Audiobooks by Valerio Di Stefano: Single Download - Complete Download [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Alphabetical Download  [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Download Instructions

Miguel de Cervantes y Saavedra - Don Quijote de la Mancha - Ebook:
HTML+ZIP- TXT - TXT+ZIP

Wikipedia for Schools (ES) - Static Wikipedia (ES) 2006
CLASSICISTRANIERI HOME PAGE - YOUTUBE CHANNEL
SITEMAP
Make a donation: IBAN: IT36M0708677020000000008016 - BIC/SWIFT:  ICRAITRRU60 - VALERIO DI STEFANO or
Privacy Policy Cookie Policy Terms and Conditions
A. de Custine : Les amitiés littéraires en 1831 (1832)
CUSTINE, Astolphe marquis de (1790-1857) : Les amitiés littéraires en 1831 (1832).
Saisie du texte et relecture : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (12.V.2009)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur un exemplaire (BmLx : nc) de Paris ou le livre des cent-et-un, Tome V, publié à Paris : Chez Ladvocat en 1832.
 
Les amitiés littéraires en 1831
par
Astolphe de Custine

~~~

J’étais seul, assis à ma table ; je taillais mes plumes, ce qui veut dire que je n’avais guère d’envie d’écrire, quoique le loisir ne me manquât pas !..... Mais bientôt les souvenirs ranimèrent ma pensée : je me reportai vers les lieux que j’ai parcourus il y a peu de temps, et les noms fameux, et les sites extraordinaires de l’Andalousie, de l’Afrique, me rendirent toutes les inspirations de la poésie !

La tragédie dont j’ai tracé le plan, et que j’ai commencée pendant ce voyage, m’apparut dans toute sa simplicité !... Ce drame sans amour, animé seulement par la double peinture de la chevalerie mauresque et chrétienne, et par les combats de la tendresse maternelle, me semblait susceptible des beautés les plus neuves et les plus sublimes. Une foule d’idées accessoires se présentaient à mon imagination pour fortifier les couleurs du sujet et pour faire ressortir les scènes les plus pathétiques. Je me sentais transformé en un esprit créateur ; une force supérieure s’emparait de mon âme ; une fontaine de vie coulait dans mon coeur : tous mes désirs étaient nouveaux, toutes mes impressions inconnues !... Sentir vivement, c’est toujours faire une découverte !... Quelles larmes délicieuses m’arrachait l’amour du devoir et de la patrie !!!.. Comme je souffrais, avec mon héros, des peines de l’ambition, même lorsqu’elle est noble et légitime !!.. Et l’amour maternel !... que de secrets il me révélait !... J’écrivais des vers, je dessinais des scènes avec la rapidité de la pensée ; dans mon ivresse poétique il me semblait impossible de ne pas faire partager au monde entier mes émotions, mon enthousiasme ; je me sentais le maître des coeurs : j’étais heureux !!...

Quelle fut ma joie en me voyant interrompu par deux amis, à qui j’allais pouvoir communiquer une partie de mon bonheur, que j’allais entraîner dans mes songes, enchanter de mes illusions !... J’essayerais mes conceptions sur leur esprit !... ils me confirmeraient dans mes espérances, ils m’encourageraient dans mes efforts !... Oserai-je l’avouer, plus tard ils me causèrent en s’en allant un second plaisir, presque aussi vif que le premier !

Pour expliquer cette contradiction, il est nécessaire de raconter notre conversation. Mais avant de commencer ce récit, je veux tracer le portrait des deux personnes qui vont y jouer les principaux rôles, et dont j’avais un peu oublié le caractère, au moment où je me réjouis de leur arrivée !.....

Le plus âgé, que j’appellerai l’impartial, est un homme qui n’est ni jeune ni vieux, ni beau ni laid, ni riche ni pauvre, ni bon ni mauvais, et cependant il n’était rien moins que tiède ou médiocre par nature. C’est un de ces caractères défaits par la société, rendus inactifs, tout en nuances, et comme il s’en trouve tant aujourd’hui ! Les contrastes, dans ces esprits-là, s’expliquent par la paresse, et se fondent dans une teinte générale de douceur, qui atteste, dit-on, les progrès du genre humain : on appelle cette mansuétude de la tolérance, pour lui donner le relief de la vertu ! Je voudrais la nommer découragement ! Mon impartial joint à cette indulgence presque physique, un sens très-délié qu’il applique à découvrir la force des arguments les plus divers ! Il fait consister le bon goût à n’être de son opinion que tout juste autant qu’il faut pour bien prouver qu’il comprend, je dirais même qu’il justifie l’avis contraire.

En politique, il est carliste, mais il se tue à répéter qu’il ne remuerait pas le bout du doigt pour ramener la dynastie déchue.

En littérature, il est classique ; mais il ne parle que d’innovations littéraires ; le mot création revient à chaque instant dans sa conversation. Pourtant, Dieu lui a donné le goût antique jusqu’à l’exclusion.

Sans être hypocrite, il s’est refait lui-même ; ses faussetés ne sont pas des trahisons, ce ne sont que des prétentions !!! Mon ami est un homme d’esprit timide ; et en fait d’idées, la timidité équivaut quelquefois à l’absence.

Dans les arts, la tactique de ce faux impartial consiste à affecter une extrême indulgence pour les essais de la nouvelle école. Sa grande prétention est d’être de son temps, de comprendre son temps ; cependant il n’a pas ce qu’il faut pour jouir du mérite particulier des écrivains modernes ! On croit voir une beauté surannée qui se pare des habits de sa fille et se traîne au bal, où pourtant elle ne dansera pas !

Singulier résultat des influences d’une société arrangée comme la nôtre !!!! Un homme de ce non-caractère à Paris, aujourd’hui, peut avoir reçu de la nature beaucoup d’âme, d’esprit, et il n’en est pas moins dans la dépendance de gens en tous points fort inférieurs à lui.

Rien ne m’a paru caractériser notre époque comme le fanatisme avec lequel cet impartial ami défend un parti qui n’est pas le sien ! Le naturel seul plaide sa cause avec modération : on exagère toujours les sentiments qu’on adopte, parce qu’on n’en a pas la mesure, et qu’on se jette dans la passion pour voiler l’affectation.

Je n’oublierai jamais l’embarras de mon ami dans les discussions provoquées par la sotte querelle des classiques et des romantiques. Heureusement pour notre réputation en Europe, cette oiseuse dispute a duré peu, même à Paris, où il est si rare de voir une cause de dissension quelconque cesser entièrement ! Enfin, pour terminer le portrait de ce personnage, je dirai qu’il est né bon critique, et que s’il ne vivait dans un temps où l’on est convenu de n’attacher de prix qu’aux effets dramatiques, il serait singulièrement sensible à toutes les manières d’analyser les affections de l’âme, à toutes les délicatesses, à toutes les nuances du langage ; mais comme la peinture du coeur et le charme de l’expression sont le mérite distinctif de l’élégant Racine, il ne se permet jamais de prononcer le mot suranné de style, même lorsqu’il juge un poète, ni de reprocher aux auteurs modernes leur affectation de simplicité, aux acteurs leur trivialité qu’ils nous donnent pour un retour  vers l’imitation du vrai !.. Aussi, mon pauvre homme de goût en est-il réduit, malgré tout son esprit, à dire, en écoutant tel drame que je ne nommerai pas, et tel acteur que tout le monde nommera : « Je n’aime pas le théâtre moderne, mais je ne remuerais pas le bout du doigt pour ramener Corneille, Racine et Voltaire joués par Lekain et Mlle Dumesnil. »

Si l’hypocrisie par intérêt est bien odieuse, il faut avouer que l’hypocrisie par amour-propre est bien ridicule ! Celle-ci n’a pas encore trouvé son Molière !

La personne qui se rencontra chez moi avec le faux impartial, était un novateur honteux, caractère du même genre que l’autre, mais qui agit en sens contraire ! C’est un de ces jeunes écrivains plus politiques que littéraires, et qui voudraient diriger l’empire de l’imagination avec la même ardeur qu’on met à conduire ou à troubler les états. Mais ce petit tyran libéral a déjà une assez forte dose d’expérience précoce, pour savoir que le calme est nécessaire lorsqu’on veut atteindre au but des passions, et il renie ses amis, ses opinions, afin de les mieux servir !

Cette espèce d’ambitieux affecte surtout l’insouciance ; de tels hommes se taisent par vanité comme on parle. Depuis que la parole est usée, l’effet ne se produit que par le silence ; pas sur moi cependant, car je préfère toujours l’abandon à ce calcul ; et la profondeur des gens qui ne disent rien, m’échappe ou m’éloigne !... J’aime mieux une chaise qu’un pareil ami.

Celui-ci, connaissant mon aversion pour le silence devant témoins, parle quand il vient chez moi ; mais dans le monde, rien ne peut l’engager à renoncer à la réputation de penseur, qu’il perdrait sans doute, si jamais il devenait assez bon homme pour dire ce qu’il pense !

Le monde se croit, je ne sais pourquoi, ou plutôt je le sais bien, obligé de se déclarer le grand rémunérateur de toutes les sottises qu’on fait pour lui ! Il ressemble à ces personnes qui prennent les minauderies d’une coquette pour une marque de préférence ; il est flatté de tout, excepté de ce qui lui paraît vrai ; car il sait bien que la vérité ne vient pas de lui !

Aujourd’hui, un novateur prudent craint surtout d’être classé. Le mien a remarqué que l’esprit, pour s’arranger à la dernière mode, doit se déclarer libre, libre au point de ne pas même s’unir aux amis de la liberté ! Un homme indépendant, comme il fallait l’être cet hiver, trouve en soi-même ses prôneurs, ses disciples, ses maîtres, son école, et je crois jusqu’à son public ! Mon jeune sage et donc un des types les plus agréables de ces esprits habillés de neuf à chaque saison, et qui, adoptent tous les trois mois une doctrine assez féconde pour fournir à la conversation, même à celle de la presse, jusqu’au jour où quelqu’un de ces grands événements, qui se font rarement attendre chez nous, leur permettra de changer de thème sans qu’on s’en aperçoive.

Mais il est temps de retourner à ma place, et de me mettre en scène avec mes deux interlocuteurs !


DIALOGUE
ENTRE L’IMPARTIAL, LE NOVATEUR, ET LE POÈTE.


LE POÈTE. Jamais vous n’êtes arrivés plus à propos !

LE NOVATEUR (s’asseyant près de l’impartial.) Nous venons vous apporter une bonne nouvelle : enfin, vous pouvez faire paraître votre petit poème de Saint François de Paule et Louis XI.

LE POÈTE. Je fais autre chose.. Vous me trouvez occupé de...

L’IMPARTIAL. Casimir Delavigne va faire donner à la Comédie-Française la tragédie de Louis XI.

LE POÈTE. Ah !... J’en suis bien aise ! Mais, qu’est-ce que cela fait à ma légende en vers ?

L’IMPARTIAL. Comme il est simple !... Vous devinez notre pensée.

LE POÈTE. Non, réellement, je ne devine pas !

L’IMPARTIAL. Vous ne devinez pas ce que peut faire à votre poème la représentation de cette tragédie ?... Vraiment ?

LE POÈTE. Vraiment !

LE NOVATEUR. Elle le fera lire, mon ami !

LE POÈTE. Merci de la leçon ! Si les amis d’aujourd’hui ménagent peu notre amour-propre, il est juste de dire qu’ils soignent extrêmement notre modestie !

L’IMPARTIAL. Il est bien question de modestie !!!

LE NOVATEUR. C’est vrai, pensons à votre réputation, et laissons là votre mérite !!! On ne lit rien chez nous qu’à propos d’autre chose ; nul ouvrage n’est apprécié d’après ce qu’il vaut, mais d’après ses rapports avec ce que nous aimons ou haïssons ; le public a perdu les sentiments simples, l’intérêt direct ne lui suffit plus, et la littérature moderne ne vit que d’allusions, ne marche que par ricochets !...

LE POÈTE. Combien vous me découragez ! Si je vous croyais, je ne ferais plus un vers !...

L’IMPARTIAL. A quoi sert de médire de l’esprit d’un siècle ? Une nation, une génération ont toujours de bonnes raisons pour être comme elles sont !...

LE NOVATEUR. Vous, l’Impartial, vous vous faites le défenseur de la mode ; mais moi qui hais l’arbitraire...

L’IMPARTIAL. Je conçois très-bien qu’on méprise la mode lorsqu’on veut rester ignoré ; mais quêter les suffrages du public sans respecter son goût, c’est une inconséquence.

LE POÈTE. Pourriez-vous m’expliquer ce que vous entendez aujourd’hui par le goût du public ?

L’IMPARTIAL. Cela se sent mieux qu’on ne l’explique ; d’ailleurs, les explications ne servent à rien. Les livres qui ont du succès sont les meilleurs indicateurs du goût d’une nation.

LE POÈTE. Il y a tant de petits publics en France, que tout livre a son succès.

L’IMPARTIAL. Oui, mais le vrai succès n’est que pour les livres qui se vendent. Un bon ouvrage ignoré n’en vaut pas un mauvais en vogue. Eussiez-vous la facilité de Voltaire, eussiez-vous du génie, il faudrait encore la vogue pour les faire valoir ! Ne connaîtrez-vous jamais l’esprit du monde où vous vivez ? Les livres ne font plus la réputation de leurs auteurs, ce sont les auteurs qui font celle de leurs livres ! aussi faut-il que tout libraire soit homme de lettres, et tout littérateur libraire !... Telle est la loi du jour !... On doit s’y soumettre, ou bien on est perdu !

LE POÈTE. J’aime à vous voir justifier la despotique anarchie de notre siècle, vous qui êtes né cinquante ans après le vôtre !... Qu’en dit le Novateur ? Il est de son temps, lui !

LE NOVATEUR. Mon temps ?... Ne m’en parlez pas ! Ce siècle est vain, froid et paresseux, il ne lit que sur parole, n’admire que des noms !.... Depuis que la liberté gouverne, c’est la routine qui pense !

L’IMPARTIAL. Je n’aime pas cette génération-ci ; mais je la comprends, et je sais comment elle veut être menée.

LE NOVATEUR. Je vous en félicite ; vous êtes plus avancé que moi ? Mais, messieurs, revenons au fait : c’est le moment de publier Saint François de Paule* !...

LE POÈTE. Non, car je fais une tragédie.

LE NOVATEUR. Tant pis !... Sur quel sujet ?...

LE POÈTE. Sur un sujet espagnol, chevaleresque, sans amour !...

L’IMPARTIAL. Sans amour !... C’est bien froid !

LE POÈTE. Pas du tout. L’amour est usé... C’est l’amour maternel que je veux peindre.

L’IMPARTIAL. Rien n’est usé pour le talent.

LE NOVATEUR. L’amour maternel a été peint aussi bien que l’autre, et il est moins fécond. Laissez là votre tragédie, croyez-moi, et pensez à votre poème.

LE POÈTE. La vie d’un saint !... Quelle idée !....

L’IMPARTIAL. Gardez-vous  de le donner sous cet humble titre... On l’appellera fragment du dixième chant d’un poème sur la vie des saints !

LE POÈTE. C’est une charlatanerie.

L’IMPARTIAL. Tant mieux !...

LE POÈTE. Un mensonge.

L’IMPARTIAL. Encore mieux !

LE POÈTE. On se moquera de moi plus tard !...

L’IMPARTIAL. On aura bien autre chose à faire !... Publiez des riens, en annonçant un grand ouvrage, pourvu qu’il ne paraisse jamais, vous irez de pair avec les premiers hommes du siècle. De nos jours, les réputations littéraires se font surtout avec les livres qu’on promet.

LE NOVATEUR. L’Impartial a raison, depuis que les auteurs n’ont plus d’imagination, ils exploitent celle des lecteurs !

LE POÈTE. Quoi ! mon cher Novateur, vous vous moquez du système des réticences en littérature ! vous qui n’en avez pas d’autre en conversation ?...

LE NOVATEUR. Parlons de vous et de votre ouvrage !

LE POÈTE. Je vois bien que je n’aurai jamais le moindre succès !

L’IMPARTIAL. Parce que vous n’en voulez pas avoir !... Vous travaillez consciencieusement, vous publiez simplement ; c’est ne pas connaître le terrain où vous voulez semer !

LE POÈTE. Je vous arrête à ce mot... L’ouvrage que vous me conseillez de faire paraître est trop religieux pour le temps et le pays !...

LE NOVATEUR. Raison de plus pour réussir ! La religion a perdu son pouvoir en France, donc elle est à la mode.

L’IMPARTIAL. Peut-être dit-il vrai ! dans un temps aussi extraordinaire que le nôtre, le paradoxe frappe plus juste que le lieu commun !...

LE POÈTE. Mais, mon cher ami, même en adoptant votre idée sur la force de l’esprit de contradiction en France, elle ne me paraîtrait point applicable ! Je ne crois pas la religion aussi ruinée que vous le prétendez, et, pour parler dans votre sens, je pense qu’un auteur qui n’a pas sa réputation faite, risquerait d’autant plus s’il annonçait l’intention de défendre la cause du ciel, que le pouvoir est plus près de rendre au culte ses honneurs... Que m’importe, à moi auteur, d’avoir en ma faveur la majorité muette, si je me mets à dos la minorité bavarde ?

LE NOVATEUR. Ou la religion est forte, ou elle ne l’est pas ! Si elle est faible, vous aurez l’opposition : c’est un succès ! Si elle est forte, vous aurez la France, c’est un dédommagement.

LE POÈTE. Vous connaissez madame***, c’est une personne qui ne perd point ses pas, et qui possède une girouette si fine, qu’elle sait non-seulement d’où vient le vent, mais d’où il va venir !...

LE NOVATEUR. Eh bien ?...

LE POÈTE. Voyez comme elle jeûne !...

LE NOVATEUR. Quel pays !

LE POÈTE. Le pouvoir est toujours entouré de ses dévots : il faut suivre les masques pour savoir où est la force ; chaque révolution accomplie opère un déplacement d’hypocrisie, qui est, pour ainsi dire, le complément de celui des fortunes et des places ! et ce qui me prouve que la nôtre est loin d’être terminée, c’est que je vois encore des tartufes de religion !

L’IMPARTIAL. On pourrait vous opposer les faux philanthropes ; la tourbe ambitieuse flatte aujourd’hui le peuple, comme elle flattait les grands, et la France, dégoûtée de toutes les menteries, fera justice de la tendresse jacobine, comme elle l’a fait de l’ambition jésuitique.

LE NOVATEUR.  Vous croyez ?... Mais revenons à son ouvrage !

LE POÈTE. A ma tragédie ?... C’est un sujet...

LE NOVATEUR. Non, à votre poème !

LE POÈTE. Mon poème est fort peu de chose !

L’IMPARTIAL. Encore de la modestie d’auteur ; quelle vieillerie !

LE POÈTE.  Vous ne me permettez pas de paraître modeste. Quelle mine voulez-vous donc que fasse un pauvre auteur, si on traite sa modestie comme son amour-propre ?...

LE NOVATEUR. Quelle mine ?... Aucune ! pourquoi parler de ses ouvrages ?

LE POÈTE. Mais entre nous !...

LE NOVATEUR. N’avons-nous pas déjà dit que le mérite de ce qu’on publie est la chose du monde la plus indifférente ? Il faut frapper les esprits, et non leur plaire ou les instruire. Parlez avant tout d’accomplir une révolution littéraire ; cela suffira pour votre début !!

LE POÈTE. Une révolution ?... Elle est faite.

LE NOVATEUR. Oui, dans le drame... surtout dans celui qui ne peut pas se jouer.

LE POÈTE. Elle est faite aussi dans la tragédie...

LE NOVATEUR. Qui rit !

LE POÈTE. Dans la comédie !...

LE NOVATEUR. Qui pleure ! Je sais tout cela. Elle est faite dans les romans qui sont de l’histoire ; dans l’histoire qui ne parle qu’à l’imagination ; dans les vers qui sont de la prose ; dans la prose qui est poétique.

LE POÈTE. Cette révolution-là n’est-ce pas la confusion ?...

LE NOVATEUR. Elle est faite dans l’ode et l’élégie, qui nous semblent nouvellement découvertes, tant elles sont perfectionnées !

LE POÈTE, impatienté. Que me reste-t-il donc à dire ?

LE NOVATEUR. Ne le voyez-vous pas ?... Vous avez un rôle superbe à jouer !... Il vous reste l’honneur de renouveler le poème épique. Annoncez donc votre poème épique.

LE POÈTE. Mon poème épique ?

LE NOVATEUR. Que risquez-vous ?... Vous êtes bien sûr... qu’il ne sera jamais lu.

LE POÈTE. Ni même écrit !

LE NOVATEUR. Qu’importe ?

LE POÈTE. Je perdrai ma tragédie si je ne m’en occupe pas tout de suite ; j’étais en verve ! D’ailleurs, vous avez beau dire, je crains la publication de ce petit poème, c’est tenter de faire du bruit sans y réussir !...

LE NOVATEUR. La préface en fera ! Vous direz que Dieu vous appelle à donner une épopée à la France, et l’on vous saura gré de l’entreprise !

LE POÈTE. Mais je n’ai pas seulement arrêté le plan de ce poème qui doit assurer ma réputation !

LE NOVATEUR. Le plan !... En voulez-vous un ?... C’est si vite fait un plan !

LE POÈTE. Oui, depuis les romans à la vapeur, le patron est tout taillé !... Mais un poème est un peu différent !...

L’IMPARTIAL. Pas pour le plan ; demandez à Walter-Scott ?

LE NOVATEUR, se grattant le front. Tenez ! Voici votre poème !... D’abord... il faut innover. (Se tournant vers l’Impartial.) Comment débute le Dante ?

L’IMPARTIAL.  Par une vision !

LE NOVATEUR. C’est cela !... une vision !... Encadrez donc votre vie des saints dans une vision !... Cela fera pendant à la Divine Comédie !... Pensez-y au moins.

LE POÈTE. Pensez-y vous-même !

LE NOVATEUR, inspiré. Figurez-vous un homme qui se perd à la moitié de sa vie dans une forêt obscure : ses pas sont difficiles ; ses regards inquiets ne peuvent découvrir aucune issue, et, tout en cherchant son chemin au loin, il ne voit pas le précipice ouvert sous ses pieds !... Il tombe... il tombe long-temps sans savoir où il arrivera. C’est un voyage à la manière des héros de Byron ! Quand il touche le fond, il se sent mourir !...

L’IMPARTIAL. Déjà !

LE POÈTE. Moi, j’aimerais mieux faire ma tragédie !

LE NOVATEUR. Il ignore le temps qu’il a passé dans l’oubli de lui-même ; en rouvrant les yeux, il se voit pris dans une fente de rochers qui forme caverne, et dont l’issue lointaine se révèle par une faible lueur ! Après bien des peines et des dangers, il parvient en suivant une route bordée de ronces et ornée de bêtes féroces, à la porte d’une ville magnifique : c’est la Jérusalem céleste. N’êtes-vous pas content de cette esquisse ?

LE POÈTE. Que ferai-je dans la Jérusalem céleste ?

LE NOVATEUR. Quelle demande ? Vous n’avez donc pas d’imagination ?

LE POÈTE, à part.  Les amis tiennent à leurs conseils bien plus que nous ne tenons à nos ouvrages !... Où l’amour-propre va-t-il se nicher ?

LE NOVATEUR. Ce que vous ferez dans la Jérusalem céleste ? C’est un poète qui se permet une pareille question ?... un poète !... Mais, mon cher ami, vous y verrez les saints et les saintes dont il vous plaira de nous raconter la vie ! Ces grandes âmes règnent là-haut comme elles souffraient dans ce monde-ci... Par des récits divers, vous varierez les couleurs sans rompre l’unité de votre plan ! Vous reviendrez sur la terre, ou vous vous enfoncerez dans les profondeurs du ciel ! Vous ferez de l’amour, de la piété, du mysticisme, de la philosophie, du sublime si vous pouvez, du gracieux si vous l’osez, de la poésie si vous voulez, du moins je l’espère, et vous reviendrez au point d’où vous êtes parti, sous l’escorte de votre saint favori, ainsi que le Dante est guidé par Virgile : c’est un plan merveilleux ; il faut que vous le suiviez au moins, ou nous nous brouillons avec vous, n’est-ce pas, l’Impartial ?

LE POÈTE. Quelle tyrannie !... J’aime mieux ne rien faire du tout !

L’IMPARTIAL. Que ce dessein d’ouvrage lui agrée ou non, il est essentiel de l’annoncer ; il faut le publier avant sa petite pièce de vers. La promesse vague me paraît un moyen qui vieillit. L’avenir est usé : il faut du positif, même pour éveiller l’espérance !

LE NOVATEUR. Vous avez raison ; imprimer son plan, ce sera neuf ! Car ce sera braver le plagiat dont nos auteurs se défient tellement que la taciturnité est devenue la première condition des amitiés littéraires. Entre poètes, le coeur seul s’épanche et le génie s’économise ! Que je hais ces accapareurs de talent, ces avares d’esprit,... ces...

LE POÈTE, éclatant de rire. Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Ah !

LE NOVATEUR. Qu’avez-vous donc ?

LE POÈTE. Vous allez vous fâcher ; mais je ne puis m’empêcher de remarquer que nous avons l’air de parodier la jolie scène de la Reine d’Espagne, où le médecin conseille au roi le jeûne et la prière, tandis que le confesseur lui ordonne la bonne chère et la société de sa femme.

L’IMPARTIAL. Je ne vous comprends pas !

LE POÈTE. Lisez la pièce ! Elle en vaut la peine ! N’a-t-elle pas eu les honneurs d’une chute éclatante, dans un temps où le drame ne fait que se traîner ?

LE NOVATEUR. Elle était peut-être trop amusante pour nous !...

L’IMPARTIAL. Quel rapport peut-elle avoir avec ce que nous disons ?

LE POÈTE. Le voici : vous, mon ami, tout impartial que vous voulez paraître, vous êtes essentiellement classique. (L’Impartial recule d’horreur.) Et vous, mon cher Novateur, malgré vos réticences, votre éclectisme et vos efforts pour atteindre à l’indépendance, vous êtes romantique.

LE NOVATEUR. Point de classifications ! Elles sont devenues insuffisantes, et par conséquent, injustes.

LE POÈTE. Il faut bien classer pour définir : d’ailleurs le monde ne marche que sous des bannières.

LE NOVATEUR. Je n’en veux pas, elles sont toutes menteuses !

LE POÈTE. Menteuses ou non, il en faut !

LE NOVATEUR. Pourquoi ?... Je ne reconnais que la mienne.

LE POÈTE. Si chacun dit comme vous, voilà le monde partagé en autant de partis qu’il y a d’individus : dès-lors plus de société !...

L’IMPARTIAL. Vous êtes fort amusants tous les deux, mais vos digressions nous empêchent de savoir quel rapport il prétend établir entre notre conversation et la scène du médecin et du confesseur de Charles II.

LE POÈTE. Le voici : vous, classique, vous défendez le goût de notre siècle ; et vous, romantique, (Le Novateur hausse les épaules) vous faites la critique la plus amère de la nouvelle école. Vous m’avouerez que c’est aussi plaisant qu’un confesseur qui prêcherait la vie du monde !

LE NOVATEUR. Plaisant ! je ne sais ! Rien ne l’est aujourd’hui ! Le monde a peur du rire comme un mourant de la dernière convulsion !... Cela prouve seulement qu’après s’être moqué de tout, l’habitude et le besoin du sarcasme font qu’on n’a plus d’autre ressource que de se moquer de soi-même !

L’IMPARTIAL. Triste gaîté !... Mais il se fait tard !... Adieu !

LE POÈTE. Vous partez ?

LE NOVATEUR. Il faut bien nous retirer ; vous nous maltraitez !!

LE POÈTE. A Dieu ne plaise ; mais il suffit d’appeler les gens par leur nom pour les faire fuir. Je voulais vous lire une scène de ma tragédie.

LE NOVATEUR. Songez à mon conseil ! Publiez votre poème, mais précédé de mon plan !

LE POÈTE. Je ferai mieux, je raconterai notre conversation en guise de préface.

LE NOVATEUR. Il vaudrait mieux inventer.

LE POÈTE. Je ne puis !... Les esprits créateurs ont si souvent trompé mon attente que je ne relis que les imitateurs, et cela m’a rouillé l’imagination. En fait d’ouvrages de l’art, je n’aime que ceux où il y a de l’art.

L’IMPARTIAL. C’est vrai ! Vous avez le goût vieux !...

LE POÈTE. J’aime vos épigrammes involontaires contre la mode ; la mode est l’idole dont le culte a gâté le goût français ; elle dégrade jusqu’au génie en le rendant dépendant de circonstances, qu’il devrait dominer ! L’art est de tous les temps, c’est une religion ; les esprits initiés à ses dogmes doivent les respecter avant tout, sous peine de sacrilége. Le poète qui méprise son pays et désespère de son siècle au point de viser à la vogue, à la fortune, abuse des dons du ciel ; les grands talents n’appartiennent pas aux hommes qui les exercent, ce sont des charges qui font partie du patrimoine du genre humain, et l’artiste qui, loin de travailler dans le pur intérêt de l’art, fonde sa réputation sur des concessions (1), est un dépositaire infidèle, un empoisonneur, un faux frère, qu’il faudrait étouffer au lieu de l’applaudir ; car la prostitution de la pensée me paraît la pire de toutes ! La probité dans l’exercice des facultés de l’esprit est la condition exigée par la postérité pour distinguer un écrivain d’un manoeuvre.

LE NOVATEUR. Vous vous mettez en frais d’éloquence, il eût été plus court de nous dire que l’art perfectionne plus qu’il n’invente et que...

LE POÈTE. Aussi n’inventerai-je rien pour ma préface ; je vous ferai parler tous les deux.

L’IMPARTIAL. Nous mettre en scène ! Fi donc !

LE POÈTE. Dans ce siècle de publicité, l’indiscrétion est permise et même commandée. Un secret serait un privilége : plus de priviléges ! C’est le mot d’ordre... je veux dire de désordre !... (Ils rient.) Adieu donc !... Nous nous reverrons bientôt, n’est-ce pas ? (Ils sortent.) Enfin me voilà seul !!! Combien ils m’ont fatigué !... Mais revenons à mon idée ! (Il veut écrire.) Laissons là leur poème et reprenons la scène de ma tragédie où je l’ai laissée... Je n’ai pas seulement pu leur en dire le sujet... Où en étais-je ? Je ne sais ; je ne vois plus que Paris !... Toujours Paris !... Je n’entends que la conversation française ; je ne pense qu’à l’esprit du temps !... L’esprit du temps ! ils n’ont que cela à la bouche !... A quoi me sert à moi l’esprit de mon siècle pour peindre celui d’un autre ?... Ils m’ont fait mal !... Voilà donc le fruit des avis de deux personnes des plus spirituelles que je connaisse !... J’ai perdu mes idées sans pouvoir adopter les leurs ! On veut faire de nous des journalistes. Quelle est la poésie capable de résister à cette fureur d’à-propos qui possède les écrivains du jour ?... Que me font des circonstances indépendantes du mérite de mes vers ? Je ne veux pas m’en servir : un tel oubli de toute fierté, ce serait la prostitution du talent !... Fuyons Paris !... Il faut quitter la société, si l’on veut retrouver la force de travailler pour elle ! On la connaît toujours assez quand on n’est pas entrepreneur de scandale !! Un sujet, c’est un monde, et, pour y bien entrer, on doit fuir celui dont on est entouré !

Telles sont les amères réflexions auxquelles je me livrais en essayant vainement de continuer une scène commencée avec une facilité, avec un enthousiasme que je ne retrouverai plus.

Il y a trois jours que cette conversation m’a troublé dans mes espérances, et depuis trois jours, je ne puis penser à autre chose. Les amis sont devenus si sincères qu’ils rendent toute illusion impossible ; comment conserver la faculté de l’inspiration sans illusion ?

La morale que j’ai tirée de mon mécompte, c’est qu’il ne faut demander des conseils qu’aux esprits capables de nous fournir des modèles ! Les hommes qui travaillent eux-mêmes sont les seuls bons critiques. Celui qui n’emploie son intelligence qu’à juger les productions des autres, sera sévère sans résultat : son souffle est malfaisant ; la paresse est toujours envieuse, et l’envie est le seul hommage décourageant pour l’artiste !... La jalousie excite l’émulation, on peut espérer de la désarmer ; mais l’envie, toute sèche ! nous paralyse parce qu’on sait qu’elle est implacable comme la bassesse .... Il est une hauteur où les rivaux abandonnent le génie ; mais il n’y a pas de mérite trop élevé pour les envieux désintéressés ! Ces hommes haïssent le succès pour eux-mêmes, et quand on veut écrire, il faut les fuir comme le désespoir !...

Adieu donc, mes deux amis !... (2)

A. DE CUSTINE.


NOTES :
(1) Chez nous aujourd’hui la politique préoccupe tellement les meilleurs esprits qu’il n’est peut-être pas inutile de demander au lecteur la permission de faire parler un poète autrement qu’un homme d’état !...
(2) L’auteur de ce dialogue se croit en droit d’avertir qu’il n’a prétendu peindre la littérature parisienne qu’en 1831. Elle est déjà remplacée avantageusement par celle de 1832.


Static Wikipedia 2008 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2007 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2006 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Sub-domains

CDRoms - Magnatune - Librivox - Liber Liber - Encyclopaedia Britannica - Project Gutenberg - Wikipedia 2008 - Wikipedia 2007 - Wikipedia 2006 -

Other Domains

https://www.classicistranieri.it - https://www.ebooksgratis.com - https://www.gutenbergaustralia.com - https://www.englishwikipedia.com - https://www.wikipediazim.com - https://www.wikisourcezim.com - https://www.projectgutenberg.net - https://www.projectgutenberg.es - https://www.radioascolto.com - https://www.debitoformativo.it - https://www.wikipediaforschools.org - https://www.projectgutenbergzim.com