E
LBE, nommée
en grec
Æthalia, Ilva en latin,
Elba en italien, est une île située
dans la mer Méditerranée, sur les côtes de la Toscane, à 4 lieues de la
terre ferme de l’Italie ; à 13 lieues de l’île de Corse, à 45 de Rome,
à 85 de Naples, et à environ 230 de Paris. Elle était connue des
anciens, puisqu’on rapporte qu’elle était déjà peuplée que Rome n’était
pas encore bâtie.
Cette île forme un triangle
presque équilatéral ; elle a vingt-six lieues de circonférence, à
raison des enfoncements et des recoins qu’en présentent le côtes. En
1778, sa population était à peine de 8,000 habitants, aujourd’hui elle
s’élève à 11,380. Le plus long jour y est de quinze heures, et le pôle
s’y élève à la hauteur de 41 degrés et demi. Outre les cartes
particulières où l’on trouve cette île, il en a paru une à Venise, qui
a pour éditeur Bertelli, et qui se distingue par son exactitude de
toutes les autres cartes de la Toscane.
Cette île
produit toutes sortes de métaux ; l’on y trouve même quelques mines
d’or et d’argent qui sont abandonnées. Ces mines sont situées au
levant, au couchant et au midi. Le territoire de
Porto-Ferrajo
contient du cuivre, et l’on rencontre du fer, de l’étain et du plomb en
divers cantons. La mine de fer la plus abondante est dans le territoire
de
Rio, près de la côte maritime vers le levant. Elle a des racines
très-profondes, et s’étend l’espace d’un mille environ dans les flancs
d’une montagne. On l’exploitait dans les temps les plus réculés ; le
fer qu’elle donnait dans des temps moins anciens appartenait aux
princes de Piombino. Comme l’île manque de bois, on est obligé de
transporter le minerai sur les côtes de Gênes et de Corse, pour y être
fondu et travaillé. Outre les mines, il y a aussi dans l’île des
carrières de marbre, tant blanc que mixte et de brocatelle. Les Romains
y occupaient continuellement un grand nombre d’ouvriers ; on y fait
aujourd’hui travailler les malfaiteurs envoyés de la Toscane et de
plusieurs autres contrées voisines. La côte de Campo renferme du
granit. C’est de cette carrière qu’on tira, en 1559, trois colonnes,
qui sont dans l’église de Saint-Jean. L’île offre une grande quantité
de calamite, tant blanche que noire. La montagne d’où on la tire porte
le nom de
Calamita : elle est située vers le levant à près de deux
lieues du cap
Livieri. La calamite blanche sert de médicament, et la
noire a la propriété d’attirer le fer. Les marins l’emploient dans les
boussoles ; elle est pour cet objet d’une excellente qualité.
La
pierre d’amianthe ou l’asbeste se trouve dans cette île, aussi bien que
dans les îles de Corse, de Sardaigne, et autres lieux. Ses filaments
sont soyeux, on en peut faire une espèce de toile. En voyant une touffe
séparée de cette asbeste, on a peine de se convaincre que c’est
réellement une pierre et non pas une belle soie blanche. On la mêle
quelquefois dans l’argile dont on fabrique de la poterie, qui en
devient moins cassante. Les anciens filèrent l’asbeste et en faisaient
des napes, des serviettes, etc. Quand ces pièces étaient sales, on les
jetait au feu qui ne détruit pas la substance de l’asbeste ; et on les
en retirait plus blanches que si elles avaient été lavées.
Cette
île produit aussi différentes sortes de simples qui ne croissent point
ailleurs. On y recueille du grain, du vin, du sel, un peu d’huile, du
lin et des fruits de toutes espèces, qui, à la vérité, ne sont pas en
abondance, mais qui ont meilleur goût que ceux de la terre ferme, et
suffisent aux besoins des habitants.
Les cantons de
Campo et de
Campo-Livieri recueillent assez de blé pour la
subsistance de leurs habitants. Dans les autres cantons, cette récolte
est tout-à-fait insuffisante. Si l’agriculture y laisse beaucoup à
désirer, il n’en est pas de même des vins, puisqu’on en fait passer à
Rome et en d’autres endroits. Le vin rouge surtout y est exquis ; il y
en a de deux espèces, le
vermout et l’
aleatico. Le
vermout est un
composé de vin blanc et d’herbes ; il est fort recherché, aussi bien
que le vinaigre qu’on fait dans cette île. Le seul territoire de Rio
manque de toute espèce de productions, ses habitants s’appliquant pour
la plupart au commerce de la mine de fer, et négligeant l’agriculture ;
d’où il arrive que pour peu que ce commerce cesse pendant quelques
mois, ce pauvre canton se trouve exposé aux horreurs de la famine. Les
bois sont en général peu élevés et ne contiennent guère que du buis,
des
pruzzoli, du romarin, dont on trouve des terrains d’environ une
lieue entièrement couverts, des arbrisseaux appelés
agnocasto, de la
sabine, du
tramarice. Le figuier d’Inde s’y élève de douze à vingt
pieds dans les terrains les plus arides, au sein même des rochers ; il
est toujours vert, il subsiste fort long-temps, et l’insecte qui donne
la cochenille se plaît sur ses feuilles. On pourrait en profiter pour
ouvrir à cette île une nouvelle branche de commerce. L’île n’est
arrosée par aucune rivière, et ne manque cependant pas de sources d’eau
d’une fort bonne qualité, qui servent à faire aller des moulins. Ces
sources ne tarissent jamais, même pendant l’été. Elle a aussi quelques
sources d’eaux minérales.
Les animaux domestiques et
privés qui naissent dans l’île sont pour la plupart d’un pelage
rougeâtre et noir : leur chair a un goût exquis et une fort bonne odeur
; ce qui provient des herbes odoriférantes qui abondent dans l’île et
dont ces animaux se nourrissent. Les animaux sauvages sont les
sangliers, les lièvres, les martres, les hérissons ou porc-épics ; et
en oiseaux elle a des cailles, des perdrix, des pigeons, des grives,
des moineaux, des canaris, des rossignols, quelques ortolans, etc. On
n’y voit point de bêtes fauves, point de bestiaux et point d’abeilles,
quoique le pays y soit propre. Mais ce qui rend le séjour des campagnes
désagréable, c’est qu’elles sont infectées d’un grand nombre de
reptiles, et qu’elles sont stériles en beaucoup d’endroits.
La
mer qui baigne ses côtes abonde en poissons de toutes espèces. On a
perdu dans cette île la pêche des nacres, dont quelques-unes
contenaient des perles. Il y a deux endroits dans l’île où l’on pêche
le thon : l’un est le golfe de
Porto-Ferrajo ; l’autre le golfe de
Procchio, dans le territoire de
Marciana. La première de ces pêches
n’est pas d’un grand profit ; la seconde est fort avantageuse et ne
manque presque jamais. Il y a outre cela d’autres-pêches qui se font
dans toutes les saisons, et où se trouvent non seulement les gens du
pays, mais encore des pêcheurs de plusieurs autres nations.
Les
Elbois sont naturellement doux, hospitaliers et attachés au lieu qui
les a vus naître. La vie frugale qu’ils mènent contribue à les rendre
sains et robustes. Ils sont d’une moyenne stature, bien pris dans leur
taille, bruns de peau, ayant les cheveux noirs, le regard vif et
pénétrant. Ils aiment la chasse, sont bons marins, et se livrent avec
plaisir aux exercices pénibles. Si leur territoire est menacé de
quelque invasion, on les voit tous se faire soldats. L’amour du travail
et la bravoure sont des qualités qui les distinguent ; et la probité,
qui est ordinairement le partage de l’homme laborieux, se rencontre
souvent chez eux. Ils ne se servent point du stylet comme les habitants
de plusieurs autres contrées, mais ils sont généralement superstitieux
et ignorants.
Les femmes portent un chapeau de
paille noire, un corset blanc, et une jupe courte de couleur rouge ou
bleue. Celles qui aiment la parure ajoutent à cet ajustement une fleur,
des rubans, des boucles d’oreilles, une chaîne de col, et autres bijoux
d’or. Sans êtres très-jolies, elles sont d’un extérieur agréable, et
ont pour qualités morales d’être bonnes mères et épouses fidèles.
La
vieillesse des deux sexes n’est point décrépite dans cette île.
On
s’y nourrit de légumes secs, de fromage de lait de brebis, de lard, de
viandes salées et fumées, de pain grossier, de toutes sortes de
poissons frais dont on y fait une pêche facile et abondante, de thon
mariné et d’une sorte de gâteau fait avec de la châtaigne ; mais les
habitants préfèrent, pour leur nourriture, la viande et le poisson aux
végétaux. Leurs maisons sont basses, tenues avec propreté et meublées
simplement.
Les Elbois se livrent peu aux plaisirs
bruyants, leur danse même offre peu de vivacité et de gaîté. Leur
langage est un patois dérivé du toscan.
Cette île ne
renferme point de fabriques ni de manufactures. L’industrie y est peu
de chose. Le commerce qui s’y fait ne consiste que dans l’importation
des grains, fromages, bestiaux, etc., et dans l’exportation du thon, du
sel, des vins, du vinaigre, du granit et surtout du minerai.
L’île
d’Elbe renferme deux villes qui sont Porto-Ferrajo et Porto-Longone, et
quelques bourgades et villages.
P
ORTO-F
ERRAJO, en
latin
Portus-Ferratus, jolie petite ville, située par 28 degrés 12
minutes de longitude et 42 degrés 55 minutes de latitude, sur une
longue pointe de terre fort haute et fort escarpée, à l’ouest de la
baie du même nom. Son port, vaste et profond, peut recevoir les plus
gros vaisseaux, et nommait anciennement
Portus-Argous. Cette ville
appartenait au duc de Toscane, et les Anglais, qui la gardaient en son
nom, ont soutenu contre les Français un siége opiniâtre qui n’a cessé
qu’en 1802. Elle se trouve aujourd’hui comprise dans le département de
la Méditerranée. On y compte trois mille habitants.
En
1537, Côme Ier, duc de Florence, obtint Porto-Ferrajo des seigneurs de
Piombino, et il y bâtit un ville et une forteresse, pour être à l’abri
des corsaires. Elle prit le nom de son fondateur en s’appelant
Cosmopoli, et celui de Porto-Ferrajo lui fut aussi donné à cause des
mines de fer qui se trouvent dans les environs. Tout le contour de la
place, mesuré à la portée du canon, depuis le fort jusqu’au bastion des
moulins, c’est-à-dire la partie de l’île qui appartenait au grand-duc,
comprend une étendue de 1666 toises quatre cinquièmes, la toise à
raison de trois brasses. Le 10 mai 1738, on commença à exécuter, sur
l’ordre de l’empereur François, le projet d’augmenter les
fortifications de Porto-Ferrajo. Les travaux ont été continués jusqu’en
1758, en sorte qu’on a fait de cette place une des forteresses les plus
considérables de l’Italie. Elle est composée de neuf bastions et de
beaucoup d’ouvrages, et est d’ailleurs défendue par deux forts, la
Stella et le
Falcone. Il y avait encore au-dehors un autre fort
nommé
S. Giov. Battista, qui a été démoli. Cette place, du côté de la
mer, est fermée par son port, et est séparée du reste de l’île par un
canal creusé à mains d’hommes, sur lequel est un pont. Elle avait
ordinairement une garnison de cinq cents hommes. Le gouverneur de la
ville décidait des affaires civiles et militaires. A présent elle est
le chef-lieu d’une sous-préfecture, d’un tribunal de première instance,
d’un tribunal de commerce, et elle a une conservation des hypothèques.
Ses habitants font le commerce de sel, de marbre, de granit, de thon et
autres poissons. Sa tonnellerie et ses salines sont d’un revenu
considérable.
On y compte trois églises, avec un
couvent de franciscains et deux oratoires de confréries où l’on dit la
messe.
P
ORTO-L
ONGONE, en latin
Portus Longus, à 28
degrés 15 minutes de longitude, et 42 degrés 52 minutes de latitude,
est une petite ville située sur la côte orientale de l’île ; elle fait
partie du département français de la Méditerranée, et est le chef-lieu
de canton de l’arrondissement, à une lieue de Porto-Ferrajo.
Conformément au traité avec le roi de Naples, les Français en prirent
possession en 1801. Cette ville a 1500 habitants. Porto-Longone a aussi
un bon port ; la forteresse, située sur un rocher, en est presque
inaccessible. L’objet principal d’exportation est le poisson. Elle
faisait autrefois partie de la principauté de Piombino, et le roi de
Naples avait le droit d’y entretenir une garnison. On commença à la
bâtir en 1611 par ordre de Philippe III, roi d’Espagne. Elle fut prise
par les Français en 1646, et reprise par les Espagnols en 1650. Elle
est à trois lieues de Piombino. Il y a au-dessous une petite bourgade
dont les habitants tirent de la pêche leur principale subsistance.
Rio,
chef-lieu d’un canton de Porto-Longone, est une bourgade qui compte
1800 habitants. Ses environs sont peu cultivés, attendu qu’on s’y
occupe exclusivement des mines de fer. Ces mines offrent un résultat
fort intéressant pour le commerce : elles donnent de 75 à 85 pour cent
d’excellent fer, égal à celui de Suède et de Sibérie. En 1534, elle fut
saccagée par le corsaire turc Barberousse, qui réduisit tous les
habitants à l’esclavage.
Campo, village qui se
trouve dans le canton de Marciana, a 1700 habitants.
Campo
Livieri, village dont les habitants retirent en grande partie leur
subsistance de la culture de leurs champs et de leurs vignes.
Les
petites bourgades de Saint-Jean, Saint-Hilaire, Saint-André, et
de Pomonte, trouvent dans leurs vignobles un profit assez
considérable.
Sur
la côte maritime du golfe de Porto-Ferrajo on trouve des salines qui
faisaient partie des droits régaliens du souverain, et qui sont
d’un plus grand profit que celles de
Castiglione di Maremma
dans la principauté de Piombino, parce que le sel s’y prépare sans
qu’on ait besoin de bois, et que cuit par la seule chaleur du soleil il
est d’une excellente qualité. Ces salines sont de deux espèces. 1°
Alla Paesana, d’où l’on tire des morceaux de sel plus gros et plus
bruts ; telles sont les salines
delle Ghiaje et
delle Lazzeretto ;
2°
Alla Trapanese, dont les fosses sont revêtues de pierres ; l’eau
de la mer s’y évapore, et les morceaux de sel qu’on en tire sont plus
minces ; telles sont les salines de
S. Rocco et
dell’ Annunziata.
L’île
d’Elbe fut d’abord occupée par les Etrusques ; elle jouit pendant
quelques instants du privilége de ces villes de la Grèce qui se
gouvernaient par leurs propres lois, et que l’on nommait
autonomes.
Soumise ensuite tour à tour aux Carthaginois et aux Romains, dévastée
par différents peuples, après la chute de l’empire romain, elle tomba
sous la domination des Pisans, au commencement du onzième siècle.
Dans
le treizième siècle, les Génois enlevèrent aux Pisans l’île d’Elbe et
la principauté de Piombino, et les vendirent aux Lucquois pour la somme
de 8,500 livres (environ 53,000 francs), en s’en réservant toutefois le
domaine suprême. Mais peu de temps après, les Pisans, sous la conduite
de leur capitaine, le comte Gui de Montefeltro, recouvrèrent cette
possession. J’acques d’Appiano ayant usurpé la souveraineté de Pise, et
par conséquent aussi celle de Piombino et de l’île d’Elbe, Gérard son
fils et successeur, vendit, en 1399, l’état de Pise à Jean Galeace
Visconti, duc de Milan, mais se réserva le domaine de l’île d’Elbe et
de Piombino. En 1439, Jacques II d’Appiano étant mort sans héritiers
mâles, il eut pour successeur dans Piombino et l’île d’Elbe Rinald
Ursino, mari de Catherine sa fille, qui, aidé des Siennois et des
Florentins, résista en 1448 à Alphonse, roi d’Arragon, dont les troupes
infestaient ses états par mer et par terre. A la mort de ce Rinald, en
1450, la seigneurie de Piombino et de l’île d’Elbe, fut gouvernée par
sa veuve, sous la protection de la république de Sienne et l’inspection
d’un conseil de quinze citoyens siennois choisis par le sénat de cette
république. Catherine, pour obtenir la paix du roi Alphonse (d’autres
disent du roi Ferdinand), s’engagea à lui donner tous les ans, durant
sa vie, une tasse d’or de la valeur de 500 ducats (environ 3125
francs). A sa mort, qui arriva six mois après, les Siennois, qui
avaient cet état sous leur protection, envoyèrent Christophe Gabrielli
à Piombino. Cet émissaire contint le peuple dans le devoir jusqu’à ce
que le sénat de Sienne eût fait venir de Naples Emmanuel d’Appiano, qui
y portait les armes depuis plusieurs années ; et ce fut lui qui,
d’après le voeu des sujets, s’empara du gouvernement de Piombino et de
l’île d’Elbe. En 1501, César Borgia, fils naturel du pape Alexandre VI,
enleva à Jacques IV d’Appiano, avec le secours des Siennois,
Sugheretto, Scarlino, Piombino, l’île d’Elbe, et de
Pianoza. Mais
après la mort d’Alexandre VI, ce Jacques IV rentra en possession de la
seigneurie. En 1505, il mit son état sous la protection du roi
d’Espagne, qui établit une garnison dans la ville de Piombino. Mais
quatre ans après il se soumit à l’empereur Maximilien Ier, en qualité
de fief impérial, pour vivre plus en sûreté au milieu des troubles qui
déchiraient alors toute l’Italie. En 1534, Barberousse, corsaire turc,
débarqua dans l’île d’Elbe, s’accagea
Rio et réduisit tous ses
habitants à l’esclavage ; c’est probablement à cette époque que fut
démantelée
Grossera, bourgade de l’île située autrefois dans le
territoire de Rio, à l’endroit où est à présent l’église de
Sainte-Catherine, auprès de la tour
del Ghiaccio. En 1537, Côme Ier
de Médicis, alors duc de Florence, obtint des seigneurs de Piombino la
ville de
Porto-Ferrajo, pour la fortifier contre les attaques des
corsaires turcs ; y construisit une belle place, et de son nom l’appela
Cosmopoli.
L’île fut de nouveau ravagée par
Barberousse, en 1544. Quatre ans après, cet état fut enlevé à Jacques
VI d’Appiano, par l’empereur Charles-Quint, sous prétexte qu’il était
mineur et que sa mère était veuve, qu’ils étaient l’un et l’autre fort
endettés et hors d’état de faire tête aux dangers dont la guerre les
menaçait. Charles-Quint en prit donc possession, et confia la
principauté et son seigneur en bas âge à la protection de Côme Ier, duc
de Florence. En 1551,
Porto-Ferrajo fut vainement assiégée par le
corsaire Barberousse, Côme Ier ayant envoyé des troupes qui le
forcèrent à se retirer. En 1554, les Turcs, sous le commandement de
Tragut-Rais, saccagèrent l’île et en emmenèrent neuf cents personnes.
Tout subit leur joug, excepté
Porto-Ferrajo que gardait Luc-Antoine
Cuppano, gouverneur de Piombino et colonel au service de terre du duc
Côme, et Jacques VI, capitaine des galères du même duc. En 1556, les
Turcs firent de nouvelles tentatives sur l’île, mais inutilement. En
1558, l’empereur Charles-Quint restitua à Jacques VI l’état de
Piombino, et Côme Ier, duc de Florence, fut confirmé dans la possession
de
Porto-Ferrajo, à cause des dépenses qu’il avait faites pour
fortifier cette ville.
On lui accorda en même temps
un terrain d’environ trois quarts de lieue à la ronde, en vertu d’un
accord passé entre le susdit Jacques et Philippe II, roi d’Espagne. En
1590 Alexandre, fils de Jacques VI, ayant été tué par les conjurés,
l’état fut, pendant quatre mois, sous le joug de Felix, roi d’Espagne,
alors gouverneur et commandant de la garnison espagnole de Piombino.
L’état fut ensuite restitué à Jacques VII, fils d’Alexandre, qui en fut
investi par l’empereur, en recevant en même temps le titre de prince.
Jacques VII étant mort en 1603 sans enfant mâle, les habitants de
Piombino appelèrent à sa succession, Charles d’Appiano, fils de Sforza
descendant de Jacques III ; mais l’état lui fut enlevé par ordre de
Philippe III, roi d’Espagne, qui prit possession de la principauté, au
nom de sa majesté l’empereur d’Allemagne. Le même Philippe III, jaloux
de voir que Porto-Ferrajo devenait plus fort chaque jour, commença, en
1605, à faire construire
Porto-Longone. En 1611, Isabelle, comtesse
de Binasco, épouse de don George Mendoza, fut mise en possession de
l’état de Piombino, par ordre du roi d’Espagne. En 1624, ce monarque
s’empara du fief de Piombino, qui lui avait été accordé par l’empereur
d’Allemagne, sous la condition qu’il le donnerait en arrière-fief à
quelqu’autre prince. En conséquence, il ôta la principauté à la
comtesse Isabelle, parce qu’elle avait épousé Paul Jourdan des Ursins,
duc de Bracciano, qui était peu affectionné aux intérêts de l’Espagne.
Il en résulta un procès, et la sentence par laquelle l’empereur la
termina, décida en faveur des fils de Sforza ou des Appiani, et les
obligea de payer à la chambre des finances d’Autriche la somme de
800,000 florins d’or (environ un million de francs), et cette clause
n’ayant point été observée, la sous-inféodation de Piombino fut
accordée, en 1635, à dom Nicolas Ludovisi. La principauté passa ensuite
passa ensuite dans la maison de Buoncompagni, c’est-à-dire aux ducs de
Sora, famille napolitaine qui doit sa fortune au souverain pontife
Grégoire XII.
Par l’art. 4 du traité de paix conclu
à Florence le 7 germinal an 9 (28 mars 1801), sa majesté le roi de
Naples, qui possédait la souveraineté (mais non le domaine utile) de
l’île d’Elbe, en a fait cession à la France.
Le
sénat français, dans sa séance du 2 avril 1814, ayant décrété la
déchéance de l’empereur Napoléon et de sa famille, et délié en
conséquence le peuple français et l’armée du serment de fidélité, a
transmis ledit décret au gouvernement provisoire, afin qu’il le fît
connaître dès le lendemain au peuple français.
Le 11
du même mois, Napoléon Buonaparte a envoyé son acte d’abdication, daté
du palais de Fontainebleau. Il a accepté six millions de pension qui
lui ont été accordés pour lui et sa famille, et a consenti à se retirer
dans l’île d’Elbe. Il est parti de Fontainebleau le 20 avril à midi,
accompagné du général Bertrand, officier français, qui était seul dans
sa voiture, et de quatre généraux alliés, russe, autrichien, prussien
et anglais, qui occupaient plusieurs voitures, sous l’escorte de
vingt-cinq hommes de cavalerie.
Buonaparte a suivi
sa route par le Nivernais, le Bourbonnais et Lyon. Les précautions qui
avaient été prises n’ont laissé jusque-là au peuple que la faculté de
se livrer à quelques déclamations injurieuses ; mais arrivé à Avignon,
la voiture de Buonaparte fut entourée d’une grande foule, qui fit
éclater des signes de sa haine par de violentes imprécations et des
apostrophes outrageantes. Les officiers étrangers descendirent de leurs
voitures, et rétablirent assez de calme pour pouvoir continuer le
voyage. A Orgon, Lambesc, etc. Buonaparte fut encore invectivé ; à
Saint-Cannat, le peuple a brisé les glaces de la voiture. Bonaparte
alors a changé d’habillement, a pris un costume à la russe, et est
monté dans un cabriolet. On fit partir en avant un officier allié pour
assurer la route. Le sous-préfet d’Aix fit fermer les portes de la
ville pour empêcher personne d’en sortir ; des détachements de troupes
de ligne et de gardes nationales maintinrent la tranquillité, les
voitures relayèrent en dehors des murs, et le sous-préfet se porta en
avant avec la gendarmerie pour éclairer la route jusqu’à Fréjus.
Le
28 avril, Buonaparte s’est embarqué seul à Saint-Rapheau, sur une
frégate anglaise qui l’a transporté à l’île d’Elbe. C’est dans ce même
port de Saint-Rapheau, où, par une des plus étonnantes vicissitudes de
la fortune, Buonaparte avait abordé en revenant d’Égypte.
On
assure que les deux forteresses de l’île d’Elbe seront occupées
désormais par des détachements de troupes françaises et alliées.
FIN.