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Notice sur l'île d'Elbe (1814)
Notice sur l'île d'Elbe, Contenant la description de ses villes, ports, places fortes, villes, bourgs, villages, l’état de sa population, de ses productions ; son étendue, sa distance de Paris, etc. ; la description des moeurs et usages de ses habitants ; un coup-d’oeil sur l’histoire de cette île. Augmentée de l’itinéraire du voyage de Buonaparte jusqu’au lieu de son embarquement.- A Paris : Tardieu-Denesle, 1814.- 28 p.-1 f. de pl. depl. ; 18 cm.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (06.IX.2007)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque André Malraux (BmLx : R 216 br).
 
Page de titre

Notice sur l'île d'Elbe,
Contenant la description de ses villes, ports,
places fortes, villes, bourgs, villages, l’état de sa population, de ses productions ;
son étendue, sa distance de Paris, etc. ;
la description des moeurs et usages de ses habitants ;
un coup-d’oeil sur l’histoire de cette île.

Augmentée de l’itinéraire du voyage de Buonaparte jusqu’au lieu de son embarquement

~*~


ELBE, nommée en grec Æthalia, Ilva en latin, Elba en italien, est une île située dans la mer Méditerranée, sur les côtes de la Toscane, à 4 lieues de la terre ferme de l’Italie ; à 13 lieues de l’île de Corse, à 45 de Rome, à 85 de Naples, et à environ 230 de Paris. Elle était connue des anciens, puisqu’on rapporte qu’elle était déjà peuplée que Rome n’était pas encore bâtie.

Cette île forme un triangle presque équilatéral ; elle a vingt-six lieues de circonférence, à raison des enfoncements et des recoins qu’en présentent le côtes. En 1778, sa population était à peine de 8,000 habitants, aujourd’hui elle s’élève à 11,380. Le plus long jour y est de quinze heures, et le pôle s’y élève à la hauteur de 41 degrés et demi. Outre les cartes particulières où l’on trouve cette île, il en a paru une à Venise, qui a pour éditeur Bertelli, et qui se distingue par son exactitude de toutes les autres cartes de la Toscane.

Cette île produit toutes sortes de métaux ; l’on y trouve même quelques mines d’or et d’argent qui sont abandonnées. Ces mines sont situées au levant, au couchant et au midi. Le territoire de Porto-Ferrajo contient du cuivre, et l’on rencontre du fer, de l’étain et du plomb en divers cantons. La mine de fer la plus abondante est dans le territoire de Rio, près de la côte maritime vers le levant. Elle a des racines très-profondes, et s’étend l’espace d’un mille environ dans les flancs d’une montagne. On l’exploitait dans les temps les plus réculés ; le fer qu’elle donnait dans des temps moins anciens appartenait aux princes de Piombino. Comme l’île manque de bois, on est obligé de transporter le minerai sur les côtes de Gênes et de Corse, pour y être fondu et travaillé. Outre les mines, il y a aussi dans l’île des carrières de marbre, tant blanc que mixte et de brocatelle. Les Romains y occupaient continuellement un grand nombre d’ouvriers ; on y fait aujourd’hui travailler les malfaiteurs envoyés de la Toscane et de plusieurs autres contrées voisines. La côte de Campo renferme du granit. C’est de cette carrière qu’on tira, en 1559, trois colonnes, qui sont dans l’église de Saint-Jean. L’île offre une grande quantité de calamite, tant blanche que noire. La montagne d’où on la tire porte le nom de Calamita : elle est située vers le levant à près de deux lieues du cap Livieri. La calamite blanche sert de médicament, et la noire a la propriété d’attirer le fer. Les marins l’emploient dans les boussoles ; elle est pour cet objet d’une excellente qualité.

La pierre d’amianthe ou l’asbeste se trouve dans cette île, aussi bien que dans les îles de Corse, de Sardaigne, et autres lieux. Ses filaments sont soyeux, on en peut faire une espèce de toile. En voyant une touffe séparée de cette asbeste, on a peine de se convaincre que c’est réellement une pierre et non pas une belle soie blanche. On la mêle quelquefois dans l’argile dont on fabrique de la poterie, qui en devient moins cassante. Les anciens filèrent l’asbeste et en faisaient des napes, des serviettes, etc. Quand ces pièces étaient sales, on les jetait au feu qui ne détruit pas la substance de l’asbeste ; et on les en retirait plus blanches que si elles avaient été lavées.

Cette île produit aussi différentes sortes de simples qui ne croissent point ailleurs. On y recueille du grain, du vin, du sel, un peu d’huile, du lin et des fruits de toutes espèces, qui, à la vérité, ne sont pas en abondance, mais qui ont meilleur goût que ceux de la terre ferme, et suffisent aux besoins des habitants.

Les cantons de Campo et de Campo-Livieri recueillent assez de blé pour la subsistance de leurs habitants. Dans les autres cantons, cette récolte est tout-à-fait insuffisante. Si l’agriculture y laisse beaucoup à désirer, il n’en est pas de même des vins, puisqu’on en fait passer à Rome et en d’autres endroits. Le vin rouge surtout y est exquis ; il y en a de deux espèces, le vermout et l’aleatico. Le vermout est un composé de vin blanc et d’herbes ; il est fort recherché, aussi bien que le vinaigre qu’on fait dans cette île. Le seul territoire de Rio manque de toute espèce de productions, ses habitants s’appliquant pour la plupart au commerce de la mine de fer, et négligeant l’agriculture ; d’où il arrive que pour peu que ce commerce cesse pendant quelques mois, ce pauvre canton se trouve exposé aux horreurs de la famine. Les bois sont en général peu élevés et ne contiennent guère que du buis, des pruzzoli, du romarin, dont on trouve des terrains d’environ une lieue entièrement couverts, des arbrisseaux appelés agnocasto, de la sabine, du tramarice. Le figuier d’Inde s’y élève de douze à vingt pieds dans les terrains les plus arides, au sein même des rochers ; il est toujours vert, il subsiste fort long-temps, et l’insecte qui donne la cochenille se plaît sur ses feuilles. On pourrait en profiter pour ouvrir à cette île une nouvelle branche de commerce. L’île n’est arrosée par aucune rivière, et ne manque cependant pas de sources d’eau d’une fort bonne qualité, qui servent à faire aller des moulins. Ces sources ne tarissent jamais, même pendant l’été. Elle a aussi quelques sources d’eaux minérales.

Les animaux domestiques et privés qui naissent dans l’île sont pour la plupart d’un pelage rougeâtre et noir : leur chair a un goût exquis et une fort bonne odeur ; ce qui provient des herbes odoriférantes qui abondent dans l’île et dont ces animaux se nourrissent. Les animaux sauvages sont les sangliers, les lièvres, les martres, les hérissons ou porc-épics ; et en oiseaux elle a des cailles, des perdrix, des pigeons, des grives, des moineaux, des canaris, des rossignols, quelques ortolans, etc. On n’y voit point de bêtes fauves, point de bestiaux et point d’abeilles, quoique le pays y soit propre. Mais ce qui rend le séjour des campagnes désagréable, c’est qu’elles sont infectées d’un grand nombre de reptiles, et qu’elles sont stériles en beaucoup d’endroits.

La mer qui baigne ses côtes abonde en poissons de toutes espèces. On a perdu dans cette île la pêche des nacres, dont quelques-unes contenaient des perles. Il y a deux endroits dans l’île où l’on pêche le thon : l’un est le golfe de Porto-Ferrajo ; l’autre le golfe de Procchio, dans le territoire de Marciana. La première de ces pêches n’est pas d’un grand profit ; la seconde est fort avantageuse et ne manque presque jamais. Il y a outre cela d’autres-pêches qui se font dans toutes les saisons, et où se trouvent non seulement les gens du pays, mais encore des pêcheurs de plusieurs autres nations.

Les Elbois sont naturellement doux, hospitaliers et attachés au lieu qui les a vus naître. La vie frugale qu’ils mènent contribue à les rendre sains et robustes. Ils sont d’une moyenne stature, bien pris dans leur taille, bruns de peau, ayant les cheveux noirs, le regard vif et pénétrant. Ils aiment la chasse, sont bons marins, et se livrent avec plaisir aux exercices pénibles. Si leur territoire est menacé de quelque invasion, on les voit tous se faire soldats. L’amour du travail et la bravoure sont des qualités qui les distinguent ; et la probité, qui est ordinairement le partage de l’homme laborieux, se rencontre souvent chez eux. Ils ne se servent point du stylet comme les habitants de plusieurs autres contrées, mais ils sont généralement superstitieux et ignorants.

Les femmes portent un chapeau de paille noire, un corset blanc, et une jupe courte de couleur rouge ou bleue. Celles qui aiment la parure ajoutent à cet ajustement une fleur, des rubans, des boucles d’oreilles, une chaîne de col, et autres bijoux d’or. Sans êtres très-jolies, elles sont d’un extérieur agréable, et ont pour qualités morales d’être bonnes mères et épouses fidèles.

La vieillesse des deux sexes n’est point décrépite dans cette île.

On s’y nourrit de légumes secs, de fromage de lait de brebis, de lard, de viandes salées et fumées, de pain grossier, de toutes sortes de poissons frais dont on y fait une pêche facile et abondante, de thon mariné et d’une sorte de gâteau fait avec de la châtaigne ; mais les habitants préfèrent, pour leur nourriture, la viande et le poisson aux végétaux. Leurs maisons sont basses, tenues avec propreté et meublées simplement.

Les Elbois se livrent peu aux plaisirs bruyants, leur danse même offre peu de vivacité et de gaîté. Leur langage est un patois dérivé du toscan.

Cette île ne renferme point de fabriques ni de manufactures. L’industrie y est peu de chose. Le commerce qui s’y fait ne consiste que dans l’importation des grains, fromages, bestiaux, etc., et dans l’exportation du thon, du sel, des vins, du vinaigre, du granit et surtout du minerai.

L’île d’Elbe renferme deux villes qui sont Porto-Ferrajo et Porto-Longone, et quelques bourgades et villages.

PORTO-FERRAJO, en latin Portus-Ferratus, jolie petite ville, située par 28 degrés 12 minutes de longitude et 42 degrés 55 minutes de latitude, sur une longue pointe de terre fort haute et fort escarpée, à l’ouest de la baie du même nom. Son port, vaste et profond, peut recevoir les plus gros vaisseaux, et nommait anciennement Portus-Argous. Cette ville appartenait au duc de Toscane, et les Anglais, qui la gardaient en son nom, ont soutenu contre les Français un siége opiniâtre qui n’a cessé qu’en 1802. Elle se trouve aujourd’hui comprise dans le département de la Méditerranée. On y compte trois mille habitants.

En 1537, Côme Ier, duc de Florence, obtint Porto-Ferrajo des seigneurs de Piombino, et il y bâtit un ville et une forteresse, pour être à l’abri des corsaires. Elle prit le nom de son fondateur en s’appelant Cosmopoli, et celui de Porto-Ferrajo lui fut aussi donné à cause des mines de fer qui se trouvent dans les environs. Tout le contour de la place, mesuré à la portée du canon, depuis le fort jusqu’au bastion des moulins, c’est-à-dire la partie de l’île qui appartenait au grand-duc, comprend une étendue de 1666 toises quatre cinquièmes, la toise à raison de trois brasses. Le 10 mai 1738, on commença à exécuter, sur l’ordre de l’empereur François, le projet d’augmenter les fortifications de Porto-Ferrajo. Les travaux ont été continués jusqu’en 1758, en sorte qu’on a fait de cette place une des forteresses les plus considérables de l’Italie. Elle est composée de neuf bastions et de beaucoup d’ouvrages, et est d’ailleurs défendue par deux forts, la Stella et le Falcone. Il y avait encore au-dehors un autre fort nommé S. Giov. Battista, qui a été démoli. Cette place, du côté de la mer, est fermée par son port, et est séparée du reste de l’île par un canal creusé à mains d’hommes, sur lequel est un pont. Elle avait ordinairement une garnison de cinq cents hommes. Le gouverneur de la ville décidait des affaires civiles et militaires. A présent elle est le chef-lieu d’une sous-préfecture, d’un tribunal de première instance, d’un tribunal de commerce, et elle a une conservation des hypothèques. Ses habitants font le commerce de sel, de marbre, de granit, de thon et autres poissons. Sa tonnellerie et ses salines sont d’un revenu considérable.

On y compte trois églises, avec un couvent de franciscains et deux oratoires de confréries où l’on dit la messe.

PORTO-LONGONE, en latin Portus Longus, à 28 degrés 15 minutes de longitude, et 42 degrés 52 minutes de latitude, est une petite ville située sur la côte orientale de l’île ; elle fait partie du département français de la Méditerranée, et est le chef-lieu de canton de l’arrondissement, à une lieue de Porto-Ferrajo. Conformément au traité avec le roi de Naples, les Français en prirent possession en 1801. Cette ville a 1500 habitants. Porto-Longone a aussi un bon port ; la forteresse, située sur un rocher, en est presque inaccessible. L’objet principal d’exportation est le poisson. Elle faisait autrefois partie de la principauté de Piombino, et le roi de Naples avait le droit d’y entretenir une garnison. On commença à la bâtir en 1611 par ordre de Philippe III, roi d’Espagne. Elle fut prise par les Français en 1646, et reprise par les Espagnols en 1650. Elle est à trois lieues de Piombino. Il y a au-dessous une petite bourgade dont les habitants tirent de la pêche leur principale subsistance.

Rio, chef-lieu d’un canton de Porto-Longone, est une bourgade qui compte 1800 habitants. Ses environs sont peu cultivés, attendu qu’on s’y occupe exclusivement des mines de fer. Ces mines offrent un résultat fort intéressant pour le commerce : elles donnent de 75 à 85 pour cent d’excellent fer, égal à celui de Suède et de Sibérie. En 1534, elle fut saccagée par le corsaire turc Barberousse, qui réduisit tous les habitants à l’esclavage.

Campo, village qui se trouve dans le canton de Marciana, a 1700 habitants.

Campo Livieri, village dont les habitants retirent en grande partie leur subsistance de la culture de leurs champs et de leurs vignes.

Les petites bourgades de Saint-Jean, Saint-Hilaire, Saint-André, et de Pomonte, trouvent dans leurs vignobles un profit assez considérable.

Sur la côte maritime du golfe de Porto-Ferrajo on trouve des salines qui faisaient partie des droits régaliens du souverain, et qui sont d’un  plus grand profit que celles de Castiglione di Maremma dans la principauté de Piombino, parce que le sel s’y prépare sans qu’on ait besoin de bois, et que cuit par la seule chaleur du soleil il est d’une excellente qualité. Ces salines sont de deux espèces. 1° Alla Paesana, d’où l’on tire des morceaux de sel plus gros et plus bruts ; telles sont les salines delle Ghiaje et delle Lazzeretto ; 2° Alla Trapanese, dont les fosses sont revêtues de pierres ; l’eau de la mer s’y évapore, et les morceaux de sel qu’on en tire sont plus minces ; telles sont les salines de S. Rocco et dell’ Annunziata.

L’île d’Elbe fut d’abord occupée par les Etrusques ; elle jouit pendant quelques instants du privilége de ces villes de la Grèce qui se gouvernaient par leurs propres lois, et que l’on nommait autonomes. Soumise ensuite tour à tour aux Carthaginois et aux Romains, dévastée par différents peuples, après la chute de l’empire romain, elle tomba sous la domination des Pisans, au commencement du onzième siècle.

Dans le treizième siècle, les Génois enlevèrent aux Pisans l’île d’Elbe et la principauté de Piombino, et les vendirent aux Lucquois pour la somme de 8,500 livres (environ 53,000 francs), en s’en réservant toutefois le domaine suprême. Mais peu de temps après, les Pisans, sous la conduite de leur capitaine, le comte Gui de Montefeltro, recouvrèrent cette possession. J’acques d’Appiano ayant usurpé la souveraineté de Pise, et par conséquent aussi celle de Piombino et de l’île d’Elbe, Gérard son fils et successeur, vendit, en 1399, l’état de Pise à Jean Galeace Visconti, duc de Milan, mais se réserva le domaine de l’île d’Elbe et de Piombino. En 1439, Jacques II d’Appiano étant mort sans héritiers mâles, il eut pour successeur dans Piombino et l’île d’Elbe Rinald Ursino, mari de Catherine sa fille, qui, aidé des Siennois et des Florentins, résista en 1448 à Alphonse, roi d’Arragon, dont les troupes infestaient ses états par mer et par terre. A la mort de ce Rinald, en 1450, la seigneurie de Piombino et de l’île d’Elbe, fut gouvernée par sa veuve, sous la protection de la république de Sienne et l’inspection d’un conseil de quinze citoyens siennois choisis par le sénat de cette république. Catherine, pour obtenir la paix du roi Alphonse (d’autres disent du roi Ferdinand), s’engagea à lui donner tous les ans, durant sa vie, une tasse d’or de la valeur de 500 ducats (environ 3125 francs). A sa mort, qui arriva six mois après, les Siennois, qui avaient cet état sous leur protection, envoyèrent Christophe Gabrielli à Piombino. Cet émissaire contint le peuple dans le devoir jusqu’à ce que le sénat de Sienne eût fait venir de Naples Emmanuel d’Appiano, qui y portait les armes depuis plusieurs années ; et ce fut lui qui, d’après le voeu des sujets, s’empara du gouvernement de Piombino et de l’île d’Elbe. En 1501, César Borgia, fils naturel du pape Alexandre VI, enleva à Jacques IV d’Appiano, avec le secours des Siennois, Sugheretto, Scarlino, Piombino, l’île d’Elbe, et de Pianoza. Mais après la mort d’Alexandre VI, ce Jacques IV rentra en possession de la seigneurie. En 1505, il mit son état sous la protection du roi d’Espagne, qui établit une garnison dans la ville de Piombino. Mais quatre ans après il se soumit à l’empereur Maximilien Ier, en qualité de fief impérial, pour vivre plus en sûreté au milieu des troubles qui déchiraient alors toute l’Italie. En 1534, Barberousse, corsaire turc, débarqua dans l’île d’Elbe, s’accagea Rio et réduisit tous ses habitants à l’esclavage ; c’est probablement à cette époque que fut démantelée Grossera, bourgade de l’île située autrefois dans le territoire de Rio, à l’endroit où est à présent l’église de Sainte-Catherine, auprès de la tour del Ghiaccio. En 1537, Côme Ier de Médicis, alors duc de Florence, obtint des seigneurs de Piombino la ville de Porto-Ferrajo, pour la fortifier contre les attaques des corsaires turcs ; y construisit une belle place, et de son nom l’appela Cosmopoli.

L’île fut de nouveau ravagée par Barberousse, en 1544. Quatre ans après, cet état fut enlevé à Jacques VI d’Appiano, par l’empereur Charles-Quint, sous prétexte qu’il était mineur et que sa mère était veuve, qu’ils étaient l’un et l’autre fort endettés et hors d’état de faire tête aux dangers dont la guerre les menaçait. Charles-Quint en prit donc possession, et confia la principauté et son seigneur en bas âge à la protection de Côme Ier, duc de Florence. En 1551, Porto-Ferrajo fut vainement assiégée par le corsaire Barberousse, Côme Ier ayant envoyé des troupes qui le forcèrent à se retirer. En 1554, les Turcs, sous le commandement de Tragut-Rais, saccagèrent l’île et en emmenèrent neuf cents personnes. Tout subit leur joug, excepté Porto-Ferrajo que gardait Luc-Antoine Cuppano, gouverneur de Piombino et colonel au service de terre du duc Côme, et Jacques VI, capitaine des galères du même duc. En 1556, les Turcs firent de nouvelles tentatives sur l’île, mais inutilement. En 1558, l’empereur Charles-Quint restitua à Jacques VI l’état de Piombino, et Côme Ier, duc de Florence, fut confirmé dans la possession de Porto-Ferrajo, à cause des dépenses qu’il avait faites pour fortifier cette ville.

On lui accorda en même temps un terrain d’environ trois quarts de lieue à la ronde, en vertu d’un accord passé entre le susdit Jacques et Philippe II, roi d’Espagne. En 1590 Alexandre, fils de Jacques VI, ayant été tué par les conjurés, l’état fut, pendant quatre mois, sous le joug de Felix, roi d’Espagne, alors gouverneur et commandant de la garnison espagnole de Piombino. L’état fut ensuite restitué à Jacques VII, fils d’Alexandre, qui en fut investi par l’empereur, en recevant en même temps le titre de prince. Jacques VII étant mort en 1603 sans enfant mâle, les habitants de Piombino appelèrent à sa succession, Charles d’Appiano, fils de Sforza descendant de Jacques III ; mais l’état lui fut enlevé par ordre de Philippe III, roi d’Espagne, qui prit possession de la principauté, au nom de sa majesté l’empereur d’Allemagne. Le même Philippe III, jaloux de voir que Porto-Ferrajo devenait plus fort chaque jour, commença, en 1605, à faire construire Porto-Longone. En 1611, Isabelle, comtesse de Binasco, épouse de don George Mendoza, fut mise en possession de l’état de Piombino, par ordre du roi d’Espagne. En 1624, ce monarque s’empara du fief de Piombino, qui lui avait été accordé par l’empereur d’Allemagne, sous la condition qu’il le donnerait en arrière-fief à quelqu’autre prince. En conséquence, il ôta la principauté à la comtesse Isabelle, parce qu’elle avait épousé Paul Jourdan des Ursins, duc de Bracciano, qui était peu affectionné aux intérêts de l’Espagne. Il en résulta un procès, et la sentence par laquelle l’empereur la termina, décida en faveur des fils de Sforza ou des Appiani, et les obligea de payer à la chambre des finances d’Autriche la somme de 800,000 florins d’or (environ un million de francs), et cette clause n’ayant point été observée, la sous-inféodation de Piombino fut accordée, en 1635, à dom Nicolas Ludovisi. La principauté passa ensuite passa ensuite dans la maison de Buoncompagni, c’est-à-dire aux ducs de Sora, famille napolitaine qui doit sa fortune au souverain pontife Grégoire XII.

Par l’art. 4 du traité de paix conclu à Florence le 7 germinal an 9 (28 mars 1801), sa majesté le roi de Naples, qui possédait la souveraineté (mais non le domaine utile) de l’île d’Elbe, en a fait cession à la France.

Le sénat français, dans sa séance du 2 avril 1814, ayant décrété la déchéance de l’empereur Napoléon et de sa famille, et délié en conséquence le peuple français et l’armée du serment de fidélité, a transmis ledit décret au gouvernement provisoire, afin qu’il le fît connaître dès le lendemain au peuple français.

Le 11 du même mois, Napoléon Buonaparte a envoyé son acte d’abdication, daté du palais de Fontainebleau. Il a accepté six millions de pension qui lui ont été accordés pour lui et sa famille, et a consenti à se retirer dans l’île d’Elbe. Il est parti de Fontainebleau le 20 avril à midi, accompagné du général Bertrand, officier français, qui était seul dans sa voiture, et de quatre généraux alliés, russe, autrichien, prussien et anglais, qui occupaient plusieurs voitures, sous l’escorte de vingt-cinq hommes de cavalerie.

Buonaparte a suivi sa route par le Nivernais, le Bourbonnais et Lyon. Les précautions qui avaient été prises n’ont laissé jusque-là au peuple que la faculté de se livrer à quelques déclamations injurieuses ; mais arrivé à Avignon, la voiture de Buonaparte fut entourée d’une grande foule, qui fit éclater des signes de sa haine par de violentes imprécations et des apostrophes outrageantes. Les officiers étrangers descendirent de leurs voitures, et rétablirent assez de calme pour pouvoir continuer le voyage. A Orgon, Lambesc, etc. Buonaparte fut encore invectivé ; à Saint-Cannat, le peuple a brisé les glaces de la voiture. Bonaparte alors a changé d’habillement, a pris un costume à la russe, et est monté dans un cabriolet. On fit partir en avant un officier allié pour assurer la route. Le sous-préfet d’Aix fit fermer les portes de la ville pour empêcher personne d’en sortir ; des détachements de troupes de ligne et de gardes nationales maintinrent la tranquillité, les voitures relayèrent en dehors des murs, et le sous-préfet se porta en avant avec la gendarmerie pour éclairer la route jusqu’à Fréjus.

Le 28 avril, Buonaparte s’est embarqué seul à Saint-Rapheau, sur une frégate anglaise qui l’a transporté à l’île d’Elbe. C’est dans ce même port de Saint-Rapheau, où, par une des plus étonnantes vicissitudes de la fortune, Buonaparte avait abordé en revenant d’Égypte.

On assure que les deux forteresses de l’île d’Elbe seront occupées désormais par des détachements de troupes françaises et alliées.

FIN.


Carte

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