Venir à la clarté sans force & sans adresse, Et n'ayant fait long temps que dormir & manger, Souffrir mille rigueurs d'un secours estranger Pour quitter l'ignorance en quittant la foiblesse :
Apres, servir long temps une ingratte Maistresse,
Cabaler dans la Cour ; puis devenu grison,
C'est l'heureux sort de l'homme. O miserable sort! |
Beau Monstre de Nature, il est vray, ton visage Est noir au dernier point, mais beau parfaitement : Et l'Ebene poly qui te sert d'ornement Sur le plus blanc yvoire emporte l'avantage.
O merveille divine, inconnüe à nostre âge!
Entre ces noires mains je mets ma liberté ;
Mais cache toy Soleil, toy qui viens de ces lieux |
Meurs, timide penser, ennemy de ma joye, Qui portes dans mon sein la tristesse & la mort : Mes jours furent filez d'une si belle soye Que je n'ay point à craindre aucun funeste sort.
Desloge de mon coeur, ce n'est pas une proye
Ce n'est pas que je pense avoir tout le merite
Mais c'est sur sa vertu que mon espoir se fonde : |
Auprès de cette Grote sombre Où l'on respire un air si doux, L'onde lutte auec les cailloux, Et la lumiere avecque l'ombre.
Ces flots lassez de l'exercisse
C'est un des miroirs où le Faune
L'ombre de ceste fleur vermeille,
Les plus aymables influances
Dans ce Bois, ny dans ces montagnes
Ce vieux chesne a des marques saintes ;
Ce Rossignol melancholicque
Il reprend sa note premiere
Sur ce fresne deux Tourterelles
Un jour Venus avec Anchise
Dans toutes ces routes divines
lamais les vents ny le Tonnerre
Croy mon conseil, chere Climeine,
N'oy tu pas soupirer Zephire
Sa bouche d'odeurs toute pleine
Tu ne dois pas estre estonnée
Bien que ta froideur soit extresme,
Voy mille Amours qui se vont prendre
Cette troupe jeune et folastre
Je tremble en voyant ton visage
De crainte de cette avanture,
Veux tu par un doux privilège
Ah! je n'en puis plus, je me pasme,
Ta bouche d'un baiser humide
J'aurois plus de bonne fortune |
Je surpris l'autre jour la Nymphe que i'adore Ayant sur une jupe un peignoir seulement ; En la voyant ainsi, l'on eust dit proprement Qu'il sortoit de son lit une nouuelle Aurore.
Ses yeux que le sommeil abandonnoit encore,
Amour, si mon Soleil brusle dés le matin,
Dieux! quelle est la Beauté qui cause ma langueur? |
Que vous avez d'apas, belle Nuit animée! Que vous nous apportez de merveille et d'amour. Jl faut bien confesser que vous estes formée Pour donner de l'envye et de la honte au jour.
La flame esclate moins à travers la fumée
Mais ce n'est point ainsi que ces Divinitez
Car vous voyant si belle, on pense à vostre abord |
Je veux eslever jusqu'aux cieux Un objet qui plaist aux beaux yeux Que les miens treuvent adorables : Et monstrer avecque raison Qu'entre les couleurs agreables, Le vert est sans comparaison.
Lorsque le Monde fut produit,
Le vert est l'ame des desirs
C'est le simbole de l'espoir,
Amour y treuve tant d'attraits
La belle Iris se faisant voir
Le vert par ses rares vertus
La Rose, la Reine des fleurs,
Au jugement des bons espris |
Je croyois que vous eussiez Mille vertus heroïques, Je croyois que vous feussiez De ces esprits angeliques, A la fin l'emotion De la moindre passion Montre le fonds de vostre ame Ou je voy distinctement Que vous n'estes qu'une femme, Mais femme, parfaitement. |
Europe s'apuyant d'une main sur la croupe Et se tenant de l'autre aux cornes du Taureau, Regardoit le rivage & reclamoit sa troupe, Qui s'affligeoit de voir cet accident nouveau.
Tandis, l'amoureux Dieu qui brusloit dedans l'eau,
Mais Neptune envieux de ce ravissement,
Inconstant, qu'un sujet ne sçauroit arester, |
Telle qu'estoit Diane, alors qu'imprudemment L'infortuné Chasseur la voyoit toute nue ; Telle dedans un Bain Clorinde s'est tenue, N'ayant le corps vestu que d'un moite Element.
Quelque Dieu dans ces eaux caché secretement
Le traistre, l'insolent, n'estant qu'une eau versée,
Cependant cet Objet dont je suis Idolastre |
Voyant dessouz un Ciel ma Clorinde en langueur, Mille Amours desolez pleurent de son martire, S'entredisans tout bas, que la mesme rigueur Qui change ses beautez, destruira leur Empire.
Aprochez, Medecins, & vueillez un peu dire
Mais quoy? vous abusez de vostre privilege ;
ll vous est bien permis d'approcher de sa couche, |
Vieux Singe au visage froncé De qui tous les Pages se rient, Et dont le seul nom prononcé Fait taire les enfants qui crient. Vieux simulachre de la Mort, Qui nous importunes si fort Par le chagrin de ta vieillesse ; A parler sans déguisement, Le temps avec trop de paresse Te traîne vers le monument.
Il n'est point de chesnes plus vieux,
Mais on ne vit plus si long-temps :
Rentre dans ton dernier repos,
Pourquoy viens-tu dans cette Cour,
C'est toy qui murmure tousjours
C'est toy qui d'un coeur obstiné
Deuant toy l'on ne peut parler
La Vertu froide et sans couleur
Avec d'importunes clartez
Quand tu m'as blessé jusqu'au coeur
Desormais aplique toy mieux, |
Soupir, subtil esprit de flame Qui sors du beau sein de Madame, Que fait son coeur aprens-le moy? Me conserve-t'il bien la foy? Ne serois tu pas l'interprete D'une autre passion secrete? O Cieux! qui d'un si rare effort Mistes tant de vertus en elle, Destournez un si mauvais sort : Qu'elle ne soit point infidelle, Et faites plustost que la Belle Vienne à soupirer de ma mort, Que non pas d'une amour nouvelle. |
Deux Merveilles de l'Univers Tiennent en leurs mains ma fortune, Et leurs appas sont bien divers : Car l'une est blonde, & l'autre brune. Cependant leurs jeunes beautez Regnent dessus mes volontez Auec une egalle puissance, Et dans leur glorieux destin Je ne voy que la difference D'un beau soir & d'un beau matin. |
Cy gist un chien qui par Nature Sçavoit discerner sagement Durant la Nuict la plus obscure Le Voleur d'avecque l'Amant. Sa discrette fidelité Fit qu'auec beaucoup de tendresse A sa mort il fut regretté Par son Maistre, & par sa Maistresse. |
Si l'amour du bon vin qui ton visage enflame Adoucist quelquefois ton courage irrité, Suisse, rabats un peu de ta severité, Et permets ce matin que i'aille voir Madame.
Deux flacons d'un muscat qui touche jusqu'à l'ame
Si ce lieu m'est tousjours de si fascheux accez,
Dieux! pour eterniser la rigueur de mes fers |