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Quand le jésuitisme, un moment comprimé par la mémorable victoire de
juillet, se rassure en comptant sur les nombreux appuis qui lui restent
encore dans les diverses branches de l'administration ; quand il
s'agite et relève, audacieusement sa tête ; quand les méprisables
auteurs de ses journaux laissent outrager dans leurs colonnes les
hommes dont le patriotisme est le plus désintéressé et le plus pur
(voire même le Roi des Français) ; quand à l'abri dés couleurs
nationales, il prend toutes les formes et se reglisse dans tous les
rangs pour agiter et séduire les masses au nom de leurs intérêts les
plus chers, il est bon de mettre celles-ci en garde contre ses
insinuations perfides, en leur, rappelant les infamies, les crimes et
les complots de cet hydre toujours renaissant.
L'ordre des Jésuites,, connu sous le nom de
Compagnie ou
Société de Jésus,
fut fondé en 1521 par Ignace de Loyola, Espagnol visionnaire et
fanatique, qui, après avoir passé les vingt-neuf premières années de sa
vie au métrer de la guerre et aux amusemens de la galanterie, se retira
au Mont-Ferrat en Catalogne, où il se consacra au service de la mère de
Dieu, et prit le titre de
Chevalier
de Jésus-Christ et de la Vierge Marie. Il parvint d’abord
à réunir dix compagnons, et obtint du pape Paul III, en 1538, la bulle
qui approuve son institut.
Au voeu d'obéissance fait au pape et à un général représentant
Jésus-Christ sur la terre, les Jésuites, joignirent ceux de
pauvreté et de
chasteté, qu'ils
ont observe jusqu'à ce jour
comme
on sait.
A peine la société, fut-elle formée, qu'on la vit riche, nombreuse et
puissante. En un moment elle exista en Espagne, en Portugal, en France,
en Italie, en Allemagne, en Angleterre, au Nord, au Midi, en Afrique,
en Amérique, à la Chine, au Japon, partout également ambitieuse,
redoutable et turbulente ; partout s’affranchissant des lois, portant
son caractère d'indépendance et le conservant, marchant comme si elle
se sentait destinée à commander à l'univers.
Le géneral de l’ordre réside à Rome, où les pères provinciaux lui
adressent leurs rapports de tous les points du globe, et reçoivent
directement de lui leurs instructions.
Soumis au despotisme le plus excessif dans leurs maisons, les Jésuites
en sont les fauteurs les plus abjects dans l'état. Ils prêchent aux
sujets une obéissance sans réserve pour leurs souverains, aux rois
l'indépendance des lois et l'obéissance aveugle au pape, à qui ils
accordent l'infaillibilité et la domination universelle. C'est quand
les rois veulent se soustraire à cette
obéissance aveugle
au pape, qu'ils les déclarent
tyrans,
ennemis de l'Eglise, et les dévouent aux poignards en
déliant les peuples du serment de fidélité. Au surplus, ces hommes
astucieux sont parvenus souvent à diriger la conscience des rois ; et
c'est par ce moyen qu'ils ont acquis une influence si dangereuse, et
sont devenus véritablement, à certaines époques, les dominateurs des
nations.
Un autre moyen toujours employé avec succès par lés Jésuites, est celui
d'accommoder leur morale à toutes les circonstances, de sorte qu'elle
parait tantôt sévère et tantôt très relâchée, se modifiant toujours,
d'après leur intérêt. Au surplus, nous allons en donner un échantillon
en publiant quelques-unes de leurs maximes :
On trouve dans les écrits des PP. Discatille, Tambourin et Casnedi,
qu’il est permis à un fils de se
réjouir de la mort de son père, quand ce dernier lui laisse de grands
biens. Le P. Taberna enseigne que
quand on est porté à la
fornication par une violence irrésistible, la fornication ne peut pas
être imputée à crime.
Selon lé P. Fegeli, que le séducteur d'une vierge qui consent à la
séduction, n'est tenu qu'à faire pénitence, parce qu'
une fille à la libre disposition
de sa personne, et que ses parens ne peuvent, sous aucun prétexte,
l'empêcher de la prêter à qui lui plaît.
Le P. Emmanuel Sa établit en principe qu'
une femme, et même un homme,
peut louer sa personne, demander et recevoir le prix d’un tel marché ;
qu'une fille honnête, ou une femme d'une extraction noble, peut
attacher à ses faveurs le prix qui lui convient.
Le P. J. Marin pense qu'
une
fille enceinte pourrait sans crime se faire avorter dans le cas où ce
serait le moyen unique et nécessaire pour cacher sa grossesse, et
éviter l'infamie.
Le P. Escobar fait habilement la distinction
d’une promesse qui oblige
et
d'une promesse qui
n'oblige pas (1). Il dit qu'
il est permis de tuer un homme
quand son existence nuit à nos intérêts et qu'il s'agit de conserver
notre fortune.
Le P. Bauny dit que
la
soustraction journalière et continuelle d'un objet de peu de valeur ne
constitue point ce qu'on appelle un vol, et n'est pas un péché.
Le P. Emmanuel Sa et le P. Gordon soutiennent que l'
on peut en sûreté de conscience
prendre en cachette à quelqu'un ce que l'on suppose qu'il vous aurait
donné si on le lui avait demandé.
Enfin tous ces bons PP. soutiennent que
les plus grands crimes peuvent
s'expier par des aumônes, des dons à l'Eglise et des fondations pieuses.
On voit qu’au moyen de cela les riches scélérats peuvent dormir
tranquilles.
Plus de soixante docteurs Jésuites, parmi lesquels on compte les PP.
Emmanuel Sa, Delrio, André Philopator, Bellarmin, Grégoire de Valence,
Varade, Odun, Commolet, Guignard, Pigenat, Mariana, Azor, Garnier,
Heissius, Serrarius, Suarez, permettaient au peuple de se constituer
juge de la légitimité de son roi,
de
le déposséder, de le faire mourir.
Le jésuite Commolet, en 1593, provoquait dans tous ses sermons
l'assassinat de Henri III. Après que cet assassinat fut exécuté, il
déclara en chaire que l’assassin Jacques Clément était placé dans le
ciel au rang des bienheureux.
Nous allons donner un léger aperçu des crimes des Jésuites depuis la
fondation de leur ordre, et des causes qui les ont fait chasser de tant
de royaumes et d'empires.
En 1547, Robadilla, un des compagnons d'Ignace, est chassé des états
d'Allemagne pour avoir écrit contre l'
interim
d'Augsbourg.
En 1560, Gonzalès Silveria est supplicié au Monomotapa comme espion du
Portugal et de sa société.
En 1578, ce qu'il y a de Jésuites dans Anvers en est banni pour s'être
refusé à la pacification de Gand.
En 1581, Campian Skerwin et Briant sont mis à mort pour avoir conspiré
contre la reine Elisabeth d'Angleterre. Dans le cours du règne de cette
grande reine, cinq conspirations sont tramées contre sa vie par les
Jésuites : ils en tramèrent dix-sept contre Henri IV.
En 1589, Henri III est assassiné, par un moine Jacobin ; mais ce moine,
comme on l’a vu plus haut, fut poussé à ce crime par les prédications
des Jésuites.
La même année, Molina publie ses pernicieuses rêveries sur la
Concordance de la grâce et du libre arbitre.
En 1593, Barrière est armé d'un poignard contre le meilleur des rois
par le jésuite Varade.
En 1594, les Jésuites sont chassés de France comme complices du
parricide de Jean Châtel.
En 1595, leur père Girard est pendu à la Grève pour des écrits
apologétiques de l'assassinat de Henri IV.
En 1598, ils corrompent un scélérat, lui administrent son Dieu d'une
main, lui présentent un poignard de l'autre, lui montrent la couronne
éternelle descendant du ciel sur sa tête, l'envoient assassiner Maurice
de Nassau, et se font chasser des états de Hollande.
En 1604, la clémence du cardinal Frédéric Boromée leschasse du collège
de Bréda pour des crimes qui auraient dû les conduire au bûcher.
En 1605, Oldecorn et Garnet, auteurs de la conspiration des poudres,
sont abandonnés au supplice.
En 1606, rebelles aux décrets du sénat de Venise, on est obligé de les
chasser de cette ville et de cet état.
En 1610, Ravaillac assassine Henri IV. Les Jésuites restent sous le
soupçon d'avoir dirigé sa main, et, comme s'ils en étaient jaloux, et
que leur dessein fût de porter la terreur dans le sein dés monarques,
la même année, Mariana publia avec son
Institution du prince,
l'
Apologie du meurtre
des rois.
En 1618, les Jésuites sont chassés de Bohême, comme perturbateurs du
repos public, gens soulevant les sujets coutre leurs magistrats,
infectant les esprits de la doctrine dangereuse de l’infaillibilité et
de la puissance universelle du pape, et semant, par toutes sortes de
voies, la discorde entre les membres de l'état.
En 1619, ils sont bannis de Moravie pour les mêmes causes.
En 1631, leurs cabales soulèvent le Japon, et la terre est trempée,
dans toute l'étendue de l'empire, du sang idolâtre et chrétien.
En 1641, ils allument en Europe la querelle absurde du Jansénisme et du
Molinisme, qui a coûté le repos et la fortune à tant d'honnêtes
fanatiques !
En 1643, Malte indignée de leur dépravation et de leur rapacité, les
rejette loin d'elle.
En 1646, ils font à Séville une banqueroute qui précipite dans la
misère un grand nombre de familles. Celle de 1761 n'est pas, comme on
voit, la première.
En 1709, leur basse jalousie détruit Port-Royal, ouvre les tombeaux des
morts, disperse leurs os, et renverse les murs sacrés dont les pierres
leur sont retombées lourdement sur la tête.
En 1713, ils appellent de Rome cette bulle
Unigenitus, qui
leur a servi de prétexte pour causer tant de maux, au nombre desquels
on peut compter quatre-vingt mille lettres de cachet décernées contre
les plus honnêtes gens de l’état, sous le plus doux dés ministères.
La même année, le Jésuite Jouvency, dans une
Histoire de la société,
ose installer, parmi les martyrs, les assassins de nos rois, et nos
magistrats attentifs, font brûler son ouvrage.
En 1723, Pierre-le-Grand ne trouve de sûreté pour sa personne et de
moyen de tranquilliser ses états, que dans le bannissement des Jésuites.
En 1728, Berruyer travestit en roman l’
Histoire de Moïse,
et fait parler aux patriarches le langage de la galanterie et du
libertinage.
En 1731, l'autorité et l'argent dérobent aux flammes le corrupteur et
sacrilège Girard, si connu par ses abominations avec la stupide et
fanatique Cadière.
En 1743, l'impudique Benzi suscite en
Italie la secte des Mamiliaires.
Fin 1745, Pichon prostitue les sacremens de pénitence et d'eucharistie,
et abandonne le pain des saints à tous les chiens qui le demanderont.
En 1755, les Jésuites du Paraguay conduisent en bataille rangée les
habitans de ce pays contre leurs légitimes souverains.
En 1757, un attentat de parricide est commis contre Louis XV, et c'est
par un homme qui a vécu dans es foyers de la
Compagnie de Jésus,
que ces pères ont protégé, qu’ils ont placé en plusieurs maisons, et,
dans la même année, ils publient une édition d'un de leurs auteurs
classiques, où la doctrine du meurtre des rois est enseignée. Ils
avaient fait la même chose en 1610, immédiatenient après l'assassinat
de Henri IV.
En 1758, le roi de Portugal est assassiné à la suite d'un complot,
formé et conduit par les jésuites Malagrida, Matos et Alexandre.
L'année suivante, cette troupe de religieux assassins est chassée de la
domination portugaise.
En 1761, un de cette compagnie, après s'être emparé du commerce de la
Martinique, menace d’une ruine totale ses correspondans. On réclame en
France la justice des tribunaux contre le
Jésuite banqueroutier,
et la société est déclarée solidaire du P. Lavalette. Elle traîne
maladroitement cette affaire d'une juridiction à une autre. On y prend
connaissance de ses constitutions ; on en reconnaît l'abus ; et les
suites de cet événement amènent son extinction parmi nous, à la suite
d'un édit de Louis XV et d'un arrêt de la Cour du parlement rendu le
1er décembre 1764.
Voilà les principales époques du Jésuitisme ; il n'y en a aucune entre
lesquelles on n'en pût intercaller d'autres semblables. Combien cette
multitude de crimes connus n'en fait-elle pas présumer d'ignorés !
Voilà, enfin, la conduite de tous les temps, et les moeurs héréditaires
de l'ordre à qui Charles X avait livré la France. Comment se fait-il
qu'un roi, descendu de Henri IV, ait pu devenir le protecteur de cet
ordre pervers ? Ne pourrait-on pas croire que la superstition et la
peur de l'enfer l'avaient rendu leur esclave ?
On sait, au surplus, que Louis XIV, devenu vieux et dévot, avait donné
la direction de sa conscience aux jésuites La Chaise et Le Tellier ;
que c'est à ce dernier qu'on doit la révocation de l'édit de Nantes, et
par suite les dragonnades, les supplices et le bannissement de
plusieurs millions de Français protestans.
Comme les lois par lesquelles ils avaient été chassés du royaume
subsistaient toujours, parce qu'on n'osait pas, en les rapportant,
heurter trop violemment l'opinion publique, les Jésuites ne furent
d'abord que tolérés, et ne reprirent pas ostensiblement leur costume et
leur nom ; mais il fut facile de les reconnaître dans les
Pères de la Foi,
dans les
Missionnaires,
dans les directeurs des
petits
séminaires, dans quelques évêques et un grand nombre de
prêtres. Bientôt on les vit partout à la tête de l'instruction
publique. Bientôt enfin tous les emplois civils et religieux furent à
leur disposition, et l'on ne put les obtenir qu'en se couvrant du
masque hypocrite d'une dévotion qui faisait rire de pitié les honnêtes
gens.
On appelle Jésuites de robe courte ceux qui professent les principes de
l'ordre sans être ecclésiastiques. Ils ne sont pas moins dangereux que
ces derniers, puisqu’ils se trouvent dans les ateliers comme dans les
administrations : c'est ce qui forme la
Congrégation
proprement dite.
On entend par
Congrégation,
l'association générale de tous les hommes imbus des doctrines
jésuitiques, qui, quoique répandus dans les diverses classes de la
société (depuis la plus haute jusqu'à la plus basse), reçoivent, par
des
voies détournées,
une direction unique, ont des signes de reconnaissance et des mots de
ralliement, et concourent, soit en commun, soit en particulier, de tous
les moyens qu'ils ont reçus de la nature ou de leur position sociale, à
l'accomplissement des projets de ceux qui les dirigent
au nom des intérêts du ciel, et
pour la plus grande gloire de Dieu.
Ce serait à tort, que pour ne point troubler la liberté des opinions,
on fermerait les yeux sur la conduite de ces hommes qui, décorés des
couleurs nationales, crient :
Mort
aux Ministres ! quand ils veulent les sauver.
NOTE
:
(1) La conduite de Charles X a prouvé qu'il connaissait à fond la
doctrine P. Escobar.