DAUMAS, Melchior-Joseph-Eugène (1803-1871), Général : Principes généraux du cavalier arabe.- Paris : Librairie de L. Hachette et Cie, 1861.- In 32, 61 p.
Saisie du texte et relecture : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (20.XII.2003) Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Orthographe et graphie conservées. Diffusion libre et gratuite (freeware) Texte établi sur l'exemplaire d'une collection particulière. Principes généraux du cavalier arabe
par
le Général Eugène Daumas
~~~~AVANT-PROPOS.
A la nage, les jeunes gens à la nage, Nous avons toujours eu la conviction que les idées pratiques gagnaient à être présentées sous une forme brève et concise. Le seul moyen de vulgariser une vérité est de lui trouver une formule qui soit à la portée de toutes les intelligences et de toutes les mémoires. Nous avons donc essayé de réunir dans quelques pages les principes émis dans un ouvrage (1) que le public a accueilli avec une grande bienveillance, qui a été traduit à l'étranger, et que M. le comte d'Aure, notre célèbre écuyer, n'a pas craint de signaler à l'attention de toute la cavalerie française (2). On ne peut nier la compétence, en matière chevaline, du peuple chez qui le cheval est l'objet de l'affection la plus vive et de la plus constante préoccupation. Les maximes arabes que nous reproduisons ici, joignent à la justesse du fond, le pittoresque de la forme. Cette dernière qualité servira puissamment à les graver dans les esprits auxquels elles s'adressent. L'originalité du langage a eu, de tout temps, pour les imaginations populaires, un attrait dont il nous a semblé qu'on pourrait tirer un utile parti. Il n'est pas un de nos cavaliers qui n'apprenne, avec plaisir, et ne retienne sans peine, des préceptes où l'on trouve la bonhomie du proverbe jointe à la verve de la saillie. Nous aurions pu, assurément, donner un développement à ces axiomes, mais nous aurions été conduits, alors, à composer un traité que nous n'avions pas l'intention d'écrire. J'aime mieux laisser à mes camarades de l'armée une tâche que rempliront admirablement leur intelligence et leur dévouement aux membres de la famille militaire qu'ils sont chargés de conduire. Le général, PRINCIPES GÉNÉRAUX DU CAVALIER ARABE.
CHOIX DU CHEVAL.
Découvre son dos C'est un cheval qui, sans jamais se fatiguer, finit toujours par faire demander grâce à son cavalier. 1.
Achète un bon cheval : si tu poursuis, tu atteins, et, si tu es poursuivi, l'oeil ne saura bientôt plus où tu auras passé. 2
Le cheval de race est bien proportionné ; il a les naseaux larges comme la gueule du lion, le poitrail avancé, le garrot saillant, les reins ramassés, les hanches fortes, les côtes de devant longues, et celles de derrière courtes, le ventre peu prononcé, la croupe arrondie, les rayons supérieurs longs comme ceux de l'autruche, et garnis de muscles comme ceux du chameau, la queue très-grosse à sa naissance, et déliée à son extrémité. 3.
Le cheval doit avoir Quatre choses larges : Le front, Quatre choses longues : L'encolure, Quatre choses courtes : Les reins, 4.
Un cheval noble boit rarement avant d'avoir troublé l'eau ; à chaque instant il crispe les lèvres, ses yeux sont toujours en mouvement ; il abaisse et relève alternativement les oreilles, et tourne son encolure à droite ou à gauche, comme s'il voulait parler ou demander quelque chose. A tous ces caractères, joint-il la sobriété, celui qui le possède peut se considérer comme ayant deux ailes. 5.
Les Arabes veulent encore chez le cheval : De la gerboise, De la gazelle, De l'antilope, De l'autruche, Du lévrier, Du sanglier, Et de la vipère, 6.
En allongeant l'encolure et la tête pour boire dans un ruisseau qui coule à fleur de terre, si le cheval reste bien d'aplomb, sans replier l'un des membres antérieurs, soyez assuré qu'il a des qualités, et que toutes les parties de son corps sont en harmonie. 7.
Pour avoir un bon cheval, cherche-le, large, et achète : l'orge le fera courir. 8.
Préfère le cheval de montagne au cheval de plaine, et celui-ci au cheval de marais, qui n'est bon qu'à porter le bât. 9.
Prends, autant que possible, pour la guerre, des chevaux entiers : un cheval castré est réduit au degré de la jument, et il est reconnu que, partout, la femelle est plus faible que le mâle. 10.
Choisis des robes franches et foncées. 11.
N'achète jamais, pour ton service, un cheval qui, lorsqu'on lui rend la main, dit: retiens-moi ; et, quand on le retient, dit : lâche-moi. 12.
Ne te charge jamais d'un cheval malade ou blessé ; vînt-on à te dire que ce n'est là qu'un accident passager. Souviens-toi du dicton de nos pères : Ruiné, fils de ruiné, 13.
Prends toujours, pour la fatigue et les combats, un traîneur avec sa queue (cheval de sept ans et au-dessus). Le jour où les cavaliers seront tellement pressés que les étriers se heurteront, lui seul pourra te sortir de la mêlée et te ramènera dans ta tente, fût-il traversé d'une balle. Nos anciens ont dit : Sept ans pour mon frère, 14.
Méfie-toi du cheval qui mouille sa musette en mangeant l'orge, qui goûte l'eau du bout des lèvres, dont l'anus est béant et venteux, ou dont les crottins ne sont pas égaux. 15.
Le cheval dont le poitrail est enfoncé, fuis-le comme la peste. 16.
Pour t'assurer promptement de la valeur d'un cheval, mesure-le depuis l'extrémité du tronçon de la queue jusqu'au milieu du garrot ; et puis, du milieu du garrot, jusqu'à l'extrémité de la lèvre supérieure, en passant entre les oreilles. NOURRITURE.
Donne de l'orge et abuse. O mon Dieu ! sauve-nous et sauve nos chevaux ! 17.
Donnez de l'orge à vos chevaux, privez-vous pour leur en donner encore : Sidi Hamed Ben Youssouf a dit : Et il a ajouté : Au-dessus des éperons il n'est que l'orge (5). 18.
Choisissez de l'orge pesante sans mauvaise odeur, et dégagée de la terre qui s'y mêle dans les silos, ainsi que de ces grains flétris et noirs qui ont été frappés par le vent du sud. 19.
Le Prophète a dit : Chaque grain d'orge donné à vos chevaux vous vaudra une indulgence dans l'autre monde. 20.
Ne laisse jamais ton cheval à côté d'autres chevaux qui mangent l'orge, sans qu'il la mange aussi. 21.
Préfère la paille d'orge à la paille de froment et ne donne jamais cette dernière avant l'automne. 22.
Quand tu peux faire autrement, ne donne pas de vert à ton cheval de guerre. 23.
Ne permettez ni aux chiens, ni aux ânes de se coucher sur la paille ou sur l'orge que vous devez donner à vos chevaux. 24.
Quand tu viens d'acheter un cheval, étudie-le avec soin, donne-lui l'orge progressivement jusqu'à ce que tu sois arrivé à la quantité qu'exige son appétit. 25.
La nourriture du matin s'en va au fumier, celle du soir passe à la croupe. 26.
Le cheval marche avec la nourriture de la veille, et non avec celle du jour (6). BOISSON.
Fais boire avec la bride Quels sont ceux qui me pleureront après ma mort ? 27.
Soyez très-scrupuleux sur le choix de l'eau que vous donnez à vos chevaux. 28.
En hiver ne fais boire qu'une fois par jour, à une heure ou deux de l'après-midi, et ne donne l'orge que le soir au coucher du soleil. C'est une bonne habitude de guerre, et, en outre, le moyen de rendre la chair du cheval ferme et dure. 29.
En été fais boire deux fois par jour, le matin, de bonne heure, et, le soir, après le coucher du soleil. 30.
Faire boire au lever du soleil, fait maigrir le cheval. 31.
Ne fais jamais boire après avoir donné l'orge, ce serait tuer ton cheval. 32.
Ne fais jamais boire ton cheval après une course rapide ; tu risquerais de le voir frappé par l'eau (arrêt de transpiration). 33.
Cependant, quand, à la guerre, ou à la chasse , tu as mis ton cheval en nage et que tu rencontres un ruisseau, ne crains pas de laisser ton cheval avaler 7 à 8 gorgées avec son mors. Cela ne lui fera aucun mal, et lui permettra, au contraire, de continuer sa course. 34.
Après des fatigues excessives, fais boire avec la bride, fais manger avec la sangle, et tu t'en trouveras toujours bien. 35.
Un cavalier, dans le désert, est bien prés d'être méprisé quand on peut dire de lui : Son cheval boit de l'eau trouble (7). HYGIÈNE.-SOINS.
Aimez les chevaux, soignez-les, Mon cheval vaut mieux que tout, 36.
Tenez vos chevaux propres (8). On conduisit un jour un cheval au Prophète, il l'examina, se leva et sans mot dire, il se mit à le frotter, n'ayant pas autre chose sous la main, avec la manche de son vêtement. « Quoi ! même avec vos vêtements ? lui dirent les assistants. - Certainement, répondit-il, et c'est l'ange Gabriel qui m'a plus d'une fois réprimandé et ordonné d'en agir ainsi. » 37.
Préserve ton cheval, avec une égale persévérance, et des froids rigoureux et des chaleurs excessives. 38.
Pendant la nuit, été comme hiver, couvre bien ton cheval. Le froid de l'été 39.
Au bivouac choisis un terrain sec, à l'abri des courants d'air, uni , éloigne de ton cheval la boue, les excréments, l'urine, et place-le de manière que l'avant-main soit un peu plus élevée que l'arrière-main. Placer ton cheval le devant plus bas que le derrière, c'est vouloir la ruine de ses épaules. 40.
Lorsqu'il fait chaud, et que tu le peux, lave ton cheval matin et soir. 41.
Après une longue course, ou bien desselle immédiatement ton cheval et jette-lui de l'eau froide sur le dos, en ayant soin de le faire promener en main, ou bien laisse-le sellé jusqu'à ce qu'il soit entièrement sec et qu'il ait mangé l'orge. Point de terme moyen entre ces deux partis. 42.
En station, comme en campagne, entrave ton cheval, tu éviteras les accidents et tu pourras dormir tranquille (9). 43.
Un sage a dit : Le noble travaille de ses mains, sans rougir, en trois circonstances. Pour son cheval, pour son père, pour son hôte. ÉDUCATION.
Le cavalier fait le cheval Comme le mari fait la femme. J'ai préparé, pour le cas où la fortune me serait infidèle, un buveur d'air aux formes parfaites, qu'aucun autre n'égale en vitesse. 44.
Le cheval, comme l'homme, ne s'instruit vite et bien que dans le premier âge. Les leçons de l'enfance se gravent sur le marbre. Les Arabes disent encore : La jeune branche se redresse sans grand travail. 45.
Fais-le manger poulain d'un an, il ne se fera pas d'entorse. Monte-le de deux à trois (11), jusqu'à ce qu'il soit soumis. Nourris-le bien de trois à quatre ; remonte-le ensuite, 46.
Ne pas entreprendre de bonne heure l'éducation du poulain, c'est tout simplement vouloir un cheval impropre au service de la guerre. 47.
Si tu veux un cheval des jours noirs, un cheval de la vérité pour les jours de poudre, rends ton cheval sobre, dur, sage au montoir et inaccessible à toute espèce de crainte (13). 48.
Ne battez pas vos chevaux, ne leur parlez qu'à voix basse et sans emportement, faites-leur des remontrances et ils éviteront les fautes qui les ont provoquées, car ils comprennent la colère de l'homme. 49.
Si cependant tu viens à rencontrer, par hasard, un animal insensible à la douceur, ne crains pas alors d'employer la puissance des éperons et fais-le de manière à ce qu'il n'oublie jamais la punition que tu lui auras infligée. 50.
Les chevaux connaissent leur cavalier. 51.
Les éperons ajoutent un quart à l'équitation du cavalier et un tiers à la vigueur du cheval. 52.
Le cavalier qui ne donne pas un bon pas à son cheval excite la pitié. 53.
Le Prophète a dit : Le bonheur est noué au toupet de vos chevaux. TRAVAIL.
Le montement des chevaux, Les sabres sont tirés, les guerriers se sont rangés. 54.
Le cavalier de la vérité doit peu manger et surtout boire. S'il ne peut supporter la soif, il ne fera jamais un homme de guerre, ce n'est plus qu'une grenouille des marais. 55.
Soyez propres et faites vos ablutions avant de monter à cheval. Le Prophète vous aimera. 56.
Celui qui commet une incongruité sur le dos de son cheval, n'est pas digne de le posséder. Il en sera puni, son cheval se blessera (15). 57.
Pour préparer un cheval trop gras aux fatigues de la guerre, fais-le maigrir par l'exercice, jamais par la privation de nourriture. 58.
Au départ le cavalier ne doit pas craindre de jouer, pendant quelques minutes, avec son cheval. De la sorte il lui déliera les jambes et s'assurera du repos pour toute la journée. De même après une journée pénible, au moment d'arriver à sa tente, qu'il fasse un peu de fantasia, les femmes de la tribu applaudiront en disant : Et puis il saura ce que vaut son cheval. 59.
Quand tu as une longue course à faire, ménage ton cheval par des interruptions au pas qui lui permettront de reprendre haleine. Continue jusqu'à ce qu'il ait sué et séché trois fois, laisse-le uriner, ressangle le et demande-lui ensuite ce que tu voudras, il ne te laissera jamais dans l'embarras. 60.
Un cheval médiocre doit faire dans un jour, aux allures vives, la marche de deux jours. 61.
On doit user de son cheval comme d'une peau de bouc : L'ouvrez-vous progressivement et en resserrant son embouchure, vous conservez facilement de l'eau, mais si vous l'ouvrez brusquement, l'eau s'échappe d'un seul coup, il ne vous reste plus rien pour la soif. 62.
Si tu poursuis un ennemi et qu'il commette la faute de pousser son cheval, modère le tien et tu es sûr d'atteindre le fuyard. 63.
Si tu as mis ton cheval au galop, et que d'autres cavaliers te suivent, calme-le, ne l'excite pas, il s'animera assez de lui-même. 64.
Quand, après une course rapide, tu peux donner du répit à ton cheval, fais-le, et, si tu dois recommencer, le moment t'en sera signalé par l'épuisement du mucus qui sort de ses naseaux. 65.
Dans un cas de vie et de mort, sens-tu ton cheval près de manquer d'haleine, ôte-lui la bride, ne fût-ce qu'un instant, et donne-lui sur la croupe un coup d'éperon (17) assez fort pour amener du sang. 66.
Ne faites pas courir vos chevaux en montant ou en descendant, à moins que vous n'y soyez forcés. Vous devez, au contraire, ralentir le pas. Qu'aimes-tu mieux, demandait-on au cheval, de la montée oit de la descente ? Il a répondu : 67.
Après avoir marché longtemps dans la montagne, et par des sentiers difficiles, quand le cavalier vient à déboucher dans la plaine, il est bon qu'il fasse un peu courir son cheval. 68.
Ne faites pas courir vos chevaux, à moins de force majeure, dans les grandes chaleurs de l'été. Le cheval dit : 69.
Celui qui, le pouvant, ne s'arrête pas pour laisser uriner son cheval, commet un péché. 70.
Lorsqu'en marche tu as un vent très-fort en tête, arrange-toi, si c'est possible, pour l'éviter à ton cheval, tu lui épargneras des maladies. 71.
Avec un cheval, qui, arrivé à la couchée, se secoue et urine, gratte la terre du pied, et hennit à l'approche de l'orge; puis, la tête entrée dans la musette , commence par mordre, avec furie, trois ou quatre fois de suite l'orge qu'on lui présente, on ne doit jamais s'arrêter en route. 72.
Voulez-vous savoir, après une journée de courses et de fatigues : excessives, quel fonds vous pouvez faire sur votre cheval ? mettez pied à terre, et tirez-le fortement à vous par la queue ; s'il résiste, sans être ébranlé, et comme fixé au sol, vous pouvez compter sur lui. 73.
Quand après une marche longue et pénible, en hiver, par la pluie et par le froid, vous regagnez enfin votre tente ; couvrez bien votre cheval, donnez-lui de l'orge légèrement grillée, et ne le faites pas boire, ou ne le laissez boire que modérément ce jour-là. 74.
Est-on devenu cavalier d'été, il faut devenir cavalier d'hiver. 75.
Quand vous verrez les chevaux du goum marcher fièrement la tête haute, et faisant retentir l'air de leurs hennissements, soyez assuré que la victoire les attend ; mais quand, au contraire, vous verrez les chevaux du goum marcher tristement la tête basse, en agitant la queue, croyez que la fortune va les abandonner. Cependant le Dieu très-haut est plus savant que personne. 76.
Un cavalier doit étudier les habitudes de son cheval, et connaître à fond ses moyens et son caractère. 77.
Dans les expéditions, quand tu dois dormir, pendant que tes camarades veillent, prends pour oreiller quelques brides de tes frères, et tu ne seras jamais abandonné, oublié, quoi qu'il puisse arriver. 78.
Faites travailler vos chevaux, et faites-les travailler encore. 79.
Tout cheval endurci porte bonheur. 80.
Oui, donnez du talon à vos chevaux, NOTES : Imprimerie de Ch. Lahure, rue de Vaugirard, 9.
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