LEPIC,
Vicomte Ludovic Napoléon (1839-1890) : Les
Armes et les outils préhistoriques reconstitués
: texte et gravures.- Paris : C. Reinwald et Cie,
1872.- 58 p.– [24] f. de pl. ; 35 cm. PLANCHE XXII. ![]() La hache A de cette planche est
un des plus jolis modèles que j'ai eu à mont[r]er ;
élégance, finesse dans la forme, précision et
netteté dans le travail, j'ai tout trouvé dans ce
charmant outil, qui provient des terramares de l'Italie, et
représente la vraie époque du bronze.
Très-étroite et très-longue, cette hache a
dû être emmanchée avec beaucoup de soin, traversant
un bois de chêne fort exactement percé de la grosseur du
bronze. J'ai enfoncé mon outil jusqu'aux oreillettes ; j'ai
dû alors pour le faire entrer élargir la fente, mais aussi
juste que possible, et seulement jusqu'à la moitié du
manche. J'ai alors entré, à force, des coins qui sont
venus buter dans les creux ménagés à cet effet,
dans le métal, entre les oreillettes. La solidité
étant de la sorte aussi parfaite que possible, j'ai
légèrement ligaturé avec une corde qui est retenue
par une entaille ménagée à
l'extrémité même de l'outil. Comme apparence,
légèreté et résistance, c'est parfait ;
rien ne manque, pas même l'élégance. Je crois
pouvoir affirmer que c'est de la sorte que l'on doit emmancher tous ces
outils, improprement appelés haches à main,
très-larges au tranchant, et aussi étroits que longs
à leur extrémité. L'encoche laissée dans le
bronze, à la partie inférieure de ces haches, indique la
place de la ligature, laquelle n'aurait aucune raison d'être si
on devait les manier sans les emmancher. Je fais ici allusion aux
instruments en bronze trouvés en Suisse, et sur l'emploi
desquels je crois que l'on se trompe, en les indiquant comme haches
à mains. Je le répète, la présence seule de
l'encoche terminale démontre à mon sens le contraire.
La figure B est une hache italienne venant de l'Étrurie, et que les Étrusques ont employée concurremment avec le fer : c'est donc le dernier modèle du bronze, assez difficile à monter, parce que l'extrémité inférieure était presque aussi coupante que le tranchant et pouvait fendre le bois à chaque coup que l'on porte avec. J'ai remédié à cet inconvénient en creusant une cheville bien carrément et l'enfonçant dans un manche de chêne, solidement ligaturée comme l'indique la figure B. Excellent outil propre à tous les services et très-maniable. La figure C est une hache à oreillons, si parfaite et si bien conservée que j'ai pu la monter sans la consolider par des liens ; elle est fixée à une cheville fendue, entrée à force dans les oreillons et butant solidement dans les creux ; je n'aurais même pas eu besoin de la consolider par de la corde, si la présence de l'anneau ne m'y avait obligé. C'est une arme d'une incroyable solidité, bien en main, maniable et résistante quoique la cheville qui la rattache au manche soit rapportée, et, à ce propos, j'émettrai cet avis, que je crois les armes ainsi faites beaucoup plus solides et pratiques que celles qui sont montées avec des branches fourchues. La pratique que j'ai acquise m'a permis de constater que dans le premier cas l'ouvrier avait un meilleur outil, qu'il pouvait incliner ou relever à sa guise, tandis que l'angle fait par la fourche donnait souvent des résultats défectueux en raison de sa trop grande inclinaison. La figure D est une hache de forme connue, et qui se trouve partout. Ce modèle se rapproche beaucoup de la hache dite normande, mais diffère en ce sens qu'elle est à moitié pleine, à la partie inférieure, ce qui donne au coupant une grande force de résistance, et permet de faire avec elle des travaux que l'autre hache entièrement creuse ne pourrait produire sans risque de se casser. |