Une question se pose souvent, à laquelle il ne nous
semble point possible de répondre. Comment nos parents pouvaient-ils se
passer des commodités ou des distractions qui nous sont devenues
indispensables ? Comment remplissaient-ils les heures vides, ceux-là
qui ne connaissaient ni les joies de la bicyclette, ni la rapidité de
l'automobile, ni les péripéties du bridge, ni les plaisirs du tango, du
tennis, du fox-trott ou du golf ?
A mesure que la civilisation devient plus raffinée,
l'homme cherche plus d'auxiliaires contre l'ennui qui le menace. Plus
se complique le mécanisme de sa pensée, plus il a peur de penser. Quand
on songe aux journées interminables où le barbare restait en face de
lui-même à ne rien faire ! Ne rien faire, l'homme de nos jours ne s'y
résigne pas. Si agitée, si fiévreuse, si encombrée d'occupations
vaines que soit sa vie, il trouve encore des instants à combler avec
des occupations plus vaines encore. Faites-lui cadeau d'une distraction
nouvelle, il s'arrangera pour lui donner toute la place qu'elle mérite,
sans pour cela négliger une seule de celles qu'il avait adoptées.
Car il ne faut pas rester en face de soi. Voilà
l'essentiel. Il ne faut pas avoir le temps de ne rien faire, le temps
de rêver, ni de réfléchir, ni de regarder le spectacle de la vie, ni
d'en écouter les silences impressionnants, ni d'en subir l'angoisse ou
l'exaltation.
Contre tout cela, appelons à notre secours toutes les
forces du dehors. Jadis on causait, on fumait, on buvait de l'alcool,
on allait au café. Aujourd'hui, mêmes plaisirs, auxquels d'autres s'ajoutent, qui deviennent immédiatement aussi nécessaires.
Une
question se pose souvent, à laquelle il ne nous semble point possible
de répondre. Comment nos parents pouvaient-ils se passer des commodités
ou des distractions qui nous sont devenues indispensables ? Comment
remplissaient-ils les heures vides, ceux-là qui ne connaissaient ni les
joies de la bicyclette, ni la rapidité de l'automobile, ni les
péripéties du bridge, ni les plaisirs du tango, du tennis, du fox-trott
ou du golf ?
A mesure que la civilisation devient plus raffinée,
l'homme cherche plus d'auxiliaires contre l'ennui qui le menace. Plus
se complique le mécanisme de sa pensée, plus il a peur de penser. Quand
on songe aux journées interminables où le barbare restait en face de
lui-même à ne rien faire ! Ne rien faire, l'homme de nos jours ne s'y
résigne pas. Si agitée, si fiévreuse, si encombrée d'occupations vaines
que soit sa vie, il trouve encore des instants à combler avec des
occupations plus vaines encore. Faites-lui cadeau d'une distraction
nouvelle, il s'arrangera pour lui donner toute la place qu'elle mérite,
sans pour cela négliger une seule de celles qu'il avait adoptées.
Car
il ne faut pas rester en face de soi. Voilà l'essentiel. Il ne faut pas
avoir le temps de ne rien faire, le temps de rêver, ni de réfléchir, ni
de regarder le spectacle de la vie, ni d'en écouter les silences
impressionnants, ni d'en subir l'angoisse ou l'exaltation.
Contre
tout cela, appelons à notre secours toutes les forces du dehors. Jadis
on causait, on fumait, on buvait de l'alcool, on allait au café.
Aujourd'hui, mêmes plaisirs, auxquels
d'autres s'ajoutent, qui deviennent immédiatement aussi nécessaires.
Imaginez
la détresse de certains fervents du bridge auxquels le droit de jouer
serait soudain retiré. Certes, vous avez vu, pendant la guerre, de ces
gens qui, jadis, ne concevaient pas une journée sans une course ou une
promenade en auto. Quel désarroi pour eux lorsque s'ouvrit l'ère des
restrictions ! Avec trois heures de bridge et deux heures d'auto, on a
la satisfaction d'un après-midi bien rempli. Rien à regretter. Le
destin est magnifique... Et, le soir, cinéma.
Le cinéma,
ressource suprême ! Dernière invention ! Inestimable présent du Destin
! Avec le cinéma, que le film soit bon ou mauvais, la salle confortable
ou pitoyable, l'orchestre imposant ou réduit à l'unique piano,
n'importe ! Vous êtes sauvé. La soirée est escamotée. La digestion se
fera dans la béatitude, et vous atteindrez à votre insu les bonnes
heures nocturnes où l'on est enfin préservé contre l'inutile pensée,
les heures où l'on dort.
Le jour suivant, ou la semaine
suivante, on recommence. La tentation est trop forte. Comment résister
? C'est là, tout près, au bout de la rue. Pas de toilette à faire : «
On y va comme on est. » La dépense est minime. Quoi qu'il, arrive on ne
regrettera pas son argent.
Et l'on y va. Oh ! sans grand
enthousiasme. La plupart du temps on ignore le programme du spectacle.
Sauf en de très rares occasions, rien de spécial ne nous attire, pas la
moindre curiosité d'art ou d'intelligence, pas même l'espoir de
sensations violentes ou la perspective du fou rire. Rien. En réalité,
on ne quitte pas sa maison pour aller au cinéma, on va au cinéma pour
quitter sa maison.
On y va par lâcheté, et par lâcheté on y
reste. Au théâtre, si la pièce est mauvaise, vous sifflez ou vous vous
retirez. Avez-Vous jamais vu quelqu'un manifester son irritation au
cinéma, ou s'en aller parce que le film dépasse les bornes de l'absurde
et de la bêtise ? On se cramponne jusqu'au bout. On espère jusqu'à la
dernière minute.
Espère-t-on même ? Non. On se résigne. On
accepte. « Dieu que c'est idiot ! » Et l'on sourit avec complaisance.
On reste obstinément.
Et l'on y retourne même ! On y retourne
cent fois encore ! Et cependant, vous qui succombez à la tentation,
vous êtes un artiste, un homme cultivé, tout au moins un brave
bourgeois qui a du goût, ou bien un ouvrier qui choisit son plaisir et
l'apprécie à sa juste valeur.
Alors ne devons-nous pas admettre
qu'il y a, tout de même, sur l'écran, autre chose que ce que l'on y
voit au premier coup d'œil ? et dans le spectacle du cinéma autre chose
que ce que l'on y va chercher ? Quelque chose de plus subtil, de plus
mystérieux ; de plus complexe et de plus simple, de plus vulgaire et de
plus ingénieux ?...
*
* *
C'est
un dimanche. En province. Un jour de fête. Un jour de pluie. On
pourrait dire quatre dimanches superposés ! Une somme d'ennui
intolérable...
Les cloches brutales, joyeusement péremptoires,
entrent dans ma chambre, abîment le silence et défigurent les choses
familières. Par la fenêtre un' paysage de banlieue s'offre, morne et
gris, sous un voile d'eau. Une pluie fine et assidue. Celle qui
attriste, mais n'emprisonne pas.
Que faire ? Comment lire, rêver, travailler dans ce tapage et cet ennui ? Comment lutter contre la rigueur d'un tel sort ?
Au bout de l'avenue, le tramway passe. Il mène au cinéma. Pourquoi pas ?...
Sur
la grande place la foule se presse. A l'entrée du théâtre on refuse du
monde. L'affiche est pourtant bien inquiétante. D'un symbolisme
exaspéré, elle présente un cœur saignant, un calvaire, un casque et une
épée, des sabots d'enfants dans une grande cheminée, au-dessus de
laquelle se dresse, barbu et couronné, un imposant père Noël.
Evidemment, c'est très risqué. Mais il faut bien le tuer, ce dimanche !
Et
j'entre, et je demeure là trois grandes heures. Et je regarde des films
où il n'y a aucune ingéniosité, aucune imagination, aucune lueur
d'esprit, aucune aventure extraordinaire, de ces films qui tombent dans
les ténèbres de l'oubli sans qu'il en reste rien au creux de notre
mémoire.
Qu'est-ce donc alors ? Quelles sont les causes pour
lesquelles je m'en vais de là avec la conscience de n'avoir pas perdu
mon temps, et pour lesquelles j'y reviendrai au prochain dimanche, au
premier jour où pèsera sur moi la tristesse des heures ?
C'est
de la vie d'abord ! La vie, qui nous intéresse toujours par-dessus
tout. La vie, quelle qu'elle soit, médiocre ou magnifique, pauvre ou
exaltée, subtile ou grossière, belle ou laide. La vie sous toutes ses
formes. Des êtres, des bêtes, des insectes. Arbres, plantes, fleuves,
mer, pluie ou soleil. La terre et tous les éléments. Et tous les
mouvements de toutes ces forces, mouvements inconscients ou
volontaires, sublimes ou absurdes, misérables ou infinis ! Ah ! que
m'importait tantôt l'affabulation niaise qui se déroulait devant moi !
Les images multiples se succédaient sans relâche, m'apportant des flots
de vérité et de réalité.
Au service d'un travail médiocre
l'objectif aveugle, avide, avait dérobé des trésors, des horizons
magnifiques, des espaces lumineux, des bois palpitants, des prairies
adorables, des montagnes grandioses, des stalactites de glace. Et
surtout, et sans cesse, il avait volé du soleil ! partout le soleil se
glissait et s'insinuait, jouant sur les formes et sur les choses pour
les exalter et les glorifier. Il y avait aussi des créatures qui
passaient, riant, pleurant, blasphémant ou chantant. Je ne sais
pourquoi, mais c'était la vie ! La vie qui est tout et qui n'est
cependant qu'une cire molle et malléable entre les mains de chacun.
Je
l'ai vue ce jour-là, sur l'écran, cette vie qui nous appartient, que
nous maudissons sans cesse, et que nous devrions remodeler avec amour à
chaque nouvelle aurore. Pauvrement, en noir et blanc, sur un petit
carré de toile, sans le secours des mots, en dépit d'une histoire
sotte, elle m'est apparue dans ses aspects multiples, admirables ou
stupides, toujours immenses et respectables.
Je l’ai vue, non
pas factice et transposée comme au théâtre où la vérité s'échappe par
la brèche d'un quatrième mur illusoire, mais simple, réelle, entre les
quatre murs d'une chambre, d'un salon, d'une mansarde, où, comme un œil
indiscret, l'objectif s'introduit pour surprendre un peu de cette
humanité qui nous passionne.
Je l'ai vue dans sa diversité
infinie. En un moment j'ai parcouru le monde entier, mes yeux ont
voyagé du pôle nord au pôle sud, connaissant tout, pénétrant partout.
Sans chercher, sans vouloir, sans réfléchir, sans tourner des pages,
sans le moindre effort, j'ai remporté le maximum de visions vraies,
d'images naturelles. La, science nous amuse, le, document nous
intéresse, les voyages nous divertissent, et si, trop souvent, le drame
allie l'ingénuité d'un Berquin au romantisme le plus absurde, nous le
supportons cependant, car il ne peut détruire la force du réel et du
vrai dans lequel il se déroule. Nous en sommes quittes pour songer une
fois de plus combien les conflits des hommes sont misérables en regard
de la nature superbe et des bêtes paisibles.
Et c'est d'abord à
cause de cela, de cette glorification de la réalité que l'on pourrait,
il me semble, définir le cinéma : une expression merveilleuse qui prend
place entre l'art et la vie, mais plus près de celle-ci que de celui-là.
*
* *
Ce
n'est pas seulement la vie qui nous apparaît au cinéma dans sa profonde
réalité. C'est la nature elle-même. Nous l'y admirons et la goûtons
autrement, car nous la surprenons sans qu'aucun de nos sens en soit ému.
Si
je me promène dans un champ, dans une forêt, dans un jardin, je
participe aux choses qui m'entourent. J'en suis traversée avant que
d'en être avertie. Leur charme, pour moi plus ou moins- grand, subit
mon humeur plus ou moins heu-reuse. Si je les respire, si je les
touche, elles se transforment. Le souffle qui passe sur la neige, en
glaçant mon visage, modifie ma vision. Le soleil me heurte. La pluie me
gêne. Le printemps m'angoisse. Au cinéma, la grâce personnelle des
choses m'est révélée, car mon plaisir est détaché. Je considère et je
décompose en ses éléments la force déchaînée du terrible vent qui ne me
bouscule pas. L'autre jour j'ai vu-sur l'écran une vague qui tenait
tout le cadre, une vague immense qui s'élevait transparente, géante,
dans la lumière. Je ne saurais décrire son aspect féerique et
formidable, mais je savais la traîtrise de la mer, et je l'ai vue !
J'ai vu en cet instant sa face hypocrite et mauvaise, superbe et si
dangereuse.
Ainsi de mille beautés, que nous, voyons sans cesse,
et que nous voyons mal, parce que nous les sentons en même temps. « Mon
Dieu ! faites que je sorte de toutes choses pour mieux les contempler !
» s'écriait je ne sais plus quel philosophe. N'est-ce pas- juste ?
Quand nous croyons contempler, nous subissons encore, nous échangeons.
Pour vivre totalement, nous sommes trop armés, ou pas assez. Il nous
faudrait des antennes, des tentacules, le flair des chiens, et tant
d'autres armes encore ! Il nous faudrait surtout pouvoir en isoler à
volonté le fonctionnement, afin de posséder la puissance entière de
chacun de nos ressorts. Mais c'est à la fois que je sens, que je
touche, que je respire et que j'écoute. N'est-ce pas trop, ou n'est- ce
pas trop peu ?
Au cinéma, il y a unité de perception. Un seul de nos
sens est en éveil, et c'est le plus exercé et le plus indulgent. L'ouïe
ne reste-t-elle pas très souvent au repos ? Indifférentes aux mille
bruits qui constituent notre silence habituel, nos oreilles vivent dans
une certaine oisiveté et sont moins contaminées par la banalité. Mais
nos yeux ! Il faut bien toujours voir, toujours regarder, toujours
subir des spectacles que nous ne choisissons pas. Les rues, les maisons
laides, les magasins remplis d'objets déplaisants, les couleurs
offensantes, les affiches, les réclames, les images criardes, autant,
injures et de coups pour notre vue. Sans compter les contrastes
déplorables, la chambre d'hôtel et le musée, les coulisses et le
spectacle, le palais et l'hôpital, la campagne et la gare, et tout ce
que l'on aperçoit, que l'on devine, que l'on ne peut pas ne pas voir !
Nos pauvres yeux contents ou pas contents enregistrent toujours. Ils
sont tellement adaptés à ce travail forcené que, la nuit encore,
abandonnés à eux-mêmes, quand notre conscience a fui sous le double
manteau des ténèbres et des paupières, ils fabriquent encore des
visions !
Et c'est pourquoi ils acquièrent une bienveillance qui
leur fait supporter, des visions élémentaires et possèdent une
éducation qui les ramène par lassitude aux images simples, aux formes
réelles que l'art ne transpose ni n'ennoblit.
Cependant, j'avoue que j'ai souvent fermé les yeux au cinéma. Le spectacle était trop niais et l'ombre si propice !
Et
c'est ainsi, en libérant mes regards à l'aventure, qu'il m'a semblé
surprendre les agréments épars et divers qui inconsciemment nous
retiennent là, passifs et résignés... Un bois nous apparaît, si
parfaitement surpris que nous croyons sentir l'odeur de la terre
humide. Une plaine ondule sous le soleil et c'est
tout l’été. Un enfant joue, un chien court, un navire
s'élance. Voici des Japonais dans un paysage inconnu, des Arabes dans
une rue éclatante. Et, tout à coup, c'est une femme qui pleure. Nous ne
savons pas pourquoi, nous n'avons pas suivi le drame, nous l'ignorons,
c'est une inconnue, et pourtant elle nous émeut quelquefois plus qu'une
héroïne de théâtre, qui, pendant trois actes, aura crié, peiné,
gesticulé, pour capter notre cœur.
*
* *
Et
voilà aussi une des grandes beautés du cinéma. Il nous apporte, telles
des pierres précieuses, les plus petites nuances, du plus profond de
l'âme. Quand nous passons dans la rue, et que nous voyons une femme ou
un gamin qui pleurent, avons-nous besoin de savoir leur histoire pour
être émus ? Non, c'est la toute-puissance des larmes qui nous prend le
cœur. La grande, l'irrémédiable pauvreté du théâtre, c'est que les
mouvements secrets y sont perdus. Ils sont trop loin, ils tombent en
route. L'âme véritable est dissimulée sous un texte qui lui est
étranger, comme les traits sont dissimulés sous le fard. Certes, je
t'avoue, le grossissement des visages sur l'écran est peu esthétique,
mais combien il nous apporte de vie intense et profonde! On pourrait
presque dire que c'est de l'anatomie psychologique, tant il décompose
les mouvements de l'émotion, de la douleur ou de la joie. Il nous tes
montre presque par l'intérieur à force d'en grossir l'aspect.
D'ailleurs, toute expression trop marquée est une grimace, la
discrétion est indispensable. L'artiste doit sentir vivement et laisser
voir très peu.
Cette femme qui souffre est complètement
immobile, je vois son menton qui tremble à peine, et sa lèvre qui
frémit. Son visage incliné de côté, ses cheveux rejetés en arrière, me
présentent l'une de ses tempes où les veines se gonflent. La
contraction légère de son cou me fait deviner sa gorge serrée par la
douleur, et cette douleur me gagne souvent plus profondément que celle
de l'actrice qui parcourt la scène, déchire son mouchoir, tord ses
bras, halète, palpite, vocifère, se démène frénétiquement,
désespérément, pour envoyer à vingt-cinq mètres de sa poitrine la
représentation d'une émotion qui ne saurait y habiter.
Est-ce
pour ces raisons que le Cinéma laisse passer l'âme mieux que le théâtre
? Cela vient-il aussi du silence des personnages ? Croyons-nous
davantage aux regards sans voix ? aux sourires sans paroles ? Les âmes
sont-elles plus nues de se montrer seulement vêtues de formes ? Sans
doute, car l'écran est révélateur des races et de leur psychologie.
Grâce à lui, par cet aspect démesuré qu'il donne au frisson d'une
lèvre, à la, contraction d'un muscle ou d'une paupière, nous
saisissons, plus vite et plus exactement que dans leur pays, les
caractères différents d'un Américain, d'un Anglais, d'un Italien ou
d'un Norvégien.
Il est intéressant de constater que, au cinéma,
la beauté ne nous attache pas par elle-même. C'est un coffret précieux,
mais hermétique. En revanche la plus légère indication de bassesse et
de vulgarité nous devient odieuse. Ce que nous appelons le rayonnement
d'un être est inscrit sur l'écran plus et mieux que dans la vie. Une
multitude de gens cinématographiés restent plats dans notre souvenir et
s'effacent bientôt. Quelques-uns ont un relief, une force vitale.
Au-delà de notre rétine, ils ont frappé notre esprit et même notre
sympathie. Nous ne saurions les oublier.
*
* *
II
y a quelques mois, on donnait sans grande réclame, car la bande avait
été jugée trop réaliste, un film intitulé « Châtiment ». C'était un
épisode de la guerre en Orient, très simple, très vraisemblable,
exprimé dans une suite de tableaux de maîtres, avec des coups de
lumière à la Rembrandt... Des scènes admirables se déroulaient à
l'ombre d'un vieux couvent, où des soldats ennemis, ivres de chair et
de sang, faisaient soudain irruption. A leur tête, il y avait un soldat
kurde, doué d'une expression si extraordinaire que je ne pense pas
qu'il puisse émaner d'un être plus d'intensité et plus de pensée
visible. Je regardai le programme. Le rôle était interprété par un artiste américain.
Je
crus alors que, pour faire vivre un type avec autant de vérité, cet
homme avait dû être choisi entre tous comme ressemblant exactement au
personnage fictif. Or, peu de temps après, dans un autre film ayant
pour titre « Le Défenseur », il me sembla le retrouver, jouant un rôle
où il était absolument métamorphosé. Autre caractère, autres gestes,
autres expressions, et même autres traits. Persuadée que, derrière ce
masque inconnu, habitait une force, une volonté, je dirai presque une
âme, qui déjà m'avaient émue, je consultai l'affiche.
En effet,
c'était le même artiste, le soldat kurde au profil d'oiseau de proie, à
la bouche vorace, au regard terrible, qui animait de sa magnifique
allure le drame du vieux couvent, et qui nous présentait maintenant, à
travers les péripéties du « Défenseur », un homme au profil plat un peu
kalmouk, un avocat au regard incisif et glacé, à la lèvre fine et
sceptique.
A quoi l'avais-je reconnu ? A ce quelque chose de
mystérieux, d'insaisissable, que l'objectif semble dérober au plus
profond des humains, et que l'écran révèle et accuse ; ce quelque chose
qui fait l'ascendant d'un orateur, la domination d'un acteur, le
magnétisme d'un psychiatre, le pouvoir d'un homme d'Etat, la séduction,
l'emprise ; ce quelque chose que nous appelons l'âme et qui est en
vérité notre force psychique avec ses vertus secrètes, plus ou moins
fortes, étranges ou subtiles.
Lorsque nous connaîtrons toutes
les ressources d'un mécanisme capable d'extérioriser des nuances aussi
profondes, les plus intéressantes visions pourront être réalisées.
*
* *
En
attendant que ces problèmes soient abordés et résolus, contentons-nous
de ce que nous offrent les modestes ressources du cinéma actuel, et,
sans arrière-pensée, prenons plaisir... aux films américains. La
naïveté, la fraîcheur, la jeunesse de la race leur prêtent des qualités
qui expliquent leur succès autant et plus que la supériorité des moyens
matériels. Les hommes sont de grands gars au sourire honnête, simples
et sans cabotinage. Leur rayonnement sympathique captive la salle. Les
femmes sont enfantines, vives, claires, leur beauté n'est rien moins
que fatale. Tous sont sportifs, ou pourraient l'être, leurs mouvements
sont souples, précis, bien ajustés à l’intention
Un grand acteur
français disait un jour à l'un de ses élèves : « Allez donc au bout de
l'intention ! » Evidemment, mais il faut pour cela une plénitude de
force et de santé, un organisme équilibré. Il faut que la machine
humaine soit en parfait état. Les Américains donnent cette impression
physique agréable de jeunes créatures saines et puissantes. Ils sont
mus par une mécanique neuve dont les ressorts ne « jouent » pas encore,
et ils animent ainsi de leur grâce et de leur jeunesse des films dont
les moindres valent par le naturel des personnages et par la richesse
de vie qu'ils mettent au service de l'objectif. Des cavaliers fous
traversent les pampas, de superbes brutes luttent à coups de poings
dans les mines et font songer aux bronzes héroïques du grand Constantin
Meunier, des batailles se livrent, il y a de la force, des muscles, de
l'allégresse, de l'ardeur, du sang, et, au milieu de tout cela,
ingénue, fragile et candide, une enfant blonde qui ne comprend pas...
Est-ce de l'art ? Qu'importe ! Encore une fois, c'est de la vie, et voilà l'essentiel.
*
**
Et
d'ailleurs, l'art est-il possible au cinéma ? N'y-a-t-il pas antinomie
entre les deux termes, et contradiction entre ce que l'un et l'autre
ils représentent ? L'art est une transposition. Il voile, atténue,
choisit, interprète, met en valeur. Le cinéma ne transpose pas. Il
montre, insiste, accuse, s'acharne avec cruauté. Il ne mentira jamais
assez pour s'élever au rang de l'art. C'est son honneur de n'accepter
que le vrai, et de grossir jusqu'à l'absurde les pauvretés de
l'artifice. Il a une façon implacable d'exposer à nos yeux les ruses
d'un grand acteur, alors qu'il magnifie les larmes d'un enfant,
l'indifférence d'une bête, ou la placidité d'un champ dans le soleil.
Et
voilà sa condamnation aux yeux de beaucoup d'artiste qui pensent, comme
Oscar Wilde, que toute beauté, toute poésie, sont encloses dans le
mensonge, le secret, le mystère... Que ceux-là ne craignent donc rien !
Les forces secrètes (hélas ! et heureusement) ne font que grandir à
mesure que nous en reculons les limites. Qu'on le veuille ou non il y
en aura toujours assez autour et au-dessus de notre vie. La quantité de
vérités que nous pouvons amasser constitue un foyer que nous alimentons
sans cesse de nos erreurs et de nos illusions. Sur la cime des flammes
commenceront toujours l'indéfinissable, l'inconnu.
Si le cinéma,
aujourd'hui, nous semble difficilement conciliable avec l'art, ne
peut-on pas l'orienter vers d'autres conceptions et d'autres
réalisations ? Auprès d'aventures romanesques, qui n'auraient pas de
mal à être mieux traitées, d'autres films ne pourraient-ils s'ajouter,
féeriques, documentaires, biographique et même philosophiques ?
Bien
des choses sont à tenter sur l'écran ! Si le théâtre paraît avoir donné
sa mesure ; si l'on y a tout essayé, jusqu'à mêler les spectateurs aux
acteurs, la scène et la salle ; si la division semble faite une fois
pour toutes entre les pièces joua-bles et les pièces « non jouables » ;
si l'esprit doit trouver toujours une pâture plus infinie et plus
profonde dans la lecture qu'au théâtre, le cinéma, par contre, est si
jeune que l'on peut difficilement prévoir toutes ses possibilités et
toutes les satisfactions que nous avons le droit d'en attendre au point
de vue intellectuel. La pensée n'est-elle pas dans la suggestion, et ne
peut-on pas tout suggérer par l'image ? Ne pensons-nous pas à l'aide de
visions et de mots, et la succession soudaine, multiple et infinie des
aspects, n'est-ce pas le cinéma seul qui peut l'enregistrer?
Alors que lui manque-t-il pour nous procurer des spectacles capables de contenter notre esprit ?
*
* *
Que
lui manque-t-il ? D'abord l'établissement qui n'accepterait que des
films choisis, et le directeur averti qui saurait attendre
l'affirmation de sa bonne renommée pour assurer ses bénéfices. Quant
aux auteurs, ils viendront en foule, lorsqu'ils ne seront plus obligés
de se soumettre aux formules vulgaires.
Jusque-là le programme
est si facile que l'on s'étonne qu'une affaire aussi avantageuse n'ait
pas été déjà réalisée. Mais la tâche malaisée serait le recrutement
d'interprètes qui ne soient ni des artistes, ni surtout des acteurs,
les principes scéniques, pour toutes les raisons que nous avons
étudiées, étant con-traires aux lois de l'expression cinématographiée.
Ici la création d'une école s'imposerait comme en Amérique. Il ne
suffit pas de choisir des êtres doués des qualités physiques et
psychiques nécessaires. Il faut encore leur apprendre à s'extérioriser
en restant simples, à penser fortement et de façon visible, à
développer l'intensité des émotions tout en gardant une extrême mesure
dans le geste et l'expression. Il faut aussi qu'ils aient du charme
plus que de la beauté. Certaines vedettes américaines nous attirent,
quel que soit le film, par une autorité particulière, quelque chose de
concentré et de dominateur. D'autres nous émeuvent par l'humanité
qu'elles dégagent. Leur visage possède une sensibilité merveilleuse qui
reflète tous les états d'âme, tous les mouvements du cœur.
Avec
des miroirs aussi sensibles que le sont ces visages, on arriverait,
j'en suis sûre, à traduire les drames les plus subtils de notre vie
intérieure, car c'est surtout l'insuffisance de l'interprète qui borne
les scénaristes en France. Ils ont dû se maintenir jusqu'ici à une
psychologie de premier plan, à celle qui ne va pas au-delà de l'action
visible. On a pu se permettre certains mouvements secrets, à condition
qu'ils fussent nettement catalogués et « d'un usage très répandu »,
tels que la jalousie, la traîtrise, la ruse, la malice, ou bien le
sacrifice, l'abnégation, la bonté méconnue, la générosité cachée. Ainsi
l'objectif a été voué aux vérités élémentaires, et l'on a cru qu'en
dehors de ces grandes lois primordiales qui mènent l'humanité il
n'existerait plus.
Evidemment, vérités et lois seront toujours
les mêmes, mais elles nous apparaîtront dans leurs aspects multiples,
si l'on en traduit les nuances infinies. La passion d'une Hermione,
d’une logique si souterraine dans son incohérence, sera mille fois plus
difficile à exposer aux yeux que celle d'une Phèdre, qui va tout droit
du malheur au tombeau. Pour traduire Hermione, il faudrait joindre à
des qualités exceptionnelles une valeur psychique et une force
énergétique peu communes. Mais le féminisme n'a pas encore détruit les
Hermione, et si l'on fon-dait une école à Paris, comme en Amérique, les
sujets instinctifs et passionnés ne manqueraient point.
Ont-ils
tous passé par l'école, les centaines d'interprètes qui rendent
supportables les aventures enroulées autour d'une intrigue policière
quelconque et de beaucoup d'autres bandes du même genre ? Ils sont si
nombreux qu'il est permis d'en douter. Serait-ce alors une question de
race, de dispositions naturelles ?...
*
* *
Nous
avons reconnu tout à l'heure que, pour constituer des spectacles
intellectuels dans un établissement choisi, les scénaristes ne
manqueraient pas. Afin de commencer cette entreprise sans risques
inutiles, de tels spectacles pourraient n'être proposés au public que
deux ou trois fois par semaine, les autres jours restant consacrés aux
banalités habituelles. On verrait ainsi jusqu'à quel point ils sont
désirés.
On a souvent parlé d'un cinéma-éducateur. Pourquoi
n'aurait-il pas ici son après-midi ? Je ne parle pas de films pour
enfants, mais simplement d'un programme sérieux, c'est-à-dire
scientifique, philosophique, psychologique, biologique. On pourrait
faire d'intéressantes choses, si l'on mettait en œuvre dans ce sens
toutes les possibilités de l'objectif, si l'on nous montrait, par
exemple, la conception de telle ou telle loi morale, diverse dans
chaque pays. Ne serait-il pas curieux de superposer les renversements
d'un même problème, proposé de même façon et dans la même anecdote ? On
en suivrait à chaque fois la courbe différente, donnant lieu à des
états d'âme imprévus, et aboutissant à une solution nouvelle. Puis, en
réduisant véridiquement au minimum la nécessité de cette loi, on nous
en présenterait la face inéluctable.
Que le cinéma éducateur
nous aide ainsi à la connaissance de l'esprit humain. Qu'il fasse un
parallèle entre l'histoire d'un peuple et celle d'un individu. Qu'il
décompose la vie d'un héros, de façon à rendre compréhensible d'abord
l'homme, la nature, le caractère, le terrain dans lequel vont sourdre
les énergies nécessaires qui feront lever l'inspiration et qui mettront
eu marche sa volonté. Qu'il nous montre par une anecdote psychologique
les véritables ressorts de la chance, selon la si juste définition
d'Alfred Capus : « La chance est la faculté de s'adapter instantanément
aux événements. » Qu'il définisse les dangers de l'imagination, en
représentant la vision erronée à côté de la vision réelle. Qu'il
analyse au cours d'une aventure la façon dont se désagrège peu à peu un
ca-ractère soumis à des influences diverses. Qu'il nous expose encore
l'intention d'une action, puis cette action modifiée par les
circonstances, par le milieu, et finalement sa réaction.
Par
exemple, la cause de l'aboutissement misérable d'une série de gestes
généreux et justes, cause quelquefois infime, que le héros n'aura même
pas soupçonnée. Ou bien le contraire, si souvent constaté : la montée
glorieuse d'une vie dont les calculs secrets ne sont guère avouables...
De
tels films demanderaient, bien entendu, à être conduits avec une
logique implacable. Si l'art, sous ses formes diverses, nous semble
volontiers supérieur dans le désordre, nous voulons au cinéma l'ordre
et la clarté, et nous nous irritons quand « ça ne tient pas debout ».
Or, jusqu'à ce jour, les films dénués de psychologie ne nous ont
représenté que le squelette des événements, nous privant ainsi de
l'enchaînement qui constitue la logique, souvent invisible, mais
toujours présente, dans cette réalité où il n'y a pas d'effet sans
cause. Et nous sommes d'autant plus mécontents que nous sentons mieux
les prodiges que, dans ce sens, pourrait accomplir le cinéma.
La
nécessité de rester dans l'image, mais la possibilité d'en chaîner ces
images sans interruption, en montrant à la fois les causes et les
faits, leurs répercussions justes ou fausses, tragiques, absurdes ou
plaisantes, leurs déformations ou leurs interprétations, et les anneaux
en apparence insignifiants qui relient entre eux les événements
opposés, tout cela nous forcerait à considérer justement ce que nous
appelons assez pompeusement notre Destin, lequel est comparable à un
réseau dont chaque maille nous relie les uns aux autres. Les chanceux,
les habiles sont ceux qui ont la science instinctive du mouvement
juste, qui savent mesurer les rapports, évaluer les effets, ne pas
tirer trop à droite ni trop à gauche : n'est-il pas là, tout
simplement, le secret de la réussite ? Les violents passent au travers
du réseau, déchirent les mailles, et l'on souffle autour d'eux. Les
délicats, les sensibles comprennent et n'osent pas toujours agir quand
et comme il le faudrait. On dit qu'ils-ont peur des contingences : ils
ont peur de tirer sur les mailles d'autrui...
En résumé, on
pourrait profiter du cinéma pour donner aux jeunes esprits la
connaissance de certaines lois irréductibles qui constituent le
mécanisme de la vie. Il ne suffit vraiment pas de s'en tenir à la
punition des méchants, à la récompense des bons, à l'affirmation du
Bien, du Mal, du Bon, du Juste ou de l'Injuste. On fabrique ainsi aux
consciences un petit monde d'appuis illusoires au milieu de quoi elles
circulent jusqu'au jour où elles s'aperçoivent qu'il n'y avait rien là
que des majuscules. Le bien et le mal ne sont pas des entités. Pour le
prouver, qu'on nous montre les lois auxquelles le bonheur et le malheur
paraissent généralement attachés.
Et que l'on ne nous dise pas
qu'après toutes les démonstrations possibles l'essentiel échappera
toujours. Hélas ! oui. Mais pourquoi exigerait-on ici ce qu'aucune
puissance ne pourra jamais nous révéler ? Quel est l'art, le moyen, la
science, qui ne laissera pas de place à l'inconnu ? D'ailleurs, un
professeur pourrait commenter le film, et des causeries intéressantes
ou amusantes expliqueraient et développeraient les idées trop
abstraites pour l'écran. Et puis, après avoir subi docilement tant
d'histoires absurdes, lamentables et incohérentes, quelle serait notre
mansuétude pour les erreurs qui se commet-traient au nom d'un effort
nouveau !
*
* *
Les
pièces de théâtre arrangées pour le cinéma perdent généralement
beaucoup, et ne donnent pas à l'objectif les éléments qu'il réclame,
toujours pour cette raison que le cinéma est plus près de la vie que de
l'art. Une des rares pièces émouvantes dont j'aie vu la traduction en
film est
La Course du Flambeau,
le chef-d’œuvre de Paul Hervieu. Je dois même avouer que la très grande
idée de ce drame, si noble, si tristement humain, m'a semblé sur
l'écran plus douloureuse que sur la scène. Gagne-t-elle en intensité
par la délivrance d'un texte trop livresque ? On est prêt à le croire
quand on songe aux pièces d'Henry Bataille si admirablement mises en
scène sur des bandes italiennes, et qui perdent cependant beaucoup à
être dépouillées d'un dialogue souple qui accomplit le miracle d'être
beau sans jamais arrêter le mouvement. J'ai vu au cinéma peu de choses
aussi navrantes que la fin de la
Course du Flambeau.
La mort très simple de la grand'mère, qui s'éteint dans la neige au
cœur d'un paysage magnifique, au moment même où sa fille envoie un
dernier baiser à sa petite fille, est admirable. Nous avons là, en
pleine vérité, une superbe synthèse de l'idée de Paul Hervieu, alors
qu'au théâtre nous sommes gênés par la toile tremblotante du chalet
suisse, par le carton découpé des sapins, et par le choc impitoyable
des cannes sur le plancher.
Pourquoi ne tenterait-on pas aussi
la féerie, toujours si précaire sur les planches ? Quelques essais de
ce genre n'ont rien donné. On avait choisi des thèmes trop enfantins et
trop connus. Mais si l'on essayait, par exemple, de certains contes de
Tennyson, de certaines légendes de la Chine ou du Japon, on aurait
certainement des résultats curieux.
Le cinéma est, en général,
plus proche du roman, et le serait encore davantage des biographies. Ne
serait-il pas intéressant d'en faire l'expérience ? Quand on songe avec
quel amour nous allons à la recherche des personnalités qui nous
charment, combien nous serions heureux de les voir vivre, travailler,
aimer, souffrir, et puis disparaître !
Le bon vieux Fabre
l'entomologiste, au milieu de ses insectes, dans son paysage et sa
maisonnette, entouré de ses petits-enfants, aidé par eux, constituerait
un filin bien amusant.
Avec quel plaisir les fervents de
Jean-Jacques Rousseau suivraient sa vie sur l'écran ! Quelle joie de le
voir grandir aux Charmettes, sous l'égide souriante de la délicieuse
Mme de Warens !
Ah ! l'amour au cinéma, non pas l'amour imaginé
et toujours un peu factice, mais l'amour de deux êtres qui ont vécu,
l'amour des grands amants dont la douleur et l'exaltation ont
bouleversé l'humanité ! l'amour de Pétrarque et de Laure, de Racine et
de la Champmeslé, l'amour de La Vallière, l'amour de Mlle de
Lespinasse, l'amour de George Sand et de Musset, les amours de Victor
Hugo d'après le beau livre de M. Louis Barthou !...
Au théâtre
les émois les plus touchants sont perdus et les paroles prononcées
gênent souvent. Le mélange des sensibilités les plus délicates y
produit de la dureté et de l'ironie.
Mais, au cinéma, chaque
sensibilité garde son acuité personnelle. Et c'est à l'oreille, pour
nous seuls, en grande confidence, que nos semblables nous chuchotent
leurs peines, et nolis révèlent les secrets douloureux de leurs âmes...
GEORGETTE LEBLANC.