AU LECTEUR
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Des milliers de héros sont morts pour notre salut et la gloire de notre
pays. Nous ne pouvons que leur rendre le culte de l’admiration et du
souvenir. Mais combien d’autres nous sont revenus et nous reviendront
encore gravement mutilés, à qui la vie sera pénible, quelque
respectueux égards que nous ayons pour eux, s’ils la sentent à la merci
de la générosité ou simplement de la reconnaissance nationale. Des
heures, des jours, des mois d’enthousiasme qu’ils auront traversés il
leur restera une fierté qui ne s’accommodera pas du repos, des loisirs
auxquels ils pourraient prétendre. Nous avons dès maintenant le devoir
de tout entreprendre pour les mettre en état de rester des
travailleurs, des citoyens utiles et libres.
C’est dans cette pensée qu’un jeune instituteur privé entièrement du
bras droit a voulu aider les amputés de la guerre de ses conseils et
les encourager de son exemple. Ayant subi à l’âge de quatorze ans
l’ablation totale du bras droit, il a dû se refaire toute une éducation
du bras et de la main gauches. Il aurait pu se laisser abattre, ne pas
persévérer dans l’effort nécessaire pour acquérir tout un nouvel
ensemble d’habitudes physiques. Mais il était résolu à faire bonne
contenance devant le malheur et il est parvenu à apprendre à écrire, à
dessiner, à se servir, pour tous les usages, du seul bras gauche. Je
l’ai vu à l’Ecole normale faire tous les devoirs comme ses camarades et
tenir le premier rang en dessin. De son écriture courante on pourra
juger par le fac-similé ci-joint (Avant-propos). Employé actuellement
dans un bureau, il y manie les cartons et les dossiers, fait la
correspondance, la plie et la ferme sous bandes croisées sans l’aide de
personne avec une étonnante célérité.
Lorsque des soldats nous revinrent amputés, il guida leurs premiers
tâtonnements, ses leçons leur donnèrent l’espoir et leur enseignèrent
les procédés dont avaient besoin ces braves si douloureusement éprouvés.
Il a voulu faire plus et se rendre utile à tous ceux qui sont dans le
même cas, en écrivant pour eux un guide pratique, rempli d’expérience
personnelle. Ses exhortations et ses conseils trouveront crédit, parce
qu’il parle de ce qu’il a éprouvé, des difficultés qu’il a rencontrées
et surmontées. La récompense de sa bonne action sera dans l’aide et le
réconfort qu’il aura procurés. Cette contribution à l’œuvre de
rééducation des mutilés de la guerre n’a pas d’autre prétention.
P.-H. GAY,
Directeur de l’Ecole normale
d’Angers.
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AVANT-PROPOS
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La guerre actuelle va laisser derrière
elle, outre
des deuils et des ruines, des mutilés. Il est du devoir de tous de
coopérer à l’œuvre de réeducation de ces braves. A cet effet des écoles
ont été fondées. Leurs enseignements leur procureront une profession
honorable.
Cependant tous ne pourront pas
exercer une
profession manuelle. Les amputés d’un bras entre autres sont destinés à
remplir des fonctions, soit de dessinateurs, soit d’employés de bureau.
Or ceux qui ont subi l’ablation du bras droit sont obligés d’adapter
leur bras gauche à un travail nouveau pour lui. A ceux-là nous avons
pensé venir en aide en écrivant ce recueil de conseils. Ils sont le
fruit de notre expérience personnelle. Nous les avons pratiqués et des
résultats obtenus nous n’avons qu’à nous féliciter. Qu’ils satisfassent
pareillement ceux qui sont dans la pénible, mais non désespérante,
obligation de s’en inspirer, c’est le seul succès que nous leur
souhaitons.
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POUR ÉCRIRE
DE LA MAIN GAUCHE
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CONSEILS GÉNÉRAUX
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Écrire de la main gauche n’est pas chose impossible. Les difficultés
que l’on rencontre au début et qui paraissent insurmontables
s’aplanissent chaque jour à condition qu’on s’applique à les vaincre.
Cette lutte de tous les instants semble être, à tout débutant,
ennuyeuse et décevante. C’est pourquoi nous pensons qu’il est bon,
avant qu’ils l’entreprennent, de leur donner, sous la forme de
conseils, deux excellents moyens de vaincre. Ainsi prémunis, les
mutilés pourront s’exercer avec de grandes chances de succès.
Tout d’abord
il ne faut pas vouloir
trop tôt ce que seule la pratique
ne donne que lentement. L’éducation d’un individu ne se fait pas
du
jour au lendemain. L’enfant qui, à l’école, griffonne une feuille de
papier, n’est pas encore un calligraphe. Il lui faudra de longues
années d’application avant que son écriture revête un caractère
définitif et personnel. De même à l’amputé du bras droit il faudra de
patients et fréquents exercices avant d’écrire couramment de la main
gauche. Ce but – nous nous empressons de le dire – est atteint, assez
rapidement même. Seulement – et ce seulement est capital – la tâche
demande à être suivie de près. L’élève qui s’absente oublie ce qu’il a
appris, il est obligé de revoir ce qu’il n’a pu retenir. Si vous ne
persistez pas à travailler chaque jour à l’éducation de votre main,
celle-ci, qui commençait à s’adapter, redeviendra paresseuse et, à le
recommencer toujours, ce travail vous sera pénible et ennuyeux. Les
premiers essais, il est vrai, ne sont pas persuasifs et l’on voudrait
voir les progrès s’affirmer de probante façon. On s’inquiète, on doute
du succès et insensiblement on s’abandonne à l’idée de ne plus
continuer dans une voie qui ne conduit pas assez vite au but. Voilà qui
constitue un écueil dangereux auquel tous se heurtent mais où ne
sombrent que les faibles, que ceux qui n’ont pas le ferme désir de
réussir, que ceux qui ne réagissent pas et jettent le manche après la
cognée. Il faut bien se persuader que ce n’est pas après deux ou trois
leçons qu’on sait écrire de la main gauche. Le proverbe « c’est en
forgeant qu’on devient forgeron » trouve ici son application. C’est en
écrivant chaque jour plusieurs fois qu’on finit par écrire. Car on
finit par y arriver et ceux qui prétendent le contraire sont ceux qui
ne se sont donné aucune peine. Mais encore une fois il faut persévérer
et ne pas oublier que, n’ayant rien sans mal, seule la pratique nous
donne de bons résultats.
Un autre écueil à éviter
est celui
qui consiste à vouloir aller trop
vite. Nous entendons par là ne pas assez s’appliquer. Vous
rappelez-vous le temps où, petits enfants, vous faisiez, pour apprendre
à écrire, des bâtons ? Comme c’était difficile de les faire droits et
penchés de la même façon ! Et pourtant vous vous appliquiez : inclinant
la tête, tirant la langue – car une jeune élève croit toujours bien
écrire quand il tire la langue – vous preniez chaud sans vous presser.
Mieux que cela : malgré cette application vous n’étiez pas contents de
vous, car il y avait toujours un bâton qui penchait vers la gauche
quand son voisin s’inclinait vers la droite. Et quel aspect présentait
cette page quand, ayant perdu quelques instants à effacer une tache,
vous traciez bien vite, dans le peu de temps qui vous restait, les
quelques trois ou quatre lignes qui vous étaient assignées ! Maintenant
que vous débutez dans l’art de vous servir de votre main gauche, il
faut vous rappeler les débuts de votre main droite : ne pas vous
presser. Si vous voulez aller trop vite vous ne ferez rien de bien et,
mécontents de vous-mêmes, vous vous découragerez. Prenez bien votre
temps, appliquez-vous à bien faire votre premier modèle, ne passez au
second que lorsque le précédent est parfaitement réussi : vous
l’exécuterez péniblement la première fois, à la deuxième vous
constaterez un léger progrès, à la troisième un autre et, petit à
petit, sans que vous vous en aperceviez, votre bras s’assouplira, il se
prêtera mieux à cette gymnastique à laquelle il n’était pas habitué et
finira, ainsi dompté, à obéir à votre volonté. Alors vous serez tout
surpris, un jour, de vous voir écrire aussi rapidement et aussi
régulièrement que vous pouviez le faire de la main droite. Ces
difficultés du début doivent être vaincues l’une après l’autre. Elles
disparaîtront insensiblement et il ne vous restera plus que le plaisir
de constater les heureux résultats de votre patience. Le meilleur moyen
d’aller vite c’est d’aller lentement, parce que l’on va sûrement sans
jamais être obligé de revenir en arrière.
Ainsi la volonté, qu’elle se nomme persévérance, patience ou fermeté,
permet de conduire à bonne fin une telle entreprise.
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ÉDUCATION DU BRAS
Avant de la commencer, cette entreprise, il faut se dire que l’on va
demander au bras gauche des mouvements contraires à ceux que jusqu’ici
il avait l’habitude d’effectuer. Aussi vouloir, dès le début, exiger de
lui les mouvements minuscules que réclame l’écriture, c’est tenter
l’impossible, c’est s’exposer à une déception. Nous ne saurions mieux
comparer un homme qui commence à écrire de la main gauche qu’à un
enfant qui débute dans l’art d’écrire de la main droite (avec cette
différence toutefois que le premier a déjà sur l’écriture des notions
que le second n’a pas). Voyez comme la main d’un enfant est inhabile à
tenir un porte-plume et maladroite à le manier et voyez les résultats
qu’il obtient : son écriture, malgré le beau modèle du maître, est
irrégulière, saccadée, désordonnée tant au point de vue de la forme
qu’à ceux de la grosseur et de la disposition des pleins et des déliés.
C’est que la main de cet enfant, son poignet, son bras ne sont pas
éduqués et c’est une erreur de leur faire dessiner des caractères si
fins avant de dresser ces différentes parties du membre (1). Une
éducation du bras, un « dressage » s’impose donc. Aussi, vous, mutilés,
il vous faudra rompre votre bras à une gymnastique préparatoire à l’art
d’écrire, indispensable même.
Ce n’est point avec une plume que votre main s’assouplira : c’est avec
la craie sur le tableau noir. Nous savons que toute personne n’a pas un
tableau noir à sa disposition, mais il est permis, pour une modique
somme, de se procurer de quoi le remplacer. Voici la facture :
1 mètre carré de papier
noir..... 0 f. 50
1 boîte de
punaises.................. 0 f. 50
2 bâtons de
craie...................... 0 f. 10
TOTAL....... 1 f. 10
Ce matériel constitue tout le nécessaire pour permettre à votre bras de
s’adonner à cette gymnastique.
Le papier noir fixé au mur à l’aide de quatre punaises, que fait-on ?
Il faut laisser de côté les caractères d’écriture pour n’effectuer que
les exercices dont le tableau suit, en procédant dans l’ordre indiqué.
Chaque fois il faut faire toute la série en tenant compte de la
direction des flèches. On donne d’abord au bras toute son amplitude,
puis petit à petit on restreint le dessin jusqu’à ce qu’il ne comporte
plus qu’un mouvement du poignet. Les exercices numérotés 1 sont ceux
qu’il est aisé de tracer parce qu’ils sont dans le sens de la main.
Ceux numérotés 2, étant contraires, sont moins faciles à dessiner mais
plus propres à discipliner la main.
Ces exercices seront exécutés
debout, sans bouger les pieds, sans
incliner le corps. Il ne faut pas oublier qu’ils doivent dresser le
bras, et lui seul, et que si un mouvement quelconque du corps le
seconde, ce mouvement nuit à l’éducation du bras. Il va sans dire que
le nombre des lignes de chaque figure n’est pas absolu. L’apprenti peut
en tracer autant qu’il lui plaît selon le temps dont il dispose.
Toutefois, lorsqu’il en aura fixé le nombre, il devra s’en souvenir
pour chacune des trois séries, afin que le tout soit exécuté
harmonieusement.
En outre, il ne se bornera pas à ne répéter exclusivement que les
dessins placés sous le titre « Applications ». L’initiative est une
qualité que tout mutilé doit s’appliquer à développer en lui. Aussi lui
laissons-nous le soin de trouver des combinaisons en s’inspirant des
trois séries.
Enfin nous ne saurions limiter et le nombre de fois qu’il faut répéter
ce tableau d’exercices et le temps qu’il y faut consacrer. C’est à
chaque apprenti de travailler jusqu’à ce que ses efforts lui donnent
satisfaction. Qu’il ne dédaigne pas ces tâches préliminaires : elles
paraissent futiles : elles sont très importantes. Tout acrobate, avant
d’émerveiller la foule, assouplit son corps par des exercices de
culture physique. Ici c’est un membre que nous assouplissons de la même
façon.
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ÉCRITURE AU TABLEAU
La main, le poignet et le bras ayant été dressés grossièrement par ce
procédé, l’apprenti achèvera maintenant leur éducation en se livrant au
dessin de l’écriture (2). Nous disons dessin... à dessein... car en
effet – nous l’avons dit déjà – il faut qu’il s’applique pour obtenir
de bons résultats.
Ce n’est pas encore sur le cahier qu’il s’exercera, mais sur le papier
faisant office de tableau noir. Comme pour les exercices précédents il
ira du gros au fin. Le mouvement du bras diminuera jusqu’à ne plus
permettre qu’au poignet et aux doigts de se mouvoir. Ici encore nous
continuons l’assouplissement des différentes parties du bras en leur
imposant de tracer en gros ce que nous leur demanderons de tracer en
fin. La grosseur de l’écriture comportera donc quatre phases :
1° 12 à 15 centimètres.
2° 6 à
7 –
3° 3 à
4 –
4° 1 cm ½ ou 2 centimètres.
Le travail quotidien comprendra ces quatre phases, chacune d’elles
reproduisant le même modèle.
Cette éducation de la main ne doit pas absorber tout le temps dont
dispose l’apprenti. Quand l’écriture au tableau noir est régulière, il
doit remiser ce matériel et acquérir le nécessaire pour se servir d’un
porte-plume.
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ÉCRITURE SUR LE CAHIER
Avant d’examiner comment on écrit sur le papier, il est indispensable
de donner certains conseils que l’on ne peut trouver dans d’autres
méthodes.
1°
De la tenue du corps. –
Ces méthodes, en effet, s’adressent aux
personnes disposant de leurs deux bras et plus particulièrement aux
enfants. Il y est recommandé de tenir le corps droit afin d’éviter
toute déviation de la colonne vertébrale. Bien que nous nous adressions
ici à des hommes dont le corps est complètement formé, nous tenons à
les mettre en garde contre les conséquences d’une mauvaise tenue du
corps.
La personne qui a ses deux bras porte, quand elle écrit de la main
droite, le poids de son corps sur le bras gauche. Nous ne pouvons,
nous, amputés du bras droit, nous reposer sur le bras gauche. Il faut
que celui-ci soit libre de se mouvoir. Or, on le paralyse si l’on
s’appuie dessus et l’écriture s’en ressent. Qu’arrive-t-il ? Pour
laisser toute liberté au bras on ne s’appuie pas dessus, mais le corps
n’étant plus soutenu se laisser aller et penche du côté droit (3).
Cette station nonchalante est défectueuse pour deux raisons. D’abord
l’épaule droite s’affaisse et à la longue devient plus basse que
l’autre. Ensuite, la tête s’inclinant avec le corps s’approche du
cahier et l’on prend ainsi la mauvaise habitude d’écrire en se
fatiguant les yeux. Chacun sait ce qui en résulte. Nous pensons qu’à
leur infirmité les mutilés ne voudront pas joindre ces deux autres et
qu’ils sauront réagir.
Le moyen, nous le trouvons encore dans un appel à la volonté. Sans
aucune aide qui le puisse soutenir, le corps doit être maintenu dans sa
position normale par le seul désir de vouloir qu’il le soit. Il faut
lutter contre cette tendance qui n’est qu’une application du principe
du moindre effort, et les conséquences sont assez fâcheuses pour qu’en
y songeant on veuille les éviter. D’ailleurs cette bonne habitude est
plus facile à prendre que certaines autres dont les effets sont
malfaisants.
Il va sans dire que ces observations se rapportent à ceux qui n’ont pas
l’articulation du coude du membre amputé et ne se servent pas d’un
appareil de prothèse.
2°
De la tenue du cahier. –
Sous la main droite le cahier est
légèrement incliné vers la gauche ; sous la main gauche il sera
légèrement incliné vers la droite.
Pour l’un ou l’autre bras le coude est un pivot autour duquel
l’avant-bras se meut dans le même sens : de gauche à droite. Or, pour
exécuter ce mouvement que demande l’écriture, l’avant-bras droit décrit
une ligne qui s’éloigne du corps en remontant vers la droite, tandis
que l’avant-bras gauche en décrit une qui tend vers le corps en
descendant vers la droite. Comme le cahier prend la direction de ces
lignes, il est compréhensible que sous la main gauche il doit être
incliné vers la droite.
3°
Du porte-plume et de la plume.
– Le porte-plume doit être dirigé
vers l’épaule gauche (4). Les trois premiers doigts légèrement arqués
doivent le tenir sans le serrer afin de lui permettre un mouvement
facile de va-et-vient.
Le porte-plume ne doit pas être de grosseur démesurée pour être bien en
main. Tout ouvrier devant être maître de son outil, il y a lieu de
choisir un porte-plume ni trop gros ni trop petit que les doigts
pourront tenir et manier sans difficulté.
Certaines personnes croient que les plumes ordinaires ne peuvent être
employées pour l’écriture de la main gauche. C’est une erreur : les
deux becs de la plume étant symétriques.
Les accents, la ponctuation, etc., seront placés une fois le mot
entièrement écrit. Il est nécessaire en effet de lever la plume le
moins souvent possible.
4°
Du moyen de maintenir son papier.
– Lorsqu’une personne écrit de
la main droite, elle tient son papier avec la gauche. Quand on ne
dispose que d’une seule main (droite ou gauche) il est impossible
d’empêcher le papier de remuer et d’écrire surtout lorsqu’on arrive au
bas d’une page. Il faut donc trouver le moyen de maintenir le papier.
Point n’est besoin de se creuser la tête pour le trouver : nous n’avons
que l’embarras du choix. Examinons les principaux :
a. Nous avons vu des
mutilés fixer leur papier à l’aide d’épingles
(5) ou de punaises. Le papier est percé (1er inconvénient) ; toute
table ne se prête pas à la circonstance (2e inconvénient) ; le papier
est fixé d’une façon trop absolue (3e inconvénient).
b. D’autres emploient
des pinces à dessin. Ce procédé, tout en
présentant sur le précédent l’avantage de ne pas abîmer le papier, est
loin d’être parfait. On ne peut tourner la feuille sans être obligé de
tout défaire pour tout réinstaller, d’où perte de temps (1er
inconvénient) ; on ne peut remuer la feuille à sa guise puisqu’elle est
fixée (2e inconvénient) ; un sous-main ne se déplaçant pas sous les
mouvements de la main est indispensable (3e inconvénient).
c. A notre avis, un
presse-papier nous semble le moyen le plus
pratique : on dispose sa feuille comme l’on veut, sur ce que l’on veut
(dans un plan horizontal ou tout au plus légèrement incliné), en outre
le presse-papier se déplace facilement et se pose n’importe où. Nous
nous servons d’un presse-papier en fer (base carré 5 ½ X 5 ½, poids 530
gr.) portant à sa partie supérieure un bouton, ce qui permet de le
soulever aisément.
______________
DE QUELQUES GENRES D’ÉCRITURE
Nous n’avons pas l’intention, dans ce modeste recueil de conseils,
d’étudier chaque lettre en détail comme dans une méthode. Après les
notions générales se rapportant à tous les genres d’écriture, nous
donnons pour chacun d’eux des notions qui lui sont propres. Les
observant, on s’appliquera à reproduire scrupuleusement les modèles
donnés. Qu’elle soit grosse, moyenne ou fine, l’écriture est formée de
caractères semblables quant à la disposition des pleins et des déliés.
Et puis nous ne visons pas à former des artistes. Qu’un porte-plume
devienne un outil rapidement maniable pour la main gauche, c’est notre
unique but.
NOTIONS GÉNÉRALES
1°
Corps d’écriture. – On
nomme ainsi l’espace compris entre les deux
lignes qui limitent certaines minuscules telles que
a, e, u, o.
2°
Longueur ou hauteur des lettres.
– On appelle longueur et hauteur
d’une lettre toute partie de cette lettre en dehors du corps d’écriture.
Cette partie se nomme jambage lorsqu’elle se trouve au-dessous du corps
d’écriture (
p, j, g).
Nous exprimerons les proportions entre les différentes parties d’une
lettre en corps ou fractions de corps d’écriture.
3°
Déliés, pleins, courbes. –
Les déliés sont les parties fines d’une
lettre, ils se font de bas en haut (sauf pour le
z). Les pleins en
sont les parties grasses ; ils se font de haut en bas. Les déliés sont
généralement reliés aux pleins par une courbe dont la grosseur va
s’accentuant du délié au plein.
CURSIVE
La ligne AB de la figure ci-contre
indique quelle est et comment on
trouve la pente de la cursive.
1.
Tenue du corps, du cahier et de
la plume : se reporter au chapitre
précédent.
2.
Rapports entre les différentes
parties des lettres. – Le tableau
ci-dessous donne ceux le plus en usage.
3.
Ordre d’étude des lettres.
a. Minuscules. –
Int-nm-rvp-oca-dqxe-lbhk-jygf.sz.
b. Majuscules. – I K H P
R B L S M N A O C E T Œ D V W F U X G Y J Z
Q.
c. Chiffres. – 1 2 3 4 5
6 7 8 9 0.
RONDE
Quand les mutilés sauront écrire la cursive – c’est elle qui leur est
d’abord nécessaire – ils pourront s’offrir le luxe d’apprendre à écrire
la ronde et d’arriver à l’écrire aussi bien que quiconque de la main
droite.
La ronde est perpendiculaire à la ligne sur laquelle on écrit.
1.
Tenue du corps. – Le
corps, bien d’aplomb, est parallèle à la
table à laquelle il ne doit jamais toucher.
2.
Tenue du porte-plume. – Il
doit être tenu plus droit que dans la
cursive. On ne doit ni tourner la plume pour les déliés, ni appuyer sur
elle pour faire les pleins. Les uns et les autres sont faits avec toute
la largeur de la plume. Pour lier une lettre à une autre on trace un
trait fin avec l’angle gauche de la plume que l’on tourne à l’aide du
pouce.
3.
Tenue du cahier. –
Question très importante.
a.
De la difficulté qui se présente.
– La plume, lorsque l’on écrit
la ronde de la main droite, est tenue dans la position indiquée (fig.
I). L’écriture obtenue est représentée fig. II. Par la main gauche la
plume est tenue comme l’indique la fig. III. L’écriture prend alors
cette physionomie (fig. IV). Mais ce n’est plus de la ronde
réglementaire. Très compréhensible d’ailleurs : la plume étant dans une
position opposée, les pleins tiennent la place des déliés et
réciproquement.
b.
Du moyen de vaincre cette
difficulté. – Comment procède-t-on pour
obtenir avec la main gauche la même ronde que l’on obtient de la main
droite ? Arrêtés nous-mêmes par cette difficulté, nous en avons trouvé
la cause – énoncée ci-dessus – dans la position contraire de la plume.
Alors, en nous tournant les doigts, nous avons réussi à placer la plume
dans la position que la main droite lui donne. L’écriture ainsi obtenue
ressemblait davantage à la vraie ronde. Mais la gymnastique imposée aux
doigts en rendait l’exécution lente. Mécontents de nous-même, nous
avons cherché un procédé qui, tout en nous donnant de meilleurs
résultats, serait plus simple, plus aisé.
Le raisonnement nous a secondé. Par rapport aux lignes AB et CD qui
doivent contenir l’écriture, la plume est tenue dans la position I par
la main droite, dans la position II par la main gauche. Comme il nous
faut l’amener de la position II à la position I et que notre dernier
moyen est délaissé, nous avons pensé qu’au lieu de tourner la plume en
contraignant les doigts à se contracter, il était préférable de laisser
à la plume sa position naturelle et de tourner le papier (fig. III). Or
si l’on compare la figure III à la figure I on constate que la plume
est dans la même position par rapport aux lignes AB et CD.
Ainsi donc en écrivant verticalement, de haut en bas, on obtient avec
la main gauche, la même écriture qu’en écrivant horizontalement, de
gauche à droite, avec la main droite.
Cette position du papier ne présente aucune difficulté. On arrive à
écrire aussi rapidement aussi bien que quiconque dans un temps très
court. Nous pratiquons cette méthode depuis longtemps et nous n’avons
qu’à nous en louer. Il en sera de même, nous nous en portons garant,
pour ceux qui l’adopteront (6).
4.
Rapports entre les différentes
parties des lettres. – Ils sont
consignés dans le tableau ci-après.
5.
Ordre d’étude des lettres.
a. Minuscules. –
int-mn-oad-rcxe-jyqpg-lbhkf-svwz.
b. Majuscules. – I K H R
B F P L M N Q X O A C T S E V W D Z U Y J G.
c. Chiffres. – 1 2 3 4 5
6 7 8 9 0.
BATARDE
La bâtarde est tracée avec les mêmes plumes que la ronde. Le cahier
occupe la même position. La pente de la bâtarde est donnée par la ligne
AB de la figure ci-contre. Les proportions entre les différentes
parties des lettres sont sensiblement les mêmes que pour la ronde. La
grosseur du corps pour chacune des grosseurs d’écriture équivaut à 8
largeurs de bec. L’ordre d’étude des lettres est le même que pour la
ronde. Le bec de la plume doit être parallèle aux lignes contenant
l’écriture (fig. I) et non faire un angle avec elles (fig. II) comme
pour la ronde.
GOTHIQUE
Mêmes positions du cahier et de la plume que pour la ronde. Mêmes
plumes. La grosseur des corps est également la même. Les points, le
t
et le
d dépassent d’un tiers
de corps. Les autres lettres,
l b f
h k et
g j p q y z
et les majuscules dépassent de deux tiers de corps.
NOTES :
(1) Même remarque pour le dessin.
(2) On trouvera page 19 les indications indispensables quant aux
proportions qu’ont entre elles les différentes parties des lettres : il
s’agit de la cursive.
(3) Nous avons vu certains mutilés n’ayant qu’un court moignon se
coucher dessus. Cette attitude est très mauvaise.
(4) Pour la cursive. Les conseils de ce chapitre (tenue du porte-plume
et du cahier) se rapportent à ce genre d’écriture.
(5) Il est bon toutefois d’avoir toujours une épingle à sa disposition.
On s’en sert lorsqu’à la poste on est obligé de remplir un imprimé de
petit format.
(6) Si un instituteur amputé du bras droit avait à faire un modèle de
ronde au tableau noir, il userait d’un tableau mobile sur chevalet et
le tournerait de la même façon qu’un cahier.