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Maupin : Essai sur l'art de faire le vin rouge, le vin blanc et le cidre (1767)
MAUPIN (17..-17..) : Essai sur l'art de faire le vin rouge, le vin blanc et le cidre Avec des vues pour la plantation de la Vigne en Normandie & dans quelques autres de nos Provinces septentrionales.- Paris : Chez Musier, MDCCLXVII. [1767].- 104 p. ; 18,5 cm.
Numérisation du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (05.IV.2012)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
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Orthographe et graphie conservées, à l'exception des s longs qui sont restitués.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 742).

Essai sur l'art de faire le vin... (page de titre)


ESSAI
SUR L’ART
DE FAIRE LE VIN ROUGE,
LE VIN BLANC ET LE CIDRE ;

Avec des vuës pour la plantation de
la Vigne en Normandie & dans
quelques autres de nos Provinces
septentrionales.

PAR M. MAUPIN

A PARIS,
Chez MUSIER, Fils, Libraire,
Quai des Augustins.

M. DCC. LXVII.

~*~

PRÉFACE.

L’ART de préparer les boissons naturelles, & surtout le vin, est encore si incertain, & cependant si important en tous pays à la conservation des hommes, qu'on ne peut mieux faire que de s'occuper du soin d'en éclaircir & fixer les vrais principes. C'est le but que je me propose dans cet Essai.

Pour y parvenir avec ordre, je commencerai par deux observations préliminaires ; l'une sur les défauts du commun de nos vins, & l'autre sur les manières de les faire, les plus usitées ; ensuite de quoi, après avoir remarqué l'insuffisance & le préjudice de ces dernières, je proposerai en partie, d'après mes expériences, deux Méthodes nouvelles, dont la seconde convient non-seulement au vin rouge, mais encore au vin blanc & au cidre. Tous ces objets, avec des vuës sur l'introduction de la Vigne en Normandie & dans quelques autres de nos Provinces septentrionales, seront la matière des quatre Chapitres qui composent cet Ecrit.


ESSAI
SUR L’ART
DE FAIRE LE VIN ROUGE;
LE VIN BLANC, ET LE CIDRE.


CHAPITRE PREMIER.
Défauts du commun de nos Vins.

SI on excepte nos Provinces les plus méridionales, un petit nombre de Vignobles, & quelques années assez rares, tous nos vins, faute d'une suffisante maturité, ont dans leur primeur, & souvent bien au-delà, le défaut d'être verds, & jamais moëlleux : au contraire, épais ou non, ils sont maigres, ont peu de substance propre, & par conséquent ne sont ni corsés, ni vineux. On ne peut pas dire non plus qu'ils ayent du feu ; ils ne donnent point à l'estomac de chaleur sensible ; souvent même, suivant les années & les cantons, ils font cruds, froids, lourds & indigestes. Pour ce qu'on appelle saveur, parfum, bonne odeur, vertu balsamique, en un mot tout ce qui annonce & constitue essentiellement un bon vin, un vin gracieux & vraiment bienfaisant, ce sont des qualités réservées à un petit nombre de vins choisis, mais dont les vins communs sont entièrement privés.

Tels sont en général, indépendamment des défauts particuliers attachés à certains Vignobles & à certains usages, les vins destinés à la consommation de la plus grande partie de la Nation. Parmi nous, ce qu'on entend par bon vin, les vins d’une bonté absolue, sont fort rares, même aux meilleures tables : c'est une vérité reçue de tout le monde.

Il est pourtant vrai que dans les années favorables, c'est-à-dire, dans les années où la maturité est parfaite & bonne, comme en 1753 & 1762, les vins dont il s'ait sont beaucoup moins défectueux ; mais s'ils sont plus substancieux & moins verds que dans les années communes, il s'en faut bien cependant qu'ils ayent les autres qualités qu'on devroit en attendre : ils sont généralement beaucoup trop couverts & chargés, faute d'une suffisante fermentation, d'une huile grossière ; ce qui les rend gros & lourds, sans saveur, & disposés, suivant la manière dont ils ont été faits, à graisser ou à trancher, c'est-à-dire, à noircir par la trop grande abondance des parties colorantes & leur désunion d'avec la liqueur.

A l’égard de nos grands vins & de ceux de nos Vignobles les plus méridionaux, j'en dirai un mot dans le quatrième Chapitre. Ainsi, fans m'y arrêter dans celui-ci, je vais, dans le suivant, donner une idée des manières de faire le vin les plus usitées,


CHAPITRE II.
Des diverses manières de faire le Vin rouge.

A En juger par l'excellence & la grande utilité du vin, par le prix que tous les hommes y attachent, par le goût & souvent la passion qu'ils ont pour cette liqueur, par l’usage habituel & fréquent qu'ils en font ; à en juger, dis-je par toutes ces considérations, la préparation du vin ne doit plus depuis long-temps laisser rien à désirer pour sa perfection ; & les défauts que nous venons de remarquer dans la plus grande partie de nos vins, ne peuvent être regardés que comme les vices d'une nature ingrate & indomptable. Voilà ce qu'il est tout naturel de croire, & cependant ce qui n'est pas. On pourra s'en convaincre par le compte que je vais rendre des diverses façons de faire le vin.

Dans les Vignobles des environs de Paris, à mesure que la vendange arrive de la vigne, où elle a été écrasée peut-être au quart, on la décharge dans la cuve. Dès le premier jour, ou au plus tard dès le second, lorsque la cuve est au quart ou au tiers, on fait un levain ou fond de cuve ou autrement dit, pour tremper la grape & prévenir par ce moyen le goût qu'elle pourroit donner au vin pendant la fermentation, qui précède le foulage, on entre dans la cuve, & on y foule ce qui s'y trouve de raisins. On continue de mettre sur la même vendange pendant trois ou quatre jours, quelquefois pendant six ou sept, & plus ; ensuite de quoi, quand le vin a bien bouilli, & que la cuve est bien échauffée, on foule, bien ou mal, toute la vendange, que l'on porte au pressoir au bout de douze ou vingt-quatre heures de foulage, plus ou moins.

Dans cet intervalle, & même auparavant, on rabat la cuve à plusieurs reprises ; c'est-à-dire, qu'on ouvre & retourne à diverses fois le marc, qui par-là se trouve exposé successivement à l'air dont d'ailleurs on ne prend aucun soin de le garantir, l’usage étant de ne point couvrir les cuves. Cet usage, sans doute, est un abus, & très-grand ; mais, comme on a pu voir, il s'en faut bien qu'il ne soit le seul. On peut en remarquer sur-tout deux principaux.

Le premier consiste en ce que la cuve n'étant point couverte, d'un côte, les parties les plus essentielles du vin, l’air surabondant, le feu & les esprits s'en échappent continuellement ; & de l'autre, l’air ambiant ou externe frappant & pénétrant sans cesse dans la liqueur, la refroidit, & ralentit la fermentation toujours si nécessaire, & quelquefois si difficile, singulièrement dans les années tardives.

2°. Une partie considérable de la vendange ayant presqu'entierement fait son effet lorsqu'on foule, lorsqu'on acheve l'écrasement total des raisins, il en résulte que la fermentation se faisant à deux fois, en est beaucoup moins forte ; ce qui n'arriveroit pas si on fouloit tout en même tems, ou du moins, qu'au lieu d'entrer plusieurs fois dans la cuve avant le parfait foulage on se bornât à ce qu'on écrase de vendange pour le transport de la vigne au cellier : on éviteroit encore par-là les inconvéniens peut-être encore plus grands, qu'entraîne le foulage même dans les circonstances où on le fait : le marc & le moût agités, soulevés & exposés alternativement à l'air dans toutes leurs parties, un ou plusieurs hommes qui se baignent pendant une heure & plus dans un liquide déjà en feu, & souvent au plus haut point de son ébullition, on conçoit que tout cela doit dépouiller la liqueur de ses parties spiritueuses, & par conséquent ne peut qu'être très-contraire à la qualité du vin & à la fermentation : c'est ce que j'ai toujours éprouvés singulierement en 1763.

Dans cette année tardive & remarquable par la verdeur des raisins, ma cuve, quoique couverte d'une manière imparfaite, étoit brûlante & bouilloit avec emportement lorsque je la fis fouler ; mais l'opération n'étoit point encore achevée, que déjà la chaleur & l'ébullition étoient considérablement diminuées : en vain j'appliquai tous mes soins pour les rétablir ; la Nature avoit été troublée dans le fort de son travail ; elles furent toujours en s'affoiblissant ; & mon vin , qui auroit pû être bon, fut verd, sans couleur & sans qualité.

Tels sont les défauts essentiels de la manière dont on fait le vin, non-seulement aux environs de Paris, mais encore, à quelques circonstances près, peut-être dans la Champagne, ou plutôt dans la plus grande partie des Vignobles du Royaume.

Quant à ceux où les usages sont différens dans quelques-uns, comme dans le Pays Laonnois & dans le Berry,  on foule plus ou moins, & chacun à sa manière, les raisins à mesure qu'on les apporte de la vigne, & ensuite on les jette, égrapés ou non, dans la cuve où on les laisse, sçavoir, dans le Pays Laonnois, comme aux environs de Paris, & dans le Berry, huit & quinze jours, & souvent au-delà.

Dans les autres, ou au moins dans une partie de la Franche-Comté, quand la vendange commence à bouillir, on a soin de la fouler avec les pieds jusqu'à ce qu'on s'apperçoive qu'elle se refroidit, après quoi on la bat dessus, jusqu'à ce que le vin soit fait ; le vin, couvert de son marc, reste dans la cuve pendant un mois ou six semaines, au bout duquel tems, quand il est bien clair, on le tire. C'est-à-dire, que dans la Franche-Comté on fait le vin exactement de la même manière dont on s'y prendroit ailleurs pour empêcher qu'il ne se fît. Dans tous les autres Vignobles, le vin est, à peu de chose près, le seul ouvrage de la Nature : en Franche-Comté il est le pur ouvrage de l'Art : mais quel Art !

A l’égard des visages du Pays Laonnois, du Berry & autres Vignobles, ces usages sont défectueux.

1 °. En ce que le foulage, quoique beaucoup plus parfait dans certains cantons que dans d'autres où on y apporte très-peu de soin, est toujours insuffisant : une partie des raisins,& sur- tout les moins mûrs, c'est à-dire, ceux qui sont les plus difficiles à écraser, & qui cependant, pour fermenter, auroient le plus besoin de l'être, échappent dans l'opération du foulage, & restent dans leur entier : d'où il arrive, par les raisons qu'on peut voir dans le Chapitre suivant, que le vin en a moins de qualité, & que dans beaucoup d'années il est très-verd.

2°. L'ébullition du moût se faisant à mesure qu'il est exprimé, & le foulage des raisins à l'arrivée de la vigne durant souvent pendant quatre & cinq jours de suite, & même plus, il s'ensuit qu'une portion du moût qui se trouve dans la cuve au bout de ce tems, ayant déjà perdu une partie de son air & de ses esprits, l'ébullition & la fermentation de la totalité doivent être beaucoup moins fortes : c'est ce que j'ai éprouvé cette année, du moins quant à l'ébullition, d'une manière bien sensible.

Ma vendange ayant été bien égrapée & parfaitement foulée à mesure qu'elle arrivoit au cellier, la cuve qui la contenoit fut couverte le deuxième jour au soir, tout aussi-tôt qu’on eût cessé de jetter dedans. Le marc étoit à neuf pouces du fond de dessus, & ne s'est point élevé depuis, tandis que dans le même cellier, une petite quantité de vendange qui ne faisoit par la douzième partie de celle de la cuve, mais qui avoit été égrapée & foulée & couverte en moins d'une heure, s'étoit élevée au bout de douze heures de près de six pouces. C'est une expérience sur l'exactitude de laquelle on peut compter.

Il en résulte bien clairement que la vendange de la cuve, lorsqu'on l'a couverte, avoit déjà fait, par rapport à l’ébullition, sinon tout son effet, du moins la plus grande partie ; ce qui ne seroit sûrement pas arrivé, si ce que j'ai avancé étoit moins vrai, que l'ébullition du moût se fait à mesure qu'il est exprimé. Cette vérité est prouvée d'une manière, ce semble, encore plus simple & plus directe par une de mes expériences en 1765.

Ayant choisi un quarteau bien conditionné, je le fis emplir, à un seau près, de moût tiré de raisins qui venoient d'être écrasés à l'instant. Je le bondonnai légèrement. Au bout de six heures, ce  moût. qui s'étoit déjà fait jour par quelques jointures des douves, s'élançoit en siflant & menaçoit les fonds. Je voulus lever le bondon ; mais il le fit sauter, & jaillit très-haut ; il s'en perdit un seau.

3°. Outre les abus sur lesquels j'ai particulièrement insisté, il y a, & c'est à la vérité par-tout, il y a, dis-je, dans les procédés de détail de tout ce qui appartient & entre dans la façon du vin, une foule d'inconséquences & de contre-tems dont résultent les inconvéniens les plus préjudiciables à sa perfection : c'est ce qu'il me seroit facile de démontrer ; mais je me borne aux remarques que j'ai déjà faites, & à observer que dans tous les Vignobles du Royaume, les divers usages de faire le vin se rapportent, à quelques circonstances près, à ceux que je viens de discuter, & se ressemblent tous en un point, qui est de ne point couvrir la vendange. C'en est plus qu'il ne faut pour prouver que tous ces usages, loin de pouvoir corriger ou tempérer les défauts de nos vins, doivent au contraire être regardés comme en étant la cause principale & souvent la seule. On peut concevoir par-là combien toutes ces pratiques sont nuisibles, & de quelle conséquence il est à tous égards d'en introduire de meilleures : c'est l'objet que je me propose dans les deux méthodes que je vais présenter dans les deux Chapitres suivans. La derniere de ces méthodes est sûrement la plus parfaite ; mais peut-être trouvera-t-on la première plus pratiquable.


CHAPITRE III.
Première Méthode de façonner le Vin rouge.

PAR les rapports sous lesquels je me suis borné à montrer l’insuffisance & les abus des pratiques que je viens d'examiner, par les raisons que j'ai données de ces abus, il est aisé de prévoir mes principes sur la manière de faire le vin, & de juger que j'en fais dépendre la perfection du haut degré de la fermentation & de la conservation des parties spiritueuses, & en outre de l'air interne surabondant.

Que la fermentation soit nécessaire & essentielle à la façon du vin, ou plutôt que ce soit elle seule qui fasse le vin, c'est ce qui ne peut faire l'objet d'une question. La difficulté est de sçavoir quel est le degré le plus favorable de cette fermentation ; mais pour éclaircir ce point, aussi important qu'il est peu connu, il faut d'abord commencer par s’entendre, & on ne le peut que par la définition exacte & précise de la chose même. Je dis donc que la fermentation dans le cas présent, est l'action par laquelle la Nature travaille à désunir les principes du moût pour les réunir ensuite dans une nouvelle proportion. Or cette désunion & cette réunion dont résulte le nouveau mixte, c'est-à-dire le vin, je le demande, quels inconvéniens la raison & même l'imagination peuvent-elles faire appercevoir dans leur perfection, ou, pour mieux dire, quels avantages l'une & l'autre ne doivent-elles pas en faire attendre ? Si la désunion des principes est nécessaire pour leur nouvelle réunion, n’est-il pas naturel de croire que plus celle-là sera parfaite & plus celle-ci le sera. aussi, & par suite le mixte qui en est le résultat ? N'est-il pas plus que probable que plus les principes du moût seront désunis, & plus la partie huileuse & les autres substances, terrestres ou non, seront dégagées, atténuées & exaltées, & qu'ainsi le vin en sera plus substancieux, puisqu'au moyen de la parfaite atténuation, il restera dans la liqueur beaucoup de parties, qui, sans cela, se seroient précipitées dans la dépuration ; & plus spiritueux, plus chaud, plus fort & moins verd, puisqu’à la saveur du développement, de la raréfaction & des autres effets ci-dessus, il aura plus d'esprits & retiendra plus de soufre & plus de sels, lesquels feront d'autant moins, piquans en cas de verdeur, qu'il y aura plus d’huile pour les envelopper ? Mais quittons le raisonnement, & venons en aux preuves que l’expérience, plus sure que tous les raisonnemens, nous fournit en faveur de la plus forte fermentation ; on cessera de la redouter, & on sera convaincu de tous ses avantages.

En effet, les années où la maturité est la plus parfaite & où le tems des vendanges est le plus chaud & le plus favorable, sont celles où la fermentation est la plus agissante & la plus fougueuse : cependant ces années sont celles qui donnent les meilleurs vins. Preuve donc au moins que la fermentation, pour être violente, n'est point en soi nuisible à la qualité du vin.

Dans les années communes, & encore plus dans celles qui sont tardives & froides, c'est un fait que les cuvées qui ont le plus fermentées se distinguent des autres par la supériorité de leurs vins.

Ainsi non-seulement la grande fermentation n'est point nuisible, mais encore elle est la plus avantageuse. C'est une vérité dont on ne s'éloigne jamais impunément dans la pratique. J'en ai fait l'épreuve trop de fois pour pouvoir en douter.

En 1761, 1763, 1764 & 1765, dans toutes ces années, mon vin, pour n’avoir pas suffisamment fermenté, pour n'avoir pas même fermenté autant que les vins du lieu, leur fut généralement inférieur en couleur, en qualité, & fut encore moins substancieux & plus verd. Au contraire, en 1766, pour avoir favorisé & forcé la fermentation par tous les moyens que j'avois imaginés alors, mon vin, par cette raison, se trouve supérieur à tous ces mêmes vins.

Je puis ajouter encore que dans cette même année 1766, voulant connoître, du moins à peu près, jusqu'à quel point la fermentation la plus étendue peut corriger la verdeur du suc des raisins, je fis successivement trois petites expériences, dont le résultat fut encore, comme on pourra le voir à la fin du dernier Chapitre, en faveur de la fermentation la plus complette.

Toutes ces expériences, par la différence du succès qu'elles ont eu, constatent d'une manière frappante la vérité de ce que je viens d'avancer fur la fermentation, & elles doivent avoir d'autant plus de poids, qu'elles s'accordent entierement & dans tous les points avec l'expérience générale: ainsi les avantages de la plus grande fermentation sont établis, non (& c’est ce que je prie de remarquer) sur de simples conjectures, souvent déduites avec plus d'art que de solidité mais sur des faits positifs, directs & incontestables : or, à de pareils faits il n'y a rien à opposer.

Ce n'est pas toutefois que par la distinction que je viens de faire, j'entende refuser aux probabilités le juste degré de confiance qui leur est due ; je ne les confonds point avec les preuves absolues ; mais d'ailleurs j'en méconnois si peu l’autorité, qu'à défaut d expériences au moins personnelles, je vais en faire usage pour expliquer la cause qui fait graisser nos vins. Les uns la placent dans la trop grande maturité des raisins ; les autres, dans l'excès du fumier ; & tout cela est vrai jusqu'à un certain point. Cependant en 1765, année commune pour la maturité, mes vignes, qui ne sont point fumées, m'ont donné un vin qui a graissé de même que la plus grande partie des vins du lieu. En 1764, mon vin avoit encore pareillement tourné au gras. Il y a donc une cause autre que celles qu'on en donne ; & cette cause, qui, à bien dire, est la seule naturelle, est l'insuffisance de la fermentation, trop foible pour dissoudre l’huile la plus grossiere, l'atténuer & la combiner avec les autres substances : mais pour le présent c'est assez avoir prouvé les propriétés de la parfaite fermentation ; traitons maintenant de la conservation des parties spiritueuses.

Pour peu qu'on se rappelle les défauts que j'ai remarqués dans nos vins, on doit concevoir combien il est important pour leur qualité d'augmenter leur feu & leurs esprits, & par conséquent de les leur conserver ; mais ce qui n'est pas moins nécessaire, c'est de retenir, autant qu'il est possible, dans le moût, tout l'air qu'il contient : on y trouve deux avantages : 1°. La fermentation en est plus forte, puisque l'air interne en est le premier agent. J'ai toujours vu que le moût commence à bouillir & quelquefois avec emportement, qu'il est encore froid, & souvent très-froid. L’air surabondant est si nécessaire à la fermentation, que sans lui il n'y en a point, ou il y en a bien moins. L'expérience que j'ai rapportée à la pag. 15 en est la preuve ; en vain je remis dans le quarteau la même quantité de vin qui s'en étoit échappé ; en vain je le bouchai à ferme, & échauffai l'air extérieur jusques au 80 & même 88 degré au Thermomètre de Fahreinheit, l'ébullition ne reprit point, & le vin ne fut pas plus chaud qu'auparavant, c'est-à-dire qu'il ne le fut point, & au contraire.

2°. Si, d'après M. Hales (a), on doit regarder l'air interne surabondant comme l'esprit vital du vin, il est aisé de juger de quelle importance il est de le conserver, & par conséquent, combien les pratiques ordinaires sont préjudiciables à la qualité du vin.

Que cet air surabondant, par un effet qu'on ne peut guères attribuer qu'à son ressort & au surcroît d'activité qu'il imprime, en se débandant, aux parties les plus essentielles du vin ; que cet air, dis-je, donne au vin sa force, sa saveur & le rende plus vigoureux, c'est ce qui ne peut plus faire la matière d'une question , depuis les observations & les expériences qui en ont été faites & répétées par plusieurs Sçavans, soit sur les eaux minérales spiritueuses, soit fur le vin même : ainsi, sans m'arrêter davantage sur cet objet, je vais, conformément aux principes que je viens d'établir, proposer la première de mes deux méthodes pour faire le vin.

1°. Pour faciliter le transport de la vendange & éviter à frais, on pourra, comme c'est assez l'usage, l'écraser à peu près au quart, soit dans des bachoux ou barillets, soit encore plutôt, lorsque cela se pourra, dans des futailles, qu'il sera toujours avantageux de couvrir : moins on écrasera la vendange, & mieux vaudra.

2°. A mesure que la vendange arrivera au cellier, on l'égrapera très-grossierement dans des cribles faits de gros brins d'osier, dans la forme de ceux dont se servent les Maçons ; ces cribles seront posés & arrêtés sur une futaille ; un homme dans sa journée, j'en ai fait l’expérience , peut égraper de la vendange pour faire 5 à 6 muids de vin de 300 bouteilles chacun. Cette opération, toujours avantageuse , est singulièrement nécessaire dans cette méthode, à cause de l'excès de la fermentation ; autrement , il est indubitable qu'en mettant toute la grape, le vin en seroit très-grossier & très-dur. La vendange égrapée de cette manière, se pressure aussi parfaitement que si toute la grape y étoit. Ce fait est certain, j'en ai encore fait l'expérience cette année, quoique mes raisins fussent bien plus rigoureusement égrapés que je ne le conseille.

3°. Aussi-tôt que la futaille sur laquelle on égrapera sera pleine, on jettera la vendange dans la cave, ainsi que cela se pratique généralement ; cet usage est de beaucoup préférable à celui où l'on est, dans très-peu de cantons à la vérité, de mettre la vendange dans des tonneaux. De cette derniere maniere la fermentation est incomparablement moins forte que dans la premiere où la vendange est en bien plus grande quantité : cela s'accorde tellement avec les notions naturelles & même avec l'expérience générale, que je crois devoir me dispenser de rapporter l'expérience particulière que j'en ai faite en 1764.

4°. Quand la cuve sera pleine à 4 ou 5 pouces près, ou qu'on aura entièrement cessé d'y mettre, on la couvrira légèrement avec le dessus de bois dont je parlerai ci-après, seulement pour empêcher la libre communication de l'air extérieur, & gêner la sortie de l'air interne. On posera ce dessus sur trois bâtons, tringles ou traverses de bois d'un pouce & demi ou deux pouces d'épaisseur, fixés à distance égale sur les rebords de la cuve. Il seroit, sans doute, bien plus avantageux de la fermer entièrement ; mais comme je ne propose de procédés que ceux dont je fuis parfaitement sûr, ou dont j'ai moi-même éprouvé l’effet, & que celui-ci n'est point du nombre, je n’ose le conseiller dans le cas où la cuve seroit pleine, dans la crainte que le marc ou le moût soulevés par la fermentation, ne s'échappassent par les bords de la cuve lorsqu'on la découvrira pour la fouler. Toutefois il est probable qu'on préviendroit cet inconvénient, si, au lieu de 4 ou 5 pouces, on en laissoit 7 ou 9, comme je l'ai indiqué par la Réduction Economique (b).

5°. Dès que la cuve sera assez échauffée pour pouvoir y entrer sans danger, on la fera fouler par un ou plusieurs hommes, suivant la quantité de la vendange ; mais plutôt par plus que moins, afin qu'étant foulée en moins de tems, elle perde moins de son air & de ses esprits. C'est dans cette vue qu'il faut avancer le moment du foulage autant qu'il est possible. Ce foulage se fera de manière qu'il ne reste pas, pour ainsi dire, un seul grain de raisin entier (c). Cette opération, qu'on ne fait le plus souvent qu'ébaucher, faute d'en bien comprendre le but, ainsi que de tant d'autres, est si essentielle & d'une telle importance, qu'on peut dire que de sa perfection dépend celle du vin.

En effet, si les raisins ne sont pas bien écrasés, s'ils ne le sont pas tous, si, comme cela arrive si souvent, une partie des substances & des plus grossières restent encore attachées à la pellicule intérieure du grain, comment, principalement quand la vendange, faute de maturité, est encore dure & presqu'en verjus ; quand, faute d'être développé, le suc de chaque grain est, pour ainsi dire, encore brut & fait en quelque sorte masse à part ; comment, dis-je , dans tous ces cas, les principes de ces sucs pourront-ils être suffisamment désunis & raréfiés ? Comment la liqueur renfermée dans les grains qui ne sont brisés que par le pressoir, pourra-t-elle après la fermentation s'exalter, se perfectionner, s'attacher & se combiner avec le vin dans lequel elle se trouve ? C'est assurément ce qu'il n'est pas possible d'imaginer : aussi, à l'exception des années les plus distinguées par la maturité, est-ce une chose ordinaire dans nos Vignobles, sur-tout lorsqu'il y a peu de fermentation, de voir des vins faits au sortir de la cuve, devenir doux au pressurage & verds ensuite. Nos Vignerons mêmes n'en ignorent pas la cause ; mais comme, ainsi que beaucoup d'autres, ils voyent presque toujours mal le peu qu'ils voyent, ils négligent d'en prévenir l'effet.

A la suite du soulage, si le tems est froid & la vendange verte ou peu mûre, on pourra, pour échauffer la cuve & ranimer la fermentation, jetter dans le marc quatre, cinq ou six fortes chaudronnées de raisins, toute bouillantes, plus ou moins, suivant les circonstances : c'est un usage assez commun dans nos Vignobles, & dont on se trouve toujours bien. Toutefois il seroit peut-être encore plus avantageux de ne verser ces chaudronnées que lorsque la cuve sera couverte & dans le moment même.

6°. Tout aussi-tôt que le foulage sera achevé, on couvrira la cuve avec un dessus ou fond, fait, pour le mieux, de bois de chêne, dont les planches de six lignes d'épaisseur seront assemblées à joints quarrés & clefs dedans, ou pour le plus sûr, à languettes. On l'entrera dans la cuve de l'épaisseur de ces six lignes, & on le posera sur des tasseaux forts & bien solides. On pratiquera au milieu une ouverture ou trappe de huit ou neuf pouces quarrés, que l'on fermera & arrêtera bien : on s'en servira, soit comme je viens de le dire, pour verser les chaudronnées, soit pour voir, si l'on veut, l'état de la cuve : mais pour quelques raisons qu'on en fasse usage, on ne doit lever la trappe qu'avec beaucoup de précaution, c'est-à-dire, en tournant, comme je l'ai fait moi-même, le visage du côté opposé ; sans quoi, lorsque le vin ou le marc ne touchent pas immédiatement au fond de dessus, la vapeur est si violente, qu'il iroit de la vie.

A l'égard du fond, en prenant les précautions convenables, suivant la qualité du bois, pour pouvoir le retirer, quand il en sera temps, on aura soin qu'il ferme bien. On pourra le fixer avec quelques crochets ou autrement ; pour peu qu'il le soit, il le sera suffisamment, d'autant que, soit que la cuve soit pleine autant que je l'ai indique, soit qu'elle le soit moins, il n'y a point à craindre que le vin fasse aucune violence considérable au fond. Dans ces deux cas, ce n'est point le fond, c'est le marc seul qui reçoit les chocs du liquide agité.

Dans le premier cas, ce liquide se fait jour à travers le marc ; mais il est tellement affoibli dans son passage par la molle résistance qu'il éprouve, qu'il ne lui reste plus de force lorsqu'il arrive au dessus du marc, qu'il couvre d'un ou plusieurs pouces, suivant que la pression est plus ou moins forte.

Au moyen de ce que le clair surmonte ainsi le marc, la cuve n'exhale aucun fumet, & pas plus d’esprits que s'il n'y en avoit point. J'ai éprouvé tous cela, sur-tout dans la derniere de mes trois petites expériences, & encore dans une autre que j'ai faite sur des raisins blancs ; & que j'ai rapportée à la pag. 14.

Dans le second cas, il ne s'élève au-dessus du mac que la vapeur du vin ; mais cette vapeur, en quelque quantité qu'elle soit, n'a point assez d'activité par elle-même me pour forcer le fond, qui la retient : c'est ce que j'ai encore éprouvé cette année. Ainsi il n'y a, comme on voit, aucun danger à fermer la cuve, & au contraire il en résulte un bien, puisque, indépendamment du reste, la fermentation en est plus forte, & que cette fermentation, indispensable à tant d'égards, l’est encore, ainsi que l'expérience le prouve, pour que le vin puisse se charger du mucilage nécessaire pour lier ses principes. On se donnera donc bien de garde de la troubler en découvrant la cuve, soit pour arroser & humecter le marc, soit pour la rabattre avec des pilettes, ou autrement : au moyen de ce qu'il est couvert, ces opérations de l’usage ordinaire seroient d'autant plus déplacées ici, qu'elles sont absolument inutiles, le marc étant toujours humide, lors même qu'il n'est point surmonté du clair. Mais ce n'est pas seulement depuis, mais encore avant le foulage, qu’on doit s'abstenir entièrement d'entrer dans la cuve & de toucher à la vendange : égraper grossierement les raisins, les jetter dans la cuve sans les écraser aucunement, les fouler comme je l'ai marqué, verser les chaudronnées dans le cas où elles seroient nécessaires, couvrir parfaitement la cuve ; voilà exactement tout le travail qu'exige la façon du vin jusqu'au moment où on le tire. Tout ce qu'on feroit au-delà ne pourroit qu'être préjudiciable.

7°. Quand le vin sera fait & ferme au point où on le désire, on le tirera pour l'entonner, ou plutôt, quoique par circonstance je ne l'aye pas fait moi-même pour mon vin de cuvée, on le laissera dans la cuve sans la découvrir jusqu'à ce qu'il soit froid ; on peut être assuré qu’il ne tardera pas à se refroidir de lui-même : j'ai pour garants de ce que j'avance les deux dernieres de mes trois petites expériences, & celle sur le raisin blanc : dans cette derniere, le vin qui étoit chaud & bouilloit encore à six heures du soir, s'est trouvé parfaitement froid le lendemain à cinq heures du matin. Quand la Nature a fini son premier travail, elle fait une pause & ne passe point sans interruption de la première à la seconde fermentation.

D’ailleurs pour accélérer le refroidissement du vin, on peut en tirer par la canelle une douzaine de seaux, plus ou moins, suivant la force de la cuvée ; & quand ils seront froids, on les versera dans la cuve par la trappe ; mais d'une manière ou d'une autre, il est toujours très-important, dans ma Méthode sur-tout, de prendre le vin à froid ; on évite par-là qu'il ne se décharge d'une partie de son air surabondant, comme il est arrivé au mien cette année. Au bout de douze heures qu'il avoit été tiré, il bouilloit encore ; néanmoins comme il étoit fait & clair, il n'a presque point jetté. Ce n'étoit point la fermentation qui s'achevoit, ainsi que cela se voit souvent, c'étoit l’air surabondant qui cessant d’être aussi comprimé qu'auparavant, faisoit effort pour s'échapper, & soulevoit avec bruit la liqueur encore un peu agitée par un reste de chaleur.

Quoi qu'il en soit, quand le vin sera froid on le tirera dans des tonneaux, cuves ou foudres, selon l'usage des lieux. Plus les vaisseaux seront grands, & mieux le vin se conservera. Tout aussi-tôt que cette opération sera faite, on portera le marc au pressoir. Le vin de pressurage, à í'exception de celui des trois premières tailles, sera mis à part, à moins qu'on ne veuille faire, comme c'est la pratique la plus générale, qu'une même sorte de vin, un vin parfaitement égal : mais celui des dernieres tailles étant plus grossier, il est à croire qu'il diminuera un peu de la qualité de l'autre.

8°. A mesure, ou du moins dans le jour même que le vin sera entonné, on bouchera, comme je l'ai fait, les tonneaux, qui d'ailleurs seront emplis jusqu'à l’ouverture, avec des feuilles de vigne couvertes de tuileaux. On garantira le vin de l'air extérieur ; mais il est nécessaire qu'il soit tenu fraîchement dans tous les tems, & principalement jusqu'à ce qu'il soit bien dépuré. Au bout de six ou huit jours, & quelquefois moins, on bondonnera les tonneaux à demeure : on aura grande attention de remplir le vin aussi souvent qu'il en sera besoin, c'est-à-dire deux fois par jour tout au moins, jusqu'à ce qu'il soit bondonné, & ensuite tous les huit jours jusqu'à la Saint-Martin : depuis la Saint-Martin jusqu'en Janvier ou Février, tous les quinze jours ; & après ce temps, tous les mois au plus tard. On le tirera de dessus sa lie pour le mieux au mois de Décembre, & pour la seconde fois dans le courant de Mars.

Avec ces dernieres attentions, aussi naturelles qu'elles sont peu communes, on assurera à nos vins un degré de qualité qu'ils auront acquis par la nouvelle Méthode que je viens de proposer pour les faire. Cette Méthode, sans doute, ne les rendra pas si parfaits qu'ils ne laissent rien à désirer ; mais ils en auront moins de défauts, & plus de qualités.

Il est vrai que dans cette Méthode encore plus que dans toute autre, le vin fera surchargé d'une très-grande quantité de particules colorantes, d'où il semble qu'il doit être plus grossier & plus lourd : mais outre que dans le Royaume il y a beaucoup de Vignobles qui, raison ou non, s'accommoderoient fort que leurs vins fussent plus couverts, c'est que d'un côté pour sauver ce défaut à nos vins, il ne seroit rien moins que raisonnable de les condamner aux autres défauts beaucoup plus grands qu'on évite ; & que de l’autre, au moyen de la parfaite atténuation des substances & de la conservation des parties spiritueuses,& notamment de l'air surabondant, les vins, quoique très-chargés en couleur, seront encore plus délicats, plus légers & plus coulants qu'ils ne le sont dans aucune des diverses manières de les faire. Mon vin en est la preuve : ainsi, relativement au défaut même dont il s'agit ici, & qui sûrement n'existera nulle part dans des années tardives, la pratique que je propose est encore préférable à toutes les autres.

Mais comme il n’y a rien de si bon qui souvent ne puisse être .mieux, & que, quelque parfaite que soit la fermentation dans la Méthode que je viens d’indiquer, elle le sera encore plus dans la seconde que j'ai annoncée, je vais, dans le Chapitre suivant, présenter cette derniere, avec mes vues pour l'introduction de la vigne dans les Provinces où elle ne se cultive pas.


CHAPITRE IV.
Autre Méthode pour faire le Vin rouge, & en outre le Vin blanc
& le Cidre ; avec des vues pour la plantation de la Vigne dans
les Provinces où elle ne se cultive pas.

LES principes que j'ai établis dans le Chapitre précédent sur le foulage & la fermentation, étant plus que suffisans avec les expéiences dont je les ai appuyés, pour démontrer l'importance de ces deux objets, sans les reprendre de nouveau, je vais exposer le plan que je crois le plus favorable à leur perfection.

1°. Le transport de la vendange au cellier se fera ainsi que dans le premiere méthode & par la même raison. Dans celle-ci non plus que dans l'autre, je n'entrerai dans aucun détail sur ce qui regarde la façon des vendanges ; mon dessein n’est point de rien apprendre à cet égard ; tout le monde sçait que le choix des raisins, leur plus grande maturité (d), le tems favorable pour les cueillir, que tout  cela contribue beaucoup à la perfection du vin.

2°. A mesure que la vendange arrivera au cellier, on la déchargera dans la cuve sans l'égraper, & on se donnera bien de garde de la fouler ou l’écraser en aucune manière, quand bien même on mettroit dans la même cuve pendant 5 ou 6 jours & plus : on ne doit point craindre que le marc s'échauffe & s'aigrisse faute de moût pour tremper suffisamment. Dans la première de mes trois petites expériences, mes raisins, quoiqu'ils ne fussent point écrasés peut-être au quart, sont demeurés pendant 10 jours dans la bachou sans être foulés, & cependant il ne leur en est arrivé aucun accident. A la vérité, il ne s'est point passé de jour que je ne les aye arrosés ; mais la nouvelle vendange dont on rafraîchira journellement la cuve, (car je suppose, comme cela doit être, qu'on y mettra sans interruption,) doit tenir lieu & au-delà de ces arrosemens ; ainsi on est libre de s'en dispenser ; toutefois on peut se tranquilliser en tirant par la canelle, quand on le jugera à propos, plusieurs seaux de vin qu'on jettera dessus le marc.

Au reste, moins on mettra de tems à composer une cuvée, & mieux vaudra: si elle étoit faite en 2 jours, ou plutôt encore en un, le vin seroit beaucoup plus parfait qu'il ne peut l'être en la faisant, comme il n'arrive que trop souvent, en 4 & 5 jours, & quelquefois en 6. Il est certain qu'une si grande longueur ne peut qu'être préjudiciable. On peut en voir les raisons au Chapitre II. pag. 13. Il résulte de ces raisons que jusqu'au parfait foulage ou au pressurage, il est très-important de n'écraser de raisins que le moins qu’il est possible.

3°. Lorsque la cuvée sera achevée, on tirera le moût, & on portera la vendange au pressoir le plutôt qu'il sera possible ; toutefois une heure avant, & pas plutôt, on fera, non pas entrer dans la cuve, car rarement seroit-elle dans ce moment assez chaude pour cela,  mais fouler & écraser toute la vendange avec des pilettes (e), & on la pressera fortement dans les mains ; on employera à tous ces procédés 3 ou 4 hommes de ceux que l'on aura retenus pour le pressurage. L'objet de ce foulage & de cette pression est de détacher de l'écorce des raisins les particules colorantes pour en former la couleur du vin. A l'aide de cette opération bien exécutée & du pressurage, on peut être assuré, à moins que le blanc ne domine absolument trop, d'avoir un vin, sinon noir, du moins suffisamment coloré & d'un rouge qui, vû la grande fermentation, se soutiendra vraisemblablement mieux que dans l'usage ordinaire. J'ai éprouvé cette année dans toutes mes expériences que la pression seule, quand elle est bien faite, donne au moût, avant même la fermentation, une très-btelle couleur de vin.

Quoi qu'il en soit, immédiatement après cette opération & le tirage, on portera, sans différer, le marc au pressoir pour y être écrasé.

4°. A mesure que le moût exprimé des raisins, sera apporté du pressoir, on le mettra, ainsi que celui qu'on aura tiré, dans une cuve qui, outre ces cerceaux ordinaires de bois, sera revêtue & assurée par trois bons cercles de fer, dont un à chacune des deux extrémités, & le troisième au milieu : en en mettant quatre, on pourroit se passer entièrement de cerceaux de bois. Et, comme pendant cette opération, qui ne peut jamais être faite trop diligemment, le moût ne pourroit que souffrir d'être exposé à l’air, on aura soin, avant de la commencer, de couvrir la cuve, comme dans l'autre Méthode, avec un fond de bois, & on entonnera le vin par l'ouverture pratiquée au milieu de ce fond. Ce fond sera volant ou à demeure.

Dans le premier cas, il sera posé, comme je l'ai dit dans l'autre Chapitre, sur des tasseaux bien solides & arrêtés à la de forts crochets placés sur les rebords de la cuve, dans l'épaisseur des douves. On pourra l’assurer en outre de telle autre manière que l'on jugera à propos, & on le percera au milieu, seulement de la largeur nécessaire pour y introduire l'entonnoir ; c'est-à-dire, d'environ deux pouces de diamètre.

Dans le second cas, on pourra pareillement poser ce fond sur des tasseaux, sur lesquels on le fixera à clouds ; mais alors l’ouverture du milieu sera de deux pieds quarrés, pour pouvoir descendre dans la cuve, quand il en sera nécessaire. Ces ouvertures, quand le vin fera entonné, seront bien bouchées ; la derniere, avec la porte de la trape, qui sera ferrée à deux couplets & fermée à deux ou trois verroux ; & l'autre, avec un bondon qu'on fera entrer de force.

On aura d'ailleurs, pendant le tems que le vin se fera, toute l'attention que la prudence doit suggérer en pareil cas ; mais surtout on se donnera bien de garde, par toutes sortes de raisons, d'ouvrir la cuve tant que l'ébullition & la fermentation dureront.

En prenant ces précautions & toutes les sûretés que je viens d'indiquer, je ne vois pas qu'on puisse avoir rien à redouter des efforts du vin. Si des vaisseaux bien moins solides que ceux que l'on emploie ici, le sont cependant assez pour lui résister comme cela arrive dans la façon de quelques vins, à plus forte raison les cuves le pourront-elles.

Néanmoins si les précautions que je viens d'indiquer ne paroissent pas encore suffisantes pour mettre le vin en sureté, on pourra le verser dans un sac fait d'une toile sorte & serrée, placé exprès dans une cuve dont il aura toute la capacité, à l'exception toutefois d'un pouce qu'on observera de lui laisser de moins sur la largeur ; ensorte que dans tout le pourtour depuis un fond jusqu'à l'autre, il s'en faille de ce pouce qu'il ne touche aux parois de la cuve.

Le but & l'effet de cet intervalle est d'empêcher la liqueur de se porter & d'agir immédiatement contre les douves. Il est vrai que, quelque bien frappée que soit la toile, il y a lieu de croire que le vin se filtrera à travers, sinon dans les premiers accès & pendant la fougue de la fermentation, du moins lorsque cette fermentation sera affoiblie : mais il n'en est pas moins vrai que si (ce qui paroît assez probable,) la toile peut résister sans se laisser entamer, ce sera elle seule qui recevra les efforts du liquide qui, au moyen de cette interposition & même du vin qui remplira l'entre-deux, ne pourra choquer directement & avec force contre le bois. Son action fera sûrement moins forte contre la cuve que dans l’usage ordinaire : aussi, la résistance du sac une fois certaine, pourra-t-on, se dispenser des cercles de fer.

La toile sera lavée plusieurs fois avant d'être employée, & les pièces en seront assemblées le plus solidement qu'il sera possible : il sera bon aussi, pour fixer le sac & le tenir également éloigné des parois de la cuve, de la garnir en dedans de plusieurs tringles de bois d'un pouce d'épaisseur, placées à distance égale l'une de l'autre.

A l'égard de la longueur du sac, de la manière d'en prendre les dimensions, de l'ouvrir pour recevoir le moût & de le fermer après, sur ces objets & tous ceux qui concernent l'usage du sac, je m'en rapporte à l'intelligence des personnes qui les premières en feront l'épreuve.

Au surplus, pour que le moût s'étende assez pour que la substance qu'il contient puisse se développer, on aura soin de laisser entre lui & le dessus de bois ; ou le fond supérieur du sac, un vuide de 8 ou 9 pouces & quelquefois plus, suivant que les cuvées seront plus ou moins fortes, & que les années & les vignobles seront plus ou moins froids.

5°. Dès que le vin sera fait & froid, on l'entonnera dans les vaisseaux destinés à le recevoir. Ce vin sera fait en très-peu de tems. Le mien qui, à quelques égards, a été façonné selon la première méthode, parce que je n'avois point encore imaginé la seconde, a été fait en quatre jours, y compris les deux qu'ont duré mes vendanges : ainsi dans ce second plan où la fermentation est plus prompte, il y a lieu de croire que, suivant les années & les lieux, le vin sera en état d'être tiré & la cuve libre dès le deux ou troisième jour ; ce qui est un avantage, puisque moins de tems les vins occuperont les cuves où ils seront façonnés, & moins il sera nécessaire de multiplier ces dernieres. En général, une cuve de surcroît sera suffisante, assez rarement en faudra-t-il deux, & plus rarement trois ou quatre : à bien compter, on peut même dire que l'augmentation n'ira jamais jusques-là, quelque nombreuses que soient les cuvées. Il est vrai que cette augmentation plus ou moins considérable, est toujours une dépense ; mais outre que plus communément avec le fer & le couvercle une cuve ne coûtera pas plus de 130 à 140 liv. & quelque-fois au-dessous, c'est qu'à raison de la longue durée & de la grande quantité de vin qui se façonnera dans une pareille cuve, cette dépense répartie sur chaque piece de vin, ne seroit peut-être pas un objet de plus de deux ou trois sols par muid, & doit être absolument  comptée pour rien, sur-tout par comparaison à l'augmentation du prix du vin. On ne doit donc y avoir aucun égard ; une considération qui en mérite beaucoup plus, c'est que dans cette seconde méthode, les opérations des vendanges & de la façon du vin sont tellement resserrées & se suivent de si près, qu'il faudroit les faire dans environ un tiers moins de tems qu'on n'y en employé ordinairement : ce qui, dans les gros Vignobles & dans les  années abondantes, surchargeroit & augmenteroit le travail au point que peut-être n'y pourroit-on pas suffire ; mais cette difficulté qui limite nécessairement l’usage de la méthode dont il s'agit ici, ne la rend pas pour cela impratiquable, & n'empêchera pas que beaucoup de personnes, sur-tout des plus aisées & des plus instruites, ne l'adoptent de préférence ; du moins ai-je, ce semble, de bonnes raisons pour le croire.

En effet, si, comme je l'ai démontré, ce qui favorise le plus la fermentation & la conservation des parties spiritueuses & de l'air interne surabondant, est aussi ce qui est le plus favorable à la qualité du vin, il faut avouer que la pratique que je propose ne laissant rien à désirer de ce côté, elle est évidemment préférable à toutes les autres, & même à la première, dont le mérite consiste dans l’excellence de la fermentation, qui est pourtant encore moins parfaite que dans la seconde, où, au moyen du pressurage, toutes les substances qui doivent composer le vin fermentent en même tems ; ce qui ne peut arriver dans l'autre, le foulage laissant nécessairement beaucoup de grains entiers dont le suc n'a point subi de fermentation.

Quoi qu'il en soit, dans ces deux méthodes, il y a lieu de croire que les vins acquerront toute la perfection à laquelle la Nature aidée de l'Art puisse jamais arriver. Tous les principes, ce qui est l'essentiel, seront développés, sinon toujours parfaitement, du moins dans tous les cas, autant qu'ils peuvent l'être ; c'est-à-dire, beaucoup plus qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent. Toutes les substances plus divisées seront portées au plus haut point d'atténuation, l'huile plus raréfiée, mieux combinée avec les acides, plus miscible avec l'eau, enfin plus dégagée & moins surchargée des parties terrestres auxquelles elle étoit unie, d'un côté sera bien moins sujette a surnager & à se séparer de son menstrue ou liquide, comme cela arrive dans tous les vins gras ; & de l'autre , étant plus dissoute, moins visqueuse, en un mot, plus pure, elle ne se précipitera plus, comme cela se voit souvent dès la première dépuration, avec les autres substances grossières pour former le tartre & la lie,

Que l'huile soit développée & d'autant plus parfaitement atténuée, que la fermentation a été plus grande ; c'est ce que je regarde comme un point avoué, trop bien appuyé d'ailleurs par l'expérience pour pouvoir être contesté.

Que faute de suffisante fermentation, & principalement dans les années tardives & peu favorables, il passe une partie considérable du principe huileux, & même des sels essentiels, dans la lie & le tartre ; c'est encore une vérité trop bien établie par l'expérience pour qu'on puisse en douter. Il en est de la fermentation à cet égard comme de la maturité, moins l'une & l'autre sont parfaites, & plus les vins perdent de leur huile dans la dépuration : de-là vient, comme M. Hales l'a remarqué à l'occasion de la maturité & de l’union des principes (f), que les vins du Rhin qui viennent dans un climat septentrional où la fermentation, ainsi que la maturité, n'est pas à beaucoup près suffisante, contiennent dans leur tartre plus d'air & de soufre que les vins des contrées chaudes & méridionales, auxquels ces principes sont plus fortement attachés.

Mais la substance huileuse n'est pas la seule dont l’insuffisance de a fermentation dépouille en partie le vin ; il en est de même de toutes les autres. Cela peut se remarquer sur-tout dans les années froides & contraires à la maturité. Dans ces années où la fermentation est toujours très-médiocre, & où cependant il seroit fort important qu'elle ne le fût pas, les vins donnent beaucoup plus de lie que dans les autres années. Cette lie communément est blanche, ou peu colorée ; elle est composée presque entièrement de filets blancs qui ne sont autre chose que les fibres du raisin, c'est-à-dire, les vaisseaux contenus dans le fruit même, & qui servent à la filtration & sécrétion des sucs dont il est formé : ce sont ces filets que les vins blancs ou autres renfermés dans des tonneaux, jettent dehors lorsqu'ils fermentent. Ces filets s'épaississent autour de l'embouchure de ces tonneaux, & forment un corps pâteux & doux au toucher : d'où on peut conclure que s'ils étoient assez atténués pour pouvoir adhérer & se combiner avec les substances, les vins en seroient plus moëlleux & plus veloutés.

En effet, les années comme 1762 & autres semblables, où les vins font le moins de lie, & par conséquent conservent davantage de ces filets, sont celles où les vins possedent le plus de ces deux qualités. Il arrive la même chose, je le sçais pour en avoir fait toujours la remarque, dans les années communes, à l'égard des vins qui ont beaucoup fermenté. Ces vins, par la même raison, sont beaucoup plus gracieux qu'ils ne l’auroient été sans cela.

Au contraire, dans ces mêmes années, & à plus forte raison dans celles qui, comme en 1763, sont les plus défavorables à la maturité, les vins qui pèchent par défaut de fermentation, rendent une grande quantité de lie, & sont sans corps, maigres & verds. C'est ce que j'ai éprouvé du plus au moins en 1761, 1763, 1764 & 1765 ; au lieu qu'en 1766, où la fermentation, sans avoir encore été parfaite, l'a été cependant bien plus que dans aucune de ces années, mon vin a toutes les qualités contraires, & les auroit sûrement à un bien plus haut degré, s'il eût été fait exactement suivant la première ou la seconde de mes deux méthodes (g).

Ainsi, en résumant tout ce que je viens de dire & de prouver sur les grands effets de la plus forte fermentation, il en résulte que dans l'une ou l'autre méthode, quoiqu'avec quelque différence, tous nos vins seront, sinon parfaits, du moins, moins imparfaits, & de beaucoup supérieurs à ce qu'ils sont : ils seront en général plus fins, plus légers, plus délicats & plus coulans, puisque toutes les parties qui les composeront seront plus atténuées,& qu'ils auront une plus grande quantité d'air : ils seront plus chauds, puisqu'ils auront plus de phlogistique : ils seront, par les raisons que je viens de présenter, plus substancieux, plus corsés, plus moelleux, plus balsamiques & moins verds : ils seront aussi, par les mêmes raisons, plus spiritueux, plus odorants, & cependant moins fumeux & moins capiteux, parce que leurs esprits, quoiqu'en plus grande quantité, seront tempérés par la partie micilagineuse bien plus abondante que dans les vins ordinaires. Ils seront plus piquants & plus forts à raison de l'air surabondant & de sels ; plus fermes se conserveront plus long-tems, & seront moins sujets à se corrompre, puisqu’ils auront plus de substances, & que leurs principes seront plus étroitement unis. Tout le monde sçait par-tout que les vins qui ont le plus fermenté, sont aussi ceux qui se gardent le mieux. C'est un fait qui seroit attesté par au tant de personnes qu'il y en a qui ont fait ou vu faire du vin. Ils donneront plus d'eau-de-vie, puisqu'ils auront plus d'esprits, d'huile & de sels essentiels. En un mot, & pour tout dire, ils seront agréables & bienfaisans : qualités précieuses qui manquent presque toujours à la plus grande partie de nos vins.

En vain m'opposeroit-on que les variétés qui se trouvent à l'infini entre les différens Vignobles exigent des pratiques différentes dans la manière de faire leurs vins : car d'un côté, les principes que j'ai établis sur la fermentation sont généraux, & conviennent à tous les Vignobles ; & de l'autre cette objection seroit contredite & démentie par le fait même, puisque, ainsi que je l'ai démontré dans le deuxième Chapitre, il est certain que tous les Vignobles, dans quelques pays qu'ils soient situés, façonnent, à quelques circonstances près, leurs vins de la même manière.

Aussi inutilement m'objecteroit-on que dans ma derniere méthode, les vins ne seroient point assez colorés ; car 1°. comme je l'ai déjà observé, au moyen du pressurage & de la forte pression dont il sera précédé, on petit donner au vin, non pas une forte teinture, mais une belle couleur. 2°. Cette couleur foncée, si indiscrettement recherchée par tant de gens, ne donne aucune qualité à la liqueur. Le vin; pour en être chargé, n'en est pas moins verd, & en est souvent plus dur. A la vérité, ce rouge peut plaire à la vue ; mais il est insipide au goût, & par sa grossiereté rend le vin de difficile digestion. Ainsi, lorsqu'il domine, on peut dire que le vin n'est ni flatteur ni salutaire. 3°. Pour donner cette couleur, au moins indifférente pour la qualité quand elle n'est pas contraire, faudra-t-il abandonner nos vins à tous leurs défauts qui les dépriment, & les priver par-là de toutes les qualités qu'ils peuvent acquérir par la pratique qui leur seroit d'ailleurs la plus favorable ? Non sans doute.

Concluons donc que ces deux objections ne peuvent porter atteinte ni restriction aux deux méthodes que je présente. Ces deux méthodes conviennent non seulement aux vins à l’égard desquels je les ai proposées, mais encore, dans certains cas, & sur-tout lorsque les années sont humides ou peu favorables à la maturité, elles sont appliquables à tous les vins, soit ceux des crûs les plus renommés, soit ceux des Provinces les plus méridionales. A la faveur de ces méthodes, les vins de France, qui à raison du climat, sont déja, malgré leurs défauts, les plus sociables de l’Europe & les plus faits pour l'usage habituel, posséderont ces qualités dans un degré encore plus éminent, & se ressembleront tous sans exception, quoiqu’à différens degrés, dans le point le plus essentiel ; c'est-à-dire, la salubrité, Ils seront par-là incomparablement plus utiles à la Nation, & à l'Etranger, qui sûrement les recherchera d'autant plus, qu'il les trouvera plus agréables & plus bienfaisants. Ainsi, perfectionner nos vins, c'est, d'une part, travailler à la conservation des Citoyens ; & de l'autre, accroître leurs richesses, & celles de l'Etat, dont le commerce extérieur des vins sera toujours la principale source, la plus importante & la plus inépuisable.

Au reste les vins rouges ne sont pas les seuls qui puissent être perfectionnés. On conçoit qu'en se conformant à ma méthode, les vins blancs, gris, paillets, tous les vins en général étant renfermés dans des cuves où ils ne perdront rien de leurs substances, de leurs parties volatiles, de leur air surabondant, où la fermentation sera parfaite, on conçoit, dis-je, qu'en pareil cas, tous les vins doivent être moins maigres, plus nourris, plus forts, plus chauds, plus spiritueux, & cependant moins capiteux , plus légers & plus coulans.

Mais si ma seconde méthode est si favorable à la perfection de tous les vins, elle ne l’est pas moins à la perfection du cidre: le suc de la pomme est composé des mêmes principes que celui des raisins. Toute la différence est dans la proportion de ces principes, & dans la manière dont ils sont combinés; mais cette différence n'empêche pas que dans l'un comme dans l'autre, les mêmes procédés ne soient suivis des mêmes effets. Ainsi ce qui dans l'un divise, atténue, exalte & perfectionne les substances, les retient, & conserve les esprits & l'air surabondant ; ce qui rend l'un plus fin, plus coulant, moins froid, plus corsé, plus fort, plus piquant, & cependant plus doux, plus moelleux, plus suave ; enfin ce qu'une opération, ce qu'une pratique produit sur l'un, elle doit également le produire sur l'autre. Cela posé, la difficulté se réduit à sçavoir s'il est avantageux, ou non pour le cidre, qu'il soit composé de parties moins grossières & plus déliées ; qu'au moyen de la parfaite atténuation, il perde moins ou conserve plus de sa substance, de ses parties essentielles ; en un mot, qu'il possède toutes les qualités dont je viens de faire l’énumération.

Or, c'est ce qui ne peut faire une question ; par conséquent ma seconde méthode lui procurant tous ces avantages, on ne peut mieux faire en Normandie & ailleurs, que de l'adopter, & de renfermer dans des cuves bien enfoncées des deux bouts, le suc de la pomme aussitôt qu'il aura été exprimé ; en observant toutefois de laisser entre la liqueur & le fond, trois pouces de distance de plus que je n'ai indiqué pour le vin, l'ébullition devant, par plusieurs raisons qu'il est inutile de rapporter ici, être plus forte que n'est celle de la plus grande partie de nos vins.

Au surplus, je propose les cuves comme plus sûres, plus économiques, & plus favorables à la fermentation par la grande quantité de sucs qu'elles peuvent contenir : néanmoins on pourra, si l’on veut, se contenter des tonnes dans lesquelles on a coutume de renfermer le cidre ; mais on aura l’attention de les garnir, ainsi que les cuves, de plusieurs bons cercles de fer, de bien barrer les fonds & de laisser un vuide proportionné à la capacité du vaisseau qu'on aura, soin d'ailleurs de bien boucher.

Moyennant ces précautions, on n'aura probablement rien à craindre (h), & on peut être assuré, à la faveur de ma Méthode, d'obtenir un cidre plus parfait qu'il ne l'a été jusqu'à présent : ce qui seroit d'autant plus à souhaiter, que cette liqueur, déja peu assortie à la température du climat & au besoin des Provinces où elle est la seule boisson habituelle, est en outre très-défectueuse par la manière dont elle est faite. Le bon cidre est aussi rare en Normandie, que le bon vin dans le plus grand nombre des Vignobles. C'est que par-tout, au détriment de l'Humanité, on s'attache à la quantité, & que nulle part on ne préfère la qualité. Que dis-je ? on la sacrifie, on la néglige entièrement. De-là vient que le vin, par exemple, si propre, s'il étoit mieux développé, à corriger les vices & la malignité des alimens défectueux ou mal sains, dont il paroît destiné par la Nature à être le contre-poison habituel & familier, devient souvent le premier principe de notre destruction, lui qui nous a été donné pour notre soutien & notre conservation. A la vérité le mal qu'il fait, ainsi que beaucoup de ceux qui affligent l’Humanité, n’est pas d'abord sensible ; cependant pour être lent & caché, il n'en est pas moins réel, ni moins meurtrier ; mais fût-il vrai qu'il ne nous fît aucun par lui-même, c'en est toujours un bien grand qu'il nous soit inutile, & qu'il nous refuse les secours qu'il nous doit. Prévenons donc au moins ce mal ; & désormais plus clair-voyans ou moins inconséquens, attachons-nous à perfectionner, autant qu'il est en notre pouvoir, le vin & tous les alimens qui servent à notre nourriture, sur-tout la plus commune & la plus ordinaire. C'est dans ce dessein que j'ai présenté mes vues sur le vin & le cidre, & c'est dans le même esprit qu'en les étendant encore plus loin ; je vais, toujours à la faveur de ma derniere Méthode, proposer non d'arracher entièrement le pommier pour planter la vigne sur ses débris, mais d'essayer de cette derniere dans les contrées où jusqu'à présent le premier a seul été admis.

Il est vrai que par les moyens que je viens d'en donner, le cidre étant désormais moins visqueux, plus coulant, plus chaud, ou du moins moins froid, puisque d'un côté son huile sera plus développée, & de l'autre qu'il en contiendra davantage, il semble que dans les lieux où cette boisson est la seule naturelle, il seroit plus sûr de s'y tenir que d'y introduire la vigne, qu'on peut regarder comme une plante exotique ou étrangère pour ces mêmes lieux : cependant comme il est de la prudence de ne point négliger ce qui peut être le plus utile, & que le vin est la liqueur la plus analogue & qui convient le mieux au tempérament des habitans où la Nature le refuse, il n'est rien qu'ils ne doivent risquer pour se la procurer. Je n'ignore pas les difficultés de l'entreprise, & que dans quelques Pays, comme en Normandie, elle a été tentée plusieurs fois, & toujours fans succès ; mais au lieu de chercher inutilement à forcer la Nature, il falloit s'appliquer à la développer & à en tirer au moins tout le peu qu'elle pouvoit donner. Voilà ce qu'on devoit faire, ce qu'on n'a pas fait, & ce qu'on doit essayer, ainsi que je l'ai fait moi-même dans trois petites expériences dont résulte, sinon un succès certain, du moins une indication favorable. Je vais en donner le précis.

Le 2 Septembre 1766, je fis cueillir cinq paniers de raisins de vigne noire : les plus mûrs, rouges & noirs en partie, étoient encore si verds, qu'on ne peut pas dire qu'ils fussent mangeables ; le reste, & c'étoit de beaucoup le plus grand nombre, étoit absolument en verjus : dans les grapes les plus mûres, il y en avoit un quart ou un cinquiéme : je les avois fait choisir exprès de cette qualité. Ces raisins furent mis le même jour dans une bachou, qui est une espèce de barillet, où ils furent écrasés environ au quart. Le moût en étoit sûr & nullement doux. Je les couvris avec un petit fond de bois, qui, faute de suffisante largeur, ne joignoit qu'imparfaitement avec la bachou. Ils restèrent en cet état jusqu'au 11. du même mois, que je les foulai bien, mais assez inutilement ; car quoique l'ébullition, par proportion à la petite quantité, ait été assez considérable, mon vin ne s'en est pas plus échauffé qu'auparavant, c'est-à-dire aucunement ; en sorte que le 12 au soir je le tirai passablement rouge, mais verd au possible; c'étoit du verjus, & cela n'est pas étonnant, puisqu'il n'a pû se développer, ayant toujours été très-froid. Malgré cela, tout le temps qu'il a cuvé, il n'a pas laissé que d'exhaler beaucoup d'esprits. Je supprime le détail de quelques petites opérations que j'ai faites, parce qu'il n'en résulte rien d'intéressant par rapport à l'objet présent : ainsi je vais passer tout de suite à ma seconde expérience.

Le 13 Septembre, je pris pareillement cinq paniers de raisins de vigne noire, ainsi que dans la première expérience ; mais ces raisins, quoiqu'aussi & peut-être encore plus verds à l'œil, l'étoient pourtant moins intérieurement, à raison de ce qu'il y avoit peu de grapes où il n'y eût quelques grains de noir, & que le noir dans cette expérience étoit doux, au lieu que dans l'autre il ne l'étoit point : aussi ces raisins, qu'à la différence de la première expérience, j'ai foulés en même tems & en les mettant dans la bachou, m'ont-ils rendu un moût qui, à la vérité, n'étoit pas sucré ni visqueux, mais qui étoit doux. Ils ont été couverts avec le dessus de bois dont j'ai déja parlé : au bout de huit heures, le vin qui bouilloit beaucoup, s'étoit élevé de six pouces environ : il touchoit au couvercle, & le clair étoit au-dessus du marc ; mais après trente-cinq heures de cuve, il étoit encore froid, quoique je l'eusse réchauffé à deux reprises. Au bout de quarante, il étoit un peu tiède & verd. A la 42e, il étoit plus chaud : à la 37e, l'ébullition, malgré tous mes secours, étoit diminuée ; mais la chaleur plus grande. A la  57e ; la chaleur encore plus forte, & le vin très-trouble. A la 65e. le vin étoit froid, moins verd qu'auparavant, & cependant l'étoit encore beaucoup : mais c'est du vin, & un vin qui n'a point de déboire ; c'est un vin qui, quoiqu'assurément très-imparfait, est pourtant encore moins verd, est au moins égal pour la qualité & bien supérieur pour la couleur à celui de plusieurs de nos Vignobles dans les années peu favorables.

Du reste ce vin a jetté peu de fumet pendant la fermentation, médiocre à la vérité, & n'en a point jetté du tout tant que le clair a été au-dessus du marc. Voici la 3e. Expérience.

Le 17 Septembre je fis cueillir dans une de mes vignes la même quantité de raisins que ci-devant & de la même espèce ; & comme je n'y voulois point de choix, j'eus soin que l'on dépouillât indistinctement tous les ceps de suite, sans interruption, sans y rien laisser & sans faire aucun rebut ; en sorte que ma vendange fut composée de raisins mûrs, de raisins qui l’'étoient à moitié, & enfin de verjus & de verdillons. Ces derniers formoient de beaucoup la partie la plus considérable, & assurément on ne doit point avoir de peine à le croire, puisque nous n'avons ouvert nos vendanges que le 3 d'Octobre, & que le canton où j'ai pris ces raisins est toujours un de ceux que l'on réserve pour la fin.

Ces raisins après avoir été entierement écrasés, ainsi que dans la seconde expérience, ont été couverts de la même manière, si ce n'est que, pour prévenir toute communication avec l'air externe, & pour contenir encore mieux la vendange & empêcher que le clair ne surmonte le dessus de bois ainsi qu'il avoit fait dans cette derniere, j'ai garni ce dessus d’une toile dont j'ai rabattu les bords en dehors de la bachou, sur laquelle je l'ai fortement attachée. Je dois observer qu'avant de couvrir ma vendange, j'ai versé dans ma bachou la valeur d'un demi-panier de raisins tout bouillant : j'ajouterai aussi qu'immédiatement après le foulage, le moût étoit un peu plus doux que dans la derniere expérience, & déja très-rouge, ainsi que dans les précédentes, où il l'étoit pourtant moins.

Au bout de 8 heures le clair qui, par l'ébullition & la résistance du fond de dessus, surmontoit le marc, touchoit à ce fond, du moins autant que j'ai pu en juger ; car dans cette expérience, à la différence des autres, je n'ai découvert la vendange que lorsque le vin a été fait. La bachou étoit déja un peu moins froide. Au bout de 18 heures l'agitation paroissoit plus vive que dans l'autre expérience, mais le bruit étoit plus sourd & plus étouffé, le couvercle & la bachou tièdes. A la 23e. heure, le couvercle & la bachou bien chauds. A la 37e. c'étoit à peu près la même chaleur. A la 42e. le vin très-chaud & d'un bon goût, marquant du feu, mais encore un peu doux la chaleur encore plus forte qu'elle ne l’avoit été. A la 48e. le vin & la chaleur toujours de même, la fermentation & l'agitation se sont toujours soutenues avec la même force. A la 51e. le vin encore un peu trouble, & cependant plus rouge qu'auparavant, mais un peu dur à cause de la grape, qui, sans doute, lui auroit communiqué plus d'âcreté, si la fermentation, nécessairement proportionnée à la quantité, avoit été plus forte. Il n'a point du tout exhalé d'esprits. A la 54e heure le clair sous le marc, l'un & l'autre froids ; le vin d'un rouge qu'on peut appeller foncé. Il  est en tout supérieur à celui de la seconde expérience.

On ne peut point encore le regarder comme un grand vin ; mais à tous égards il est préférable aux vins que nous avons recueillis en 1763 ; sur-tout il est bien moins verd, & cependant c'est un fait que les raisins dont il a été composé l'étoient beaucoup plus que la vendange de cette même année : que seroit-il donc s'il eût été façonné selon ma derniere méthode ; si la quantité, comme cela se voit souvent, avoit été de 100 & 200 fois plus forte, & que la fermentation n’eût été aussi complette qu'elle peut l'être avec cette quantité ? Je ne dirai point qu'il seroit potable, puisqu'assurément il l'est déjà plus que ne le sont les vins de la plus grande partie des Vignobles dans les moindres années, & autant que le sont ceux de certains cantons dans les années communes. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il est certain qu'il seroit encore bien supérieur à ce qu'il est, & qu'il prouve que la fermentation, en développant les principes du vin, supplée y jusqu'à un certain point, à sa maturité, & qu'avec des raisins presque tous verds, on peut faire des vins qui ne le soient pas. Pourvu que les raisins soient, je ne dis pas noirs, mais seulement un peu rouges, je regarde comme chose sûre qu'en tous pays on peut, à la faveur de ma derniere méthode, parvenir à faire un vin potable & dont l'usage n'aura rien de mal-sain. Ce seroit beaucoup sans doute pour les lieux privés de cette précieuse production : on ne pourroit donc mieux faire, en Normandie, par exemple, que de tout tenter pour se la procurer.

Il est vrai qu'en supposant le succès de ces tentatives, & la plantation de la vigne aussi étendue qu'elle peut l’être, la Province, loin d'avoir assez de vins pour en commercer au-dehors & en convertir en eaux-de-vie, auroit peine à les multiplier assez pour sa propre consommation en nature ; mais ce seroit toujours (ce semble) un grand avantage pour elle que de pouvoir en faire sa boisson, au moins dans le tems où l'usage peut en être le plus nécessaire. Cette boisson, sans doute, ne fera pas délicieuse, & nos vins choisis n'en seront pas moins recherchés par les personnes riches & en état de les payer ; mais la Province sera à cet égard dans le cas où se trouve à présent le plus grand nombre de nos Vignobles, & par conséquent elle n'aura rien à leur envier de ce côté.

Au reste, quelqu'heureux effets qu'on soit en droit de se promettre de la parfaite fermentation, & de ma seconde méthode, on ne doit pas négliger de prendre d'ailleurs sur la plantation & la culture de la vigne, les précautions & les moyens qui peuvent, en suppléant ce qui manque au climat, aider & concourir à la perfection du vin.

Quant à la plantation de la vigne, voici les principales attentions qu'on doit y apporter.

1°. On évitera de planter dans les fonds humides, soit par leur nature, soit par leur situation : en conséquence, on préférera ceux qui sont secs, ceux qui sont en côte & en bonne exposition

2°. On ne plantera que du cépage ou plant de vigne noire de la meilleure qualité, & de l’espece qui mûrit le mieux dans les Vignobles les plus voisins du lieu où se fera la plantation. La vigne blanche & les gros cépages seront entièrement rejettés, comme ne pouvant donner qu'un raisin vappide & fans qualité ; & par conséquent, un très-mauvais vin.

3°. Comme les vignes seront fumées, on placera les sarmens à la distance de deux pieds les uns des autres en tous sens ; & on se donnera bien de garde de les proyigner par la suite, c'est-à-dire de les coucher en terre, soit pour les multiplier ou autrement. Cet usage, qui, lors même qu'il est absolument indispensable ; est toujours pernicieux, l'est particulièrement ici, en ce qu'il dénature essentiellement la vigne ; le premier sujet, la mère-souche étant, à raison du lieu de son origine, d'une meilleure qualité que les rejettons, & les rejettons ne tirant qu'une très-petite portion de leurs sucs de la mère-souche, c'est nécessité que le fruit & le vin qu'ils donnent soient inférieurs à ceux que donnoit cette derniere avant l'opération. Il en est ici de la vigne comme des animaux qui sont transportés d'un climat qui leur est propre & naturel, dans un climat qui leur est étranger. Il est d'expérience que l'espece s'en abâtardit par la génération. On ne doit donc jamais provigner qu'avec beaucoup de réserve & à son corps défendant : d'ailleurs la vigne, conduite de cette maniere & ayant, un espace raisonnable entre ses ceps, en durera beaucoup plus long-temps.

A l’égard de la Culture ;

1°. On fixera la vigne en mettant des échalas à chaque cep, auquel ils seront arrêtés avec de la paille ou autrement.

2°. On taillera.la vigne plutôt à la fin d'Octobre qu'en Novembre, & jamais en Décembre ni Janvier, & rarement dans les premiers jours de Février. Une attention qu'il faut avoir dans cette opération, c'est de tailler sur les sarmens les plus près de la souche, en sorte que la tige n'excède jamais un pied de haut. Les raisins, j'en ai l'expérience, en mûriront mieux.

3°. Comme, à en juger par la température & le peu de chaleur des lieux où se feront ces nouvelles plantations, les vins en général ne doivent pas abonder, à beaucoup près, en phlogistique ; dans la vuë de leur en procurer, on aura soin de bien engraisser la vigne, en observant de mettre, dans chaque espèce de terre, l'espece de fumier qui lui convient le mieux. Cette attention est de toute conséquence.

4°. On ne négligera rien pour tenir la vigne toujours nette d'herbes, & pour lui donner les autres façons dans les temps les plus propres : il vaut infiniment mieux, il est bien plus profitable de faire moins de vignes, & de les bien faire, c'est-à dire, de les bien planter, de les bien fumer, & de les bien cultiver, que d'en étendre la plantation au préjudice de la bonne culture ; la fertilité du terrein, & non la quantité. C'est un des grands principes de la Réduction Economique (i), & la règle de toute bonne cultivation. La fertilité seule enrichit.

J'aurois sans doute d'autres documens, & en très-grand nombre, à ajouter à ceux que je viens de tracer ; mais dans la nécessité où je suis de me borner, j'ai préféré les plus essentiels, & ceux que probablement on suppléroit le moins : dans la suite je pourrai y revenir & m'étendre davantage sur cet objet, je veux dire la Culture de la vigne. A force d'observations, de recherches & d'expériences, j'ai acquis dans cette branche si importante de l'agriculture des connoissances dont je crois pouvoir assurer la certitude. Il est pourtant vrai qu'elles ne s'accordent nullement avec les exceptions, les distinctions, les limitations, en un mot, avec toutes les futilités que le préjugé malheureusement trop répandu, a opposé au premier Ouvrage que j'ai publié sur cette matière (j) ; mais ces connoissances que j'ai vérifiées dans différens Vignobles, très-éloignés les uns des autres, n'en doivent pas pour cela paroître ni moins sures, ni moins bien fondées. Quoi qu'il en soit, ce que je viens de dire suffit pour marquer, au moins d'une manière générale, la voie qu'il faut tenir, & pour prouver que l'on peut par cette voie aider à la perfection du vin & assurer le succès des tentatives que je propose à la faveur de ma seconde Méthode.

Cette Méthode & la première que j'ai présentée, sont si simples, il en résulte de si grands avantages, &, ce qu'on ne doit peut-être pas moins priser, elles sont d’un usage si facile & si peu dispendieux, que j'ai tout lieu de croire, sur-tout pour peu qu'elles soient accréditées, que les personnes les plus éclairées, & à leur exemple, le reste de la Nation, les adopteront & les préféreront à toutes les autres dans la préparation des boissons naturelles qui par-là en deviendront en tous Pays beaucoup plus utiles à la conservation des hommes : ce qui est le principal objet que je me suis proposé dans cet Ouvrage.

FIN.


NOTES :
(a) Statique des Végétaux, pag. 178.
(b) Cet Ouvrage, dont, par la faute de l’Imprimeur, l’édition a retardée de plus de 4 mois, se vend chez Musier fils.
(c) Il faut excepter de cette règle les Vignobles qui sont dans l’usage de faire du demi-vin, c'est-à-dire, dans lesquels, après avoir tiré ce qu'ils appellent la pure goutte, on verse plus ou moins d'eau sur le marc qui reste dans la cuve, pour en faire le demi-vin dont je viens de parler. Dans ces Vignobles on pourra se contenter, comme par le passé, d’un foulage imparfait, à la différence qu'on le fera dans la cuve & dans le tems que je viens d'indiquer. Le vin en ce cas sera même meilleur que si le foulage de la vendange étoit complet, vu qu'il y en aura beaucoup moins de raisins verds écrasés. Après le tirage du premier vin, on foulera le marc de nouveau.
(d) Il est si vrai que la plus grande maturité des raisins est favorable à la perfection d'un vin, que les années où elle se rencontre, comme en 17621 sont celles qui donnent les meilleurs vins.
(e) Ces pilettes, dont le manche portera 5 pieds de long, seront faites d'un bloc de bois de forme cylindrique ou quarrée, de 6 pouces d'épaisseur, sur un pied ou environ de longueur.
(f) Stat. des Végét, pag. 173.
(g) Voyez, à la page 5, comme il a été fait ; & à la page 40, dans quelle circonstance il a été tiré.
(h) Il sera toujours prudent dans ce dernier cas de commencer par faire l'essai fur un très-petit nombre de pièces.
(i) Cet Ouvrage, dont le principe fondamental regarde en général toutes les entreprises trop étendues, & spécialement celles qui appartiennent à l'économie rurale, est si simple, si sûr, si économique dans les moyens qu'il donne pour relever & enrichir notre Agriculture, & par conséquent l’Etat, que si ceux-là ne sont pas suivis, ou du moins éprouvés, je ne crains point d'avancer qu'il seroit désormais inutile d'en proposer aucun. Plus en particulier on considérera l'état où se trouvent les Bestiaux dans plusieurs Provinces, & plus on reconnoîtra combien il seroit avantageux, combien il seroit nécessaire que chacun ne se chargeât que de la quantité de Bestiaux qu'il peut entretenir en tout tems, & nourrir au sec, quand le verd manque ou est mal-sain : dans ce dernier cas, à défaut de fourrage sec ou de bon fourrage, on pourroit avoir recours à l'usage fréquent du sel : il est a croire qu'on préviendroit par-!à la corruption d’où s'ensuivent forcément les mortalités si communes & si funestes à tous égards. Mais pour administrer ce préservatif dans la quantité suffisante, ce n'est point assez que les Laboureurs soient aisés ; on conçoit qu'il leur faut encore d'autres secours & des facilités qui leur manquent.
(j) Cet Ouvrage, vû avec approbation par l'Académie Royale des Sciences, a pour titre : Nouvelle Méthode de cultiver la vigne, &c. & se vendoit chez Musier Fils, Libraire, à Paris.



TABLE DES MATIERES.

PREFACE

CHAPITRE I.
Défauts du Commun de nos Vins.
Nos vins, pour la plus grande partie, souvent verds, maigres & sans saveur.
Dans les années les plus favorables, ils sont trop couverts, trop gros & sujets à graisser, faute de suffisante fermentation.

CHAP. II.
Des diverses manières de faire le vin rouge.
Manière de façonner le Vin aux environs de Paris & dans le plus grand nombre des Vignobles.
Deux inconvéniens principaux.
Usages du Berry & du Pays Laonnois.
Deux inconvéniens principaux.
Toutes les manières de faire le Vin se ressemblent toutes en un vice capital, qui est de ne pas couvrir la vendange dans la cuve : elles doivent être regardées comme la cause principale & souvent la seule des défauts de nos vins.

CHAP. III.
Première Méthode de façonner le vin rouge.
La fermentation, dans le cas présent, est l'action par laquelle la Nature travaille à désunir les principes du moût pour les réunir ensuite dans une nouvelle proportion.
La perfection du vin, ou sa plus grande qualité, dépend du haut degré de fermentation & de la conservation des parties spiritueuses, & notamment de l’air interne surabondant.
Tout cela, est prouvé par l’expérience générale & par mes expériences particulières, rapportées dans le Chapitre.
Procédés de la premiere méthode.
On aura soin de bien fouler les raisins.
La perfection du foulage nécessaire à la perfection du Vin.
Après le foulage la cuve fera fermée avec un fond de bois.
Le vin dans la cuve se refroidit de lui-même : quand la Nature a fini son premier travail elle fait une pause & ne passe point sans interruption de la première à la seconde fermentation.
Soins que demande le vin quand il est fait.
Objection, & réponse à cette objection.

CHAP. IV.
Autre Méthode pour faire le vin rouge, & en outre le vin blanc & le cidre, avec des vues pour la plantation de la Vigne dans les Provinces où elle ne se cultive pas.
Procédés de cette méthode avec les raisons de ces procédés.
Aussitôt que la cuvée sera achevée, on foulera la vendange & on la portera au pressoir.
Tout le moût exprimé des raisins par le pressurage & avant, sera mis dans une cuve bien enfoncée des deux bouts pour y fermenter : pour plus de sureté, on pourra mettre ce moût dans un sac de toile, placé exprès dans la cuve.
Raisons pour lesquelles les vins seront plus parfaits dans cette méthode que dans toute autre.
Les vins, dans leur dépuration, perdront moins de leur substance, & par conséquent seront plus substiancieux, plus corsés, &c.
Perfection des vins qui seront faits suivant la première & la seconde méthode.
Réponse à quelques objections.
Ces deux méthodes applicables à la façon des vins de nos Provinces les plus méridionales.
Nos vins se ressembleront tous dans le point le plus essentiel, c'est-à-dire la salubrité.
Tous les vins blancs ou autres pourront être perfectionnés par ma seconde méthode.
Cette méthode applicable à la façon du cidre qui en sera beaucoup plus parfait.
Le vin contre-poison habituel & familier de tous les alimens mal-sains.
Qualités du cidre perfectionné par la seconde méthode.
A la faveur de cette seconde méthode, on peut tenter la plantation de la vigne en Normandie & dans nos autres Provinces septentrionales.
Raison pour laquelle jusqu'à présent les tentatives faites dans cette vue n’ont point réussi.
Précis de trois petites expériences que j’ai faites en 1766 sur des raisins encore verds.
Il en résulte sur-tout de la derniere, qu’avec des raisins presque tous verds, on peut faire des vins qui ne le soient pas ou que bien peu.
Avantages de cette découverte pour la Normandie & autres Provinces semblables.
Documens sur la plantation & la culture de la vigne en Normandie & ailleurs.

Fin de la Table.


APPROBATION.

J'Ai lu, par ordre de Monseigneur le Vice-Chancelier, un Manuscrit intitulé : Essai sur l’Art de faire le Vin rouge, le Vin blanc & le Cidre, par M. Maupin. Cet Essai renferme des vues & des expériences utiles. Il peut donc être imprimé. A Paris, ce 19 Février 1767.

GUETTARD.


PRIVILÈGE DU ROI.

LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE ET DE NAVARRE : A nos amés & féaux Conseillers, les Gens tenant nos Cours de Parlement, Maîtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, Grand-Conseil, Prévôt de Paris, Baillifs, Sénéchaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Justiciers qu'il appartiendra ; SALUT. Notre amé le Sieur MAUPIN Nous a fait exposer qu'il desireroit faire imprimer & donner au Public un Ouvrage de sa composition intitulé : Essai sur l’Art de faire le vin rouge, le vin blanc & le cidre. S'il nous plaisoit lui accorder nos Lettres de Permission pour ce nécessaires. A CES CAUSES, voulant favorablement traiter l'Exposant, Nous lui avons permis & permettons par ces Présentes, de faire imprimer ledit Ouvrage autant de fois que bon lui semblera, & de le faire vendre & débiter dans tout notre Royaume, pendant le temps de trois années consécutives, à compter du jour de la date des Présentes : FAISONS défenses à tous Imprimeurs, Libraires,& autres personnes, de quelque qualité & condition qu'elles soient, d'en introduire d'impression étrangère dans aucun lieu de notre obéissance. A LA CHARGE que ces Présentes seront enregistrées tout au long sur le Registre de la Communauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois mois de la date d'icelles ; que l'impression dudit Ouvrage sera faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en bon papier &. beaux caractères ; que l'Impétrant se conformera en tout aux Réglemens de la Librairie, & notamment à celui du 10 Avril 1725, à peine de déchéance de la présente Permission :qu'avant de l'exposer en vente, le Manuscrit qui aura servi de copie à l’impression dudit Ouvrage, sera remis dans le même état où l'Approbation y aura été donnée ès mains de notre cher &.féal Chevalier, Chancelier de France, le Sieur DE LA MOIGNON, & qu'il en sera remis deux exemplaires dans notre Bibliothèque publique, un dans celle de notre Château du Louvre, un dans celle dudit Sieur DE LA MOIGNON, & un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier Vice-Chancelier & Garde des Sceaux de France, le Sieur DE MAUPEOU : le tout à peine de nullité des Présentes : DU CONTENU desquelles Vous MANDONS & enjoignons de faire jouir ledit Exposant & ses ayans-causes, pleinement & paisiblement, sans souffrir qu'il leur soit fait aucun trouble ou empêchement. VOULONS qu'à la Copie dès présentes qui sera imprimée tout au long au commencement on à la fin dudit Ouvrage, foi soit ajoutée comme à l'original. COMMANDONS au premier notre Huissier ou Sergent sur ce requis de faire pour l’exécution d'icelles tous actes requis & nécessaires, sans demander autre permission, & nonobstant clameur de haro, charte Normande & Lettres à ce contraires : Car tel est notre plaisir. Donné à Paris, le dix-huitieme jour du mois de Mars, l'an mil sept cent soixante-sept, & de notre regne le cinquante-deuxième.

Par le Roi en son Conseil. LE BEGUE.

Registré sur le Registre XVII. de la Chambre Royale & Syndicale des Libraires & Imprimeurs de Paris, N°. 1322. fol. 188. conformément au Règlement de 1723 qui fait défenses, art. 41, à toutes personnes, de quelques qualités & conditions qu'elles soient, autres que les Libraires & Imprimeurs, de vendre, débiter, faire afficher aucuns Livres pour les vendre en leurs noms, soit qu'ils s'en disent les auteurs ou autrement, à la charge de fournir à la susdite Chambre neuf exemplaires prescrits par l’Article 108 du même Réglement, A Pans, ce 8 Avril 1767.

Signé, GANEAU, Syndic.


De l’imprimerie VALLEYRE l'ainé.



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