écrivain, il faut éviter avec soin d'en laisser lire la moindre ligne à la jeunesse, car les livres de l'auteur de la Comédie humaine sont à la société ce que l'anatomie est à la médecine, et M. de Balzac a entrepris l'autopsie du XIXe siècle. Le Cabinet des Antiques est un des diamants qui composent l'écrin appelé les Scènes de la Vie de province, et on y retrouve bon nombre des personnages de ce monde imaginaire créé par l'auteur, personnages à chacun desquels, avec un peu de bonne volonté, on pourrait attacher un nom que nous voyons chaque jour nous coudoyer sur le trottoir ou nous écla¬bousser en équipage.

(N° 65.) — LE COUSIN PONS, ou les deux musiciens, par H. de Balzac.

C'est presqu'une bonne fortune que de n'avoir point à mettre à l'Index un des romans de M. de Balzac, qui aborde habituellement des sujets trop peu moraux pour que ses peintures puissent être chastes. Le Cousin Pons, quoique formant une histoire entièrement détachée et différente, est donnée comme une suite de l'Histoire des Parents pauvres, dont la Cousine Bette est la première partie. Nous avons dit en quoi la lecture de ce premier ouvrage pouvait être dangereuse. On ne saurait imputer ce tort très-grave au Cousin Pons, composition fort inoffensive à l'endroit des moeurs et de la religion. Mais nous regrettons sincèrement qu'au point de vue de l'art et de l'intérêt, cet ouvrage laisse tant à désirer. Il faut le dire, nous ne pouvons concevoir le succès des romans de M. de Balzac, à moins d'y voir l'œuvre de la réclame et du prospectus. Ils sont la plupart d'une lecture fatigante et même ennuyeuse. L'auteur a la prétention trop peu dissimulée de résoudre des questions de philosophie trop au-dessus de sa portée ; ou bien il fait parade d'une érudition artistique très-peu amusante : d'où il résulte une froideur qui se communique facilement à tout le reste de l'ouvrage. Le Cousin Pons, par exemple, offre un cours complet de bric-à-bracologie, parce que le bonhomme a le goût passionné des collectionneurs de tableaux et de curiosités. Tout cela peut servir à mettre en évidence le savoir de l'auteur ; mais tout cela intéresse très-peu en faveur de ses personnages. Pons et l'Allemand Schmucke, les deux musiciens, sont deux amis tout-à-fait excentriques, deux âmes naïves jusqu'à la niaiserie, jetées au milieu de créatures ignobles ; ce qui forme des contrastes trop choquants. Quand M. de Balzac ne vit pas dans l'atmosphère viciée des courtisanes, il semble se complaire dans la compagnie des Vautrin, des Fraisier, des Rémonencq, véritables gibiers de potence. Nous croyons bien qu'il y a dans le monde des monstres de cette espèce ; mais ordinairement, par bonheur, ils sont isolés. La cupidité, si naturelle au cœur humain, ne se traduit qu'exceptionnellement par des crimes justiciables de la cour d'assises. Toutes ces monstruosités sont donc l'œuvre de l'imagination pessimiste de l'auteur. M. de Balzac a aussi la manie d'introduire dans ses romans des personnages qui parlent un baragouin à peu près inintelligible. Il faudrait presqu'un dictionnaire particulier pour se rendre compte des paroles de l'Allemand Schmucke. L'auteur voudrait-il exercer de toute manière la patience de ses lecteurs ?


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