Rapport fait au nom de la première
Commission des pétitions, par M. le
général marquis de Grouchy, sur deux
pétitions présentant des
considérations sur l'amélioration de la race
chevaline.- Sénat, séance du mardi 8 mai 1860.-
16 p. ; 21 cm. Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (16.XI.2005) Relecture : A. Guézou. Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire d'une collection particulière. SÉNAT.
Séance
du mardi 8 mai 1860.
RAPPORT
FAIT
au nom de la première Commission (1) des
pétitions,
par M. le général marquis DE GROUCHY, sur deux pétitions présentant des considérations sur l'amélioration de la race chevaline. MESSIEURS
LES SÉNATEURS,
Plusieurs pétitionnaires adressent au Sénat des réclamations et observations dans l'intérêt de l'espèce chevaline ; tous éleveurs, habitants du Calvados et de l'Eure, se plaignent de l'abus du pur sang, de l’exagération des courses et des mauvais résultats obtenus par l'emploi d'étalons achetés dans l'intérieur et ayant couru trop jeunes sur les hippodromes. Ils signalent unanimement l'insuffisance numérique des étalons de l'Administration des haras. Entre autres observations ils critiquent la tendance de trop s'en rapporter à l'industrie privée, et réclament le rétablissement des jumenteries, spécialement celle du haras du Pin. La pétition des éleveurs du Calvados rappelle que l'Empereur, en parcourant en 1858 la Normandie et la Bretagne, voulut bien accueillir favorablement leurs demandes. Ils craignent que les préoccupations de la guerre d'Italie ne lui aient fait perdre de vue la question chevaline. Ils prient le Sénat de vouloir bien être leur interprète auprès du Gouvernement de Sa Majesté, qui, depuis la paix, s'occupe journellement d'augmenter la richesse du pays, par de nombreuses améliorations et des encouragements de toute nature. La Commission a pensé que les diverses réclamations qui touchent à la question chevaline, étaient d'une trop grande importance pour qu'il ne fût pas de son devoir de les soumettre au Gouvernement avec quelques développements. Pour remplir ce voeu, le Rapporteur est obligé de mettre brièvement sous vos yeux l'historique de la situation chevaline en France, antérieurement à notre époque et telle qu'elle existe aujourd'hui. La question hippique intéresse non-seulement l'agriculture et le luxe ; mais elle touche essentiellement à la grandeur et à l'indépendance du pays par la remonte de la cavalerie. Depuis Louis XIII, tous les Souverains, qui ont régné sur la France se sont occupés, avec la plus grande sollicitude, à augmenter l'espèce chevaline, à améliorer nos races et à en créer de nouvelles. Jusqu’alors on s’en était toujours rapporté à l’industrie privée pour l'élevage des chevaux, mais l'insuffisance de la production, quant aux services publics et surtout à la remonte de la cavalerie, même en temps de paix, motiva l'intervention de l’État. Louis XIV forma une administration des haras, et fit entretenir aux frais de l'État un grand nombre d'étalons. A cette époque, la population chevaline, d'après les statistiques, se composait d'environ 2 000 000 de têtes. Déjà cependant on comptait 3239 étalons placés sous la surveillance de l'administration. Savoir : 1115 producteurs appartenant à
l'État, et
2124. id. approuvés. ____
3239 La révolution de 1789 détruisit les haras : aussi le chiffre de la population chevaline avait-il beaucoup diminué, lorsqu’en 1806, l’Empereur Napoléon Ier reconstitua les haras ; il détermina, par un décret, qu'il y aurait dans des établissements spéciaux 1825 étalons. Aujourd'hui, la population chevaline de l'Empire est de 3 000 000 de têtes environ ; elle se renouvelle par dixième. 600 000 juments livrées à la production donnent annuellement 350 000 poulains, dont 300 000 seulement arrivent à l'âge de quatre ans. Pour féconder ces 600 000 poulinières, 12 000 étalons seraient nécessaires. L'Administration des haras ne possède en ce moment que 1300 producteurs ; 700 autres, approuvés par elle, sont entre les mains des particuliers. Le seul rapprochement de ces chiffres fait voir combien nous sommes loin d'avoir un nombre de bons reproducteurs en rapport avec l'augmentation de la race chevaline. Depuis 1806, l'Administration des haras a dû passer par des phases diverses. Sa direction jusqu'en 1833 a été variable et incertaine. A cette dernière époque elle posa les principes d'amélioration et d'encouragement à donner à l'espèce chevaline. LES PURES | LE SANG RACES | arabe, anglo-arabe. Les courses au galop, au trot, de chevaux attelés et des écoles de dressage. Les primes, successivement étendues aux étalons particuliers, aux poulinières de pur sang, et à leurs produits. Le chiffre de ces divers encouragements figure aujourd'hui au budget (année1860) pour 1 300 000 fr. Indépendamment des sommes votées par les départements montant à 169 550 ________ 1 469 550 fr. Peu de temps après, on établit une sorte de registre d'état civil, tenu avec autant de régularité qu'en Angleterre, et connu sous le nom de Stud-Book. Ce livre constate, pour les éleveurs, l'origine des étalons et juments et les guide dans les accouplements. Enfin fut créée une école des haras, où les élèves recevaient une éducation spéciale et préparatoire, pour les services auxquels ils étaient appelés après examen. L'État intervenait ainsi dans la reproduction chevaline d'une manière à la fois directe et indirecte : Directe, par les étalons qu'il possédait, et les jumenteries ; indirecte, par les encouragements de toute nature que nous venons de signaler. Après ces aperçus généraux, revenons aux réclamations et aux plaintes des pétitionnaires. Ils disent que l'on a abusé du pur sang. - Ces critiques, malheureusement trop réelles, s'appliquent en partie à l'inexpérience des éleveurs eux-mêmes ; il est reconnu par tous, aujourd'hui, que le cheval arabe ou anglo-arabe, est le véritable régénérateur, mais qu'on ne doit s'en servir qu'avec discernement, suivant les différentes espèces de juments qu'on livre à l'étalon ; le climat qu'elle habite, son élevage et sa nourriture locale, pouvant être souvent un obstacle à l'amélioration que l'on cherche. Une pratique plus éclairée a fait reconnaître, qu'indépendamment de l'influence de climat, il doit y avoir quelque affinité de conformation pour les accouplements, et qu'en outre, il faut souvent procéder par des croisements alternatifs. Des courses.
Ils se plaignent également de l'exagération des courses, en ce sens surtout, que les étalons qui ont couru sur les hippodromes, et achetés entre quatre et cinq ans par l'Administration des haras, sont souvent mauvais reproducteurs, entraînés dès leur plus bas âge, admis à courir dès deux ans ; l'élevage spécial auquel ils sont soumis, leur nuit et change la nature de leur conformation. Ces chevaux sont à peu près ruinés et, n'ont plus les formes que l'on doit rechercher dans un bon reproducteur. On les prend même avec des tares à cause de la réputation qu'ils ont acquise sur les hippodromes. Nous nous associons à cette opinion, non pas seulement parce qu'elle est une théorie raisonnée, mais surtout parce que les produits de ces mêmes étalons sont, sauf de rares exceptions, des chevaux défectueux de formes, désunis et trop élevés de terre et trop irritables. Ces produits, entre les mains des éleveurs, sont des non-valeurs dont ils ne peuvent se défaire, ni pour le luxe, ni pour les remontes, ni même pour les attelages. Aussi, depuis quelques années, les éleveurs des départements refusent-ils d'employer ces étalons. Nous pouvons en citer un exemple : Dans le département de la Manche, où se trouve le plus grand nombre de juments poulinières (40 000 environ), les saillies par les treize chevaux pur sang, qui y existent, sont presque nulles, comparativement à celles des étalons demi-sang. Les pétitionnaires signalent également l'insuffisance numérique des étalons dans les dépôts de l'Administration des haras. Nous avons déjà fait connaître que, pour une population chevaline de 2 000 000 de têtes, il y avait déjà, sous Louis XIV, 1115 étalons entretenus aux frais de l'État. En 1806, sous Napoléon Ier, le minimum de ces étalons était fixé à 1400, et devait être porté à 1825. Aujourd'hui pour une population chevaline de 3 000 000, nous n'avons que 1333 étalons. Jumenteries.
Lorsque l'Administration créa des jumenteries dans quelques dépôts des haras, ce fut dans la persuasion que l'industrie privée ne pouvait pas, seule, entretenir des établissements aussi coûteux. Elle croyait ainsi pouvoir élever et conserver des familles de races pures ; dans ces familles choisir des élèves propres à la reproduction, et livrer les autres produits à l'industrie privée. Ces jumenteries ont été supprimées sous prétexte d'économie, mais plutôt par l'influence des éleveurs de chevaux de course, qui ont voulu faire tomber une concurrence qu’ils redoutaient ; du moment où les éleveurs des départements eux-mêmes réclament leur rétablissement, nous croyons pouvoir dire que la mesure est regrettable. Les différentes considérations que nous venons de vous soumettre, ne sont pas seulement des plaintes individuelles, elles sont appuyées presque tous les ans, par les voeux des Conseils généraux, des Conseils d'arrondissements, par les Sociétés d'agriculture et les Comices agricoles. Les Conseils généraux des départements (62 sur 86) formulent leurs voeux d'une manière presque identique. Augmentation du nombre des étalons. Choix mieux appropriés au climat, et aux races des localités. Étalons plus rapprochés de terre, et composés en grande majorité de demi-sang. Rappelons en outre, qu'en 1859, cent quarante-deux Députés soumirent à la Commission du Budget une proposition tendant à obtenir un million pour porter à 1800 le nombre des étalons de l'Administration des haras... Elle fut réduite à 100 000 francs. Les craintes des éleveurs de nos départements, quant à la tendance d'émanciper l'industrie chevaline, craintes que semblent autoriser les rapports de quelques Commissions hippiques, et aussi quelques brochures semi-officielles, nous espérons qu'elles sont prématurées. Cette anglomanie aurait d'autant moins d'à-propos, qu'aujourd'hui on se plaint également, des deux côtés du détroit, de l'abus des courses. En Angleterre, dans une discussion publique il est reconnu de part et d'autre, que les étalons sortant des hippodromes, ne donnent que des produits dégénérés ; qu’ils compromettent ainsi la belle race anglo-arabe, créée après tant de temps de soins et de sacrifices. On soutient que par suite de l’entraînement prématuré et d'épreuves insuffisantes ces étalons ne peuvent donner que des chevaux de courses, et non des chevaux vraiment utiles, par utile les Anglais entendent les chevaux de luxe, de traits légers et de chasse. Un bill est en ce moment soumis à la Chambre des communes pour interdire les courses avant trois ans, et chaque cheval devra, dès cet âge, porter un poids qui se rapproche davantage de celui d'un cavalier. Ce poids devra être de 45 kilog. pour le premier essai de course et augmenter ensuite progressivement avec l'âge du cheval. Ainsi de leur propre aveu les Anglais reconnaissent que l'abus des courses et du pur sang, a déjà fait dégénérer leur belle race anglo arabe.... Ajoutons que l'Angleterre qui était devenue le marché de l'Europe, manque aujourd'hui de bons chevaux de service bien établis, ils y sont du moins devenus rares et fort chers. Une autre cause a contribué à cette pénurie, la France, l'Allemagne, la Prusse, même la Hongrie, et surtout les États-Unis d'Amérique, ont depuis plusieurs années acheté en Angleterre les plus beaux étalons et les plus belles juments. Nos voisins sont essentiellement marchands, ils tiennent à conserver le marché de l’Europe, aussi ne pouvant plus y suffire par eux-mêmes, ils viennent en Prusse, en Allemagne, et surtout en Normandie, enlever à tous prix nos plus belles juments, leurs poulains, et tous ceux provenant de bonne race ; ils les élèveront chez eux et les revendront ensuite sur le Continent comme chevaux anglais. Ce libre échange, bien calculé, explique comment nos exportations en chevaux ont monté, depuis peu, de 3000 environ à 4000. En France la production chevaline était livrée à l'industrie privée au temps de notre organisation féodale. Plus tard l'État fut obligé d'intervenir, vu l'insuffisance des résultats obtenus. En Angleterre au contraire, les premiers haras qui datent de Jacques Ier et de Charles II, appartenaient aux Souverains. Ils en établirent ensuite plusieurs autres qui étaient entretenus par l'État. Le goût des tournois, des courses et de l'équitation y avait été transporté par l'invasion des Normands. Après des hésitations, et même des essais infructueux, on finit par adopter le cheval arabe, régénérateur des races indigènes. L'aristocratie anglaise possédant la majeure partie du territoire, et aussi des fortunes considérables, se livra avec ardeur et persévérance à créer cette belle race anglo-arabe, qui n'est autre que la race la plus noble de l'Arabie, acclimatée à un autre milieu, grandie et fortifiée sous l'influence d'une nourriture riche et substantielle....... Sommes-nous en France dans des conditions pareilles ? Chez nous les fortunes particulières sont rarement considérables et ne se transmettent pas entières à l’aîné de la famille, comme en Angleterre. Si quelques personnes riches ont pu créer des écuries, leur nombre est très-circonscrit. Elles avaient pour but d'élever des chevaux de pur sang pour les courses ; elles ne se soutiennent dans cette industrie coûteuse que par les encouragements donnés par le Gouvernement, et par les combinaisons pécuniaires du règlement des courses. Ajoutons aussi que les hippodromes sont devenus de véritable tapis vert, où l'on joue un jeu plus effréné qu'à la Bourse. Malgré cet auxiliaire dangereux, le personnel de ces grandes industries se renouvelle souvent et semble néanmoins diminuer tous les jours. L'expérience a déjà prouvé que les mutations naturelles des fortunes et les événements politiques les font trop souvent disparaître. L'État seul présente l'idée de la fixité et des grands sacrifices nécessaires à l'industrie chevaline. Nous avons besoin dans notre pays de trois espèces de chevaux : 1° Le cheval de luxe ; 2° Le cheval d'attelage léger ; Celui en même temps, propre à la remonte de la cavalerie (cheval à deux fins); 3° Le cheval de gros trait pour l'agriculture et les transports. Ces trois catégories peuvent encore se subdiviser par suite de la transformation des voies de communication, rendues plus faciles, et par les lourds fardeaux dont se chargent les chemins de fer. Le but qu'on devait se proposer était surtout, avec l'amélioration des races, l'augmentation de l’espèce chevaline, pour qu'elle suffît à la consommation du pays ; la France cessait ainsi d'être tributaire de l'étranger. Le nombre des chevaux a sensiblement augmenté, l’amélioration des races a suivi une marche progressive. Les remontes de la cavalerie pour les temps de paix sont devenues plus faciles et de meilleure qualité ; et cependant ces remontes annuelles, qui avant 1848 étaient de 6000 à 7000 chevaux, sont aujourd'hui de 8000 à 9000. On a créé plusieurs races ; citons entre autres la race anglo-normande. Mais nous restons encore tributaires de l'étranger pour le passage en chevaux de notre cavalerie, du pied de paix au pied de guerre. Enfin nous empruntons encore annuellement à l'étranger 12 000 à 14 000 chevaux de luxe. Ces résultats ont été obtenus lentement, et s'il faut en attribuer la cause à quelques incertitudes dans la marche suivie, c'est surtout au morcellement de la propriété, et à la division des fortunes, qu'il faut s'en prendre. Changer de système, lorsque nous sommes en progrès pour arriver au but, ne serait-ce pas compromettre de nouveau les résultats déjà obtenus. On nous compare sans cesse à l'Angleterre ; il peut y avoir des analogies, mais la situation est loin d'être identique. Il a fallu, de l'autre côté de la Manche près d'un siècle pour créer une race avec beaucoup d argent`et une grande persévérance, dans l'amélioration de l'espèce chevaline..... Imitons cette persévérance dans le but, comme dans les moyens. Avons-nous besoin de faire remarquer que l'augmentation et l'amélioration de la race chevaline, comme celle des bestiaux, se lient étroitement aux progrès de notre agriculture. Il faut pour leur élevage créer un plus grand nombre de prairies naturelles et artificielles.... ils payent les foins qu'ils consomment par des engrais productifs, rapportés sur les terres destinées aux céréales. On arrive ainsi à produire, si ce n'est plus, autant, sur une moindre étendue de terrain ; en même temps la valeur de ces animaux est une augmentation de richesse pour le pays. La seule consommation du pays est calculée à 300 000 chevaux.... ne leur donnant qu'une estimation moyenne de 700 à 800 fr., c'est une valeur réelle de 210 000 000 à 240 000 000. Résumé.
Les éleveurs des départements demandent pour l'amélioration et l'augmentation de la race chevaline, dans leur intérêt et celui de l'agriculture, un plus grand nombre d'étalons appartenant à l'État ; spécialement des chevaux demi-sang comme mieux appropriés au climat, à l'élevage et aux espèces des localités. La production des chevaux utiles qui manquent aujourd'hui à la consommation du pays, donnerait un plus grand nombre de chevaux de luxe, d'attelage léger, et de remonte pour la cavalerie. Ils réclament le rétablissement des jumenteries, l'État seul pouvant élever et conserver des familles de race pure. C’est en un mot une plus grande intervention directe de l'État. Ils se plaignent également de l'abus du pur sang, des étalons étiolés sortant des hippodromes, et des encouragements absorbés presque exclusivement par les courses de pur sang. C'est une intervention indirecte de l'État, plus éclairée et plus pratique. Messieurs les Sénateurs, votre Commission a dû se renfermer dans l'examen des réclamations des éleveurs de la Normandie. La question chevaline se rattache à des intérêts généraux, quelquefois complexes, qui auraient demandé de plus grands développements ; nous nous sommes bornés à quelques aperçus spéciaux, notre mission n'était pas de soumettre au Gouvernement un nouveau système, loin de là, nous demanderions de conserver celui qui a déjà donné de bons résultats, et ne saurait manquer d'atteindre le but de l'augmentation et de l'amélioration des races chevalines, avec de la persévérance et des moyens d'action plus puissants. Nous terminerons ce rapport en citant les paroles de l'Empereur Napoléon Ier, dont le génie créateur se retrouve dans toutes les institutions qu'il a fondées : « Il faut, disait-il, devant le Conseil d'État, protection et encouragement pour l'industrie chevaline, » mais en même temps il gardait dans sa main puissante et pour son administration éclairée, la haute et unique direction. En restant dans le programme de 1806, en lui donnant les développements reconnus nécessaires, la France qui par la variété de son sol, sous un climat tempéré, peut élever toutes les espèces de chevaux, arrivera à satisfaire non seulement à tous les besoins de sa consommation, mais encore redeviendra de nouveau, le marché de l'Europe. D'après ces considérations, nous avons l'honneur de vous proposer le renvoi de ces pétitions, à M. le Ministre de l'agriculture, des travaux publics et du commerce, ainsi qu'au Ministre de la guerre. ~*~
PÉTITION N°
155.
Caen, 15 mars 1860.
MESSIEURS LES SÉNATEURS, Lorsque l'Empereur parcourut, en 1858, la Normandie et la Bretagne, il voulut bien accueillir favorablement la demande, qui lui fut adressée par plusieurs éleveurs de ces contrées, de prendre en considération la position critique dans laquelle ils se trouvaient depuis plusieurs années, par suite de la difficulté de se procurer de bons étalons. Depuis cette époque, les préoccupations de la guerre d'Italie lui avaient peut-être fait oublier cette question. Nous croyons qu'il est opportun, maintenant que le commerce va profiter d'une paix qui deviendra sans doute féconde en améliorations, de rappeler à Sa Majesté la situation fâcheuse dont les éleveurs se plaignent et qui, si on n'y apporte un remède prompt et efficace, pourrait devenir désastreuse pour l’armée, l’agriculture et le luxe, en un mot, pour la France entière. C'est dans ce but que nous nous adressons au Corps de l'État désigné par la Constitution pour servir d'intermédiaire aux réclamations destinées à être soumises au Souverain. La suppression de la Jumenterie du Pin est, suivant nous, une des transformations les plus fâcheuses exécutées par la direction des haras. Dans le but de favoriser l'industrie privée, on a voulu la laisser seule produire les étalons nécessaires à la conservation et à l'amélioration de notre famille chevaline. L'expérience est faite. Les éleveurs impartiaux et consciencieux doivent reconnaître combien les conséquences en sont déjà fâcheuses et à quel point elles pourraient le devenir si l'on ferme plus longtemps les yeux sur la gravité de la situation. Laissant de côté les intérêts privés d'une vingtaine de joueurs qui n'envisagent la production chevaline qu'à leur point de vue et s'efforcent d'entretenir leurs écuries de chevaux de course, presque entièrement avec les subventions du Gouvernement, et, considérant l'intérêt réel des masses, nous demanderons que de nombreuses modifications soient apportées dans la répartition des fonds alloués aux haras. Pleins de confiance dans la bienveillante sollicitude que Sa Majesté a toujours daigné témoigner à la race chevaline, nous espérons qu'Elle voudra bien prendre en considération les voeux de tant de Conseils généraux auxquels nous nous associons, et qu'en modifiant la direction des haras, faisant étudier plus sérieusement les programmes de courses et créant quelques Jumenteries, elle donnera un nouvel essor à la reconnaissance de la majorité des éleveurs français. Veuillez bien agréer, Messieurs les Sénateurs, l'expression des sentiments respectueux De vos
dévoués serviteurs,
A. Bonpain,
éleveur.
Ed. Bouquet, Langlois, A. Mari, Viell, Dorne, E. Bonpain, F. Cahaigne, L. Marchand, C. Lefèvre. Plus une signature
illisible.
NOTE : (1) Cette Commission était composée de M. FERDINAND BARROT, M. le baron DE LACROSSE, M. le marquis DE LA ROCHEJAQUELEIN, M. le comte SIMÉON, M. le comte DE CASABIANCA, M. le baron DUPIN, M. le procureur-général DUPIN, Président, M. le général marquis DE GROUCHY, Rapporteur, M. DUMAS, M. DE ROYER, Secrétaire. |