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C.-P. Chennevières-Pointel : Mademoiselle Gueru (1845)
CHENNEVIÈRES-POINTEL, Charles Philippe, Marquis de (1820-1889) : Mademoiselle Gueru (1845).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (25.II.2002)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56
Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire (BmLx : norm 245) des Historiettes baguenaudières par un normand publiées en 1845 à Aix.
 
Mademoiselle Gueru
par
le marquis de Chennevières-Pointel

~~~~

 

Personne n'ignore que les plus riches bibliothèques que l'on connût dans les deux siècles passés avaient été amassées avec toutes sortes de science et de patience, et qu'elles étaient pour la plupart entre les mains des plus augustes magistrats de nos provinces qui y puisaient, pour en faire gloire à la France, une accablante et quasi folle érudition. En 1786, se trouvait auditeur en la cour des comptes de Rouen M. de R...., d'une ancienne famille de Dieppe, lequel voyant déjà les livres, par leur nombre et la force croissante de la presse, s'avilir, et n'être plus dignes vraiment de la curiosité et de la peine d'un homme de bien, s'avisa de rechercher et de recueillir les manuscrits tant anciens que nouveaux, sans grand choix et de toute main. C'étaient des journaux de pêcheurs baleiniers de Granville avec la relation de l'accueil que leur fit un roi de la côte d'Afrique, et le portrait du beau singe que le prince leur offrit ; ou encore de mariniers de Fécamp qui détaillaient la manière de prendre des encornets pour servir d'appats à la morue du Grand Blanc. Il y avait là aussi des sermons de curés de campagne, les lettres ci-dessus publiées de Mme de Scudéry, une vie des saints normands, et des notes inédites de Basnage sur la coutume de Caux. Mais la partie la plus sûrement curieuse et précieuse de cette collection singulière était celle qui regardait les théâtres et spectacles de Normandie. Un des considérables manuscrits de cette classe était décoré, comme tous les autres, en dedans du cartonnage, des armoiries de M. de R...., supportées par deux génies tenant Sphère et Caducée, et il avait pour titre : Recueil des aventures et changements de condition de Nicolas Barillon, comédien, dit Avale tripes, consignés par lui-même en ces 359 feuillets. Au revers du titre, il était écrit en caractères plus modernes : «Le bonhomme Barillon composa cette sorte de mémoires vers 1676, à Tourville en Vexin où il passa sa dernière vieillesse, et chacun peut lire son nom sur la troisième dalle en entrant dans l'église dont il mourut marguillier.» Oui, dans cette petite église de Tourville, dont la flêche écaillée d'ardoises bleues est si fin effilée. Cette besogne, de très mauvais style, mais très curieuse pour la connaissance des farces du temps, il l'avait abandonnée aux mains de son curé ; c'est pour cela qu'elle s'arrête court à l'année 1669. J'en ai détaché l'histoire que voici, dont j'ai redressé de mon mieux l'orthographe et le langage.

~*~

Il n'est point d'industries, les plus nobles et les plus humbles, auxquelles les troubles populaires n'apportent quelque dérangement. Chacun vit dans l'inquiétude de soi et de son voisin et de M. le cardinal, et les porte-joie, comme nous, sont ceux à qui d'abord on tourne le dos comme à la condition la plus intempestive. Les armées des Va-nu-pieds et les régiments de M. de Gassion avaient ruiné et culbuté, six mois durant, la province de Normandie, si bien que, quand vint la Guibray de l'an 1640, les paysans revoltés ayant été rangés à parfaite raison, les bourgeois se hasardèrent hors de leurs villes, et les gentilshommes hors de leurs châteaux, et comme cette foire est le rendez-vous de toute la province par la multitude de ses marchands qui y viennent de tous les points du royaume et même de l'univers, et la beauté des marchandises et la gaîté des spectacles, les Normands, désireux d'essayer un peu de la tranquillité de M. le chancelier et de distraire leurs esprits encore chargés de l'humeur venimeuse des rébellions, accoururent de la Haute et de la Basse pour se donner bonne fête, tout en faisant leurs emplettes à la fosse aux draps, et aux bimbelottiers de la rue d'Alençon, et rapporter au logis, pour l'année, du rire et des nouvelles de la paix. Il arrive toujours ainsi que quand le peuple a eu sa joie contenue par quelques temps d'ennui et de terreur publics, comme pour regagner le temps perdu, il s'évertue plus furieusement vers son plaisir.

Dès le douzième d'août fut dressée notre tente avec ses tréteaux entre les beuvettes et le marché aux boeufs, et regardant l'hôtellerie de la Belle-Estoile, où cinq de nous demeuraient la nuit ; mais à cause du nombre et de la qualité des marchands, nous couchions dans l'étable, tout ainsi que saint Joseph et Notre Dame. Fesse-Mathieu dormait seul dans la tente, à côté de la grande épée rouillée de Taillevent, notre capitan, pour garder nos habillements et l'équipage de la troupe. Le seizième, la foire étant ouverte, nous commençâmes à jouer la parade devant un si grand concours de spectateurs, que jamais le carré Dauphine ni l'Estrapade n'avaient attiré cercle de tant de nobles personnes. Ces normands aiment tant la gaudisserie ! Il faut dire avec justice qu'il n'y en a point qui ne se fût tenu le ventre de rire, quand Fesse-Mathieu racontait l'histoire du drapier de Louviers et de son apothicaire. La troisième nuit de la foire, après que nous avions eu supputé par sous et deniers les bénéfices de la journée, nous nous étions comme d'ordinaire endormis dans l'étable de la Belle-Estoile, lorsqu'un valet, tenant sa lanterne haute, vint nous éveiller à grand bruit, disant qu'un carosse arrivait devant la porte de l'hôtellerie, et qu'il n'y avait d'autre place pour en loger les chevaux que l'écurie que nous occupions. Nous nous contentâmes d'observer que ces pauvres bêtes seraient bien mal logées, et chacun de nous prenant son bagage de nuit, nous nous empressames de faire place vide à l'attelage de sa seigneurie. Un fort beau carrosse se tenait en effet devant la grande porte dont le valet entr'ouvait les deux battants pour lui donner entrée. Comme nous sortions, je lui demandai à qui était ce carosse. - C'est, nous dit-il, celui d'une riche veuve du Bessin, madame Gueru de Flechelles. - De Flechelles ? lui dis-je. - Dame et patrone, me repéta le valet, du petit pays de Flechelles, dans l'élection de Valogne. - Hélas ! lui dis-je d'une voix bien pitoyable, feu M. de Flechelles n'eût point, que je crois, jeté à pareille heure de pauvres comédiens hors d'une étable pour y mettre ses chevaux à l'abri. - Mes braves gens, nous dit le valet en nous poussant la grand'porte au visage, je ne connaissais point M. Gueru.

Quand fut venu le lendemain, je ne quittai plus des yeux les fenêtres, ni les portes de la Belle-Estoile. Mon attention n'était point remarquée, parce que, comme j'ai dit, je ne jouais jamais sans masque, et le masque, dans cette aventure, me servait selon tous mes souhaits. Il ne pouvait se faire que j'attendisse ainsi bien des heures en vain, et que sortant on n'accourût pas vers nous des premiers ; car, outre que nous étions les plus voisins de l'hôtellerie, nous étions ceux assurément qui faisaient le plus de bruit dans la foire. Je la reconnus bien dès qu'elle mit le pied dehors, quoiqu'elle fût merveilleusement parée et en vérité rajeunie ; elle avait pris le grand air d'une dame de paroisse. - Jésus Dieu ! dame de Flechelles, d'un pauvre village dont avait pris le nom ce bon Hugues Gueru, pour y être né, et où il lui avait, à si grande épargne, arrondi un gentil domaine. Elle avait toujours sa belle chevelure blonde, son beau visage, ses beaux yeux clairs, son port de reine. Elle avait fort bien soutenu son deuil, et je demeurai ravi de son éclatante fraîcheur, car aussi bien en année devait-elle toucher à la trentaine, et elle ne semblait point en avoir vingt-trois. Elle tenait de la main droite son masque, vieille mode que nos provinces n'ont point encore abandonnée, et elle traînait de la gauche une petite mignonette de vers six ans, dont je ne saurais vous détailler l'extraordinaire beauté, si ce n'est que ses longues mèches brunes entièrement frisées, au lieu d'être retenues sous une toque piquée, sortant d'un caudebec à larges bords, chargé de deux plumes, comme ceux des garçons de son âge, s'épandaient librement sur ses épaules et sur sa collerette, et sous ce chapeau, dans le noir de ses yeux qu'elle n'ouvrait pas également, étincelait toute la finesse et la malignerie d'un diable. Mme de Flechelles avec l'enfant s'approcha donc de nous ; mais c'était le moment où Fesse-Mathieu entamait le conte de la bête à deux échines qui fit tant de frayeur à l'exempt Guillot ; Mme de Flechelles en ayant écouté quelques mots, entraîna l'enfant vers ceux qui sautaient à la corde auprès de nous.

Aucune troupe de bateleurs ne manquait à cette Guibray. La mère et l'enfant, que je ne lâchais pas de l'oeil, s'arrêtèrent un moment devant le signor Cabriolino, lequel ayant noué une corde lâche à deux poteaux fort élevés, tantôt se pendait par un pied en baisant l'autre, tantôt courait au-dessous de la corde aussi vitement qu'un singe s'aidant des mains et des pieds, tantôt se contournant les membres de même que s'ils eussent été brisés. Après le signor Cabriolino venait un enfant nain de 15 ans environ, et qui n'avait pas de hauteur deux pieds ; chacun le disait natif de Saint-Quentin proche de Falaise (1), mais ses parents, qui le faisaient voir en public, criaient à ceux qui s'approchaient que des pêcheurs d'Armanches ayant été jetés par les tempêtes d'hiver contre une île de glace, en avaient ramené cet enfant qui était déjà à son âge le plus grand homme de son l'île, et pour récréer les spectateurs par un jeu de son pays, il tenait en équilibre une longue plume de paon, et ainsi courait en rond avec sa plume inclinée contre le vent. Ensuite de ce nain se trouvait un montreur de bêtes qu'une grande foule de curieux entourait, attirée par l'étrangeté des animaux, comme aigles, loups privés, singes cherchant les poux aux enfants, et ânes savants. Il n'est point besoin que je parle des joueurs de musette qui font sauter les marionnettes, non plus que de ceux-là qui, sur des tonneaux dressent des planches, sur lesquelles assis ils débitent, avec des menteries et des tours d'escamotage, leurs baumes et médicaments bien des fois moins efficaces que ceux de ma grand'mère.

Cependant que Mme de Flechelles, ayant fait connaître à l'enfant un spectacle après un autre, s'était enfin perdue pour mes regards dans la rue du Pavillon, une représentation nouvelle se préparait de la farce, et Bellenarine avec sa basse, et Dutonnel et son frère avec leurs violons, surmontaient tout le tumulte des environnants. Je vis alors de derrière notre tente, de ce quartier qu'occupait le marché aux chevaux, paraître un cavalier de bonne et haute mine, paré galamment, l'épée ballante, sans manteau, et tenant sur le poing un faucon qu'il venait d'acheter. Il était fort bravement assis sur son grand cheval d'espèce normande, lequel ruait et jetait des gambades, et éclaboussait de poussière tous les mendiants de ce coin là, faisant courir les jambes de bois et les pauvresses qui portent leur enfant au dos. Ayant enfin contenu sa monture, il la fit avancer vers nos tréteaux, et comme les abords en étaient encombrés par une foule très pressée de faquins avec leurs hottes d'osier ou leurs crochets, de vieux bourgeois avec leurs manteaux, de dames de toute sorte, sans oublier bon nombre de seigneurs, et même par des pélerins avec leur bourdon, le gentilhomme, se trouvant, pour nous voir et nous entendre fort bien placés sur son cheval, se maintint en arrière de la foule, comme faisaient d'ailleurs quelques-uns de ses pareils. Madame de Flechelles avait fait passer l'enfant par la rue de l'épicerie, et là, l'ayant pourvue de dragées, l'avait ramenée par la rue de Caen, de sorte que je ne me serais point douté qu'elles fussent dans l'assistance, si je n'avais suivi les mouvements de ce cavalier. J'aperçus qu'il portait plus d'attention et d'admiration aux personnes qui l'avoisinaient qu'à la danse grotesque de Fesse-Mathieu qui se démenait dans ses escarpins et raclait son violon à une corde avec un poignard de bois. Le gentilhomme se pencha sur son cheval pour adresser excuse ou compliment à la dame, et puis il fit ranger quelques paysans qui coupaient à cette personne la libre vue du spectacle. Alors j'avisai Mme de Flechelles, mais la petite n'y voyant rien encore, le gentilhomme, nonobstant que sa main gauche fût embarrassée du faucon, l'enleva plus légèrement qu'une plume, et l'ayant baisée et caressée, comme on fait toujours à un bel enfant, il la posa devant lui sur le cou de sa monture. La petite étant là commença par regarder à l'entour d'elle avec un air de triomphe, puis elle partit de rire aux éclats en voyant Fesse-Mathieu se mettre en défense avec son poignard de bois et sa calotte plate pour bouclier contre la grande épée du matamore Taillevent. La bataille finie, mon tour vint de chanter la chanson d'usage, et celle que j'entonnai fut :

En revenant de Gascogne,
Je passai par le Poitou,
Je rencontrai un pauvre homme
Qui gelait dessous un chou.

Et ainsi j'allai jusqu'à la fin de la chanson, et si heureusement, que tous les assistants riaient aux larmes. La petite frisée de Mme de Flechelles avait failli, tant elle se tordait de rire, sans qu'elle comprit pourtant la gaie équivoque de la chanson, se jeter à bas du cheval en échappant des bras du gentilhomme qui se pamait comme les autres. Mais Mme de Flechelles ne voulut point montrer qu'elle y prit autant de contentement, car, dès le premier couplet, ne pouvant, ainsi que la première fois, se retirer avec sa fille que retenait le gracieux cavalier, elle jetta sur sa tête et son visage un petit voile que les dames de la Cour portaient volontiers à la promenade. Elle ne laissa point de se tourner attentivement vers moi, et quand Bellenarine ayant quitté sa basse descendit dans le public pour faire la quête, au lieu d'un double liard, comme y jetaient dans l'écuelle les plus généreux, cette dame tira un petit écu de la bourse qui lui pendait avec ses ciseaux au côté, ce que le cavalier fit de même. La parade s'étant ainsi terminée, la dame se retira lentement, et le gentilhomme alors mettant pied à terre lui fit escorte jusqu'à son logis avec tous ces propos de fine galanterie dont les gens de quelque noblesse ne sont jamais dépourvus.

Plusieurs jours se suivirent, où j'aperçus ce gentilhomme offrant la main à Mme de Fléchelles, chaque fois qu'elle sortait de la la Belle-Estoile pour la conduire dans la foire. Les journées étant devenues d'une chaleur excessive, cette dame portait soit un masque, soit un parasol de la peau la plus précieuse. Sa parure était d'ailleurs d'une recherche exquise, montrant, au moindre prétexte, sur sa belle gorge relevée, ses guimpes ou ses fraises, ses manches crevées et leurs larges retroussis en dentelles d'Alençon, ou ses éclatantes fourrures du nord, et ses fleurs et plumes légères flottant au noeud de ses cheveux. Le cavalier n'était pas moins délicat dans sa mise : castor pointu à grand plumage retombant au bas des reins, manteau court à large revers, rayé et adroitement relevé sous un bras, baudrier magnifique bouclé sur un justaucorps serré à haute taille, d'où ballaient noeuds et aiguillettes, collet de mille francs, haut de chausses et belles bottes garnies de dentelles, longue canne sous le poing ; c'était une image accomplie du Jardin de la noblesse française. On jugeait à la grande dépense où il se mettait, que le cavalier était fort épris de la dame, et aux façons coquettes de la dame, qui étaient tout-à-fait celles d'une personne de la cour, que le cavalier n'était point un objet dont elle dédaignât l'hommage. Nos tréteaux regardaient si justement la porte de la Belle-Estoile, qu'il ne m'échappait guères de leurs allées et venues, et chaque fois que Mme de Fléchelles mettait la tête hors de l'hôtellerie, elle ne manquait jamais à jeter sur nous un regard de curiosité. Il paraît que M. de Mérisy, écuyer, sieur du Jajolet, c'étaient là les noms et titres de l'amoureux gentilhomme, jugea à ces mouvements curieux, aussi bien ne s'en défendait-elle peut-être pas, que Mme de Fléchelles avait du goût pour la comédie. Voilà donc qu'un soir M. de Mérisy s'envint nous trouver dans la rue aux Anglais, à la petite hôtellerie de la Sirène où nous avions cherché abri depuis que Mme de Fléchelles nous avait délogés de la Belle-Estoile. Il me prit à part comme étant le chef de la troupe, et m'expliqua qu'il désirait donner le plaisir de la comédie à une dame en l'hôtellerie de la Belle-Estoile, et qu'il ne voulait nous laisser plus long terme qu'à la soirée suivante, et qu'ainsi je me tinsse prêt moi et mes plus galantes facéties, en m'adjoignant qui de mes compagnons je jugerais bon ; que la récompense d'ailleurs serait égalée au rire et au plaisir de la dame. Je donnai parole à M. de Mérisy pour le lendemain à l'heure qu'il me dit, lui jurant que tout le monde serait content.

Dès la matinée, je fis essayer à Simonne une robe et tout un ajustement qu'on m'avait loué à la vieille friperie, et je lui trouvai, ainsi costumée une assez honnête tournure, pour qu'il fût possible de la produire en digne compagnie. Cela fait, je connaissais la mémoire excellente de cette créature. Il ne fallut d'études que deux heures ou trois pour lui mettre en tête son personnage ; le gros Dutonnel se chargea de dire la sentence du juge, et nous entrâmes aussitôt que la brune, chez M. de Mérisy. Ce seigneur alors nous précédant à travers les corridors et degrés de la Belle-Estoile, nous amena à la chambre de Mme de Fléchelles. Il parla seulement alors à cette dame de la surprise dont il avait songé à la regaler, et la pria de donner audience, sans se déranger de son fauteuil, à ces facétieux bateleurs vers lesquels il lui avait vu souventefois tourner volontiers ses beaux yeux. Mme de Fléchelles nous regardant alors parut si frappée de notre habillement nouveau, qu'elle fit une pose sans savoir que dire, exprimant en termes embarrassés à M. de Mérisy ses remercîments pour une si extraordinaire galanterie. Elle se rassit alors dans son fauteuil, jouant, tant qu'elle pouvait, de l'éventail, pour cacher ou chasser sa gêne et comme sa frayeur. Les gens de M. de Mérisy entrèrent aussitôt portant des tréteaux et un plancher. Les rideaux aussi étaient préparés ; on les suspendit entr'ouverts au milieu, et laissant voir un fond qui était peint en manière de muraille. Pendant qu'on apprêtait ces simples machines, Mme de Fléchelles demeurait interdite, regardant toujours vers ce rideau derrière lequel nous étions tous les trois retirés. Elle n'avait pas même idée de faire venir l'enfant. Le donneur de la fête s'étonna de ne la point voir. - Milloquette ! Milloquette ! appela aussitôt sa mère. Maître Gueru avait plaisamment nommé ainsi sa fille, à cause des boucles de sa chevelure toujours crêpées et mêlées, semblables à ces flocons collés et brouillés de la toison des brebis, qui, en langage normand, se disent loquettes. Milloquette sortant d'un cabinet, un cri sur les lèvres et coiffure libre au vent, se vint donc jeter entre les genoux de sa mère. M. de Mérisy fit signe aux valets qu'ils se retirassent, et dès que les portes furent closes, je sortis de derrière le rideau. Me tournant alors vers Mme de Fléchelles, comme je me tins fidèlement par déférence tant que dura la comédie, j'annonçai que la demoiselle Simonne et moi nous nous proposions de jouer, pour le divertissement du noble monde qui nous écoutait, la plaisante farce de Gauthier Garguille, comédien de l'élite royale, qui, à l'hôtel d'Argent de même qu'à celui de Bourgogne, où il avait fréquenté tour à tour durant quarante années, n'avait point connu son pareil pour le gai rire et la chanson. Le sujet en était la querelle de Gaultier et de Perrine sa femme, avec la sentence de séparation entr'eux rendue. Simonne alors s'avança et nous commençames à jouer la farce.

Je m'appliquai à imiter la manière et les gestes de ce grand comédien, me fagottant, ainsi qu'il faisait, les jambes et la taille, tachant de le suivre soit dans le ridicule de sa parole, soit de son marcher, enfin le contrefaisant en toutes ses postures, autant du moins que mes membres moins dispos que les siens pouvaient m'obéir, accentuant ma voix tantôt à la normande qu'il avait gardée d'enfance, tantôt à la gasconne où il excellait. Le gentilhomme ne se tenait pas d'aise, il riait, il éclatait, il s'exclamait, et Milloquette se tordait et retordait entre les genoux de sa mère, et sautait, battant de ses petites mains à chaque risée de M. de Mérisy. Il était dans mon dessein et aussi dans mon orgueil que l'illusion fût entière ; c'est pourquoi j'avais conformé mon costume à celui que j'avais aidé tant de fois Gauthier Garguille à revêtir. Fresse-Mathieu m'avait fourni calotte plate, escarpins, bésicles et poignard de bois. A mon masque, j'avais ajouté une longue barbe et pointue dont Gaultier cachait son gros visage bourgeonné. J'avais à mon pourpoint noir ajusté les manches de frise rouge. Le corps en deux plié, mon grand bâton à la main, j'écartais mes deux longues jambes menues et cagneuses, desquelles le bon Gauthier m'avait prédit lui-même qu'elles feraient fortune sur des trétaux de foire. Enfin, qui eût passé une fois seulement par l'hôtel de Bourgogne se fut, en me voyant, écrié comme le dicton : Aga, voilà Gaultier cocu de toutes farces ; il nous fait rire après sa mort au souvenir de sa grimace. Avant que nous fussions sortis de la Syrène, j'avais mis à Simonne la tête fort en l'air par un verre de noye-souci. Elle était prompte à la repartie, toute allègre et gaillarde, et elle m'effrayait par le hardi profit qu'elle avait fait de ma leçon, affectant de pétrir et tordre constamment, comme je lui avait appris que faisait Perrine, son gant dans sa main gauche, et caressant de la droite son collier de perles selon un autre geste accoutumé de celle-là. En même temps que je conduisais attentivement la farce, j'observais le plaisir des spectateurs. Madame de Fléchelles s'était d'abord cachée du gentilhomme et retranchée derrière son éventail. Durant la joyeuse scène où Gaultier reproche à Perrine ses débordements, son visage s'était troublé extrêmement, et il me parut à sa pâleur qu'elle allait défaillir. Mais au bout d'un instant, ses regards se rallumèrent et se portèrent vers nous comme des brandons d'incendie. Dutonnel parut en dernier pour rendre sa bouffonne sentence. Au lieu de me retirer à la fin jugé et content, certaine lubie burlesque me prit, et je déclarai que l'ordinaire de mon personnage étant de chanter à pareil moment soit un refrain, soit un branle, car dans ses chansons surtout il avait puisé l'excellence de sa renommée, j'avais la fantaisie de ne point remplir le rôle à demi. Le livre de ses chansons était le bréviaire que nous savions le plus couramment, nous tous petits et grands de l'hôtel de Bourgogne. Je choisis la mieux séante à la moralité de la farce, pour la chanter tout du long. Il est certain que le proverbe était venu jusqu'à M, de Mérisy, car il se leva à demi de son siége, m'approuvant de la tête et de la main et disant : oui, oui, cela va bien, rien n'y manquera, la chanson de Gaultier Garguille. Je vins donc jusqu'au bord du plancher, secouant ma perruque et la tête enfoncée dans mes épaules inégales. Alors j'entonnai de l'air et de l'accent si grottesques de Gaultier Garguille :

Quelqu'un me dit en secret
Que ma femme est par trop gaillarde,
Et que si je n'y prends garde
Bientôt j'en auray regret ;
Mais je pense qu'il est plus doux
D'être c... que jaloux.
 
Je scay bien que tous les jours
Elle prend les affetteries,
Que le Cours et les Thuilleries
Sont ses escholles d'amour ;
Mais je pense qu'il est plus doux
D'être c... que jaloux.
 
Je scay bien que tous les jours
Feignant d'aller voir sa voisine,
Ou visiter sa cousine,
Elle va voir ses amours ;
Mais je pense qu'il est plus doux
D'être c... que jaloux.

Quand je fus à la fin, je m'inclinai vers Mme de Fléchelles et puis après vers le gentilhomme, et nous sautâmes à bas de l'échaffaud, comme nous disposant à nous retirer. M. de Merisy avait été si transporté de la gaîté de notre comédie et du plaisant de la chanson, qu'il nous compta généreusement deux pistoles et nous congédia.

Durant une partie de la nuit, la foire était magnifiquement illuminée à chaque boutique, par des lanternes de toutes les façons. Tout en évitant la rue du Pavillon, que la foule des forains encombrait, nous trouvâmes que la rue de la Magdeleine n'était guère moins tumultueuse, et nous avançâmes lentement considérant, à notre droite, les équipages qui se tenaient aux portes des hôtelleries, et à notre gauche, les achalanderies des marchands. Dutonnel et moi, une fois sortis de la Belle-Estoile, avions levé notre masque, voulant respirer à l'aise, et pour le mien je le portais sur la pomme ronde de mon bâton. Les enfants nous prenant pour une mascarade, piaillaient après nous comme des poussins après une poule ; tout les passants se retournaient pour nous envisager : promeneurs, cavaliers masqués, dames masquées, car ces soirées et cette multitude étaient l'occasion et le moment des rencontres et des aventures galantes. Nous rendions bourde pour bourde, coq-à-l'âne pour équivoque. Ceux de Falaise était rentrés chez eux, et la rue aux Anglais était quasi déserte ; nous prîmes plaisir à nous attarder dans la foire. Bellenarine qui se tenait sur la porte de la Syrène, nous reconnaissant, accourut vers nous, et, me séparant de la Simonne et de Dutonnel, me dit en mots très pécipités que mon retour était épié par une personne qu'aucun des nôtres n'avait pu résoudre à se désencapuchonner. Quand il eut dit épié, je pensai plus vite à un exempt qu'à une jolie fille, et je lui tournai le dos pour gagner du champ. En même temps qu'il me rattrapait par ma poche et que nous nous débattions, une voix que je reconnus bien, m'appela du seuil de l'hôtellerie : Barillon ! Barillon ! Bellenarine me demandant alors à voix basse pourquoi elle ne m'appelait point Avaletripes, je lui répartis en riant qu'auprès des dames, dont mon sobriquet mettrait le coeur sur les lèvres, je me faisais honneur du nom de mon père Barillon ; je le poussai alors de l'épaule vers la porte de la Syrène, et Perrine et moi commençâmes à chaper le long de la rue aux Anglais, depuis la lanterne de notre hotellerie jusqu'à la chapelle de Notre-Dame. - Barillon, me dit-elle, la mémoire est la première qualité que notre profession réclame de nature, - et en disant cette sentence elle passa avec brusquerie son bras au mien, puis elle ajouta en s'appuyant sur moi : mais, Barillon, il ne sied pas de l'avoir cruelle à ce point. A qui en veux-tu ? à qui en veux-tu ? repétait-elle d'un ton très haut en rejetant les voiles épais dont elle s'était travestie, conservant toutefois son masque. Voulais-tu pas peut-être jouer, demain, les querelles de Tabarin, mon père et de ma mère Francisquine, après celles de Perrine et de Gaultier ? Je ne pensais point même qu'il y eût malignité ; le hazard pouvait si bien avoir fait passer l'autre jour une chanson de Gauthier Garguille par la mémoire d'un chanteur de foire. Voilà bientôt six ans que ta figure ne m'avait frappé les yeux ; si je n'étais sortie sur tes pas de la Belle-Estoile, et si je ne t'avais vu là-bas le visage découvert à la lanterne du Grand Guillery, je ne saurais encore à qui j'avais à faire ; Barillon, Barillon, tu recueillais les sous à notre porte en ce temp-là, à qui en veux-tu ? redisait-elle sans cesse et violemment. Je ne savais que répondre, et je m'étais senti plus brave pour faire l'injure que pour la soutenir ; je lui racontai, prenant la chose en gaieté, comment la nuit de son arrivée, ses chevaux nous avaient chassés de notre étable ; je ne lui paraissais dire qu'une cause futile de notre colère, mais le fonds en était là aussi. Je m'étais senti le coeur bassement irrité en voyant une femme de nos pareilles faire montre d'un grand ton et d'un grand équipage vis-à-vis de nous autres pauvres et honteux mendiants, qui dans ce monde ne jouissons pas d'un plus grand crédit que des Bohèmes, et puis il me semblait que les grands airs appartenaient aux grandes gens, et qu'ils étaient sur le dos des gens de basse condition comme un manteau volé, et que chacun avait le droit de crier au voleur. - A qui en voulais-tu ? reprit-elle encore s'agitant hors d'elle. Que ne chantais-tu, en me montrant du doigt, à ce gentilhomme qui m'honorait d'une fête galante, tout un noël sur Francisquine et le garde de la Manche ? Que n'affirmais-tu que ses chansons et ses sornettes que disait Gaultier de Perrine, n'étaient pas propos de farce et histoire d'un refrain ? Que ne conseillais-tu à M. de Mérisy, de lire le docte livre de son voisin M. de Courval, contre les pseudomédecins ? Le monde m'ouvre une porte franche, coupable je serais de refuser l'entrée. Cette enfant de comédien, Milloquette, sera abritée, comme moi, derrière la bienveillance de ce gentilhomme. Joues ta comédie, mon pauvre camarade, je jetterai un écu dans ton bonnet, (et elle glissa une grosse somme dans la poche de cuir qui pendait à mon côté), mais Barillon, Barillon, laisse moi jouer en paix la farce de mon bonheur. - Elle acheva ces paroles d'un air si fier, que je n'eus ni le courage de rejeter son argent, ni la force de marmotter quelqu'excuse, et que j'acceptai cet affront comme la pénitence des miens. Il ne faut point croire, en effet, que les comédiens de profession, s'entendent si bien à jouer la comédie véritable. Ayant gardé le silence tous les deux, elle recouvra la parole la première. - Si tu te retrouves en compagnie de quelques-uns des nôtres de l'hôtel de Bourgogne, il ne me chaut guères que tu leur contes que je fais la chasse aux gentilshommes du pays de Vire, et qu'à la Guibray tu as vu passer mes deux valets et mon carosse. J'ai pris par la vue certaine habitude des façons du monde et de la cour dont j'entends faire usage. J'ai passé les meilleurs ans de ma vie à voir des fous se démener sur des trétaux ; j'ai grand désir de ne voir le restant de mes jours que des gens de bien, de paix et de quelque raison. Barillon, me dit Perrine, en finissant détourner les autres de t'imiter, jaurai bien assez des mes envieux dans cette province. Et songe à celà, que si fantaisie te prenait de faire quelque effort nouveau pour troubler ma vie, c'est la vie et la tranquillité de Milloquette que tu perdrais, de l'enfant d'Hugues Gueru, lequel n'a point si mal mérité de toi. - Tout-à-coup il lui saillit du fond du coeur, je ne sais quel sentiment ; elle s'arrêta brusquement et m'étreignant le bras, elle me dit d'une voix tout émue : nous avons pourtant été camarades, adieu, Barillon ; fit-elle, et elle m'embrassa. - Adieu, Perrine, adieu, mademoiselle Gueru, répondis-je, bouleversé jusqu'au fond du coeur, adieu. Et comme il faisait nuit, et les lanternes allumées étant devenues rares sur son chemin, je la reconduisis jusqu'à la place aux Fruits, sans nous dire de plus une seule parole, ni faire même un autre geste d'adieu.

La rencontre que je viens de raconter donna plus à gagner à la troupe que toute la foule de curieux qui l'assaillit durant cette belle Guibray. Je ne fus plus appelé une autre fois pour jouer la comédie devant Mme de Fléchelles, mais Simonne apprit d'un vieux gentilhomme, nommé M. de Maigrechamp, qu'elle allait quelquefois visiter à l'auberge de la Belle-Éstoile, que son cousin M. de Merisy apprêtait à Mme de Fléchelles qu'il était fort pressé d'épouser, les plus riches parures et toutes les plus exquises senteurs qu'il sut trouver dans la rue de Paris. L'impatient gentilhomme n'attendit point que la foire fût close pour emmener dans sa seigneurie du Jajolet où il avait chapelain et chapelle, la dame dont il était si chaudement épris, et qui, après tout, n'eût-elle pas eu sa superbe beauté et tout l'éclat de sa prestance, n'était point une si mauvaise alliance, grâce aux pistoles qu'avait gagnées ce pauvre Gueru à récréer le monde jusqu'à son année soixantième. Je vis donc de mes tréteaux la grande porte de l'hôtellerie s'ouvrir à deux battants, et défiler le carrosse de Mme de Fléchelles et le gentilhomme à cheval, portant son faucon sur le poing comme le premier jour, et dans le carrosse se tenait Milloquette qui, nous avisant une dernière fois, nous montra de son petit doigt et dit de nous deux paroles à sa mère ; celle-ci se pencha vers la vitre du carrosse, et nous jeta un regard encore, le regard d'adieu de Perrine. Après que je les eus perdus, je n'eus plus de goût pour cette foire.

L'historiette, arrêtée en cet endroit au feuillet 146, retrouve sa continuation au feuillet 223, alors que Barillon, dit Avaletripes, ayant passé, en suite de mainte aventure et de mainte vicissitude, du commandement de cette troupe foraine au milieu de laquelle nous l'avons connu, dans la troupe célèbre du Marais, où certains rôles de seconde force lui étaient confiés, ceux principalement où sa belle voix pouvait être de quelque service, - vient à parler du voyage qu'il fit avec tous ses camarades de Paris au Neubourg pour y représenter, dans le château de messire Alexandre de Rieux, marquis de Sourdéac, la pièce nouvelle qu'avait préparée pour cette occasion le fameux Rouennais, Pierre Corneille. Voici en quels termes Barillon raconte les royales magnificences de la fête qui se donna dans ce château de Neubourg, au mois de novembre de l'année 1660, en réjouissance de la paix et de l'heureux mariage de Sa Majesté.

Ce riche et magnifique seigneur, dit Barillon parlant du marquis de Sourdéac, s'était donné le temps de songer aux apprêts de sa solennelle réception. Aussi ne trouva-t-on qui y péchât, et tous ceux qui furent de cette fête en ont toujours tiré grand honneur, comme de la plus prodigieuse somptuosité dont on ait mémoire qu'un seigneur ait régalé sa province. Il y convia soixante des notables gentilshommes de Normandie, tant de ses voisins que des plus éloignés, dont pas un n'eut garde de manquer à jour dit ; et l'entrée de soixante superbes carrosses, précédés de leurs coureurs, dans la grande cour du château, ne parut pas une des moindres merveilles des premières journées. Les remises du château n'étaient point assez vastes pour recevoir ces carrosses, ni les écuries assez longues pour en resserrer les attelages, car cette habitation seigneuriale, qui n'était pas d'hier et qui n'avait point été bâtie assurément dans l'espérance de si nombreux hôtes, pouvait juste héberger deux familles. On remplit donc les querteries, les étables à boeufs ; le restant fut logé dans les meilleures maisons de la grosse bourgade qui attenait au château et tout entière en relevait. Quant aux valets, ils étaient si nombreux et si tumultueux, qu'on ne savait qu'en faire. Ils couraient par tout le château et par tous les passages, faisant pailleter à l'envi, sur leur dos, la plus éclatante livrée de la maison à laquelle ils appartenaient, car chaque noble maison s'était piquée en cette occasion de produire ce qu'elle avait de plus vaillant. On s'est étonné, et non sans raison, de ce qu'en une semaine entière de fête si désordonnée et au milieu d'un si grand remuement de pages et de laquais, il ne se soit trouvé dérobé qu'une aiguière d'argent ciselé, et, à journées différentes, quatre manteaux. Cette nuée épaisse de laquais avait été logée aux combles, aux greniers et jusque dans les fenils, et par la suite on répandit malignement que les chats de Neubourg enrageaient tous, à cause du grand nombre de puces qu'ils avaient gagné des valets. Nous autres comédiens, que M. de Sourdéac choyait fort et qui étions d'un mois déjà ses plus anciens hôtes, n'eûmes point le plus mauvais partage, car autant peut-être pour n'offenser personne par notre voisinage que pour nous mettre à l'aise, il nous avait abandonné un libre pavillon où gîtait d'ordinaire un garde-chasse, lequel, ainsi que je l'ai su depuis, nous savait si bien réprouvés, qu'il n'y voulut jamais rentrer avant que le chapelain de Neubourg l'eût purifiée et bénie, à cette fin d'en balayer plus vitement le malin esprit que ces mécréants comédiens avaient sans doute laissé traîner en arrière d'eux. Le château de Neubourg se trouva tellement encombré de cette fine fleur de noblesse normande, que l'on n'y pouvait faire un mouvement sans donner du coude dans les plus hauts personnages et les mieux parés, et, certes, un autre châtelain, moins entendu et moins prévoyant que messire de Rieux eût été accablé par les exigences et la fatigue d'une telle assemblée ; mais quoi, chacune de ces soixante familles aussitôt que reçue fut conduite à un logis luxueusement accommodé. On eût dit que les vieux fossés du château se reculaient et que lui-même s'élargissait ainsi qu'un palais enchanté, si bien que les intendants du marquis comptèrent qu'à certaines heures, petits et grands nous nous tenions cinq cents dans le château de Neubourg, et c'est miracle qu'il n'ait pas croulé.

Plus de trente pourvoyeurs partaient chaque nuit avec une douzaine de charretons les uns pour Bernay, les autres pour Elboeuf, lesquels, s'ils ne trouvaient là de quoi suffire à leurs charges, continuaient vers Rouen, ceux-ci pour Évreux, et ceux-là pour les pêcheries de Honfleur et jusqu'à Dives ; et de tous ces ports de mer revenaient au maître-queux de Neubourg, la plus fraîche marée et les plus beaux coquillages de la côte. Dans un pavillon qui regardait celui que nous occupions, il y avait des gens qui n'avaient autre chose à faire tout le long du jour, qu'abattre des boeufs et de chevreuils, et les tailler en mille pièces pour mille épices différentes, soigner des pourceaux et couper la gorge aux oies. Enfin, durant plus de huit jours que dura cette hospitalité vraiment digne du grand roi en l'honneur de qui cette dépense était faite, toute la propreté et l'abondance imaginables n'eurent point un moment de relâche à Neubourg ; mais il faut dire que pendant cette semaine se fit sentir à quinze lieues aux environs.

Vous ayant suffisamment entretenus de la manière dont furent accueillis au Neubourg les soixante gentilshommes invités à la fête, il convient que je ne me taise point de la fête elle-même, sans toutefois m'appesantir sur la tragédie de M. Corneille, dont tout Paris a jugé et témoigné son infatigable admiration pendant les deux années qui ont suivi et pour bien dire jusqu'à ce jour où l'on n'a point vu encore, malgré les prodiges nouveaux dont notre théâtre a été témoin, une autre pièce qui approche de celle-là pour la richesse des ornements et la puissance et l'exactitude des machines et la surprenante perspective des sites. La furieuse passion de M. de Sourdéac pour la comédie l'avait poussé jusqu'à un horrible sacrilège, à ce point, qu'il avait vidé carcasse à une grande chapelle abandonnée, bâtie en équerre avec le château, et avait à grand renfort de plâtre dissimulé les trèfles et les ornements pieux des murailles, lesquelles il avait ensuite recouvertes de panneaux chargés de vives arabesques et de riantes peintures ; et ainsi de la maison fermée à Dieu, avait fait une salle incomparable pour y établir et y faire jouer librement les mécaniques où son rare esprit excellait. Afin d'asseoir commodément ce concours éblouissant de spectateurs, il n'avait pas fallu moins de siéges qu'il n'en faut le dimanche pour asseoir les fidèles dans la paroisse St-Pierre et St-Paul. M. le curé de Neubourg ne refusa point ses bancs d'église à son seigneur et patron, mais cette complaisance pour la comédie lui valut la censure de M. d'Évreux.

Les parures étaient vraiment d'un éclat et d'un goût extraordinaires. Ces gentilshommes du Cotentin et du Bessin que nous avions vus à leur débotté cachés jusqu'aux yeux dans des manteaux de peaux de bique, avec les poils tournés en dehors, et qui ainsi faits avaient la figure de bêtes sauvages plutôt que de chrétiens, ou encore enveloppés dans une certaine forme de grossiers surtouts sans manches coulées, en tout semblables aux anciens paletots de nos gens de campagne, ne paraissaient dans la salle de la comédie qu'avec des rabats de dentelle longs et larges d'une aune, et en habit galonné ou de drap rayé. Quelques-uns, se défiant de novembre, s'étaient enserpenté le cou de fourrures ; un abbé en soutanelle y montra même un de ces manchons, que quelques-uns d'aujourd'hui portent devant eux pendus à un ceinturon. Les douairières de la province basse étaient, comme on pense, ridiculement attifées et ne portaient rien qui ne fût du temps de la reine Marie de Médicis par flatterie, se disait-on, pour le marquis de Neubourg, dont la mère avait été, de son vivant, dame d'honneur de ladite reine, et son père, premier écuyer. La troupe des jeunes dames campagnardes ne comptait pas une toilette qui ne pût s'accomparer aux plus splendides de celles qui s'étaient vues à la cour trois ans auparavant ; il n'était pas une de ces belles personnes dont la robe ne fût chargée des plus étincelantes pierreries, sans omettre le noeud de perles à leur manchon, et de pied en cap, et à tout propos des dentelles démesurées. On s'accorda à blâmer, bien que chacune l'envisageât de ces deux yeux jaloux à cause de son extraordinaire élégance et beauté, madame de Vermesnil que l'on y vit s'avancer en habit de chasse brodé du haut en bas, avec ses magnifiques cheveux blonds crêpés en perruque naturelle, son chapeau fièrement posé et la queue de sa robe portée par un page noir ; mais nombre de galants trouvèrent bien vite excuse à cette précieuse personne dans la singularité d'une semblable fête.

M. de Sourdéac n'en était pas comme on pense à l'essai de ses machines ; elles avaient tant et tant de fois déjà fait leur jeu, qu'elles n'éprouvèrent pas, durant tout le cours de cette première soirée, un seul mouvement malencontreux. Ces gentilshommes, qui de Paris n'avaient jamais vu que la route qui y menait, et dont le plus grand nombre avait seulement ouï parler des plaisirs de la comédie, étaient tombés dans un ébahissement risible ; ils se tenaient rangés sur leurs bancelles d'église, aussi muets et aussi raides que des saints sous un porche de cathédrale. Aucun d'eux n'était assis sur le théâtre à cause de l'encombrement et de la difficulté des mécaniques, mais ainsi qu'il se pratique aux fêtes de la cour, un grand cercle vide séparait les musiciens et la scène des spectateurs ; et des deux côtés, affluant vers le théâtre, se tenait debout la foule des plus jeunes gentilshommes contenue par des gardes. Enfin de l'échafaud sur lequel nous nous mouvions, nos yeux étaient véritablement éblouis et offusqués de cet aspect d'or, d'argent, de pierreries, d'hermines et d'étoffes vivement brillantes, soit de pourpre, soit d'azur. Cette pompe extraordinaire de spectacle, jointe à la magnificence des sentiments qui se trouvent exprimés dans la tragédie de M. Corneille, enivrèrent si bien ces généreux gentilshommes, que jamais on ne vit de tels transports éperdus. Quand ce vint à l'acte troisième, leur furie éclata à la vue du palais du roi Aoete, et de sa double colonnade de jaspe torse environnée de pampre d'or à grand feuillage, à la vue de ses statues d'or à l'antique, de ses vases de porcelaine d'où sortaient de gros bouquets de fleurs au naturel, des peintures sur les basses tailles et du grand portique doré. Mais lorsqu'à la brillante perspective de ces galeries succédèrent les horreurs des enchantements de Médée, nous vîmes des dames si consternées qu'elles se cachaient le théâtre avec leur éventail, et une dame de la Pommeraie, du pays de Domfront, eut à ce moment le coeur glacé d'une telle frayeur que les sens lui en tournèrent, et qu'on l'emporta toute pâmée hors de la salle. On ne sut quelle méchante langue voulant redoubler l'émoi, avait choisi cette heure pour répandre que tant de pieuses âmes avaient été appelées au sabbat que les excommuniés célébraient dans une nef sacrée ; et quelques saintes crurent certainement qu'elles voyaient le diable gambadant au fond de la grotte obscure.

Les personnages de cette tragédie étaient nombreux, mais d'aucuns rôles étaient forts courts ; ainsi le mien où je figurais Glauque, Dieu marin, auquel Neptune a commis ce soin de conduire au rivage de Phase la reine Hypsipile dans une magnifique conque de nâcre, semée de branches de corail et de pierres précieuses. Mon rôle en entier se bornait à ce beau couplet dont le commencement est :

Allez Tritons, allez Syrènes,
Allez vents, et rompez vos chaînes,..

Et je m'appliquais à en rendre la forte et éclatante musique, mais ma contraire destinée ne voulut point que je sortisse avec un parfait honneur de ce rôle de quatorze vers, et au moment où, ayant cessé de parler, j'allais me perdre au fond de l'eau, le prince Absyrte qui s'était avancé me posa son brodequin par mégarde sur les longues feuilles d'algues et d'autres herbes marines pendantes à ma ceinture et à mes jambes, d'où il arriva que comme j'allais toucher terre sous le théâtre, je me sentis les côtes fort serrées et mon pied droit relevé très haut par un brusque mouvement, semblable à ceux qu'exercent les petits enfants sur la corde qui fait d'un même coup dresser les quatre membres de leurs marionnettes.

Ce prince Absyrte était notre gentil Nicolas Legrand, que nous avions amené quant et nous au Neubourg, pour qu'il y jouât dans cette occasion, et qu'entre compères nous appelions familièrement Colin. Toute la terre connaît le nom de son père et qui fut un des trois de l'Estrapade et bien venu du peuple, qui se sert encore à cette heure de son sobriquet de farce en manière de proverbe. Notre Colin était un rousseau, tout de même que son père, mais hormis sa chevelure, il n'y avait rien à reprendre en sa charmante personne qui était celle d'un galant accompli.

Je n'ai gardé d'oublier aussi, que comme je sortais du milieu du fleuve, entre mes Tritons et Syrènes, promenant mon regard le plus hautain sur l'assemblée que ma merveilleuse apparition extasiait, j'avisai assis côte à côte de MM. de la commanderie de Renneville, messire de Merisy, la tête tendue vers nous, perruque posée de travers et menton appuyé sur une canne très haute, et madame de Merisy, royalement attifiée d'une robe d'hermine et toute étincelante de diamants ; au même instant je vis que ce seigneur mettait sur son nez ses lunettes avec de grandes marques de curiosité, et je m'aperçus qu'il m'avait reconnu à son rire et à son geste. Je n'eus pas le loisir alors de les considérer plus longuement, mais sitôt que j'eus dépouillé le costume de mon rôle, me tapissant derrière l'un des blancs rochers du désert de Médée, je me pris à les examiner de nouveau. Ils gardaient entre eux deux jeunes demoiselles d'une figure fort contraire, mais d'une égale beauté, à savoir l'une aussi blonde et d'un teint non moins relevé que jamais fut M. de Merisy, dont elle portait toute la fraîche mine et ouverte ; l'autre, l'aînée, avait tout à l'opposé, la mine moins rebondie et moins heureuse, le regard languissant, la chevelure plus brune, et la taille plus haute, mais moins remplie. L'on n'eût certes point imaginé que le sein d'une même mère eût pu être le commun nourricier de ces deux belles personnes. - Laquelle, me demandai-je, est la Milloquette de ce pauvre maître Hugues ? Mais aussitôt une pensée triste me dit : c'est celle-là sûrement aux regards chagrins.

Les journées qui suivirent furent aussi parfaitement joyeuses que la première, et M. de Sourdéac varia en mille manières les plaisirs de ses hôtes. Ainsi, dans la plaine de Neubourg, fit-il dresser un mai d'une si prodigieuse hauteur, que les plus adroits tireurs du pays se fatiguèrent plus de deux heures avant d'en toucher au bon endroit la colombe. Ensuite il fit les préparatifs d'un ballet, dont le sujet traité d'une manière nouvelle, fut le triomphe de Bacchus et d'Arianne, et où les deux Léopards de Normandie furent attachés au char du Dieu. Ses quatre filles grandes et petites y dansèrent avec les plus gracieux enfants de la province. Mademoiselle de Merisy parut dans ce ballet, mais Isabelle n'en fut pas. - Le bon jeu des acteurs et l'enthousiasme qu'alluma cette Toison revue sans lassitude pendant huit jours, satisfit pleinement l'orgueil du marquis de Sourdéac, car il put être assuré que pas une des splendides représentations qui se donnèrent dans Paris à la cour et à la ville pour célébrer les glorieuses nôces du roi, n'égalerait la pompe et la faveur de celle de Neubourg, et le cardinal lui-même ne put faire que sa pièce italienne, reçut des Parisiens l'accueil qu'il eût souhaité. Quel langage humain pouvait espérer en effet de captiver nos oreilles en se comparant aux divins couplets de M. Corneille, et Vigarami était-il d'âge à lutter contre M. de Sourdéac ?

La troisième nuit, à l'heure où le château reposait dans un plein sommeil de la cave aux combles, nous tous, comédiens, logés dans le pavillon, fûmes éveillés par des signaux amoureux qui se firent entendre, à intervalle, sous la fenêtre de notre avenante princesse Chalciope, la Beaupré ; puis, singulière rencontre, d'autres signaux pareils mais d'une autre voix ; et au même instant les deux voix se prirent de menaces, et de suite en jeu les deux épées. La malheureuse Marotte Beaupré qui s'en était éclatée de rire avant nous tous, ouvrit précipitamment la lucarne, et aussitôt elle se rejeta en arrière, criant : descendez ! vite, un flambeau ! quelle cruelle aventure ! un des gentilshommes est sur le carreau ! - J'arrivai le premier, et je vis que le gentilhomme était seulement étourdi. Son manteau qu'il avait roulé autour de son bras l'avait peut-être préservé de la mort, car l'estoc l'avait frappé si rude qu'il en avait été renversé ! Levant le large feutre qui couvrait ses sourcils et sa perruque grisonnante, je reconnus M. de Merisy. Ma première pensée le trouvant en ce grabuge, fut que le cotillon de théâtre avait une senteur qui ferait courir jusqu'à la fin de sa vie, ce vieux limier de seigneur. Je le dressai sur son séant et dès qu'il ouvrit les yeux, le premier visage sur lequel ils tombèrent fut le mien. - Je te trouve là bien à point, Avaletripes, me dit-il, pour me remonter en mon cabinet. Cruelle, fit-il à Marotte, qui pleurait encore de frayeur et qui baisa la main du grison par reconnaissance, sans doute, de ce qu'il ne se fût point fait tuer entièrement. Mme de Merisy et ses deux filles, éveillées par le peu de bruit que nous faisions dans le cabinet, s'habillèrent en désordre, et se montrèrent fort effrayées en voyant deux des comédiens veiller au lit de M. de Merisy. Une fable bien inventée les rassura pourtant, et afin de distraire leur inquiétude, il dit, en s'adressant à Mme de Merisy, qui n'avait point laissé voir qu'elle eût souvenance de ma figure : vous disais-je pas, madame, qu'il n'y avait pas à s'y méprendre et que notre ancien compère Avaletripes de la Belle-Estoile, figurait aujourd'hui le Dieu Glauque ? Et voyant que Mme de Merisy ne semblait point faire si grand cas que lui de cette rencontre, et se retirait avec sa plus jeune fille : - Isabelle, fit-il en se tournant vers celle-ci et l'appelant vers son lit, t'en souviendrais-tu point encore, l'homme de la Guibray qui chantait avec un masque noir et de grosses clefs au côté ? Il tira, ce disant, de sous l'oreiller de son lit une tabatière en forme de gourde qu'il secoua sur le revers de sa main et qu'il aspira de toute la puissance de ses naseaux, comptant ainsi remettre ses esprits et chasser le sommeil pour un temps. - Parle-lui de ton père, Isabelle, Avaletripes l'a connu, il y a belles années. - Il est vrai, répondis-je, charmante demoiselle, qu'en son vieil âge j'ai connu Hugues Gueru ; il est vrai même que me voyant jeune et de bonne volonté, il m'a donné plus d'une fois de braves conseils et de cordiales caresses, car autant sur le théâtre son art le montrait naïf et burlesque, autant hors de là il était d'un abord commode et d'un entretien profitable, n'ayant mine que d'un franc bourgeois et des plus honnêtes, comme des plus sûrs en amitié. - Sa mort en fait foi, repartit cette pieuse fille qui semblait fort exaltée depuis que je l'entretenais de Gaultier Garguille, puisqu'à en croire le peu que j'ai jamais su touchant mon père, il sortit de ce monde la même semaine que Turlupin son compère, et parce qu'ils ne pouvaient supporter la mort de Gros-Guillaume. - Vous n'aviez guères plus d'un an, Milloquette, repris-je, quand cette triple perte contrista l'hôtel de Bourgogne, et depuis lors les gaies farces qu'ils jouaient au grand rire de tout Paris et de M. le cardinal d'alors n'ont plus trouvé un seul digne comédien ; d'où vient qu'un autre genre de comédie moins folâtre à pris leur place ?

Tournant à ce moment les yeux vers M. de Merisy, je m'aperçus qu'il avait cédé au sommeil que réclamait l'heure avancée de la nuit, et le brisement de ses membres. Je repris alors d'une voix plus basse, craignant de troubler le repos du gentilhomme : - nous autres du Marais, sommes comme vous les enfants de Gaultier Garguille. Il fut des premiers de l'Hôtel d'Argent ; et pour qui déserta-t-il la rue de la Poterie ? Pour n'avoir plus qu'une même vie avec Gros-Guillaume et le père de Colin. - Je montrai du doigt Colin à Isabelle. Je n'avais pas été sans guetter les oeillades qu'il adressait depuis le commencement à cette séduisante personne et bien qu'elle en parût gênée, il n'était pas clair pour moi qu'elle en fût autant contrariée. - Oui, mademoiselle, lui dit Colin, je suis le fils de Turlupin, et nos pères ayant vécu jusqu'à la mort dans une union si extraordinaire, je ne brûlais d'un autre désir que de voir et de connaître la fille, belle comme une déesse, de Gaultier Garguille. Quand je cherche trace de mon père, je la cherche où est le vôtre, et dans toutes les images où les meilleurs dessinateurs du temps ont représenté Gaultier Garguille, vous verrez Turlupin à son côté. - Je vous sais gré de m'instruire ainsi de la vie de mon père, nous dit les larmes aux yeux mademoiselle de Flechelles, car j'ai été élevée dans une grande ignorance de son renom, bien que depuis le jour où il a quitté terre, j'aie souffert mille peines à cause de lui. Que Tabarin mon aïeul, que mon père Hugues Gueru, que Dieu surtout me pardonne, si je parle en mauvais termes de ma mère. - Tous ses membres tremblaient d'une émotion inconcevable, et elle denoua dessous son menton, pour s'en essuyer les yeux, le carré de soie dont elle était coiffée. Elle nous raconta alors que depuis l'heure où sa mère avait pris le nom que lui offrait messire de Merisy, elle ne lui témoigna plus tendresse d'aucune sorte. Milloquette se vit abandonnée aux valets et aux servantes et n'eut recours et amitié qu'en M. de Merisy. Si elle était surprise, dressant avec les enfants du village soit des crêches, soit d'autres petits semblants de théâtres qui sont un plaisir de cet âge, elle était battue et les enfants jetés hors du château. Il ne lui était permis aux foires de considérer aucuns baladins. L'ombre des gens de cette condition suffisait à faire horreur à madame de Merisy. Dès que sa nouvelle fille Marie Anne, fut venue en ce monde, elle la favorisa de tous ses soins, la tenant plus tard à l'écart de l'amitié d'Isabelle. Il semblait que le nom dont les serviteurs appelaient l'aînée, fut sa plus amère répugnance et son remords le plus vivace. Et cependant qu'elle pensait sans repit à surpasser de luxe toutes les plus puissantes dames qui lui faisaient voisinage, elle gouvernait très somptueusement la seigneurie du Jajolet qu'elle avait ambition de maintenir la plus brillante du pays. Quand M. de Merisy rassemblait quelques gentilshommes pour chasser au faucon ou courre le cerf, elle leur apprêtait un festin magnifique dont il était fait bruit loin et longtemps à la ronde. Elle n'avait garde de laisser manquer les cygnes dans les fossés et les paons sur la pelouse et sous la haute futaie qui regardent le logis. En outre les procès et intérêts de M. de Merisy l'occupaient fort, elle s'entendait à merveille à la chicane, et il ne se trouvait point de procureur à Domfront qui, à l'écouter ne trouvât confondue sa science. - Que je l'ai connue autre ! pensai-je en entendant Isabelle, mais aussi bien m'avait-elle dit qu'elle voulait une vie qui n'eût en aucun point mémoire de la première. Changement d'herbage rejouit les veaux.

Le jour commençait à poindre, et le flambeau posé proche du chevet de M. de Merisy vint à s'éteindre tout-à-coup sans que nous y prissions garde. Je me levai de mon siége avec précaution, et Colin et mademoiselle de Flechelles firent de même. Mais au moment où mademoiselle de Flechelles gagnait la porte de sa mère, j'entrevis malgré l'obscurité que Colin se saisissait de sa main et se baissant jusqu'à terre la lui baisait.

A la faveur du grand tumulte auquel le château de Neubourg était livré, il fut facile à Nicolas Legrand d'approcher maintes fois de mademoiselle de Flechelles, si bien qu'il arriva que le dixième jour, comme on se disposait à écouter encore les sublimes scènes de la Toison dont personne ne semblait se devoir rassasier, on chercha vainement le prince Absyrte, et tout ce qu'on en pût savoir, c'est qu'il avait le matin même acheté d'un paysan un vigoureux bidet tout harnaché. Madame de Merisy s'aperçut vers cette même heure de l'enlèvement d'Isabelle ; elle ne voulut d'abord croire à sa fuite et l'attendit jusqu'au milieu de la nuit, la cherchant et la demandant sans mot dire de son inquiétude ; mais, comme parlent les Normands, elle eut le temps jusqu'au matin de siffler la linotte. Elle s'en alla trouver la marquise de Sourdéac, et lui conta l'histoire. Cette dame d'une haute vertu pris fort à coeur la hardiesse de notre compagnon Legrand. Elle voulait qu'on s'en attaquât à notre troupe et qu'on la livrât tout entière à la sénéchaussée du Neubourg, pour qu'elle subit la rigueur des dernières ordonnances, mais M. de Sourdéac n'y voulut jamais consentir...

Par une suite de sa surhumaine magnificence, le marquis de Sourdéac, après avoir donné à l'illustre noblesse de Normandie les justes prémices de la tragédie d'un poète à jamais le plus glorieux entre ceux de cette province, et le prince de tous ceux du royaume, réjouit encore des restes de sa fête, durant une longue suite de mois et d'années, Paris entier et les courtisans. Outre de gros bénéfices, prix de notre voyage et de nos peines, nous rapportâmes de Neubourg sur de grands charriots ces superbes spectacles, ces étincelants costumes, tout l'immense appareil de mécaniques dont M. de Sourdéac était l'inventeur et qui n'étaient pas le plus mérite de cette pièce sans seconde. L'attirail entier de la Toison, établi dans notre Vieille rue du Temple, devait faire, comme il fit, une fortune extraordinaire. Le château de Neubourg, si resplendissant la veille, se trouva ainsi cruellement balayé, et il ne resta plus dans cette salle magnifiquement parée pour le spectacle que de rares lambris peints d'arabesques et sur les murailles mises à nu, quelques panneaux flétris où se voyaient d'un enfoncement de rochers sortir l'eau et des filaments de verdure. M. de Sourdéac, pour consacrer la glorieuse fête dont le souvenir demeure fixé à cette nef dévastée, a établi que le jour de la fête du pays qui est le jour de Saint-Paul, les jeunes garçons du pays y viendraient danser leurs branles, laquelle pratique, m'a-t-on redit, s'observe religieusement...

Le public laissait voir enfin quelque refroidissement d'une telle constance, mais cette constance se raviva d'un feu nouveau et plus passionné que devant, alors que mademoiselle Gueru, femme de Legrand, eût commencé vers les derniers jours de cette même année (1661) à remplir le personnage de la reine Hypsipile, rôle difficile, mais que le grand M. Corneille a favorisé des plus intéressantes situations, et le marquis de Sourdéac des plus éblouissantes inventions de son art. Enfin de même que beaucoup de curieux, de ceux qui chérissent la scène française, comme disait le bonhomme dans le vieux temps, n'allaient à l'hôtel de Bourgogne que pour ouïr chanter la chanson de son père Gaultier Garguille, ainsi beaucoup n'accouraient aux miracles de la Toison, que pour avoir la vue des graces parfaites de la reine de Lemnos. Il en semble pas possible que le public oublie jamais les transports passionnés dont il accueillait son apparition radieuse, lorsque la conque admirable se fondait dans l'eau, et qu'après que j'avais chanté ces derniers mots de mon couplet.

Et toi, qui jusques à Colchos
Dois à tant de beautés un assuré passage,
Fleuve, pour un moment retire un peu tes flots,
Et laisse approcher ton rivage...

Le prince Absyrte, représenté par le beau Colin Legrand, son mari, s'avançait pour lui donner la main et lui faire prendre terre en face du roi, en lui disant, comme les spectateurs auraient dit volontiers :

Princesse, en qui des Dieux les merveilleux efforts...

Le courage le plus assuré d'un comédien, cède et tombe à la première rencontre qu'il fait du public ; aussi me trouvais-je là fort bien placé les premiers soirs, pour reconforter par mes discours le coeur d'Isabelle, et pour empêcher, avant de m'abîmer moi-même dans le fleuve, que la queue de sa robe ne s'accrochât aux flots et aux machines du plancher. Je n'ai, de ma vie, vu un couple si charmant et d'un assortiment si heureux, et je ne croirai jamais que si Mme de Merisy s'est trouvée dans la salle le premier jour que sa fille y éleva tant d'admirations et d'applaudissements, le vieux coeur transi de Perrine ne s'en soit encore fondu d'aise et d'orgueil. Mais les acclamations des spectateurs ne rabattaient rien de leur furie, alors qu'Hypsipile quasi pâmée d'horreur au milieu des panthères, serpents, rhinocéros, ours, dragons, tous avec leurs antipathies à leurs pieds, et des monstres ailés et rampants qui l'enfermaient et menacaient de la dévorer, est débarrassée par la subite venue du prince Absyrte, dont les conjurations dispersent et font s'envoler tous ces épouvantements de Médée. Et combien tendre était la voix d'Isabelle, lorsque finalement dans la forêt obscure, consacrée à Mars, le soleil ayant conseillé aux personnages d'obéir aux commandements de Jupiter, et aux amants de s'unir, après qu'il a disparu en baissant comme pour fondre dans la mer, Hypsipile tendait la main à l'amoureux Absyrte, et tournant vers lui ses yeux dont la douceur profonde était le premier charme de son visage, lui disait :

Un prince si bien né vaut mieux qu'une couronne,
Sitôt que je le vis il en eut mon aveu.

Cette belle fin et ce beau geste contentait si fort les spectateurs, que le toit de notre jeu de paume en éprouvait chaque soir un horrible ébranlement, et que tous les clercs de procureurs en jetaient leurs chapeaux en l'air.

Les enchantements réunis de ce spectacle firent récrier si haut la cour et la ville, que le bruit en vint aux oreilles du Roi, lequel voulant payer de quelque honneur les belles louanges que M. Corneille faisait en son prologue de la gloire pacifique de Sa Majesté, vint avec les Reines à notre théâtre, le douzième de janvier 1662. Durant la représentation, le roi regarda Isabelle avec une grande complaisance, et parut charmé de sa beauté.


Notes : (1) La ville de Falaise a cette gloire d'avoir produit nombre d'êtres d'une configuration monstrueuse, soit extérieure, soit intérieure. Pour ne citer que les plus connus, ces deux qui, au temps de l'Empire, se montrèrent comme albinos dans le passage Delorme à Paris, et de la même époque fut ce célèbre Jacques de Falaise qui avalait avec une aisance incomparable les rats, les épées, les vipères, les étoupes enflammées, et qui, comme tout créateur d'un genre, n'a été surpassé par aucun imitateur ; enfin, plus nouvellement, ce merveilleux enfant de Falaise qui a couru tout le royaume, et dont les quatre membres offraient des extrémités phénoménales.


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