AVANT-PROPOS.
N
OUS avons l’
Ami des Enfans et le
Magasin des Adolescentes, deux
ouvrages également utiles aux deux âges de la jeunesse, qu’ils ont pour
objet. Pourquoi n’aurions-nous pas l’
Ami des jeunes Femmes, cette
portion de l’humanité si précieuse à la société, et d’où dépendent son
bonheur et sa population ? En vain vous aurez appris à la jeunesse
comment elle doit se comporter dans son bas âge, si nous ne continuons
pas nos leçons jusqu’au moment où, placée au rang des mères de famille,
notre jeune élève doit exercer le plus sérieux et le plus important des
devoirs, celui d’épouse et de mère. Aussi, ce plan fut-il celui du
vertueux Berquin, si la mort ne l’eût ravi au milieu d’une carrière
qu’il ne parcourait que pour le bonheur du genre humain.
Quelqu’imparfait que puisse être notre travail, on conviendra, au
moins, qu’il ne pourrait avoir un but plus utile ni plus important. Il
s’agit d’apprendre aux jeunes femmes à aimer leur état, à y chercher
leur bonheur, à faire participer leurs maris à cette douce félicité, et
à laisser après elles une postérité saine et vigoureuse. Qui ne sait
pas que c’est de l’absence totale des notions les plus simples sur
l’état d’épouse et de mère, à laquelle certaines préventions, trop
ordinaires dans les familles, semblent avoir condamné les jeunes
personnes, jusqu’à l’époque qui les remet aux bras d’un époux, que
découlent les nombreux et funestes inconvéniens qui en résultent pour
celles-ci ? Privées des lumières suffisantes sur les causes, les effets
et les suites de la maternité, combien, tous les jours encore, n’en
voyons-nous pas qui, victimes d’une ignorance funeste, paient du prix
des plus cruelles maladies, des plus longues souffrances, des langueurs
les plus désespérantes, de leur vie même, et presque toujours de celle
d’un être innocent que la nature, en le déposant dans leur sein, avait
marqué du sceau de l’existence, quelques imprudences en apparence
légères, mais terribles en effet, qu’elles n’auraient pas commises, si,
au lieu d’éloigner d’elles les instructions convenables sur leur état
futur, on se fût, au contraire, empressé de leur dérouler le tableau de
ses inconvéniens.
Et, sans celui que nous venons d’offrir des suites cruelles de cette
malheureuse impéritie, que ne pouvons-nous pas dire de celles qu’on
voit journellement résulter de l’usage, ou plutôt de l’abus meurtrier,
qu’au mépris des plus graves accidens, des maux les plus alarmans, et
de la voix des sages et des physiciens les plus distingués, continuent
même encore aujourd’hui, de pratiquer certaines mères, en ne craignant
pas d’abandonner les fruits de leur étonnante tendresse à des
étrangères appelées nourrices, entre les mains desquelles ces faibles
et tristes victimes de l’insouciance la plus criminelle deviennent….
ce qu’elles peuvent…. Ce qu’elles peuvent, grand Dieu ! Le Pharaon
d’Egypte, faisant précipiter dans les gouffres du Nil les premiers-nés
des Hébreux, n’est ni plus atroce, ni plus horrible !.... Mais
réprimons des transports que la nature indignée soulève. Les lois de la
nature sont sages et bonnes comme elle : ces lois nous commandent de
penser que ces mères, que nous ne nous permettrons pas de qualifier,
ont, sans doute, le même droit que les précédentes de reprocher à des
parens, peu instruits eux-mêmes, de ne les avoir pas éclairées sur les
trop nombreux accidens attachés au danger de contrarier la marche de la
nature, dans l’acte le plus saint et le plus auguste de la maternité,
celui
d’allaiter soi-même l’enfant auquel on a donné le jour. Que, si
ce n’est pas la tendresse maternelle, ce soit au moins leur propre
intérêt, celui de leur conservation qui les y porte !
On n’exige pas, sans doute, d’une jeune personne nouvellement mariée,
qui desire d’avoir des enfans, qu’elle ait la science d’un médecin ou
d’un accoucheur ; qu’elle pâlisse sur les livres de l’art : on conçoit
qu’une pareille étude la rebuterait bientôt ; mais quel inconvénient y
aurait-il, qu’à l’aide d’une lecture instructive, agréable et facile,
sur ce sujet, elle en sût assez pour ne se point tromper sur son état,
sur la conduite journalière qu’elle doit tenir pour éviter de
dangereuses méprises ? Au moins par-là serait-elle à l’abri de se
laisser aller aux erreurs populaires de certains soi-disant adeptes
(des deux sexes), qui ne font nulle façon de se croire assez initiés
dans les secrets de la nature, pour oser risquer des leçons, et même
des pratiques, souvent très-dangereuses. Quelques lumières acquises par
la lecture de cet ouvrage, dissiperont dans l’esprit de la jeune
personne les nuages les plus épais qui obscurcissent les
idées qu’elle peut avoir sur son existence physique ; et pour peu que
ses qualités morales, d’accord avec la tendresse maternelle, viennent à
l’appui de la bonne volonté de s’instruire, elle s’en trouvera plus
disposée à devenir une vraie mère, en servant tout à la fois sa santé,
son devoir et la nature.
Mais ce ne sont pas là les seuls avantages auxquels se soit borné
l’auteur de ces utiles leçons. Il n’a pas suffi à son zèle pour
l’humanité que, d’après ses préceptes, les enfans vinssent au monde
sains et bien constitués, que les mères elles-mêmes acquissent de leur
maternité une santé plus ferme, plus robuste ; il a voulu encore que
les enfans recueillissent de l’exacte observation, par les mères, de
ces mêmes préceptes, les avantages de la force, de l’adresse et de
l’agilité ; il a voulu que toute instruction prématurée fût bannie loin
d’eux, comme trop fatigante pour des organes naissans, et nuisible à
leur développement : il n’entend pas qu’on énerve leurs facultés
intellectuelles par des leçons trop longues ou trop multipliées ; il
prétend enfin, et avec raison, que les jeux de l’enfance sont pour elle
des études, ou au moins des occupations suffisantes, et qu’en suivant
pas à pas, et progressivement, cette marche avec les enfans, on les
amène insensiblement, et sans peine, au point de sentir que, pour être
heureux, on doit se mettre en état de faire quelque chose d’utile pour
soi, et d’y joindre l’agréable pour les autres ; seuls points vraiment
essentiels, auxquels il semble qu’on devrait borner tous les
raisonnemens de la philosophie sociale.
C’est sous ces différens aspects de l’utilité la plus incontestable,
qu’on a développé, dans cet ouvrage, à toutes les jeunes épouses, les
secrets de la nature les plus intéressans pour elles ; on s’y est
principalement attaché à leur indiquer les moyens de se préserver des
accidens et des maux de toute espèce qu’entraîne après elle
l’inobservation de ses lois. Les courtes et faciles instructions qu’on
y présente, dans un format commode et portatif, n’offrent ni la
sécheresse, ni l’âpreté des leçons de ce genre : fruits agréables, non
moins qu’utiles, d’une observation attentive et d’une expérience
constante, autant que d’une étude méditée et approfondie des auteurs
les plus estimés dans cette partie de la physique humaine, elles
joignent au mérite de l’agrément, celui de servir la société dans le
plus précieux de ses avantages, l’accroissement de ses membres.
Ainsi, sous tous les rapports qui peuvent rendre un ouvrage
recommandable, on aura toujours raison de dire que, tant qu’il y aura
des épouses et des mères, le nôtre trouvera des lecteurs, et leur
servira de guide infaillible.
L’AMI
DES JEUNES FEMMES,
OU
LES DEVOIRS DU MARIAGE
ET DE LA MATERNITÉ.
======================
Ier. ENTRETIEN
D’UNE MERE AVEC SA FILLE,
NOUVELLEMENT MARIÉE.
_________
Première époque du Mariage.
De la Conception.
Madame D’O
LBAN.
TE voilà donc enfin mariée au gré de mes desirs, et sûrement des tiens,
ma chère fille ! Tu as applaudi au choix que j’ai fait de ton mari ; et
je me félicite de ce que tu as trouvé en lui les qualités que tu
pouvais desirer.
Madame D’U
RZELLES.
Je les y ai trouvées toutes, ma mère. Que de graces aussi
n’ai-je pas à vous rendre de m’avoir éclairée dans ce choix, en
préservant mon coeur de se prévenir pour quelqu’autre qui, peut-être,
n’en eût pas été digne !
Madame D’O
LBAN.
Du côté du moral, ma fille, l’éducation que je t’ai donnée te met en
état d’être heureuse avec ton époux, en faisant son bonheur.
Madame D’U
RZELLES.
C’est le voeu le plus cher et le plus doux de mon coeur, ma mère.
Madame D’O
LBAN.
Je n’en doute pas, mon enfant : mais la qualité d’épouse, qui va te
mener naturellement à celle de mère, exige que tu étendes tes voeux
jusqu’à remplir dignement les saints devoirs de la maternité.
Madame D’U
RZELLES.
Vous m’avez nourrie vous-même ; vous m’avez élevée ; vous ne m’avez
jamais perdue de vue : ne doutez pas qu’à votre exemple, je ne fasse, à
l’égard de mes enfans, tout ce que votre tendresse maternelle a fait
pour moi.
Madame D’O
LBAN.
J’y compte, ma chère fille. Oui, je t’ai donné d’assez bons exemples et
d’assez sages principes de vertus morales, pour espérer que tu seras
aussi bonne mère qu’épouse raisonnable. Mais il est des choses sur
lesquelles il ne m’a pas été permis jusqu’à présent de te donner
aucunes instructions ; je te les réservais pour ce moment ci : elles
regardent ton physique, relativement aux deux qualités de femme et de
mère, qui fixent ton existence. Il ne suffit pas maintenant que tu sois
éclairée sur la conduite morale que tu dois observer ; il convient
encore que tu acquières quelques lumières sur les moyens de ne point
compromettre, par ton ignorance, ta santé, ta conservation, et celle
des enfans à qui tu pourras donner le jour.
Madame D’U
RZELLES.
C’est aussi, ma mère, sur quoi je desirais vous demander des
instructions.
Madame D’O
LBAN.
Quand j’entrepris de te nourrir, mon enfant, je fis une étude
particulière de l’état d’une femme enceinte, des différentes époques de
cet état ; des dangers qui le menacent, trop souvent multipliés par
l’étourderie et l’ignorance des jeunes femmes ; je joignis à cette
étude ce qu’il est indispensable de savoir, quand, comme le doit faire
une vraie mère, on se résout à nourrir soi-même ses enfans. Je suis
donc assez instruite, pour t’apprendre, sur ces deux états par où tu
vas passer, les choses qu’il t’importe le plus de savoir.
Madame D’U
RZELLES.
Je vous prête la plus sérieuse attention ; car j’ai grande envie de
profiter de vos lumières.
Madame D’O
LBAN.
En ce cas, je commencerai par les premiers principes, afin de ne rien
confondre : beaucoup de femmes, par exemple, sont assez ignorantes pour
ne savoir pas distinguer la conception d’avec la grossesse.
Madame D’U
RZELLES.
Je le crois ; et vous pouvez hardiment me mettre du nombre de ces
ignorantes.
Madame D’O
LBAN.
La conception est l’action par laquelle un enfant est conçu ou formé
dans
le ventre (1) de sa mère : dès que ce qui est engendré prend
accroissement dans quelque partie que ce soit qui puisse le contenir,
elle prend alors le caractère et le nom de grossesse.
Madame D’U
RZELLES.
Comment ! dans quelque partie que ce soit ? Est-ce qu’il y a dans la
femme plusieurs parties qui servent à contenir l’enfant ?
Madame D’O
LBAN.
Oui : mais je ne te parlerai que de celle qui est selon le voeu de la
nature, afin d’éviter ici des écarts anatomiques qui nous meneraient
trop loin. La matrice (2) est la seule partie des femelles des animaux
où se fait communément la conception et la nourriture du foetus, ou des
petits jusqu’à leur naissance.
Madame D’U
RZELLES.
Mais d’où viennent ces petits ? car ils ne se trouvent pas tout formés,
et prêts à croître dans le sein de la mère.
Madame D’O
LBAN.
Le sentiment sur la génération des animaux par le moyen des oeufs, ou
des ovaires, paraît le plus certain, par nombre de découvertes,
d’expériences et d’observations qu’on a faites sur ce grand sujet.
Madame D’U
RZELLES.
Des oeufs !.. Quoi ! comme des poules, nous avons des oeufs.
Madame D’O
LBAN.
Oui, vraiment ; et pour les faire venir à bien, quand ils sont
convertis en êtres animés, la mère devrait les couver comme les poules
; c’est-à-dire, les garder auprès d’elle, les nourrir et leur donner
tous ses soins. Mais c’est une loi de la nature qui, au grand malheur
des mères, n’est pas assez suivie.
Madame D’U
RZELLES.
Tant pis pour elles ; c’est leur faute. Mais par quelle vertu ces oeufs
peuvent-ils s’animer et devenir des enfans ?
Madame D’O
LBAN.
Par le contact de l’homme. C’est lui qui les féconde. Ce n’est que
par-là qu’ils acquièrent une vertu d’existence et d’accroissement,
qu’on appelle prolifique.
Madame D’U
RZELLES.
J’entends. Le détail de cet accroissement qui, d’un oeuf, fait un
enfant, doit être bien curieux !
Madame D’O
LBAN.
Très-curieux. Le veux-tu savoir ?
Madame D’U
RZELLES.
Volontiers.
Madame D’O
LBAN.
Ecoute. L’oeuf, lorsqu’il est fécondé, se gonfle, se développe, s’étend
en tous sens ; et environ quarante-huit heures après, son pédicule ou
sa queue se détache de l’ovaire sans déchirure, comme les feuilles des
arbres se détachent à l’entrée de l’hiver.
Le troisième ou quatrième jour, l’oeuf est totalement détaché, et
conduit insensiblement dans la matrice : c’est alors qu’une femme est
enceinte : l’orifice ou l’entrée de la matrice se resserre alors si
étroitement, qu’on ne pourrait y introduire une soie : c’est un
sentiment généralement adopté.
Trois ou quatre jours après que l’oeuf est parvenu dans la cavité de la
matrice, il est de la grosseur d’une grosse cerise.
Le sixième jour, cet oeuf devient un embryon ou foetus, où l’on ne
distingue que quelques fibres blanches et grossières.
Le quinzième jour, on commence à mieux distinguer la tête, et à
reconnaître les traits les plus apparens du visage, et les premières
ébauches de tous les membres.
A trois semaines, le foetus est composé de cartilages ; les principes
des os y sont comme tracés : on y distingue la tête comme une membrane
enflée par les vents ; des bras, les mains sont figurés ; on y découvre
aussi les côtes qui doivent se former ; le coeur, le poumon, et
différentes parties du ventre inférieur.
A un mois, le foetus a plus de longueur, la figure humaine est décidée,
le corps est dessiné, les membres sont formés.
A six semaines, le foetus a grandi, la figure humaine commence à se
perfectionner.
Enfin, tous les quinze jours, les progrès de l’accroissement du foetus
sont sensibles et considérables jusqu’à neuf mois : cependant ils le
sont un peu moins dans les derniers mois.
Madame D’U
RZELLES.
Me voilà bien au fait de l’accroissement du foetus dans la matrice (3) :
mais ne m’avez-vous pas dit que, quand le foetus y est descendu, elle se
referme si bien, qu’on ne pourrait pas y faire entrer une soie ?
Madame D’O
LBAN.
Oui, cela est certain.
Madame D’U
RZELLES.
En ce cas, son accroissement me paraît miraculeux ; car le foetus
enfermé dans cette matrice comme dans une poche ronde, de quoi peut-il
se nourrir ?
Madame D’O
LBAN.
Pour te donner des idées claires des moyens que la nature emploie pour
fournir à la nourriture l’enfant, je dois te dire d’abord ce que c’est
que le placenta, et sa communication avec l’enfant par le cordon
ombilical.
Madame D’U
RZELLES.
Voyons ; cela doit être intéressant.
Madame D’O
LBAN.
Le placenta est une masse molle et rougeâtre, en forme de gâteau, qui
tient le milieu dans la matrice, entre cette partie et le foetus : il
soutient celui-ci comme ferait un coussinet, de façon qu’il ne le gêne
pas, ni ses ligamens.
Madame D’U
RZELLES.
Comme la nature prévoit tout !
Madame D’O
LBAN.
C’est par le moyen de ce placenta, que le suc lymphatique et laiteux de
la mère parvient au cordon ombilical, dès qu’il y est joint, pour
fournir une partie de la nourriture de l’enfant ; et c’est ce placenta
qui, après les couches, prend le nom commun
d’arrière-faix, ou de
délivre.
Madame D’U
RZELLES.
Mais, pour cela, il faut donc que ce cordon ombilical soit comme une
espèce de tuyau de pompe, qui rend dans la bouche de l’enfant ?
Madame D’O
LBAN.
Point du tout : le cordon ombilical part du nombril de l’enfant,
immédiatement lorsqu’il est encore dans la matrice. Il est composé
d’une veine et de deux artères, et enveloppé d’une membrane épaisse ;
il est long d’environ une aune, et de l’épaisseur d’un doigt : après
quelques replis autour de l’enfant, il aboutit au placenta, auquel il
s’est joint par ses vaisseaux et par ses membranes.
Madame D’U
RZELLES.
J’entends ; et c’est par la circulation du sang de la mère, qui se
communique à l’enfant, au moyen de ce cordon, que cet enfant prend sa
nourriture.
Madame D’O
LBAN.
Il n’en prend qu’une partie par cette voie. Outre cela, le foetus a dans
son quatrième mois, la bouche formée et béante, comme les poulets ont
le bec ouvert dans leurs oeufs. Le suc de l’amnios, membrane qui
enveloppe immédiatement tout le foetus, pénètre dans sa bouche, et coule
dans son estomac, de la même façon que la substance de l’oeuf pénètre
dans le bec du poulet.
Madame D’U
RZELLES.
Quel admirable mécanisme !.. Allons, me voilà bien au fait de la
nourriture et de l’accroissement de l’enfant ; venons à ce qui, pour
mon compte, m’inquiétera le plus : c’est de savoir quand je serai
enceinte, ou plutôt quand j’aurai conçu.
Madame D’O
LBAN.
Les signes de la grossesse sont d’ordinaire plus certains que ceux de
la conception.
Du moment que la femme a conçu, il lui prend un léger frémissement, et
de petits mouvemens convulsifs dans tout le corps et dans toutes ses
parties. Le dixième jour de la conception, elle ressent des douleurs et
des pesanteurs dans la tête ; sa vue se trouble, elle éprouve de légers
vertiges, des dégoûts et des envies de vomir.
Madame D’U
RZELLES.
Mais vous ne me parlez point de la cessation des règles : je croyais
que c’était la plus sûre preuve de la grossesse.
Madame D’O
LBAN.
C’en est une ; mais comme je ne te parlais que des symptômes de la
conception, je n’ai pas voulu les confondre avec ceux de la grossesse.
Madame D’U
RZELLES.
J’ai tort, c’est moi qui vais trop vite.
Madame D’O
LBAN.
Nous y voilà à cette grossesse. Si les règles cessent à des femmes qui
étaient bien réglées, sans qu’il leur survienne des fièvres, des
douleurs aux reins, des pesanteurs dans le corps, des lassitudes dans
les membres, ou d’autres incommodités ordinaires à la suite de cette
suppression, lorsqu’elle est contre le cours ordinaire de la nature, on
doit présumer qu’elles sont enceintes : mais il est bon que tu saches
que la cessation des règles n’a pas lieu dans toutes les femmes
enceintes : il y en a même qui continuent d’être réglées dans les
premiers mois, et d’autres jusqu’à la fin de la grossesse. Enfin, c’est
le mouvement de l’enfant qui est le signe le plus certain de la
grossesse.
Madame D’U
RZELLES.
Mais une femme grosse, outre la cessation de ses règles,
n’essuie-t-elle pas, de mois en mois, bien des variations qui lui
causent différentes incommodités ? Je serais bien aise de les savoir,
afin de m’y attendre et d’en être moins inquiète.
Madame D’O
LBAN.
Tu as raison ; et je vais te les détailler. Dès le second mois de la
grossesse, une femme éprouve ordinairement des crachements fréquens,
des dégoûts, des appétits bizarres et déréglés, des envies de vomir et
des vomissemens. Dans le troisième mois, tous ces symptômes se
soutiennent, et souvent ils augmentent ; les sens commencent à se
gorger ; ils sont un peu douloureux dans le quatrième mois : l’enfant,
faible alors, ne fait pas de mouvemens sensibles ; on le détermine à
les faire, en appliquant des linges imbibés d’eau froide sur la partie
du ventre la plus élevée et la plus dure : l’enfant, sensible à
l’action du froid, fait des mouvemens pour l’éviter ; et une mère
attentive, en réitérant, s’il le faut, cette expérience, les distingue
aisément.
Madame D’U
RZELLES.
Voilà qui est bon à savoir ; car, jusqu’à ce que je sente remuer mon
enfant, je crois que je douterai toujours que ma grossesse soit d’une
bonne nature : il y en a tant d’équivoques ! Si cela, maman, ne vous
fatigue pas, apprenez-moi d’où elles peuvent encore provenir, et enfin
ce que c’est que les fausses grossesses ?
Madame D’O
LBAN.
Je n’aurais eu garde d’oublier de t’en parler ; car c’est pour les
éviter, qu’une femme doit particulièrement se préserver de contrarier
la nature, ou de la détruire, par une conduite déraisonnable et peu
relative à son état.
Madame D’U
RZELLES.
Ne craignez pas non plus que je m’y expose. Cette nature est si
ingénieuse dans ses opérations, si admirable dans le fruit qui résulte
de celles dont il s’agit, qu’elle mérite bien que, loin de la
contredire, nous la secondions de tous nos moyens.
Madame D’O
LBAN.
Les femmes débiles et délicates ont les fibres faibles et irritables ;
leurs fluides sont trop divisés, leurs fonctions lentes : celles des
valétudinaires sont imparfaites, et souvent viciées : alors, elles
forment, au lieu d’embryon, des moles, des faux germes, ou des foetus
mal conditionnés.
Madame D’U
RZELLES.
Il paraît qu’on entend par embryon, un foetus bien formé, qu’on appelle
ensuite un enfant.
Madame D’O
LBAN.
Précisément. Une mole n’est qu’une masse de chair informe, qui
s’engendre dans la matrice des femmes, à la place du foetus ; et on la
nomme ainsi, parce qu’elle ressemble à une meule de moulin.
Madame D’U
RZELLES.
Fort bien. Mais revenons aux fausses grossesses : je les crois bien
inquiétantes ?
Madame D’O
LBAN.
Quand une femme se comporte comme elle le doit, elles sont très-rares.
Le plus communément, elles ne proviennent que d’un régime de vie
irrégulier ou excessif, d’une vie molle et sédentaire ; de veilles
forcées, d’alimens incendiaires, de boissons échauffantes, et d’autres
abus quelconques.
Madame D’U
RZELLES.
En ce cas, combien les femmes de nos jours, ne s’exposent-elles pas ;
lorsque, sans respecter leur état de mère, elles se livrent à des
danses immodérées, à passer des nuits, et à tant d’autres excès, non
moins nuisibles ?
Madame D’O
LBAN.
Aussi, combien n’en a-t-on pas vu, qui, par trop d’agitation,
rejetaient leurs embryons, le septième jour de leur fécondation !
Madame D’U
RZELLES.
Quel désordre effrayant ! Mais si elles ne rejetaient pas les embryons,
que deviendraient ceux-ci ?
Madame D’O
LBAN.
Les uns périssent par la violence, d’autres par la langueur, et
compromettent ainsi la vie de leur mère.
Madame D’U
RZELLES.
Comment, pour quelques heures passagères de plaisir, peut-on s’exposer
à tant de maux ? Au reste, c’est souvent l’ignorance de toutes les
choses que vous m’apprenez, qui en est la principale cause ; et moi,
toute la première, sans vos bonnes instructions, je me serais peut-être
exposée à ces dangers. Mais comme des accidens qu’on ne peut pas
prévoir, peuvent occasionner ces moles ou faux germes, n’y a-t-il pas
quelque indice qui les fasse distinguer d’un enfant ? Dans
l’incertitude, il serait bon de savoir faire cette distinction.
Madame D’O
LBAN.
Oui, ma fille ; la nature a pensé à tout, à nous éclairer même sur nos
désordres, afin qu’avec un peu de méditation, nous puissions y remédier.
On distingue dans le ventre, même avant le troisième mois, lorsqu’il y
a une mole, un mouvement obscur et tremblotant : si on la comprime d’un
côté, elle tombera de l’autre ; et après la compression, elle revient
dans le même endroit où elle avait été chassée : un enfant, au
contraire, ne sort pas de sa place lorsqu’on le pousse avec la main.
Ce qui occasionne encore les fausses conceptions, qu’on peut appeler
ici fausses grossesses, c’est la très-grande imprudence de marier les
filles trop jeunes, et de les exposer à concevoir avant qu’elles soient
elles-mêmes formées ; et avant qu’elles aient acquis toute leur
croissance, la nature, occupée encore à perfectionner leurs organes,
peut-elle donner au germe de l’embryon les qualités nécessaires pour
être parfaitement fécondé ?
Madame D’U
RZELLES.
Ah ! ah ! - C’est donc pour cela, ma chère maman, que vous n’avez pas
consenti, il y a trois ans, à me marier, comme mon papa le voulait ?
Madame D’O
LBAN.
Assurément, ma chère amie. Tu grandissais encore ; tu n’avais que
quinze ans : j’aimais trop ma fille, pour vouloir la marier, avant que
son tempérament fût tout-à-fait formé.
Madame D’U
RZELLES.
Je vous en remercie, ma mère : cependant la grande raison de mon père,
alors, pour me marier, était que vous lui aviez dit que j’étais grande
fille.
Madame D’O
LBAN.
Je savais aussi mieux que lui que c’est un préjugé trompeur de croire
que les filles sont nubiles, parce que leurs cours périodiques sont
établis ; en admettant cette fausse maxime, il en est qu’on pourrait
marier dès l’âge de neuf ans. Le véritable âge du mariage pour une
fille, l’âge indiqué par une époque naturelle, qui ne peut jamais
tromper, c’est celui où elle a pris toute sa croissance, et où son
tempérament est décidé.
Madame D’U
RZELLES.
Allons, je vous assure que, si j’ai des filles, j’aurai la même
attention pour elles, car elle me paraît très-judicieuse.
Madame D’O
LBAN.
Il serait bien à souhaiter qu’on pensât et qu’on agît de même sur le
tems convenable pour marier les garçons !... Mais bornons ici, pour
cette fois, notre conversation. Un plus long entretien pourrait mettre
de la confusion dans tes idées ; et pour une première leçon c’est
peut-être déjà trop.
Madame D’U
RZELLES.
Non, vraiment ; je trouve tant d’intérêt à ce que vous m’avez dit, et
j’y mets une telle curiosité, que je vous promets de n’en pas oublier
un mot. D’ailleurs, je vous assure que je repasserai souvent toutes ces
choses dans ma mémoire.
Madame D’O
LBAN.
Et tu feras bien. Pourquoi une bonne citoyenne, une bonne mère
dédaignerait-elle de s’occuper d’objets aussi essentiels pour elle-même
et pour sa postérité,
FIN DU PREMIER ENTRETIEN.
IIe. ENTRETIEN.
____
Seconde époque, de la Grossesse avancée, jusqu’à l’Accouchement.
Grossesses heureuses. Pertes.
Régime des Femmes enceintes ;
Nourritures, Boissons, Exercice.
Avortemens, leurs causes.
Squirres, etc., etc.
Madame D’U
RZELLES.
P
ROFITONS, ma chère maman, de ce moment favorable, pour continuer notre
conversation de l’autre jour. Vous savez que vous avez encore bien des
choses à m’apprendre, et que j’ai le plus vif desir de m’instruire.
Madame D’O
LBAN.
Volontiers. Je vais te dire les choses les plus importantes ; mais j’ai
peur de t’intimider par le tableau qu’elles t’offriront des
inconvéniens et des maladies qui accompagnent la grossesse ; et une
femme mariée, destinée à faire des enfans, a besoin de fermeté et de
résolution, pour se tirer avec avantage des divers événemens de sa
grossesse et de l’accouchement.
Madame D’U
RZELLES.
Eh bien, ma mère ! pour moi, qui sais que l’ignorance en presque toutes
choses, est la mère de la timidité, je sens que plus je serai
instruite, et plus j’aurai ce courage que vous me conseillez. N’est-ce
pas l’ignorance qui fait que presque toutes les femmes ont peur du
tonnerre ? Si elles savaient que ses effets partent d’une cause
naturelle, elles n’auraient pas peur.
Madame D’O
LBAN.
Je suis charmée que tu penses ainsi. Mais sois sûre qu’une femme
naturellement saine et bien constituée, qui fait un exercice convenable
à son état, qui travaille, observe un régime de vie raisonnable, et qui
ne se livre pas au penchant des passions, sois persuadée, dis-je,
qu’une telle femme ne sera jamais exposée aux accidents qu’entraîne
toujours après elle une conduite mal entendue.
Madame D’U
RZELLES.
Ah ! je vois que vous voulez me ménager ; vous n’attribuez tous ces
accidens à une mauvaise conduite, que parce que vous craignez d’entrer
dans les détails.
Madame D’O
LBAN.
Je t’en ai dit assez sur ce chapitre dans notre premier entretien, au
sujet des diverses variations de la grossesse.
Madame D’U
RZELLES.
Je me les rappelle à merveille ; mais entre autres accidens que vous ne
m’avez pas expliqués, il en est un qui, à ce que j’ai ouï dire, arrive
fort communément aux femmes enceintes : ce sont les pertes. Faites-moi
le plaisir de m’en dire quelque chose.
Madame D’O
LBAN.
Tu me préviens, d’autant mieux que c’est l’accident le plus commun et
le plus effrayant pour une jeune femme qui n’est pas instruite.
Lorsque les femmes sont pituiteuses, délicates, et qu’elles ont la
fibre lâche, il arrive quelquefois qu’au commencement de leur
grossesse, elles sont réglées : cette évacuation, qui n’est pas dans
les lois de la nature, se fait aux dépens de la santé de la mère et de
la nutrition de l’enfant ; et on doit la regarder comme ce qu’on
appelle une perte.
Si les écoulemens des femmes enceintes sont de véritables menstrues,
elles n’en souffrent point d’incommodité ; si, au contraire, ils ont le
caractère de pertes, ils ne laissent entr’eux que des intervalles
irréguliers ; et le moindre mouvement les renouvelle.
Les pertes considérables qui surviennent aux femmes grosses, dans les
différens tems de la grossesse, proviennent souvent de faux germes, de
moles, ou de quelque accident arrivé au foetus. Les premiers sont des
corps étrangers que la nature s’empresse toujours de rejeter. Dans ses
tentatives, qui ont pour but l’exclusion des corps étrangers, il peut
rester de petits vaisseaux dans la matrice, qui ne se ferment jamais
parfaitement qu’après que la femme est délivrée.
Lorsque par des chûtes, des efforts, des toux, ou de vives passions de
l’ame, le placenta se détache dans les premiers tems de son adhérence,
ses racines sont très-petites, l’hémorragie est très-peu de chose ;
quelquefois même il n’y en a point. Enfin, les pertes qui proviennent
de cette cause sont plus ou moins abondantes ou dangereuses, selon que
la séparation du placenta est considérable, et que la grossesse est
avancée.
Madame D’U
RZELLES.
Je sais à présent ce que c’est qu’une perte, et ce qui peut y donner
lieu. Il en faut conclure qu’une femme enceinte ne saurait être top
attentive à éviter les chûtes, et à ne faire aucun excès en quoi que ce
soit.
Passons à autre chose que je me suis promis de vous demander. Que
faut-il que j’entende, quand on dit : « Madame une telle porte son
enfant haut ; madame une telle porte son enfant bas ? »
Madame D’O
LBAN.
Je vais répondre à cela. Quand un enfant est porté trop haut, c’est
parce que les ligamens larges de la matrice ne sont pas assez souples,
pour se prêter à un relâchement naturel et nécessaire ; ce qui arrive
plus fréquemment dans les premières grossesses, que dans les autres. Il
est des femmes qui portent leurs enfans si haut, qu’elles se persuadent
l’avoir dans l’estomac. Cela fait que dès qu’elles ont mangé, marché,
monté un escalier, ou dès qu’elles se sont agitées de toute autre
manière, elles se sentent tellement oppressées, qu’elles craignent
d’étouffer.
Si, au contraire, le relâchement de la matrice dans les femmes grosses,
fait que la matrice descend sur ce qu’on appelle son col, elle gêne
alors tellement les femmes dans leur marche, qu’elles ne peuvent même,
sans écarter les jambes, faire un pas : enfin, elle occasionne les
mêmes accidens, en tiraillant, par la force de son poids, les muscles,
les membranes, les ligamens des entrailles et des autres viscères, que
ceux que, lorsqu’elle est portée trop haut, elle produit par la
compression. Toutes les fonctions en souffrent ; et les digestions en
sont également dérangées.
Madame D’U
RZELLES..
Me voilà satisfaite sur les deux objets que je m’étais proposé de vous
rappeler dans votre instruction ; mais ce que vous venez de me dire, me
conduit, malgré moi, à une réflexion bien triste.
Madame D’O
LBAN.
Quelle est-elle ?
Madame D’U
RZELLES.
Malgré les adoucissemens que vous mettez dans vos détails, ne
trouvez-vous pas comme moi que la condition des femelles des animaux,
dans la reproduction, est plus heureuse que celle des femmes ? Elles
n’ont point d’incommodités ni de maladies dépendantes de la conception
: elles portent leur fruit sans souffrance, et leurs foetus ne naissent
pas dans la langueur.
Madame D’O
LBAN.
Par suite de leur continence et de la sobriété qu’elles observent
ponctuellement dans l’ordre que la nature a indiqué.
Madame D’U
RZELLES.
Je le pense comme vous. Les femmes enceintes devraient-elles s’aveugler
sur la disposition de ses lois, sur leur sagesse et sur les avantages
qu’elles procurent ? Il n’est que trop clair, qu’elles ne s’exposent
aux inconvéniens, même aux dangers, que par l’abus qu’elles font des
avantages même de la nature.
Madame D’O
LBAN.
J’étais persuadée que tu leur ferais ce reproche, qu’elles ne méritent
que trop. Les souffrances qu’éprouvent, pendant leur grossesse, la
plupart des femmes, ainsi que la débilité de leurs enfans, devraient
être pour elles une leçon vivante de la conduite que leur prescrit leur
état. C’est en t’apprenant quelques détails essentiels sur cette
mauvaise conduite, qu’il te sera plus doux et plus facile de prévenir
ces accidens que d’y remédier, si tu pouvais jamais être assez folle
pour te les attirer.
Madame D’U
RZELLES.
Cette leçon me paraît d’une telle importance, que je tâcherai de n’en
rien oublier pour pouvoir la mettre à profit.
Madame D’O
LBAN.
D’abord, les femmes enceintes doivent également éviter d’avoir trop
froid, ou trop chaud ; l’humidité ne leur est pas moins nuisible. Elles
peuvent, pour modérer des feux qu’elles ressentent intérieurement,
recourir à des infusions de laitues, de coquelicots ; à de légères
limonades, à des orgeats, syrops de violettes et de limons. Pour
l’usage de ces boissons, c’est leur estomac qu’elles doivent consulter.
Madame D’U
RZELLES.
On parle beaucoup des aigreurs auxquelles sont sujettes les femmes
enceintes ?
Madame D’O
LBAN.
Cela est vrai ; dans ce cas, l’usage d’une eau, nitrée légèrement,
suffit pour les guérir de cette incommodité.
Pendant les grandes chaleurs, il est à propos de soutenir le ton des
fibres, et de modérer le ressort de l’air, en répandant, dans
l’appartement qu’habitent les femmes enceintes, du vinaigre, dont on
leur fait respirer aussi des éponges imbibées.
Quand l’air est trop froid, elles doivent avoir soin de revêtir des
habits plus chauds, et de se bien garnir le cou et la gorge.
A l’égard de leur nourriture, on ne peut guère établir là-dessus de
règles constantes : on la varie selon leur délicatesse ou leur force,
selon leur usage ou leur habitude, selon la différence de leur
tempérament, la nature de leurs incommodités et les divers tems de leur
grossesse, en observant toutefois de ne pas changer tout à coup leur
façon de vivre, dès qu’on soupçonne leur grossesse ou qu’on vient à
l’appercevoir.
Il faut cependant toujours éloigner d’elles avec grand soin les alimens
lourds, indigestes ; les échauffans, les irritans, les appéritifs, les
diurétiques, les venteux ; ceux qui sont salés, épicés et fumés. Ces
nourritures sont pour elles des poisons.
Il n’en est pas de même des femmes robustes, habituées au travail ou à
l’exercice. Celles-ci qui se nourrissent ordinairement d’alimens
grossiers, ne doivent pas, à moins que des incommodités ne l’exigent,
changer de nourriture dans leur grossesse.
Madame D’U
RZELLES.
On parle aussi des dégoûts auxquels les femmes enceintes sont sujettes.
Madame D’O
LBAN.
Oui : mais quelques dégoûts qu’elles éprouvent, elles ne doivent pas
observer une diète trop sévère.
Le dégoût, l’appétit dépravé ou désordonné des femmes enceintes,
produisent bientôt dans la masse des liqueurs des désordres qui
affectent leur pureté, altèrent leur qualité et en dérangent l’ordre et
le concours. C’est cependant de leur substance que doit se nourrir le
foetus ; c’est cette substance qui doit opérer le développement de ses
parties et former son tempérament. C’est pourquoi une femme enceinte
doit être plus circonspecte sur sa nourriture, que toutes celles qui se
livrent à leurs fantaisies, pour ne vivre que de drogues (4) indigestes
ou nuisibles. Passons aux boissons.
Les femmes, dans leur grossesse, ne doivent boire que modérément des
liqueurs acqueuses ; les liqueurs fortes empoisonnent le foetus ; les
liquides à la glace, de quelque espèce qu’ils soient, causent de
violentes coliques et occasionnent des fausses couches.
Madame D’U
RZELLES.
J’entends dire qu’il faut que les femmes grosses fassent de l’exercice
; mais quel genre d’exercice et à quelle époque de leur grossesse
faut-il qu’elles le fassent ?
Madame D’O
LBAN.
Dans les premiers tems de la grossesse, cet exercice doit être
très-modéré : il ne faut, pour expulser le foetus de la matrice, qu’une
secousse, une agitation même un peu forte. Le cahotage des voitures,
l’agitation inséparable des danses, ne peuvent que précipiter
l’expulsion des embryons ou des foetus, que ces excès fatiguent
horriblement.
Madame D’U
RZELLES.
Voilà qui est fini, je ne danse plus ; je veux être une mère
raisonnable, et je ne veux aller en voiture que quand j’aurai passé
l’âge de faire des enfans.
Madame D’O
LBAN.
Je t’approuve et te le conseille.
Madame D’U
RZELLES.
Mais comment se fait-il que les femmes de la campagne qui se donnent
tant de peine et de fatigue, se tirent si heureusement de leur
grossesse ?
Madame D’O
LBAN.
C’est que la vie frugale et réglée qu’elles mènent, fortifie leurs
viscères, soutient les ressorts de leurs fibres, et donnent à leurs
liqueurs une densité, une épaisseur convenable qui les garantit des
dérangemens intérieurs. C’est un privilège qu’elles ont nécessairement
sur les femmes élevées délicatement au sein de l’aisance et de la
mollesse. D’ailleurs, l’air des campagnes est si différent de celui des
grandes villes !...
Mais fais bien attention : je dis que les femmes délicates doivent
observer un certain régime de repos jusqu’à ce que le placenta se
soutienne par ses racines, et le foetus par ses propres forces ; mais
ces précautions nécessaires n’exigent pas que les femmes enceintes
observent un repos absolu, qui dérangerait leurs fonctions : il est au
contraire nécessaire, pour les favoriser, qu’elles fassent un exercice
doux, égal, tempéré, qui ne les fatigue, ni les agite.
Madame D’U
RZELLES.
Tout cela est très-raisonnable, et la femme instruite qui ne s’y
conforme pas est bien peu sensée. Mais j’ai une question bien délicate
à vous faire ; je voudrais bien que vous la devinassiez, car encore
faut-il que j’en sache quelque chose, et je n’ose vous interroger…
Madame D’O
LBAN.
Je te devine. C’est sur les libertés du mariage.
Madame D’U
RZELLES.
Précisément.
Madame D’O
LBAN.
Les libertés du mariage trop fréquentes, produisent les mêmes accidens
que ceux d’un exercice trop violent, principalement dans les premiers
tems de la grossesse. Chez les animaux, la passion des femelles est
bornée par la conception, et elles se refusent constamment à la
répétition des moyens qui l’ont opéré ; mais les hommes ne savent point
se borner. On dirait que l’aveugle instinct des animaux a plus d’empire
sur eux que la raison, à cet égard, n’en a sur les hommes.
Madame D’U
RZELLES.
Cela n’est pas à leur louange : mais aussi quand les hommes veulent
faire usage de cette même raison, pour se comporter sagement, ils en
ont bien plus de mérite.
Je sais à présent tout ce qu’il faut que fasse et qu’évite une femme
dans l’état de grossesse, tant pour le régime de vie que pour
l’exercice qu’elle doit prendre : mais vous ne m’avez point parlé de la
saignée ni des époques de la grossesse auxquelles il est à propos d’en
faire usage.
Madame D’O
LBAN.
Cet article est très-important, et je te sais gré de me le rappeler.
Quand les saignées (on les nomme ordinairement de précaution) ne sont
point indiquées par la surabondance du sang qu’on appelle pléthore
sanguine, elles sont nuisibles dans tous les tems de la grossesse. Or,
quand la saignée est indiquée par la cause que je viens de te dire,
elle est utile et nécessaire ; et jamais sans cette indication.
La saignée, faite à propos, prévient les inflammations, les douleurs
d’entrailles, les coliques, les hémorragies, les dyssenteries, les
fièvres, et par conséquent, des avortemens inévitables, si par ce
secours on ne les prévient pas.
Madame D’U
RZELLES.
Qu’est-ce que l’avortement ? quelles sont ses causes, etc. ?
Madame D’O
LBAN.
L’avortement est un accouchement avant le terme prescrit par la nature,
d’un foetus imparfait, soit mort, soit vivant, mais qui ne peut pas
vivre. C’est à la fin du sixième mois, qu’on devrait borner le terme de
l’avortement. Comme les enfans qui arrivent avant ce tems ne vivent
pas, on ne peut pas jusqu’alors lui donner le nom d’accouchement.
Madame D’U
RZELLES.
C’est-à-dire que jusqu’à six mois, les avortemens doivent s’appeler
fausses couches.
Madame D’O
LBAN.
Absolument. Mais parlons de leurs causes : les avortemens les plus
ordinaires sont occasionnés par des accidens, tels que des chûtes, des
coups, des grandes surprises, des spasmes douloureux, des passions de
l’ame trop vives. Ils s’annoncent par des pesanteurs aux cuisses, par
des douleurs de reins ; ils sont précédés d’un écoulement très-léger,
d’un peu de sang vermeil, et sont suivis quelquefois d’un suintement
sanguinolent, qui, quelques momens avant l’avortement, dégénère en une
perte considérable.
Madame D’U
RZELLES.
Je ferai attention à l’avortement. Au moins suis-je assez instruite de
ses avant-coureurs pour, si cet accident m’arrivait jamais, en être
moins effrayée. Mais avant de finir cet entretien, faites-moi le
plaisir de me dire ce que c’est qu’un squirre.
Madame D’O
LBAN.
Un squirre est une tumeur, qui, quand elle croît dans la matrice,
empêche le placenta d’établir avec elle des communications solides ; il
ne saurait y former que des adhérences irrégulières, et très-propres à
être détruites par le moindre accident. Il y a des matrices squirreuses
; et ces sortes de tumeurs sont capables d’empêcher le foetus de
recevoir de sa mère le suc nourricier nécessaire, et par conséquent de
le faire périr. Pour parer à un tel inconvénient, il faudrait
travailler, avant la grossesse, à faire fondre ces tumeurs. Une autre
fois nous parlerons de l’accouchement.
FIN DU SECOND ENTRETIEN.
IIIe. ENTRETIEN.
____
Troisième époque : de l’Accouchement.
Des soins qu’exige l’Enfant dans les premiers mois.
Des bonnes et des mauvaises mères.
Du soin de donner le sein à l’Enfant, dès qu’il est né.
Du lait, de la bouillie. Des tranchées des Enfans.
Danger de les bercer, de les agiter.
De leurs dents, des hochets.
Des maladies, du lait etc., etc.
Madame D’O
LBAN.
M
AINTENANT, mon enfant, notre entretien va prendre une marche un peu
plus imposante ; je vais traiter le point le plus important de toutes
les opérations de la nature. Tu n’as vu jusqu’ici que celles qu’elle a
cachées dans les entrailles de la femme : connais aujourd’hui celles
qui se produisent à l’extérieur. Cette femme va enfanter ; c’est du
moment de cette opération que date l’auguste titre de mère : un enfant,
objet de ses desirs, vient en les accomplissant, la dédommager de ses
souffrances et de ses peines.
En revanche, combien ne voyons-nous pas de femmes, qui n’étant devenues
mères que par l’attrait du plaisir des sens, n’ont pendant les neuf
mois de leur grossesse, supporté qu’avec la plus grande répugnance, ce
respectable fardeau imposé à l’humanité. Ces femmes qui n’ont de mère
que le nom, ne prouvent que trop combien peu les touche ce titre sacré,
par le peu d’intérêt qu’elles prennent au fruit de leurs entrailles, en
le reléguant, pour ainsi dire, loin d’elles, comme si elles cherchaient
ainsi à se dépouiller plus promptement des plus pures et des plus
douces affections.
Quel contraste une telle mère n’offre-t-elle pas avec celle qui
respectant l’ordre et le voeu de la nature, redouble de tendresse à la
vue de l’être qu’elle a portée dans son sein ? Ah ! le premier cri de
l’enfant qui vient au monde est la voix même de la nature qui dicte à
la mère le devoir de nourrir elle-même son enfant, de lui prodiguer
tous les soins qu’exige sa faiblesse. Oter à une bonne mère cet objet
de tendresse et de piété maternelle, c’est exposer sa vie, c’est mettre
ses jours dans le danger le plus éminent.
Ecoute-moi, ma chère fille : comme la conduite que doit tenir une mère
qui nourrit elle-même, diffère essentiellement de celle que tient la
femme qui ne nourrit pas, il m’a fallu, avant de t’éclaire sur ce grand
objet, te présenter ce double tableau, afin que tu me dises
très-sérieusement et de bonne foi à laquelle de ces deux bien
différentes mères j’ai à donner mes instructions. Nourriras-tu toi-même
tes enfans ? ou ne les nourriras-tu pas ?
Madame D’U
RZELLES.
Je les nourrirai, ma mère.
Madame D’O
LBAN..
Embrasse-moi, ma chère fille !.. Tu rendras à la nature ce que tu as
reçu d’elle.
Ainsi mes instructions et mes avis vont se rapporter à la conduite
d’une mère qui nourrit. Je ne m’intéresse pas assez aux fausses mères,
pour les avoir en vue dans tout ce que je vais t’apprendre : cependant
par l’intérêt qu’inspirent les tristes victimes de leur barbare
insouciance, je m’estimerai heureuse, si, par quelques détails dans
lesquels ce sujet m’entraînera sur les dangers qui menacent et
environnent une mère qui ne nourrit pas, je puis rappeler ces mères à
la nature !
Madame D’U
RZELLES.
Comment le seul tableau de ces dangers, n’a-t-il pas pu faire sur ces
femmes ce que n’a pu faire l’amour maternel ? C’est-là ce qui m’étonne
; car ces dames sont ordinairement très-peureuses.
Madame D’O
LBAN.
La passion du plaisir, la mollesse, un sot préjugé, sont les
principales causes de cet épouvantable renversement des lois de la
nature et des devoirs. Mais suivons notre objet.
L’accouchement est la sortie du foetus hors de la matrice : c’est ce
qu’on appelle la naissance de l’enfant. Je ne te dirai rien de ce qui
concerne, dans cette opération, les fonctions de l’accoucheur ou de la
sage-femme puisque la pratique sur toi-même t’en est interdite : il te
suffira de savoir que le corps de la matrice, à la faveur de toutes ses
puissances, agit sur l’enfant et tend à surmonter la résistance de son
orifice, qui s’amincit de plus en plus en se dilatant : l’enfant fait
en même-tems des efforts, aidé de ses propres forces ; et par une suite
nécessaire du mécanisme général, il parvient au moment de sa naissance.
Madame D’U
RZELLES.
Le voilà donc ce pauvre petit être qu’on n’a pas vu pendant neuf mois,
quoiqu’on l’ait senti exister, sans doute, avec le plus vif desir de le
voir arriver.
Madame D’O
LBAN.
Oui, le voilà nu, faible, mal propre, susceptible des moindres
impressions ; ne pouvant agir, voir, ni parler, réclamant les soins les
plus attentifs, la compassion la plus généreuse.
Madame D’U
RZELLES.
Commencez, je vous prie, par les détails des soins qui pressent le plus.
Madame D’O
LBAN.
Aussitôt que l’enfant est né, la sage-femme doit lui introduire le
doigt dans la bouche, pour en ôter la mucosité, espèce de morve qui s’y
trouve ordinairement, et qui pourrait même intercepter sa respiration.
Quand l’accouchement se fait naturellement, on expulse un moment après
que l’enfant est venu, le placenta dont je t’ai parlé, et qu’on nomme
alors
l’arrière-faix ou le
délivre. Voilà pour le premier soin.
Voici pour le second. Dès qu’on a reçu l’enfant, on le couche sur une
pièce de drap ou de flanelle chaude, qu’on garnit intérieurement d’un
linge fin. On lie le cordon ombilical à trois doigts du ventre, ou
environ, avec du fil assez fort, pour qu’il ne se rompe pas, et on
sépare ainsi l’enfant du reste de ce cordon, dont l’autre bout tient au
délivre, et qui, si l’enfant ne venait pas de lui-même, servirait à le
tirer du ventre de la mère.
Madame D’U
RZELLES.
J’ai entendu dire qu’il y avait bien des enfans que l’on croyait morts
en naissant, parce qu’ils ne donnaient aucun signe de vie.
Madame D’O
LBAN.
Il n’y a, dans ce cas, où les secours de l’art sont essentiels, qu’un
véritable signe de mort : c’est la corruption sensible de la peau de
l’enfant.
Madame D’U
RZELLES.
Aussitôt que l’enfant vient au monde, a-t-il besoin de tetter sa mère ?
Madame D’O
LBAN.
J’ai sur cela les détails les plus importans à te donner : ils sont
tels que si la plupart des mères en étaient instruites, elles ne
balanceraient pas un instant de nourrir elles-mêmes.
Madame D’U
RZELLES.
Dites-les moi.
Madame D’O
LBAN.
Il faut d’abord que tu saches que, pendant tout le tems de la
grossesse, il s’est amassé dans le canal intestinal du foetus un
excrément noir et épais, ressemblant en consistance et en couleur à de
la moëlle de casse, et que l’on appelle le mecomium. Utile au foetus,
tant qu’il reste dans le sein de la mère, cette matière, si elle
n’était pas expulsée dans les vingt-quatre heures, coagulerait le lait,
corromperait tous les alimens, et causerait enfin la mort du
nouveau-né. Mais la nature, dont la sage prévoyance a pourvu à tout, a
disposé le premier lait de la mère de façon que, d’abord après ses
couches, il sert de purgatif et de remède à l’enfant pour expulser ce
mécomium. Ce premier lait, qu’on nomme le colostre, est absolument le
seul qui convienne à l’enfant, et n’est, à proprement parler, que le
premier principe du lait que fournit la partie séreuse du chyle de la
mère.
Madame D’U
RZELLES.
Ainsi, une nourrice étrangère ne peut pas donner ce lait purgatif de la
mère à l’enfant ?
Madame D’O
LBAN.
Non. Aussi ne doit-on pas laisser tetter, avant vingt-quatre heures,
l’enfant qu’on abandonne à une nourrice, tandis qu’il doit tetter
immédiatement après sa naissance, si c’est sa mère qui le nourrit ; et
il résulte de ce dernier parti deux avantages précieux : le premier,
qu’il se purge naturellement du mécomium avec ce premier lait séreux ;
le second, qu’il débarrasse le sein de la mère du colostre dont nous
venons de parler, pour faire place à un lait plus convenable à la
nourriture de l’enfant.
Madame D’U
RZELLES.
Ainsi, le premier voeu de la nature, après l’accouchement, est que la
mère donne à son enfant son sein ?
Madame D’O
LBAN.
Assurément. Sans cela il est exposé à être mal purgé de son mécomium
par les remèdes qu’on y emploie ordinairement, et qui souvent sont
imparfaits. Puis, la mère court les risques que ce lait, ne s’écoulant
pas, ne lui cause les ravages les plus cruels.
Madame D’U
RZELLES.
Quand ce premier lait séreux est passé, après les premières heures de
son accouchement, une femme a-t-elle beaucoup de lait ?
Madame D’O
LBAN.
Comme, dès les premières heures de l’accouchement, il n’y a pas d’amas
de lait dans le sein de la femme, on ne s’apperçoit pas qu’on en a ; et
c’est sur cette
inappercevance que des personnes, ou superficielles,
ou mal intentionnées, se fondent pour décider que la mère ne doit pas
nourrir. Cependant, que l’enfant tire, il en fait venir, et il avale :
bientôt, il remonte plus de lait que l’enfant n’en tire, et, dès le
second jour, on s’apperçoit davantage de la présence du lait dans le
sein : au troisième et au quatrième jour, le lait surabonde. C’est une
erreur d’imaginer qu’il n’y a du lait dans le sein d’une femme que deux
ou trois jours après l’accouchement : on a regardé cette époque, comme
la seule convenable pour donner à tetter à l’enfant ; mais c’est un
abus dont l’observation a fait justice.
Madame D’U
RZELLES.
Mais la surabondance du lait n’est-elle pas dangereuse ?
Madame D’O
LBAN.
L’enfant le tire à mesure qu’il monte. Les femmes qui auront donné à
tetter le premier jour, et qui auront donné souvent, ne se sentiront
pas le sein gonflé par le lait, le troisième ou quatrième jour. Quand
l’enfant le tire à mesure qu’il monte, le lait ne gonfle jamais le sein
de la mère, quelque abondant qu’il soit. Le premier mois, les bouts de
sein font un peu de mal, mais fort peu, dès que la mère donne à tetter
à l’enfant immédiatement après sa naissance.
Madame D’U
RZELLES.
N’est-il pas quelques règles à observer pour la mère à l’égard de son
enfant, dès les premiers momens de son accouchement ?
Madame D’O
LBAN.
Ecoute bien : une femme qu’on laisserait libre de son penchant, après
son accouchement, aurait auprès d’elle son enfant, et lui donnerait
machinalement, ou plutôt naturellement, à tetter, dès le premier moment
qu’il le chercherait et aussi souvent qu’il le demanderait, sans en
ressentir aucunes douleurs. Les nouveaux nés tirent peu de lait à la
fois, et s’endorment sur le sein de la mère, presque aussitôt qu’ils
ont pris le bout du sein. La chaleur de la mère est la meilleure que
l’on puisse leur procurer. La quantité des vêtemens et la chaleur du
feu leur nuisent plus qu’ils ne les réchauffent.
Madame D’U
RZELLES.
La nature, dans toutes ses opérations, se charge presque toujours des
frais. Me voilà suffisamment instruite sur les premiers jours de
nourriture d’un enfant : je sais comment se remplissent d’elles-mêmes
ces bouteilles qui la contiennent ; mais cela ne suffit pas ; il faut
savoir une bonne fois pour toutes, la meilleure manière de lui
présenter le goulot de ces bouteilles.
Madame D’O
LBAN.
Sans contredit ; et cela est de la première importance à savoir pour
celle qui veut nourrir elle-même. Il ne suffit pas qu’un enfant ait le
bout du sein dans la bouche, pour qu’il tire du lait, il faut encore
qu’une portion du sein y soit ; s’il ne tient que le bout, il le presse
sans rien tirer, l’irrite et le tourmente : il faut donc, quand on
présente le sein à un enfant : 1°. Qu’il n’ait aucun vêtement qui gêne
les mouvemens de son corps ; qu’il n’y ait rien autour de la mère, qui
empêche l’enfant d’être
collé à elle et de la
sentir : 2°. Qu’il
soit tellement à son aise, que le bout soit au fond de sa bouche, et
que ses gencives puissent agir sur le sein même : 3°. Il faut que la
mère cherche elle-même l’attitude la plus favorable, pour que son sein
baisse au point de tomber, pour ainsi dire, tout seul dans la bouche de
l’enfant.
Madame D’U
RZELLES.
Je puis à présent me passer de m’inquiéter sur ma conduite à tenir de
mère nourrice, pour lui donner le sein, pendant le jour : mais faut-il
toujours le veiller la nuit ?
Madame D’O
LBAN.
Point du tout : lorsqu’on n’a personne pour veiller, la nuit, sur
l’enfant, le moyen le plus sûr de l’empêcher de crier, et de pouvoir
bien dormir soi-même, c’est de le garder au sein, en se mettant dans
une attitude commode pour soi, et sûre pour l’enfant. On s’habitue
aisément à se rendormir, pendant qu’il tette : au lieu que lorsqu’on
veut le recoucher séparément, quoiqu’il ait assez tetté, il crie, parce
que, pendant les premiers mois, il veut sentir la chaleur de la mère.
Madame D’U
RZELLES.
Peut-on, à défaut de lait, donner, dès les premiers tems, de la
bouillie à l’enfant ?
Madame D’O
LBAN.
Quand il commence à tetter (ce qui, comme je l’ai dit, doit être peu
d’instans après sa naissance), on ne doit point lui donner d’autre
nourriture que le lait : celui de sa mère lui suffit long-tems. Tout
autre aliment, dans les premiers mois, et la bouillie principalement,
lui cause des indigestions, que les femmes ignorantes prennent pour des
tranchées. Si l’enfant indique qu’il éprouve le besoin de prendre de la
nourriture, on peut lui donner un peu de biscuit ou du potage ; mais on
ne doit lui donner que rarement de la bouillie ; et encore faut-il que
la farine en soit auparavant cuite au four. Il serait mieux encore de
lui faire de la bouillie très-claire avec de la mie de pain bien séchée
et réduite ensuite en poudre.
Madame D’U
RZELLES.
Parlons un peu du sommeil. On prétend que les enfans n’aiment pas trop
qu’on les réveille.
Madame D’O
LBAN.
Quand ils n’éprouvent point de tranchées, les enfans dorment presque
toujours dans les deux premiers mois de leur naissance. Il faut les
laisser jouir de ce repos indiqué par la nature, et attendre qu’ils
soient réveillés, pour leur donner ou leur faire prendre ce dont on
pense qu’ils ont besoin. Lorsqu’on a, plusieurs fois de suite,
interrompu leur sommeil, ils ont de la peine à se rendormir ; ils
s’agitent, ils crient : on croit qu’ils ont des tranchées ; on leur
donne des drogues (5) qui leur en causent, et on leur fait beaucoup de
mal.
Madame D’U
RZELLES.
Mais quand ce sont, en effet, les tranchées qui les tourmentent, que
faut-il faire ?
Madame D’O
LBAN.
Alors, il faut leur donner beaucoup de mouvement, et les appaiser avec
du syrop de chicorée ou de l’eau de miel. Mais on doit bien prendre
garde de se méprendre sur la cause de leurs cris, pour éviter de les
accoutumer à être bercés.
Madame D’U
RZELLES.
Vous n’êtes donc pas d’avis qu’on berce les enfans ?
Madame D’O
LBAN.
Usage pernicieux dont les nourrices banales n’abusent que trop, comme
celui de les faire sauter entre leurs bras ou sur leurs genoux, de les
agiter du haut en bas, et du bas en haut, ou en tout sens, avec une
vivacité qui tient de la folie ! Toutes ces agitations violentes
n’aboutissent à rien moins qu’à les rendre bègues, et à leur faire
prendre des peurs et des frayeurs pour des riens : comme à leur
occasionner des convulsions, des éblouissemens, des rachitismes. Quand
il n’y aurait que l’inconvénient, très-réel, de troubler la digestion
de l’enfant, en le berçant, dès qu’il a tetté, il n’en faudrait pas
davantage pour proscrire ces mouvemens violens, comme tout-à-fait
contraires et préjudiciables à leur santé, à leur bonne venue.
Madame D’U
RZELLES.
Vous ne m’avez rien dit de la meilleure manière de coucher l’enfant.
Madame D’O
LBAN.
Que ce soit dans un berceau, dans une corbeille, dans un hamac, pourvu
que l’enfant soit à son aise, et qu’il ne puisse pas s’y blesser, cela
est parfaitement indifférent. Toute l’attention qu’on doit avoir, c’est
de le placer tantôt sur un côté, tantôt sur un autre, afin qu’il ne
prenne point d’habitude particulière, et que le ton et le ressort des
fibres et des organes n’en souffrent point par une compression
habituelle d’un côté plus que de l’autre.
Madame D’U
RZELLES.
Et la dentition ?.... Elle est terrible pour les enfans !
Madame D’O
LBAN.
Cela ne vient que de ce que presque tous les enfans qu’on met en
nourrice sont trop tôt sevrés, et qu’ils font presque toutes leurs
dents, sans tetter.
Le nombre total des dents est ordinairement de trente ou trente-deux,
quinze ou seize dans chaque mâchoire ; les incisives sont celles de
devant, qui viennent les premières, quatre à la mâchoire supérieure, et
autant à l’inférieure. Celles appelées canines viennent après, au
nombre de deux, à chaque mâchoire. Une de ces dents est toujours placée
entre les incisives et les molaires, qui sont toujours au nombre de
quatre, et quelquefois de cinq, de chaque côté, dans chacune des
mâchoires.
Les premières dents poussent ordinairement dans le septième ou huitième
mois. Lorsque les dents canines sont fortifiées, on peut donner un peu
de pain mollet à mâcher aux enfans.
Madame D’U
RZELLES.
Qu’est-ce que cette invention de hochets ?
Madame D’O
LBAN.
C’est une invention assez sotte, qui joint à cela le défaut d’être
très-nuisible, parce que le cristal de ces instrumens de luxe durcit
les gencives, et augmente par conséquent la difficulté de les percer
pour les dents qui veulent en sortir. Une petite croûte de pain, ou une
racine de réglisse ou de guimauve, qu’on met dans la main des enfans,
quand ils sont tourmentés des dents, leur convient infiniment mieux que
tous les hochets faits et à faire. Aussi, en a-t-on bientôt abandonné
l’usage.
Madame D’U
RZELLES.
Et l’on a sagement fait. Mais combien faut-il qu’un enfant ait de
dents, pour qu’on puisse le sévrer ?
Madame D’O
LBAN.
Vingt dents !.... Jusques-là, il faut tâcher de lui donner à tetter,
par une raison toute simple : c’est que chaque fois que les enfans ont
mal aux dents, ils digèrent plus difficilement ce qu’ils mangent, et
que leur estomac en est affaibli. On dit qu’il meurt beaucoup d’enfans
pendant le travail de la dentition ; mais on se garde bien de dire que
c’est parce que la manière dont on les a conduits, les a mis hors
d’état de soutenir cette opération de la nature. Il faut que tu saches
que le lait de la mère est un balsamique souverain pour les dents,
comme pour la plupart des maux de l’enfant.
Madame D’U
RZELLES.
Comment se peut-il que ce lait de femme, si nécessaire aux enfants, si
précieux par ses qualités, soit répandu, perdu par des évacuations
forcées, non naturelles, et par cela même dangereuses, tandis qu’on
recueille et amasse avec tant de soin le lait de chèvre, de vache,
d’ânesse, etc. ?
Madame D’O
LBAN.
Telles sont les inconséquences d’une manie à la fois insensée et
barbare ! Une mère aime mieux s’exposer à des apoplexies laiteuses, à
des inflammations, des fièvres lentes, des douleurs dans toutes les
parties du corps ; à des surdités, des épilepsies, des asthmes, des
paralysies, des pleurésies, des sciatiques, des phtisies, des dépôts,
des squirres dans les viscères, des toux, des rhumes, des pulmonies, et
à une infinité d’autre maux généraux ou particuliers, que de nourrir
elles-mêmes. Cependant, en même tems qu’elles se préserveraient de tous
ces maux, elles se formeraient une santé robuste, et à leur enfant un
tempérament à l’abri de toutes les maladies qui prennent leur germe
dans le sein d’une nourrice étrangère, et dans le défaut de soins pour
l’enfant.
Madame D’U
RZELLES.
De telles inconséquences font frémir.
Madame D’O
LBAN.
Elles ne sont malheureusement que trop fréquentes, au grand détriment
de l’espèce humaine. Mais bornons ici notre Entretien.
Madame D’U
RZELLES.
Comme vous voudrez, maman. Vous m’avez instruite des objets qui
intéressent le plus une mère qui veut nourrir elle-même. Je vois que la
nature a fait tous les frais de cette nourriture, mais qu’elle n’a
guère dépensé pour l’habillement et la première toilette de l’enfant ;
car il me paraît que sa première entrée au monde n’est pas
très-brillante.
Madame D’O
LBAN.
C’est ce qui fera le sujet du premier Entretien que nous aurons
incessamment.
FIN DU TROISIEME ENTRETIEN.
IVe. ENTRETIEN.
______
Quatrième et dernière époque, depuis les soins qu’exige l’enfant
dès les premiers mois jusqu’au sevrage.
Première crasse des enfans.
Bains des enfans. Tems convenables.
Abus du maillot, des lisières.
Mauvais état des enfans en nourrice.
Exercice utile. Vêtemens.
Du Sevrage, de l’âge de les sevrer.
Régime d’un enfant sevré,
etc., etc.
Madame D’O
LBAN.
J’AI médité, ma fille, sur ce qui doit faire le sujet de notre
entretien, qui sera le dernier, parce qu’entasser les objets n’est pas
le moyen de débrouiller. D’ailleurs, les paroles, comme on a raison de
le dire proverbialement, s’envolent ; et l’avantage le plus réel que tu
pourras tirer de tout ce que je t’ai dit, c’est le desir de t’instruire
davantage dans les livres que je t’indiquerai, et dont je n’ai pas
dédaigné de faire une étude particulière.
Madame D’U
RZELLES.
C’est bien mon dessein, ma mère ; mais je vous aurai toujours
l’obligation de m’en avoir assez appris pour m’inspirer vivement ce
desir ; car je ne comprends pas bien encore l’ignorance stupide de nos
femmes et de nos mères : qu’on leur parle d’une machine hydraulique
passablement inventée, ou bien d’aller voir un canard automate qui
digère, ou les prestiges de la fantasmagorie (6), elles vont y courir
avec toute l’ardeur de la curiosité ; elles la pousseront même jusqu’à
vouloir connaître les ressorts et les moyens les plus cachés des
machines ; et la construction, l’accroissement et la miraculeuse
existence d’un enfant qu’elles portent neuf mois dans leur sein,
n’intéresse pas assez, je ne dis pas leur coeur, mais leur curiosité,
pour les engager à connaître les rapports importans qui existent entre
elles et leur enfant !...
Madame D’O
LBAN.
Quand elles ne sauraient que ce que je viens de t’apprendre, au moins
seraient-elles à l’abri de ce reproche ; et le même desir que tu
exprimes d’être plus instruite encore sur ces matières, pourrait germer
en elles et produire d’excellens fruits ; mais encore une fois il est
trop gênant d’être bonne mère ; et malgré le plaisir que la nature a
attaché à le deviner, je crois que l’embarras de la grossesse
dégoûterait tout-à-fait nos élégantes du jour d’avoir des enfans, si
elles n’étaient ramenées à l’idée d’en avoir par l’amour-propre et
l’intérêt.
Madame D’U
RZELLES.
Encore ces motifs devraient-ils suffire pour engager ces fausses mères
(car c’est ainsi que je les appellerai toujours) à nourrir et à faire
soigner leurs enfans sous leurs yeux ? Il me semble que la crainte de
les perdre devrait au moins les porter à cet acte de devoir rigoureux.
Madame D’O
LBAN.
Quelques jeunes femmes opulentes veulent bien se prêter, non pas à
nourrir elles-mêmes, mais à faire nourrir dans leur maison leurs
enfans. Chez le plus grand nombre, l’attrait du monde, l’amour du
plaisir et de la dissipation triomphent encore de ces mouvemens
d’intérêt et d’amour-propre dont nous parlions tout-à-l’heure….. Mais
venons à ce qui me reste à t’apprendre.
Tu as reproché à la nature, à la fin de notre dernier entretien,
d’avoir fait peu de frais pour l’habillement et la toilette d’un
nouveau-né : je crois qu’elle en aurait fait davantage, si elle avait
pu prévoir que ces êtres faibles et nus dussent être si généralement
livrés au plus cruel abandon ; et par qui ? par leurs mères !..
Peut-être aussi est-ce une ruse de plus de cette même nature, pour
forcer ces mères à ne point abandonner leurs enfans ? Mais cette ruse,
chez nous, n’a pas réussi ; et la condition de ces pauvres petits êtres
n’en est que plus malheureuse. Adoucissons donc leur sort par
l’indication des moyens les plus convenables de les laver, de les
vêtir, enfin de les faire marcher le plutôt que nous pourrons, pour
qu’ils puissent plus promptement fuir et s’éloigner de leur misère.
Madame D’U
RZELLES.
Vous m’avez dit qu’un enfant sort du sein de sa mère dans un état de
mal-propreté assez repoussant : lavons-le d’abord.
Madame D’O
LBAN.
Sans doute. Mais tu ne me demandes pas d’où lui vient cette première
mal-propreté.
Madame D’U
RZELLES.
Vous avez raison. Je vais toujours trop vîte.
Madame D’O
LBAN.
Eh bien, comme la peau du foetus est extrêmement mince et poreuse, il en
résulte qu’il transpire ou plutôt qu’il sue abondamment. La superficie
de son corps se couvre alors d’une crasse visqueuse. Cette crasse
visqueuse, utile au foetus pour diminuer la grande dissipation
qu’occasionneraient des sueurs trop abondantes, deviendrait nuisible à
l’enfant, dont elle empêcherait la transpiration qui lui est si
nécessaire. Elle lui causerait d’ailleurs des maladies de peau,
toujours trop ordinaires au premier âge, quand on néglige les soins
nécessaires pour y porter remèdes.
Madame D’U
RZELLES.
Les soins nécessaires !.. Entendez-vous, Mesdames les mères ?
Madame D’O
LBAN.
Il faut donc avoir celui de laver un enfant, à l’instant même de son
entrée au monde. L’eau (qui doit être dégourdie) n’est pas seule assez
massive pour pouvoir pénétrer et diviser l’humeur grasse répandue sur
son corps ; et elle ne suffit pas pour les nétoyer. L’eau de savon est
excellente à cet usage. On supplée à l’eau de savon, en faisant fondre
un peu de sel dans une grande quantité d’eau tiède. Du vin, de la
bière, du beurre, ou toute autre substance savonneuse ou spiritueuse,
mise dans l’eau tiède simple, y suppléent encore.
Quand l’enfant est lavé, et suffisamment décrassé, on lui fait de
légères frictions sur tout le corps, avec des linges les plus vieux
possibles, pour le sécher. Mais il faut que ces linges ne soient pas
absolument froids. Ces détails peuvent servir pour tous les bains des
enfans.
Par leur mélange, l’huile et le sel forment un fluide entrant et
détersif qui peut remplir toutes les indications qu’on peut desirer
pour la conservation de la peau des enfans naissans, principalement
lorsqu’ils sont humides et charnus.
Dans la belle saison, il faut laver tout le corps des enfans à l’eau de
rivière (7) : cette pratique leur fortifie les genoux et les reins. Il
faut encore leur laver le derrière des oreilles et la tête entière (en
prenant bien garde de peser sur la
fontanelle), et la leur brosser
souvent, pour empêcher qu’il ne s’y forme ce que les nourrices
appellent le chapeau. Quoiqu’elles disent de ses avantages, cette
crasse est parfaitement inutile.
Madame D’U
RZELLES.
J’ai bien de la peine à croire que les nourrices suivent bien
exactement tous ces détails ; ou je pense qu’elles les exécutent avec
bien de la mal-adresse, bien de la précipitation : il me semble les
voir, et le pauvre nourrisson qui souffre d’autant… Mais j’ai cru qu’on
faisait aussi aux enfans des frictions sèches.
Madame D’O
LBAN.
Oui, les mères attentives font cela. Ces frictions sèches, souvent
réitérées sur le corps des enfans, datent des siècles les plus reculés.
Quoique trop négligées aujourd’hui, elles n’en sont pas moins
(employées à propos) dans tous les cas et dans toutes les
circonstances, des secours utiles et nécessaires, qui donnent aux
solides du ressort et de l’élasticité, secondent les organes de la
digestion, favorisent la circulation des liquides, donnent aux membres
et aux viscères de la force, affermissent la santé, et préservent des
maladies. Il est essentiel de donner tous les jours aux enfans ce
secours puissant, jusqu’à ce qu’ils soient en état de faire par
eux-mêmes un exercice qui puissent y suppléer.
Madame D’U
RZELLES.
Il y a sans doute des momens relatifs à la santé des enfans, plus
convenables les uns que les autres pour toutes ces opérations de
propreté ?
Madame D’O
LBAN.
Assurément. Il faut qu’ils aient l’estomac libre de toutes sortes
d’alimens. Le tems le plus convenable doit être quelques instans après
leur réveil, à la suite d’un sommeil assez long.
Madame D’U
RZELLES.
Et quand ils se gâtent eux-mêmes, quelle est la meilleure manière de
les nétoyer ?
Madame D’O
LBAN.
Alors, il faut les changer de linges (lesquels on nomme vulgairement
couches), avec du linge sec, mais jamais chaud, et les laver au moins
deux fois par jour, à l’eau froide, dans les plis des cuisses, avec une
légère éponge. Par ce moyen-là, les enfans les plus gras, les plus
charnus, ne se couperont jamais, et n’auront pas de ces rougeurs et de
ces cuissons qui les font tant crier, parce qu’ils en souffrent.
Madame D’U
RZELLES.
Voilà, je crois, notre pauvre petit assez nétoyé et lavé ; je crains
qu’il ne s’enrhume. Occupons-nous maintenant de la manière de le vêtir
et de le couvrir. D’abord, qu’entend-on précisément par le mot de
maillot ; car c’est le premier habillement de l’enfant ?
Madame D’O
LBAN.
On entend par le maillot, les couches et les langes, dont à leur
naissance et pendant leurs premières années, on enveloppe les enfans :
on en a fait un usage non moins cruel qu’extravagant, en les entourant,
pour les emmaillotter, de bandes si serrées, qu’elles ne peuvent être
regardées que comme des liens qui gênent et enchaînent toutes leurs
fonctions naturelles. Dans ces maillots, on a vu des enfans comprimés
comme des momies, perdre tous les mouvemens de leurs membres. On les
leur supprimait totalement jusqu’à ceux de la tête, laquelle on
assujétissait par des têtières, de façon à les rendre absolument
immobiles. Heureusement, depuis environ trente ans, on est
insensiblement revenu de cet usage effrayant et pernicieux.
Madame D’U
RZELLES.
Comment doit-on donc couvrir les enfans ?
Madame D’O
LBAN.
Il suffit, au lieu de les emmailloter, de les mettre dans des linges
bien doux et bien secs, sans être chauds, garnis d’une couche, et de
les envelopper (sans les barricader) d’une couverture de laine ou de
futaine, en leur laissant toute la liberté possible pour leurs
mouvemens. Il faut avoir attention que la couverture ne touche point la
peau du cou de l’enfant, qu’elle pourrait endommager. On lui couvre la
tête d’un béguin de toile et d’un bonnet très-léger, après lui avoir
garni la fontanelle de la tête d’une compresse de linge bien doux,
pliée en plusieurs doubles, pour suppléer à la faiblesse de cette
partie de sa tête, et la garantir en même temps des accidens extérieurs.
Madame D’U
RZELLES.
Et faut-il suivre la même méthode, quand on couche l’enfant, la nuit
comme le jour ?
Madame D’O
LBAN.
Sans doute. Quand toutes ces précautions sont prises, on a soin de
coucher les enfans horisontalement sur un matelas uni, dans un berceau
commode ; et on a celui, pour les nouveaux nés, de les placer sur le
côté, afin qu’ils rendent facilement leurs flegmes. Par la suite,
quoiqu’il ne faille pas laisser un enfant dans son berceau long-tems,
il n’y a point à s’inquiéter de la manière dont on le portera sans
bandes et sans maillot : en peu de tems, il aura les reins assez forts,
pour se tenir sur les bras de la personne qui le prendra pour le porter
; ce qui ne doit arriver que le moins possible : cette attitude leur
fait donner une mauvaise tournure aux genoux.
Madame D’U
RZELLES.
J’ai remarqué que c’est pourtant là la grande
façon de faire des
nourrices.
Madame D’O
LBAN.
Elles sont, en général, si peu attentives et si mal-adroites, que parmi
les enfans qui réussissent le mieux entre leurs mains, on en voit
très-peu qui soient parfaitement conformés. Il y en a qui paraissent
forts et gras, mais l’un tend le derrière, l’autre dandine ; celui-ci a
les genoux en-dedans, celui-là a les reins faibles ; un autre a une
descente ; l’un louche sans que cela lui soit naturel ; l’autre a une
brûlure à quelque endroit. Il y en a plusieurs qui ont ce qu’on appele
le
carreau, espèce d’opitation qui presse l’estomac ; d’autres ont un
gros ventre ; ils têtent le pouce presque tous : beaucoup sont de la
petite espèce : enfin un grand nombre deviennent étiques. Tels sont les
moindres des inconvéniens auxquels les mères qui ne veulent pas nourrir
leurs enfans les condamnent.
Madame D’U
RZELLES.
Pour deux ans de patience refusés à la nature, qui accorde tout, voilà
des enfans joliment équipés, et des mères bien avancées !... Mais j’ai
assez de notions sur l’usage qu’il faut faire du maillot, (de la bonne
espèce, s’entend) ; et comme notre petit grandit à vue d’oeil,
mettons-le en corps de jupes, pour le faire marcher plus à son aise. -
A quel âge doit-il marcher ?
Madame D’O
LBAN.
L’âge n’y fait rien : ce sont leurs forces qu’on doit consulter pour
poser les enfans sur leurs pieds. Il faut bien se garder d’imiter en
cela les nourrices, qui hasardent toujours de les faire marcher de
bonne heure, au risque de leur faire tourner les genoux en dedans ou en
dehors ; et encore, dans les commencemens, faut-il éviter de les
laisser debout trop long-tems. Enfin lorsque les enfans se sentent
assez forts, ils s’appuyent d’eux-mêmes sur leurs pieds. Alors, dès
qu’on s’en apperçoit, il faut les poser sur leurs jambes au milieu d’un
gros tapis étalé par terre, et les laisser s’agiter à leur fantaisie.
On n’imaginerait pas ce que les enfans acquièrent d’expérience, en les
laissant faire tout qui les amuse. L’exercice qu’ils prennent
d’eux-mêmes, les fortifie et les rend adroits : celui qu’on leur fait
prendre malgré eux les fatigue et leur nuit, tant au physique qu’au
moral.
Madame D’U
RZELLES.
Mais nous ne parlons pas de l’usage des lisières, à l’aide desquelles
on les mène ; qu’en pensez-vous ?
Madame D’O
LBAN.
Autre abus, que toutes les nourrices ont rendu pernicieux ; les
lisières ne leur servent qu’à traîner les pauvres enfans, à les faire
sauter, ou à les suspendre en l’air. Il est dangereux d’exercer les
enfans à marcher par le moyen des lisières, sur-tout lorsqu’elles sont
attachées sur le devant de leur corps de jupe. Comme leurs jarrets et
leurs jambes ne sont pas assez forts pour pouvoir les soutenir, ils
sont forcés alors de se porter sur le devant, et d’élever leurs épaules
et la tête, en se tenant courbées. Cette attitude forcée fait violence
aux ligamens des vertèbres ou petits os du dos, les relâche, et donne à
l’épine du dos une disposition à se tourner. Elle se tourne souvent en
effet quelques années après. D’ailleurs, par cette attitude forcée, les
côtes sont gênées et pressées, les épaules se rehaussent et se
déforment ; et les jambes, qui ne peuvent que prendre une fort mauvaise
position, en restent souvent très-contrefaites. Voilà ce que l’usage ou
plutôt l’abus des lisières fait aux enfans. Cela est aimable, n’est-ce
pas ?
Madame D’U
RZELLES.
Il suffit. Je sais comment je ferai marcher notre pauvre petit d’une
façon plus conforme au voeu de la nature. Maintenant, il s’agit de lui
donner son corps de jupes, ou tel autre vêtement ; car il faut le tirer
du maillot.
Madame D’O
LBAN.
On doit, en général, habiller les enfans légèrement. Comme ils ne sont
pas frileux de leur nature, des habits trop chauds ou trop lourds ne
pourraient que les rendre tels, en les incommodant beaucoup. - Les
corps des jupes, soit qu’ils soient construits de corde, de joncs, ou
de baleine, sont toujours piqués, et assez durs pour comprimer
fortement les enfans, qui, à cet âge, ont les chairs et les os de la
nature de la cire. Tous les membres supérieurs en souffrent, par la
circulation gênée des liquides dans ces parties ; et le suc nourricier
n’a plus le moyen de s’y distribuer également, de s’y assimiler, de les
nourrir et de les réparer.
Madame D’U
RZELLES.
Comment faut-il donc s’y prendre, pour faire pour le mieux ?
Madame D’O
LBAN.
Le mieux est, pendant les trois premières années, de couvrir les enfans
d’un petit corset de flanelle sans manches, lequel s’attache légèrement
par derrière, et auquel il faut coudre un petit jupon ; on mettra
par-dessus une petite robe de même étoffe, ou de toute autre, pourvu
qu’elle soit mince, souple et très-légère. Le petit habit de matelot ou
à la mameluck (actuel) pour les garçons, n’est pas mal entendu, quand
le tailleur observe de ne le pas faire trop étroit dans quelques
détails. Ce soin est vraiment plus important qu’on ne le pense.
Madame D’U
RZELLES.
Voilà qui est très-bien pour le jour ; mais pour la nuit, comment
faut-il envelopper les enfans ?
Madame D’O
LBAN.
Une simple chemise de coton aisée, et qui ne les gêne pas dans la
liberté de leurs mouvemens, est suffisante.
Madame D’U
RZELLES.
Je sais comment il faut laver, vêtir et faire marcher notre petit
monsieur. Je crois maintenant qu’il ne nous reste plus qu’à le sévrer.
Madame D’O
LBAN.
J’y consens ; sevrons-le, puisque tu le veux. Mais cette opération est
en quelque façon double, parce que la conduite qu’elle exige de la mère
est distincte de celle qu’il faut tenir pour l’enfant.
Madame D’U
RZELLES.
Eh bien, commençons par la mère. Cela ne vous paraît-il pas juste ?
Madame D’O
LBAN.
Soit. Plus une mère nourrit long-tems, plus elle éprouve de facilité à
sevrer. Elle doit, pour cela, choisir l’été, parce que, dans cette
saison, le lait trouve plus de facilité à s’évacuer. Mais il faut
qu’elle s’y prépare un mois d’avance, en diminuant tous les jours la
portion de l’enfant ; jusqu’à ce qu’elle l’ait réduite à deux fois par
jour. Et lorsqu’enfin l’on cesse tout-à-fait, il faut se bien garnir le
sein, faire beaucoup d’exercice, prendre garde de se refroidir, éviter
l’humidité, se borner sur le manger, boire de l’eau de chien-dent,
prendre quelques remèdes, et, quelques jours après, se purger.
Madame D’U
RZELLES.
Tout cela est fort aisé à faire ; et si les mères qui font la sottise
de ne pas nourrir, mettaient à côté de ce petit régime, tous les
ravages que fait chez elles la perte du lait, je crois qu’on en
trouverait un bon nombre qui envieraient la place de la mère-nourrice.
Madame D’O
LBAN.
Tu as raison. Mais tu ne dis pas aussi que, pour cela, il y en a bien
qu’il faudrait faire revenir de l’autre monde.
Madame D’U
RZELLES.
Ce n’est pas la faute de la nature ; c’est la leur…, - Et le régime de
l’enfant est-il aussi facile à suivre que celui de la mère ? D’abord, à
quel âge peut-on sevrer ?
Madame D’O
LBAN.
Je crois t’avoir dit qu’il faut donner le sein aux enfans, jusqu’à ce
qu’ils aient leurs vingt dents. C’est une erreur de craindre que ceux
qui tétent long-tems, n’aient l’esprit lourd et la conception tardive
(8). Il est trop de preuves du contraire, à commencer par toi, si ta
modestie veut bien me le permettre, car je me rappelle très-bien que tu
avais deux ans, quand je t’ai sevrée ; et si mon lait ne se fût pas
perdu naturellement, je t’aurais nourrie beaucoup plus long-tems.
Madame D’U
RZELLES.
C’est bien de l’honneur pour moi, sans doute, de pouvoir servir ici
d’exemple !
Madame D’O
LBAN.
Si j’en connaissais un plus certain, je le citerais ; mais que ta
modestie s’appaise : tu n’es pas la seule que je pourrais citer. - Dès
qu’un enfant à une fois atteint l’âge de deux ans, s’il est fort et
bien constitué, il peut aisément se passer du sein de sa mère : il a
des dents, il parle, il marche seul : mais avant cette époque, il n’y a
que la tendresse et les soins maternels qui puissent pourvoir à tous
ses besoins.
Madame D’U
RZELLES.
C’est-à-dire qu’une mère qui ne nourrit pas, est assez barbare pour
éloigner d’elle son enfant dans les deux années où la nature a voulu
qu’elle lui fût le plus nécessaire, et qu’elle le rappelle précisément
dans le tems où il pourrait se passer d’elle. C’est une inconséquence
que je ne pense pas qu’on puisse jamais avoir à me reprocher. - Mais
revenons à notre pauvre petit : le voilà sevré, il marche presque tout
seul, il a ses vingt dents, il pourra manger de tout : me voilà
contente.
Madame D’O
LBAN.
Oh, doucement ! Il y a aussi un régime à observer pour l’enfant sevré.
Tu dis qu’il pourra manger de tout, et ce n’est pas cela. Son petit
estomac fait au lait de sa mère, qui n’a jamais été pour lui qu’un
aliment d’une facile digestion, demande encore, et sur-tout dans les
premiers jours, des ménagemens. Le régime qu’il exige est précisément
celui d’un convalescent qui sort d’une maladie grave, en y ajoutant
qu’il ne doit boire que de l’eau. Ainsi, vois…..
Madame D’U
RZELLES.
Vous faites bien de m’avertir. J’aurais fait quelque bévue, et le
pauvre petit en aurait porté la peine.
Madame D’O
LBAN.
Il faut que les enfans mangent toutes les fois qu’ils en ont le desir.
On leur ferait tort, en ne leur donnant pas la quantité d’alimens dont
ils ont besoin pour leur accroissement ; mais il est bien essentiel
d’observer qu’ils ne soient jamais excités par la délicatesse et la
variété des mets. Les bons fruits, mais bien mûrs, donnés avec
discrétion et prudence, leur sont aussi salutaires que les mauvais
fruits, ou ceux sans maturité leur sont nuisibles. Souviens-toi
sur-tout, pour dernier avis, qu’il est une cause de maladies pour les
enfans, assez ordinaire chez les gens aisés qui donnent à manger, ou
même que les pères et mères n’occasionnent souvent que trop à leur
petit couvert…
Madame D’U
RZELLES.
Quelle est cette cause de maladies ?
Madame D’O
LBAN.
On a la complaisance trop facile de mettre à table des enfans de trois
ou quatre ans ; ils mangent alors au-delà de ce qu’il leur faut ; on
s’amuse, ou l’on se pique de leur apprendre à boire ou à manger de tout
; on s’imagine que parce qu’on leur mesure, pour ainsi dire, ce qu’on
leur donne de chaque chose, cela ne pourra pas les incommoder ; qu’en
résulte-t-il ? qu’indépendamment de ce que les enfans deviennent
gourmands et sensuels, ils courent risque de faire les plus grandes
maladies ; et c’est à l’excessive imprudence de leurs parens en ce
genre qu’ils ont cette funeste obligation ! - Il faut donc ne les
admettre à la grande table que très-rarement ; et encore
faut-il qu’ils aient pris leur réfection à leur petit
couvert, afin qu’on ne soit pas obligé de leur rien offrir (9).. -
D’ailleurs, on leur donne par-là la très-bonne habitude de tout voir
sur cette grande table, sans qu’ils en désirent, et de ne point tomber
dans le défaut de la gourmandise qu’on a droit de reprocher à presque
tous les enfans.
Madame D’U
RZELLES.
Cette manière de voir est très-bonne ; et j’en ferai mon profit.
Madame D’O
LBAN.
Après t’avoir donné toutes ces instructions particulières, il ne me
reste plus qu’à te les rassembler sous un point de vue général dont tu
puisses partir, pour l’éducation des enfans que le ciel te destine.
C’est de faire consister d’abord la satisfaction que tu pourras en
tirer dans les avantages réels de la force, de l’adresse, de l’agilité,
de la bonne constitution, et de la belle forme du corps. Tous ces
avantages, sans la réunion desquels on ne paraît jouir d’aucun autre,
ne peuvent qu’influer heureusement sur tous les évènemens de leur vie.
Etablis aussi pour principe, dans les premières années de l’éducation
de tes enfans, que les instructions précoces en fatiguant leurs faibles
organes, ne peuvent qu’en retarder le développement, et énerver les
opérations de leur esprit.
Madame D’U
RZELLES.
N’est-il pas à craindre aussi que, par cette première inaction de leurs
facilités intellectuelles, les enfans ne s’accoutument à l’oisiveté ?
Madame D’O
LBAN.
Jamais. Tant que ton enfant se portera bien, laisse-le hardîment jouir
de sa liberté, et tu verras qu’il ne sera pas un instant sans
occupation. Les jeux de l’enfance sont pour elles une suite
d’occupations agréables et continuelles, qui l’instruisent plus qu’on
ne l’imagine. L’enfant compare ce qu’il fait avec ce qu’il a fait ; il
acquiert de l’expérience et de l’adresse ; il se fait à lui-même de
petits raisonnemens, qui lui rendent l’esprit juste et conséquent, et
qui le lui conservent naturel ; son tact s’essaie et se décide. Enfin,
mon avis est qu’il ne faut jamais, avant qu’ils aient atteint l’âge de
six à sept ans, contraindre les enfans à apprendre tant de choses qui
surchargeant leur mémoire ou leur esprit, les rendraient tout le
contraire de ce qu’on doit desirer qu’ils soient, ingénieux, polis,
adroits, et sur-tout naturels.
Madame D’U
RZELLES.
Mais que faire, pendant ces premières années, des enfans ?
Madame D’O
LBAN.
Les laisser jouer, se fortifier et profiter du seul tems de leur vie où
ils puissent être heureux. Cela d’ailleurs n’empêche pas que, dans ces
premières années, on ne s’attache à leur former le coeur et le jugement
par le bon exemple des bonnes et honnêtes actions, et sur-tout en leur
parlant toujours vrai. - Quand on peut les rassembler plusieurs
ensemble (mais jamais plus de quatre ou cinq), il ne serait pas inutile
de leur apprendre, par forme d’amusement, par une petite morale
dialoguée, mise à leur portée, à réformer leurs défauts ou leurs
petites passions, dont on apperçoit le germe, quand ils sont entre eux,
et à leur inspirer ainsi l’émulation de pratiquer le bien et d’éviter
ce qui est mal. Nous sommes riches en ouvrages de ce genre ; et Berquin
nous a laissé des successeurs dont les écrits, loin d’être à dédaigner,
méritent toute la reconnaissance de leurs contemporains, et notamment
des bonnes mères de famille. Mais pour cela, il est nécessaire
d’enseigner promptement à lire aux enfans, en leur inspirant, par ces
lectures amusantes, le desir de les apprendre par coeur. En se
conduisant de cette manière avec eux, on les amenera insensiblement et
sans peine au point de sentir que, pour être heureux, on doit se mettre
en état de faire quelque chose d’utile pour soi, et d’y joindre
l’agréable pour les autres. Par ces moyens, on les verra toujours
s’empresser à acquérir les connaissances qui rendent les hommes bons,
utiles ou recommandables.
Madame D’U
RZELLES.
Vous venez de me donner des avis extrêmement précieux ; je vous promets
d’y donner toute l’attention qu’ils méritent.
FIN DU QUATRIÈME ET DERNIER ENTRETIEN.
NOTES
:
(1) Nous en sommes bien fâchés pour la délicatesse de certaines
oreilles ; mais c’est de l’emploi exact des mots propres qu’il s’agit
ici.
(2) On sent bien que dans un ouvrage de la nature de celui-ci, il était
indispensable de la nommer ; ainsi toute fausse délicatesse doit être
écartée.
(3) Notre jeune femme ne doit plus rougir de prononcer ce mot vis-à-vis
de sa mère.
(4) On conçoit que le mot
drogues
doit être pris ici au figuré.
(5) On observera que le mot
drogues
doit être pris ici dans sa véritable acception.
(6) Nous ne mettrons pas au nombre des prestiges les expériences sur le
galvanisme et la pile de Volta de l’ingénieur Robertson.
(7) A la température de l’air.
(8) Croirait-on qu’on a, quelque tems, soutenu sérieusement cette
prétention absurde, quand, au contraire, il est démontré qu’un jugement
sain est toujours l’effet d’une bonne organisation physique.
(9) Car, dit le célèbre Tissot, ce n’est pas ce qu’on avale qui nourrit
;
c’est ce qu’on digère.