DE L'UTILITÉ DU FAUX BRUIT
par
V. Cornetz
~ * ~
La
foule, enfant qu'apaise une innocente ruse.
LUCRÈCE.
Aux intéressantes pages consacrées dans cette revue par M. A. Dauzat
aux faux bruits et légendes de la guerre (1) je me permettrai d'ajouter
quelques remarques en me plaçant à un point de vue spécial, celui de
l'utilité et de la nécessité biologique du faux bruit (2). Pour
certains lecteurs au courant des belles études philosophiques de Jules
de Gaultier j'aurai probablement l’air d'enfoncer une porte ouverte,
mais peut-être pas pour beaucoup d'autres.
Je commencerai par déduire l'utilité du faux bruit en partant de la
légende, puis je citerai quelques exemples, ensuite je n'aurai que
quelques mots à dire sur la biologie du faux bruit, car sa genèse a été
exposée pour le principal par M. Dauzat. Ceci m'amènera à parler de la
foule, être collectif, et enfin du rôle du mirage mental dans la vie de
l'homme.
Il est incontestable que certaines belles légendes de l'histoire sont
éminemment utiles. Une grande partie des ouvrages qui s'intitulent « la
Morale en actions » est faite de légendes. Autour d'un brin de réalité
la légende se cristallise.
Voyons, par exemple, celle de Cambronne. On n'est aucunement d’accord
sur ce qu'a dit ou sur ce qu'aurait dit le brave général à Waterloo, et
il peut même n'avoir rien dit du tout. il n'en est pas moins certain
que cette légende, née probablement très peu après la bataille, est
d'une grande utilité militaire et sociale. Elle glorifie, à juste
titre, tous les vaillants qui, en réalité, dans le cours de l'histoire,
ne se sont pas rendus, et il importe peu que cela soit réel ou non pour
Cambronne en particulier. La légende les donne en exemples.
J'en reviens maintenant à sa cristallisation et j'imagine le phénomène
comme suit : Le brin de réalité, c'est la bravoure reconnue de
Cambronne. Après la bataille, des grognards auront dit « Et Cambronne ?
Qu'a-t-il fait ? Qu'a-t-il dit ? » Leur réponse constitue le premier
dépôt, le faux bruit. Les particules toutes semblables de ce premier
dépôt proviennent de quelques centaines de cerveaux de soldats,
cerveaux ayant de nombreux points de ressemblance, esprits sans cesse
orientés dans le même sens. « Les mêmes causes produisent les mêmes
effets (Dauzat,
ibid.).
Mais pourquoi le même effet encore plus tard
? Pourquoi un effet identique sur les millions de cerveaux des
contemporains et descendants, cerveaux si divers, esprits et caractères
très dissemblables ? Pourquoi la même réaction ? Pourquoi, la
cristallisation dans un même système, avec des axes de même direction ?
Parce que tous ces cerveaux se trouvent momentanément, au récit de
Waterloo, dans un même état psychologique le besoin de glorification
des héros. Dans bien d'autres cas, c'est le besoin de consolation qui
constitue l'état commun à une multitude de gens de tempéraments et de
caractères très divers. Ici on voit poindre le rapport entre la foule,
être collectif, et l'enfant, rapport que je développerai plus loin.
Le brin de réalité, la brindille de Stendhal (3), recouvert d'un
premier dépôt, c'est le noyau de la légende. Si donc il y a des
légendes éminemment utiles et qui se conservent pendant des siècles, ou
seulement pendant des mois, on en déduit que leur faux bruit, leur fait
naissant, doit être utile. Mais ce n'est là qu'une présomption. En
effet, ce petit objet encore informe, brindille légèrement recouverte,
peut fort bien, par exemple, n'avoir aucune utilité comme beau modèle
de dessin alors que la légende qui s'en suivra sera une magnifique et
brillante masse cristalline digne de figurer dans une vitrine du musée
de l'histoire. La déduction n'étant donc pas rigoureuse, il faut
procéder en sens inverse, par l'observation directe de cas particuliers
et par leur rapprochement.
Une des plus belles cristallisations nées de la guerre, c'est
l'ensemble des histoires à propos du mirifique obus Turpin. Sur une
brindille réelle à deux branches l’existence certaine de Turpin, d'une
part et, d'autre part, le fait certain que quelquefois des combattants
sont tués, sans blessures apparentes, par la commotion très proche
d'une explosion, le faux bruit naît dans des milliers d'esprits. C'est
l'idée : « Le nouvel obus Turpin tue à grande distance. » Ce faux bruit
a réconforté, encouragé un grand nombre de personnes de l'arrière. Il
leur a donné de l'espoir. Ensuite, il a convenu à tant de gens parce
qu'il était à rayon élastique, si je puis dire, et cela suivant le
tempérament, le degré d'information, le caractère de chacun. 800 metres
! 50 mètres ! 10 à 15 mètres ! J'ai cru, comme tant de
personnes, au nouvel obus Turpin dans ces dernières limites de 10 à 15
mètres, limites que je qualifiais alors de raisonnables ( !)
Les lettres que j'ai lues étaient précises. Un brigadier d’artillerie
écrit : «Mon capitaine a visité l'usine de fabrication. Elle est dans
les Pyrénées. On ne peut pas produire beaucoup à la fois, car les
ouvriers ne peuvent pas travailler plus de deux heures de suite à cause
des exhalaisons dangereuses. Ils sont obligés de boire beaucoup de
lait, etc...» — Une autre lettre, plus scientifique, dit : «
L'explication est simple : un obus à mélinite ancien tue sans lésions
externes, rien que par la commotion, à un mètre ou deux, et de par la
brusque différence de pression artérielle. Turpin a pu étendre l'action
efficace à 10 mètres et on espère bientôt arriver à 50 mètres. » — M.
Dauzat dit fort bien « Le faux succès, une fois démenti, cause une
désillusion aussi déprimante que l'action d'une catastrophe ou d'un
revers (4). » C'est exact dans bien des cas, par exemple lors de la
fausse nouvelle d'un corps d'armée allemand capturé à Guise, lors de la
grande retraite de 1914. Mais ce n'est plus le cas lorsqu'il s'agit
d'un faux espoir basé sur un faux bruit destiné de par sa nature à ne
pas être démenti avant une date lointaine et vague. A -t-on vu plus
tard une désillusion suivie d'abattement chez tous ceux qui avaient cru
à l'histoire de l'obus Turpin? — Lorsque l'on venait à en parler en
1915, tous s'esclaffaient : « Etions-nous assez jobards! » — Voilà ce
que l'on entendait dire ; cependant je vais trop loin en écrivant «
tous », car dans certaines couches inférieures de la foule et du public
certaines parties de la légende resteront en conservant la dureté du
cristal. Ainsi l'histoire de l'état-major ennemi tué en train de dîner
dans la salle à manger d'un château. Chaque convive tenait encore qui
son verre, qui son couteau, etc... Un obus Turpin avait éclaté dans la
cour, à une quinzaine de mètres ! Cette légende, avec ses pittoresques
détails, sera perpétuée par certaines publications populaires et à bon
marché.
Le faux bruit de trahison, ce noyau des classiques légendes de trahison
de l'histoire, a pour brindille centrale une idée générale vraie « Dans
toutes les guerres il y a quelques traîtres. » Ce faux bruit «
consolateur » est très utile comme calmant. Il explique simplement un
phénomène en réalité bien trop complexe pour des milliers d'esprits.
Les explications forcément très longues et touffues qui, par
l'accumulation consciencieuse des documents et par leur comparaison,
cherchent à serrer de près l'insaisissable réalité qu'est par exemple
une grande bataille, ne conviennent qu'aux gens qui ont le temps de
lire et qui peuvent les comprendre. Elles sont plus ou moins
différentes les unes des autres, généralement partiales volontairement
ou non, et même quelquefois contradictoires, parce que ce sont des
produits individuels de spécialistes, d’historiens. Lorsque l'une
d'elles nous donne une belle impression de vérité, ou de vraisemblance,
c'est qu'un historien de talent a su avec art dégager les grandes
lignes du phénomène, celles qui s'imposent presque unanimement comme
les plus probables. Le faux bruit de trahison, considéré dans sa
fonction explicative, apparaît par contre comme un produit naturel sans
art ni artifice. C'est comme un inconscient processus de guérison de
l'être collectif blessé. Après l'explication par une trahison,
explication si piètre pour l'esprit calme et au courant de l'histoire
des peuples, après la brusque et brève colère collective qui s'en suit,
le calme s'établit dans la foule. Elle est satisfaite, parce qu'elle
croit avoir compris. Mais il y a là quelque chose d'autre encore que le
besoin de sauvegarder l'amour-propre national, quelque chose de noble
et de généreux au héros reculant après une magnifique défense, défense,
foule crie « Seule la trahison a pu te vaincre ! » Elle glorifie à
juste titre le héros.
Une remarque intéressante a ici sa place un être collectif, foule ou
public, bien constitué, qui parvient à supporter plusieurs années de
guerre, prend de l'expérience, ce qu'il n'aurait pas fait en temps de
paix et pour cause. Beaucoup de ses illusions successives auront
disparu en leur temps, comme tombent les écorces du fruit. L'esprit
d'un enfant, bien constitué, peut aussi mûrir au cours de quelques
années de dures vicissitudes. N'est-il pas curieux de constater qu'il a
fallu encore à une certaine époque et à une multitude de personnes une
explication par la trahison à propos de la surprise de Verdun (fin
février 1916 ; voir Dauzat,
ibid.), alors que
les mêmes gens s'en
sont fort bien passé à l'occasion de surprises de bien autre envergure
en mars et en mai 1918 ? Il n'empèche que la foule aura toujours la
faculté de se faire d'autres mirages.
C'est un faux bruit de trahison qui a donné naissance à la curieuse
légende de la vieille femme de Dixmude. C'est à cette vieille « qui
s'était appuyée au bras de nos soldats et qui avait mangé à leur
gamelle » qu'était dû le repérage par l'ennemi de la distillerie
abritant nos canons. Au départ, « son cadavre gisait au pied des ruines
de la distillerie et sous ses jupes apparaissait un uniforme allemand »
(5) ! Pour que
le
Temps, journal fort bien fait et qui sait ce qui
convient au public, ait publié cette explication consolatrice, c'est
qu'il l'a jugée très utile, dans le moment. La censure a laissé
l'historiette intacte, malgré un détail vraiment peu flatteur pour le
soldat français, en réalité né malin, et qui serait incapable, d'après
cette légende, de reconnaître un Allemand déguisé en femme alors qu'il
a vécu avec lui. Elle sait fort bien ce qu'elle fait, la censure,
lorsqu'elle ne touche pas à des faux bruits créateurs d'espoirs ou
consolateurs ne risquant pas d'amener après eux désillusion et
accablement. On se représente facilement le début de la cristallisation
pour ce cas. La vieille femme a dû exister, car les cas sont nombreux
de vieilles gens n'ayant pas voulu quitter leur cave malgré bataille et
bombardement. Les soldats ont dû lui donner à manger. Après l'abandon
de l'endroit, lequel abandon a dû se faire probablement de façon
hâtive, certains auront demandé : « A propos, et la vieille ? Quelle
vieille ? — Notre vieille, celle qui mangeait avec nous. » — Après quoi
il aura suffi de quelques loustics qui auront lancé : — « Ça devait
être un espion boche, votre vieille ! » Et le reste se comprend.
*
* *
Le fait qu'un grand nombre de faux bruits peuvent se classer comme
créateurs d'espoirs et d'autres, fort nombreux aussi, comme
consolateurs, amène à voir un rapport entre la foule ou le public, être
collectif, et l'enfant. En y regardant de plus près, on voit que la
foule comprend comme des étages, comme des publics divers, pouvant
avoir des points de comparaison avec des enfants de différents âges.
Quelquefois même, à propos de certaines questions, on peut voir tous
ces publics manifester ensemble une même opinion tout à fait enfantine.
Pourquoi tout cela ? Pourquoi l'ignorance, la faiblesse de jugement,
l'émotivité sont-elles communes à la foule, être collectif, et à
l'enfant ? Un peu d'observation donne la réponse à cette question.
Causons au cours de la vie, par exemple, avec des citadins, et
entendons-les causer. Ce seront des artisans, des employés, des
marchands, etc... Beaucoup d'entre eux sont entrés dans la vie pratique
après leurs études primaires, d'autres un peu plus tard ; avec eux, on
peut considérer bien des hommes appartenant aux professions dites
libérales, lesquels une fois leurs études terminées ne se sont plus
occupés que de leur spécialité et qui lisent tout au plus leur journal
du matin (6). Depuis le début de la guerre, tout ce public est composé,
pour la grande majorité, des gens d'âge et d'expérience. Eh bien, nous
serons frappés d'un fait général : chacun de ces hommes est bien devenu
un homme dans sa spécialité et dans ce qui s'y rattache, mais, s'il
s'agit d'autre chose, il a à peu près la mentalité d'un bon élève du
certificat d'études primaires ou d'un jeune lycéen. Certes, dans la vie
ordinaire du temps de paix, beaucoup de ces hommes, par prudence,
réserveraient leur jugement à propos de questions auxquelles ils ne
peuvent pas comprendre grand-chose ; pour beaucoup d'autres, c'est tout
simplement parce qu'ils n'éprouvent pas alors le besoin de penser,
d'anticiper, d'imaginer. Mais en temps de guerre, leur émotivité est
tout autre. A ce propos, certaines personnes diront : « C'est effrayant
comme la bêtise du public a augmenté depuis la guerre. » Ce jugement
est superficiel. Ce qu'ils appellent la bêtise, cette chose faite
principalement d'incapacité de jugement, d'ignorance et d'inexpérience,
ne varie que très lentement en temps ordinaire, si tant est qu'alors
elle varie. En temps de guerre, elle est beaucoup plus apparente, voilà
tout. La chose est bien compréhensible, car une foule de questions
diplomatiques, militaires, économiques sont alors forcément exposées au
public, lesquelles en temps de paix restent réservées à une élite de
spécialistes, et étant donné son émotivité du moment le public
forcément réagit, imagine, anticipe. J'ai fait remarquer plus haut qu'à
l'encontre du jugement superficiel précité, le public prend quelque
expérience au cours d'une longue guerre.
Tous les hommes dont je viens de parler sont les éléments qui
constituent l'être collectif, foule ou public, ou l'un de ses étages.
Pendant le cours de leur journée, tous vivent de leur vie spéciale et
de leur vie intime, ils pensent et agissent comme individus, en hommes
d'expérience dans leur spécialité ; pendant ce temps l'être collectif
dort. Lorsqu'ils lisent leur journal le matin, puis, lorsqu'à certaines
époques de la guerre, ils prennent connaissance du communiqué, alors
ils ne sont plus dans leur spécialité, ni dans leur intimité ; ils
pensent comme éléments de foule, l'être collectif est réveillé (7).
Chacun de ces éléments est alors, en fait de capacité de jugement et
d'anticipation, à la hauteur du certificat d'études primaires ou des
premières années de lycée. Ainsi donc, si l'ignorance, la faiblesse de
jugement, l'émotivité, etc... sont communes à la foule — ou au public —
et à l'enfant, c'est parce que l'homme une fois entré dans la vie
pratique ne se développe, en général, que dans un seul sens.
Personnellement je me revois aujourd'hui assez bien comme élément d'un
être collectif à certaines époques (guerre russo-japonaise, guerre des
Balkans, révolution russe, etc...). Je dis « aujourd'hui », parce que,
bien naturellement, dans le moment on ne se voit pas. Par rapport au
mirifique obus Turpin j'avais la mentalité du lycéen de 13 à 14 ans,
lecteur de Jules Verne, discutant avec des amis de son âge la question
de la conformation intérieure de la terre (
Voyage au centre de la
Terre) ou celle de la vitesse d'un obus capable de quitter
notre globe
(
De la Terre à la Lune).
Lorsque j'y réfléchis aujourd'hui, je
comprends que je n'étais pas plus capable d'émettre une opinion
raisonnable à 50 ans qu'à 13 ans sur la très difficile question de la
possibilité d'augmentation du rayon d'efficacité d'un explosif.
Ainsi la foule pense comme l'enfant, elle chante, rit, pleure, tempête
et casse, comme lui. Elle est souvent ingrate et oublieuse comme
l'enfant, quelquefois perspicace comme lui. Tout récemment le vers de
Lucrèce que j'ai mis en tête de ces remarques vint à ma connaissance ;
c'est ce qui me décida à les rédiger, parce que ce vers du génial poète
est une justification.
*
* *
Revenant aux deux principales classes de faux bruits, je
laisse maintenant de côté le faux bruit consolateur; son rôle se joue
par rapport aux événements du passé et j'ai dit qu'il y avait là, comme
une manifestation de guérison chez l'être collectif. L'autre classe
comprend tous les faux bruits créateurs d'espoir ; ceux-ci ont trait à
l'avenir. Etant de leur essence amplificateurs, ils appartiennent à la
catégorie de l’illusion. Dans les moments où l'individu pense ou
manifeste en tant qu'élément de foule ou d'un public, par exemple lors
de la lecture du journal, il y a illusion collective. J.-H. Rosny dit
fort bien : « L'homme est essentiellement créateur de mirage (8). »
Pour ce qui suit j'ai besoin de préciser et de dire « créateur
d'illusions » ; c'est du reste très probablement ce qu'a eu dans
l'esprit ce penseur en disant « mirage ». En effet, en disant mirage
mental, chose qu'il ne faut, bien entendu, pas confondre avec
hallucination (9), on introduit forcément par l'emploi du mot « mirage
» le rapport avec mirage physique.
Qui dit « mirage » dit « amplification d'une réalité ». Donc le mirage,
au mental comme au physique, est formé d'une part de réalité et d'une
part d'illusion. C'est seulement cette dernière part que l'homme crée.
Je pense que la formation de l'illusion est un phénomène d'adaptation
aux circonstances de la vie et je crois qu'on peut faire voir cela dans
le cas de l'homme qui lutte. D'une part, cet homme amplifie le résultat
qu'il est destiné à atteindre, résultat futur qui n'est autre chose que
l'ensemble des réalités possédées par lui au début de l'entreprise,
mais un ensemble transformé d'autre part, il amplifie dès le début ces
réalités, et en particulier sa valeur personnelle. Un exemple rendra
cela plus clair. Considérons un jeune homme qui entreprend quelque
chose par exemple un bon ouvrier installant une petite industrie ou un
magasin. Il a pour lui sa valeur réelle, puis, éventuellement, un petit
capital et peut-être quelques véritables amis. Notre homme entrevoit
dans l'avenir une belle réussite, sinon une grande tout au moins une
moyenne fortune. Revoyons-le dix ans plus tard le résultat obtenu, le
réel, c'est qu'il a abouti tout au plus à faire vivre plus ou moins
bien sa famille ainsi que lui et en arrivant peut-être à mettre quelque
argent de côté. S'il avait pu voir par avance cette réalité il y a dix
ans, il en aurait fait bien moins et se serait contenté de vivre au
jour le jour, sans entreprendre, à la façon de certains tempéraments
faibles et atones, lesquels sont sans illusion parce qu'incapables de
former des mirages, c'est-à-dire d'avoir un idéal quelconque. Ainsi
donc, pour obtenir le résultat au bout de dix ans, il a fallu la
réalité du début, valeur personnelle, etc. choses réelles qui se
retrouvent transformées dans ce résultat, plus l'illusion ; il a fallu
le mirage, somme des deux choses. Or la vie de cet homme nous montre
que la partie illusoire du mirage l'a puissamment soutenu, aidé, et
stimulé, dès le début et en cours de route. L'illusion est créatrice
d'effort (10), comme la réalité. L'homme dont je parlais plus haut dira
mélancoliquement et souvent même en cas d'assez belle réussite : «
Certains de mes espoirs ne se sont pas réalisés. » Il ne voit pas que
sans ces espoirs stimulants, enfants de son illusion, il ne serait pas
arrivé à obtenir le résultat. Les efforts provenant de l'illusion
furent nécessaires dès le début et en cours de route à cause de
l'imprévu, de l'imprévisible, des accidents, des obstacles nouveaux
surgissant çà et là, etc... Si l'illusion n'avait pas été là, si ce
mirage mental qu'est l'idéal ne s'était pas produit, le pauvre petit
résultat, en général si modeste, n'aurait pas été réalisé. On voit donc
qu'il s'agit d'une transformation d'énergie, d'une question de
mécanique pratique. Pour tout ce que l'homme entreprend, dans l'ordre
physique et dans l'ordre mental, il met plus et beaucoup plus
d'énergies, dès le début et dans la suite qu’il ne retrouvera dans le
résultat (11).
L'homme est créateur d'illusions parce qu'il est un transformateur
d'énergie. Chez l'homme qui entreprend et chez l'enfant en particulier,
on constate une surabondance d'énergie vitale ; elle tend à se
dépenser, à se transformer, comme toujours lorsqu'il y a surabondance.
Il me paraît que c'est cette surabondance qui se traduit dans le mental
sous forme d'illusion (projets plus ou moins ambitieux, belles et
riantes perspectives, etc…) Tout au début, ce n'est qu'un phénomène
accompagnateur, mais bien vite l'illusion joue un rôle analogue à celui
des idées-forces conscientes. Mais comment l'homme connaît-il une telle
loi de mécanique pratique ? Il ne la connaît pas (12) il la possède et
lui obéit. Dans une quantité innombrable d'actes de la vie, par exemple
lorsqu'il soulève un poids léger, lorsqu'il écarte un obstacle, etc...,
la nécessité l'oblige à faire un effort toujours un peu plus grand et
cela pour la rupture de l'équilibre. Mais, en général, il fait un
effort beaucoup plus grand encore. Si l'on vérifiait mon effort au
dynamomètre de précision lorsque je prends un livre sur ma table, on
trouverait cet effort toujours très exagéré. L'homme possède donc la
loi par habitude, l'enfant par habitude ancestrale, car l'individu est
le sommet d'une pyramide d'êtres. L'homme est bourré d'automatismes (A.
Forel). D'où les a-t-il, encore enfant, si ce n'est de sa lignée ?
D'après tout ce qui précède, la création d'illusions serait
un phénomène d'adaptation aux circonstances de la vie individuelle et
ancestrale. En résumé, il y aurait comme condition première une
surabondance d'énergie chez l'homme qui entreprend ; elle tend à se
dépenser et cela se fait conformément à la loi des transformateurs, loi
que l'homme possède de par une longue habitude. Mais, dira-t-on
peut-être, « que d'illusions dangereuses, que de mirages néfastes, que
de non-réussites, que d'erreurs » ! Je crois bien ! Croirait-on que
l'adaptation de l'homme et des sociétés se fasse toujours au mieux ?
Elle se fait tant bien que mal. Parce que l'homme possède une loi de
mécanique pratique, cela ne veut pas dire qu'il s'en serve au mieux.
Dans le choix d'un but, dans l'emploi de ses énergies, dans la
direction donnée à ses efforts, il erre et gaspille souvent (13).
*
* *
Ces remarques peuvent-elles avoir quelque conclusion pratique ? Par
exemple à propos de l'attitude à prendre vis-à-vis des faux bruits de
la guerre ? — faut voir ce qu'il en est advenu après quatre ans.
Beaucoup sont morts de leur belle mort après avoir produit leur office
de calmants. Lors de l’offensive de Champagne (1915), un brave homme
m'avait apporté une lettre contenant une abracadabrante explication par
trahison. Si je lui avais déclaré que son explication me paraissait
absurde, tout en n'ayant sur le moment rien pour la remplacer, je
n'aurais fait que l'exaspérer. Quelques mois plus tard, me trouvant un
peu documenté, je lui en parlai à nouveau, sur quoi il me répondit : «
C'est effrayant ce que l'on croit de blagues. » Quelquefois des
histoires de ce genre contiennent des précisions nominatives, mais
c'est l'exception ; elles peuvent alors compromettre faussement
quelqu'un, pendant un temps seulement. Alors l'important est qu'elles
ne paraissent pas « imprimées ». Il n'y a qu'à s'en remettre aux soins
d'une certaine personne aux grands ciseaux que facilement on représente
sous les traits d'une vieille parente grinchue et ennuyeuse. Vieille si
l'on veut, c'est une sage veille ; elle sait ce qui convient aux
enfants, petits et grands. Ainsi, lorsque paraissent dans la presse à
certains moments des nouvelles et des exposés optimistes où, d'après la
forte expression de M. Dauzat, « le possible est présenté comme réel »
ou comme très probable, comme très proche, elle se garde bien d'en
entraver la propagation (14). Mais il y a certains faux bruits
nettement décourageants dans de tels cas il faut intervenir de suite,
ainsi que du reste le fait remarquer M. Dauzat. Cependant, dans le cas
qu'il cite des midinettes condamnées pour avoir déclaré que le
canon-monstre tirant sur Paris n'existait pas, la punition n'était
peut-être pas exagérée. Ne serait-ce point qu'elles auraient ajouté : «
Ce sont des canons ordinaires et l'ennemi est près de Paris » ? Ainsi,
un monsieur ayant dit en société « Un canon portant à 120 kilomètres
est une impossibilité technique, par conséquent on nous cache que les
Allemands sont à 30 ou 40kilomètres de la capitale », on lui fit dire
discrètement qu'en cas de récidive de sa part, on se ferait un devoir
de le dénoncer au commissaire de police. Cette mesure vraiment pratique
fut beaucoup plus efficace que n'auraient été de longues discussions.
Mais que faire à l'égard des mirages mentaux en général ? Quand et
comment doit-on aider la nature et quand l'entraver ? Quelle est la
bonne dose de réalité et d'illusion ? A ce propos je me contenterai de
citer les paroles d'un sage « Le monde est plein d'erreurs obstinément
maintenues, parce que l'homme redoute de changer les illusions
familières pour d'âpres vérités chargées d'inconnu. Et qui sait, après
tout, dans ce douloureux conflit du monde vrai avec le monde imaginé,
dans quelle mesure un séduisant mirage peut venir en aide à la
faiblesse humaine pour l'achèvement de sa journée ? » (G. Clemenceau.)
V. CORNETZ.
NOTES
:
(1)
Mercure de
France du 16 juillet 1918.
(2) Celui qui voudrait entreprendre l’étude approfondie des bienfaits
et des méfaits des faux bruits et fausses nouvelles de la grande guerre
aurait, je pense, deux choses à faire. D'abord une classification des
documents, ensuite une évaluation, un bilan, pour chacun d'eux. Cette
deuxième partie du travail exigerait un long temps. Par la lecture d'un
grand nombre de journaux, par une enquête verbale faite dans les
milieux les plus divers, il faudrait établir l'effet et la durée d'un
faux bruit, les impressions et répercussions qui s'en suivirent. Voici
un exemple Dès le début de 1915, une idée germa dans des milliers
d'esprits et c'était « Cela ne peut pas durer, cette guerre de
tranchées, il va y avoir un grand coup et puis la fin de la guerre dans
six mois. » De là le faux bruit du « grand coup », bruit qui se fit
entendre ensuite de nombreuses fois. Cette idée « cela ne peut pas
durer » s'accompagnait d'une représentation simpliste et enfantine
d'une guerre brève se terminant par une immense bataille courte et
décisive. Les gens qui çà et là venaient parler d'une longue suite de
nombreuses batailles et opérations d’usure étaient fort mal reçus. Le
mauvais effet de ce faux bruit fut que bien des travaux ne furent pas
faits qui auraient pu être entrepris de suite. Beaucoup de gens
restèrent dans le provisoire, attendant la fin très proche, au lieu
d'agir et de produire. D'autre part, cette croyance fit prendre et
reprendre patience à bien des personnes qui n'auraient pas pu supporter
l'idée d'une guerre longue de quatre à cinq ans. Mais il y a quelque
chose de plus important encore à mettre en balance. Sans la dite
croyance, beaucoup de gens disposant d'argent auraient employé tous
leurs efforts et toute leur ingéniosité à faire des provisions. Il y
aurait eu de brusques hausses de prix, beaucoup d'objets et de denrées
peu périssables auraient disparu de la circulation, et l'on se
représente facilement les formidables colères de tous ceux qui,
manquant d'argent comptant, n'auraient pu en faire autant. Pour la
classification, il y a deux grandes divisions qui me paraissent
s'imposer : 1° La formation collective, selon la bonne expression de M.
A. Dauzat ; c'est celle dont j'ai esquissé la nature au cours de cet
article ; 2° La formation individuelle : ce sont les fausses nouvelles,
les canards, les ballons d'essai, etc. …, bref toutes les formations
provenant d'un individu plus ou moins ingénieux. On serait amené ici à
collectionner aussi les formations provenant de plusieurs personnes se
concertant, par ex. conseils de gouvernement, cénacles influents, etc….
et à les englober toutes sous le nom de « version ». La « version »
destinée au public lui donne un aspect de la réalité d'un événement,
aspect choisi de telle façon que certaines choses restent dans l'ombre
alors que d'autres, bien éclairées, apparaissent au premier plan. Les
documents de la première division se caractériseront pour l'observateur
en ce qu'ils donnent une impression de naturel, de naïveté, de volition
inconsciente, de non-calculé. Ce sont les faux bruits
proprement dits, émanations de foules ou de public. Les documents de la
deuxième classe donneront l'impression d'artificiel, de fabriqué, de
voulu conscient, de calcul.
(3) Il est bon de rappeler que l'introduction du terme «
cristallisation » en psychologie est due à Stendhal, l'historiette qui
en est le point de départ n'étant peut-être plus présente à la mémoire
du lecteur. D'après le souvenir que j'en ai, Stendhal visitant des
grottes souterraines en compagnie d'une belle dame d'Italie voit des
cristallisations. Ils rencontrent un jeune officier autrichien qui
tombe amoureux de la dame. C'est le coup de foudre ! Alors
l'amoureux magnifie extraordinairement tout ce qui a trait à la belle
personne. De là l'ingénieux et utile rapprochement. Il est fécond.
(4)
Mercure de
France du 16 juillet 1918, p. 251.
(5) Je cite de mémoire et à quatre ans de distance je me demande si ma
mémoire est bien fidèle en ce qui touche la source. Cette très
pittoresque historiette a paru dans
le Temps quelques
jours après
l’abandon de Dixmude. Je la revois en première page, au haut de la
dernière colonne à droite et imprimée en petits caractères.
(6) Voir Dauzat,
ibid.
Le cas du médecin-major.
(7) Il ne faut pas confondre cette conception d'un
être collectif vivant d'une vie intermittente, faite de longs sommeils
et de courts réveils, avec la vie générale de l'individu en tant
qu'élément d'une même nation ou d'un même peuple. Cette dernière vie
n'est pas intermittente, car dans celle-ci l'individu vit constamment,
à chaque instant, très consciemment soumis aux lois et aux mœurs.
Tolstoï écrit : « La vie de l'homme est double : l'une, c'est la vie
intime, individuelle, d'autant plus indépendante que les intérêts en
sont plus élevés et plus abstraits ; l'autre, c'est la vie générale, la
vie dans la fourmilière humaine, qui l'entoure de ses lois et l'oblige
à s'y soumettre. » On pourrait donc dire que la vie de l'homme est
triple.
(8)
Mercure de
France du 18 juillet 1918.
(9) Au Sahara, un voyageur fatigué et malade peut éprouver une
hallucination visuelle que ses compagnons n'ont pas. Par contre, la vue
de tous les membres d'une même caravane est affectée lorsqu'il y a
mirage. Dans ce dernier cas, il existe toujours un objet réel qui peut
même être en réalité au-dessous de l'horizon. Lors d'un mirage, l'image
très amplifiée est quelquefois encore agrandie par une image renversée.
Si l'on utilise le phénomène physique du mirage en le transposant dans
l'ordre des idées et que l'on dise « mirage mental », en parlant ainsi
au figuré, on doit conserver la relation entre la figure que l'on fait
et le phénomène physique qui l'a suggérée. Un mirage mental aura donc
toujours sa partie réelle et sa partie illusoire, par définition.
(10) Le fait particulier de l'amplification de sa valeur
personnelle par l'individu qui lutte est des plus intéressants à
étudier par l'observation directe de certaines catégories de gens. Je
l'ai fait pour le joueur d'échecs et pour l'escrimeur dans un opuscule
intitulé :
Un
des aspects de l'illusion du joueur d'échecs (Paris,
Preti et Delaire, 85, Faubourg Saint-Denis). Dans ce mirage mental qui
a soi-même pour objet, il y a donc deux parties : la valeur réelle de
l'individu à un certain moment, puis son illusion que l'on pourrait
appeler ici la sur-estime. Y-a-t-il des cas et des ensembles de cas où
ces deux grandeurs peuvent dépendre l'une de l'autre ? Peut-on établir
un aspect de cette illusion en tant que dépendant de la valeur réelle ?
Je pense que oui. L'homme de grande valeur réelle n'a qu'une petite
illusion, mais il en a toujours quelque peu. L’homme de petite valeur,
luttant et ayant obtenu déjà quelques succès, si minimes soient-ils, a
une très grande illusion. Entre ces deux extrêmes on peut situer les
autres individus. On peut exprimer cette opinion provenant de
l'observation par une formule qui trouve son application aussi bien
dans le cas d'un seul et même individu observé au cours de sa vie que
dans celui de plusieurs individus de valeurs réelles diverses observés
à la même époque. Si on désigne par
v la valeur réelle,
par
V
la
valeur que l'individu s'attribue, alors
V -
v représente la
quantité d'illusion et on aurait
V -
v = I /
v
c'est-à-dire : la quantité d’illusion est en raison inverse de la
valeur réelle. A cette règle générale on trouvera facilement bien des
exceptions qu'il sera intéressant d'étudier, afin de rechercher
pourquoi dans de tels cas, l'individu observé s'écarte de la norme. Un
cas d'exception bien actuel c'est celui d'un homme entreprenant une
formidable lutte, d'un homme possédant de grandes valeurs réelles de
divers genres, mais qui se surestime énormément malgré cela, alors
qu'il ne devrait avoir d'après la règle susdite qu'une minime illusion.
Il y a ici hypertrophie de l'illusion, cas d'aberration dans la
formation du dosage lors du mirage mental. On comprend sans peine de
qui je veux parler. Chose curieuse, cet homme a dans sa lancée un
proverbe qui dit : « L'orgueil précède la chute. (Proverbe allemand
:
Hochmut
kommt vor dem Fall.) Lorsque l'homme qui entreprend, ou
qui lutte, est encore débutant,
c'est-à-dire lorsque sa valeur réelle
v est encore très
petite, c'est
alors sa grande illusion qui est, pour la grande part, déterminante
d'effort. Mais, plus tard, quand sa valeur réelle est devenue
importante, c'est beaucoup plus le sentiment qu'il a de cette valeur
réelle qui constitue son principal soutien. Cependant si fort et si
capable qu'il puisse être devenu, on observera toujours chez lui une
petite quantité d'illusion. Je ne tiens pas compte, bien entendu, des
périodes d'abattement, de ces moments de maladie psychique où l'homme
se sous-estime, ni des rares individus ayant la force d'âme d'un
Guillaume d'Orange, dont on rapporte que sa devise était « Toujours
entreprendre, même sans espoir. »
(11) « La froide réalité, toujours au-dessous de ce qu'on peut en
attendre (Tolstoï).
(12) Une illusion reconnue d'emblée comme telle se dissiperait
instantanément. « Les illusions s'en vont comme les écorces d'un fruit
et ce fruit c'est l'expérience : la saveur en est amère mais
réconfortante » (Gérard de Nerval). Normalement, les illusions s'en
vont en leur temps et sont remplacées par d'autres. Si on arrache
brutalement, prématurément l'écorce, le fruit ne mûrit pas,
(13) On en voit des exemples dans la vie animale. Les
fourmis, dans
beaucoup de leurs habitudes, n'agissent nullement au mieux des intérêts
de la fourmilière, ni d'elles-mêmes. Ainsi, lors des semailles
d'automne, en Algérie, la fourmi de l'espèce dite moissonneuse amasse
sans trêve des grains, comme elle le fait en été en utilisant alors les
graminées sauvages. Puis, les pluies viennent et toutes les fourmis se
retirent pour l'hiver à une profondeur de plus d'un mètre où elles
restent inertes et amassées en boules. Les grains, lesquels sont dans
des chambres trop proches de la surface du soi, se mettent à germer et
l'on voit ensuite çà et là des touffes serrées de graminées qui
indiquent les nids de fourmis. L'année d'après, cela recommence. Ces
fourmis, dont la force est considérable par rapport à leur taille,
amassent énormément plus de grains au cours de leur existence qu'il ne
leur serait nécessaire. Elles font cela de par un automatisme
ancestral, automatisme de transport qui s'intensifie dans certaines
conditions de chaleur, d'humidité, d'électricité, etc... Ainsi se
dépense leur grande surabondance d'énergie. La grande quantité des
mouvements chez des êtres minuscules comme les moucherons, les mouches
domestiques, etc..., s'explique très bien ainsi. L'oiseau-mouche sans
cesse bat des ailes pour des motifs analogues ; les dimensions de son
cœur, moteur central, sont tout à fait hors de proportion avec celles
de son petit corps. — De telles exagérations d'activité ne sont
nullement nécessaires pour la continuation de l'espèce. La petite
araignée sauteuse, insecte admirablement équilibré dans sa vie, chasse,
tue, mange ce qu'il lui faut, après quoi elle fait de longs repos. Or
son espèce se perpétue fort bien. Cet insecte est très petit aussi,
mais chez lui la grande énergie est tout dépensée en mouvements
strictement utiles au cours des difficiles péripéties des chasses, par
exemple les bonds et les sauts souvent sans résultat.
(14) Elle a fort bien compris que « la faculté de
s'illusionner favorablement vaut mieux que de broyer du noir », d'après
la bonne expression de M. Ch. Merki (
Mercure de France,
16 août 1918,
p. 736).