HÉBERT,
Jacques René (1757-1794) : Petit
carême de l'abbé Maury ou sermons
prêchés dans l'assemblée des
enragés. - N°
1 & 2.- Premier et second dimanche de Carême de
l'année 1790.
Saisie du texte et relecture : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (30.X.2004) Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : R 412 br) (N°.
I.)
PETIT
CARÊME
DE L’ABBÉ MAURY OU SERMONS PRÊCHÉS DANS L’ASSEMBLÉE DES ENRAGÉS. (1) SERMON pour
le premier dimanche de Carême de l’année 1790.
COURS
COMMPLET
De morale aristocratique, à l’usage des Jeunes gentilshommes de ce siècle CAUSE
DE LA CHUTE DES GRANDS.
Jesus
ductus est in desertum à spiritu, ut tentaretur à
diabolo.
Jésus fut conduit par l’esprit dans le désert, pour y être tenté par le diable. Matth. 4. 1. Les tentations que le démon osa susciter au fils de Dieu, doivent avertir les grands de la terre, que l’ange des ténèbres ne s’occupe qu’à les environner d’illusions, & à les égarer dans la voie du salut, c’est-à-dire, du pouvoir. Circuit quaerens quem devoret. Tantôt il les séduit par les prestiges du plaisir, & il leur dit comme à J. C. changez ces pierres en pain ; tantôt il les environne de flatteurs qui s’insinuent dans leur esprit, & leur font goûter une morale d’autant plus dangereuse qu’elle est plus douce & plus charmante ; puisque vous êtes le fils de Dieu, il enverra ses anges pour vous garder : tantôt enfin, leur faisant oublier ce qu’ils sont, ce qu’ils peuvent, il leur promet une gloire trompeuse & des biens chimériques. Je vous donnerai les royaumes du monde & toute leur gloire. Ainsi il les corrompt par le plaisir, il les égare par la flatterie, il les perd par une fausse ambition. Trois grandes vérités qui seront le sujet de ce discours. Invoquons l’esprit de la sainte aristocratie. 1re PART. Si j’avais à distribuer, mes freres, le pain de l’évangile à des hommes grossiers, à des hommes faits pour ramper & pour saisir la superficie des choses telle qu’on la leur présente, je leur dirais que le plaisir est le premier écueil de l’innocence ; que l’innocence est le présent le plus précieux que le maître du monde ait fait aux mortels ; mais c’est à vous que je parle, mes freres, à vous dont la naissance supplée aux moeurs, dont le pouvoir autorise l’étendue de la volonté & des désirs, & qui n’avez pas besoin de morale, pour vous élever au dessus du vulgaire, comme le cédre s’éleve au-dessus de l’humble arbrisseau. J’avoue donc avec vous que votre corruption personnelle n’est point un mal, & que la perte de l’innocence est nulle pour ceux qui sont faits pour en imposer par leur rang au reste de la terre. Vous êtes nés dans le sein des grandeurs & de la fortune ; que d’autres par conséquent supportent le poids du jour : que d’autres gémissent des douleurs & des calamités humaines, qu’ils succombent sous un travail pénible & continuel, qu’ils mangent un pain noir acheté à la sueur de leur front & pêtri de larmes ; les plaisirs doivent entourer votre enfance & votre jeunesse, la volupté doit accompagner votre vie, la sensualité doit vous préparer une vieillesse délicieuse. Je suis loin de condamner l’usage, que vous faites des bienfaits dont la providence se plut à vous environner ; n’en pas jouir serait de votre part une ingratitude ; vous reprocher d’en user ainsi, serait de la mienne une injustice indigne d’un apôtre éclairé de l’esprit dont nous sommes tous animés. Je cherche donc la seule corruption que les grands doivent redouter, & je crois la trouver dans ces plaisirs mêmes qui vous sont si légitimement permis; O funeste corruption ! qui a préparé les malheurs peut-être éternels qui nous accablent aujourd’hui ! Rapprochés de vos esclaves par vos plaisirs, vous avez permis à ces hommes de boue de vous regarder en face ; vous les avez admis dans vos cercles, vous avez souri en les voyant se glisser dans vos divines orgies ; & ces êtres indignes de dénouer les cordons de vos souliers, sont devenus les compagnons de vos plaisirs, & de vos débauches aimables : ils ont enfin partagé avec vous la coupe de la volupté. Ces ingrats, ô mes freres ! arrachent aujourd’hui de vos débiles mains le sceptre de la supériorité. Que sont devenus ces tems heureux, où, maîtres de la fortune publique, vous voyiez à vos pieds ces vils mortels enchaînés ? Ils gémissaient, & leurs gémissemens ne troublaient point vos chants d’allégresse : ils s’agitaient sous leurs fers, & le froissement de leurs chaînes n’était point entendu de vous ; vous viviez & demandiez à vivre ; ils naissaient pour désirer de cesser d’être ! Pourquoi, aveugles que vous fûtes ! avez-vous substitué une pitié pusillanime à la noble dureté de vos illustres aïeux ? Pourquoi avez-vous remplacé leur ignorance par un vain savoir ? : Pourquoi enfin vous êtes-vous dégradés, en avouant aux autres hommes que vous étiez des hommes comme eux, & avez-vous mêlé l’or pur an vil plomb ? C’est que vos plaisirs vous ont égarés : c’est que vous avez voulu changer les pierres en pain : c’est que vous avez écouté vos esclaves, & que leur adulation vous a bientôt asservis. 2me PARTIE. L’adulation que vos ennemis ont employée avec vous, mes freres, était d’autant plus dangereuse ; qu’elle vous était inconnue : jusques-là vous n’aviez respiré que le parfum de la louange, parfum délicieux que le peuple grossier nomme sottement flatterie ; comme si les hymnes & l’encens faits pour les dieux! comme si les riches, les puissans & les princes n’étaient pas les vrais dieux de la terre ! Mais vos tentateurs se sont ouverts jusqu’à vos coeurs nue route nouvelle ; ils les ont amollis par une morale indigne de vous. Ils vous ont fait connaître la raison, respecter la nature, & chérir l’humanité. On a vu d’abord tomber ces crénaux redoutables qui menaçaient les paisibles hahitans des campagnes, & leur rappelaient sans cesse qu’ils étaient nés pour la servitude & l’effroi. Le seigneur a souillé le château de ses peres, en faisant asseoir à sa table ses vassaux, & en secourant les pauvres de ses vastes domaines. Il a apporté à l’artiste des villes l’or qu’il aurait dû enfouir plutôt que d’en faire un usage aussi méprisable : non content des jouissances réelles qui naissent d’une propriété immense, il a écourté le philosophe imposteur qui lui disoit de la partager pour en mieux sentir le prix. Qu’est-il résulté, mes freres, du changement que cette morale a prépare dans vos goûts ? La noblesse du sang a perdu une grande partie de sa considération : on vous a fait croire, que l’élévation des sentimens & le mérite personnel pouvaient la remplacer. Quoi ! ce fer, cette épée, marque honorable de l’illustration de votre race, n’a pas immolé le vil roturier qui osa le premier louer devant vous les prétendues vertus que vous avez si chèrement achetées ? Quoi ! vous n’avez pas senti que la louange accordée à votre vie nouvelle était la satyre de la vie de vos aïeux, de cette vie dont vous ne deviez point vous éloigner, puisqu’elle était le rempart inexpugnable de vos droits & de votre puissance ! Puisque vous êtes le Fils de Dieu, dit aujourd’hui le démon à Jésus-Christ, ses anges vous garderont. O, mes freres, que n’avez-vous imité la réserve de descendans des rois de Juda ? Vous vous êtes fiés à la sagesse des hommes, & elle vous a dépouillés. Esprits faibles ! je découvre à peine, des traces de cette présomption précieuse, de cette fierté originelle, qui coulait en vous avec le sang de vos ancêtres. La morale de l’homme s’est emparée de votre ame : elle en occupe toutes les avenues ; vous avez oublié que vous êtes nés pour gouverner, & vous touchez à l’esclavage. IIIme PARTIE. Je vous ai prouvé, mes freres, qu’en permettant à vos anciens esclaves d’approcher de vos personnes augustes, & de s’immiscer à des jeux, à des plaisirs qui devaient vous être exclusivement réservés, vouts avez porté la premiere atteinte à votre puissance. Je vous ai prouvé que, rapprochés de ces mortels qui ont besoin de vertus pour être heureux, vous avez cru à leurs suggestions, & que vous avez abandonné les vices précieux qui étaient la sauvegarde de vos privilèges. Il me reste à vous démontrer maintenant à quel point ces infâmes suborneurs vous ont trompés en vous disant, comme le diable dit aujourd’hui à J. C. : Je vous donnerai les royaumes du monde & toute leur gloire. Mon oeil parcourt, rapidement ces terres immenses dont vous étiez possesseurs, ces titres fastueux dont vous étiez distingués, ces privilèges honorables dont vous fûtes les héritiers infidèles, & je me demande comment vous avez pu perdre tous ces biens réels pour des biens chimériques. Ces terres immenses, vous en sacrifiez les nobles revenus pour payer l’impôt destiné jadis au peuple ; ces titres imposans vous vous en dépouillez pour devenir les égaux de ceux qui sont nés pour vous servir ; ces privilèges honorables, vous les abandonnez lâchement, & vous ne craignez pas que ceux qui naîtront de vous ne maudissent la mémoire de leurs pères ? N’en doutez point, mes frères, vous leur devez compte de tout ce que vous avez reçu des vôtres. Vous aurez été inutilement pour vos descendans les bienfaiteurs du genre humain, les législateurs de la patrie, les modèles de vos concitoyens. Ce n’est point un héritage de vertus factices & de réputation de probité inutile qu’ils attendent de vous. O folle ambition qui vous a trompés ! ô gloire insensée qui vous a séduit & vous a fait quitter l’ombre pour la réalité! L’ambition, mes frères, était une vertu chez vos ayeux, parce qu’elle était dirigée vers de grands objets qui l’annoblissaient. C’était elle qui les armait pour défendre leurs droits contre les princes eux-mêmes. Ils ne respiraient que pour s’élever au-dessus & sur les ruines mêmes des autres. Qu’est devenue en vous cette vertu sublime, l’ambition enfin ? Rien, mes frères, qu’un vice qui vous fait sacrifier à de vaines espérances tous les dons que la providence avait fait à ses enfans chéris, à ces hommes que la nature se complaisait à marquer du sceau de supériorité. Divine aristocratie dont je vois les étendards bassement désertés, n’abandonne point le petit nombre d’élus qui te restent fidèles. Que ton esprit se conserve en eux pour régénérer ton parti ! Le tems des humiliations est venu pour lui ; mais le tems sera passager, & tu sortiras des ténèbres plus brillante & plus belle. Nos poignards s’aiguiseront dans le silence, & quand il en sera tems, nous renouvellerons les vêpres Siciliennes & les nocturnes horreurs de la S. Barthelemy ; mânes de nos héros, mânes des Richelieu, des Médicis, des Charles IX, des Louvois, des Dubois, des Terrai, des Saint-Florentin, des Lamoignon, embrâsez nos ames d’un feu d’autant plus terrible qu’il sera plus long-tems concentré afin qu’après avoir souffert quelques moments, nous puissions bientôt obtenir la contre-révolution qui doit assurer notre salut. C’est ce que je vous souhaite. Le
second Sermon paroîtra Dim. prochain.
A
PARIS,
rue gît-le-Coeur, hôtel S. Louis, n°4.
Et chez les Marchands de Nouveautés. De
l’Imprimerie de LAURENS junior,
Libraire, rue Saint-Jacques,
vis-à-vis celle des Mathurins, n°37.
(1) On distingue aujourd’hui trois partis dans la faction des nobles, 1° les patriotes, 2° les enragés, 3° les enrageans. (N°.II.)
PETIT
CARÊME
DE L’ABBÉ MAURY OU SERMONS PRÊCHÉS DANS L’ASSEMBLÉE DES ENRAGÉS. SERMON pour
le second dimanche de Carême de l’année 1790.
COURS
COMMPLET
De morale aristocratique, à l’usage des Jeunes gentilshommes de ce siècle LES GRANDS CONSIDÉRÉS SOUS LES RAPPORTS D’AUTORITÉ ET DE RELIGION. Et
apparueruntillis Moyses & Elias cum Jesu loquentes.
En même tems ils virent paraître Moyse & Elie qui s’entretenaient avec Jésus. Math. 17. 3. Les deux plus grands hommes qui ayent existé viennent aujourd’hui, mes freres, rendre hommage au fils de Dieu ; Moyse, ce législateur des peuples, cet oracle de Pharaon ; Elie, ce prophète étonnant qui propagea le zèle ardent dont il fut dévoré, par des miracles sans nombre. Voilà les deux modeles que les grands de la terre doivent se proposer sans cesse : comme le premier, ils doivent asservir le peuple par les loix qu’ils lui imposent ; comme le second, ils doivent perpétuer son esclavage par les prestiges les plus séduisans. Les loix doivent être l’ouvrage de la puissance & de la force ; l’observance de ces loix doit être favorisée par tous les moyens possibles : un des moyens les plus précieux, est la religion employée par les grands comme un instrument politique. L’autorité des grands est la seule légitime, la religion des grands doit tendre au maintien de leur puissance. Développons ces deux vérités importantes, & invoquons l’esprit de la sainte aristocratie. Ire PART. Gardez-vous d’imaginer, mes freres, que le hazard vous ait fait naître grands & puissans. Dès le commencement des siècles, vous avez été destinés à la gloire, vous avez été marqués du sceau de la grandeur, & séparés de la foule par i’éclat des titres & des distinctions ; cette distance énorme qui existe entre le reste des mortels & vous, doit être l’objet de vos continuelles réflexions pour l’augmenter, s’il est possible, loin de la faire disparaître ; vous vous êtes, trouvés, en naissant, en possession de tous, ces avantages ; & sans remonter au souverain dispensateur des choses humaines, vous devez croire qu’ils vous sont dus, puisque vous en avez toujours joui. Loin de vous ces insensés qui vous crient : tous les hommes formés d’un même limon., naissent égaux & sont freres : la supériorité ne peut être un présent de la naissance et le rang n’appartient véritablement qu’au mérite personnel, & aux vertus. Loin de vous, mes frere, ces forcenés qui ne reconnoissent que l’empire, qu’on acquiert sur les coeurs, & qui font couler dans les votres le poison de la tolérance & de l’humanité. Qu’on vous respecte, qu’on vous craigne ; mais qu’on ne vous aime point. Ce dernier sentiment est d’autant plus redoutable pour vous, qu’il n’existe jamais sans retour de la part de ceux qui l’inspirent. D’ailleurs il ne peut & ne doit point servir de base à ces loix que le vulgaire courbé devant vous doit attendre de votre autorité. Imitez donc Moïse, le législateur des peuples. Elèvé sur le Mont-Sinaï, il s’enveloppe de la grandeur du fils de Dieu qu’il représente, qu’il annonce, & les loix qu’il grave sur les tables de pierre deviennent les regles éternelles des nations : de même établissez, mes freres, votre autorité par vos loix. C’est un devoir de reconnoissance, que vous imposa la providence, en vous environnant de ses bienfaits. Le pouvoir qu’elle remit entre vos mains est un dépôt sacré, dont vous lui rendrez compte. Que ces loix n’adoucissent point le sort de l’homme qu’elle a destiné à des jours de larmes & à des nuits laborieuses, comme elle se plut à vous faire naître pour les plaisirs & le bonheur. Vouloir alléger pour le peuple le fardeau de la vie, ce seroit annoncer le dessein de changer les oeuvres de Dieu. O Cazalès, ô Malouet, ô Montlausier, ô Toustaing dont les propositions sages & prudentes tendoient à transformer le pouvoir exécutif en pouvoir arbitraire & indépendant de la loi, pourquoi vos sublimes maximes sur la dictature n’ont-elles pas été défendues avec chaleur, admirées, adoptées avec enthousiasme ? Pourquoi faut-il que, comme dans les tems fabuleux des Hercule & des Thésée, un seul homme vous eût dompté & vous eût empêché de désoler la terre. L’hommage que Moïse rend au fils de Dieu, est le symbole du tribut de louange & de respect que vous devez, mes freres, offrir sans cesse au prince qui par son rang est, en quelque maniere, le centre de l’autorité ; comme l’ascendant caché que vous devez avoir sur son esprit est figuré par l’empire que le saint prophête exerça sur l’ame de Pharaon. J’avouerai que votre culte & votre ferveur doivent être rallentis à l’égard du prince, puisque ce jeune Roi ne consultant que la sagesse & la justice croit que c’est par elles qu’il deviendra illustre parmi les nations ; que les vieillards respecteront sa jeunesse ; que les princes baisseront par respect les yeux devant lui : qu’il sera aimé dans la paix, redouté dans la guerre ; per hanc disponam populum tuum justè, & ero dignus sedium patris mei ; mais si les loix que vous imposez aux peuples sont des moyens sûrs de maintenir dans tous, les tems votre pouvoir, vous devez considérer la religion, comme un instrument politique capable d’asservir à la fois le peuple & le souverain. C’est le sujet de mon second point. 2me. PARTIE. La religion est, sans contredit, mes freres, le véhicule le plus puissant pour soumettre les peuples à l’observance des loix que lui impose l’autorité, & le moyen le plus sûr qu’on puisse prendre pour s’emparer sans retour de toutes les issues du coeur d’un roi. Ce ressort politique est d’autant plus immanquable dans ses effets, qu’il se meut d’une manière surnaturelle & cachée. Tantôt c’est Elie qui jette la terreur chez des princes impies ; tantôt c’est le même prophête qui fait descendre le feu du ciel, ou qui s’y éleve lui-même sur un char de gloire & de lumiere. - Voulez-vous connaître, mes freres, les causes certaines de l’avilissement où nous sommes réduits aujourd’hui : vous les trouverez dans l’abandon, dans la désuétude où sont tombées la foi & la religion. Les sentimens secrets des puissans, sur cet article, ont été découverts, & les esclaves ont cessé de croire. De là ce mépris pour les ministres du sanctuaire ; de-là ce discrédit du culte ; de-là la destruction de ces atteliers sacrés, où le fanatisme préparait. dans la retraite & le silence, les fers qui devaient éternellement enchaîner les peuples. De-là le relâchement inouï dans toutes les parties de cette heureuse & terrible administration, dont les rênes étaient entre vos mains. O, mes freres, si vous aviez accordé aux dispensateurs des préjugés du peuple, aux illuminés, aux enthousiastes, aux fanatiques, la même protection qu’aux filles de l’opéra, qu’aux histrions, vous n’eussiez point vu s’opérer une révolution qui vous arrâche à la fois vos titres d’honneur, & ces biens immenses qui devaient s’accroître encore. Quelles que soient vos idées sur la religion, mes freres, je sens & j’avoue qu’elles ne peuvent être celles du peuple ; mais si vous voulez vous préparer des moyens de régénération, il est important pour vous que le peuplé conserve les siennes, & qu’il vous les suppose. Car alors il vous supposera une justice inébranlable, & il se fiera de nouveau à votre protection ; il croira à votre désintéressement, & vous reprendrez ces biens qui vous échappent aujourd’hui : vos vertus factices l’éblouiront, & il s’empressera de vous offrir ces distinctions, ces privilèges, qui faisaient vos délices, dont vous avez si long-tems joui & dont vous êtes privés maintenant : ainsi, mes freres, épiez les momens avec patience ; car ils sont peut-être, hélas, encore éloignés ! Acquérez des droits à la confiance publique par le bien que la nécessité vous fera faire ; rallumez, s’il en est tems encore, le flambeau de la foi ; rétablissez la majesté du culte ; confondez-vous aux pieds des autels avec le reste des fideles dans les devoirs communs & extérieurs de la religion, afin que vous puissiez parvenir à donner des missionnaires aux peuples, & un confesseur à votre main au roi. C’est ce que je vous souhaite. Le
3me. Sermon paroîtra Dim. prochain.
A
PARIS,
rue Gît-le-Coeur, hôtel S. Louis, n°4.
Et chez les Marchands de Nouveautés. De
l’Imprimerie de LAURENS junior,
Libraire, rue Saint-Jacques,
vis-à-vis celle des Mathurins, n°37.
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