Guide du baigneur aux eaux
minéro-thermales de Bagnoles-de-l'Orne. Notice sur l'établissement et
ses environs.- Alençon : Impr. Lith. et Stér. Ch. Thomas, 1869.- 67 p. ; 19 cm. Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (23.XI.2010) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros] obogros@cclisieuxpaysdauge.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire (Bm Lisieux : Norm 1401) de la Médiathèque. Dans le corps du texte il est fait référence aux planches de l'Album de Bagnoles. Il s'agit sans doute aucun du recueil de Jean Louis Tirpenne (1801-1878) : Établissement thermal de Bagnoles-de-l'Orne et ses environs : vues dessinées d'après nature et lithographiées (ca. 1860), nous renvoyons par un lien à chaque planche signalée [le lien s'ouvre dans une nouvelle fenêtre]. GUIDE DU BAIGNEUR AUX EAUX MINÉRO-THERMALES DE BAGNOLES-DE-L’ORNE ~ * ~NOTICE SUR L’ÉTABLISSEMENT
ET SES ENVIRONS BAGNOLES-DE-L’ORNE
§ 1er LA LEGENDE DE BAGNOLES ______
« Il y avait autrefois sur les marches ou confins du Maine, de la Normandie et de la Bretagne, un seigneur de haut lignage et de grand renom. Il s’appelait Hugues, vidame de la Ferté-Macé, seigneur de Tessé, Couterne et autres lieux. Il avait été jeune et beau, fort et brave, entreprenant et aventureux. Il possédait des châteaux imprenables, de grands biens, de nombreux vassaux, des écuries remplies des plus beaux chevaux du Perche et de la Normandie, et des meutes excellentes. Mais, au temps dont nous parlons, il eût tout donné, ses châteaux, ses biens, ses écuries et sa meute, pour retrouver sa jeunesse, sa beauté, sa vigueur d’autrefois, la jeunesse, la beauté et la vigueur de Rapide, son vieux destrier, grâce auquel, il avait si souvent vaincu tous ses rivaux dans les tournois, devancé tous ses compagnons à l’hallali du cerf, défait ses ennemis sur le champ de bataille, enlevé les belles châtelaines des manoirs d’alentour. Mais, hélas ! à cet agréable, glorieux, mais rude et dangereux métier, le cheval et le maître avaient vite vieilli et gagné bien des fatigues, bien des blessures et bien des rhumatismes, tant et tant que le maître ne valait plus guère et le cheval plus rien du tout. Cependant le vidame ne pouvait se résigner soit à faire abattre, soit à voir périr sous ses yeux dans ses écuries, ce noble et fidèle compagnon de ses succès et de ses horions. Sur la lisière de la forêt d’Andaines, il existait une gorge étroite et profonde, traversée par un torrent rapide, entourée de rochers escarpés et sauvages et de halliers impénétrables. Nul homme, jusqu’alors, n’avait osé s’y aventurer ; il s’en échappait en effet constamment une vapeur tiède et sulfureuse qui dénotait par trop un soupirail de l’enfer, un rendez-vous de damnés, un lieu de sabat et de malédictions. Le cerf aux abois qui, après dix heures d’une chasse acharnée, avait pu parvenir à s’y soustraire pendant quelques instants à la poursuite de la meute ardente, y retrouvait des forces et des ailes qui ne permettaient plus de l’atteindre. C’est là que le vieux Hugues résolut, la mort dans l’âme, d’abandonner son favori, bien convaincu, hélas ! qu’il y laisserait ses os. Quel ne fut donc pas son étonnement et sa joie, lorsqu’un mois après il le retrouva à son râtelier, frais, alerte et dispos, comme aux jours où ils couraient les aventures ; il n’en pouvait croire ses yeux ; il contemplait, il embrassait, il caressait Rapide, dont l’oeil brillant et intelligent semblait lui dire : Rassurez-vous, c’est moi !... N’en pouvant plus douter, et curieux de voir si le prodige se reproduirait encore, il envoya successivement, sur le bord de la gorge, ses chevaux les plus infirmes, les plus malades et les plus fatigués ; tous revinrent au bout d’un mois dans le même état que le premier. Il n’eut plus de repos qu’il ne connut la cause de ces prodiges. Œuvres de Dieu ou du diable, sorcellerie, vertu des plantes secrètes ou des forces mystérieuses de la nature, il voulut en avoir l’esprit net, et, accompagné d’un de ses plus vieux et plus fidèles serviteurs, suivi d’une haquenée poussive et fourbue, qui portait ses vivres pour un mois, il s’enfonça sous bois. Chasseur habile, habitué à découvrir la piste des fauves, dans la bruyère, il n’eut pas de peine à retrouver et à suivre le sentier qu’avaient suivi ses chevaux sous les halliers épais. Il arriva ainsi non loin d’une fontaine dont les eaux, quoique limpides comme le cristal, exhalaient une diabolique odeur. Il remarqua que les bords de cette fontaine avaient été souvent foulés par les sabots de ses chevaux, et trouvant à quelque pas une grotte creusée par la nature dans les rochers à pic, il résolut de s’y installer pour observer ce qui allait se passer. A peine son valet eût-il débarrassé sa haquenée du fardeau qu’elle portait, que la dolente bête, rendue à la liberté et à ses instincts naturels, dressa la tête et les oreilles, ouvrit démesurément les naseaux et aspira l’air comme un chien qui veut découvrir la direction du gibier dont il sent vaguement les effluves autour de lui ; puis tout à coup, après un instant d’arrêt sur la fontaine, elle s’y précipita, en but les eaux à longs traits et y resta plongée pendant une demi-heure. Ensuite elle s’en alla paisiblement paître les maigres bruyères suspendues aux flancs des roches arides, ou les herbes marécageuses qui croissaient au fond du ravin. Le soir venu, l’animal revint à sa baignoire et à son abreuvoir, et ainsi chaque matin et soir pendant une semaine. Mais déjà il n’était plus reconnaissable : son poil était redevenu doux et luisant, ses jambes et ses reins avaient repris leur souplesse, et la pauvre bête, qui se traînait à peine en arrivant, sautait et bondissait comme un jeune poulain. Il n’y avait donc plus à s’en douter ; c’était à l’eau de la fontaine qu’il fallait attribuer le miracle, car rien autre chose ne pouvait l’expliquer. Le vidame était bien tenté de voir si cette eau ne lui serait pas aussi propice qu’à sa bête, mais son vieux serviteur l’en détournait tant qu’il pouvait, convaincu que la fontaine avait sa source bien plus près de l’enfer que du ciel, et que c’était un piége du malin pour le perdre... Notre vieux chevalier était brave, et un peu esprit fort. L’espoir de se retrouver jeune, vigoureux et alerte comme aux jours fortunés où il avait gagné l’écharpe et les bonnes grâces de la dame de Bonvouloir, au Tournoi de Domfront, excitait son courage. Pourtant il hésitait encore, lorsqu’un jour il entendit sous bois, les voix de ses piqueurs et de sa meute ardente qui s’acharnaient en vain depuis de longues heures à la poursuite de quelque gros animal aux jambes d’acier. Après s’être bien des fois rapprochée puis éloignée de la gorge, la chasse se dirigeait vers elle à fond de train, lorsque le vidame vit passer sur sa tête une masse rousse qui, du haut du promontoire appelé depuis le saut de la Biche, se précipitait dans la fontaine - C’était en effet une pauvre Biche aux abois qui avait eu recours à ce parti désespéré pour dépister les chiens. Mais tandis que ceux-ci arrivés sur le bord du précipice, fouillaient les hautes bruyères pour retrouver la voie, la Biche, d’abord immobile et raide, reprenait ses sens et bientôt ses ébats, et lorsque la meute, après de longs détours descendait au fond du ravin pour s’y désaltérer, la vaillante bête, plus alerte que jamais repartait comme un trait. Le soir arrivait sans que les piqueurs eussent pu sonner le triomphant hallali. C’en était trop - Le vidame lui aussi, se précipita dans la fontaine et y but à satiété, non pourtant sans s’être signé trois fois. Au bout de quelques jours, il sentit ses membres raidis se détendre, sa peau ridée s’assouplir, la force lui revenir, et dans tout son corps un bien-être indéfinissable qu’il ne connaissait plus depuis longtemps. Témoin de ce résultat, le vieux serviteur, après avoir recommandé son âme à Dieu, à notre dame la Vierge, à son saint patron et à tous les saints du paradis, se décida à faire comme son maître ; à quelque temps de là, maître, serviteur et monture revenaient au manoir, à peine reconnaissables et ayant fait pour de longues années provision de vie et de santé. Le vidame se maria avec la dame de Bonvouloir, et il en eut beaucoup d’enfants. Il fut si reconnaissant qu’il fonda, aux lieux où il avait trouvé la guérison de tous ses maux, un hôpital et une chapelle pour les pauvres malades et infirmes qui viendraient y chercher du soulagement à leurs misères. Il les dota d’une grande étendue de bois qui forment encore aujourd’hui le Parc de Bagnoles. Telle est l’origine légendaire des bains de Bagnoles de l’Orne, qui, à raison de leur position unique dans le nord-ouest, à raison de la vertu de leurs eaux, de la salubrité du climat, de la beauté du pays, du confortable qu’on y trouve aujourd’hui, sont appelés à devenir un des plus importants établissements minéro-thermaux de France.
§ 2.
Histoire de Bagnoles. Plusieurs auteurs font remonter aux Romains la découverte et l’appropriation des sources de Bagnoles. Ils prétendent trouver la justification de cette hypothèse dans le nom de Bagnoles, donné à cette station thermale, Balneum, Bagneum, Bagneolum : petits bains. Ils ajoutent qu’on a retrouvé à diverses époques, en fouillant le sol, plusieurs substructions en briques et en ciment qui ne laissent aucun doute sur leur origine et leur destination. On sait d’ailleurs que les Romains faisaient un usage presque journalier des bains ; qu’ils en ont construit partout où ils ont séjourné quelque temps. Il est donc tout naturel, qu’ils aient choisi ces lieux pour y établir une station thermale, alors que déjà ils y possédaient une forge, et que de nombreux monuments dont nous parlerons plus tard, attestent leur résidence prolongée dans ces contrées, où il n’existait pas d’autres sources chaudes. Pendant l’époque de Barbarie qui a suivi l’invasion des francs, pendant les guerres acharnées que se sont livrées sur ces confins de leurs territoires, les Bretons, les Normands et les Manceaux, l’établissement fondé par les Romains est tombé en ruine et en oubli, ses débris ont été emportés par les eaux du torrent qui roulait à ses pieds, et qui emporteraient encore aujourd’hui les constructions nouvelles, si elles n’étaient défendues par des digues puissantes. Longtemps les eaux de la source de Bagnoles ne furent l’objet d’aucun règlement, et restèrent à la disposition de tout le monde, particulièrement des malheureux du pays ; mais sous le règne de François 1er, ce furent les bains de prédilection de tout ce que la Cour renfermait de plus éminent. Marguerite de Valois, soeur de François 1er, duchesse d’Alençon, châtelaine de Couterne et plus connue sous le nom de Marguerite de Navarre, aimait beaucoup à s’y rendre avec sa Cour, ses pages, ses poètes, ses musiciens et ses savants, et c’est de cette époque que datent la plupart des châteaux renaissance qui couvrent le pays, et dans lesquels chaque seigneur tenait à honneur de donner l’hospitalité à la suzeraine. C’est en 1605 seulement qu’Henri IV rendit les premiers édits qui réglementaient l’usage des eaux de Bagnoles. En 1666, la propriété de ces eaux fût réunie au domaine de la couronne par les soins de Monseigneur de Marles, commissaire-général pour la conservation des eaux et forêts de Normandie ; les receveurs des domaines du vicomté de Falaise les ont administrées jusqu’en 1687. Un arrêt du Conseil d’Etat du 10 juin 1687, concède la surveillance des eaux de Bagnoles à Legeay, docteur en médecine et à François de La Loë, chirurgien juré à Falaise. Bientôt après, l’aliénation en fut ordonnée par lettres-patentes du roi Louis XIV et les sieurs Legeay et de La Loë s’en rendirent acquéreurs. Pierre Hélie, secrétaire du Roi, receveur des tailles de l’Election de Falaise, leur succéda en 1692. Bagnoles resta dans la famille de Hélie jusqu’en 1795, c’est-à-dire pendant un siècle. Au cours de cette période, on voit Hélie de Cerny anobli pour sa bonne administration, prendre le titre de Commissaire-enquêteur du Roi, Ordonnateur des bains de Bagnoles, et le sieur de Gondonnière, celui d’Intendant des eaux pour sa Majesté le Roi. A ce moment, l’importance de Bagnoles était assez grande pour nécessiter de nombreuses constructions et l’érection de la chapelle qu’on y voit encore aujourd’hui. Les bains de Bagnoles, ont été comme biens nationaux et en vertu d’un arrêté préfectoral du 22 septembre 1805, aliénés au profit de la famille Janvrin. Ils ont été ensuite possédés par la famille Le Machois qui les a reconstruits et modifiés à tel point qu’en 1820, ils occupaient le premier rang parmi les plus beaux et les plus suivis de France. On évalue à près d’un million les dépenses alors faites, pour les mettre en état. A cette époque, le marquis de Voyer d’Argenson, Ministre du Roi, insiste souvent et pendant plusieurs années auprès du propriétaire des Eaux de Bagnoles pour demander que le Roi puisse y envoyer ses militaires malades, parce que, disait-il, l’efficacité des eaux était reconnue et qu’il était onéreux pour sa Majesté d’envoyer les malades dans les Pyrénées et à Bourbonne. En conséquence, un hôpital militaire fut créé à Bagnoles ; il demeura longtemps très-fréquenté, et il le serait encore aujourd’hui si le précédent propriétaire, M. Desnos, n’avait trouvé insuffisante l’allocation qui lui était donnée pour ce service. En 1821, le 27 décembre, et par acte passé devant Me Gelée, notaire à Alençon, le département de l’Orne représenté par son Préfet, M. le marquis de la Morélie, fit à Bagnoles une fondation, pour les malades indigents, de 2 lits pouvant être occupés tous les ans pendant 100 jours chacun. Sans s’étendre davantage sur cette fondation, il est néanmoins convenable de dire qu’elle eut lieu sur l’initiative de M. Ministre de l’Intérieur qui, connaissant les avantages des eaux et bains de Bagnoles, avait, par amour pour les établissements qui se consacrent à l’humanité, recommandé Bagnoles à plusieurs départements et particulièrement à celui de l’Orne. En 1865, le 18 avril, par acte sous seing privé déposé à Me Tixier notaire à Alençon, Bagnoles a été acquis de M. Desnos par une Société puissante, qui l’a agrandi, complété, transformé et mis à la hauteur des plus beaux et des plus utiles établissements de France et d’Allemagne.
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§ 3. Topographie de Bagnoles. L’établissement de Bagnoles est situé ainsi que nous l’avons dit, sur les confins de la Normandie, de la Bretagne et du Maine, dans la commune de Tessé-la-Madeleine, canton de Juvigny-sous-Andaines, et dans celle de Couterne, canton de la Ferté-Macé, arrondissement de Domfront, Orne. - Il est bâti dans une des gorges les plus pittoresques de la Suisse-Normande, sur la lisière des vastes et magnifiques forêts d’Andaines et de la Ferté-Macé. Les sources Minero-Thermales apparaissent au sein d’une formation de grès quarzites stratifiés, auxquels on a donné le nom de grès fucoïdes. Ces grès occupent la base des terrains siluriens. Mais depuis leur cristalisation au fond des eaux paisibles, combien ils ont dû subir de bouleversements, de dislocations, de soulèvements et d’affaissements successifs ! C’est à l’un de ces soulèvements et de ces affaissements, causés par l’irruption des laves granitiques et porphyriques à travers les couches de l’écorce terrestre, qu’est due la formation de la vallée de Bagnoles et des rochers gigantesques qui l’entourent ; c’est par l’une des fissures produites dans leurs strates bouleversées, que s’échappent des profondeurs de la terre, les sources thermales et minérales. Rien n’est curieux comme cette étrange vallée de Bagnoles, dont l’enceinte étroite est fermée par des rochers à pic. Leurs couches, tantôt se superposent aussi régulièrement que les blocs d’une muraille cyclopéenne dans les parois disjoints de laquelle croissent les lierres et le rhododendron toujours verts, tantôt se dressent en aiguilles élancées comme les flèches d’une cathédrale, tantôt s’inclinent, surplombent et semblent menacer de prodigieux éboulements. Il ne faut pas, du reste, remonter bien loin pour en trouver la trace. De la terrasse des bains, on aperçoit à une hauteur vertigineuse, un groupe de grès énorme, dont la forme bizarre se présente bien vite à l’imagination, comme celle d’un animal antédiluvien colossal, placé à la porte de la gorge pour en défendre l’entrée : on l’appelle le Roc-au-chien. (Voir album de Bagnoles planche IV.) A ses côtés s’élevait, il y a moins de cent ans, un autre groupe colossal encore, qui tout à coup s’est écroulé sur lui-même, avec un bruit formidable dont rien au monde, paraît-il, ne peut donner l’idée ; la terre en a tremblé à dix lieues à l’entour. C’est avec les miettes de cet éboulement qu’ont été les murs du parc et du château de M. Goupil, dont nous parlerons plus tard et l’on en pourrait bâtir une ville toute entière, qu’à peine si l’on s’en apercevrait. Au fond de la gorge qui s’ouvre du nord au sud, s’écoule le ruisseau de la Vée, paisible et limpide pendant l’été, torrentueux pendant l’hiver. Il s’échappe d’un grand lac situé à l’extrémité du parc, et après avoir fait tourner un moulin construit sur l’emplacement qu’occupaient d’anciennes forges romaines, il va se jeter dans la Mayenne arrosant de fertiles prairies qui se perdent à l’horizon. L’établissement est bâti sur les deux bords du ruisseau qu’on franchit par trois ponts. A gauche, en regardant le midi, s’étend le parc de Bagnoles, un des plus beaux qui se puisse rencontrer, par la variété des sites et des points de vue, et la magnificence des arbres d’essences diverses qui en font l’ornement. A droite se dessine le parc nouvellement créé par M. Goupil et qui bientôt ne le cèdera en rien à celui de Bagnoles, - l’un et l’autre confinent à la forêt d’Andaine et se confondent avec elle. Bagnoles doit à cette disposition de la vallée s’ouvrant du nord au midi, à sa grande élévation au-dessus du niveau de la mer, au voisinage du parc et des forêts qui l’entourent, à l’essence des arbres qui y croissent, à l’odeur balsamique des pins et des bruyères, un air si pur et si sain que jamais aucune maladie épidémique, infectieuse ou contagieuse n’y a paru et fait une seule victime. Le choléra, le typhus y sont complètement inconnus.
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§ 4. La vie à Bagnoles. Pendant la Révolution et longtemps encore après, le silence s’est fait autour de Bagnoles autrefois si suivi, si animé. Il ne faut pas s’en étonner. Tandis que toutes les autres stations minéro-thermales, étaient facilement accessibles au moyen des chemins de fer, celle-ci perdue dans une des gorges les plus sauvages des Alpes normandes, mystérieusement cachée au milieu des vastes forêts d’Andaines et de la Ferté-Macé, éloignée de tous les grands centres d’habitation, privée de routes et de chemins praticables, était en quelque sorte inabordable. Les habitants du pays, quelques touristes intrépides et un petit nombre de malades désespérés venaient bien y chercher péniblement une guérison qu’ils n’avaient pu trouver nulle part ailleurs et qu’ils y rencontraient fréquemment ; mais cela ne constituait qu’une clientèle assez restreinte. Combien les choses ont changé aujourd’hui. Des routes nombreuses et admirablement entretenues y arrivent de toutes parts à travers la forêt dont elles font un véritable parc. Briouze, station du chemin de fer direct de Paris à Granville, n’est qu’à trois petites lieues de Bagnoles, et le met en communication prompte et facile avec toute la France par les réseaux de l’Ouest et d’Orléans. L’embranchement de Briouze à la Ferté-Macé, aujourd’hui à peu près terminé, amène les baigneurs à quelques kilomètres de l’établissement. Celui-ci lui-même est à peine reconnaissable ; il s’est transformé sous une impulsion énergique et intelligente. On y trouve partout le confortable, l’aisance l’ordre et les soins les mieux entendus. Bâtiments, cours, jardins, parc, bains, douches, hydrothérapie, lacs, ruisseaux et fontaines, appartements et mobilier, tout a été nettoyé, déblayé, peigné, blanchi, remis à neuf ou renouvelé, et ne laisse rien à désirer. Aussi, maintenant les baigneurs affluent-ils de tous pays, et particulièrement de Paris, de Rouen, du Hâvre, etc. Voilà même que les habitants de la perfide Albion, toujours en quête de ce qui est bon à prendre, toujours en humeur de garder ce qu’ils ont pris, se disposent à entrer en possession de Bagnoles, comme de Perim et d’Aden. L’existence à Bagnoles est très-simple ; de cinq à neuf heures du matin, chacun va prendre son bain chaud, sa douche, ou faire une pleine eau d’une demi-heure dans la grande piscine couverte et vaste comme un lac, sans cesse réchauffée et renouvelée par un puissant courant d’eau minéro-thermale ; puis absorbe son verre d’eau réglementaire et parcourt le parc et les bois jusques au déjeuner, où l’on arrive avec un appétit de naufragé de la Méduse. Le parc qui entoure l’établissement est si beau, les eaux qui le traversent sont si fraîches, si limpides, l’air qui circule à travers les grands pins de Normandie et les chênes touffus est si pur, si sain, si fortifiant, les sites, les points de vue qu’on rencontre à chaque pas sont si variés, si magnifiques, que personne, à moins d’y être contraint par la souffrance, ne s’avise d’étouffer dans son appartement quelque confortable qu’il soit : chacun s’empresse d’aller respirer à pleins poumons au dehors, la vie, la force, la santé. Après déjeuner, promenade à cheval ou en voiture, le plus souvent en grande caravane, pour aller explorer les environs, visiter un jour les ruines de Domfront si imposantes et si majestueuses sur leur montagne de grès, qu’elles semblent encore faire trembler le Maine et la Normandie ; un autre jour le camp romain au milieu duquel est assise la tour de Bonvouloir, ou bien les châteaux de Couterne et de Carrouges, Lassay, Hauteville, etc. (N.B. Voir album de Bagnoles et les notices ci-après.) L’heure du dîner arrive, il n’est pas besoin de dire combien il y est fait honneur, après ces excursions. Les repas se prolongent, les connaissances se font ou se cimentent, les conversations se nouent, puis s’en vont se continuer dans les cercles intimes ou les promenades solitaires, sur les vertes pelouses ou sous les grands arbres de l’avenue, au haut des pics gigantesques, ou sur les bords du lac. Les uns s’échappent pour aller pêcher les écrevisses qui abondent dans les ruisseaux de la forêt, d’autres vont visiter le château et le domaine princier de M. Goupil, toujours ouverts aux baigneurs de Bagnoles. A la nuit tout le monde se retrouve aux salons pour lire les journaux, les revues, danser ou faire de la musique. Souvent aussi on va suivre à pied, à cheval, en voitures, les grandes chasses aux cerfs, aux sangliers, aux loups, aux chevreuils et aux renards que donnent dans la forêt MM. de Chambray, de Contades, de Courcival, de Hercé, de Torbechet et leurs nombreux amis, avec leurs brillants équipages et leurs excellentes meutes. Du rond point de l’Etoile, au centre d’Andaine, d’où partent douze lignes immenses, on est toujours à même de voir et d’entendre bien des fois passer et repasser les animaux, les chasseurs, les piqueurs et les chiens. Telle est la vie que l’on mène à Bagnoles. Il est difficile d’en imaginer une meilleure et plus propre à raffermir les santés les plus délabrées. Les plus grandes comme les plus modestes fortunes y trouvent des plaisirs et un bien être en rapport avec leurs habitudes et leurs goûts. L’Etablissement de Bagnoles comprend : 1° Les bâtiments renfermant les sources dites thermales, Dufay et des Dames. 2° Les anciens et nouveaux bâtiments destinés à donner les bains Russes et les bains de vapeurs, les bains ordinaires, et possédant aujourd’hui quarante baignoires parfaitement installées. 3° Les bâtiments anciens et nouveaux renfermant la petite et la grande piscine, et tous les nouveaux appareils installés cette année, par la maison Charles de Paris, pour un service d’hydrothérapie et de douches, tel qu’il n’en existe pas de plus complet en France. 4° Plusieurs beaux hôtels comprenant plus de deux cents chambres et appartements restaurés et meublés à neuf, pour le logement des baigneurs, de leurs domestiques et du personnel de l’établissement. 5° De vastes remises et écuries pour les voitures, chevaux et équipages de maîtres. 6° Deux grandes salles à manger, dont l’une peut contenir plus de 200 couverts, un restaurant et un estaminet. 7° Des salons de conversation, de lecture, de danses et de jeux. 8° Dans l’Etablissement même, au-dessus de la source, et comme accrochée aux flancs de la montagne, au pied du roc du Capucin, s’élève une gracieuse chapelle dédiée, à la mère de Dieu, à sainte Reine comme on l’appelle dans le pays. Au-dessus de l’autel, est un des plus beaux tableaux de Garo-Fallo, donné par le marquis de Somma Riva reconnaissant d’avoir été guéri à Bagnoles d’une affreuse maladie de peau réputée incurable. La messe se célèbre à peu près tous les jours dans cette chapelle, par les nombreux ecclésiastiques qui viennent prendre les eaux de Bagnoles, et chaque dimanche par M. l’abbé Croquet, l’honorable châtelain de Beauvin, historique et curieux manoir, dont il fait les honneurs aux baigneurs de Bagnoles avec une parfaite courtoisie.
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§ 6. Sources, propriétés et composition des eaux de Bagnoles. L’Etablissement de Bagnoles possède trois sources principales dites : la source Thermale, la source Dufay et la source des Dames. La source thermale et la plus importante est chlorurée, sodique, sulfurée et arsenicale et marque au thermomètre 27 degrés centigrades ; elle est parfaitement limpide et excessivement abondante, puisqu’elle peut remplir en quelques heures, entr’autres une immense piscine couverte, contenant 125,000 litres, et dans laquelle l’eau se maintient à la température de 25 degrés, très-favorable à la natation. L’eau thermale se donne en bains ou douches de toutes sortes et à toutes les températures voulues ; elle se prend en boisson et se supporte facilement. Les deux autres sources sont ferro-crénatées à la température de 12 à 13 degrés ; elles ne se donnent qu’en boisson et sont faciles à prendre et à digérer. L’action de ces eaux est expliquée par la nature des éléments qui les minéralisent, le chlore, le sodium, le souffre, le fer, le manganèse, l’acide-crénique et l’arsenic. Les eaux de Bagnoles ne sont pas une panacée universelle, mais elles possèdent certaines vertus, certaines propriétés si efficaces et si bien constatées, qu’elles suffisent à justifier leur réputation. Prises en bains, elles produisent immédiatement un assouplissement de la peau, une détente des fibres et des muscles, une sensation de bien-être qu’on n’éprouve nulle part ailleurs à un pareil degré. Prises en boisson et en bains chauds ou froids, suivant les tempéraments, elles procurent un accroissement notable d’énergie, une accélération rapide de la circulation du sang, une grande augmentation d’appétit, une amélioration sensible de tout l’état dynamique, un remontement général de la machine dont il est difficile de se rendre compte sans l’avoir éprouvé. Les maladies des voies digestives, que la science appelle dyspepsies, atoniques et flatulentes, et qui sont caractérisées par les pesanteurs de tête, les étourdissements, les vertiges, les éblouissements, les bourdonnements d’oreille, les bâillements, les vapeurs, la prédisposition au sommeil et à l’immobilité après le repas, sont infailliblement et rapidement guéries par l’usage des eaux de Bagnoles en boisson et en bains. Les rhumatismes articulaires, musculaires et goutteux, s’il en est qu’on puisse appeler ainsi, cèdent toujours à l’emploi des eaux de Bagnoles, lorsqu’ils ont pour cause une constitution lymphatique, molle, épuisée. Les paralysies générales qui surviennent à la suite des fièvres essentielles ou bien à la suite des inflammations aigues, les paralysies périphériques, sont celles qui se guérissent le mieux à Bagnoles. Les maladies de la peau, qualifiées de Dermatoses vésiculaires, les formes humides et secrétantes de ces maladies, notamment les eczema les plus invétérés et les plus opiniâtres, guérissent à Bagnoles avec une étonnante facilité. Les personnes, et principalement les jeunes femmes et les jeunes filles, dont le sang est appauvri, trouvent dans les nombreuses sources froides, saturées de fer à différents degrés, qui entourent la source thermale, un précieux auxiliaire aux bains de piscine de celle-ci. Elles arrivent-là au commencement de la saison, pâles, étiolées, dolentes. Puis bientôt elles courent toute la journée et dansent la moitié des nuits. C’est merveille de voir la vie, la couleur, l’embonpoint revenir comme par enchantement sur leurs heureux visages. Ainsi, appauvrissement du sang, affections cutanées, rhumatismes, dyspepsies, affaiblissement général des organes et toutes les maladies conséquences de celles ci trouvent à Bagnoles une guérison rapide et assurée. Chaque année on voit quitter Bagnoles, avec des estomacs d’autruche, des jambes d’acier et des teints de lys, de malheureux qui en y arrivant, pouvaient à peine digérer de la bouillie, se trainer à leur bain, ou étaient couverts de lèpres hideuses. On peut lire pour s’en convaincre les ouvrages dont la nomenclature suit : 1° De la valeur thérapeutique des eaux de Bagnoles-de-l’Orne, par M. le docteur Bignon, ancien médecin-inspecteur. Paris, 1865 ; Germer-Baillière, libraire-éditeur. 2° De la valeur thérapeutique des eaux de Bagnoles, dans certaines formes de dyspepsie, par le docteur Bignon, ancien médecin-inspecteur. Paris, 1866 ; Germer-Baillière, libraire-éditeur. 3° Eaux thermales de Bagnoles-de-l’Orne, leurs propriétés curatives, par le docteur Ledemé, ancien médecin-inspecteur ; Alençon, 1867, De Broise, libraire-éditeur. 4° Des eaux thermales de Bagnoles-de-l’Orne, dans le traitement des affections rhumatismales, de la goutte et de la gravelle, par le docteur Bignon, ancien médecin-inspecteur. Alençon, 1868, De Broise, imprimeur-éditeur. 5° Bagnoles-de-l’Orne, ses sources naturelles, étude chimique sur leur composition et leurs éléments minéralisateurs, par M. Ossian Henri, membre de l’Académie impériale de Médecine, professeur agrégé honoraire de l’école de pharmacie de Paris, etc. ; Alençon, 1869 ; Charles Thomas, imprimeur-éditeur. 6° Appréciation des eaux de Bagnoles-de-l’Orne, les seules sources sulfureuses et ferrugineuses du nord-ouest de la France, souveraines contre toutes les maladies pour lesquelles l’emploi du soufre et du fer est indiqué, par le docteur Constantin JAMES ; Guide aux eaux minérales, aux bains de mer, et aux stations hivernales. Paris, 1869. A quelles causes, à quels éléments les eaux de Bagnoles doivent-elles leurs vertus curatives. C’est à peine si jusqu’ici, à l’établissement, on s’était mis en peine de le savoir. On voyait chaque année s’opérer des cures nombreuses ; on n’en demandait pas davantage. On semblait se faire un scrupule d’arracher à la nature le secret de ses prodiges ; on paraissait presque ignorer que Geoffroy, père doyen de la Faculté de Paris, que Geoffroy son fils célèbre chimiste, que l’illustre Vauquelin et Thierry, eussent fait et publié en 1694, en 1749, en 1813, une analyse des eaux de Bagnoles. Cependant ces analyses, avec les moyens très-insuffisants dont on disposait alors, avaient déjà révélé la présence dans les eaux de Bagnoles, à l’état libre, du gaz sulfhydrique et azoté uni à l’acide carbonique, et comme principes fixes, des chlorures de sodium, de mangnesium, de calcium, des traces d’iodure, de bromure et de sulfate de chaux, de la silice, du soufre, du fer, et une matière organique qu’on a appelée la baregine, à cause de son extrême ressemblance avec une substance analogue, rencontrée dans les eaux de Barège ; mais ces travaux n’avaient donné aucun dosage de chacune de ces matières. Aujourd’hui, on ne se contente pas ainsi. La médecine empirique ne suffit pas à notre siècle, curieux et investigateur. On veut savoir la cause de toutes choses : Felix qui potuit rerum cognoscere causas.
Au mois de juillet 1868, les propriétaires de Bagnoles ont fait venir sur les lieux, une des plus grandes notabilités de la chimie, M. Ossian Henri professeur agrégé honoraire de l’école de pharmacie, ex-chef des travaux chimiques de l’Académie de médecine de Paris, afin d’avoir le dernier mot sur la composition de ces eaux. Après de longues et consciencieuses recherches M. Ossian Henri a résumé le résultat de ses travaux et de ses observations, dans le tableau ci-après : A ce tableau M. Ossian Henri, ajoute la conclusion suivante : « L’établissement thermal de Bagnoles-de-l’Orne sous le rapport de sa richesse hydrologique, de l’abondance de ses sources, de leurs vertus reconnues depuis des temps très-reculés, et constatées chaque jour par la pratique médicale la plus consciencieuse ; sous le rapport enfin de sa position topographique, et des sites charmants qui l’entourent, est sans contredit une station thermale des plus avantageuses et des plus agréables. » O. HENRI.
Le docteur Constantin James connu dans le monde entier par ses travaux sur les eaux minérales, dans la notice qu’il a consacrée aux eaux de Bagnoles et à laquelle nous renvoyons le lecteur, se résume en disant, « que l’analyse de M. Ossian Henri justifie complètement les conclusions qui la terminent et les diverses propriétés attribuées aux eaux de Bagnoles et révélées par l’expérience ». Les eaux de Bagnoles se trouvent ainsi définitivement classées à leur véritable rang, un des premiers parmi les eaux minérales de l’Europe. Ce n’est pas, en effet, seulement par le dosage et la nature des éléments minéralisateurs des Eaux qu’il faut apprécier leur efficacité, c’est aussi et surtout par l’équilibre de ces éléments entre eux.
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§ 7. Le service médical. L’établissement de Bagnoles est ouvert du 1er juin au 15 octobre de chaque année. Le service médical est fait par : 1° MM. Le docteur Ledemé, médecin à Domfront, ancien médecin inspecteur, auteur de l’ouvrage indiqué, supra, page 25. 2° Le docteur Joubert, médecin à Paris, 12, rue Jacob, chevalier de la légion d’honneur. 3° Le docteur Villebrun médecin à Paris, rue du Renard Saint-Merry, 5. Tous résident à l’établissement pendant la saison des eaux. M. et Mme Louis Tablette, attachés à l’établissement depuis 40 ans, sont spécialement chargés du service des bains et douches. A raison de l’augmentation du nombre des baigneurs et des baignoires, et d’une installation toute nouvelle du service des douches, ils ont à leur disposition un personnel spécial nombreux et expérimenté, et pouvant par suite, beaucoup plus vite et beaucoup mieux que par le passé, donner satisfaction à toutes les convenances des baigneurs.
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§ 8. Moyens de communication. En ce moment, juin 1869, la gare de chemin de fer, la plus rapprochée de Bagnoles, est Briouze sur la ligne directe de Paris à Granville ; c’est pour cette station qu’il faut prendre son billet ; elle est à 16 kilomètres de l’établissement ; c’est de là qu’aujourd’hui partent les voitures qui se rendent à Bagnoles ; mais à la fin de cette année, de Briouze, partira un embranchement se rendant à la Ferté-Macé, où des omnibus de l’établissement viendront prendre les voyageurs à tous les trains. De tous les points de la France, on peut aujourd’hui se rendre en chemin de fer à Briouze et de là à Bagnoles.
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§ 9. Tarifs. Les baigneurs trouvent à l’établissement tous les tarifs dont ils ont besoin. Les prix appliqués pour les Hôtels, Restaurants et Estaminets de l’Etablissement sont d’ailleurs très-modérés. Le prix des Chambres, pour notable partie, est de 2 et 3 fr. par jour et par chambre. On trouve des chambres et des appartements d’un prix plus élevé. La pension est fixée comme suit : Ancienne table d’hôte, déjeuner et dîner, par jour, 6 fr. 50. Nouvelle table d’hôte, déjeuner et dîner, par jour, 4 fr. 50. Le service dans les chambres et au restaurant se fait à la carte. Le service dans les chambres est augmenté de 1 fr. par jour. En sus de la pension et du logement, chaque personne paie, par jour, 50 cent. pour le service. Les enfants ne paient que demi-pension. Les domestiques sont logés et nourris moyennant 4 fr. 50 par jour. L’entrée des Salons, Salles de Jeux, Lectures, etc, est tarifiée à l’Etablissement et réservée aux pensionnaires. Les locations de voitures, chevaux, pianos d’étude, sont également tarifiées à l’Etablissement.
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§ 10. LES ENVIRONS DE BAGNOLES _____ La Forêt d’Andaine et de la Ferté-Macé. Le Gué-aux-Biches. La chapelle de Saint-Horter. La chapelle de Saint-Antoine. La chapelle de Lignou. Le lit de la Grogne, etc. Les forêts d’Andaine et de la Ferté-Macé, qui n’en font à vrai dire qu’une seule, enveloppent le parc de Bagnoles et celui de la Roche-Goupil avec lesquels elles se confondent. Leur contenance totale est de dix mille hectares ; elles sont admirablement percées de routes qui presque toutes convergent vers Bagnoles, et traversées par mille ruisseaux remplis de truites et d’écrevisses. La pêche est exclusivement louée par l’état à l’établissement de Bagnoles. Toutes les essences de forestiers y viennent admirablement, et particulièrement les chênes, les hêtres, les bouleaux et les grands pins silvestres, dont les senteurs balsamiques et fortifiantes contribuent sans doute à l’extrême salubrité du pays. Tous les fauves y abondent, et elles sont le rendez-vous favori de chasseurs de cerfs, de sangliers, de loups, de chevreuils et de renards. L’établissement de Bagnoles leur offre un rendez-vous unique pour ces sortes de parties ; après les rudes travaux et les plaisirs de la journée, ils sont assurés d’y trouver un bain pour défatiguer leurs membres, une cuisine excellente pour remettre leurs estomacs, des appartements confortables, des remises, des écuries et des chenils, spécialement disposés pour leurs voitures, leurs chevaux et leurs meutes. La forêt d’Andaine offre à chaque pas des sites tellement variés et tellement agréables, que l’on peut la parcourir pendant des mois entiers, sans revoir les mêmes lieux. Parmi les buts de promenade que choisissent de préférence les baigneurs, on cite : le Gué-aux-Biches, la chapelle de Saint-Horter, la chapelle de Saint-Antoine, la chapelle de Lignou, et le lit de la Grogne.
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§ 11. Le Gué-aux-Biches. Le Gué-aux-Biches n’est qu’une jolie maison de campagne moderne, dans une situation ravissante, tout près d’un gué que les biches traversent presque toujours pour passer de la forêt d’Andaine dans celle de la Ferté. En face du Gué-aux-Biches, on aperçoit une autre habitation dont le nom seul est tout un poëme : Le Lys de la Vallée. C’est une des promenades favorites des baigneurs de Bagnoles.
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Saint-Horter. Saint-Horter vivait au VIe siècle. Il fut l’apôtre le plus éloquent, et l’un des solitaires les plus vénérés de l’Antique Neustrie ; après avoir converti au christianisme une grande partie de la contrée, il vint consacrer ses derniers jours à la prière, et mourir au milieu de la forêt d’Andaine, près d’une limpide fontaine, où il avait établi son hermitage. La piété des fidèles, y a substitué une modeste chapelle où tous les habitants de la contrée ont l’habitude de se rendre en pèlerinage le mardi de Pâques, et dans tout le cours de l’année.
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L’oratoire de Saint-Antoine. A deux lieues de Saint-Horter, et au fond d’un ravin sauvage, Saint-Antoine s’était aussi à la même époque élevé un hermitage, sur l’emplacement duquel on a construit un oratoire qui date du XIIIe siècle. Il est aussi fort en vénération : les deux hommes de Dieu se visitaient parfois et pour reconnaître leur route au milieu de la forêt, vierge alors de tout sentiers humains, ils disposaient de distance en distance, dit la tradition, de petits tas de pierre qui leur servaient de jalons. Encore aujourd’hui on trouve çà et là le long des sentiers qui mènent à Saint-Horter, de petites pyramides de pierre, tantôt à terre, tantôt suspendues dans les fourches des arbres. Ce sont les pélerins se rendant à la chapelle, qui les ont ainsi élevées à la hauteur de leurs maux ; si vous avez le malheur de détruire ces pyramides, prenez garde, vous éprouverez toutes les misères de ceux qui les ont édifiées.
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La chapelle de Lignou. Un soir qu’un habitant du Lignou de Briouze s’en revenait attardé de Couterne, à travers la forêt qui s’étendait alors jusque-là, il entendit au milieu d’un épais fouré des soupirs et des gémissements, et aperçut une pâle clarté. Il s’approcha, et qu’elle ne fût pas sa surprise et sa joie, en apercevant dans la bruyère, une vieille statuette en bois noirci, qui n’était rien moins que celle qui était en profonde vénération dans sa paroisse, et qui avait disparu depuis quelque temps de sa niche, au grand désespoir des paroissiens. Il l’emporte et la replace précieusement dans sa niche. Mais elle disparut encore, et quand il retourna pour la chercher aux lieux où il l’avait trouvée pour la première fois, elle le pria humblement de l’y laisser. Ce fut en vain que les fidèles du Lignou de Briouze, revinrent avec croix et bannières pour la chercher, elle leur déclara qu’elle avait choisi ce lieu pour sa résidence. Ceux de Couterne s’empressèrent d’y bâtir une chapelle qu’elle n’a plus quitté depuis, et qui est toujours en grande vénération.
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Le lit de la Grogne. Avant d’avoir ses saintes images et ses temples chrétiens, la forêt qui couvrait le pays, avait ses temples et ses idoles payens, ses génies malfaisants et ses fées protectrices : sa fée bienfaisante, c’était Andaine, dont elle a toujours porté le nom ; son mauvais génie, c’était la Grogne, qui habitait au milieu des landes arides sous d’immenses blocs de grès. Elle les avait apportés là dans son tablier, pour clore l’entrée des cavernes renfermant ses trésors. Que d’infortunés attirés par la soif insatiable de l’or, ont laissé sonner minuit avant d’avoir quitté ces cavernes fascinés par la vue du précieux métal, et n’ont plus jamais revu la lumière du jour ! Le lit de la Grogne, n’est pas autre chose qu’un dolmen, sous et sur lequel les Druides célébraient au sein des forêts leurs terribles mystères.
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§ 11. Les environs de Bagnoles.
LE LAC
Album de Bagnoles, Planche VI.
A l’extrémité de la pittoresque avenue qui conduit de l’établissement de Bagnoles à la route de La Ferté-Macé, la gorge où il est situé s’élargit tout à coup et l’on aperçoit une vaste plaine encadrée par les grands arbres de la forêt. C’est là que viennent se réunir, en un lac paisible les mille petits ruisseaux qui descendent des montagnes ; c’est de là que s’échappe en bouillonnant le torrent de la Vée qui traverse le parc de Bagnoles. Parmi les promenades favorites des baigneurs qui ne peuvent se livrer à de longues excursions, il n’en est pas de plus fréquentée que celle du Lac ; parmi les plaisirs auxquels ils se livrent, il n’en est pas de plus recherché, que les parties de pêche ou de bateau sur ses eaux profondes et poissonneuses. Près des rives du lac on découvre, à travers les cimes des pins sombres et mystérieux, la toiture aiguë d’une habitation défendue par de hautes murailles et sur la porte de laquelle se lit encore cette inhospitalière inscription : on n’entre pas ici. Il y a un quart de siècle à peine, une femme alors inconnue, était venue s’ensevelir dans ce tombeau d’où elle n’était plus sortie que pour être transportée à sa dernière demeure. - Jamais aucun bruit n’avait troublé le silence de cette solitude, si ce n’est le cri de l’orfraie et du hibou mêlés aux accords nocturnes d’une harpe céleste. Jamais être humain n’avait franchi le seuil de cet inviolable asile si ce n’est un vieux domestique qui de temps à autres allait sur le marché voisin faire la provision du ménage. On racontait pourtant, qu’un baigneur indiscret, avait pu apercevoir par dessus les murs, au milieu d’un grand salon tendu de velours noir, constellé des armes de la mort et illuminé comme une chapelle ardente, une femme jeune, belle, vêtue de blanc, comme en extase devant un crâne humain. Allez près de là au cimetière de Tessé-la-Madeleine, une tombe modeste vous révélera le secret de cette étrange existence.
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§ 12. Les environs de Bagnoles. LE PARC ET LE CHATEAU DE LA ROCHE-BAGNOLES Album de Bagnoles, planche VII.
Sur la rive droite du torrent de la Vée, à l’ouest et en face du parc de Bagnoles, s’étend l’immense et magnifique parc de M. Goupil, toujours hospitalièrement ouvert aux baigneurs de l’établissement. - Il est admirablement dessiné et planté par son propriétaire, qui consacre à son embellissement tous ses soins et des sommes considérables. Il présente comme celui de Bagnoles, les sites les plus variés, et domine au nord une partie de la forêt d’Andaine, et au midi, l’immense vallée de la Mayenne et de ses affluents. Pour y tracer l’une des avenues principales, il a fallu pratiquer une large tranchée au milieu des grès qui en formaient le sous-sol. Ces grès, dans cette partie, sont inclinés à peu près à 45 degrés, par couches superposées et distinctes comme les feuillets d’un missel sur le pupitre d’une église. A la partie supérieure d’une de ces couches, mise à nu par l’enlèvement de plusieurs autres, apparaissent aussi nettes, aussi accusées que si elles étaient gravées d’hier sur une argile humide, les empreintes, les pas d’un quadrupède gigantesque et d’un bipède colossal ; - ces pas se dirigent obliquement de bas en haut, c’est-à-dire du bord du grand lac qui devait alors exister là où l’on ne trouve plus qu’un modeste étang, vers les sommets des rochers qui l’entouraient. Depuis combien de siècles ces traces, ces preuves de la vie, sont-elles gravées et conservées, c’est un problème intéressant à résoudre et bien digne de fixer l’attention des géologues et des érudits. Le château de la Roche-Bagnoles, est assis sur le versant sud du parc. - Il vient d’être construit sur les plans et sous la direction de M. David, architecte au Mans. C’est une princière et colossale demeure, dans le style renaissance, aussi riche à l’intérieur qu’à l’extérieur, composée d’un principal corps de bâtiment, flanqué de quatre tours aux angles. Du beau perron qui conduit aux grands appartements d’honneur, s’étend un des plus vastes horizons que l’oeil puisse embrasser. Les serres, les servitudes et les jardins ne sont pas moins beaux et curieux à visiter que le parc et le château lui-même.
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§ 13. Les environs de Bagnoles. LE CHATEAU DE COUTERNE. Album de
Bagnoles, planche VIII.
A une demi-heure de marche de Bagnoles, sur la jolie route de Mayenne, on rencontre le château de Couterne, élégante construction du XVIe siècle, qui se mire dans les ondes limpides d’une vaste pièce d’eau. Il fut acquis en 1540, par Jean de Frotté, chancelier et poète de la reine Marguerite de Navarre, qui tenait alors sa cour à Alençon. Depuis lors jusqu’à ce jour, il n’est pas sorti des mains de cette noble famille, qui donna aux royalistes bretons un de leurs chefs les plus braves et les et les plus habiles, Louis de Frotté, fusillé à l’âge de 34 ans, à Verneuil, près Alençon, le 8 février 1800.
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§ 14. Les environs de Bagnoles. LA VALLÉE D’ANTOIGNY ET LES GORGES DE VILLIERS Album de Bagnoles, planche IX.
Parmi les sites nombreux et si variés qu’offrent les environs de Bagnoles, il n’en est peut-être pas de plus saisissant que la vallée d’Antoigny ou les gorges de Villiers, dont l’album de M. Tirpenne donne un dessin parfaitement réussi. Après avoir traversé une vaste plaine de bruyères, au sombre feuillage et aux vives couleurs, on arrive tout à coup sur le bord d’un escarpement gigantesque, d’où l’oeil plonge au fond d’une gorge étroite et profonde, qui s’entrouvre et s’élargit pour laisser voir à l’horizon les riches côteaux de la Mayenne. Du flanc des rochers bouleversés s’échappent des sources limpides et abondantes. Bientôt elles forment un ruisseau large et profond qu’on ne peut plus franchir que sur les troncs d’arbres que la tempête a couchés sur son lit. C’est là que les baigneurs de Bagnoles vont de préférence pêcher la truite saumonée et les écrevisses qui s’y trouvent en abondance. En revenant le soir, par les tièdes nuits d’automne, il leur est quelquefois donné d’apercevoir encore, assise sur le sommet des blocs escarpés que sa main puissante a entassés les uns sur les autres jusque dans les nuages, la Fée des Bruyères-Andaine, la Giselle normande, la Melusine du Poitou, dont les traditions du pays ont conservé mille légendes gracieuses ; qu’ils se gardent bien toutefois, de trop s’atarder passé minuit au milieu de la lande sombre, car au carrefour des six sentiers, ils pourraient bien voir la Grande Bique se dresser devant eux sur ses pattes de derrière, pour leur faire perdre le bon chemin et les faire périr dans les gouffres sans fond.
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§ 15. Les environs de Bagnoles. LA BERMONDIÈRE. Album de Bagnoles, planche X.
Du haut d’une douce colline gazonnée, abritée au nord par des châtaigniers et des hêtres comme il n’en existe peut-être plus en France, le château de la Bermondière domine une verdoyante pelouse, au bas de laquelle la Mayenne forme de charmantes cascades. - C’est une des promenades aimées des baigneurs de Bagnoles qui sont toujours assurés de trouver auprès de la famille de Kaerbout qui habite ce domaine, le plus gracieux accueil. C’est là qu’est mort le savant Réaumur.
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§ 16. Les environs de Bagnoles. CHANTEPIE. Album de Bagnoles, planche XI.
Le château de Chantepie, bizarre et pittoresque assemblage de constructions de tous les âges, restaurées avec un goût parfait par M. le marquis de Materre qui y fait sa résidence, possède une chapelle gothique, ornée de fresque et de vitraux du meilleur style, une des plus belles orangeries de France, et un parc admirablement dessiné à la manière anglaise. La Mayenne l’entoure et semble le quitter à regret. Rien n’est frais comme les prairies qu’elle baigne, et les bosquets qui la bordent ; rien n’est plus propre que Chantepie à délasser des aspects grandioses et sauvages du pays ; c’est la vallée de Tempé, au milieu des âpres montagnes de l’Arcadie.
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§ 17. Les environs de Bagnoles. HAUTEVILLE. Album de Bagnoles, planche XII.
Plus rien à Hauteville, sinon la royale hospitalité qu’on y reçoit, ne rappelle l’ancien manoir féodal du haut et puissant seigneur de Charchigné, Lassay et autres lieux. Vaste et grandiose demeure, le château actuel d’Hauteville est une construction toute moderne. Les belles avenues qui y conduisent, les magnifiques dépendances qui l’entourent, l’immense panorama dont on jouit du haut de son belvédère, en font une des plus belles habitations de la Mayenne. Il appartient au marquis d’Hauteville, noble descendant de la belle Isabelle d’Hauteville, fille de Samson, seigneur d’Hauteville en Charchigné, et de Suzanne de Loré, que ses père et mère avaient donné comme fille d’honneur à Marguerite de France, soeur de Henri II, et qui acheta Lassay vers 1550.
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§ 18.
Les environs de Bagnoles. LE CHATEAU DE LASSAY, RUINES DE BOIS THIBAULT ET BOIS-FROULT. A deux lieues au-delà de Couterne, sur la route de la Ferté à Mayenne, on rencontre la ville et le château de Lassay. La ville n’a rien de bien remarquable ; mais, de tous les anciens châteaux militaires du Maine, celui de Lassay est aujourd’hui le plus remarquable et le mieux conservé. En le voyant fièrement assis sur son roc entouré de ses épaisses murailles de granit appareillé et de ses huit tours colossales encore couronnées de leurs parapets, de leurs créneaux, de leurs machicoulis ; en parcourant ses plate-formes et ses casemates, on croirait volontiers que ce puissant boulevard du Maine, vient de se préparer à soutenir un nouveau siège contre Guillaume-le-Conquérant. On se reporte malgré soi aux plus beaux jours de la chevalerie, surtout quand on a l’honneur d’être reçu par le seigneur et maître de cette demeure hospitalière, le gracieux et courtois marquis de Beauchène, si droit, si vigoureux, si alerte malgré ses quatre-vingts ans passés, que les puissantes armures de fer qui veillent comme des sentinelles à l’entrée de la salle des gardes, semblent attendre qu’il les revête pour courir sus à l’ennemi. Quelques parties du château de Lassay et entr’autres certains soubassements, et la poterne qui conduit à la cour intérieure, paraissent dater du XIe siècle ; mais tout le reste porte très-évidemment, quoi qu’on en ait pu dire, le cachet des constructions militaires du XVe siècle. Il a successivement relevé du duché de Normandie, puis de celui de Mayenne ; de 1292 à 1560, il a appartenu à la maison de Vendôme, puis à Jean-de-Lafin, seigneur de Beauvais ; en 1574, il fut pris par les Huguenots sous la conduite de Montgommery, et en 1575, repris par Matignon, pour le roi qui en resta maître jusqu’en 1589. En juin de cette année il fut occupé par les Huguenots sous la conduite de Duplessis de Cosme, commandant de Craon, puis rendu au roi par la capitulation de 1598. Il passa successivement entre les mains de Mlle d’Hauteville de Charchigné, de Mlle du Tillet, d’Isaac de Médaillan, qui l’acheta en 1639, et fit ériger la terre en marquisat en 1647. Les marquis de Lassay la possédèrent jusqu’en 1750 date de la mort du dernier du nom ; elle passa alors entre les mains de Louis de Brancas duc de Lauraguais. Le 1er novembre 1797, elle fut vendue par le comte de Lauraguais à un sieur Pierlot qui en 1823 la vendit au marquis Guesdon de Beauchêne, son possesseur actuel. Le château de Lassay possède un grand nombre d’objets de curiosité et d’art fort intéressants et parmi ces derniers un tableau, chef-d’oeuvre de Chardin, d’un prix inestimable. Du haut du Donjon de Lassay, on aperçoit non loin-delà, les imposants débris du château de Bois-Thibault et les restes pittoresques de celui de Bois-Froult. Le château de Bois-Thibault, date évidemment du XVe siècle, il a successivement appartenu aux familles de Logé, du Bellay, du Martz, du Brossay ; il appartient aujourd’hui aux de Tournelay, qui ont leur résidence ordinaire en Normandie. Dès 1380, Bois-Froult, appartenait à une famille de ce nom, d’où descendent les de Médaillan, de Lavardin, Bûcher de Chauvigné ; il a été réuni par héritage à la terre de Lassay, et n’est plus aujourd’hui qu’une dépendance de ce domaine.
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§ 19. Les environs de Bagnoles. LE BOIS DU MAINE. - LE CHATEAU DE CHEVIERS. Le château du Bois du Maine, à M. le comte de Fermond, et le château de Cheviers, à M. le comte Lemercier, sénateur, méritent à bien des titres la visite des baigneurs de Bagnoles. Les renseignements nous manquent en ce moment pour en donner l’histoire ; les belles planches qui les reproduisent dans l’album de Bagnoles, nous dispensent d’en faire la description.
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§ 20. Les environs de Bagnoles. DOMFRONT Album de Bagnoles, planche XVII.
Domfront, ville de malheur,
arrivé à midi et pendu à une heure, pas seulement le temps de dîner ! Ainsi parlait, le 24 décembre 1575, ce pauvre Jean Barbotte, dont nous raconterons tout à l’heure la lamentable histoire, pendant qu’on lui passait la corde au col, sur la plate-forme du château de Domfront. Domfront la vieille ville, la vieille citadèle, la vieille capitale du Passais, aujourd’hui simple chef-lieu d’une sous-préfecture de l’Orne, était alors une place forte de première importance. Bâtie en 1014, sur le sommet d’un roc de grès à pic, par Guillaume 1er, comte de Bellesme et d’Alençon, pour mettre la frontière de la Normandie à l’abri des excursions des Manceaux des Bretons et des Angevins, elle dominait de plus de 300 pieds toute la plaine qui l’entoure. Elle était en outre défendue par des fossés profonds, de hautes murailles, des tours crenelées et un donjon colossal dont les restes imposants se perdent dans les nues et saisissent d’étonnement et d’admiration. « Cette situation, dit M. l’abbé Postel, dans un article intitulé Souvenirs de Basse-Normandie, cette situation est plus que remarquable, elle est peut être unique. - L’Italie seule en possède d’analogues. Je n’ai jamais rencontré plus admirable panorama que celui dont on jouit sur la plate-forme du château. J’ai vu Naples et son fameux golfe, Messine et sa rade, Gênes et ses collines parfumées, les Pyrénées et leurs sites enchanteurs, les Alpes et la Suisse, les plaines renommées de l’Andalousie, Cordoue et la Castille, le Saint-Gothard et Milan, l’Auvergne et ses riches montagnes ; les perspectives pouvaient être ou plus riantes, ou plus gigantesques, aucune ne m’a séduit, entièrement séduit comme celles de Domfront. » L’histoire de Domfront serait presque l’histoire toute entière des longues et terribles luttes qui ont eu lieu depuis le XIe siècle jusqu’à la fin du XVe, entre les comtes de Bellême et d’Alençon, les ducs d’Anjou et de Bretagne, les Rois de France et d’Angleterre, pour la possession de ces contrées qui ont si souvent changé de maître. Il n’est pas une de ces luttes, dans laquelle la place de Domfront n’ait joué un rôle considérable, et que les bornes obligées d’une notice, ne nous permettent pas de décrire. Qu’il suffise de rappeler, que le château de Domfront a servi de résidence entre autres hôtes, à Guillaume le Conquérant, à Henri 1er et Henri II, rois d’Angleterre, à Eléonore de Guyenne, à Charles VIII, à Charles IX de France, et à Catherine de Médicis. S’il n’est pas possible de raconter ici tous les hauts faits d’armes, dont le château de Domfront fut le témoin, il n’est pas permis cependant de passer sous silence le siège mémorable qu’y soutint en 1674, le comte de Montgommery, contre le maréchal de Matignon. Gabriel de Lorges, comte de Montgommery, était après Coligny, le plus célèbre chef des Huguenots. - Il avait failli comme celui-ci périr à la Saint-Barthélemy, et avait tout d’abord cherché un refuge en Angleterre. Mais bientôt il était revenu se mettre à la tête de ses coreligionnaires, soulevés en Basse-Normandie. Après s’être emparé de la place de Domfront, il y avait laissé Ambroise de Héricé, dit le Balafré, avec quelques hommes d’armes, et était allé s’enfermer lui-même dans celle de St-Lô, où le maréchal de Matignon venait l’assiéger avec une armée formidable. Désespérant de défendre St-Lô, Montgommery s’ouvrait avec quelques, braves, un passage à travers l’armée ennemie, et venait chercher un refuge au château de Domfront. Le maréchal de Matignon arrivait presque aussitôt sous ses murs et en faisait le siége. - Quelques jours lui suffisaient pour ouvrir dans les remparts une large brèche par laquelle il faisait donner l’assaut. L’histoire n’a peut-être pas d’exemple d’une lutte aussi acharnée, aussi héroïque, aussi sanglante que celle qui s’engagea sur cette brèche entre les plus vaillants capitaines et les meilleurs soldats de l’armée de Matignon, et les quelques braves qui défendaient la place. Pendant plusieurs jours ce fut une boucherie telle, que les cadavres remplissaient les fossés, que les plus célèbres chevaliers de l’armée royale y perdaient la vie, et que le maréchal lui-même, épouvanté d’un tel carnage, renonçait à prendre Domfront d’assaut et l’investissait pour s’en rendre maître par la famine. Ses dispositions prises, il envoya, en parlementaire Vassé, pour demander à Montgommery s’il voulait se rendre ou mourir de faim et de misère. Celui-ci sanglant et couvert de blessures ne répondit que par ces simples paroles. « Je ne sortirai d’ici que par morceaux ou bien l’épée au côté et la dague au poing à la tête de ma garnison. » Qu’à cela ne tienne, lui dit Vassé, j’ai plein pouvoir à cet effet. - Montgommery sortit en effet à la tête de ses braves, et se livra au maréchal de Matignon. Celui-ci fit tout ce qu’il pût pour sauver son prisonnier. Mais Catherine de Médicis n’avait jamais oublié, que c’était ce même Montgommery, qui dans un tournois, avait causé la mort de Henry II, son époux, en lui portant un coup de lance dans l’oeil, et elle lui avait voué une haine implacable. Elle le fit accuser et condamner, sous prétexte qu’il avait voulu introduire les étrangers sur le sol de France ; il fut exécuté en place de Grève, le 26 janvier 1574. Le 24 décembre de la même année, Jean Barbotte, ancien garçon meunier, qui avait dévasté, pillé et brûlé, avec un parti de Huguenots, tous les environs de Domfront, pendant que Matignon était occupé à en faire le siége, avait l’audace de se présenter déguisé dans cette ville, pour assister à la foire de Noël. Arrivé à midi, il était immédiatement reconnu, pris jugé, condamné et pendu sur la plate-forme du château ; et c’est lui qui au moment où on lui passait la corde au col, prononçait ces paroles devenues un dicton populaire : « Domfront, ville de malheur,
« Arrivé à midi et pendu à une heure ; « Pas seulement le temps de dîner ! »
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§ 21. Les environs de Bagnoles. LA TOUR ET LE CAMP ROMAIN DE BONVOULOIR. Album de
Bagnoles, planche XVIII.
A l’ouest et à 8 kilomètres de Bagnoles, sur la lisière de la forêt d’Andaine, s’élève une sorte de promontoire à pentes très-douces et qui, bien que peu élevé, domine une immense étendue. Au sommet de ce promontoire, existe un assez vaste rectangle entouré de murailles à fleur de terre et de fossés peu profonds. Au milieu de chacun des côtés de ce rectangle s’ouvrent des brèches ou portes, régulièrement orientées vers le septentrion, le sud, le levant et le couchant ; de chacune de ces portes part un pavage en dalles larges et régulières, aboutissant au centre, aux ruines d’une construction carrée en moëllons appareillés. A quelque distance, à droite de la porte du Midi, on aperçoit un puits large et profond, défendu par un entourage de blocs de granit sculptés comme le chapiteau d’une colonne d’un temple Grec. A l’angle nord-ouest de cette enceinte existe une haute tour, parfaitement conservée, avec ses créneaux et ses machicoulis ; elle est flanquée d’une petite tourelle qui la dépasse presque de moitié et porte à son sommet, une sorte de lanterne évidemment destinée à observer la contrée. Tous les auteurs ont jusqu’ici donné à ces constructions une origine féodale, datant du XVe siècle. En ce qui concerne la tour et le donjon, cette date et cette origine paraissent suffisamment établies ; mais les autres objets qu’on vient de décrire ont très-évidemment une origine tout autre et ne sont que les restes d’un ancien camp romain, sur l’emplacement et avec les matériaux duquel on a construit plus tard un manoir féodal, en partie démoli à son tour pour édifier les bâtiments d’une ferme. La disposition et l’orientation des murs, des fossés, des portes, du bâtiment central et du pavage qui les relient ne peuvent laisser aucun doute, à quiconque a vu un camp Romain et remarqué l’emplacement que choisissaient d’ordinaire pour l’établir, les vainqueurs de la Gaule ; tandis qu’au contraire ces murs, ces fossés, ces dallages, ces ouvertures n’ont rien de commun avec les constructions du moyen-âge. Quoi qu’il en soit, la station de Bonvouloir, mérite à tous égards une visite des baigneurs de Bagnoles et une étude toute particulière de la part des savants. La route qui y conduit à travers la forêt et les landes est une des plus pittoresques du pays.
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§ 22. Les environs de Bagnoles. SAINT-MAURICE Album de
Bagnoles, planche XIX.
A une lieue de la Ferté-Macé, sur la lizière de la forêt, et à peu de distance de la route de Flers, on aperçoit au sommet d’un plateau élevé, un joli petit château renaissance, flanqué d’élégantes tourelles et orné d’un gracieux perron à double rampe. C’est là qu’habitent M. le comte et Mme la comtesse de Contades, qui font les honneurs de leur castel avec une grâce parfaite. - On y remarque tout particulièrement un salon Henri II, qui semble sortir des mains des plus habiles artistes de l’époque.
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§ 23. Les environs de Bagnoles. RANES. Album de Bagnoles, planche XX.
Sur la façade et au centre d’une vaste construction sans cachet et sans style, s’élève majestueusement, une haute et puissante tour quadrangulaire, terminée par une terrasse entourée de parapets, avec machicoulis et créneaux. C’est la tour du château de Rânes, qui appartient aujourd’hui au prince de Berghes. Du haut de cette tour, datant au moins du XVe siècle, les seigneurs de Rânes purent suivre, en 1432, les émouvantes péripéties du combat que trente français de St-Cénery-le-Géret, livrèrent, sous ses murs, à trente anglais qui tous périrent sur le champ de bataille. C’est aussi du haut de ce donjon, que la Fée-Andaine, qui s’était éprise d’un jeune et beau seigneur de Rânes et l’avait épousé, à la condition qu’il ne prononcerait jamais devant elle le mot de mort, s’enfuit en poussant un cri d’angoisse et disparut pour toujours, en entendant son cher époux qui l’attendait au bas de la tour, lui reprocher d’être si lente à venir, qu’elle était bonne à aller chercher la mort. On montre encore sur la pierre des créneaux d’où elle prit son essor, la trace de son pied mignon, et depuis lors on entend souvent au milieu des nuits sombres sa voix plaintive répéter ces lugubres paroles : la mort, la mort.
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§ 24. Les environs de Bagnoles. LE CHATEAU DE CARROUGES. Album de Bagnoles, Planche XXI.
A six lieues de Bagnoles, sur la route d’Alençon, le touriste entrevoit dans la plaine, à travers des massifs d’arbres bien des fois séculaires, une forêt de cheminées, de toits aigus et bizarrement découpés qui lui font croire à la présence d’une grande et vieille cité féodale. C’est le château de Carrouges, c’est la demeure des Leveneur, nobles descendants d’une des plus illustres familles de Normandie et de France. L’un de ses membres, en 968, prenait parti pour Richard 1er contre le roi de France. Un autre accompagnait, en 1066, Guillaume en Angleterre. Jean Leveneur, seigneur de Homme était tué à Azincourt en 1415. En 1450 Philippe Leveneur, baron de Tillières, épousait la fille de Pierre Blosset grand sénéchal de Normandie, du chef de laquelle il devenait bientôt après propriétaire de la terre de Carrouges, qui depuis lors est toujours restée aux mains de ses descendants. Le château de Carrouges se compose de deux parties principales, et complètement distinctes et séparées l’une de l’autre. La première est un pavillon ravissant construit en briques rouges et noires disposées en échiquier avec beaucoup de grâce. Ce pavillon est flanqué aux quatre angles de tourelles aux toîts élancés. Il date évidemment du commencement du XVe siècle ; l’Album de Bagnoles, pl. XXI, le reproduit avec une grande fidélité. Ce pavillon sert en quelque sorte de porte d’entrée au château principal, vaste quadrilatère de constructions, la plupart sans élégance et sans régularité, percées d’ouvertures de toutes les formes et de toutes les dimensions, couronnées par des toîts aigus découpés les uns sur les autres en triangles bizarres. Il serait difficile et trop long d’assigner la date précise de chacune d’elles ; elles semblent avoir été successivement élevées à partir du XVe siècle, autour d’un donjon central d’une époque beaucoup plus reculée. Mais, si à l’extérieur le château de Carrouges n’offre rien de bien remarquable que sa masse et quelques détails de sculpture fort intéressants, l’intérieur présente les plus curieux spécimens de l’art architectural et décoratif, au moyen-âge et à la renaissance. On y trouve des appartements dont les voûtes, les plafonds, les lambris, les cheminées, les boiseries, sont des modèles d’élégance de richesse et de goût. On remarque particulièrement la chapelle, la chambre dite de Louis XI parce qu’il y coucha en se rendant au Mont-Saint-Michel ; la chambre de Marie de Médicis et l’oratoire qui y est attenant. Il renferme une magnifique collection de tableaux de maîtres, de portraits historiques, de meubles, de tentures d’un grand prix, d’armures curieuses et particulièrement l’armure de Jean Leveneur, fracassée à la bataille d’Azincourt, la châsuble et le collier de Saint-Michel, laissés par Louis XI lors de son séjour au château de Carrouges. Ce nom célèbre de Carrouges rappelle toujours à la mémoire un des duels judiciaires, les plus dramatiques que nous offre l’histoire du moyen âge. Jean de Carrouges, chevalier et chambellan de Pierre III, comte d’Alençon, avait épousé Marie de Tribouville, jeune, belle, sage et de bonne maison. Peu de temps après son mariage, celle-ci accusa Jacques Legris, seigneur du voisinage, de s’être introduit traitreusement dans son appartement pendant l’absence de son mari, dans la nuit du 18 janvier 1585 et de l’avoir violée. Sur la plainte du mari outragé, l’affaire fut portée devant le parlement, qui après de longues délibérations et en l’absence de preuves suffisantes contre Jacques Legris, rendit à la date du 15 septembre 1586 un arrêt ordonnant que Carrouges et celui-ci videraient leur débat en champ clos. Le duel eût lieu le 22 septembre 1586, devant le roi Charles VII et devant toute la cour assemblée derrière l’église de Saint-Martin-des-Champs, près du Temple. Après un combat terrible, Legris glissa sur la terre humide du sang de son adversaire, qui lui mettant l’épée sur la poitrine le somma de confesser son crime. Sur Dieu et la damnation de mon âme, répondit celui-ci je n’ai oncques commis le crime dont on m’accuse. Carrouges lui plongea son épée dans le coeur. A quelques temps de là, Carrouges partit pour la Terre Sainte, d’où il ne revint plus. Un de ses écuyers accusé de plusieurs crimes, avoua qu’il était aussi l’auteur de celui qu’on avait attribué au malheureux Legris, et donna de tels renseignements qu’il ne fut plus possible d’en douter. La femme de Carrouges alla cacher sa honte et ses regrets dans une cellule murée et y mourut dans la pénitence et la douleur.
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§ 25. Dieufit, propriété de M. Gévelot, député de l’Orne. Les baigneurs de Bagnoles qui voudraient juger de ce que peuvent l’intelligence, la persévérance, le travail et les capitaux appliqués à l’industrie agricole, ne sauraient nulle part mieux le faire qu’à Dieufit. Là où, il y a quelques années, l’on n’apercevait à perte de vue que quelques cabanes de bûcherons au milieu de landes stériles et de bois rabougris, s’élève à côté de bâtiments agricoles immenses, un magnifique château, entouré de vastes plaines couvertes de récoltes splendides, et de vertes prairies où paissent d’innombrables troupeaux. Cette merveilleuse transformation est due aux soins de M. Gévelot que l’arrondissement de Domfront dans sa reconnaissance, vient d’envoyer à la Chambre. Dieufit est à 16 kilomètres de Bagnoles ; la route qui y conduit traverse la forêt et les jolis villages de Saint-Michel-des-Andaines et de la Sauvagère ; c’est à coup sûr une des plus intéressantes excursions que puissent faire tous ceux qui s’intéressent aux progrès de l’agriculture.
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§ 26. Promenades, (lieux à visiter). 1° Le Rocher Broutin. - Sites ravissants. 2° Les forges de Cossé. 3° Le château des Yveteaux, ancienne propriété de l’abbé Vauquelin des Yveteaux ou Yvetots, précepteur de Louis XIII. - Eglise des Yveteaux. 4° Le château d’O et le camp du Châtelier, auprès de Mortrée. 5° Ruines de Carobillon, près Pont-Ecrépin, route de Putanges. 6° Corday, canton de Putanges, habitation de Charlotte Corday. 7° L’abbaye de Lonlay, près Domfront. 8° Le Dolmen du lys des vallées. 9° Les pierres à crayon de Champsecret. 10° Les roches d’Orgères. 11° Le mont Margantin et le château de Montchauveau, propriété de M. du Mesnil de Montchauveau, membre du Conseil général de l’Orne. |