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A. Beaunier : Eloge de la frivolité (1925)
BEAUNIER, André (1869-1925) : Eloge de la frivolité (1925).
Saisie du texte et relecture : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (13.II.2004)
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Texte établi sur un exemplaire (coll. part.) de l"édition donnée par Hachette à Paris en 1925 dans la collection des Eloges .
 
Eloge de la frivolité
par
André Beaunier

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Balbine, je vous enseignerai la frivolité. Je me vante ? et vous y êtes mieux entendue que moi ? Sans doute ! Mais, si je vous approuve et je vous donne quelques motifs de refuser le blâme que l’on fait de vous, peut-être m’en saurez-vous gré. Puis, toute frivole que vous êtes, plus que vous ne le croyez, moins qu’on ne le dit, je ne crois pas que vous soyez à un tel point de frivolité parfaite où peu nous chaut d’avoir raison.

D’ailleurs, n’attendez pas que mon discours se développe sur trois points l’un après l’autre et bien rigoureusement : ce serait pécher d’abord contre la vertu que je vous recommande, légère vertu et capricieuse.

*
**

L'eau est frivole, qui abandonne ses rives et ne va nulle part en allant partout. Frivole aussi la lumière, qui joue avec l'ombre et qui, en tout endroit où elle se pose, trouve son plaisir et, chassée, trouvera son plaisir ailleurs et, mourante, riait encore. Et frivole une âme où l'image du monde ne s'est point immobilisée.

Des quatre éléments, le moins frivole est probablement la terre : elle a son poids qui la retient. L'eau, l'air et le feu sont frivoles : le feu, plus que l'eau et que l'air. Mais, plus frivole que nul des éléments, est l'esprit. Les quatre éléments sont quatre noms de la matière. D'une autre substance, l'esprit n'a aucun des attributs de la matière. Il est frivolité. La matière, ce qu'elle a de frivolité, l'emprunte à l'esprit. Et l'esprit ne s'appesantit qu'à méditer sur la matière. Balbine, qui êtes frivole, vous participez de l'esprit ; cette frivolité que vous avez comme une grâce naturelle allége aussi votre corps et lui donne, pour ainsi dire, les ailes de l'esprit.

*
**

Inconstante !... Frivole !... Voilà comme on croit qu'on vous injurie. Mais vous répondez à votre injurieux amant...

- Inconstante !

- La vie est courte.

- Frivole !

- Mais, si je n'étais pas frivole, de quoi aurais-je l'air, en ce monde qui n'a seulement pas de durée ? Les étoiles même périront ; en attendant, elles voyagent ; et, si elles font toujours le même chemin, dont je ne suis pas sûre, elles n'y font pas toujours les mêmes rencontres. Voire, on dit que la lumière de plus d'une d'entre elles survit depuis des siècles à leur trépas : cette lumière, qui a perdu sa cause, est à la fois morte et vivante, à notre image. Et, moi aussi, quand je vous ai dit ou, plutôt, quand j'allais vous dire que je vous aimais, je l'ai cru. Autrement, vous l'aurais-je dit ? Mais vous l'avez cru, vous, un peu plus tard. Le temps que mon sentiment devînt une parole ; puis le temps que cette parole, passant de moi chez vous, devînt un sentiment chez vous c'est du temps, cela ! J'étais morte, si vous ne me jugez vivante que pour autant que je vous aime. Après moi et sans moi, mon sentiment continue d'échauffer votre coeur? Ah ! tant pis ; ce n'est plus de jeu : moi, je suis morte, ou bien je suis partie.

*
**

Vous avez eu des amants, Balbine. Je vous En compte deux ou trois : vous ne persévérez pas dans votre faute. Le quatrième qui surviendra, s'il était le dernier, ce serait dommage. Il faudrait que votre vie ne fût pas longue, ou votre jeunesse flétrie avant l'âge. Ou bien il faudrait que cet univers, dont vous suivez les révolutions diurnes et nocturnes - je veux dire, perpétuelles, - et lentes ou rapides selon l'idée qu'on a d'une lenteur ou d'une rapidité qui dût être exemplaire, il faudrait que cet univers eût sa mobilité perdue. Avons-nous un autre moyen de nous figurer la fin du monde ? Chère Balbine, votre constance et la fin du monde seraient deux phénomènes analogues.

La lune est coutumière de naître tous les mois, dit Ronsard. Il traduit Catulle ; et, Catulle, la simple vérité. Mais l'aurore naît tous les matins. Les heures sont si brèves qu'il en tient deux douzaines dans l'espace d'un jour ; et chaque seconde, qui est pour nous une mesure extrêmement courte du temps, voit commencer, évoluer et finir des aventures pleines de péripéties, des existences tout entières. Par ailleurs, la terre ne met pas moins de toute une année à faire le tour du soleil, depuis que l'on dit qu'elle tourne ; mais le soleil n'allait pas plus vite non plus, quand on voulait qu'il eût toute la peine. Et d'autres soleils, dont je ne sais ni les noms - il vaudrait mieux dire, les noms que les bergers et les savants d'ici-bas leur donnent, dans l'incertitude, - ni les noms humains, ni les habitudes, ont leurs travaux que l'on calcule ou répartit sur des nombres d'années pour lesquels je n'ai pas de chiffres. C'est ainsi, Balbine, que la nature vous offre divers emblèmes d'une patience, qui n'est que durée dans les objets stupides, et qui, de votre part, serait constance. Parmi ces emblèmes, vous avez choisi, non les plus petits et minutieux, où l'on se lasse, ni les plus grands, où l'on se perd comme dans l'infini, mais, à mi-chemin de ceux-ci et de ceux-là, les mieux convenables à votre destinée, telle que votre goût très fin vous la présente. Vous avez choisi avec modestie. Votre amant, s'il vous appelle inconstante, c'est qu'il n'a point une juste notion de l'univers : et qu'importe de l'univers, Balbine? mais de votre univers ou de votre jardin.

*
**

Vous m'avez dit un jour, Balbine, en me parlant d'un écrivain qui a la chance de vous plaire :

- Celui-là, de tous les romanciers contemporains, je le crois le plus certainement promis à la postérité.

Ce n'est pas votre usage, d'employer de si grands mots. Et, moi, qui n'aime pas cet écrivain, je vous ai demandé :

- Croyez-vous qu'on parlera de lui dans cinquante ans ?

- Ah ! dame, dans cinquante ans, je ne sais pas! m'avez-vous répondu.

Je vois encore vos bras levés et vos mains qui font le signe de s'envoler vers l'inconnu. La période au bout de laquelle on place ordinairement la postérité, Balbine, vous la rendez bien courte. Ainsi, et comme vous l'entendez, l'histoire de la terre serait promptement accomplie. Vous allez vite, Balbine ! C'est que le temps vous paraît long.

Mais, si je ne vous ai pas vue depuis quelques jours et que je vous revoie, vous n'hésitez pas à me dire :

- Il y a un siècle qu'on ne s'est vu !

Ce n'est pas que le temps vous ait duré en mon absence, malheureusement : c'est qu'un siècle vous paraît court. Peut-être m'avez-vous dit ces mots, qui m'ont semblé si obligeants, comme vous m'auriez dit, pour me faire de la peine :

- On ne voit plus que vous !

Mais votre sourire suffit à corriger votre pensée.

Voilà comme vous savez jouer avec le temps et la durée. Le temps vous obéit ; la durée vous est docile. Maîtresse du temps et de la durée, Balbine, sentez-vous le prix d'une souveraineté si rare ? Et c'est la frivolité qui vous la donne, plaisant cadeau : vous l'acceptez sans vous en apercevoir, où je vous jure que vous êtes charmante.

On vous attend : vous êtes en retard. Il faut pourtant qu'on se méfie : une autre fois, vous serez en avance. Vous ne savez jamais l'heure qu'il est. Un jour, quel fut mon étonnement ! vous m'avez demandé, d'une petite voix :

- Quelle heure est-il ?

Je vous ai dit :

- L'heure qu'il vous plaira.

Vous n'avez marqué aucune surprise de ma complaisance : évidemment, vous entendiez qu'il en fût ainsi. Et, si vous m'avez demandé l'heure, - par gentillesse vous n'y songiez pas, - mais je commençais de vous ennuyer probablement. Je suis parti.

Et vous, sur le seuil :

- Quand vous reverrai-je ?

- Le jour qu'il vous plaira.

Vous n'avez point fixé de jour ; et je vous ai baisé le bout des doigts, pour un siècle qui n'a duré que jusqu'au lendemain.

*
**

Or, le temps est, à la vérité, notre pire ennemi ; j'allais dire, notre seul ennemi avec les autres, par la violence ou le dédain, par l'ironie, l'on s'arrange. Mais, lui, le temps, à la fois despote et fantôme, impérieux et invisible, brutal et sournois, il nous mène et il nous échappe. Comment le saisir ? Les coups si rudes qu'en imagination je lui assène ne l'atteignent pas ; les a-t-il esquivés ? il était là, mais il ne les a point reçus.

Il était là : il est partout et jamais, ni en aucun lieu, il n'interrompt la régularité de sa besogne. Dans ma jeunesse, je l'ai pris pour un ami ; car il faisait fleurir le printemps, épanouir l'été. Mais il me fabrique de l'automne et me prépare de l'hiver. Ce n'est pas tout ce qu'il me prépare ; et je le hais.

Ne l'a-t-on pas appelé galant homme ? Moi, je l'appelle un voleur. Je n'ai rien eu qu'il ne m'ait chapardé ou qu'il ne doive me chaparder bientôt. Il n'a point d'égards et ne tient compte aucun de mon désir. Que je m'amuse ou je m'ennuie, son allure est la même. Je m'attarderais, il m'entraîne ; je me hâterais et il me retient : je ne suis jamais d'accord avec lui. Ma souffrance ne l'attendrit pas, et n'excite pas non plus sa méchanceté, qui n'est que le nom que je donne à son indifférence : il est stupide.

Vous, Balbine, vous le traitez à votre guise. Une jolie chose, de vous voir si frêle, gracieuse, et qui avez dompté ce monstre ! Si je faisais votre portrait, vous y seriez une petite Sainte Marthe venue en Provence et qui, de sa ceinture détachée, a lié, pour la réduire à merci, la grosse bête et dangereuse appelée Tarasque. Il a suffi de votre ceinture, Balbine, et vous menez le temps comme il me mène.

*
**

Le temps est fils de la mémoire, qui paraît une grande merveille. Et il est vrai que, sans nulle mémoire, notre vie serait tout de même que si elle n'était pas. Nous vivrions sans le savoir : ce n'est pas vivre. Ainsi, les pierres ni les arbres, s'ils n'ont nulle mémoire, ne vivent qu'au regard d'autrui, soit le nôtre ou celui de Dieu. Il nous faudrait, sans nulle mémoire, un témoin, qui attesterait que nous vivons ; mais il aurait beau l'attester, si nous ne le savons pas, que nous importe ? Et que m'importe qu'il y ait Tombouctou, Chandernagor et Pékin, si je n'y vais pas ? La mémoire nous crée. C'est une merveille.

Mais la plus grande merveille, Balbine, c'est l'oubli. Notre mémoire, si elle nous gardait toutes nos minutes, elle nous en accablerait, nous en étoufferait et, de cette façon, nous ôterait la vie, peu de jours après nous l'avoir donnée.

Une âme qui aurait conservé le souvenir de toutes ses amours, je la comparerais à une glace telle qu'il y en a dans les cabinets particuliers, sur laquelle, depuis maintes années, les amants, l'un après l'autre, en file et en foule, ont, d'un diamant, gravé leurs noms et leurs dates. Quelle insulte à un miroir, l'objet qui a l'infidélité la plus chaste, le pur symbole de l'oubli !

Survient l'oubli, dans nos âmes. Il corrige les torts de la mémoire et, parmi ce fatras qu'elle a laissé, il choisit. Elle n'avait pas choisi ; elle n'avait seulement pas mis de perspective entre les plans divers de son tableau : elle avait tout placé au premier plan, le seul où elle sût peindre. L'oubli délicat, ingénieux, malin, pose des ombres, des pénombres, fait du lointain. Subtil artiste ! Et il efface un vain détail. Il a aussi de la vergogne. Farceur, aussi ! et qui se moque de la vergogne, s'il trouve drôle de ne pas abolir, dans un coin du tableau, le personnage de Teniers en train de pisser contre un mur. L'oubli s'amuse ; et il travaille sans niaiserie. La mémoire était une sotte.

Le temps est digne de sa mère. Et, l'oubli, de la sienne, qui est la frivolité. Ainsi, Balbine, quand je ferai votre portrait, à la manière des vieux peintres, lesquels voulaient que l'allégorie ajoutât quelque intelligence à la réalité, j'inscrirai ce mot de frivolité sur votre ceinture qui vous sert à tenir en laisse le temps.

*
**

Je vous dédie, Balbine ces pensées ; je les propose à votre méditation plus vive que, nonchalante.

· Le monde, comme je le vois, me conseille de céder à son caprice ; et j'appelle caprice une activité dont les causes me sont cachées : me voyez-vous, si faible, résister à ce caprice universel ?

· Du moment que tu sais comme le temps passe et emporte avec lui toutes choses, ne feins pas d'être immobile. Tu n'es pas un roc bien solide au milieu des flots perpétuels.

· J'élèverai un temple à la frivolité. Il ne sera point fait de marbre dur, mais de mots analogues à une rêverie. Je voudrais que cette rêverie fût déliée ; je n'y veux pas le ciment d'une dialectique bien rigoureuse.

· Elle - ce n'est pas vous, Balbine, et qui est-ce ? je n'en sais rien - elle, qui l'aimait, en avait de la gaieté ; sa gaieté l'empêchait de songer assidûment qu'elle l'aimait.

· Il y a aussi la sainteté, qui dépasse toutes les humbles vertus d'ici-bas. Elle dédaigne l'univers : la frivolité s'en amuse. A défaut de la sainteté, la frivolité est encore une vertu qui déjà s'élève au-dessus de la terre lourde, comme s'élève la flamme au-dessus de la bûche et l'esprit sur la matière.

· Si Dieu avait voulu que le monde nous fût un exemple et un conseil de n'être pas frivoles, sans doute ne l'aurait-il pas fait comme nous le voyons, l'emblème du changement.

*
**

Balbine, est-ce que je vous aurais fâchée ? Vous ne souriez plus. Vous aurais-je attristée ? Est-ce que ma philosophie vous déplaît ? Je la croyais la vôtre, celle de vos journées, ou votre habitude.

- Mais il y a, dans la vie, me dites-vous, des choses qui sont très importantes !

Il y en a, certes, Balbine ! Mais, quand elles ont trait à vous, elles perdent leur importance et deviennent frivoles...

- Pourquoi ?

Et, si vous n'étiez si gentille, vous m'appelleriez un impertinent. Balbine, ce n'est pas cela ! Si je vous dis que les choses les plus importantes me paraissent frivoles, quand elles ont trait à vous, accordez-moi que j'ai raison : c'est l'effet de la frivolité que j'aime en vous. Car vous n'êtes pas importante, vous, Balbine. Et moi non plus ! Ni la plupart de vos amis et des miens. Seulement, vous et moi, nous le savons. Il en résulte, chez vous, cette grâce de votre sourire un peu triste et bien sage.

Vous me dites, Balbine, ou bien vous devriez, me dire :

- Qu'est-ce que vous avez à me raconter que je ne suis pas importante ? Si vous entendez que je mourrais sans qu'il y eût rien de changé ici-bas et que je pourrais, somme toute, n'être pas née sans qu'il y parût aucunement, ce n'est pas l'exacte vérité. Le monde serait ce qu'il est ? Non : j'y manquerais ! Petit manque, et dont ce n'est pas la peine de parler ? N'en parlons pas. Mais la vérité a plusieurs aspects, suivant la place d'où on la regarde. Et, comme il n'est de vérité pour nous que regardée, autant d'aspects, autant de vérités.

Vous m'interrompez ; vous me dites :

- Je ne vous dis rien de ce genre ; et je ne fais pas de philosophie !

Mais vous devriez me dire :

- Ma vérité me donne plus d'importance que vous ne m'en accordez. Or, à cette vérité qui est la mienne, quelle vérité opposez-vous ? La vôtre : elle vaut la mienne ; et elle ne vaut pas davantage. La vérité universelle ? Vous devenez emphatique. Appelez-la tout bonnement la vérité de cette troupe, de cette foule, de ce ramassis, le plus grand nombre. Mais ce plus grand nombre a-t-il une vérité à lui ? La vérité de ce plus grand nombre n'est composée que de vérités particulières ; et, celles-ci, pour les réunir, vous leur avez ôté leur particularité essentielle vous les réduisez à une espèce de néant qui impose. Et, par ailleurs, je le sais bien, que le plus grand nombre ne me connaît pas. Il me ferait, sans barguigner, le coup du mandarin... Si vous dressez contre moi cette brute inepte de plus grand nombre...

Et je ne suppose pas que vous me le disiez, mais vous me dites :

- Ce n'est pas gentil !

Hélas ! Balbine, je suis bien de votre avis. Mais ce n'est pas moi qui dresse contre vous le plus grand nombre : je constate qu'il est dressé contre vous. Le plus grand nombre, avec son immense vérité qui n'est pas la vôtre ni la mienne, le plus grand nombre, et non seulement sa vérité, mais encore sa volonté ; le plus grand nombre et la somme de ces puissances formidables qu'on peut appeler nature, ou fatalité, l'univers. Et vous, chétive et toute seule dans un tel combat...

- Eh bien ?...

Votre frivolité vous sauve. Elle vous permet de méconnaître le péril : ainsi vous l'éludez. Vous ne le méconnaissez pas ? Vous l'affrontez avec un plus joli courage et qui sied à votre personne. Balbine, je ne vous ai pas dit que la frivolité ne fût jamais une manière d'héroïsme.

Cette pensée vous rassérène ; et le sourire, de nouveau, fleurit à vos lèvres, comme une rose impertinente. Aussitôt, vous me priez de ne pas oublier qu'à la guerre...

Et c'est un mot que j'aurais voulu qui ne fût pas mêlé à notre badinage. Mais vous l'y avez mis ; et je ne vais pas le supprimer ni feindre de ne l'avoir pas entendu... Oui, à la guerre, les plus petites vérités qui composent le plus grand nombre avaient leur importance, plus considérable que celle que je vous attribuais, et ont agi comme si elle était prépondérante, leur petite importance et qui fut immense. Petites vérités, les soldats ! Aucun d'eux n'était inutile. Dans la foule des morts et des survivants, nous n'oserions pas en choisir un seul pour l'ôter et pour croire qu'il n'a servi à rien du tout. Le soldat inconnu : sans lui, aurions-nous remporté la victoire ?... Mais, songez-y, Balbine, celui-là et chacun des autres, qui faisait comme s'il était sûr d'être si efficace, et jusqu'à mourir en l'honneur d'une si étrange hypothèse - étrange, songez-y, absurde et, principalement, sublime ! - celui-là, c'est une admirable frivolité qui le suscitait.

Je joue sur les mots? Non, Balbine ; et vous me traitez mal. Ce n'est pas ma faute si l'on prend, d'habitude, en mauvaise part le mot de frivolité d'abord et puis la vertu que ce mot désigne. Je ne fais que vous inviter à plus de justice ; et je vous invite à mieux connaître vos mérites, quand je loue une vertu que vous pratiquez à merveille.

*
**

La frivolité n'est pas une qualité des objets, non ; mais une qualité de l'esprit. Veuillez vous en persuader, Balbine : et alors, tout s'éclaire. Ainsi, l'on peut faire de grandes choses et, comme vous disiez, importantes, les bien faire, et avec frivolité. Il suffit qu'en étant à sa besogne, l'esprit sache garder sa modestie.

L'on peut aussi faire de très petites choses, et les mal faire, avec gravité. C'est ridicule ; et cela se voit tous les jours.

Les Pharisiens sont graves, en toute occasion. Les Pharisiens sont graves dans l'occasion où il sied d'avoir conscience du peu que l'on est : dans la prière. Il y a Dieu et vous : non pas vous, Balbine, mais ce gaillard que je suppose, un Pharisien que bouffit d'orgueil l'honneur qu'il a de s'adresser à Dieu. Est-ce que je ne sais pas ce que Dieu en pense ? Mais si ! car Jésus se moque du Pharisien, dans l'Évangile : se moque de lui et lui est dur comme il ne l'est pour aucun pécheur et ni pour la femme frivole. Quelle est la faute du Pharisien ? Il y a Dieu et lui ; Dieu qui est tout et, lui, n'est rien. Mais voici que, lui, n'étant rien, fait grand cas de lui-même et se vante de bien jeûner, de bien prier, de donner l'aumône. Ah cette aumône : la dîme du néant ! Cette prière? il faudrait de l'humilité, quand on n'est rien et qu'on ose demander à Dieu son intérêt pour ce néant. Mais il jeune et (il le dit) deux fois la semaine. Il sacrifie sa gourmandise : un joli cadeau qu'il offre à Dieu !... Et il avoue que c'est un sacrifice.

Encore, s'il l'avouait : il le proclame ! ... S'il l'avouait, en souriant, confus de lui-même, de sa pauvreté, de sa médiocrité en souriant ; je veux qu'il sourie et, par ainsi, montre son humble gentillesse. Imaginez, Balbine, que je vous donne un bouquet de deux sous, trois violettes au printemps et qui n'ont que leur pâle couleur et leur parfum très ordinaire pour mériter l'attention de l'un de vos petits instants. Si je vous donne ce bouquet d'une magnifique manière et comme un riche prétendant, que sa richesse a rendu fat, vous donnerait un collier de perles, vous me raillez, Balbine, et me seriez plus indulgente si, de l'air de ne vous donner rien qu'un bouquet de deux sous, je vous offrais, avec mon coeur, les trésors de Golconde.

Un cadeau que l'on fait à vous, Balbine, et à Dieu davantage, il faut... Mais non, je ne vous mets pas à la place de Dieu ; et vous froncez en vain les sourcils. Vous entendez bien que je prends les petites choses pour signe des grandes, comme La Fontaine le recommande ; ce n'est que méthode à l'usage de ma faiblesse et de la vôtre : ce n'est point arrogance ou dérision... Il faut qu'un tel cadeau, indigne de vous, et de Dieu davantage, soit corrigé d'un sourire et qui veut dire : ce n'est rien, c'est tout ce que j'ai à vous offrir en ce moment. Ce frivole sourire agrée à Dieu, pareillement à vous. Cette frivolité n'est que la juste connaissance, et gracieuse, de notre petitesse à l'égard de Dieu, à l'égard aussi de nos grandes tâches la prière en est une. Et cette frivolité n'empêche pas le soin que nous aurons d'être déférants, généreux et le moins inégaux possible à nos devoirs, qui nous dépassent, nous le savons bien.

Est-ce que je me trompe ? Lisez l'Évangile, Balbine. Jésus nous avertit de n'avoir pas, quand nous jeûnons, un air refrogné, comme en ont un les hypocrites : leur triste visage n'est que pour que l'on voie qu'ils font pénitence ; ils ont ainsi leur récompense, l'ayant prise. Mais vous, si vous jeûnez, couronnez-vous de fleurs, parfumez vos cheveux et veuillez que l'on voie, sur votre visage, votre gaieté. Alors, qui donc s'apercevra de vos mérites ? Ce ne sont pas les hommes : c'est Dieu. Voilà ce que nous dit Jésus.

Balbine, vos péchés n'ont pas fait de vous une impie : au contraire ! Et vous allez me reprocher de parler religion, à propos de frivolité. Non, Balbine ; et, si vous négligiez d'apercevoir la gaieté de l'Évangile, vous risqueriez de tomber dans l'erreur des Pharisiens. Pardonnez-moi cette injure : ce qu'elle a d'outré la rend anodine ; et, pour choir au pharisaïsme, vous êtes beaucoup trop gentille et intelligente. Mais, je suis mon idée... Ah ! quel orgueil et le ton le pire ! moquez-vous de moi, si je feins d'être un logicien... Cependant, il se trouve que je suis mon idée : considérez, Balbine, que la frivolité nous dispense de commettre - ou bien ce ne serait qu'étourderie - les péchés, au nombre de sept, que l'on appelle capitaux.

L'orgueil ? La frivolité le réduit à peu de chose et qui n'est point offensante. Si le frivole a quelque vanité de la suprématie que lui donnent son détachement, la justesse de sa pensée, enfin sa gaieté, c'est le moins que notre nature nous force d'accorder à l'héritage de nos premiers parents que le diable enjôla. Il sait aussi tourner en aimable coquetterie la conscience qu'il a de son privilège.

L'avarice ? Non. Et le frivole manquerait plutôt d'économie : quant à faire un grand cas de sa fortune, à peine serait-ce en la gaspillant, qui est moins laid que l'enfermer en une cassette.

La luxure ? C'est un gros mot, qui ne convient pas aux légères amours d'un frivole ; et il y a, dans la luxure, un entêtement ou une espèce de frénésie que la frivolité condamne. Est-ce luxure, de céder à un attrait ou à ce charme qui, de l'imagination, vous passe au coeur et qui, du coeur, vous monte aux lèvres, par les beaux soirs où l'amour se lève, qui les a pris pour des matins ?

L'envie? Je t'envierais bien ta frivolité, si je n'avais la mienne ; et, tes autres avantages, ou ma frivolité me les donne, ou elle me les compense : elle y est fine.

La gourmandise d'un frivole évite la goinfrerie ; c'est tout ce qu'on lui demande, au bout du compte.

La colère, le frivole la refuse comme l'exubérance ridicule d'un homme grave.

Il lui resterait le péché de paresse, où le mènerait peut-être sa douceur de nonchalance ; mais accuserez-vous de paresse la flamme vive, le vent qui joue à la cime des arbres ou dans les plis des oriflammes, l'esprit où la frivolité remue ?

Ah ! Balbine, si la frivolité ne méritait pas le nom d'une vertu, elle aurait déjà quelque prix et elle serait d'un bon usage, en nous préservant de ces lourds péchés elle n'y est point assidue, non plus qu'à de superbes entreprises. Elle a une légèreté qui ne la laisse pas s'enfoncer dans le mal. Ni dans le bien ? Mais le mal est en bas ; en haut, le bien. Comme elle vole et n'est point, d'habitude, à ras de terre, je m'attends qu'elle rencontre le bien, par aventure, et plus souvent que le mal.

Légère, elle nous met aux mains de Dieu, nous porte à lui, comme la gravité nous précipite aux abîmes du diable.

*
**

Il y a toutes sortes de frivolités. J'avais deux amis, Balbine, que vous n'auriez aimés ni l'un ni l'autre. L'un était, comme on dit, homme d'État ; l'autre, philologue. Je les aimais tous deux. J'aurais voulu qu'ils s'aimassent ; je les ai présentés l'un à l'autre. Et je me souviens de leur causerie. Mais faut-il appeler causerie leur échange de courtes paroles qui n'allaient pas de l'un jusqu'à l'autre ? Leurs paroles tombaient dans l'intervalle qui les séparait, comme des fleurs ou des flèches que deux amants ou deux ennemis se lanceraient d'une île à une autre île où on les eût relégués par prudence. Moi, je les entendais tous deux et, chaque fois qu'une de leurs paroles tombait dans l'eau, il y tombait aussi, en bribes analogues à des feuilles d'automne, l'espoir que je m'étais donné de les réunir. Après cela, et ce ne fut que pour en avoir le coeur net, j'ai demandé à l'homme d'État :

- Comment le trouves-tu ?

Je n'attendais rien de bon. L'homme d'État me répondit :

- C'est un frivole.

Et il avait un sourire d'importance blessée. Fâcheux sourire ! Le sourire que j'aime vous met aux lèvres une rose; mais, à mon ami, vous auriez dit que les épines de la rose piquaient la lèvre.

Or, vous savez, Balbine, ce que c'est qu'un philologue ?... Non, vous n'en savez rien : je ne vais pas vous l'expliquer. Mais un philologue, ami des mots ou du langage, est un garçon qui accomplit une besogne savante et la plus méticuleuse. Il est, comme on dit, dans les écritures. Il en déchiffre de très incommodes. Il corrige les textes de l'Antiquité, par exemple ; et il a toute son attention requise par des accidents de plume ou de calame qui seraient pour vous sans attrait... Vous ne m'écoutez plus, Balbine? Je vous aime !

Frivole, un tel garçon ?

- Mais oui ! me répliqua l'homme d'État, le politique ou le politicien, comme il vous plaira de le juger : il est digne de ces trois noms, inégalement honorables... Mais oui ! Gentil, d'ailleurs. Quant à cette philologie, pauvre de nous, il s'agit bien de ça !...

- De quoi donc s'agirait-il, à ton gré ? Il me compta les fautes du gouvernement : il était de l'opposition.

A mon autre ami, le philologue, je demandai :

- Que penses-tu de lui ?

- Un frivole !

Voilà comme ils s'étaient jugés l'un l'autre : l'un qui avait en mains les intérêts de la nation, mais il les confondait avec les siens ; l'autre qui avait sa vie enfermée dans l'étude !

Eh ! bien, je leur donne à tous les deux raison. Le politicien, qui était de l'opposition, parvint au pouvoir et, dès le lendemain, me dit :

- Ça va beaucoup mieux; la France est sauvée.

La France n'est jamais sauvée : sa destinée est tribulation perpétuelle, une alarme de tous les jours. Mais il faut avouer que mon ami ne l'a pas mal servie et trouva, pendant son règne, plusieurs occasions de faire coïncider l'intérêt public et le sien.

Le philologue ? Il est aveugle, à présent. Il a usé, jour après jour, à sa fine besogne, sans doute inutile, ses yeux avant sa divine patience. Alors, ce qui lui reste de patience, il le consacre à joliment subir sa disgrâce. Il n'est pas triste : sa frivolité le sauve, plus certainement que l'autre n'a sauvé la France.

Leurs deux frivolités disaient, avec l'emphase qu'il faut pour que les mots se présentent bien, l'un « le Gouvernement », l'autre « la Science ». Et celui-ci subit, comme je vous l'ai dit, sa disgrâce ; bientôt celui-là subira la sienne. Lequel préférez-vous ?

Balbine, vous ne préférez ni l'un ni l'autre, à ce que je vois. Et, comme ils se sont méconnus, vous les méconnaissez. Il y a toutes sortes de frivolités : la vôtre en est une et la plus charmante. Il y aurait une frivolité supérieure encore. Elle embrasserait, et n'en ferait qu'un sentiment d'une opulence merveilleuse, toutes les frivolités diverses, comme la sainteté est la somme de toutes les vertus. Ce n'est pas une raison de négliger aucune vertu, même petite, aucune frivolité, même petite.

*
**

Je ne crois pas que Dieu ait fait le monde si joli et divertissant pour que nous n'y prenions aucun plaisir. L'auteur de l'Imitation nous invite à un mépris de l’oeuvre divine, auquel je ne saurais pas consentir. L'Évangile est moins sévère. Le moine de l'Imitation, s'il affirme que toutes choses ne sont que mélanges de terre et d'air, de feu et d'eau, je ne dis pas non ; mais il veut convaincre son novice de trouver agréable une cellule où il l'enferme. Toi qui n'es point enfermé, regarde comme Dieu ne dédaigne pas de varier à l'infini les composés de l'eau, de l'air, de la terre et du feu.

Quand Dieu a créé le monde, que voulait-il? Je n'en sais rien ; cela n'est dit nulle part, dans les livres. Le monde une fois créé, vers la fin du sixième jour, n'a-t-il pas déclaré qu'il était content de son ouvrage ? Lui ferons-nous l'injure de dénigrer ce bel ouvrage ?

Après avoir médité sur la bonté du créateur et qui devint le rédempteur, saint Augustin, que tant de bonté confond, se demande si Dieu n'est pas fou. Il faut être un Père de l'Église, et bien sûr de soi, pour donner à ses louanges un tour si hardi. Moins hardiment, et si j'examine, de mon petit coin, l'univers et l'abondance de ses beautés, les délices que j'y rencontre, il me semble que Dieu s'est amusé à le faire et qu'il y a, pour ainsi dire, une frivolité divine, attestée par son oeuvre et, par son oeuvre, célébrée.

Or, c'est une oeuvre continue ; à chaque instant que dure le monde, il est nouvellement créé. De sorte que la frivolité divine, sans cesse renouvelée, serait l'âme qu'on sent qui est dans le monde.

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Un Schopenhauer, un Leopardi nous content que la vie est une calamité, qu'il n'y a que malheur en ce monde, qu'il vaut mieux mourir et qu'il vaudrait encore mieux n'être pas né. Je ne saurais adopter ces maximes, dont la rigueur me fait de la peine. Je ne saurais non plus souscrire à cette formule d'un fameux philosophe anglais : « Présentement, et à toute heure du jour et de la nuit, tous les hommes sont parfaitement heureux. » C'est trop dire. Ce philosophe anglais se moque du monde ; les Schopenhauer et les Leopardi méconnaissent le charmant avis d'une jeune Iphigénie menacée de mourir et qui s'est aperçue qu'il est doux de voir la lumière.

Pessimistes et optimistes me fâchent. Ce sont des gens qui, de leur malechance ou de leur mauvaise humeur, de leur chance ou de leur aménité, fabriquent des doctrines et me les veulent imposer. Je m'en fabriquerais à moi-même, et qui auraient l'avantage d'être faites pour moi et à mon gré. Puis, je les modifierais de jour en jour et d'heure en heure, selon ma chance et mon humeur, au gré de ma frivolité. Les doctrinaires qui dénigrent le monde ou le glorifient sont frivoles à leur manière. Ou bien, ils l'ont été, le temps de rêver leurs doctrines ; mais leurs doctrines, une fois formulées, sont lourdes et les accablent.

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Je n'aime pas les doctrines. On a cru les faire à l'image du monde ; et l'on a prétendu y enclore le monde : le monde les déjoue.

Plaisante merveille, de voir comme le monde glisse entre les mailles du filet qu'on a jeté pour le saisir !

Les doctrines, ou idées que l'on appelle générales, je les ai recherchées, dans ma jeunesse, et bien années. Puis, elles m'ont paru des filles, que l'on a sans peine et qui conviennent à un âge où l'on veut son plaisir plus nombreux et aisé que très délicat. Les idées que l'on appelle générales et que l'on pourrait, comme des filles, appeler publiques, elles courent les rues et, à tous les carrefours, se sont galvaudées. Ne les croyez pas frivoles : si elles courent les rues, c'est leur métier. Elles me dégoûtent.

A mesure que j'ai moins aimé les idées ou doctrines, j'ai mieux aimé les âmes. Elles ne sont pas toutes sans reproche ; elles ont toutes leur attrait, et chacune le sien.

Elles ont toutes cette qualité : leur secret. Toutes ? j'entends, celles que j'aime. Les autres, qui m'ont choqué par leur exubérance, ne méritent guère le nom d'âmes. Elles disent facilement tout, n'ayant pas grand chose à dire ; elles en disent davantage : et ce n'est rien. Les âmes qui n'ont pas de secret ne sont pas des âmes.

Les âmes qui ont leur secret, je les devine. En les devinant, j'ai soin de ne pas les offenser. Je ne leur dis pas que je les devine , et je leur témoigne en amitié mon remerciement. Balbine, je vous connais mieux que vous-même ne vous connaissez. Cachez-moi tant qu'il vous plaira les incidents de votre vie. Vos cachotteries valent des aveux.

Et ne faites pas cette moue de nymphe surprise. Ou bien, si ! faites-la : vous y êtes jolie.

Vous avez une âme farouche. On l'approche, elle se retire , elle frémit comme si l'on allait la toucher. Elle ne sait probablement pas que vous êtes peu chaste : elle ignore le nom de vos amants, leur existence et le plaisir que vous leur accordez.

Drôle de personne, Balbine ! Votre âme vaut mieux que vous, si j'appelle vous la Balbine de votre vie ; j'aime autant appeler vous votre âme, à laquelle au surplus ressemble votre visage.

D'autres femmes ont leur vie plus belle que leur âme. Et, d'avoir une vie toute pareille à son âme n'est donné qu'à un très petit nombre de femmes, qui ne sont pas toujours les plus charmantes. Celles qui ont accompli tous leurs désirs, toutes leurs intentions, de manière que leur vie soit le miroir de leur rêve, - ou de leur âme ; car notre âme, nous la rêvons, - leur propos était minuscule. Je préfère, Balbine, votre défaite à leur victoire.

Si tu n'es pas déçu de toi, c'est grand dommage.

Il y a des femmes qui n'ont pas commis les péchés qui les auraient embellies... Le péché est une laideur ? Il peut avoir des suites de beauté. Le péché a beaucoup d'analogie avec la souffrance, qui enlaidit les âmes ou les embellit : cela dépend des âmes ; cela dépend aussi de la souffrance ou du péché.

La frivolité aide souvent les âmes à n'être point enlaidies, mais embellies, par le péché ou la souffrance.

*
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Balbine, vous m'avez vu indulgent pour bien des âmes...

- Et qui avaient un aimable visage !...

Mais oui, Balbine ! Les femmes ont, généralement, le visage tout pareil à leur âme. C'est gentil à vous de ne pas le croire, vous qui êtes jolie... Le visage des femmes ne ment presque pas. Il arrive que l'on s'y trompe : il faut alors qu'on s'en prenne à soi-même, non point à elles, qui n'ont fait que montrer leur visage et n'ont pas feint d'être laides.

Elles ne le sont pas. Une laide qui a une âme jolie n'est pas laide : vous l'avez mal regardée. Mal regardée aussi, une belle et qui aurait une âme laide : ou bien elle n'est pas belle, ou bien son âme n'est pas laide ; regardez-y à deux fois.

Et vous, qui vous moquez de mon indulgence, Balbine, je vous accuse d'inattention. Cette petite femme, cette petite âme, ne vous paraît pas digne de bien des égards ? Et moi, si petite, elle me touche : si petite, sous la menace du hasard et de sa destinée.

Elle n'a presque pas l'air de savoir qu'elle est menacée. Oseriez-vous l'en avertir ? Laissez-lui cette naïve bravoure.

Elle sait ce qui la menace ? Et elle sourit : son moindre sourire devrait amadouer la destinée. Il m'attendrit ; c'est dommage que je n'aie, sur la destinée, aucune influence !

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Il y a des âmes qui vous font signe de les aimer ; en même temps, elles ont peur de vous. C'est avec elles qu'il faut bien agir. Elles venaient à vous ; et elles se sauvent. Ne les poursuivez pas : attendez-les, qui reviendront. Et alors, vous les saluerez; vous leur direz tout haut bonjour, et tout bas leur direz merci.

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Qu'est-ce que la frivolité ? Une espèce d'humilité envers les gens et envers les choses, envers la philosophie et, pour ainsi dire, envers soi-même. C'est le contraire du pharisaïsme ; et il y a du pharisaïsme à se croire parfait ; il y en a aussi à se croire détestable. C'est de l'indulgence à la disposition du prochain : et l'on se traite un peu comme le prochain. C'est, dans le péché même, une sorte de pardon, qui n'est pas loin de l'innocence.

Aimez-vous, Balbine, ce que dit La Fontaine à propos des philosophes qu'il préfère? « Leur modestie les a empêchés de décider rien, dans cet abîme de difficultés presque inépuisable ; ils faisaient avouer au moins qu'on ne peut connaître parfaitement la moindre chose qui soit au monde... » La frivolité philosophique nous mène à une incertitude, en bien des cas, recommandable. Ne feignons pas la certitude en maintes rencontres ; nos croyances mêmes sont bornées au principal.

Le frivole méritera le pardon. Quel pardon? Celui dont a besoin quiconque, ayant vécu, s'est plu à vivre en ce monde qui, avec tant de défauts, a bien des attraits. Parmi les tribulations d'ici-bas, - non les pires, Balbine ! auxquelles messiérait mon bavardage et messiérait votre sourire : laissons-les, qui dépassent mon entendement et le vôtre, - la vie est charmante. Et comment ne pas nous en apercevoir ? Dés le moment que je m'en aperçois, comment ne pas l'aimer ? Nous sommes placés dans la création, parmi les créatures, avec le commandement d'y connaître le créateur. Mais la création, les créatures non plus, ne sont pas les médiocres éléments d'un rébus ; ou bien le rébus fait un dessin ravissant. Certaines âmes ont plus de peine que d'autres, et ont grand peine, à dédaigner l'ouvrage ou la machine du monde : ce sont les âmes les plus tendres.

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La frivolité a deux soeurs, qui sont comme elle des vertus ; et l'une est la curiosité, l'autre la tendresse.

Curiosité : c'est le soin de ne rien méconnaître ou méjuger, en ce monde qui n'exhibe pas toute sa merveille. Et tendresse ; de pouvoir au moins dire à Dieu : Seigneur, j'aurai bien aimé l'ouvrage de vos mains ! Ce fut mon imprudence, à laquelle j'ai cru parfois que m'invitait la profusion d'un si bel ouvrage.

Une troisième soeur de la frivolité, encore une vertu de l'esprit, l'ironie. Ne la confondez pas avec la méchanceté, Balbine. Elle sourit. Le sourire implique un peu de gaieté : il n'est pas de véritable gaieté qui soit méchante. Tristesse et méchanceté vont ensemble comme, d'autre part, gaieté et bonté. Mais, en présence de tous les maux qui tombent sur la pauvre humanité, devant de telles calamités et incessantes, la gaieté n'est-elle pas signe d'insensibilité ? Ou de courage ! Il y a du courage, dans l'ironie. Elle a pris son parti de regarder la vérité en plein, la vérité qui donne un douloureux spectacle, et de sourire. Le sourire voile chastement la mélancolie et la compassion, les voile et cependant permet qu'on les devine. L'ironie ne supprime pas la sensibilité: elle empêche l'exubérance. Or, il n'est pire empêchement à la sensibilité que l'exubérance ; qui la dévergonde, qui la débauche et la fait mal tourner. La vraie sensibilité, fine et bien délicatement sincère, attentive à elle-même et à son exquise justesse, ne s'en va pas dehors sans précaution, comme une ménade ivre et dévêtue ; elle a soin d'elle-même et se garde : l'ironie est son vêtement décent et joli.

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Mais il faudra mourir un jour, Balbine. A cette pensée, tout badinage cesse et ma frivolité m'abandonne... Elle ne m'abandonne pas ; ou bien je mourrais tout de go.

Balbine, vous serez morte ; et, ici-bas du moins, ce sera tout de même que si vous n'aviez pas vécu. Il restera de vous le souvenir d'une ombre, un peu de temps. Puis votre souvenir aussi mourra, plus vite que vous, qui n'aurez pas vécu longtemps.

Je réserve la part de Dieu, qui, au surplus, n'est pas la mienne. Ce sera tout de même que si vous n'aviez pas vécu. Il n'est rien en vous que je voie et qui me paraisse promis à quelque durée. Votre beauté, sans quoi vous n'êtes plus vous, ne saura vous accompagner tout le chemin de votre vie. Infidèle beauté, ou bientôt lasse ! Elle vous délaissera, tombera : vous ne le saurez pas et continuerez votre chemin toute seule avant de connaître votre abandon.

Un jour de l'une de nos promenades, vous aviez mis à votre corsage un bouquet de ces petites fleurs que l'on trouve dans la campagne, au bord de la route. Elles étaient de couleur vive ; et leur fraîcheur avait une gaieté matinale. Elles étaient fanées quand nous avions à peine marché une heure. Vous ne vous en êtes point aperçue ; moi, je les regardais mourir. Vous leur gardiez votre confiance et les portiez devant vous comme l'emblème de votre jeunesse. Moi, je sentais mourir votre jeunesse, qui vous trahissait. Et j'avais grand pitié de vous qui ne vous saviez pas trahie.

Un autre jour de nos promenades, nous étions partis, comme vous disiez, dés l'aube c'est, pour vous, à la fin de la matinée. Un tendre sentiment nous animait, qui s'est fané avant midi. Fané d'abord en vous, Balbine ; et vous avez gentiment feint que ce ne fût pas vrai. Je vous en remercie, Mais nous avons dû refaire, après cela, le même chemin pour le retour. Quelle tristesse était la vôtre ! je ne vous dis rien de la mienne. La vôtre vous ôtait le moindre courage. Et vous seriez tombée au bord de la route, si la bonne idée ne vous était venue de vous mettre en colère. Je ne vous en ai point voulu : la colère vous est tonique, un fameux verre de quinquina.

Mais je vous ai vue mourir deux fois, chère Balbine, d'une manière emblématique : une fois, sous l'image des fleurs ; la deuxième fois sous les fragiles espèces de votre sentiment que je préférais. La dernière fois que vous aurez à mourir, je serai mort depuis longtemps.

- Alors, que vous importe ?

Non, Balbine ; et vous me faites tort si vous croyez que l'amitié que j'ai pour vous, incapable d'anticiper sur les événements, ne vous pleure pas déjà, vivante et qui aurez à mourir.

*
**

La frivolité nous sauve, Balbine.

- Mais ce n'est pas frivole, de mourir ! C'est frivole, de vivre, en sachant qu'il faudra mourir. Ah ! l'ornement que nous donnons, et vous plus joliment que personne, à cette vie mortelle serait funèbre si la frivolité ne nous menait à respirer avec délices les roses mêmes du sacrifice. J'ai vu, à la porte d'une église, un jour de bel enterrement, une fillette ramasser un chrysanthème qui était tombé d'une couronne ou du cercueil. Elle se l'est passé à la ceinture. Je crois qu'elle allait retrouver son amant. Il a dû la trouver jolie.

Voilà comme est parée notre vie mortelle.

Et pourquoi dites-vous que ce n'est pas frivole de mourir ? C'est la frivolité suprême, notre infidélité à nous-mêmes, notre abandon qui n'est pas sûr à de nouveaux destins et redoutables.

*
**

Encore, si la mort était au bout de la vie... Ne raillez point, Balbine : elle est dans toute la vie. Notre dernier soupir n'est que le dernier : de ce qu'un autre ne le suive pas, est-il changé ? Notre dernier instant n'est que l'un de nos instants, qui ne dure pas : ni les autres n'ont duré. Chacun de nos instants meurt ; ils sont l'étoffe de notre vie nous mourons avec chacun d'eux. Ils font des minutes, qui font des heures, qui font des jours et, les jours, des années, la somme des années de notre vie. Mais nos instants ne sont que de la mort incessante ; et ainsi toute notre vie est faite de mort. Nous appelons mourir, achever l'un de nos instants façon de parler, Balbine !

Votre beauté, vos instants l'ont épanouie ; votre beauté est l’oeuvre de la mort, que nous appelons la vie un peu de temps.

Je vous disais que l'oubli était un ouvrier plus malin que la mémoire. Je ne m'en dédis pas. Mais l'oubli est aussi de la mort. Il vous compose votre vie : elle est donc l'oeuvre de la mort.

Songez, Balbine, à tout ce que vous avez oublié, jour après jour. Ce que vous avez oublié, Balbine, était de vous, était vous. En l'oubliant, vous consentiez de mourir peu à peu. Cette Balbine que vous êtes aujourd'hui, à combien de Balbines, et qui étaient vous, a-t-elle succédé ? Cependant, vous ne portez pas le deuil de vous-même. Infidèle Balbine, infidèle à vous ! Et frivole Balbine, à qui sa frivolité donne l'illusion de n'être pas morte !

*
**

J'ai pitié de votre mort, Balbine, et de la mienne.

Il faudra quitter ce que j'aime... J'ai bien quitté ce que j'aimais ? Ce que j'aime sera plus difficile à quitter... Ne riez pas. J'aime tant de choses ! Voire, celles que je n'aime pas, s'il faut les quitter, me deviennent bien chères : mon regret, par où je devance leur perte, me les rend précieuses. Il faudra vous quitter, Balbine ; et je ne saurai pas à quelles inventions vous recourrez pour que soit nouvelle votre vie dans la suite, que je veux longue, de vos jours. Ma curiosité n'est pas satisfaite ; ni ma tendresse !

Vous dites que je ne vous ai pas tant aimée ? Si, Balbine ; et comme il fallait vous aimer, qui n'aviez pas de durée dans le coeur ni dans l'esprit. Vous ressemblez à l'univers, qui n'a pas de durée non plus. En vous aimant, ce fut mon plaisir, d'aimer en vous une quantité de parcelles de l'univers. Je ne m'attendais pas que ce dût être pour longtemps. A chaque instant, je vous ai bien aimée.

D'ailleurs, c'est à vous que j'adresse ma plainte, au moment de quitter l'univers ; car je le quitte, en songeant qu'il faudra le quitter. Ma plainte, que je vous adresse, je l'étends autour de vous aux divers objets de mon amitié, à des matins et à des soirs et à maintes ferveurs qui m'ont occupé, à mes soucis et à mes fatigues, à mes tristesses que j'ai consolées comme j'ai pu, et à une gaieté que j'avais, qui était plus vive que mon chagrin : je l'appelais frivolité.

*
**

Cette frivolité, d'où je tiens ma gaieté, vous attriste, Balbine ?

- Elle fait de la cendre...

Elle a donc brûlé !

- Elle a tout consumé...

Elle était une flamme ! Il faut bien qu'une flamme laisse de la cendre, comme la vie laisse de la mort.

*
**

Nous aurons à tout quitter, Balbine. Et voilà ce qui vous attriste, non pas ma frivolité. Si nous n'avions pas à tout quitter un jour, ma frivolité serait absurde. Elle ne l'est pas : elle est tout l'amour qu'il sied d'accorder à ce qu'on doit quitter un jour.

- Mais je ne puis aimer que pour l'éternité !

Chère Balbine, que je vous aime de le dire ! Et de le croire. Cependant vos amours, les unes après les autres, n'ont pas duré longtemps. Vous le savez ; mais vous me dites :

- J'ai souvent mis l'éternité dans un instant !

Voilà comme il faut faire : et puis s'apercevoir de ce mensonge et sentir qu'une éternité d'un instant mérite un sourire, assentiment furtif et un salut dès l'arrivée.

Un tel sourire, je l'appelle frivolité. Votre sourire en est une, votre même sourire pour me dire bonjour et me dire adieu.

Puisque vous savez mettre dans un instant l'éternité, Balbine, vous ne risquez pas de vivre sans ferveur. Je vous ai vue quelquefois inattentive à une rêverie du coeur et de l'esprit, - cette rêverie vous tenait jusqu'alors et, soudain, tombe, - une autre la remplace : le paysage vous a distraite de votre amour, ô Balbine infidèle et frivole.

Il faudra regarder la mort en face. Votre courage y suffira. Il faudra tourner le dos à la vie, hélas ! Mais vous avez tourné le dos à tant de moments, qui étaient jolis, que vos infidélités vous auront préparée à l'infidélité éternelle, comme dit Chateaubriand de la mort.

La frivolité que je vous recommande, et que vous pratiquez avec une grâce naïve, cette frivolité vous détache du monde où votre amitié vous engage. Elle vous dispose à une abnégation que vous rendez charmante. Et, quand il sera temps de mourir, Balbine, vous ne serez pas au dépourvu. Adieu ! direz-vous au monde, aux matins clairs et aux soirs où finit le jour, mais où la nuit commence ; adieu ! leur direz-vous, comme vous me le dites, et me dites bonjour avec un sourire pareil. Vous quitterez vos instants pour l'éternité, qui ne vous est pas inconnue ; car elle était dans vos instants.

Aimez les matins et les soirs de la terre, et les heures qui vous mènent de l'éveil au sommeil, toutes les heures, même sombres. Et aimez-vous, Balbine, jusqu'à aimer toutes choses pour l'amour de vous.

- Non ! Je suis morte. L'êtes-vous, Balbine ?

- Puisque je dois mourir un jour, oui, je suis morte.

Ah ! vous péchez contre la vertu de frivolité, Balbine. Elle vous invite aussi à sentir ce qu'il y a de vie dans vos petites morts de tous les instants. C'est vivre, que mourir sans cesse !

*
**

La terre ne prendra pas le deuil, les étoiles ne s'éteindront pas, ni les fleurs ne se faneront toutes : et vous serez morte.

Ce n'est pas un grand événement. Vous avez trop de goût, Balbine, pour croire qu'un petit événement, celui de votre mort, soit célébré dans l'univers. Votre sourire est votre adieu discret à l'univers. Vous n'agiterez pas votre mouchoir au bout de vos doigts.

*
**

Je n'ai pas trop compté sur vous, Balbine ; ainsi, vous ne m'avez pas déçu. Vous n'avez compté sur le bel univers que pour la gaieté de vos instants. Il avait de quoi fournir à tous vos instants ; sa richesse était à l'égal de votre frivolité. Il ne vous a point déçue.

Vivez, Balbine, avant d'être à mourir. Sots, qui demandent si la vie, telle que la voici, vaut la peine de la vivre ! Telle que la voici, elle est tout ce que nous avons et qui nous fut donné. La peine de la vivre ? Le seul plaisir que l'on nous ait offert, et qui est vif et varié.

Vous serez vieille... Ah ! quelle épreuve, je l'avoue ! C'est pourtant l'âge que vous sera le plus facile une étourderie savante, sous le nom de frivolité. Vos instants qui vous auront délaissée vous auront enseigné l'art de vivre dans la frivolité universelle et d'y garder une ferveur qui éternise les parcelles du temps. Plus vous paraîtront ces parcelles menues, légères et analogues aux petits grains d'une cendre, et plus elles vous paraîtront, sous la menace du vent, précieuses.

Quel vent ? Celui de la vie, ou de la mort, qui ont assez de ressemblance pour que vous alliez de l'une à l'autre sans effroi.

Vous cheminez le long d'un beau sentier. Votre pas est inégal ; vous le ralentissez par moments, et puis courez. Vous serez de moins en moins rapide. On vous verra, plus tard, le souci de n'aller pas vite, quand vous apercevrez à plus courte distance le bout du chemin. Vous aurez soin de vous attarder, sans faire de bruit, comme si votre silence devait empêcher qu'on ne vous dît allez, allez ! Vous rechercherez, comme à présent vous les fuyez, les occasions d'un peu d'ennui, parce que l'ennui donne au temps un peu de lenteur. On vous verra sourire de votre malice, dont vous ne serez point la dupe.

Je ne vous verrai pas : je vous devance. Vous m'aurez oublié ; ou bien vous m'aurez enseveli dans votre mémoire, digne sépulture et tranquille. Infidèle Balbine, et qui me donnerez mon éternité d'oubli !

Je réserve la part de Dieu. La vôtre est petite ; je vous la laisse.

Je pense à vous et à votre mort, un jour d'été, qui est joli d'incertitude. Il y a au ciel, sur ce fond bleu du ciel, un petit nuage d'une fine blancheur, que le vent chasse. Il court, il précède le vent, suit sa destinée ou va plus vite qu'elle : sa frivole bravoure est une image, et presque insignifiante, que dédie ma frivolité à la vôtre. Je vous aimais, Balbine ; c'est vous aimer encore. Adieu Balbine, Souvenez-vous de moi, dans votre oubli.


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