LE CLERC, A. : Bulletin des modes.- La Mode, revue politique et littéraire, 19° année, Mardi 15 février 1848.
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Mardi 15 février 1848
A.Le Clerc
~~~~Les velours de soie, le cachemire moelleux, le satin plein la main, voilà les étoffes que l'on voit le plus en ce moment. Les riches fourrures s'allient souvent à ces tissus qui ne peuvent pas tomber dans le domaine de la petite propriété. Aussi, si vous allez aux Champs-Elysées, vous verrez les grandes dames, dont les voitures stationnent dans l'avenue du milieu, se promener sur l'asphalte des contre-allées, ayant pour se défendre du froid, des pardessus et des redingotes que leurs couturières ont taillés dans les belles étoffes que nous venons de signaler, comme le nec plus ultra de l'élégance. Toujours pour le matin, voici ce que nous avons remarqué au Jardin d'Hiver une capote Clarisse avec noeud batelière ; calotte et bavolet d'une seule pièce, avec passe à demi évasée, en dessous de la passe comme un petit nuage de tulle. Mesdames EUPHRASIE et HAUTCOEUR, n° 8, rue Grange-Batelière, emploient beaucoup de velours coupé de blonde et posent avec une grâce infinie un bouquet de plumes de chaque côté de la passe. Ces dames ont lancé dans le monde élégant des chapeaux de velours foncé doublés de nuances plus claires et garnis dessous de velours pareil à celui du dessus ; pour tout ornement, ces chapeaux ont des rouleaux de velours posés les uns près des autres, moitié sur la passe et moitié sur la forme, pas de rubans. Les dentelles d'or sont presque aussi recherchées pour les coiffures de bal que les dentelles ordinaires. Le goût de notre siècle se révèle dans les parures comme dans les affaires publiques ; ainsi nous avons remarqué des coiffures en blonde d'or ornées de fleurs en velours gros bleu, de chez TILMAN, n° 2, rue de Ménars, et une autre en blonde noire égayée de roses tremières de diverses nuances. La coiffure Albret, en velours, formant un peu la pointe au milieu du front et ayant deux pointes qui retombent de chaque côté du visage, est encore une création ravissante de l'habile modiste que nous venons de citer. Ce velours est entouré de chefs d'or, d'une rangée de grosses perles ou d'une petite dentelle de Venise avec or ; les cheveux, très touffus, doivent soulever les deux côtés de la coiffure. Une autre charmante coiffure de spectacle est le petit-bord aragonais, en cachemire à chefs d'or. Puis un toquet Charles VII en dentelle d'or mêlée au velours ponceau. Des coiffures séviliennes en jais, retombant comme des petites écharpes en dentelle de jais de chaque côté du cou. Les occasions de voir les magnificences des modes de l'époque ne nous manquent plus, aussi nos bulletins s'allongent, et chaque dixaine nous avons des noms nouveaux à enregistrer dans le livre d'or de l'industrie élégante. En ce moment, une révolution de luxe s'opère à petit bruit ; les Anglaises qui viennent danser en France depuis trente ans et plus, se dépitaient de se voir des pieds si larges et si longs, quand leurs rivales Françaises montraient si coquettement, si gracieusement, leurs gentils petits pieds, s'échappant de dessous les garnitures de leurs robes. C'était, pour les filles rancuneuses de l'orgueilleuse Albion, un constant sujet de jalousie. Animées de ce mauvais sentiment, elles ont inventé les robes tombant jusque sur le parquet, et les Françaises, toujours un peu étourdies et amoureuses du changement, ont adopté la mode d'origine britannique. C'est, à ce que l'on assure, au château d'Eu que cette faute a été commise. Depuis ce jour, les grands pieds se sont trouvés cachés, et les pieds petits et mignons n'ont plus montré leur tout puissant attrait.... Enfin, le règne du mauvais goût est passé, et depuis trois mois les robes du matin et celles du soir ont repris des proportions rationnelles ; elles laissent voir la délicatesse, le fini, l'élégance du soulier, tel que sait le faire le cordonnier du grand monde, DUFOSSEE, 22, rue de la Paix. Le soulier de satin noir ou de satin blanc nous fait penser au bal, et le souvenir tout récent des fêtes que nous venons de voir nous fait louer de nouveau la vraie fleur du soir, celle qui brille le plus sous l'éclat des lustres, celle qui s'épanouit chez BOURDET (18, passage Choiseul). Dans ces bouquets, dans ces guirlandes scintillantes, il y a quelque chose de magique ; les couronnes des fées et des enchanteresses devaient être semblables à celles façonnées par Bourdet. Le luxe, le brillant, le somptueux ne s'étalent pas seulement dans les bals, ils se déploient aussi dans la chambre à coucher. La robe du saut du lit, quand elle sort des ateliers de POUSSARD (41, galerie Montpensier), est parfois magnifique ; nous en avons vues chez lui qui iraient merveilleusement à des princes et même à des rois. - Que cette ligne écrite par moi n'effraie personne. - Poussard comprend toutes les positions et travaille consciencieusement pour le père de famille comme pour le dandy du jockey-club ; il avait traité à Lyon d'une partie de douze cents mètres de soie, fabriquée pour gilets ; il vient de changer cette destination, et tous ces mètres de belle et soyeuse étoffe vont être employés à la confection de confortables robes de chambre que les amateurs trouveront toutes faites, ou qu'ils pourront commander en choisissant sur les pièces. L'avantage qu'il a obtenu lui permettra de vendre ces robes à des prix très-modérés. Pendant que j'en suis aux objets de luxe, c'est le cas de revenir aux incomparables nécessaires de AUDOT, à son beau magasin de la rue de Richelieu, 91. L'homme qui aime le beau et le bon, l'élégant et le commode, trouvera à étudier, à admirer et à choisir. Audot sait l'indispensabilité d'un bon nécessaire ; en contact avec le grand monde composant sa clientèle, il n'ignore rien de ce qu'il faut aux touristes fashionables : aussi fait-il en sorte qu'il ne leur manque rien. Son génie supplée ainsi à tout ce qui manque dans les auberges, où le voyageur est contraint de s'arrêter. Audot ne se borne pas, comme nous l'avons déjà dit plusieurs fois, à la spécialité des nécessaires, il excelle en orfèvrerie, et dans cette partie artistique il déploie un goût admirable de pureté. Les corsets sans goussets de madame DUMOULIN n'avaient eu jusqu'ici, pour les recommander, que leur mérite, le nom de la femme qui les a inventés et leur immense vogue. Voici maintenant que les corps pompadours viennent se joindre à leur célébrité pour qu'ils deviennent universels, c'est à dire pour que la reine de Taïti se mette en relation avec madame DUMOULIN, comme l'a fait déjà la reine d'Angleterre, pour que les gracieuses compatriotes d'Atala s'adressent à madame DUMOULIN, comme les Circassiennes qui, depuis deux ou trois ans, font venir tous leurs corsets du n. 44. rue Basse-du-Rempart. La bonne compagnie demeure fidèle à DRAPPIER, parce qu'il est constant au bon goût et à autre chose encore que nous aimons, et qui le met pour nous à la tête des meilleurs tailleurs. C'est beaucoup que le talent, mais ce n'est pas tout, DRAPPIER cumule l'habileté et la considération. CHAPRON et DUBOIS ne voient pas non plus diminuer leur clientèle, et cela est tout simple et tout naturel ; car, on a beau dire, la mode, la faveur du grand monde ne sont pas aussi inconstantes qu'on a bien voulu le dire ; elles n'abandonnent point le mérite, elles s'y attachent dans leur propre intérêt. On ne fait nulle part aussi bien qu'à la Sublime-Porte (7, rue de la Paix), et c'est là que les femmes élégantes se portent pour chercher des mouchoirs tels que S. H. le sultan n'en a jamais eu à donner à ses favorites. Croyez-vous que le roi de Lahore ait à distribuer aux femmes de ses ministres et aux princesses de son propre sang, des châles de cachemire plus beaux, plus riches, plus magnifiques que ceux que vous avez vus au n. 2, boulevart Montmartre, chez notre ami FICHEL ; et non vraiment. Paris fait venir à lui ce qu'il y a de mieux dans le monde, et FICHEL a ce qu'il y a de mieux à Paris. MAYER ne sait plus à qui entendre ; toutes les mains se lèvent vers lui pour être gantées : les bals particuliers, les fêtes magiques du Jardin d'Hiver, tout le mouvement de plaisir qui agite la grande ville, a fait affluer depuis six semaines au magasin du gantier européen l'élite des Parisiens et des étrangers. Moscou, Saint-Pétersbourg, Vienne et Berlin, Londres et Naples, Madrid et Édimbourg, connaissent et apprécient aujourd'hui l'extrait de lauriee-camphrier rose de DEUDON, et s'en servent dans leurs bains voluptueux. Au n. 92, rue de Richelieu, se trouve, à côté de ce merveilleux extrait, toute la parfumerie anglaise de PALME. Que de mètres de rubans employés en ce moment pour les noeuds d'épaules, les ceintures et les garnitures des robes des jeunes femmes, enchanteresses sylphides de nos bals. Si on mettait bout à bout toutes ces aunes de ruban, je crois, en vérité, que ce lien de soie pourrait enceindre l'enceinte fortifiée de Paris. La Fileuse fournirait alors un fort contingent ; car c'est à son magasin, rue du Bac, 78 bis, que se mesure et se débite le plus de beaux rubans et d'ornemens de passementerie. Auprès des noeuds de corsage, on voit presque toujours briller des bijoux, et si le beau monde se porte chez VICEL pour des rubans, c'est chez GILLION, au n. 9, boulevart des Italiens, qu'il arrive en foule pour choisir ses bagues, ses épingles, ses agrafes et ses bracelets. GILLION, nous l'avons dit bien des fois et nous le répétons aujourd'hui, attire à lui non seulement les femmes qui veulent briller, mais encore les personnes de goût qui ont cultivé les arts ; car Gillion est plus artiste que marchand. L'art a quelque chose de féerique, un attrait puissant, qui a son influence sur des gens qui ne s'en doutent pas ; le charme opère sans qu'ils s'en aperçoivent : c'est ce grand magicien qui attire chez GILLION. Le désir d'être chaudement vêtu en hiver, légèrement en été, et toujours avec élégance, ce désir, venu aux habitans de Paris, a fait aller des milliers de personnes au grand établissement, à l'immense vestiaire de MM. CORNUT, GENTILLE, CORRAZ et Cie (I0, boulevart Montmartre). L'habitude est prise, et c'est là, au Roi Dagobert, qu'une multitude de Parisiens et d'étrangers, arrivant dans la capitale du monde civilisé, iront s'habiller. Quant aux petites filles, c'est chez madame LECLER, n. 2, boulevart des Italiens, que leurs mères les conduiront ; et vraiment elles feront bien, car personne n'entend comme elle les costumes d'enfans. La Compagnie générale des Vignobles réalise par ses succès toutes nos prédictions ; quand elle s'est formée, nous avons été les premiers à dire que cette pensée serait féconde, et qu'elle délivrerait Paris des vins empoisonneurs ; elle n'en est pas encore venue là, mais sa clientèle est nombreuse et choisie ; quand on sait où il a surgi une source pure, c'est là que l'on court pour se désaltérer. Le siège dé la Compagnie générale des Vignobles est toujours rue Montmartre, n. 453. Le vin que l'on va chercher là ne donne la goutte que lorsqu'on en boit trop ; si vous avez péché par excès, c'est à la rue Dauphine, n. 38, qu'il faut aller chercher le sirop antigoutteux et immanquable du docteur BOUBÉE. Les bijoux de JACTA ont leur vogue qui va toujours croissant, aussi les lions pour leurs épingles, les lionnes pour leurs bracelets et bagues, aiment à s'adresser au bijoutier qui comprend si bien le goût du jour. JACTA, 24 bis, boulevart des Italiens, a travaillé à bonne école et son imagination est aussi poétique que sa main est habile. La parfumerie de MIGNOT est une vraie conquête sur l'hiver qui enlève à la nature ses fleurs et ses bouquets ; quand la neige a remplacé la verdure, quand on ne descend plus dans son jardin, quand on ne se promène plus dans son parc, les essences de MIGNOT remplacent à merveille tout ce que le printemps, tout ce que l'été et l'automne nous donnent de suaves et de salubres senteurs. Au magasin, n. 19, rue Vivienne, se trouve la parfumerie la plus fine, inoffensive et ne portant jamais sur les nerfs. Louer la forme des chapeaux d'hommes d'aujourd'hui, me serait chose difficile, car je ne connais aucun siècle qui n'ait été mieux coiffé que le nôtre ; ce que nous portons sur la tête ne nous garantit ni des bises glacées de l'hiver, ni des rayons ardens de l'été, et certes ne nous embellit pas. On doit donc de la reconnaissance à CHEVASSUS de ce qu'il a su élégantiser le chapeau antipoétique du XIXe siècle en le rendant plus supportable sous le rapport de la forme ; il l'a fait si léger qu'on le porte sans le sentir sur le front. Si quelqu'un doute de ce que j'avance, qu'il veuille bien aller au n. 62, rue de Richelieu, et il aura la preuve de la véracité de notre chroniqueur. Pour tout ce qui concerne parapluies, ombrelles, marquises, duchesses, cannes, sticks, badines et cravaches, nous ne connaissons personne qui ait plus fait progresser cette spécialité que BLANC, n. 7, passage des Panoramas, près le boulevart. En entrant dans ce magasin, on se convainc tout de suite que M. BLANC ne se contente pas de vendre des parapluies, mais qu'il veut encore n'en lancer dans le monde que d'excellens et de perfectionnés. On chercherait vainement le degré de perfection des parapluies et des ombrelles de M. BLANC, s'ouvrant et se fermant d'une seule main par la simple pression d'un ressort, alors se déploie sur la tête du promeneur exposé à l'averse, un dôme léger et imperméable de taffetas. Il faut louer encore une fois les parapluies de poche se brisant en quatre, et les parapluies sylphides, véritables bijoux minces et légers, à manche d'écaille ou d'ivoire, où l'art a su mêler de délicates sculptures et des incrustations d'or. Les peignes du temps de l'empire redeviennent à la mode, et nous en avons vu dans le magasin de CAUVARD (10, boulevart des Capucines) qui rappellent tout-à-fait par leur forme et la perfection du travail les plus beaux peignes de la gracieuse impératrice Joséphine. Cauvard est aussi consciencieux qu'habile, et tout ce qui sort de chez lui est digne de sa renommée. Il en est de même des gilets de BLANC ; ce giletier de la bonne compagnie conserve toujours sa vogue, parce qu'il ne s'écarte jamais des saines traditions. Si l'on ne va plus chez Alphonse GIROUX pour y choisir des étrennes, les amateurs de bons tableaux s'y rendent encore pour admirer ses tableaux ; car les beaux-arts fournissent annuellement leur contingent à cette maison, qui réunit tant de spécialités différentes ; tous les bons tableaux ne sont pas au Louvre. SANGNIER, le miroitier par excellence, continue à régénérer les glaces des salons parisiens. Grâce à l'ornementation qu'il y a su joindre, cette partie des beaux et riches ameublemens ne hurlera plus avec les sculptures des chaises, des fauteuils, des canapés et des boiseries. Sangnier embellit aussi les oratoires par des crucifix d'ivoire étendus sur du velours noir et richement encadrés. Cette partie pieuse de sa spécialité d'encadreur est traitée avec autant de convenance que de goût. Le fameux dentiste, le dentiste que le grand monde consulte, et qui guérit ceux qui viennent à lui, est toujours JACOWSKY, 110, rue de Richelieu. C'est à deux portes plus loin que s'ouvre le bel établissement de MM. CASATI-MADERNI, au n. 112, rue de Richelieu. Aujourd'hui, nous sommes forcés de répéter ce que nous avons déjà dit tant de fois, c'est que le chocolat de cette maison a gardé, mieux que partout ailleurs, son goût natif et sa vertu hygiénique ; joignez à ces deux avantages l'excellence des milanaises, et vous aurez bien des raisons pour vous adresser à MM. Casati-Maderni. Encore une célébrité de la rue de Richelieu, c'est au n. 93, que DARNET fait ses incomparables chemises, chemises recherchées par les lions de la fashion et par les hommes raisonnables qui veulent que la durée se joigne à l'élégance. L'horloger mécanicien de M. le comte de Chambord, est toujours celui que nous recommandons avant tous les autres à nos amis ; car M. NÉDELLEC mérite à bien des titres la clientèle la plus honorable ; ce qu'il fait est aussi parfait que ce qu'il pense. Nous avons à réparer une distraction que nous avons commise, il y a dix jours ; nous avons signalé M. DURAND fils, comme un fabricant de fauteuils, et il est plus que cela, il est ébéniste, et l'ébénisterie est aujourd'hui, en France, portée à un tel degré de perfection, qu'elle rentre dans l'art de la sculpture. Je rends donc à César ce qui est à César. M. Durand fils, 2, rue St-Claude, mérite bien, par son talent, cette justice et cette rectification. Où la mode ne va-t-elle pas se nicher? En vérité, que l'on aille aussi loin que terre vous portera, et vous trouverez en tous pays que la mode s'étend sur tout. Voici que j'ai à vous dire, à inscrire sur mon bulletin de dizaine, que l'on a remarqué au dernier dîner de M. le baron de Rothschild, des pains de table d'un goût exquis et d'une fraîcheur extraordinaire. C'est que la Boulangerie Viennoise les fait faire dans une fournée spéciale, pour l'heure de dîner de l'opulent banquier. Nous engageons ceux de nos lecteurs qui visent à l'exquis, à se procurer du pain de cette fournée exceptionnelle. Les bals, les concerts se succèdent ; et pendant que la chambre des députés énumère nos hontes, nos humiliations à l'étranger, les petits faits et les faits PETIT à l'intérieur, le monde s'étourdit, comme s'il était sans préoccupation pour le lendemain. La semaine dernière, le bal de l'ambassade d'Autriche a été magnifique ; le concert de madame la marquise de Becdelièvre remarquable par la réunion des artistes du premier ordre et par l'élégance des appartemens et la fraîcheur des toilettes. Voici plusieurs toilettes qui méritent d'être citées : Madame de B.... portait une robe de velours rose garnie de deux hauts volans d'angleterre, le corsage et les manches ornés de noeuds et de dentelles, attachés par des émeraudes entourées de diamans, et pour coiffure un magnifique diadème de diamans et d'émeraudes. Une autre fort jolie robe était celle de la marquise de T.... ; elle était en crêpe-citron, doublée de satin de même nuance, garnie de six rangs de petites ruches en crêpe découpées à dents, à l'emporte-pièce ; ces six ruches venaient se réunir en montant au-dessus du genou, où elles se trouvaient retenues par un bouquet de violettes de Parme et des grappes très légères de perles blanches. Madame de Gal.... portait une robe de moire mauve presque entièrement recouverte par trois volans de dentelle noire, le corsage plat et la berthe en dentelle moire. Sa coiffure rappelait le style du siècle de Louis XI, c'était de la dentelle noire attachée par de grosses épingles en perles fines, que surmontait une plume blanche placée à gauche et entièrement couchée au-dessus du front. Nous citerons encore quelques mises qui nous ont semblé tout-à-fait élégantes. D'abord une robe blanche au corsage serré, busqué du bas et orné d'une draperie arrêtée encadrant la poitrine ; la jupe ne comptait pas moins de huit volans d'angleterre, relevés en feston par des branches de verdure à baies d'or; le bouquet du corsage, l'agrafe des petites manches étaient aussi formés de petits branchages à baies d'or. Deux jupes du vert le plus tendre en gaze naïade, sur lesquelles brillaient des gouttes d'argent, et pour coiffure une couronne de roseaux vert et argent. Une jeune personne avait une robe de tulle blanc à double jupe, et dans les cheveux et au corsage des lys blancs, de madame BOURDET, dont le feuillage brillant tranchait admirablement sur le blanc vaporeux du tulle. Rien de plus frais que ces fleurs inaltérables, que nous ne saurions trop recommander, et que tout Paris admire au passage Choiseul, n° 48. A toutes ces soirées, nous avons remarqué de nouveau que généralement les robes se portaient plus courtes du devant, et que le luxe des bas de soie à jour augmentait de plus en plus. Le retour vers le soulier, la plus élégante des chaussures, assure désormais le triomphe des jolis pieds dont les Parisiennes étaient si fières autrefois. Le luxe des fleurs augmentant chaque jour, il n'y a plus une seule maison un peu élégante, à Paris, où les jardinières, les corbeilles, les vases de Chine et de Sèvres ne soient remplis de bruyères des Alpes et de camélias ; aussi chaque jour voit-on la foule élégante se porter en masse au Jardin d'Hiver. Là, les plus rares comme les plus ordinaires des fleurs se trouvent réunies, et se vendent bien meilleur marché qu'à la Madeleine, au Château d'Eau, et surtout que chez les fleuristes du boulevart. Au Jardin d'Hiver, l'on peut s'abonner au mois, à l'année, faire venir, pour une fête, le jardinier, qui vous décore vos appartemens ; y commander des bouquets, des parures, des garnitures de robe, et tout cela, grâce à l'entente, à l'élégance de cet établissement-modèle, est fait immédiatement et aux conditions les meilleures. Nous le répétons, le Jardin d'Hiver est non seulement un rendez-vous de plaisir et d'élégance, de confortabilité et de luxe, mais une excellente affaire industrielle ; car plus nous irons, plus tout Paris y accourra pour y acheter ses plantes et ses fleurs, et pour y applaudir tous les talens qui ne peuvent plus désormais se faire entendre ailleurs que dans ce palais de verre, qui est unique en Europe. Déjà les matinées musicales de Strauss ont prouvé, ainsi que les fêtes des artistes et de l'ancienne liste civile, tout ce que l'on pouvait faire au Jardin d'Hiver. Laissons au directeur de cet établissement le temps de créer et d'améliorer, et nous prédirons un immense succès d'argent à ce rendez-vous de la bonne compagnie. La Maison de commission Lassalle, ainsi que nous le disions la semaine dernière, a peine à suffire aux nombreuses commandes qu'elle reçoit chaque jour. Au milieu de ses grands travaux de corbeilles de mariage, d'ameublement, d'expédition, d'objets à choisir, de toutes sortes d'objets d'art, de fantaisie, d'utilité et d'agrément, elle est dans ce moment dans le grand coup de feu des toilettes de bal ; aussi chaque convoi de chemin de fer emporte d'énormes caisses toutes remplies de ces toilettes élégantes et de bon goût dont la Maison de commission Lassalle a le cachet par excellence. Quoi, en effet, de plus commode, lorsque l'on est éloigné de Paris, que de pouvoir prier un mandataire intelligent et actif de vous adresser à jour fixe, à heure indiquée, tout ce qui comprend les toilettes du matin et du soir. Pour un bal qui avait lieu à Bordeaux, nous avons vu partir de la rue Louis-le-Grand, non seulement les robes, coiffures, gants, souliers, bas de soie, mais jusqu'aux éventails et aux bouquets de fleurs naturelles que M. LASSALLE, comme de raison, avait fait prendre au Jardin d'Hiver ; nous avons vu aussi, prête à partir, toute une garniture de robe, coiffure, bouquets de corsage et de main de camélias. Voici plusieurs toilettes que nous avons vues dans les salons de la Maison de commission Lassalle. C'étaient d'abord, pour la promenade, plusieurs redingotes en velours tout uni, et fermées par une rangée de riches boutons en passementerie ; quelques unes avec double rangée de boutons rattachés par une ganse. Ce genre en jais noir sur velours noir est charmant. Une redingote en pékin gris lapin, garnie de trois rangs de plis disposés par deux et séparés par une dentelle noire posée à plat ; le corsage était froncé et montant ; les manches longues, demi-larges, avaient des manches de dessous tout en petites dentelles noires superposées ; la ceinture en ruban était très longue et fort large. Une robe en velours épinglé rose, corsage drapé, les manches courtes et relevées par une agrafe ou noeud, de manière à laisser passer une manche de dessous, blanche, courte, garnie de trois petites valenciennes superposées. Une robe en moire antique vert-lumière, garnie de deux volans d'angleterre, l'un partant de la ceinture, l'autre d'un peu plus bas que la moitié de la jupe ; une triple berthe en dentelle ; les manches recouvertes de dentelles qui descendaient jusqu'au coude. Voici plusieurs coiffures qui méritent aussi d'être citées : Un chapeau en velours d'une très grande simplicité, orné d'une touffe de bluets en velours de la même nuance que le chapeau, et, dessous, une blonde rose mélangée de coques de velours épinglé ; une pointe d'angleterre qui se pose sur le sommet de la tête, et retombe sur une guirlande de chèvrefeuille en velours qui forme un peu touffe de chaque côté du chapeau. Une capote en tulle, bouillonnée de tulle bleu de ciel, recouverte d'un second bouillonné de tulle blanc, mélange qui produit une légère nuance d'un effet délicieux ; quelques boutons de rose mousseuse entremêlés dans les bouillons sous la passe encadrent le visage. Une capote de point, garnie d'une grappe de fleurs de lin rosé retombant gracieusement jusqu'au bord de la passe, et, par dessus, une voilette en tulle renfermant une petite guirlande de même nuance. Un joli chapeau de velours gros-bleu, et orné dessus, de côté et très bas, d'une touffe de têtes de plumes gris perle, dont les bouts sont teintés de bleu. Un chapeau de velours vanille, orné d'une guirlande de roses en velours vanille et feuillage de velours noir. Un chapeau de satin bleu pâle garni avec du point d'angleterre, formant deux larges barbes qui retombaient de chaque côté. Un autre en velours scabieuse, avec des touffes de petites plumes noires et scabieuses mélangées. On voit par ce court récit de notre visite à la Maison de commission Lassalle, combien cet établissement-modèle répond aux exigences de l'élégance et de la confortabilité ; hier encore, elle était occupée de l'expédition de tous les costumes pour deux quadrilles du grand bal costumé qui doit avoir lieu à BruxelIes. Voici le costume des bergères Louis XV : petit chapeau de paille bordé d'un velours noir et orné de roses et de rubans de satin. Corsage de velours noir ouvert sur le devant et bordé de chicorées de soie vert anglais. Jupes de satin blancs et rose, relevées avec des rubans verts et des guirlandes de fleurs. Jupe de dessous en soie, rayée blanc et vert anglais. Bas à coins brodés d'argent ; souliers de satin rose à boucles d'argent, avec fond de velours noir ; talons rouges. Bracelets de velours noir sur les gants. Houlette ornée de rubans roses et vert anglais. Il y avait de magnifiques costumes, ceux dont la MODE a publié les dessins le 5 février, nous avons remarqué, en outre, la toilette des Dames de Smyrne : tresses de cheveux entremêlées de filets de passementerie et de sequins d'or ; mouchoir de soie rayé d'or et frangé de torsades de couleurs variées, posé sur la coiffure et retombant sur le dos et les épaules. Collier et bracelets de perles. Pardessus de soie blanc, doublé de satin ponceau et bordé de galons, chamarrures et passementerie d'or. Robe de dessous en soie gris perle, rayée couleur sur couleur, la jupe de cette robe ouvrant sur une autre de gros de Naples blanc, bordée d'ornemens bleus. Manches de chemises en soie-gaze rayée. Babouches de velours ponceau avec broderies d'or. Nous le répétons pour TOUT ce que l'on peut désirer faire venir de Paris, toilettes, ameublemens, il suffit d'écrire à M. LASSALLE, 35, rue Louis-le-Grand qui, dans les vingt-quatre heures répond à toutes les demandes de renseignemens qui vous fait adresser tous les objets confectionnés et en pièces qui peuvent être expédiés sans inconvéniens au choix, cachemires, dentelles, bijoux, fourrures, et tout cela sans exiger aucune rétribution pour ses peines et soins et sans OBLIGATION AUCUNE D'ACHAT pour les demandeurs. Tous ces avantages étant journellement appréciés par toutes les personnes éloignées de Paris, il n'est pas étonnant que la Maison de Commission Lassalle, placée sous le patronage spécial de l'Union Monarchique et de la Mode, voie chaque jour s'accroître sa nombreuse et fashionable clientèle. |