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Miguel de Cervantes y Saavedra - Don Quijote de la Mancha - Ebook:
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A.-F. Sticotti : Étrennes fourées, dédiées aux jeunes frileuses ou les Pelisses sympathiques (1770)
STICOTTI, Antoine Fabio (1708-1772).- Étrennes fourées, dédiées aux jeunes frileuses ou les Pelisses sympathiques. - A Genêve, et se trouve à Paris : Chez Merlin, Le Jay, Valade, MDCCLXX [1770].- XI-44 p. ; 15,5 cm.

Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (12.V.2010)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées à l'exception des s longs.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (BM Lisieux : Norm 1519).
 
ÉTRENNES FOURÉES,
DÉDIÉES
AUX JEUNES FRILEUSES,
OU
LES PELLISSES
SYMPATHIQUES.

~ * ~


Page de titre


PRÉFACE.

TOUT Ecrivain d’une certaine espece, ne peut plus se dispenser de donner son Portrait gravé au Lecteur, toujours habile à juger des beautés & des défauts d’un Ouvrage sur la seule inspection d’une physionomie inepte ou savante. Cet usage des têtes en taille-douce, consacré d’abord aux seuls Grands Hommes, s’est étendu de nos jours indistinctement à tous les Artistes. Par cette industrie, les petits paroissent grands, & les grands deviennent petits. Quoi qu’il en soit, le défunt ne s’est point fait peindre ; pour suppléer à cette perte irréparable, voici, du moins, les débris de son Oraison funèbre, qu’on a trouvée dans ses papiers.

PORTRAIT DE L’AUTEUR.

...............  Ses yeux Chinois s’enfonçoient au loin dans la moitié de sa cervelle ; il avoit, comme les foux, le front vaste, bombé, nez camard & pointu, bouche grande & lippue, dents encore perlées, teint de toutes couleurs, hors blanc & incarnat ; main fuselée, polie ; jambe fine, mollet bien tourné ; taille de petit-maître, jamais élégant ; poitrine d’Hercule, estomac de femme, presque point infirme, souvent hypocondre : voilà pour le matériel.

Quant à l’esprit, il s’en trouvoit moins que d’imagination ; & s’il faut l’en croire, sans être satisfait du sien, il ne souhaitoit pas celui de quelques illustres, mais il le vouloit plus sage & plus solide.

Vis-à-vis de lui-même, la sérénité naturelle de son ame ne lui laissoit presque rien à désirer ; dans le monde, elle restoit concentrée ; il paroissoit aussi ennuyé qu’ennuyeux, lors même qu’il savoit s’amuser de tout.

Sur les Principes, il avoit l’instinct plus sûr qu’étendu ; en Littérature, plus de goût que d’étude ; dans les Sciences, trop ignorant pour en rougir ; aimant les Lettres avec fureur, étudiant sans cesse, & mal ; badinant avec les Arts, trop philosophe pour s’en occuper.

A l’égard de son coeur, il étoit né sensible, crédule, & d’une fierté qui alloit jusqu’à l’orgueil.

Héraclite à l’aspect du vice, Démocrite auprès du ridicule, charmé des moindres vertus, persuadé que les grandes sont des devoirs.

Epoux constant, plus délicat que jaloux ; pere toujours tendre, jamais foible.

Bon Politique à force de probité, & non probe par politique : en tems de guerre, muet sur les vainqueurs & sur les vaincus, & dans la paix, chantant l’honneur véritable.

En Affaires, méconnoissant toute ombre d’intérêt ; plus généreux que prodigue dans la prospérité.

Au milieu des plaisirs, presque aussi sévère à ses passions qu’à celles des autres ; en amourette jamais dupe, & souvent trompé.

Ami rare & singulier, froid par réflexion, chaud par sentiment.

Aussi réservé dans les conseils, qu’incapable du plus simple détour ; plus circonspect que prudent.

Fidele au secret d’autrui, inhabile à garder le sien.

Plus courageux, plus ferme pa[r] ses préjugés que par nature : enchanté de son existence, & mécontent de son sort ; par-delà l’âge mûr, vif encore autant qu’étourdi : dans les querelles, poltron par humanité ; mais toujours prêt à s’immoler à la barbarie du point d’honneur ; en ce point seul trop esclave de sa Nation, qu’il aimoit en la plaignant.

Né pour quelques talens, il ne les avoit cultivés que dans l’âge où les Grands Hommes périclitent.

Auteur superficiel, aussi moral qu’inconséquent ; paresseux par modestie, laborieux par vanité.

Inaltérable aux coups de la fortune, se plaisant à la braver. Ami des vrais Philosophes, les cherchant en tous lieux, & n’en voyant nulle-part.

Ennemi conjuré des sots, du mensonge & de l’erreur, les fuyant sans cesse, & les trouvant partout ; seul & retiré devant son miroir, les retrouvant encore au sein de la solitude.

A TOI, QUE J’IDOLATRE !

Tu vas voir désormais tes atômes délicats & légers, attirer sur tes traces les brûlans corpuscules des tigres & des amours.

Le Soleil attire les Planettes, il pese en même-tems sur elles ; & toutes les substances de l’univers tendent diversement les unes vers les autres ; Isaac Newton l’a dit : mais il ignoroit encore que tes yeux, tes vertus, seroient un jour sur mon coeur un chef-d’oeuvre d’attraction : découverte par ce grand Homme, & démontrée par tes graces, elle est incontestable.


~ * ~


LES PELLISSES
SYMPATHIQUES.


J’ARRIVE tout récemment, Madame, d’une terre de Province, où, par usage, on passe tristement l’Automne ; je descends droit à l’Opéra, pour me délasser à la nouvelle Tragédie. Lestement équipé, je ne sçais quel vent perfide me saisit, en voyant de ma loge, la Ville, la Cour & toute la denrée emmaillotés des pelleteries du Canada. C’étoit la belle fureur ; il sembloit qu’elle me fît affront : pour l’en punir, je la méprisai. Cependant, Madame, il faut l’avouer, l’air pointu du Capricorne déchire les poitrines de mon rang ; & je sentis, un peu tard, qu’un homme de goût, comme moi, n’eût pas mal fait d’être doublé d’une certaine façon.

A mes côtés vient s’asseoir dans ma loge un gros Baron Suédois, joli philosophe, un peu satyrique, n’aimant que les ridicules, & presque mon ami ; une jeune fourure d’ours, relevée d’un gourgouran couleur de sel, l’enveloppoit hermétiquement. Je m’en approchai comme d’un grand feu. – Venez vîte, Chevalier, depuis la reprise de cet Opéra, Saturne est enfin retrouvé, & quoique fasse les Auteurs, l’hiver glisse en patins dans leurs Pieces ; caressez ma Pellisse, elle supplée aux bons vers. – Hélas, très volontiers, je me condense, je deviens crystal. Il me propose d’entrer dans son ours de ce ton ironique, où l’on voit la certitude de n’être point accepté. Je refuse fiérement, très piqué de ma froide situation, mais en l’assurant que j’aurois dans peu la Pellisse le mieux entendue. – De quelle sorte, Chevalier ? – comme la vôtre, Baron ; la circulation douce qu’elle semble vous procurer, m’arrête à son espèce. – Vous n’y parviendrez pas, mon pauvre Chevalier. – Je vous proteste que si, misérable Baron, ou bientôt il n’y aura plus d’ours dans le Royaume. – Jamais, ajoûta-t-il, en me regardant fixement, votre pétillante délicatesse ne pourra sympatiser avec un animal si rude & si pesant. – Mais, Baron, mille choses nous conviennent tous les jours, qui nous répugnent en apparence. Expliquons-nous, Chevalier, vous n’êtes point à ma pensée, qui, quoiqu’un peu abstraite, ne sauroit perdre rien de sa clarté, pour quiconque est capable de la moindre attention.

Pendant notre entretien ; le Spectacle s’étoit rempli, on crioit déjà : ouvez les loges. Le parterre échauffé, ne m’empêchera point, cher Baron, de vous imiter. – Eh non, vous dis-je, vous n’en serez point le maître : c’est comme s’il étoit en moi, du climat rigoureux dont je suis, de me revêtir de peaux de singe. – En vérité, il vous échappe quelquefois des comparaisons d’une imprudence... – Je m’en félicite, Chevalier, vous commencez à me pressentir. Connoissez-vous Descartes ? – Parbleu, M. le Suédois, voilà de ces questions ostrogothes, qui.. – vous n’ignorez donc pas, continua-t-il, que ce Descartes, qui n’est pas ancien, est le premier François qui sçut raisonner. Vous sçavez même que pour ne pas attribuer à la bête une ame immortelle, sujette aux récompenses comme aux châtimens, il avança qu’elle n’en avoit point : d’où il faudroit conclure, vu la ressemblance de ses passions aux nôtres, que nous n’avons pas plus d’ame qu’elle. – J’entends, Baron, la conséquence est absurde autant que le principe. Mais, en grace, quel rapport essentiel l’Opéra nouveau, le froid que je sens, & la bête de Descartes ont-ils ensemble ? – Vous l’allez voir, Chevalier. Moins téméraire que ce vaste génie, je tiens, moi, qu’il faut accorder aux stupides animaux un instinct moitié raisonneur, & moitié machinal ; une mémoire assez alerte, un sentiment vorace, qui concourent chez eux au soin de leur conservation : vous m’avouerez que les trois quarts des humains n’existent gueres autrement. Défaut, vice ou vertu, on diroit, si jamais une simple hypothèse étoit un argument, que tout n’a qu’un même principe ici-bas ; modifié, il est vrai, pour chaque espece, & qu’enfin tout est commun & relatif entre la bête & l’homme ; excepté le ridicule, dont il est propriétaire unique. J’entends, quand je dis l’homme, que nos belles spectatrices, qui déja minaudent si gracieusement dans ces lorgnettes, sont aussi risibles que vous & moi..... N’avez-vous point froid aux jambes ? – cela se dissipe au feu de vos discours, Baron, & le tour léger que votre enjouement prête à la philosophie, me sert de sac-à-pied. – Vous portez loin l’aménité Françoise, Chevalier ; j’y vais répondre en vous communiquant, sur l’analogie que les corps ont entr’eux les idées lumineuses dont vous paroissez avoir grande privation. – Remarquez, Baron, que tout est allumé, & qu’il faut promptement m’expliquer par quel accident de la matiere il m’est défendu d’embrasser un ours. – Le voici, poursuit-il, du ton satisfait d’un Professeur qu’on interroge pour s’instruire.

Vous ne pouvez qu’admettre ces relations intimes, que d’habiles Physiciens, moralistes, spiritualistes & phisionomistes ont remarquées de tout tems entre nos moeurs & celles des animaux irraisonnables. La plûpart nous amusent ; nous haïssons les uns, nous assaisonnons les autres ; quelques-uns nous chérissent, ceux-ci nous défendent, ceux-là nous dévorent, & tous nous sont utiles. Voilà entre leurs goûts, leur nature & la nôtre, la correspondance le moins équivoque. – En effet, je comprends déja... mais, Baron, le premier coup d’archet va partir, il part : Ah ! le beau triste ! cela peint tout le sujet ; il semble qu’on ait tout vu, tout entendu, & l’on pourroit s’en aller. La Princesse & le Héros s’avancent, écoutons ; ce n’est pas qu’il faille les entendre, eux, parce que leur dialogue n’est fait que pour l’accompagnement, ainsi laissons-les chanter. Vous disiez donc, Baron, que l’homme est une bête ? – à peu près, Chevalier ; le lion reconnoissant des Arênes, la biche de Sertorius, l’oiseau voleur qui fait pendre les Laquais, dont il apprend lui même à dérober, prouvent, avec mille autres, cette frappante conformation d’organes & d’idées, qui semble conduire l’homme & la brute à ramper du même pas sur la surface de la terre. J’ai lu, même, dans l’ouvrage d’un Frénétique, que les ames des bêtes étoient des esprits immortels, qui se sont rendus coupables d’ingratitude ; & voilà sans doute pourquoi tous les ingrats sont des sots. Aurions nous enfin, pour un mâtin rogneux, pour un chat enragé, une amitié si tendre & des larmes toutes prêtes, si nos esprits animaux ne sympathisoient avec les leurs ; c’est-à-dire, si les atômes crochus de nos trois espèces ne se réunissoient, ne se confondoient les uns dans les autres, & ne fermentoient de même ? Ainsi, l’ardeur volatile d’un François, opposée à la réfrigérative solidité de l’ours, vous écarte, vous divise, vous irrite, & vous rend l’un à l’autre inutile, incommode autant qu’incompatible. – Voilà donc où vous en vouliez venir, Baron ingénieux ; je n’aurai point d’ours, parce que mes moeurs, mon tempéramment sont d’espece différente, & que mon sang circule plus vîte que le sien ; mais cet ours est mort, & moi vivant, comment se peut-il faire ?.... cependant j’entrevois..... oui-da, la conséquence est assez vraisemblable, adroitemens tirée, même. – Qu’appellez-vous, Chevalier ? elle est de nécessité absolue, & l’on est convaincu depuis long-tems par les yeux de l’ame, autant que par l’analogie des substances matérielles, que ce qui fait naître notre prédilection pour une espece plutôt que pour l’autre, ce sont des rivieres d’atômes imperceptibles, qui s’exhalent sans cesse du corps de l’animal, mort ou vif, pour se joindre au nôtre, par une attraction commune à tous deux : nous penchons, en un mot, vers une pellisse de même substance que nous, à-peu près comme les corpuscules fumans d’une bougie nouvellement éteinte, attirent la flamme d’une bougie ardente qui lui rend la vie. – Baron, vous agitez là une question laborieuse, qui, de branche en branche, remonte bien haut, & va se perdre dans la métaphysique la plus pure. Continuez, pourtant, je prends plaisir à vous croire ; mais n’allez point outre-passer les faux-bourgs de matérialisme, si vous voulez raisonner sensément, & captiver ma crédulité.

- Chevalier, le premier Acte va finir, & nos guerriers harmonieux chantent sans sçavoir la Grammaire : entendez-vous ces syllabes longues, qui deviennent brèves, & ces brèves, qui deviennent longues ? – Doucement, Baron, ne voyez-vous pas que le Musicien a suivi l’histoire ? Les Héros du Nord doivent parler & chanter bas-Normand.

- Si vous étiez, reprit le Baron, de ces curieux Naturalistes, plus pénétrés de respect pour des témoins de trois mille ans, que d’assurance aux prodiges de notre siecle, l’infaillible antiquité me fourniroit de preuves victorieuses. Il vous plairoit de voir combien le fidele Bucéphale estimoit Alexandre : indomptable comme lui, jamais il ne permit qu’un autre que ce Prince osât presser ses flancs magnanimes ; à l’exemple de son Maître, qui n’accorda qu’au divin Appelles la gloire de le peindre. On vous retraceroit le Héros faisant ériger la ville de Bucéphalie, pour s’immortaliser auprès de ce superbe animal ; de façon que, suivant l’attraction sympathique des corpuscules, il est difficile de sçavoir qui, d’Alexandre le Grand, ou de son cheval, avoit le plus d’ambition. – Je ne sçais pourquoi, Baron, je penche pour ce dernier, mais quoi qu’il en soit : ô le grand homme ! ô le grand cheval ! Mais tout cela me laisse à peine concevoir comment nous préférons constamment une espece de fourure à l’espece différente qui nous seroit d’un égal usage. – Cependant les faits parlent d’eux-mêmes, Chevalier ; vous voyez, comme pendant l’hiver, toute femme change de robes, de rubans, de parures ; tout homme, de velours, de galons, & personne de Pellisse. D’où vient ? c’est que nous ne pouvons presque nous détacher de ce qui fait partie de notre être, ou de ce qui lui est identique ; c’est que la flamme des orangers s’amalgame à celle des sapins ; c’est que ces phantômes que nous  voyons errer sur les tombeaux, sont des particules émanées des corps ; elles s’en échappent sans cesse, comme pendant la vie, s’attirent, se repoussent, reprennent légerement leur premiere forme, & figurent encore après la derniere dissolution : tant la nature incline à réunir les substances homogènes !

- Arrêtez, Baron, laissez-moi respirer, j’étouffe d’érudition, & commence à vous sçavoir par coeur. Ce n’est pas qu’on ne vous devine bien mieux qu’on ne vous entend ; mais je comprends à merveilles que, sans y penser, sans malice, nous sommes entraînés, par exemple, auprès d’une femme sage & modeste, par ses corpuscules invisibles & conformes aux nôtres, comme les atômes d’une chienne amoureuse attirent un gredin qui leve la cuisse à l’entour. La nécessité de ce profond méchanisme intéresse, attendrit, enchante, enleve l’ame vers la source des êtres, & l’enivre du secret de la nature : obscur tant qu’on voudra, il n’en est pas moins solide, parce que la vérité n’est jamais claire ; c’est ce qui la distingue essentiellement du mensonge, qui prend toujours mieux son air qu’elle ne se ressemble à elle-même, & ce qui fait qu’en tout tems les menteurs sont les maîtres du monde. Oui, me voilà initié ; je vois, je sens, je connois, & suis en état de saisir en tout lieu, par la physionomie d’un poil farouche ou privé, l’humeur, le goût & le caprice de tant d’originaux qui paroissent se ressembler même dans cette salle, & dont les caracteres sont si différens : ils ne se doutent pas que la Pellisse qui les couvre les découvre. – Qu’il s’y cachent tant qu’ils voudront, Chevalier, leur ame se promene sur leurs épaules. – Illustre Baron ! j’envie la profonde subtilité d’esprit qui vous lire si couramment dans les replis du coeur, par le ressort des Pellisses du monde le moins diaphanes, comme à travers les lunettes brillantes de Pascal & de la Bruyere.

- Vous en saurez bientôt plus que moi, Chevalier...... Mais saisissez-bien ce monologue terrible, il est du premier neuf : l’égarement de la Princesse doit partir du dérangement de ses idées ; mais moyennant  les sons lugubres de la corne aux vaches, qui sort de l’orchestre, à laquelle elle répond exactement, son trouble n’est pas même dans ses oreilles ; ce qui prouve qu’elle n’est pas si folle, au moins. Vous rêvez ? – oui, Baron, une réflexion subite me présente la plus désagréable objection qui puisse confondre les atômes, & la voici : Avant de faire emplette, je fais choix d’une Pellisse en idée ; par quel agent suis-je déterminé ? répondez, si vous l’osez. – Par cette même espece, reprit-il, qui vous aura frappé dès le premier instant que le hasard l’aura offerte à vos yeux. – Mais si jamais je ne l’ai vue ? – Alors ses atômes infiniment petits ont été chercher les vôtres, ils se sont rencontrés en chemin ; de loin comme de près, l’animal vous respire, & vous respirez l’animal ; ses corpuscules ont passé dans tous vos pores, & ne vous ont plus quitté : comme on voit le musc & l’ambre impregner pour toujours leurs fleches odoriférantes aux choses qu’ils ont touchées ; c’est à-peu-près l’inoculation réciproque du caractere. - Ne seroit ce point aussi, lui dis-je à mon tour, une même filtration de corpuscules hétérogènes des corps vivans, ou inanimés, qui, pénétrant nos pores avec rudesse, forme la haine & l’antipathie ? - Bravo ! s’écria-t-il, voilà une conséquence physique digne de l’Apoticaire d’Aristote.

- A genoux, Baron, j’entends le De profundis de PERGOLEZE ; le chanteur même en paroît édifié, & vous devez aussi..... mais, à propos, vous êtes Luthérien. Enfin, Madame, charmé d’un systême commode par lequel je gagnois tout-d’un-coup trente ans d’expérience, je voulus sçavoir la raison de cette longue Pellisse que les Suédois portent le poil en dessus dans leurs pays. - Le Renne, cette espece de cerf, répondit mon Baron, ce fameux quadrupede, si précieux dans ces climats glacés, joint la sobriété à la vigueur, l’intelligence à la vélocité ; qualités bien étonnantes pour un gibier du cercle polaire, & qui, parmi ces peuples belliqueux, fut toujours l’annonce des vertus qui forment les héros. La plûpart même de nos fideles Suédois sont encore persuadés que l’intrépide Charles XII étoit fils d’une Renne & d’un Ours un peu mal leché. - Mais, repartis-je, du moment qu’ils endossent cette fiere laponne, je ne vois plus que le signe d’une gothique valeur ; que devient alors celui des passions particulieres ? car on ne porte point à la fois deux dépouilles ; & c’est plutôt la Pellisse des foiblesses qu’ils devroient adopter exclusivement ; elle déceleroit sans obscurité leurs différens penchans ; ce qui, sans doute, divertiroit les spéculatifs de ces contrées. Car enfin, le mal, jusques sous les pôles, est l’état permanent des hommes regardés séparément, comme le bien les caractérise pris en totalité : en un mot, il faut à chacun la Pellisse des vices particuliers, & non point la nationale ; faite pour afficher des vertus, cette Pellisse délicate doit s’user comme une mousseline. Il n’y a pas même à choisir ; le vice ou la vertu doit l’emporter, l’équilibre est presque impossible ; point de milieu, on est cruel ou magnanime. L’hermaphrodite le plus complet n’arbore point l’épée & l’éventail, il sent bien ce qui perce en lui, & fait sa toilette à raison du sexe dominant.

– Aussi, vous outrez la perspicacité, Chevalier ; & s’il falloit une Pellisse pour chaque vice particulier, il n’y auroit point assez de monstres en Afrique, ni dans les forêts du Septentrion, pour nous marquer tous les vices du coeur humain. Ah ! mon cher, est-il rien de si gracieux que de voir tout-à-coup une bonne Pellisse, qui d’un seul trait, nous peint tous les crimes imaginables ; la différence propre des animaux dont on se fait un déshabillé, peut nous apprendre de quelle maniere, chaude ou froide, triste ou gaie, tous les hommes sont également vicieux & méchans.

- Ecoutez-bien, Baron, voici des ariettes au milieu du tragique, & je les crois d’ancienne connoissance ; le Musicien ne s’est pas embarrassé de les travestir, tant mieux, les grands génies trouvent en eux les choses toutes faites.

– Vous conviendrez, Chevalier, que dans un systême qui porte avec lui ses difficultés, il suffit de se proposer une utilité genérale. Eh ! quelle plus heureuse & plus innocente magie, que celle de connaître philosophiquement ce que pensent un peu plus, un peu moins, la plûpart des hommes ! eux, que nous sommes obligés de cultiver, de prévenir, & du commerce desquels dépend peut-être tout ce bonheur que nous cherchons si souvent en vain sur la terre !

– Mais, Baron, si, au fond du Nord, par l’entremise de vos redingotes sauvages, on voit pendant les deux tiers de l’année l’ame humaine à découvert ; dans les pays, méridionaux, où les hommes sont nuds, il n’y a donc pas moyen de les pénétrer ; ce qui fait qu’en Italie, par exemple, l’esprit de vengeance & le coeur double ont beau jeu ; & qu’en France, ou l’hiver n’est pas fort long, l’intérêt & la frivolité, déguisés sous des habits aussi légers que nos cervelles, passent pour des agrémens ?

- Voyez-vous, Chevalier, au coin de la Reine, cet homme tout chamaré de lièvre noir & blanc ? sa coëffure efféminée, son coup-d’oeil militaire, rendroient jaloux les guerriers les mieux faits ; qu’en pense Monsieur ? - Mais, lui dis-je, le lièvre, cet animal si preste, marque, selon nos principes, quelque Marquis bien sémillant. - Eh non ! s’écria-t-il, les corpuscules vous passent, vous les trahissez ; ce jeune élégant tombe en syncope au bruit du canon. - Je compris aussi-tôt mon erreur, & ce trait fut un coup de lumiere qui me fit concevoir à l’instant tout son systême aussi-bien que lui-même.

Une femme assez jolie, & parée d’un fleuve de diamans, suivie d’un jeune homme en habit d’uniforme, vint se placer dans la loge voisine, & suspendit notre entretien phisico critique. Ils se parloient à l’oreille. L’Officier soupiroit, la Dame sourioit d’un air d’autorité, qui marquoit tout l’empire qu’elle avoit sur son coeur. Peu à peu leurs discours s’enflammerent, & nous entendîmes quelques reproches tendres ; & comme à l’Opéra, étourdi de la symphonie, on croit parler bas, lorsqu’on parle assez haut, nous n’eûmes besoin que d’un peu de curiosité pour entendre, sans beaucoup de peine, ce qu’ils se disoient à demi-voix. - Cessez de faire la guerre, disoit-elle, ou je cesse de vous aimer. - Mais, Madame, l’honneur m’engage........ - à vous faire tuer, n’est-ce pas ? vous l’avez assez risqué, & depuis votre derniere blessure, il ne m’est plus possible de vous laisser partir. Je ne conçois pas, Dalainval, comment, avec tout l’amour que vous dites avoir pour moi, il vous reste encore tant d’ardeur à détruire le genre-humain. – Vous le sçavez, Madame, je n’entre dans tout cela que pour cause seconde ; des ennemis à repousser, une patrie à défendre.... - Eh ! laissons-là ce grand mot, Monsieur ; vous voulez devenir Maréchal de France ou Connétable, voilà tout : mais il ne me plaît pas, vous dis-je, vous en avez acquis toute la gloire, c’est assez pour moi, pour vous & pour l’Etat. La paix s’approche, je vous réforme. - Ma belle Comtesse, de grace, encore une campagne. Toute la Cour a les yeux tournés sur mes actions ; que diroit ma famille, le public, si, démentant quelques exploits heureux, j’allois, lorsqu’on n’attend plus qu’une bataille décisive, me démettre... - Il n’y a pas, M. le Colonel, de fermeté dont je vous tinsse compte autant que de celle-là, par exemple. Le monde, enfin, le monde, voilà la victime que j’exige de vous : je vous ai sacrifié bien d’autres préjugés, & si j’ai perdu pour vous une espece de considération aux yeux de quelques sots, après tous les lauriers dont vous êtes couronné, il vous est bien permis d’en goûter les fruits tranquilles à l’ombre des plaisirs. - Eh ! Madame, pourrois-je me montrer désormais, affranchi de ce dédain cruel que le peuple & les courtisans sçavent si bien nous faire sentir, lorsque... – Quoi, Monsieur, ces petits hommes dont le blâme vous fait si souvent hausser les épaules, dont vous méprisez même l’estime frivole, vous arrêtent, quand il s’agit de m’accorder une douce préférence sur le métier le plus ingrat, le plus inconséquent, le plus ?....... - Comtesse, interrompit Dalainval d’un air un peu moins tendre & soumis ; j’ai, sur la noble profession que vous osez attaquer, des idées généreuses que vous ne m’ôterez jamais. - Et moi, Monsieur, j’en ai de plus justes que je veux vous inspirer. - C’est envain, Madame, que vous l’esperez - Je ne l’espere pas, j’en suis certaine. J’ai quelquefois assisté à des cours publics de morale, & j’ai dans mon Cabinet vingt brochures nouvelles, où j’en ai plus appris qu’il n’en faut pour vous confondre. - Vous oubliez, Comtesse, avec modestie, que votre esprit est orné des plus beaux traits de l’Histoire des Nations. Mais suffit-il de ces connoissances pour me prouver que la guerre ?.. - De la raison, mon cher Colonel, je ne veux vous opposer que ses charmes invincibles ; & ce que vous m’en avez laissé, traître que vous êtes, ne vous fera pas seulement grace d’une escarmouche. Sachez, en un mot, qu’une jolie femme peut quelquefois raisonner solidement sur un sujet aussi mâle qu’intéressant. - Vous y donnerez du moins, ma belle Comtesse, le coloris de Vénus qui cherche querelle au Dieu Mars. - Oui, de Vénus, cela est bien dit, car je suis un peu familiere avec vous, & n’aime pas à me piquer toujours d’une grande recherche d’expression. Je prends mes preuves comme elles s’offrent, il suffit que pour le fond elles soient concluantes & sans replique. Déjà, auriez-vous l’audace de placer les Guerriers à côté des gens de lettres ? - Je n’hésiterai jamais à vous soutenir bien davantage, Madame, puisque, dire de grandes choses, ou les faire, porte une différence énorme ; & qu’il est, dans les circonstances même les plus simples, beaucoup plus facile de parler que d’agir. - Quoi, Monsieur, la faculté d’égorger dix mille hommes en bataille rangée, auroit par elle-même un principe aussi grand, aussi rare, que le don d’enfanter de beaux vers, d’excellente prose, de dicter aux hommes des loix sages, ou de les bien gouverner ? - Oui, Comtesse, la valeur d’un Soldat de cinq pieds trois pouces le transporte au-dessus de toutes les têtes Littéraires. - Mais, Dalainval, est-il besoin de prouver que l’homme de lettres peut joindre cette valeur à ses talens, & que le Guerrier ne réunit presque jamais toutes ces qualités ? Je ne veux pas même discuter combien le tems qu’il donne à l’une, est toujours aux dépens de l’autre ; il ne s’agit ici que de l’espece de génie qui l’anime, & non des obstacles qu’il peut y apporter pour l’affoiblir. - Savez-vous bien, Comtesse, que votre ton dissertateur promet déjà de m’intriguer ? Epargnez-vous l’ironie, mon brave Colonel, c’est la riposte des fuyards. A ne considérer d’abord que l’exécution machinale de la discipline & des travaux Militaires, où l’on sait que les Généraux eux-mêmes doivent mettre la main pour l’exemple & la réussite ; on trouvera qu’Alexandre tout le premier n’étoit qu’un Artiste brillant auprès de Virgile & de Solon.... - Mais Comtesse.... - Mais Colonel, ces vrais génies pensent, imaginent sans cesse. Alexandre suit la route qu’il a trouvée établie avant lui ; il ne lui falloit même, pour pénétrer jusqu’au coeur de l’Inde, que des Soldats moins aguéris que fidèles, & l’envie de faire des malheureux ; je ne vois à tout cela qu’une intelligence vulgaire : le génie auroit été, peut-être, de s’y maintenir ; ou plutôt de négocier avec les Princes ses voisins quelques Provinces limitrophes à la Macédoine pour contenir les Perses, & de s’arrêter là. – Mais en s’arrêtant  il n’eut point étendu ses conquêtes. – Non, mais il eut fait le bonheur des hommes. - Ainsi la gloire.... - Fait mille scélérats & pas un sage. Y avoit-il un Sergent dans son armée qui ne se fût avancé aussi loin que lui chez des peuples ignorans, sans prévoir, non plus que son Maître, comment on retourneroit en Grece ? A l’égard de ses victoires surprenantes, il ne faut pas appeler vrai génie ce qui ne paroît, quand on y pense, que hasard & témérité. - Fort bien, Comtesse, voilà donc le grave Plutarque, le touchant Quint-Curce, & tous les Historiens taxés d’erreur, de flaterie, ou d’intérêt. – Rien de plus ordinaire que cela, vous dis-je ; car enfin, si le génie, tel que je le conçois, présidoit à la victoire, nos grands Capitaines pourroient-ils jamais perdre une bataille ? - Eh ? Madame, les armes sont journalieres. - Eh ! Monsieur, est-ce que Racine & Corneille étoient journaliers ? - En vérité, Comtesse, vous soutenez vos petits argumens d’un feu roulant qui m’embrase : avouez cependant que la guerre bien entendue est un état héroïque & sublime. - J’y consens, Dalainval, & je n’appuirai pas sur ce qu’ont dit d’habiles gens, que la gloire des armes est absolument liée au malheur des peuples ; cette affreuse conséquence n’entre point assez dans le point de vue où j’envisage la supériorité que le génie Littéraire ou Philosophique a nécessairement sur les armes ; & je confesse ma défaite, si les combinaisons les plus fines, si les réflexions les plus promptes, si les mesures les plus sages qui remportent les grandes victoires, dérivent du même génie qui fit tembler Catilina par la bouche de Ciceron. - Comtesse, avez-vous lu Emile ? Il n’y pas chez lui un sophisme aussi fier, aussi embarrassant que celui que vous venez de hasarder. - Séparons pour un moment, ajouta la Comtesse, les études d’un grand esprit, d’un Démosthène, si vous voulez ; & voyons s’il ne lui seroit pas resté encore autant de génie pour déconcerter les projets de Philippe, qu’il en falloit à César, aidé de toute son armée, pour gâgner la bataille de Pharsale ; je tiens pour l’affirmative : & c’est ainsi qu’il faut décider la prééminence de la raison transcendante par elle seule, sur la raison appuyée d’instrumens étrangers à sa nature. Dalainval regarda sa Maîtresse avec une sorte d’admiration, il auroit bien pu lui répondre, mais il ne se croyoit pas apparemment assez préparé. - Si l’ennemi, reprit-elle, en riant de sa surprise, a sur vous les forces du nombre, il faut l’éviter, se poster avantageusement, & imiter Fabius, dont les campemens contre Annibal sont, m’a-t-on dit, les plus célebres de l’antiquité. Mais avec tout le respect que j’ai pour une traduction de Tite-Live, je ne vois, dans le secours négatif du fameux Temporiseur, qu’une opération de jugement assez commune : vingt batailles perdues avant qu’il arrivât, & l’épouvante des troupes devoient la lui suggerer sans efforts : tant de prudence étoit un défaut de génie, & deshonoroit les Romains, même en sauvant la République. Ah Colonel, que j’en sens bien davantage dans ces petits vers élégans qui sont échappés de mon coeur sur les affaires du Parlement de B....

    De Versailles le buletin
    De main de Maître nous crayonne
    Les droits sacrés du Souverain :
    C’est Louis XII qui raisonne
    Du vrai bonheur du genre-humain.
    Louis XIV, qui du trone,
    Soutient le poids sans Mazarin,
    Et Louis XV qui pardonne.


Si le génie suppose toujours invention, dit l’Auteur de l’Esprit, toute invention, cependant, ne suppose pas le génie. Ainsi, Monsieur, la guerre par excellence comporte, si l’on veut, beaucoup d’invention, mais tout son génie paroît si contraint, si dépendant, des plus petites choses, qu’on ne sait pas encore si César étoit réellement supérieur à Sertorius. – Courage, Madame, vous ne vous plaindrez pas du moins des égards que j’ai pour vous. Je pourrois trancher à tout moment le fil de vos idées, mais j’aime trop la main qui les conduit, & mon silence obstiné détruit assez votre édifice anti-militaire. - Ne vous en flattez pas, Dalainval. Dans une de ses premieres expéditions Monsieur de Turenne fut repoussé. On ne lui sauroit contester d’être né avec tout le talent possible pour la guerre. Cependant il fut battu. Il en vit la raison, & confessa qu’il n’avoit reçu cet échec que pour n’avoir pas suivi les regles. Or, qu’est-ce donc que ce génie martial dont vous parlez, qui ne peut trouver sur le champ dans son propre fond une loi nouvelle, qui puisse ramener une armée mise en déroute pour s’être écarté d’une loi établie ? Quand les grands Poëtes, les divins législateurs s’écartent des regles, ils réussissent encore au milieu de leur écart, & voilà donc une regle nouvelle : mais le Guerrier, pour démontrer la supériorité du génie des Armes sur celui des Lettres : ne sera pas, je crois, une regle de génie d’une bataille perdue. Je soutiens qu’oui, repartit Dalainval avec vivacité, & malgré le plaisant de votre objection, la retraite des dix mille, celle d’Arras, celle de Prague, sont des coups de vrai génie ; & j’aimerois mieux perdre comme Xenophon, Turenne, Condé & Belle-Isle, que de gagner comme Charles XII. Au moins conviendrez-vous, repliqua la Comtesse qu’un peu de géographie, de mathématique, beaucoup de courage & de bonheur suffisent tous les jours pour dévaster l’univers. Plusieurs sciences, une grande connoissance des livres & des hommes, ne sçauroient créer un grand esprit, encore moins un beau génie. Si votre armée..... Car depuis que vous ravagez l’Allemagne, j’ai lu Feuquieres, ne vous en déplaise. Si votre armée, disent les grands Tacticiens, est forte & aguérie, & celle de l’ennemi, foible, sans expérience, ou amolie par l’oisiveté, il faut chercher les batailles, comme firent Thémistocle & Mitridate avec leurs vieilles troupes victorieuses. Ce précepte réduit quelquefois en pratique, & qui fait remporter des victoires complettes, renferme-t-il toute l’ame & l’expression de ce quatrain tendre & naïf que chantent toutes les femmes à la gloire de votre singuliere espece ?

    Ce que je dis est la vérité même ;
    Tous les trésors de l’univers
    N’ont de valeur que par l’objet qu’on aime,
    Que par la main dont ils nous sont offerts.


- Oh ! c’en est trop, je ne puis vous pardonner, Comtesse, de pareilles applications, ces vers sont charmans, sans doute, mais fussent-ils empruntés de l’Iliade, il regne dans vos exemples, une malignité, une fureur de rapetisser les Héros, dont tout autre que vous se repentiroit. Car enfin, quel choix badin introduit à la place de tant de grandes actions, qui devoient passer du moins par une bouche si belle, & faite pour célébrer les hommes illustres avec plus de graces que toutes celles d’Homere. - Que voulez-vous dire, Monsieur ? Ne dois-je pas asservir mon sexe à la dispute, & non pas la dispute à mon sexe ? Mais vous êtes piqué, & déja vous sentez l’inégalité de génie que la nature a marquée, malgré vous, entre le cheval Pégaze & le cheval de Troye. Dalainval ne pût s’empêcher de sourire au lieu d’argumenter. Epaminondas, continua la Comtesse, étoit pauvre & Philosophe, & n’avoit jamais fait la guerre ; dès sa premiere campagne, il fit trembler toute la Grèce. Lucullus, ce Romain si voluptueux, part de Rome, étudie la guerre pendant la route, arrive en Afrique, & défait Amilcar en descendant de cabriolet. De ces exemples multipliés, il semble donc que l’on peut s’illustrer aux champs de Mars à bien juste prix. - A juste prix ! Madame, ô Ciel ! Cet Epaminondas, ce Lucullus, & tant d’autres Héros nés avec l’instinct céleste des combats, n’attendoient que l’heureuse occasion de lancer la foudre. – Mon Colonel, à cette objection spécieuse, je n’ai besoin de vous opposer que la quantité de victoires imbéciles remportées contre toute apparence, & dont l’histoire ancienne & moderne est remplie. Sçavez-vous ce qui porte le plus un air de génie à la guerre ? C’est le mensonge éternel dont on y fait usage, parce qu’il agit indépendamment de certaines pratiques matérielles qui décident des beaux succès ; mais il reste sans fruit, & l’on n’y croit plus : c’est un moyen si facile, si peu généreux, qu’en vérité, il faut bien manquer de ressource pour l’employer. Oh ! repliqua Dalainval, si l’on combattoit encore avec l’ame noble de Lycurgue, qui n’a jamais poursuivi l’ennemi, ni usé de retranchement, vous sentez bien que.. – oui, je sens, Monsieur, qu’il n’y auroit pas aux yeux de notre siecle philosophique, assez de lauriers à cueillir en une heure, ni assez d’hommes à exterminer en un jour. Et malgré tout ce qu’on nous dit de la diversité des circonstances militaires, on voit piller des victoires dans les gens de l’art, comme un Musicien dérobe à l’autre des airs qu’il présente comme nouveaux au public. En un mot, donnez-moi la rage de la gloire, & le Royaume de France, en dix ans je fais la conquête du Monde. – Comtesse, elle est déjà dans vos yeux, la France est inutile. - Ah ! que vous êtes galant, Dalainval ! vous convenez donc que les preuves du vrai génie sont toutes concentrées dans un livre, & qu’il est bien plus l’ouvrage d’un seul homme, qu’une victoire qui semble devoir tant de choses au hazard n’appartient à un seul Général. – Moi, Madame ? je ne conviens de rien que de votre injustice. – Ce Lycurgue dont vous parlez, ne vouloit pas qu’on fit lon-tems la guerre aux mêmes ennemis : pourquoi ? C’est qu’il craignoit de la leur enseigner ; or, Monsieur, le génie ne s’enseigne point. Platon, Moliere, Montesquieu, en donnant au public leurs différens Chef d’oeuvres, ont-il craint d’instruire leurs rivaux à les égaler ou à les surpasser ? Je me rappelle une pensée de Fontenelle, qui se joint à moi pour vous terrasser ; la rencontre est désagréable, mais vous êtes généreux, écoutez votre Arrêt : » la plupart des gens de guerre font leur métier avec beaucoup de courage, il en est peu qui y pensent ; leurs bras agissent aussi vigoureusement que l’on veut, leur tête se repose, & ne prend presque part à rien. » Cependant les loix de la guerre ne pardonnent pas deux fois ; aussi les observe-t-on avec un scrupule qui coupe les aîles à toute sorte de génie, & c’est ce qui fait que la tête sommeille. Les applications les plus nouvelles périssent dans leur germe, les conséquences tiennent de si près aux principes, qu’à peine peut-on distinguer dans une action éclatante, la cause d’avec son effet : les grandes manoeuvres n’y vont jamais que d’un vol uniforme, comme les Dieux de la fable, on n’y fait que planer ; celui qui voudroit y faire un saut, seroit puni en gagnant la victoire pour avoir risqué de la perdre, & la poudre à canon est sortie des enfers depuis quatre cens ans pour tuer la valeur, & pour ôter au génie ses dernieres espérances. Les récompenses y sont quelquefois excessives, & les châtimens presque toujours atroces, c’est-à-dire, qu’on y fait rarement de grandes choses, & très-souvent de grosses fautes, nées de l’inobservance des regles infaillibles, qui du plus grand génie ne seroient qu’un barbare affamé de sang : mais il en est du moins dans ces vers d’un amant maltraité :

    Grotte sombre, épais bocage,
    Où ses voeux & mon hommage
    De nos mains furent gravés,
    Rappellez à la volage
    Les momens que vous sçavez.


- Je cesse de vous entendre, Madame, si vous n’ajustez plus sérieusement vos citations au sujet important dont vous m’entretenez. Ne suis-je pas convenue, dit la Comtesse, qu’à l’égard des Chefs, soit qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, la chose publique les rend respectables, & même qu’il est de beaux traits dans le spectacle sanglant des guerriers de toute espece ? Mais ce mérite là ne part point du génie, il naît de la vertu, tous les hommes en sont capables, & chacun même la porte dans son coeur à sa maniere. Le plus beau sentiment du guerrier n’a donc rien que de commun avec tout le reste de la nation ; & dans ce sens encore, il n’est pas si préférable ni si fort au-dessus de tous ceux qui aiment ou qui servent différemment leur patrie. Après tout, le plus grand malheur des hommes n’est pas d’être subjugué par un autre peuple, comme le bonheur suprême n’est pas de soumettre une nation étrangere. – Morbleu ! Madame, parcourez les Folards, & tous les fastes de la vengeance, vous y verrez pourquoi il faut accabler son ennemi, ou en être accablé, vaincre ou mourir. Le lustre des armes se ternit, quand on ne songe qu’à conserver ce qu’on a, sans se soucier de faire des conquêtes ; la réputation se perd premierement, ensuite la puissance : des gens qui renoncent à la vie avec tant de légereté, ne seroient pas les premiers des humains ! – J’y consens, Dalainval ; mais s’il y a dans ce parti beaucoup de force d’ame, si les guerriers affrontent immédiatement la mort, chacun du moins espere de lui échapper ; les uns y volent enflammés d’un point d’honneur qu’ils estiment plus que la vie, & les autres, qui sont le grand nombre, sont forcés d’obéir : à tout cela, je ne vois point encore le génie : dans les uns c’est avarice, ambition, ou vertu toute pure, dans les autres, c’est esclavage. Une grande connoissance de la guerre est la principale qualité d’un Chef, l’expérience la donne ; car enfin, de l’aveu même des plus fameux Héros, on ne naît pas Capitaine, & la plupart ont reconnu dans la guerre moins de talent que de dangers : cependant un évenement mémorable semble les contredire ; c’est que le génie d’un coup de canon renversa Turenne sur la poussiere. Vous dormez, Colonel ? – Non, Madame, j’étouffe. Il ne vous manque plus que d’étendre votre cruel pirrhonisme sur le courage naturel &... en vérité, interrompit la Comtesse, il n’est qu’une très-petite étincelle du feu divin de l’enthousiasme. Quantité de beaux esprits, au lieu de bravoure, n’ont montré, je l’avoue, en mainte occasion que des preuves de lâcheté ; comme à l’égard des talens agréables & nécessaires, beaucoup plus de Héros ont donné des marques de l’esprit borné le plus crasse. Enfin, Monsieur, quand la guerre, ce composé d’honneur, de justice & de clémence, seroit aussi le siége des actions les plus belles, & le sol du vrai génie, qui pourroit mieux y réussir que ce petit nombre d’hommes, qu’on veut en éloigner, illuminés par nature, dévoués à l’étude pour étendre les ressorts de leur ame, & fortifier la trempe de leur esprit ? Socrate cueillit des lauriers autant qu’Alcibiade, & lui sauva la vie dans les combats : voilà d’où vient les seuls guerriers austeres, éclairés, justes & magnanimes, sont véritablement illustres. Et voilà, s’écria Dalainval avec transport, ce que je voudrois être ! – Attendez, s’il vous plaît : chacun réussit dans les armes ; pour les plus malheureux, il ne faut qu’y vieillir, commander, les grands succès couronnent leurs travaux. Mais la guerre, toujours honorable par ses motifs vertueux, est en même-tems, de toutes les professions utiles, la plus facile & la plus pénible ; tandis que dans la carriere philosophique, la plus douce, la plus nécessaire occupation des hommes, toutes les ressources du savoir, ne donnent pas le génie : eh pourquoi l’art de s’exterminer sembleroit il obtenir ce que toutes les sciences & la sagesse même ne sauroient atteindre ? Quand une belle désolation regne sur la terre, parmi les corps morts & les membres palpitans ; quand l’atmosphère, déchiré en mille éclats, dégoute le plomb, le fer & la flamme ; quand on dirige avec fureur les coups de fusil sur les seuls Officiers, il est encore de subtils stratagêmes pour assassiner dix mille moutons déguisés en héros : mais combien est-il plus facile de répandre tant de sang, que de produire ce couplet heureux, où respirent les graces & l’humanité ? La Comtesse chante :

    Lubin, pour me prévenir,
    Lit dans ma pensée,
    Et de même à le servir
    Je suis empressée ;
    Notre intérêt est commun,
    Mon bien c’est le nôtre,
    Et l’ouvrage que fait l’un    
    Est toujours pour l’autre.


Ici Dalainval, outré de dépit, change de couleur & paroît sévanouir : la Comtesse cherche vîte, vîte, un flacon de senteur, qu’elle lui répand tout entier sur le visage, en continuant de parler : âgé de vingt & un an, le Grand Condé remporta une victoire célebre : Voltaire, à-peu-près dans un âge aussi tendre, imagina un Poëme épique immortel. Mettons le Poëte à la place du Général, & le Général à la place du Poëte ; on conçoit mieux comment Voltaire auroit pû gagner la bataille de Rocroi, qu’on ne voit comment le Grand Condé auroit composé la Henriade. Pour fixer, enfin, la prééminence naturelle entre le génie des Lettres, & le génie des armes, il vous est permis de comprendre, mon cher Colonel, auquel de ces deux hommes rares je décerne la palme : mais il sera toujours vrai que Henri IV, vainqueur & pere de la Patrie, étoit un grand Homme.. – Ah ! je renais, Comtesse ! adorable Comtesse ! vous êtes la Déesse de l’éloquence, mais je pars demain pour l’armée. – Non, Dalainval, non, il n’en sera rien, vous dis-je ; ouvrez ma loge, Colonel, & donnez moi la main jusqu’à mon carrosse..... Mais à propos, voilà un Opéra qui nous a fort amusés.

Là-dessus, Madame, nous les vîmes disparoître, & ce ne fut pas sans quelque regret : leur contestation, militaire & galante, apprêtoit à penser. Mais il faut convenir que M. le Colonel, sans doute en amant qui sait vivre, s’est défendu assez mal. Et les atômes ? dit le Baron. - Ah ! mon cher maître, les belles peaux de Renard ! suivant l’attraction, elles expriment les ruses les plus fines de l’espece humaine. - Bon, répliqua-t-il, vous profitez. Mais jettez les yeux sur le balcon du Roi, & considérez cet homme qui lèche au front des gens qu’il n’a jamais vus ; petit courtisan cousu d’impostures, il offre à chacun sa faveur auprès des Ministres, & n’avance que lui-même. Regardez à ma gauche ce gros homme noir dans sa Pellisse de Procureur ; l’insigne renard ! rien ne lui échappe, il met en pieces la veuve & l’orphelin, fut-il de la Chine. Ecoutez derriere nous, lui dis-je, ce petit homme sec, pâle & bavard, il voudroit s’énoncer, n’est-ce pas ? mais son renard même l’accable. Oui, Chevalier, c’est un crâne, un chrysologue, il ne fait qu’effleurer les objets, & sa finesse est de paroître les approfondir : il a tout l’air d’avoir fait les vers & la musique. - Y pensez-vous, Baron ? ce sont-là deux caracteres : j’avoue qu’on peut deviner un musicien au frac d’un rossignol d’Arcadie, mais vous ne pouvez connoître le Poëte qu’à la Pellisse d’un dindon.

Nous apperçumes dans la coulisse, aux genoux d’une Héroïne, un jeune Magistrat garni de bouc ; la Princesse n’étoit pas en bonne odeur.

Tout chat d’Espagne nous parut être le symbole des traîtres & des politiques. Un gros Commis fort brutal, & qui passoit pour franc, en étoit doublé ; mais le bruit étoit faux, & le chat disoit vrai.

- Par exemple, Chevalier, j’admire à chaque instant ce chat d’ariettes mis en récitatif, & qui laisse poliment au public la liberté de rire ou de pleurer.

- Maintenant, Baron, montrez-moi, je vous prie, l’élégante Pellisse d’un avare, je la crois instructive. Vous n’aurez point ce ragoût, Chevalier ; la complexion de l’avare est au-dessus des saisons, & son ame au dessous de l’humanité ; un avare sait dompter les passions les plus aimables, hors celle qui le tourmente : la fourure de l’avarice ne peut exister, les bêtes ne sont qu’économes.

- A ce défaut, j’espere bien, lui dis-je, appercevoir quelques-uns de ces maris sublimes, de ces esprits-forts du lien conjugal, qui sans doute ont à choisir parmi les belles peaux de mille bêtes complaisantes en ménage. Il m’annonça que je n’en verrois point – Comment ? un vendredi ! dans ces beaux lieux ! Eh ! que devient votre systême ! Mais, reprit le Baron, il ne varie point ; une tête fortifiée, comme vous l’entendez, n’est guères du goût d’un mari, & je ne connois aucune brute qui soit de cette humeur par principe. A la vérité, la conduite stupide & relâchée que la plûpart des bêtes, mâles & femelles, tiennent sur cet article, vous permet de croire que toute Pellisse est un signe vraisemblable des mauvaises plaisanteries de l’Hymen. - Cet accommodement me rassure, Baron ; il faut pourtant se borner, & je ne mets qu’un tiers des maris dans le cas, supposé leurs femmes jolies. - Rien de plus discret, Chevalier, vous en épargnez plus d’une qui ne passe pas pour l’être. Mais, que vois-je ? Encore un combat ! Ah, j’aimois bien mieux le ballet des poignards. - Laissons cela, Baron, nous sommes peut-être amis, sans le sçavoir, du Poëte & du Compositeur, car voilà ce qui arrive dans la critique, & ce dernier même ne manque pas de génie. Il vaut mieux nous étendre sur la fourrure du sexe ; je vois d’aimables frileuses : heureux mantelets ! vous n’êtes ornés que d’un simple lapin entrelassé de petit gris, mais vous baisez des lys & des roses ! Ce lapin, je le conçois, exprime la chaleur de l’amour & la fécondité.... Attendez pourtant, le mêlange de peaux me déroute encore. – Mon cher Disciple, ce gris est là pour vous montrer que dans les femmes, il n’est point d’amour si pur, qui ne soit altéré par quelque corps étranger.

- Les martres qui font sortir les yeux de la tête, & les hermines qui ternissent le plus beau teint du Monde, brilloient de toutes parts ; elles sont l’étiquette des goûts fasteux & prodigues : je remarquai que les mieux choisies ornoient deux femmes parvenues, & une fille : ce qui prouve la singuliere opulence des tems !

Nous n’avons encore apperçu que les Péllisses des ridicules & des vices ; n’en est-il point pour les vertus ? J’imagine qu’elles donneroient à ces Dames un vernis que j’aime infiniment. – Ah, Malheureux, Chevalier, je crains qu’elles n’ayent plus trouvé de  place ; les vertus viennent toujours si tard !

- Montrez-moi donc quelques manchons de tourterelles. – Taisez vous, innocent, les femmes ne mettent plus leurs mains que dans des plumes de coq.

Allons, Baron, il faut se rendre, voilà un choeur admirable, toute la salle applaudit, & le Poëte va se montrer à cheval sur le Musicien : qu’en dites-vous ? – Je dis que cela m’étonne un peu, car les paroles sont trop bonnes pour la musique, & la musique est trop bonne pour les paroles. Mais j’apperçois sur cette riche Marchande, des plumes de geai, qui peignent assez bien le babil & la friandise.

Nous parcourûmes des yeux toutes les loges, sans y pouvoir distinguer un fat par sa Pellisse ; & nous pensâmes qu’il lui est impossible d’en trouver d’analogues à son penchant ; les brutes n’ayant pas un grain de vanité.

En grace, dites-moi, Chevalier, d’où vient, à la reprise de cet Opera, ce guerrier du Nord se tue sur la scene ; il me semble que le suicide est encore plus trivial que les autres catastrophes ; à moins que le Poëte, Philosophe extrêmement, ne soit convaincu qu’il est plus grand de s’égorger soi-même, que de se livrer à la reconnoissance.

Entre toutes ces peaux caractéristiques, passées en revues, épluchées à plaisir, il s’en rencontra des plus folles : je fus même révolté de voir un membre d’Académie sous une peau d’âne oriental, & d’une autre de cochon d’Inde, où se rengorgeoit un gras bénéficier.

Un célebre Médecin dans le ventre d’un tigre d’Hircanie rioit de sa science conjecturale.

Le loup étant, sans contredit, le Cartouche des forêts, nous décidâmes, fondés sur les mollécules attractives, que le public n’en fait usage au spectacle que pour voler des montres d’or.

Baron, le dénouement s’approche. Où soupez-vous ce soir ? Nous y causerons du génie & de la variété de tous ces chants-là, qui, très-singulierement, composent une musique Allemande, Italienne & Françoise. – Oui, Chevalier, on croit s’ennuyer pour une seule nation, & l’on baille pour toute l’Europe.

- Déja, quelque intéressantes que puissent être ces diverses toisons, dis-je à mon pathétique Atomiste, j’admire qu’il n’en est point ici de semblable à la vôtre, vous êtes naturellement le seul ours de l’assemblée. - Ne vous l’avois je pas prédit, Chevalier ? Il n’est rien de si rare que le vrai Philosophe, ou que celui qui veut l’être. L’ours, animal grave & courageux, fuit l’homme sans le haïr ni le craindre ; il est à peu près l’image de cette misantropie sérieuse, sans férocité ; plus modeste que Jean-Jacques, elle est amie des arts, elle croit aux vertus ; indulgente au ridicule, elle soupire auprès du vice, & ne l’irrite jamais.

Par les misteres que je viens de vous développer, souvenez-vous, cher mari, qu’il faut étudier la nature, elle n’est pas toujours impénètrable, &.. - Il alloit poursuivre, lorsqu’on baissa la toile ; il fallut nous sauver, & tout en perçant la foule, la tête remplie d’attraction & d’atômes, je fredonnois mes portraits corpusculaires sur les Vaudevilles Héroïques de la mer Glaciale.


FIN.


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