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[...........] L’Impôt sur le Revenu. Ruine des Travailleurs (1899).
[...........] L’Impôt sur le Revenu. Ruine des Travailleurs (1899).
Saisie du texte : Sylvie Pestel  pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.V.2013)
Texte relu par : A. Guézou.
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)

Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : n.c.) du numéro 8 daté de mai 1899 de Lectures pour tous : revue universelle illustrée publié par la Librairie Hachette. Pour visionner les illustrations légendées, consulter la version .PDF de l'article


L’Impôt sur le Revenu


Ruine des Travailleurs
_____

L’impôt sur le revenu est plus que jamais la question du jour. Ses partisans le célèbrent comme une conception nouvelle admirable, comme une réforme destinée à soulager la grande majorité des contribuables, à satisfaire également la justice idéale, les intérêts du Trésor, les progrès économiques de la France. Ce sont là de grands mots. En réalité, cet impôt, loin d’être nouveau, n’est que le retour à peine déguisé à l’un des impôts les plus décriés de l’ancien régime. Il aurait pour conséquence immédiate de paralyser le commerce et l’industrie, d’appauvrir le pays. Mais surtout il retomberait lourdement sur les travailleurs et sur les petites bourses qui en seraient les véritables victimes.

° ° °   

IL N’Y A PAS « UN » REVENU. – IL Y A PRESQUE AUTANT DE SORTES DE REVENUS QUE DE CONTRIBUABLES.

Le Revenu, tout le monde sait ce que c’est, et il n’est évidemment pas besoin de définir le mot lui-même !

Ainsi pense-t-on généralement.

C’est là cependant une erreur, car ce terme de « revenu » est un terme vague, indéterminé, qui désigne les objets les plus divers. Appliquer la même désignation aux revenus qui diffèrent le plus par la nature et l’origine, c’est le meilleur moyen de brouiller les idées, de jeter la confusion dans les esprits et de faire qu’on discute sans se comprendre.

En effet, dans la langue courante et comprise de tout le monde, on appelle « revenu » les ressources annuelles procurées à quelqu’un par les capitaux ou par les biens qu’il possède, sans qu’il fasse rien par lui-même pour obtenir ces ressources.

Vous possédez une maison que vous louez une inscription de rente sur le grand livre de la Dette perpétuelle, des obligations de chemins de fer ; tout cela vous rapport tant de centaines ou tant de milliers de francs chaque année, même si vous êtes resté toute l’année malade dans votre lit. Voilà le « revenu », dans le langage ordinaire.

Mais dites à un ouvrier maçon, typographe, charpentier, mécanicien, serrurier, gagnant en moyenne 8 francs par jour, soit 2400 francs par an, à un employé de magasin, de banque, d’usine, à un cocher de fiacre, de tramway, d’omnibus, à un homme d’équipe, à un chef de gare, à un boulanger, à un épicier, à un musicien, à un avocat, à un pharmacien, à quiconque travaille enfin, exerce un métier, une profession exigeant l’effort de ses muscles ou de son intelligence et obtient ainsi, en payement de son travail, une somme d’argent ; dites à tous ces travailleurs qu’ils ont en « revenu » ce qu’ils ont gagné pendant l’année à la sueur de leur front, vous verrez aussitôt leur surprise ! – « C’est notre « salaire », et non notre « revenu » ! répondraient-ils. Plaisantez-vous d’appeler cela « revenu » ?... Comme s’il y avait quelque rapport entre le produit de notre travail personnel, de notre travail humain et le produit automatique et spontané des « titres » du « rentier » ou des immeubles loués du « propriétaire » !...

Eh bien ! tous ces travailleurs se tromperaient. Dans la langue législative, fiscale, le « revenu », ce n’est pas seulement la « rente » du capitaliste ou du propriétaire, mais c’est aussi le « produit du travail », de tout travail quel qu’il soit, depuis le plus humble, le plus dur, le plus ingrat, jusqu’au plus fécond ; en un mot, c’est le total de toutes les sommes, de tous les bénéfices, de toutes les ressources dont on dispose annuellement, quelle qu’en soit la source ou l’importance.

L’impôt sur le revenu frapperait donc tout le monde, – puisque tout le monde a un revenu, gros ou petit, depuis le puissant banquier jusqu’au chemineau qui gagne par-ci par-là 3 francs par jour.

L’IMPOT SUR LE REVENU EST CONTRAIRE AU PRINCIPE RÉPUBLICAIN DE L’ÉGALITÉ.

« Mais, dira-t-on, la loi établissant l’impôt sur le revenu exempterait les petits revenus, ceux qui seraient au-dessous d’un certain chiffre. L’ancien projet du ministère radical de 1896, par exemple, affranchissait les revenus inférieurs à 2500 francs. Or, beaucoup de gens n’ont pas ce revenu. Donc beaucoup de gens seraient exemptés de tout impôt. Ce système serait ainsi favorable au plus grand nombre des citoyens. »

Encore une erreur !

D’abord, il est singulier d’entendre des républicains, des démocrates, dont la doctrine repose essentiellement sur l’égalité des citoyens devant la loi, proclamée par la Révolution française comme le dogme de la société nouvelle, proposer un régime fiscal qui détruit ce principe et qui rétablit des privilèges au profit d’une catégorie de citoyens.

On verrait donc des Français, jouissant de leurs droits civils et politiques, électeurs, élus même et par conséquent fixant l’impôt qui doit frapper leurs concitoyens, et cependant exempts de toute charge ! Ils imposeraient aux autres, directement ou indirectement, une contribution dont ils se seraient eux-mêmes affranchis ! Et cela au nom de la République, au nom de l’Egalité !

Il est impossible d’imaginer une plus fragrante contradiction, un plus entier mépris des principes qu’on prétend professer. Il serait bien plus simple et plus loyal de décréter la spoliation en invoquant le droit des plus forts, c’est-à-dire des plus nombreux !

Ce n’est pas ainsi que les hommes de la Révolution française, même les plus violents, les plus « radicaux », comprenaient l’application des nouvelles doctrines. Lorsque la Convention discuta la Constitution, un membre proposa d’exempter de l’impôt les citoyens qui ne jouiraient que de « l’absolu nécessaire ». Cette idée fut énergiquement combattue par les chefs mêmes du parti révolutionnaire le plus ardent, tels que Fabre d’Églantine, Hérault de Séchelles et Robespierre, qui firent insérer dans la Constitution que nul citoyen n’est dispensé de contribuer aux charges publiques.

Tels sont les vrais principes politiques et philosophiques, dignes d’un peuple qui veut être libre, - les seuls d’ailleurs qui répondent à la réalité des phénomènes économiques.

L’IMPOT SUR LE REVENU FRAPPERAIT SURTOUT LES TRAVAILLEURS.

En effet, l’exemption de l’impôt au profit de certaines classes de citoyens n’est qu’une apparence. La réalité est que, par une série de contre-coups, l’impôt arrivera toujours à retomber, et même retombera cette fois plus lourdement sur ceux qu’on prétend exempter. Les travailleurs seraient les véritables victimes de la réforme. En effet, le payement de l’impôt par un contribuable n’est que le premier anneau d’une chaîne qui se termine au consommateur. Le contribuable qui verse une somme dans les mains du percepteur n’est en réalité qu’un banquier faisant l’avance de cette somme. Il s’en rembourse ensuite de ses propres mains sur l’ensemble des consommateurs, en majorant d’autant (et même plus) le prix des objets ou des services qu’il leur vend. Plus le cultivateur, le fabricant, le négociant, l’épicier, l’avocat, le médecin, le banquier, le propriétaire de maisons ou de champs sont frappés directement par l’impôt, plus ils augmentent en conséquence le prix de leur blé, de leur vin, de leurs marchandises de toutes sortes, de leurs conseils, de leurs soins, de leurs escomptes, de leurs loyers et de leurs baux.

Frappez lourdement ceux qu’on appelle les « riches » vous verrez aussitôt le travail se ralentir, l’activité des affaires tomber, les salaires baisser, les prix de tous les objets de consommation s’élever, le taux de l’argent monter, les capitaux se raréfier ; en un mot se produire toute cette série si complexe de phénomènes de détail qui arrêtent la création et la circulation de la richesse publique et déterminent ainsi les crises de misère générale et de décadence nationale.

Voulez-vous la preuve palpable de cette vérité ? En France, il y a fort peu de riches, il y en a beaucoup moins qu’en Angleterre et aux Etats-Unis. Aussi en Angleterre et aux Etats-Unis la prospérité publique, l’activité générale sont plus grandes qu’en France ; en outre, l’ouvrier américain ou anglais est dans une situation meilleure que l’ouvrier français. Les pays où il y a de grosses fortunes individuelles et où les capitaux circulent le plus sont aussi ceux où la condition des travailleurs et des petites gens est la plus favorable.

Tout cela est fatal, inévitable, résulte de lois profondes que l’homme n’a pas écrites, mais que la nature des choses a promulguées.

L’histoire est pleine de leçons éclatantes, à cet égard, en tous temps et dans tous pays.

Ce n’est pas la première fois que des courtisans du peuple ont imaginé un système d’impôt ayant pour but, d’après eux, de soulager le pauvre et de frapper le riche ; invariablement, ces projets ont abouti aux plus lamentables résultats et n’ont entraîné que des maux de toutes sortes pour ceux qu’on prétendait favoriser.

Il n’est pas besoin de remonter aux expériences décisives des républiques de l’antiquité grecque ou romaine, de l’Italie du moyen âge, de ces cités prospères et florissantes ébranlées, ruinées par les mesures fiscales démagogiques prises sous l’empire d’idées et de passions analogues à celles qui inspirent aujourd’hui les promoteurs de l’impôt sur le revenu ; il suffit de jeter un coup d’œil sur les tentatives de la Révolution française.

L’IMPOT SUR LE REVENU N’EST QUE L’IMPOT DE LA « TAILLE »
SI DÉCRIÉ SOUS L’ANCIEN RÉGIME

Si la Convention ne voulut pas, vous l’avez vu, admettre le principe de l’exemption de l’impôt pour certaines classes de citoyens, elle fut malheureusement moins clairvoyante et moins sage dans l’organisation même du système fiscal.

L’Assemblée constituante avait parfaitement compris la nécessité d’abandonner les institutions de l’ancien régime entachées de privilèges et d’inégalités, pour adopter de nouvelles contributions établies d’après des règles de justice et d’équité inébranlables. L’impôt nouveau, conçu suivant l’esprit de la Révolution et les Droits de l’Homme, ne devait plus être personnel, mais réel, c’est-à-dire qu’il devait frapper non plus les individus isolément considérés, mais les choses considérées en elles-mêmes, indépendamment de celui qui les possède. Il devait être également réparti, suivant l’importance des biens ou des valeurs qu’il visait ; être établi suivant des règles fixes, claires, simples, sans arbitraire, sans violence, sans tracasserie ni inquisition.

Tous ces caractères condamnaient particulièrement l’impôt sur le revenu, qui avait existé si longtemps sous l’ancien régime, comme impôt seigneurial d’abord, comme impôt royal ensuite, et qui était devenu odieux au peuple sous le nom de taille, qu’il porta jusqu’en 1789.

La taille, les dixièmes, les vingtièmes, ce n’était pas autre chose en effet que le moderne impôt sur le revenu, dont les auteurs ne font ainsi que ressusciter à grand fracas, comme une découverte de leur génie, un des instruments de la tyrannie féodale les plus anciens et les plus justement décriés.

Autrefois, on établissait le compte de ce que pouvait gagner, sous quelque forme que ce fût, chaque contribuable, – chaque taillable, comme on disait alors, – et on lui en prenait tantôt le vingtième, tantôt le dixième, après avoir employé les moyens d’inquisition les plus vexatoires. Voilà ce qu’était la taille, voilà ce qu’on veut rétablir, alors que la Révolution de 1789 a été faite pour le détruire !

Et on appelle cela une réforme et un progrès !

Les conséquences de la taille avaient été déplorables. Par sa nature, fatalement, elle s’était montrée toujours et partout une cause de discordes, de haines entres les citoyens, de querelles, de procès, de ruine et de misère.

Les hommes de l’Assemblée constituante formulèrent une fois pour toutes les règles de l’impôt qui doit être : – impôt réel et non personnel ; – proportionnel et non progressif ; – égal dans ses principes et dans son application pour tous les citoyens.

Depuis lors, rien n’a pu prévaloir contre ces principes. En vain, la Convention, entraînée par son esprit de violence, essaya-t-elle d’établir l’emprunt forcé progressif, calculé d’après le revenu « global » comme on dit aujourd’hui. Elle ne put y arriver même en multipliant les plus rigoureuses.

Le courageux Buzot avait dit le mot philosophique de cette étrange conception : « Le malheur est que, en voulant tuer le riche, on tue le pauvre ! »

Le Directoire fut aussi mal inspiré que la Convention. Sa tentative pour frapper le revenu d’une taxe progressive fut une des causes déterminantes du succès du 18 brumaire. Partout où apparaît l’impôt sur le revenu, il soulève la réprobation. Telles sont les grandes raisons qui condamnent sans retour tout système d’impôt sur le revenu.

L’IMPOT SUR LE REVENU OBLIGERA TOUS LES CONTRIBUABLES
A SUBIR UNE PERQUISITION DANS LEURS AFFAIRES PRIVÉES.

On ajouterait sans peine un grand nombre de raisons secondaires, parmi lesquelles l’horreur légitime des Français pour l’inquisition, pour l’intervention de l’autorité dans leurs affaires privées.

Or, l’impôt sur le revenu, c’est nécessairement la violation du domicile de chacun par les inspecteurs, les contrôleurs, les commissaires de tous genres.

On demande la suppression de l’exercice, c’est-à-dire de la visite domiciliaire des agents du fisc chez les cafetiers et les marchands de vin ; avec l’impôt sur le revenu, on aurait l’exercice chez tous les citoyens français. Tantôt il faudrait prouver au fisc qu’il a évalué trop haut votre revenu, et, de là, inventaire de vos biens, de vos dépenses, de votre gestion. Tantôt, c’est le fisc qui voudrait prouver que votre déclaration est trop faible ; autre inventaire !

« Montrez vos livres de comptes, vos carnets de ménage, vos quittances de fournisseurs ! Quel est votre notaire ? votre banquier ? Que dépensez-vous ?

« Quels placements avez-vous faits ? Chez qui ? Quels titres possédez-vous ? Quelle somme avez-vous mise de côté l’année dernière ? Vous êtes négociant : quelle est votre clientèle ? Quels sont vos prix de vente et vos prix d’achat ? Quels sont vos frais généraux, vos recettes brutes ? Vous êtes fabricant, gros ou petit : quels sont vos prix de revient ? Comment les justifiez-vous ? Montrez vos preuves, si vous voulez qu’on accepte vos déclarations !

« Cultivateurs, employés, commis, ouvriers, petits patrons, maçons, menuisiers, boulangers, pâtissiers, ébénistes, notaires, voituriers, cabaretiers, aubergistes, épiciers, modistes, tailleurs, cordonniers, hommes et femmes, vous tous qui travaillez, vous tous tant que vous êtes, que gagnez-vous ? Comment ? Vous, paysans, quel prix vendez-vous vos œufs, vos poules, vos laitues, votre blé, votre vin, vos moutons ? Combien votre vache a-t-elle vêlé de fois ? Combien de canards avez-vous dans votre basse-cour ? Que fait votre fils ? Où travaille-t-il ? Et votre fille ? Vous l’employez chez vous ? Fort bien, mais alors estimons la valeur des services qu’elle rend dans la maison, car c’est un élément de votre revenu ! »

Et il faudrait calculer tout cela, discuter avec le percepteur, le contrôleur, les répartiteurs, réclamer, pétitionner, plaider ; la vie deviendrait un enfer, surtout dans les petites villes, les villages, où les rivalités locales, se donnent libre carrière. C’est alors qu’on verrait combien les exemptions d’impôt pour les « petits contribuables » ne sont qu’une apparence et une mystification ! Il a été prouvé en 1896, lors du projet Doumer-Bourgeois-Cavaignac, que les « petits contribuables » auraient été la plupart du temps plus maltraités par la nouvelle loi qu’auparavant. En définitive, le résultat général de cette prétendue loi démocratique se serait ainsi résumé. Dans les 33507 communes rurales, l’impôt foncier sur la propriété non bâtie, c’est-à-dire sur l’agriculture, serait augmenté d’une surcharge variant, suivant les circonstances, entre 45 pour 100 au minimum et 57 pour 100 au maximum ; soit une augmentation moyenne de plus de moitié !

L’IMPOT SUR LE REVENU EST LA RUINE DE L’AGRICULTURE,
DU COMMERCE, DE L’INDUSTRIE.

Voilà pourtant ce qu’on avait osé appeler un soulagement pour les « petits » ! En réalité, ce n’eût pas été moins que la ruine de l’agriculture française. L’industrie et le commerce n’auraient pas été plus épargnés.

De sorte que le résultat d’une si ingénieuse proposition aurait été la crise économique la plus redoutable qu’on eût jamais vue depuis les pires époques de la Terreur.

Ces dangers, ces inconvénients, mortels on peut le dire, ne caractérisent pas tel ou tel projet d’impôt général et progressif sur le revenu, mais tout système de ce genre : ils proviennent du principe même, et non point des détails d’organisation. Ainsi le projet de M. Peytral actuellement soumis à la Chambre ne vaut pas mieux que l’ancien projet Doumer-Bourgeois-Cavaignac. Il n’y a pas de bonne peste. La peste est toujours la peste. L’impôt sur le revenu global, nécessairement arbitraire, inquisitorial, vexatoire, ruineux, ne pouvant pas ne pas l’être parce que ces vices sont de son essence, est toujours et en tout cas un impôt de guerre civile, de spoliation, de misère publique.

La France actuelle en périrait, comme jadis Athènes et plus tard Florence périrent d’impôts semblables, également inspirés par les démagogues d’alors.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que des phénomènes économiques sont soumis à des lois naturelles comme la matière est soumise à des lois physiques, chimiques, mécaniques, inéluctables. L’homme ne dirige pas à son gré la chute des corps ni les combinaisons des atomes. Sa science consiste à découvrir, à connaître ces lois naturelles, afin de s’y conformer et d’en profiter pour tirer le meilleur parti possible de leur application fidèle. De même, la création et la circulation de la richesse générale sont soumises à des lois naturelles inviolables ; le législateur ne peut pas les contraindre : c’est lui qui doit leur obéir, en conformant ses prescriptions à leurs exigences.

Eh bien, toute la civilisation nous apprend que l’impôt doit être établi suivant les principes de la Révolution française que nous avons rappelés plus haut ; que si on veut les violer, on aboutit fatalement, dans un pays libre, à des crises fatales pour le Trésor, pour l’État, pour le commerce et l’industrie, et par conséquent pour les contribuables.

Il ne faut donc pas que l’esprit public s’égare sur des minuties, sur tel ou tel détail. Le principe est tout, dans cette circonstance. Or, le principe de toute loi établissant l’impôt sur le revenu général serait mortel pour la France, ainsi que M. Thiers l’avait si clairement démontré en 1872.

Notre noble pays traverse une des périodes les plus difficiles de son histoire. Il est aux prises avec les rivaux extérieurs les plus puissants, avec les difficultés intérieures les plus complexes ; jamais il n’eut autant besoin d’éviter toute crise, et le système préconisé serait le signal d’un vrai déchirement de la nation.

Ce qu’il nous faut à tous ce ne sont pas des aventures, des bouleversements masqués du nom de réformes, c’est une politique financière sage et prudente, une politique d’économie. Cela vaudra mieux que toutes, les chimères des rêveurs d’impôt progressif sur le revenu, condamnées avec tant d’éclat par tant de siècles d’histoire, et par les démonstrations les plus certaines de la science économique, depuis la fable de Menenius Agrippa sur les Membres et l’Estomac.

En définitive, l’impôt « sur le revenu », c’est la « taille » de l’ancien régime.

Nos pères ont fait la Révolution de 1789 pour la supprimer. Il ne faut pas se moquer des Français en leur présentant comme une « réforme » et une institution « nouvelle » le rétablissement d’un système suranné, usé et définitivement condamné.

Et les plus intéressés à faire repousser l’impôt sur le revenu ce sont précisément les « petits contribuables ». Les « gros », par leur force même, trouveraient toujours le moyen de se soustraire en partie à l’impôt ; les « petits » seraient directement frappés, même quand on prétendrait les exempter, par le contre-coup que les « gros » leur feraient subir, par les diminutions de salaires, par l’augmentation des prix, par toutes les répercussions économiques.

Défendez-vous donc, contribuables, et guerre à l’impôt sur le revenu !

Travailleurs, ouvriers, paysans, vous tous qui gagnez votre pain à la sueur de votre front, c’est contre vous qu’est dirigé l’impôt sur le revenu. C’est vous tous qui devez vous organiser contre la menace de cette réforme, si vous ne voulez pas voir votre salaire diminuer et la vie devenir pour vous plus rude. Vous offrir l’impôt sur le revenu, c’est offrir à vous la misère, à votre pays la ruine.


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