COUPIN, Henri
(1868-1937)
: Les plantes qui nourrissent.-
Paris : Schleicher frères et Cie, 1904.- 16
p.-IV f. de pl. ; 24 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (20.X.2011) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros] obogros@cclisieuxpaysdauge.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : 2574-1). Les plantes qui nourrissent
par
Henri Coupin Docteur ès sciences Préparateur de Botanique à la Sorbonne ~ * ~ PLANCHE I I. BLÉ (Triticum sativum). – De toutes nos plantes alimentaires, la plus importante est de beaucoup le blé qui, par sa farine et le pain qu’elle sert à fabriquer, constitue la base de notre nourriture. Chaque année, nous en consommons plus de 110 millions d’hectolitres. En France, la production moyenne est de 15 à 16 ½ hectolitres par hectare, ce qui donne environ en tout 98 millions d’hectolitres. Nous sommes obligés, pour compléter la quantité nécessaire, de nous adresser à l’étranger, surtout à la Russie et, à un moindre degré, aux Etats-Unis et à la Roumanie. En outre de son grain, le blé nous donne sa paille si employée pour l’alimentation des bestiaux. On distingue dans les blés de nombreuses variétés, dont les principales sont les suivantes : 1° les Blés ordinaires ou tendres, les plus répandus. Ceux du nord et du nord-ouest sont généralement dépourvus de ces longs poils qui forment la « barbe » (b). Ceux du midi et des montagnes sont choisis de préférence « barbus » (a), parce qu’ils résistent mieux à l’action du vent et au bec des oiseaux. Les uns ont le grain blanc, d’autres le grain rouge. Les uns se sèment de manière à passer l’hiver (blés d’hiver), les autres ne sont semés qu’au printemps (blés d’été ; 2° les Blés poulards, à paille grosse, renflée aux nœuds, les épis très gros et barbus, les épillets très rapprochés, le grain court et renflé ; 3° les Blés durs, au grain allongé, pointu, de consistance cornée, habitués aux pays chauds ; 4° les Blés de Pologne, au grain allongé, dur, glacé, aux glumes énormes ; 5° les Epautres, à l’épi long, dont les épillets sont bien distants les uns des autres, au grain petit, aplati, à écorce fine, riche en amidon, à paille très creuse et très mince, particulièrement cultivables dans les terres maigres des pays de montagnes ; 6° les Amidonniers, dont les caractères sont les mêmes que ceux des Epautres, mais dont le grain est à navette, et dont l’abondance en amidon les faisait employer autrefois exclusivement dans l’amidonnerie ; 7° les Engrains, au grain très effilé, aplati aux deux bouts et que leur rusticité permet de cultiver dans les plus mauvaises localités des montagnes. Le blé ne pousse bien que dans des sols assez consistants, sans être compacts, perméables et profonds. Il ne donne de bons rendements que dans les terres fertiles et exige notamment un peu de calcaire et beaucoup d’acide phosphorique. Les grains de blés, moulus, donnent la farine et le son, celui-ci étant constitué par la peau du grain et de quelques bribes de farine qui y adhèrent. Avec 100 kilogrammes de grains, on obtient environ 70 kilogrammes de farine et 22 kilogrammes de son ; le reste se perd. Avec 100 kilogrammes de farine, on fabrique de 130 à 145 kilogrammes de pain, la différence des poids tenant à la quantité d’eau qu’on y ajoute. Les grains sont enveloppés dans l’épi, de petites feuilles sèches et plus ou moins barbulées qui constituent les balles : celles-ci peuvent être données en nourriture aux herbivores ; elles sont plus nutritives que la paille. 2. SEIGLE (Secale cereale). – Le seigle est une céréale connue depuis la plus haute antiquité : les Gaulois connaissaient déjà ses mérites pour utiliser les régions déshéritées. Dans les montagnes, il pousse là où le blé ne peut plus vivre. Il est aussi plus élevé que ce dernier, ses épis sont plus longs et ses grains plus pointus et facilement égrenables, parce que, à la maturité, ils sont incomplètement recouverts par la balle (glumes et glumelles). Il demande un sol léger, souvent fumé avec du fumier ou des engrais riches en acide phosphoriques et en potasse. Le rendement est d’environ 12 à 13 hectolitres par hectare, exceptionnellement de 25 à 30 hectolitres ; la récolte se fait en juillet et on bat les épis sur un chevalet pour détacher les grains sans abîmer la paille. Le seigle est sujet à une maladie causée par un champignon, le claviceps purpurea, qui attache les grains, les fait grossir et sortir, comme une corne de l’épi, ce sont les ergots de seigle, employés en médecine (1). Le grain est très employé dans l’alimentation des animaux. L’homme en fait aussi un pain bis qui convient bien aux personnes constipées, mais est d’une digestion un peu plus difficile que le pain de froment. Le pain d’épices est fait avec de la farine de seigle mélangée à du miel et à diverses substances aromatiques. La paille sert à faire des liens, à couvrir les habitations et à empailler les chaises ; jeune, elle est mangeable par les bestiaux, mais elle devient rapidement dure et peu savoureuse. 3. MAÏS (Zea maïs). – Le maïs est originaire d’Amérique ; il est aujourd’hui largement naturalisé chez nous. Il diffère des autres graminées, d’abord par sa grande taille, ensuite en ce que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont séparées. Les premières (a) sont disposées au sommet du pied en plusieurs épis grêles et longs. Les secondes sont disposées sur les côtes du pied (b) et enveloppées à plusieurs endroits par plusieurs petites feuilles : quand elles sont très jeunes, on voit sorti au bout de cette sorte de bourgeons, de longs filaments, qui ne sont autres que des stigmates. A la maturité, l’épi femelle grossit et apparaît sous la forme d’un long mandrin (c) sur lesquels les grains sont disposés avec une régularité remarquable. Les grains sont volumineux, de couleur généralement jaune ; leur intérieur est corné et farineux. Le maïs demande des sols profonds et bien cultivés. Dans le nord, il préfère les terres sableuses. Dans le midi, il se développe mieux, au contraire, dans les sols plus compacts, par exemple les alluvions profondes à base de calcaire. Certaines variétés sont cultivées pour être mangée en vert par les bestiaux : ce sont les maïs fourragers. D’autres ne sont récoltées qu’au moment où les grains sont bien mûrs ; ceux-ci constituent une bonne alimentation pour les bœufs de travail, les vaches laitières et les moutons, moins bonne pour les chevaux. Ils font engraisser rapidement les volailles auxquelles on les donne. La farine de maïs est riche en matières grasses, ce qui fait sans doute qu’elle ne se conserva pas. Elle ne « lève » bien que lorsqu’on y ajoute au moins un tiers de farine de froment. C’est avec elle que l’on fait le polenta, le met national des Piémontais ; En pharmacie, on utilise les stigmates du maïs : c’est un excellent diurétique. 4. RIZ (Oryza sativa). – Le riz est la céréale des pays chauds. En Asie, notamment, il constitue la base de l’alimentation d’innombrables peuplades : les Chinois, les Annamites, les Japonais, les Hindous s’en nourrissent presque exclusivement. En France, on le cultive dans la Camargue, mais c’est là une simple curiosité. Le riz exige un sol humide ou marécageux, ou tout au moins susceptible d’être inondé à volonté. Les rizières doivent être inondées tout l’été d’eau courante ; elles doivent donc être horizontales. Sur le flanc des montagnes, elles sont souvent de configurations très bizarre et de très petite dimension ; des murs de terre les soutiennent et permettent de conserver une mince couche d’eau suffisante pour baigner les racines et le pied du riz, sans toutefois être assez épaisse pour en faire pourrir la tige ; Les ruisseaux, pris à leur naissance, passent d’un champ dans l’autre, jusqu’au moment où ils sont devenus trop volumineux ; on le ramollit et on l’amollit à l’aide de la charrue, du piétinement des buffles, attelés à un instrument de labour, et des coups de bêches des cultivateurs chargés de détruire les dernières mottes récalcitrantes. On obtient ainsi une sorte de pâte liquide dans laquelle les hommes et les femmes jettent le grain à pleine main, du haut des digues. Quand le riz a levé et a acquis un certain développement sur les terrains desséchés, qui jouent le rôle de pépinières, on l’arrache et on le replante, non au hasard cette fois, mais régulièrement, suivant un certain ordre, dans d’autres carrés de terre, préparés comme les premiers ; il s’y élève par touffes séparées. La moisson a lieu au mois de novembre ; les paysans entrent dans l’eau et coupent les tiges au pied avec les faucilles, en ayant soin de les grouper en gerbes et de les placer ensuite sur les petits murs de séparation ou dans les endroits secs. Ces gerbes, liées à la base, sont ensuite suspendues au soleil, à cheval sur des bâtons horizontaux, dans le voisinage des habitations. Après la récolte, lorsque les gerbes sont complètement sèches, on les soumet à une sorte de peignage, en les tirant entre des dents de fer, qui sont suffisamment écartées pour laisser passer la paille, mais qui retiennent les grains en les détachant de l’épi (G. Marcel). Le riz cuit de diverses façons constitue un excellent plat, aussi bien comme potage et légume que comme dessert. Sa digestion est des plus faciles. Dans plusieurs pays on le fait fermenter pour obtenir une boisson alcoolique (saki, arrak, samchoou, raki, etc.). La paille est excellente pour faire des vêtements contre la pluie, des sandales, des nattes, des chapeaux. Réduite en pulpe elle donne un fin papier. 5. SARRASIN (Fagopyrum sativum). – Malgré son nom vulgaire de Blé noir, le sarrasin n’appartient pas à la famille des graminées, mais à celle des Polygonées, c’est-à-dire d’une famille où les fleurs sont colorées ; ici elles sont roses (b), souvent blanches, quelquefois verdâtres. Le grain (c) a la forme d’une pyramide à trois pans : ses angles sont aigus ou un peu émoussés ou onduleux. C’est une plante très sensible à la gelée, que l’on cultive surtout en Bretagne ou en Bresse. Elle préfère les terres fraîches et, si la sécheresse ne vient pas l’entraver, acquiert tout son développement en trois mois. La récolte se fait en août ou septembre. Le rendement moyen est 20 hectolitres à l’hectare. Le grain renferme beaucoup de farine ; on en fait un pain noir, gras et indigeste. En Bretagne, on se sert énormément de la farine pour fabriquer des bouillies et des galettes. On donne aussi souvent les grains aux volailles. La plante verte sert de fourrage vert. Enfin les abeilles visitent beaucoup les fleurs de sarrasin et le miel qu’elles accumulent acquiert de ce fait une saveur particulière qui, même, n’est pas à recommander. 6. AVOINE (Avena sativa). – Cette céréale est facilement reconnaissable à ses épillets qui, au lieu d’être disposés en épis, sont attachés isolément et pendants à l’extrémité de petites tiges flexibles, de manière à former une panicule. On distingue surtout quatre variétés : 1° l’avoine noire de Brie, très estimée dans les environs de Paris, à panicule forte, bien garnie de fleurs ; les deux grains du même épillet sont souvent le même volume, ce qui fait qu’elle est encore désignée sous le nom d’avoine double ou fourchue. Les avoines de Houdan, de Beauce, de Soissons, sont des sous-variétés ; 2° les avoines grise ou noire de Bretagne sont des variétés d’hiver ; elles se sèment à l’automne ; elles sont très cultivées en Bretagne, dans le Maine et la Beauce (avoine d’hiver de Beauce) ; 3° Avoine blanche de Géorgie : c’est le type de toutes les avoines à grains blancs, à panicules lâches, ce sont des avoines de printemps. L’avoine blanche de Russie s’y rattache, de même les variétés dites avoine jaune de Flandre, avoine des Salines ; 4° Avoine orientale de Hongrie, facilement reconnaissable aux pédoncules très courts de la panicule, rangés du même côté, formant une sorte de grappe, d’où elle a tirée son nom d’avoine à grappes ou d’avoine unilatérale. C’est une céréale des pays tempérés ; elle supporte aussi bien les grands froids que les grandes chaleurs. Elle est peu exigeante sur la nature du sol et, à part un labour, pousse presque sans culture. On sème les avoines d’hiver en septembre et les avoines de printemps en février ; ces dernières sont les meilleures. « Avoine de février remplit le grenier », disent les paysans. L’avoine en grains est la meilleure nourriture pour les chevaux qu’elle excite. Elle réussit bien aux moutons à l’engrais, aux agneaux nouvellement sevrés, aux vaches dont elle augmente le lait, aux oiseaux de basse-cour qui engraissent rapidement. Le grain, broyé au moulin, donne le gruau d’avoine, dont, en Normandie et en Bretagne, on fait des potages de digestion facile. Les balles de l’avoine servent à rembourrer les matelas et les oreillers des enfants. 7. ORGE (Hordeum distichum). – Les orges sont caractérisées par leur inflorescence, qui n’est pas un épi composé comme le froment, mais un épi de cymes. L’axe central ondulé est constant, mais la disposition des épillets est variable ; ils sont réunis par trois dans chaque dent du rachis. Les glumes sont très étroites, les glumelles très grandes et l’inférieure longuement aristée dans les fleurs fertiles ; c’est ce qui constitue les barbes d’orge. Le fruit est le plus souvent soudé avec les glumelles ; quelquefois cependant il est nu. Suivant le nombre de fleurs fertiles dans chaque épillet, on distingue des orges distiques (à deux rangs) et des orges hexastiques (à six rangs). Dans les orges hexastiques, si les épillets médians restent plus petits que les latéraux, on a l’orge commune ou l’orge canée. L’orge est la céréale cultivée entre les limites géographiques les plus étendues ; on la trouve à Lulea par 67° de latitude nord où elle peut mûrir en 60 jours ; en Afrique, elle résiste mieux que l’avoine à la sécheresse, et elle est utilisée pour la nourriture des chevaux. L’orge vient à peu près sur tous les terrains, pourvu qu’ils soient sains, profonds et substantiels. En terrains humides et acides, les rendements ne sont jamais bien élevés. Comme les orges de printemps parcourent vite leurs phases de végétations, il faut donner des engrais bien appropriés et vite assimilables. C’est une plante moins épuisante que le blé ; aussi, souvent, dans l’assolement triennal, la fait-on succéder à cette plante sans donner au sol une nouvelle fumure. L’orge est cependant une des plantes capables de payer amplement les fumures complémentaires qu’on lui accorde. Le choix des semences est très important ; il faut s’attacher à ne semer que des graines bien pures, bien jaunes, du poids de 65 kilogrammes pour les orges d’hiver et de 70 kilogrammes pour les orges de printemps. Il faut rejeter les grains bruns ou noirs ou piqués de points noirs à leur surface. Les orges d’hiver se sèment en septembre et en octobre. Au printemps on sème dès février quand la chose est possible. Quand les semailles sont tardives, l’orge monte irrégulièrement ; l’épiaison est alors moins bonne. L’orge se récolte sous le climat de Paris dans le courant de juillet ; les orges de printemps ne se moissonnent que dans le mois d’août. Le moment de couper est indiqué par la coloration particulière que prennent les tiges, par l’inclinaison de plus en plus grande des épis vers le sol, par la consistance des grains. Après la coupe, il faut lier aussi rapidement que possible, car les moindres pluies déprécient beaucoup la qualité du grain ; il devient, sous l’action de l’eau, terne, jaune soufre. Par le battage, les barbes sont parfaitement enlevées quand on soumet la céréale à l’action des machines perfectionnées, possédées par la grande culture (J. Tribondeau). En France, il y a environ un million d’hectares cultivés en orge. La farine de l’orge ne contient que peu de gluten ; aussi ne donne-t-elle qu’un pain lourd, de digestion difficile et désagréable au goût. En médecine, on emploie la tisane d’orge comme adoucissant. On se sert surtout d’orge mondé, c’est-à-dire débarrassée de ses enveloppes. Si le grain est en outre débarrassé de son tégument propre, il devient un peu arrondi, il est dit alors perlé. Le principal usage de l’orge est la fabrication de la bière. On fait subir aux grains un commencement de germination pour transformer une bonne partie de l’amidon en sucre. Puis on fait sécher au four pour avoir le malt. En traitant par l’eau, on obtient un jus sucré que l’on fait fermenter en y ajoutant de la levure de bière. Généralement, on y ajoute divers aromates et notamment du houblon (voir pl. IV, fig. 25). Après fermentation, on obtient de la bière. 8. MILLET (Panicum miliaceum). – Cette céréale, d’importance assez faible, est surtout cultivée dans le sud-ouest, l’ouest et l’est, à peu près dans les mêmes régions que le maïs. Elle ne réussit que dans les terres légères, notamment les sables siliceux des landes et les terrains granitiques de l’ouest ; il faut fumer les terres abondamment avant la culture. On sème en ligne, généralement en mai, à un moment où l’on n’a plus à craindre les gelées printanières, qui seraient fatales aux jeunes plantules. Les cultures doivent être sarclées avec soin. Le millet est susceptible de contracter deux maladies cryptogamiques, la carie et le charbon, mais leurs principaux ennemis sont les petits oiseaux qui sont très friands de leur grain et sont, par suite, très redoutables aux récoltes. La maturité se fait d’une manière très inégale, de sorte qu’il faut faire la récolte en deux ou trois fois. Ce sont généralement des femmes qui sont chargées de la récolte : elles passent dans les champs, coupent les panicules mûres avec des ciseaux et les mettent dans leur tablier. On attache les panicules au grenier et on les laisse sécher. L’égrenage se fait ensuite facilement avec le fléau. Les grains arrondis du millet servent surtout à l’alimentation des oiseaux ; dans quelques localités, on les utilise pour la nourriture de l’homme qui en fait des bouillis et des gâteaux. On cultive aussi un autre millet, le Millet d’Italie (Setaria Italicum), dont l’inflorescence est un épi compact et long ; ses grains servent aux tout petits oiseaux de cages.
PLANCHE II
9. POIS (Pisum sativum). – Cette excellente légumineuse pousse sous la forme d’une plante herbacée, parfois très haute, qui grimpe en se maintenant à l’aide de vrilles dont les feuilles sont pourvues à l’extrémité. Les fleurs sont blanches ; elles font place à des gousses vertes plus ou moins longues, et renferment les graines vertes qui ne sont autres que les « petits pois ». Quelques variétés ont la gousse si tendre qu’on peut la manger en même temps que ces derniers. D’autres sont cultivés surtout pour leurs graines que l’on mange vertes, comme primeurs. Beaucoup donnent des graines moins savoureuses, qu’on laisse grossir et qu’on mange secs, notamment sous forme de potage ou de purée. Les pois gris sont des espèces qui ne servent pas à l’alimentation de l’homme, mais seulement pour les bestiaux qui les mangent en totalité : ce sont des fourrages. Les pois cultivés pour l’homme comprennent de nombreuses variétés ayant chacune un nom spécial : citons surtout le pois de Sainte Catherine, rustique et hâtif, mais peu productif ; le pois Michaux de Hollande, plus productif que le précédent, mais se semant, non en novembre comme lui, mais en mars ; le pois Prince Albert, peu productif et où chaque inflorescence ne donne qu’une gousse ; le pois merveille d’Amérique, de taille naine et n’ayant pas besoin de support pour pousser ; le pois ridé de Knight, au goût excellent ; le pois gros vert normand, cultivé pour être consommé à sec, état où il conserve sa couleur verte. Les pois poussent bien dans tous les terrains, à condition qu’ils soient un peu humides et riches en engrais. Son principal ennemi est le coléoptère appelé Bruche, qui perfore les graines et se loge à leur intérieur. On obtient environ 20 hectolitres de pois net à l’hectare. 10. COLZA (Brassica campestris, var. oleifera). – Cette crucifère est une variété du chou ordinaire, cultivée surtout pour ses graines dont on tire une huile jaune et d’odeur âcre, employée pour l’éclairage et la fabrication du savon noir : un hectolitre de graines donne de 24 à 26 kilogrammes d’huile ; le reste est jeté sur la terre en guise d’engrais ou donné en pâturage aux bestiaux. Les graines peuvent servir à l’alimentation des petits oiseaux de volière. Voici, d’après Vilmorin, les principales : Colza ordinaire ou colza d’hiver. – C’est l’espèce la plus répandue ; cependant, depuis quelques années, les trois suivantes, surtout le colza parapluie, l’ont remplacée dans beaucoup de localités. Colza parapluie ou colza à rabat. – Variété d’hiver, plus productive et un peu plus tardive que l’ordinaire, cultivée surtout en Normandie et dont les siliques retombantes ou inclinées, au lieu d’être dressées, lui donnent la faculté de supporter avec moins d’inconvénient les pluies qui peuvent survenir vers l’époque de sa maturité. Elle est, par cela même, moins sujette à s’égrener et d’un plus grand produit. Quelques fabricants d’huile leur reprochent d’avoir la pellicule plus épaisse et de donner, à poids égal de grains, un peu moins d’huile. Colza froid. – Variété d’hiver dont le rendement paraît être plus considérable que celui du colza ordinaire ; la tige est plus haute et le grain plus rouge ; de cinq à six jours plus tardifs que le colza parapluie, ce qui permettrait, en semant les diverses variétés, d’échelonner la récolte. Fleur jaune. Colza à fleur blanche. – Variété d’hiver à fleur blanche, assez productive, cultivée surtout aux environs de Lille ; elle est de huit à dix jours plus tardive que le colza parapluie. Colza de Hambourg. – Variété d’hiver. Race très rustique, de dix à douze jours plus tardive que le colza parapluie, productive, acumifiée et d’un port plus ramassé. Colza de printemps. – Race précieuse, quoi que moins productive, pour remplacer les colzas d’hiver qui auraient manqué ; doit être semé en place de mars en mai. Le colza est quelquefois cultivé non pour sa graine, mais comme plante fourragère. 11. CAROTTE (Daucus carotta). – La carotte est une ombellifère qui croit spontanément à l’état sauvage chez nous, mais, à cet état, sa racine ne présente aucune dimension remarquable ; ce n’est que cultivée que celle-ci prend une grande dimension, devient rouge, sucrée et comestible. Ses feuilles sont très divisées. Ses inflorescences sont formées de fleurs blanches ; quelquefois celle du centre de chaque ombelle présente une couleur rouge intense. A la maturité des grains, l’inflorescence, au lieu de rester aplatie, rabat ses rameaux les uns sur les autres (b). Les fruits sont hérissés de petites pointes (c) ; ils contiennent chacun deux graines : ce sont des diakènes. Les carottes sont surtout cultivées pour l’alimentation de l’homme : il y en a de courtes et ventrues, ainsi que de longues et minces. Les principales variétés sont la carotte rouge demi longue, nantaise, la carotte rouge demi longue, pointue, la carotte grelot ou carotte courte à châssis. La consommation en peut commencer trois mois après le semis. L’hiver, on peut les conserver en les coupant et en les enfouissant, dans le sable, à la cave. Beaucoup de carottes sont cultivées pour servir de fourrage : elles constituent une excellente nourriture pour les bestiaux. On sème en mars ou en mai, dans de bonnes terres douces, profondes et bien ameublies. Parmi les meilleures de ces carottes fourragères, il faut citer la carotte blanche à collet vert (le collet est la région placée entre la tige et la racine), la carotte blanche à collet vert améliorée d’Orthe, la carotte blanche demi longue, la carotte blanche des Vosges, la carotte rouge longue à collet vert, la carotte rouge longue d’Altringham, la carotte rouge longue ordinaire, la carotte rouge longue de Saint-Valéry, la carotte jaune longue. 12. CÉLERI (Apium graveolens). – Cette ombellifère est cultivée pour les côtes de ses feuilles employées comme condiment ; la variété appelée céleri-rave donne une racine épaisse (b) employée au même usage. Les jardiniers de Paris, qui ont intérêt à hâter leurs cultures, sèment le céleri dès le mois de février, sur couche, mais à l’air libre. Dans le courant d’avril, ils repiquent le plan en pleine terre, à 0 m. 30 de distance en tous sens. Dans les jardins des particuliers, on sème plus habituellement en mars sur côtière ou sur une planche tournée au midi. La graine doit être peu recouverte. On terreaute le semis, on le piétine et, à moins que le temps ne soit à la pluie, on le bassine à la pomme de l’arrosoir. On fait encore des semis de céleri en avril et mai ; on peut même semer en juin et plus tard dans le midi, mais alors sur des planches abritées ; éviter le soleil. Le céleri aime les terres profondes, fertiles et bien engraissées, mais ce qu’il aime par-dessus tout, c’est d’être fréquemment et abondamment arrosé. Deux méthodes sont en usage pour faire blanchir le céleri. Celle des maraîchers parisiens consiste à l’envelopper entièrement de grande litière ; mais ce procédé ne s’applique guère qu’au céleri de première saison qui, blanchi de cette manière, est bon à récolter en juillet et août. La méthode ordinaire et à peu près partout usitée, consiste à enterrer le céleri, après en avoir lié les feuilles avec un lien de paille. On peut l’enterrer sur place, comme on le fait à Meaux, et dans quelques autres localités, en accumulant de la terre sur la planche occupée par le céleri, jusqu’à ce que ce dernier soit complètement recouvert : c’est peut-être la meilleure méthode. Dans d’autres endroits, on plante le céleri dans des fosses de 0 m. 20 de profondeur, et au moment de le faire blanchir, on rejette dans la fosse la terre qu’on en avait enlevée. Un moyen plus simple et plus généralement adopté, consiste à planter le céleri en lignes et à le butter comme les cardons et les artichauts. Il ne faut guère que quinze jours au céleri pour blanchir, et on doit se hâter de le livrer à la consommation lorsqu’il est à point, sans quoi il ne tarderait pas à pourrir. Le céleri-rave (b) se sème à Paris en février, sur couche, mais à l’air libre dans la deuxième quinzaine d’avril ou quelques jours plus tard ; on repique le plant en pépinière, pour le mettre en place dans la seconde quinzaine de juin. La récolte des racines se fait en septembre, octobre et novembre, suivant leur degré d’avancement. Les jardiniers sont dans l’usage de retrancher quelques-unes des grandes feuilles de la plante, ainsi que les racines latérales, puis de la butter pour favoriser le développement du tubercule. Cette racine se mange cuite, quelquefois crue en salade et coupée par tranches (J. Decaisne). Il y a plusieurs variétés de céleris-raves ; la variété commune de Paris est la meilleure. 13. PERSIL (Petroselinum sativum). – Cette ombellifère est surtout cultivée pour ses feuilles, qui servent de condiment ; une variété, le persil à grosse racine (b) donne, en outre, une longue racine que, dans quelques pays, l’on mange en l’accommodant à la manière des salades. Les feuilles sont tantôt planes, tantôt frisées, mais ayant toutes deux la même odeur. On peut le semer dès le mois de février ; il pousse à toutes les époques de l’année, même en hiver. On peut aussi cueillir les feuilles au fur et à mesure qu’elles poussent. Les pieds montent en graine l’année suivante. La culture en est des plus facile, mais il ne faut pas y laisser s’introduire des pieds de petite ciguë (2), dont l’ingestion peut être mortelle. 14 HARICOT (Phaseolus vulgaris). – Cette légumineuse comporte de nombreuses variétés que l’on peut diviser en deux groupes : 1) Les Haricots nains, qui restent toujours petits et ne grimpent pas ; 2° Les Haricots à rames, dont la longueur est parfois très grande et qui ont besoin d’un tuteur pour se soutenir. Chacun de ces deux groupes peuvent, à leur tour, être divisés : les Haricots à écosser, dont les graines se mangent seules, parce que la gousse est trop « parcheminée » pour être comestible et les Haricots mange-tout ou sans parchemin, où l’on mange à la fois la gousse et les graines, celles-ci pouvant être toutes petites ou même avoir acquis déjà un certain développement. Parmi les Haricots nains à écosser, on distingue : 1° Le Haricot flageolet (grain blanc, allongé, un peu aplati, ou en forme de rein ; se mange sec ou plutôt fraichement écossé avant la maturité ; 2° Le Haricot Suisse blanc (grain allongé, long, épais ; peut être cultivé en plein champ) avec ses variétés : Haricot Suisse gris (très cultivé comme Haricots verts), le Haricot Suisse rouge, etc. ; 3° Le Haricot de Soissons nain (peu productif, mais de bonne qualité) ; 4° Le Haricot rouge d’Orléans (rouge foncé, avec un hile blanc cerclé de noir ; très répandu dans le centre de la France) ; 5° le Haricot Saint-Esprit (grain un peu courbé, blanc, avec une tache noire près du hile ; surtout cultivé dans le midi. Parmi les Haricots nains sans parchemin, il faut citer : 1° Le Haricot jaune de Canada (ovoïde, jaune foncé, avec un hile cerclé de brun ; vigoureux, productif) ; 2° Le Haricot jaune de Chine (jaune soufre avec un hile entouré de bleuâtre ; 3° Le Haricot d’Alger noir nain et le Haricot beurre blanc nain, qui sont des sous-races. Parmi les Haricots à rames à écosser, on remarque surtout : 1° Le Haricot de Soissons à rames (grain blanc faïence, en forme de rein ; très estimé ; convient aux terres légères) ; 2° Le Haricot sabre à rames (cosses longues de 0 m. 30, excellent et très productif ; 3° Le Haricot rouge de Chartres (couleur lie de vin avec un hile entouré d’un cercle foncé ; tiges de faible hauteur) ; 4° Le Haricot riz à rames (grain petit, à peau fine, presque rond ; qualité excellente ; petites tiges). Parmi les Haricots à rames sans parchemin, citons : 1° Le Haricot coco blanc (grains blancs, très productif ; un peu tardif) ; 2° Le Haricot coco rouge (grains ovoïdes, rouges) ; 3° Le Haricot friolet (grain petit et rond) ; 4° Le Haricot princesse (très productif ; tiges s’élevant jusqu’à 2 mètres) ; 5° Le Haricot d’Alger noir (cosse jaune ; grain d’abord bleu, puis noir, le meilleur des mange-tout). La peau des haricots est d’une digestion difficile, mais le contenu, outre son goût excellent, est extrêmement nourrissant, presque autant que la viande. 15. LENTILLE (Ervum lens). – Cette légumineuse donne des graines (il y en a deux par gousse b) alimentaires et de forme bien connue ; leur parfum plaît à certains palais, tandis qu’à d’autres il n’est pas agréable : c’est un légume vulgaire qui, en raison de son bas prix, se mange beaucoup dans le peuple, soit comme légume, soit comme assaisonnement à la viande. C’est une plante grêle aux feuilles pourvues de vrilles. On les cultive dans les terres légères en semant en mars. On récolte en juillet en arrachant tous les pieds et en laissant sur la terre jusqu’à ce que la gousse soit bien mûre. A ce moment on rentre les fanes à la ferme et on en sépare les graines au moyen du tarare. La farine de lentilles entre dans la composition de la « Revalescière ».
PLANCHE III
16. ASPERGES (Asparagus officinalis). – L’asperge (de la famille des liliacées, sous-famille des asparaginées) peut se propager par graines, mais généralement on emploie dans le même but ce que les jardiniers appellent ses « griffes ». Ce sont les parties souterraines de la plante, la souche, avec les nombreuses racines qui en partent. Ces griffes peuvent passer l’hiver en place sans inconvénient. Au printemps, les bourgeons qui se trouvent à la surface de la souche poussent (c). Chacun d’eux s’allonge et donne l’asperge comestible (d) : c’est une tige très jeune et par suite très succulente, avec, à la surface, de petites écailles blanches ou verdâtres et, au sommet, un bourgeon terminal violacé ou vert. Ces asperges poussent très vite ; on les coupe aussitôt qu’elles ont atteint la taille désirée ; si on les laisse trop en place, elles deviennent dures, indigestes et perdent leur goût. A la fin de la saison, au lieu de couper les asperges, on les laisse continuer à croître, à « monter en graine ». Elles donnent une haute plante herbacée à l’aspect très léger et tout vert. Ce qui lui donne cet aspect vaporeux, c’est que les feuilles manquent ou, plutôt, sont réduites à de petites languettes presque invisibles. Les petites aiguilles qui ornent les branches ne sont autres que des rameaux courts et à écorces garnies de chlorophylle à l’intérieur. C’est sur les branches que se développent les petites fleurs (b) jaunâtres ou verdâtres pendantes, auxquelles succèdent des baies rouges (c) à l’aspect agréable. L’asperge est un aliment sain et agréable, qui n’a que le tort de communiquer aux odeurs, une odeur désagréable. 17. RAIFORT (Roripa rusticana), appelé aussi Cochléaria de Bretagne. C’est une crucifère aux fleurs blanches (b) d’un intérêt médiocre. Sa racine volumineuse (d) peut se manger à la manière des radis noirs, mais il faut un palais spécial pour supporter sa saveur brûlante. Elle est plutôt employée, crue et râpée, comme assaisonnement. On l’utilise en médecine comme antiscorbutique. 18. CIVETTE (Allium schœnoprasum) appelée aussi Ciboulette. Cette liliacée, voisine des aulx et des oignons, est indigène dans le midi de la France. Ses feuilles sont allongées et creuses ; ses fleurs rosées (b). Les feuilles servent à assaisonner beaucoup de plats, la salade notamment. On la plante en février, ou en mars, à l’aide des petits bulbes (caïeux) récoltés aux pieds de l’année précédente (c). 19. EPINARD (Spinacia oleracea). – Cette Chénopodée est originaire de l’Asie septentrionale, on la cultive sur les terres fertiles et bien préparées. Les semis s’effectuent à l’automne et au printemps. Ses fleurs sont petites, vertes, avec des étamines jaunes. Ses feuilles sont un peu en forme de fer de lance ; ce sont elles que l’on mange cuites. 20. POMME DE TERRE (solanum tuberosum). Cette solanée si importante est une plante herbacée abondamment feuillue, dont les feuilles sont irrégulièrement composées. Ses fleurs sont blanches ou violacées. Ses fruits sont des baies vertes qui, non seulement ne sont pas comestibles, mais encore sont susceptibles de produire des empoisonnements. De la base de la tige partent des rameaux souterrains qui se renflent en des tubercules de formes variées suivant les espèces. Ce sont ces tubercules, remplis d’amidon, que l’on mange ; ce ne sont pas des racines, mais des tiges : à la surface, il y a des « yeux » qui sont autant de petits bourgeons placés à l’aisselle d’écailles rudimentaires. C’est d’ailleurs avec quelques-uns de ces tubercules que l’on propage la plante. A ce sujet, M. A. Girard a fait quelques remarques intéressantes : Généralement, les plants sont mis en terre, comme ils viennent et sans choix ; même c’est une coutume que de livrer à la vente tous les beaux produits et de réserver pour le plant tous les rebuts ; on ne saurait agir avec plus de maladresse. A chaque tubercule appartiennent des qualités de reproduction qui se retrouvent intactes dans sa descendance ; tout tubercule provenant d’un sujet à grand rendement fournit, presque à coup sûr, une récolte abondante et riche, et réciproquement, tout tubercule provenant d’un sujet à faible rendement ne produit, généralement, qu’une maigre récolte, d’où cette conclusion nécessaire : c’est aux touffes à grand rendement qu’il convient de demander les tubercules de plant. Ces touffes à grand rendement, il est, au reste, aisé de les reconnaître à l’avance, car il existe toujours une relation presque proportionnelle entre la puissance de la végétation aérienne qu’une touffe de pommes de terre développe et l’abondance de la récolte souterraine que cette touffe fournira. Si les tiges sont hautes, couvertes de belles feuilles d’un vert sombre, les tubercules, au pied, seront nombreux et lourds ; si les tiges sont maigres, si le feuillage qu’elles portent est d’un vert jaunâtre, ils seront peu nombreux au contraire et de faible poids. Pour opérer la sélection, le cultivateur possède donc un procédé très simple ; celui-ci consiste à marquer, dans le mois de juillet, les sujets à végétation vigoureuse pour, avant l’arrachage général, faire de ces sujets marqués une récolte partielle à laquelle on demandera exclusivement les tubercules de plant. Répétée pendant deux ou trois années, cette sélection mettra aux mains de cultivateur un plant de premier ordre dont il ne lui restera plus qu’à surveiller la descendance. Parmi ces tubercules de race, il lui faudra cependant, s’il veut assurer la régularité de ses rendements, faire un choix encore ; suivant leur grosseur, en effet, les plantes fournissent des récoltes différentes. Les petits ont une puissance productive quelquefois énorme, mais leur faible poids s’oppose toujours à ce que cette productivité aboutisse à un rendement élevé sur une surface donnée ; aussi ne peut-on les planter utilement qu’en les réunissant au nombre de deux ou trois dans un même paquet. Les moyens et les gros donnent, en général, des récoltes peu différentes et, par suite, c’est chose inutile que de sacrifier les gros pour la plantation ; les moyens, à moindres frais, donneront, habituellement, des récoltes aussi belles. C’est donc au pied des touffes vigoureuses que, toujours, le cultivateur devra prendre ses tubercules de plant ; autant que possible, ceux-ci, pour que le rendement soit uniforme, devront être tous de poids égal, et c’est parmi les moyens qu’il les faudra choisir. Le poids de ces tubercules moyens est, naturellement, différent suivant les variétés ; mais on peut dire qu’en général, pour les variétés à grand rendement, il doit être compris entre 80 et 120 grammes ; pour les variétés à rendement ordinaire, entre 50 à 80 grammes. Ces tubercules choisis, le cultivateur, s’il veut mettre son plant à l’abri de mainte avarie, doit les planter entiers, non coupés et exempts de toute blessure. En général, c’est de toute autre façon que l’on opère ; pour économiser le plant, la plupart coupent et recoupent les tubercules quelquefois jusqu’à ne laisser qu’un œil à chaque fragment. Cette coutume est mauvaise et c’est souvent à une diminution considérable de la récolte qu’elle aboutit. La théorie indique qu’il en doit être ainsi et la pratique le confirme. Toute section, toute blessure faite aux tubercules est, en effet, une porte ouverte pour les spores des champignons qui déterminent la nourriture, pour les germes des microbes qui produisent la gangrène du pied, etc. Si l’année est sèche, le mal pourra quelquefois prendre plus d’importance ; mais, si l’année est humide, l’invasion des tubercules par ces parasites deviendra, dans ces conditions, singulièrement facile et souvent on verra la culture aboutir à un véritable désastre. Les tubercules constituent pour l’homme un excellent aliment. On les donne aussi aux animaux après les avoir fait cuire. On en extrait aussi industriellement la fécule. Saccharifiée, celle-ci donne le glucose ou sucre de raison. Fermentée, on en tire un mauvais alcool. 21. BETTERAVE (Beta vulgaris). – La betterave appartient à la famille des Chénopodées. Sa partie aérienne ne présente pas d’intérêt ; il y a seulement à noter que la tige et les nervures des feuilles sont souvent rouges. La fleur (b) est verte et à cinq divisions. La partie essentielle est la racine qui est volumineuse, allongée comme les navets et renferme beaucoup de sucre. Il y en a de nombreuses variétés que l’on peut diviser en trois groupes : 1° Les betteraves potagères qui se distinguent surtout par la couleur de leur chair, qui est rouge ; les variétés jaunes sont moins estimées. Elles servent à l’alimentation de l’homme, qui les mange, soit crues (en salade), soit cuites ; 2° Les betteraves fourragères qui, à leur tour, se laissent diviser en trois sections : a) Betteraves disettes – Chair blanche veinée de rose. Très productive. b) Betteraves globes. – Rondes, collet vert. Sortent en partie de terre. c) Betteraves ovoïdes. – Peau couleur orange, assez volumineuse, conservation facile à l’aide d’un coupe-raisins, on divise les betteraves en tranches que l’on donne à manger aux bestiaux, généralement mêlées à de la paille hachée et à des bulles de céréales. On s’en sert surtout pour des bœufs, les vaches et les moutons. Aux porcs il faut les donner cuites ; 3° Les betteraves sucrières, d’où on extrait le sucre après en avoir tiré le jus et l’avoir clarifié.
PLANCHE IV
22. AIRELLE ROUGE (Vaccinium vitis-idæa), ou Herbe rouge. – Cette vacciniée est un tout petit arbrisseau qui pousse dans les bois montagneux. Sa fleur (b) est blanche. Ses fruits sont des baies rouges comestibles et dont on peut faire des compotes ou des confitures. 23. FRAISE (Fragaria). – D’après les renseignements donnés par M. Henri Coudon, la culture de la fraise est relativement récente puisqu’elle ne remonte qu’au XVIe siècle. Après être restée longtemps limitée au potager et au jardin fruitier, elle a pris de plus en plus d’extension, et aujourd’hui elle occupe des surfaces importantes. Les principales variétés cultivées sont : la Marguerite Lebreton, la Victoria et la Vicomtesse Héricart de Thury. La presque totalité de ces fraises est expédiée à Paris et à Londres, puis à Lyon, Genève, Montpellier et Cette. En Bretagne, il existe également de grands centres de production. A Plougastel, on cultive plus de 500 hectares de fraisiers, dont les produits sont expédiés surtout en Angleterre. Aux environs de Paris, on s’adonne beaucoup à cette culture depuis quelques années. Dans la vallée de l’Yvette, il existe environ 300 hectares de fraiseraies ; on en compte de 800 à 1000 dans les communes que traverse la Bièvre, avant d’entrer dans Paris, et plus de 500 dans la vallée de l’Orge. A Paris, la fraise est, sans contredit, le fruit qui se vend le mieux et celui qui arrive en plus grande quantité sur le marché. Les forts arrivages aux Halles durent environ six semaines. Ils comprennent, en premier lieu, les fraises du Midi de la France, qui arrivent par chemin de fer, pendant 21 jours. Puis ces arrivages cessent et sont remplacés par les apports directs des cultivateurs qui amènent, au moyen de voitures, les fraises plus tardives des environs de Paris et dont la saison dure également 21 jours. La vente subit des fluctuations assez grandes, comme on le voit par les chiffres suivants : 1895, 330 285 kilogrammes, 1896, 328 155 kilogrammes ; 1897, 508 510 kilogrammes ; 1898, 181 610 kilogrammes ; 1899, 266 320 kilogrammes. Mais le pavillon officiel de la Ville de Paris (pavillon n° 6) est concurrencé par environ 80 maisons de commission et 50 approvisionneurs qui, par suite d’une tolérance de la Préfecture de police, vendent également de la fraise dans le périmètre des Halles et sur le carreau forain. Il en résulte que les transactions sur la fraise sont plus importantes au dehors que dans le marché officiel. On estime que les quantités vendues au pavillon n° 6 ne représentent que 1/40 des apports généraux faits par chemin de fer et on évalue à 12 810 000 kilogrammes la quantité de fraises arrivant annuellement par voie ferrée et vendue dans le périmètre des Halles. Au « carreau forain », on en vend environ 5 750 000 kilogrammes, ce qui fait en tout 18 560 000 kilogrammes. Il est facile d’évaluer le rendement en argent de la vente de ces fraises. Les prix pratiqués au pavillon n° 6 ont été, en 1899, d’après les relevés officiels, de 1 fr. 07 à 0 fr. 56 le kilogramme, soit en moyenne de 0 fr. 81 le kilogramme. Au carreau forain, le prix moyen a été de 0 fr. 70. La valeur totale des fraises vendues à Paris en 1899 a donc été de 14 401 100 fr. Après les deux grandes saisons dont il a été parlé plus haut, il arrive de Rouen, Bourg-la-Reine, Saint-Cloud, etc., de petites quantités de fraises des quatre saisons. Ces arrivages durent de juin à octobre ; ils sont peu importants, environ 100 kilogrammes par jour. Les prix varient de 2 à 3 francs le kilogramme et le chiffre de vente annuel dépasse rarement 35 000 francs. La culture de la fraise est très rémunératrice, mais elle exige beaucoup de soins et de main d’œuvre. Les frais d’établissement d’une fraiseraie sont élevés et sa production n’est guère que de trois années. Même dans les meilleures terres à fraises, la fumure donnée au début agit surtout sur les deux premières récoltes, et après la troisième, le cultivateur se trouve dans la nécessité de retourner son champ pour procéder à une nouvelle plantation. Des constatations faites par M. Coudon, il résulte qu’après avoir été essayée dans presque toutes les communes des environs de Paris, la culture de la fraise s’est concentrée à peu près exclusivement sur les terres qui appartiennent à la formation dite des sables de Fontainebleau. Ces sables forment des sols légers, siliceux, profonds, drainés naturellement et dont les propriétés physiques conviennent parfaitement à la culture du fraisier. L’ennui des fraisiers, c’est que ce sont des plantes très exigeantes, surtout en azote et en potasse, et que, par suite, elles épuisent rapidement le sol. Les petites fraises des quatre saisons sont, à cet égard, les plus désagréables. Dans les grosses fraises, les exigences sont différentes, suivant les variétés. Les suivantes peuvent se classer, à ce point de vue, par ordre décroissant : Président Thiers, Jucunda, Eléonor, Sir Joseph, Paxon, Héricart de Thury. Cette dernière est celle que les marchands fruitiers, peu respectueux de l’exactitude, appellent « la Ricar » ; c’est d’ailleurs elle qui, à égalité de végétation, donne les plus forts rendements en fruits. M. Coudon a constaté que le fraisier est extrêmement sensible à l’action des engrais chimiques mis au printemps en couverture. Chacun des trois éléments fertilisants fondamentaux, azote, acide phosphorique, potasse, a une action très marquée sur la production des fraises. Avec une fumure au nitrate de soude, superphosphate et chlorure de potassium, représentant, comme prix d’achat, une dépense annuelle de 330 francs par hectare, on a vu augmenter la récolte de fraises de 47,80 % en 1897 et de 85,7 % en 1898. Cette fumure complémentaire a procuré une augmentation de bénéfices nets, par hectare, de 3 000 francs en 1897 et de 2 940 en 1898. Si on compare la valeur argent des engrais chimiques ajoutée à celle de l’excédent de récolte résultant de leur addition, on voit qu’avec une faible dépense on peut, sans nuire à la qualité des fraises, obtenir une surproduction importante se traduisant, tout compte fait, par un bénéfice net très élevé. Enfin, résultat non moins intéressant, par l’addition d’engrais chimiques, il est en outre possible de prolonger la durée d’une fraiseraie au-delà des limites adoptées par la pratique culturale. 24. VIGNE. (Vitis vinifera). – La vigne représente la plus grande richesse du sol français, qui se prête admirablement à sa culture, et donne des produits d’une finesse appréciée dans le monde entier. On sait que c’est une plante ligneuse dont les rameaux grimpent à l’aide de vrilles. Les fleurs (b) sont disposées en grappes et ne présentent d’autres particularités que d’être vertes et de s’épanouir en rejetant le calice en un seul bloc. Aux fleurs succèdent des baies vertes ou noir bleu dont la saveur sucre est appréciée de tous. Ces baies, pressées, laissent écouler un jus sucré qui ne tarte pas à fermenter et à donner du vin. En distillant le résidu solide du pressage, on recueille une excellente eau-de-vie de marc. La culture de la vigne n’est pas par elle-même très difficile, mais elle le devient par suite des très nombreux ennemis qui l’attaquent. Ces ennemis sont représentés surtout par des champignons microscopiques : c’est l’Oïdium, le Mildiou, le Black-rot, l’Anthracnose, le Pourridié, etc. ; on en vient à bout notamment à l’aide de la « bouillie bordelaise », mélange à base de sulfate de cuivre, et des pulvérisations de soufre. Les ennemis animaux ne sont pas moins nombreux : l’Altise, la Cochylis, etc. et surtout le phylloxéra, petit puceron qui attaque les feuilles et les racines. Il ya un certain nombre d’années, il a failli anéantir le vignoble français ; on en est venu à bout, après une lutte opiniâtre, à l’aide de traitements appropriés (inondation momentanée des vignobles, injection de sulfure de carbone dans le sol) et l’emploi, en greffage, de cépages américains, qui ne sont pas attaqués par le phylloxéra. 25. HOUBLON (Humulus lupulus). – Le Houblon, de la famille des urticées, est une planche grimpante, dont la tige s’enroule autour des supports. Elle est dioïque, c’est-à-dire qu’elle possède deux sortes de fleurs. Les fleurs mâles (b) sont en grappes lâches et ne possèdent qu’un calice et des étamines. Les fleurs femelles (c) sont réunies en cônes (a) qui constituent la partie utilisable. On fait sécher ces cônes à l’étuve, et on s’en sert à aromatiser la bière ; pour les bonnes bières, il faut en employer environ 1 kilogramme par hectolitre. Avec les cônes seuls et bouillis on peut aussi obtenir une boisson hygiénique, un peu amère. 26. PRUNIER (Prunus domestica). – Le prunier est un arbre, en général d’assez petite taille, qui porte des rameaux grêles, avec des feuilles allongées et poilues en dessous. Les fleurs naissent sur les rameaux d’un an et donnent un fruit à noyau de forme variable avec les variétés. Celles-ci peuvent en diviser en prunes de table et en prunes de séchage. Les meilleures prunes sont la jaune hâtive, la mirabelle précoce, la reine-claude, la petite mirabelle, la grosse mirabelle, la reine-claude violette, la prune goutte d’or de Coi. Parmi les prunes de séchage, les plus recommandables sont : la quetsche hâtive, la prune d’Agen, la prune de Sainte-Catherine, la reine-claude de Bavay. Toutes ces prunes peuvent se propager pour semis, mais, si l’on veut conserver leurs caractères dans toute leur pureté, il vaut mieux avoir recours au greffage, qui s’opère sur le Prunier Saint-Julien dans les terres de bonne qualité et sur le prunier mirobolan dans les sols calcaires. On cultive en espalier, en palmette, en candélabre, en éventail, en pyramide. Les prunes se mangent fraîches et sont la plupart exquises ; on en fait aussi des conserves à l’eau-de-vie et des compotes. On les sèche sur une grande échelle pour obtenir les pruneaux, dessert recommandable, mais un peu laxatif. 27. GROSEILLIER A GRAPPES (Ribes rubrum). – Cet arbrisseau appartient à la famille des grossulariées. Ses fleurs sont vertes et disposées en grappes. Les baies qui leur succèdent sont blanches ou rouges ; leur saveur sucrée et acidulée les fait employer comme fruits de table ; mais on en emploie une bien plus grande quantité pour faire de la confiture ou du sirop. 28 GROSEILLIER À MAQUEREAU (Ribes Uva-crispa), appelé aussi groseillier épineux. – Il appartient à la même famille que l’espèce précédente ; ses tiges sont armées d’épines disposées par trois. Les fleurs sont solitaires, rouges, et donnent une baie (b) volumineuse, velue et à goût très acidulé. Le groseillier épineux est peu cultivé en France, où il est facile de lui substituer, dans les jardins, des arbres de plus de valeur ; il est même à peu près inconnu dans le midi, dont le climat trop sec ne lui convient pas, mais il en est autrement en Angleterre, où sa culture est devenue une branche importante de l’industrie locale. Elle s’y fait sur une assez grande échelle, et nulle part on ne voit de plus nombreuses et de plus belles variétés de cet arbuste. On pourrait presque dire que le groseillier épineux y remplace la vigne, attendu que son fruit, soumis au pressoir, donne une boisson alcoolique, une sorte de vin (goose-berry Wine) qui est loin d’être sans valeur ; néanmoins son principal usage est de servir à confectionner des tartes et autres pâtisseries de ménage très populaires en ce pays, et auxquelles on l’emploie même avant sa maturité. La culture en est soignée ; elle y est d’ailleurs favorisée par le climat frais et humide ; mais elle a un ennemi redoutable dans une petite chenille du groupe des phalènes, qui se multiplie, dans certaines années, au point de ne pas laisser une feuille sur les groseilliers, ce qui annihile la récolte et souvent même compromet la vie des arbustes. De même que les autres groseilliers, celui-ci se multiplie de graines, dont les plants sont élevés en pépinières et mis en place la seconde ou la troisième année ; mais on le multiplie davantage encore de drageons enracinés, qui reproduisent fidèlement leur variété. On l’élève soit en arbuste sur une seule tige, soit en buisson avec plusieurs tiges, quelquefois en palmette d’espalier ou de contre-espalier. On le soumet alors à une certaine taille, qui a surtout pour but de retrancher les branches superflues. Le groseillier ne fructifiant bien que dans les terrains un peu frais, il est avantageux de lui donner quelques arrosages dans le courant de l’été (Decaisne). Cet arbuste doit son nom un peu bizarre à ce que ses baies, incomplètement mûres, servent souvent, grâce à leur acidité, à assaisonner les poissons appelés maquereaux. NOTES : (1) Voir Les plantes qui guérissent, pl III, fig. 29. (2) Voir : Les plantes qui tuent. Planche I, fig. 2. |