L'HISTOIRE des diverses Religions du monde présente un des sujets les plus vastes et les plus dignes de l'attention du philosophe. Du couchant aux portes de l'aurore, des régions glacées du Spitzberg aux confins des terres Magellaniques, on voit l'homme, cet être si vain, qui veut donner des lois à l'univers, s'agenouiller devant un marbre, adorer un reptile, ou pâlir au seul nom de ces divinités invisibles, qui ne doivent leur existence qu'à son imagination en délire. Objet inconcevable de mépris et d'admiration, d'attendrissement et de haine, l'être le plus parfait dont la nature puisse s'enorgueillir, est en même temps le plus insensé de tous. Si, par son génie, par ses lumières, par ses découvertes sublimes, il s'élance jusqu'à la voûte éthérée, bientôt l'aveugle crédulité, le fanatisme odieux, les systêmes erronés, les préjugés iniques le foudroient dans le plus profond des abîmes. L'heureuse médiocrité des animaux lui est interdite. Sans cesse il erre d'un pôle à l'autre ; et, sourd à la voix de la nature, méconnoissant cette force expansive qui l'environne, cette source intarissable de vie, ame de l'univers, principe de toute existence, il peuple la terre et les cieux de dieux imaginaires, toujours armés du foudre, dont il prêché le culte, le fer en main et le fiel dans le coeur.

Tels sont les maux qui pèsent de toutes parts sur la nature humaine, et dont l'homme ne peut accuser que lui seul. Foible et vacillant par l'abus de sa propre force, délirant par l'excès de son génie, il embrasse avec fureur les opinions les plus absurdes, plutôt que de rechercher la cause des phénomènes qui frappent ses sens. L'ignorance l'égare, et déja l'amour-propre vient joindre ses poisons aux dangers de l'erreur. Ces dieux terribles, que créa son imagination effrayée, l'insensé croit se les rendre propices, en les fatiguant par des voeux impuissans. Il les suppose toujours occupés de ses intérêts, toujours prêts à déranger en sa faveur l'ordre immuable de la nature. Bientôt, enhardi par son orgueil, il se met en relation avec eux, et, devenu leur ministre, il embouche la trompette sacrée pour annoncer aux mortels leur volonté suprême.

Quelles furent la source de ces erreurs et la cluse de leur propagation ; à quelle époque doit-on rapporter l'origine du culte des dieux, et peut-on se former une idée de la religion primitive ? telles sont les questions importantes qui se présentent naturellement ici, et sur la solution desquelles nous hasarderons quelques réflexions.

SI l'homme fût toujours demeuré dans l'état de simple nature, il est plus que probable que jamais il n'eût conçu l'idée de la divinité. Errant, isolé sur une terre inculte, disputant sa proie aux bêtes des forêts, sais cesse occupé du soin de sa conservation il avoit trop peu de loisir, ses affections étoient trop matérielles trop uniformes, pour le conduire à la découverte d'un principe éloigné, dont le développement suppose et le repos et la méditation. D'ailleurs, si la perfectibilité de l'espèce humaine dépend exclusivement de la réunion des hommes ; si jamais on ne vit de sauvage outrepasser seul et sans secours la mesure d'instinct que la nature a donnée à tous les animaux ? comment les premiers mortels, dispersés sur la terre, ne connoisant que des besoins physiques, eussent-ils pu s'élever à la recherches des causes premières, et à bâtir ces systêmes brillans qui servent de fondement aux différentes religions.

Ces religions doivent leur existence au rapprochement des hommes, à leur civilisation. Mais ici les idées deviennent si confuses, la tradition est si vague, si obscure, que, pour trouver quelque lumière, il faut revenir sur ses pas, et tâcher de saisir la marche que dut prescrire la nature au développement de nos facultés.

Les premiers hommes furent chasseurs ; tel dut être du moins l'état primitif de l'espèce humaine, état affreux de guerre et de férocité, qui, l'assimilant aux bêtes carnivores, rejette loin d'elle toute idée d'association et de propagation. Le sauvage chasseur fuit la présence de ses semblables. Il parcourt les forêts, les montagnes, toujours incertain de son sort, toujours prêt à répandre le sang. Le repos lui est interdit. Ce n'est que par une activité continuelle qu'il peut suffire aux besoins de la vie. Ainsi s'écoulèrent pour l'homme des siècles d'horreur et de misère. I1 ignoroit alors et les biens et les maux de l'état social : ses besoins étoient ses lois ; la proie qu'il venoit de saisir étoit son Dieu tutélaire.

Parmi les sauvages chasseurs, ceux qui errèrent souvent sur les bords de la mer, devinrent insensiblement ichthyophages, et perdirent quelque chose de leur férocité. L'apparente stupidité de l'espèce aquatique, privée des organes vocaux, le peu de pitié qu'elle inspire, la patience et la tranquillité nécessaires à l'état de pêcheur, tout concourut à rendre les ichthyophages moins inhumains et moins vagabonds que les peuples chasseurs. Ils côtoyoient la mer et les rivières, et prirent un tel attachement pour ce genre de vie, que ceux qui ne se civilisèrent point l'ont conservé jusqu'à nos jours.

Dans les contrées les plus fertiles dune terre inculte, quelques hommes purent être rhizophages, c'est-à-dire, se nourrir de racines et de fruits. Quoique isolés sans doute, ils n'avoient pas autant besoin de se fuir que les peuples chasseurs. Les productions de la terre sont plus abondantes, même sans culture ; elles sont plus faciles à recueillir qu'il n'est aisé d'atteindre des animaux à la course. L'état des rhizophages, qui quoi qu'en aient pu dire quelques philosophes, ne fut point l'état primitif et général de l'espèce humaine, étoit plus tranquille et plus doux que celui des chasseurs. Ils habitoient des climats fortunés, et n'avoient pas besoin de répandre le sang. Aussi, par une longue expérience, et par l'accroissement des besoins résultans de la propagation de l'espèce, cet état put conduire l'homme à celui de cultivateur, comme la condition des peuples chasseurs les emmena par degrés à celle de nomades, qui nous reste à examiner.

L'usage de parquer des animaux, de se nourrir de leur lait ou de leur chair, de se vêtir de leurs peaux ou de leurs toisons, remonte aux temps les plus reculés. En effet, l'exercice violent et continuel de la chasse, la difficulté d'atteindre sa proie à la course, l'incertitude de suffire à sa subsistance, tout dut facilement inspirer à l'homme l'idée de fixer des bestiaux auprès de lui, d'en prendre soin, de les faire multiplier, et telle fut l'origine de la vie pastorale, vie paisible et délicieuse que les poètes ont appelée l'âge d'or ; ils vouloient dire l'âge de l'innocence et de toutes les vertus. Assez d'autres ont célébré ces temps fortunés où, suivi de sa compagne fidèle, l'homme, en paix avec toute la nature, menoit paître ses joyeux troupeaux, aux rauques accens de ses pipeaux rustiques. Pour moi, je ne dois examiner ici que le caractère particulier de la vie pastorale ; et je vois que ce qui distingue sur-tout les nomades des autres peuples, c'est cette aimable oisiveté, cette tranquillité parfaite dont ils jouissoient. Sous un ciel pur, enfermés dans leurs parcs, ils passoient et les jours et les nuits à la garde de leurs bestiaux, sans chagrins, comme sans ambition. Le plus grand des spectacles étoit sous leurs yeux. L'astre brillant de la lumière, les feux étincelans de la voûte azurée rouloient au-dessus de leur tête, et fixèrent leurs premiers regards. Pénétrés des émotions les plus vives, ils se livrèrent à la contemplation de la nature. Insensiblement ils reconnurent et les mouvemens des corps célestes, et l'harmonique ensemble qui règne dans leurs diverses périodes. Le cours uniforme des étoiles leur apprit à les distinguer, à se rappeler leurs positions diverses ; et telles furent les premières notions de l'astronomie, qui dut ensuite son développement aux observations que nécessitent les travaux de l'agriculture, rectifiés et réduits en préceptes par une longue expérience.

Mais hélas! combien est déplorable la foiblesse de l'homme. A peine eut-il, par un téméraire essor, franchi l'espace immense qui le sépare de la voûte des cieux, qu'il ne put soutenir le spectacle enivrant de ces millions de mondes, décrivant en silence des cercles éternels. Sa tête se perdit, son imagination s'exalta, et bientôt, à la place des corps célestes, il ne vit plus que des dieux terribles ou bienfaisans, auxquels il donna mille attributs divers, et dont il célébra la gloire par des hymnes, des temples et des holocaustes.

Ainsi, la religion prit naissance de l'astronomie, et les premiers dieux des mortels (1) furent le Soleil et les Astres. Ceux que l'on appelle les dieux, dit Cicéron, ne sont que les natures des choses. Chérémon, cité pas Porphyre, s'exprime d'une manière encore plus décisive. Il dit formellement que les Egyptiens (les plus anciens des peuples connus), n'avoient point d'autres dieux que les Étoiles, les Planètes et les signes du Zodiaque, et que la fable d'Isis, d'Osiris et tous leurs mystères sacrés, se rapportoient uniquement au lever, au coucher du Soleil, aux phases de la Lune, au mouvement des Etoiles et aux inondations du Nil.

Appuyés sur des témoignages aussi convaincans, nous nous appliquerons à développer le systême de la religion astronomique dans les différentes parties de cet ouvrage. Le lecteur sera frappé de l'uniformité de construction (si je puis m'exprimer ainsi) de l'édifice religieux de tous les peuples civilisés. Il saisira facilement le lien commun qui les unit, et, muni de ce fil, il parcourra sans crainte les dédales divers où des hommes adroits et fourbes se sont plu, dans tous les temps, à égarer l'espéce humaine.

Nous n'avons pas cru nécessaire d'entrer ici dans de plus grands détails sur l'application de l'astronomie aux principales religions du monde, puisque cette application sera sans cesse rendue sensible par l'analyse que nous ferons des divers systêmes religieux. Le frontispice de cet ouvrage, que nous devons, ainsi que l'explication qui l'accompagne, à l'amitié d'un académicien aussi estimable par ses moeurs douces que par son profond savoir, ce frontispice donne une idée suffisante des rapprochemens auxquels nous avons intention de nous attacher. Les personnes qui voudront connoître à fond la théorie hiéro-astronomique, pourront consulter le Mémoire sur l'origine des constellations et sur l'explication de la fable, par M. Dupuis. Cette dissertation renferme une des plus belles découvertes que l'on ait faites de nos jours. Il étoit réservé à M. Dupuis de déchirer le voile, qui, depuis tant de siècles, déroboit à notre esprit le vrai sens des fables anciennes, de rétablir dans son antique pureté le systême religieux des Egyptiens, des Perses, des Grecs, des Romains, qui, défiguré par les traditions, altéré par le mélange d'institutions plus récentes, de cérémonies bizarres, rendu plus inintelligible encore par les écrits de nos commentateurs, ne présentoit plus à nos yeux qu'un immense chaos, contre lequel venoient échouer les recherches les plus laborieuses.

DANS toute institution religieuse on trouve trois parties trés-distinctes, la fiction, le dogme, et les rites ou cérémonies sacrées.

Nous venons de voir que la première de ces parties, quoique modifiée de différentes manières, fut essentiellement la même chez tous les peuples civilisés. Tous adoroient le Soleil et les Astres. Mais, étant sous diverses positions de la sphère céleste, ayant chacun un calendrier rural particulier, différant par l'esprit, par les usages, par le génie, ils masquèrent les bases de leur religion par mille allégories ; et le Père de la nature fut pour eux Osiris, Mithras ou Jupiter Ammon, suivant qu ils habitèrent ou l'Egypte, ou la Perse, ou la Libye.

Il n'en est pas de même des rites ou cérémonies religieuses. Images fidèles de la bizarrerie de l'esprit humain (2), elles varient presque à chaque pas, et souvent il seroit difficile de rendre raison des motifs de leur institution. Pour y parvenir, nous étudierons avec soin le génie de chaque peuple, nous jetterons mi coup-d'oeil sur les principaux événemens de son histoire, et nous examinerons sur-tout quelle influence il dut recevoir de la position du pays, de la température du climat, de la nature du sol qui lui échurent en partage.

Quant au dogme, c'est-à-dire, aux articles de croyance que prescrivent les prêtres de chaque religion, ils se rapportent généralement aux deux grands principes du bien et du mal, à ces bons, à ces mauvais génies qui, dans un état continuel de guerre, régissent le monde, et oppriment ou protégent les débiles humains ; ou, pour parler plus philosophiquement ils dérivent presque tous des systêmes divers que les hommes ont formés sur la physique du globe, et des pieuses rêveries qu'ils ont débitées pour expliquer des phénomènes souvent inexplicables. Nous verrons aussi se répandre d'un pôle à l'autre cette opinion fameuse, née de l'orgueil de l'homme, qui, non content d'exercer sur la terre un despotique empire, veut encore étendre sa puissance à tous les temps, dans tous les lieux ; le dogme redoutable de la spiritualité, des peines, et des récompenses. Enfin, nous nous appliquerons sans cesse à rapprocher, d'une part, ce qu'il y a de commun dans les religions des peuples ; et, de l'autre, à rechercher la cause des différences, quelquefois étonnantes, que l'on y remarque. Par-là nous aurons peut-être fait quelques pas dans la connoissance de l'homme : tel est le but que nous nous proposons.

En terminant ces réflexions rapides, nous ne pouvons résister à l'envie de rapporter ici un court fragment de la Chaumière Indienne de M. de Saint-Pierre. Il présente, sinon une analyse historique et fidèle, du moins une ingénieuse allégorie des maux que répandirent sur la terre et le culte des dieux, et la superstition.

« Il importoit peu qu'on eût fait jadis de la lune, sous le nom de Diane, une déesse toujours vierge, qui présidoit à la chasse. Cette allégorie signifioit que la lumière de la lune étoit favorable aux chasseurs pour tendre des piéges aux bêtes fauves, et que l'exercice de la chasse détruisoit la passion de l'amour. Il n'y eut pas un grand mal quand on lui dédia le pin dans les forêts ; cet arbre devint un rendez-vous de chasse. Il n'y eut pas encore un grand mal quand un chasseur, pour s'attirer la protection de Diane, y suspendit la tête d'un loup. Mais quand il y mit la peau toute entière, il se trouva des gens qui songèrent â en profiter ; ils bâtirent à la déesse une chapelle où l'on offrit, non-seulement la peau d'un loup, mais des moutons, afin de préserver des loups le reste du troupeau. Les offrandes s'y multiplièrent à l'occasion de la hure de quelque monstrueux sanglier qui avoit bouleversé les vignes, et qui avoit mis à ses trousses tous les chiens et toute la jeunesse du voisinage. Les chasseurs y attirèrent les pèlerins, et les pélerins les marchands. II se forma bientôt un bourg autour de la chapelle, qui, parmi tant de gens crédules, ne tarda pas d'avoir ses oracles. Comme on y prédisoit des victoires, les rois y envoyèrent des présens ; alors la chapelle devint un temple, et le bourg une ville qui eut des pontifes, des magistrats, des territoires. Bientôt on leva des impôts sur les peuples, pour lui bâtir des temples magnifiques, comme celui d'Ephèse ; et comme la crainte a encore plus de pouvoir que la confiance sur l'esprit humain, pour rendre le culte de Diane redoutable, on lui sacrifia des hommes dans la Tauride. Ainsi concourut au malheur des peuples une allégorie imaginée pour leur bonheur, parce qu'elle tourna au profit d'une ville ou d'un temple. »

QU'IL soit maintenant permis à l'éditeur de dire un mot de l'exécution de cet ouvrage.

En I723 il parut à Amsterdam un livre intitulé : Cérémonies et Coutumes Religieuses de tous les peuples du monde, représentées par des figures dessinées de la main de Bernard Picard, avec une explication historique. Le titre seul de ce livre prouve qu'on en regardoit les planches comme la partie principale, et l'on peut dire en effet que celle du discours leur est à peu prés subordonnée. D'où il résulte que, insuffisant pour les savans et les hommes de lettres par le peu de développement des recherches qu'il renferme, cet ouvrage ne pouvoit guère être utile qu'aux artistes et aux gens du monde, dont il ne remplit pas même entièrement les désirs, parce que, malgré les détails minutieux auxquels son auteur s'abandonne quelquefois, il est bien loin d'avoir complété le tableau de toutes les religions.

Ce n'est pas là le seul défaut que présente le livre des Cérémonies Religieuses. On peut dire, sans être taxé d'une critique trop sévère, que c'est une compilation informe plutôt qu'un corps d'ouvrage. L'auteur y a réuni une multitude de dissertations de mains différentes ; il copie, il traduit, il cite sans cesse ; ce qui produit une bigarrure de style, aussi fatiguante pour l'esprit que désagréable à l'oreille. D'ailleurs, il est souvent inexact, et le peu d'application qu'il paroît avoir mis dans le choix et dans le rapprochement de ses matériaux, l'a fait tomber dans des erreurs très-graves. Il seroit dangereux de rien citer d'après son Autorité.

Malgré toutes ces taches, le livre des Cérémonies Religieuses eut un succès brillant, et en peu de temps l édition entière fut enlevée, tant le sujet seul de cet ouvrage excitoit l'intérêt et la curiosité.

En 1741, MM. Banier et le Mascrier en donnèrent une nouvelle édition, laquelle est connue dans le commerce sous le nom (d'édition de Paris Ils avoient formé le projet de corriger l'auteur Hollandois. Mais à force de s'appesantir sur ce qu'ils appeloient ses erreurs, ils tombèrent dans un vice bien ridicule, celui de vouloir convertir le genre humain. Ministres des autels, le ton de liberté et d'impartialité avec lequel leur prédécesseur s'étoit exprimée sur certaines religions, avoit alarmé leur conscience. Ils s'attachèrent particulièrement à réprimer ces licences ; et à force de travail, de ce qui ne devoit être qu'une histoire, ils firent un traité de théologie.

La nouvelle compilation fut presque aussi diffuse que la première. On ne peut, sans périr d'ennui, y lire ces disputes métaphysiques sur la grace, ces querelles ridicules des Jansénistes, des Quiétistes, et mille autres puérilités, monument irréfragable de la foiblesse d'esprit de l'abbé le Mascrier. On retrouve la même foiblesse dans son style ; il est sans chaleur et sanps mouvement : enfui, si l'on excepte quelques rectifications de faits que contient l'édition de Paris, nous ne pensons pas qu'elle ait de grands avantages sur la première, que la beauté des épreuves rend même préférable pour les gravures.

Nous ne dirons rien d'une espèce de nouvelle édition faite à Paris en 1789. Ces une réimpression fautive et mutilée du texte de l'abbé le Mascrier, auquel on a joint les planches de Bernard Picard, devenues, comme on peut le croire, presque blanches à force de tirage.

L'ouvrage que nous proposons en ce moment au public, n'aura absolument de commun avec ceux dont nous venons de parler, que le sujet. Il est d'ailleurs composé sur un tout autre plan ; il sera traité d'une maniére totalement différente. L'homme de lettres qui a bien voulu se charger de cet ouvrage (M. DELAULNAYE [3]) ne négligera rien pour lui donner toute l'étendue et les développemens dont il est susceptible. Les auteurs des Cérémonies Religieuses n'avoient embrassé dans leurs travaux que les religions des peuples modernes. Nous nous ferons un devoir de réparer cette étonnante omission, et nous traiterons avec le plus grand soin de la théographie et du culte des Egyptiens, des Grecs, des Perses, des Romains, et de tous les peuples anciens. Quant aux nations modernes, nous mettrons à contribution tous les voyageurs qui, par leurs précieuses découvertes, ont, en quelque sorte, agrandi la surface du globe, Anson, Bougainville, Byron, Carteret, Pallas, Wallis, Cook, et M. la Pérouse, si le ciel le rend à nos voeux. Mais nous prenons ici l'engagement de ne faire usage de leurs relations, qu'après les avoir comparées entre elles, et soumises à une critique sévère. Notre intention est de ne jamais rien avancer que les preuves à la main, et de marcher toujours à l'abri des monumens. Plusieurs de ceux que nous avons déjà recueillis n'ont jamais été publiés.

Malgré la réputation méritée de Bernard Picard, nous espérons que nos gravures ne le céderont en rien à celles de cet artiste. Les talons de M. Moreau le jeune, sont assez avantageusement connus pour faire bien présumer de notre entreprise, et nous affirmons en son nom qu'il ne prendra pour l'aider dans ses travaux que des graveurs soigneux, vigilans, et d'un mérite distingué. Ils s'appliqueront sur-tout à là netteté du dessin, à l'exactitude scrupuleuse des formes et des contours. Ayant à retracer souvent les figures les plus bizarres, on conçoit aisément que la plus légère altération suffiroit pour changer le caractère des objets qu'ils auroient voulu représenter. Le frontispice de cet ouvrage, qui est actuellement terminé, peut donner une idée des soins que nous apporterons à contenter nos souscripteurs.

La perfection des gravures ne sera pas le seul mérite de cette entreprise : l'exécution typogra-phique lui donnera un nouveau prix. Elle est confiée à M. Didot le jeune, des presses duquel on a vu sortir le Télémaque, in-4°. et in-8°. ; l'Imitation de J. C. in-4°. ; la Bible, publiée in-8°. et in-4°. par M. de Maisonneuve ; et enfin le nouverau Testament en latin et en françois, vrai chef-d oeuvre de typographie, dont l'Assemblée Nationale vient d'agréer la dédicace (4).

L' OUVRAGE que nous annoncons formera douze volumes, grand in-4°. papier fin d'Essone, de la manufacture de M. Didot le jeune, caractères de sa fonderie dits Saint-Augustin. Ce format nous a paru réunir à plus de légéreté que les in-folio, la grandeur suffisante pour donner aux gravures tous les développemens nécessaires.

Ces douze volumes seront accompagnés d'environ trois cents planches du même format.

Chaque volume sera divisé en quatre livraisons d'environ quinze feuilles chacune.

Chaque livraison sera du prix de 15 liv. pour les personnes qui se feront inscrire, et auxquelles on ne demande aucun argent d'avance ; elles paieront chaque livraison au fur et à mesure qu'elle paroîtra.

On suivra scrupuleusement pour les épreuves l'ordre des inscriptions.

MM. les souscripteurs sont priés de donner leurs noms, qualités et demeures, afin que l'on puisse en imprimer la liste dans le cours de cet ouvrage.

Chaque livraison sera renfermée dans un carton couvert d'une étiquette qui indiquera le titre de l'ouvrage, le numéro de la livraison, et le nom du souscripteur.

La première livraison est actuellement en vente. Quoiqu'elle ne soit composée que du discours préliminaire, du frontispice et de son explication, elle est néanmoins du même prix que les autres. Mais les souscripteurs recevront la dernière livraison gratis.

La seconde livraison contiendra l'Histoire de la Religion des anciens Egyptiens. Elle sera annoncée par de nouveaux avis.

On tirera cinquante exemplaires de cet ouvrage sur papier superfin vélin d'Essone, avec figures avant la lettre. Le prix de chaque livraison sera de 30 liv. pour les souscripteurs.

On se fait inscrire, en retirant la premiére livraison, A PARIS, chez J. B. FOURNIER le jeune, Libraire, rue Haute-Feuille, n°. 27 , à qui toutes les lettres de demandes doivent être adressées franc de port, ainsi que le prix de chaque livraison.On recevra les cahiers, port franc par la poste, dans tout le royaume.

En Province et dans les Pays étrangers, chez les Libraires ci-aprés désignés.

Notes :
(1) C'est-à-dire, des mortels civilisés et adonnés aux travaux de l'agriculture. Car l'astronomie est trop au-dessus de l'intelligence les peuples que nous nommons sauvages, pour qu'ils aient jamais pu s'en former une idée. En donnant au systême de M. Dupuis tous les éloges, tous les développemens qu'il mérite, nous ne pourrions cependant, sans manquer à la vraisemblance, vouloir l'étendre à toutes les nations de la terre. Les peuples qui, par des causes particulières, sont demeurés ou retombés dans un état de barbarie, voisin de l'état de nature, n'adorent que de êtres matériels. Incapable de raisonner son culte, le Sauvage divinise une pierre, un arbre, un animal ; il les craint ou les chérit, suivant qu'ils lui ont été ou utiles ou funestes. Ainsi, lorsque nous parcourrons l'histoire de ces peuples, nous chercherions en vain à bâtir des systêmes sur leur culte religieux. Nous ne pourrons en trouver la raison que dans leurs habitudes, dans la température de leur climat, dans les vertus bien ou malfaisantes des objets divinisés par eux.
(2) Ceci ne doit point être pris à la lettre. Il existoit chez les anciens plusieurs cérémonies qui, comme nous le verrons, étoient liées au systême hiéro-astronnomique. Mais combien d'autres ne sont que bizarres !
(3) On trouve à Paris, chez Barrois l'aîné, libraire, quai des Augustins, n°19, un ouvrage du même Auteur, intitulé : de la Saltation théâtrale, ou Recherches sur les Pantomime, qui a remporté le prix à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1789, un vol. in-8°. Prix, 7 liv. 10 sous, avec neuf planches coloriées.
(4) Cette édition du Nouveau Testament, qui s'imprime sur papier superfin vélin d'Essone, a été entreprise par M. Saugrain, libraire, rue du Jardinet. Elle est enrichie de 79 planches en taille douce, gravées d'après les dessins de M. Moreau le jeune.