DUBOIS, Louis (1773-1855) : Notice sur les bains de Bagnoles .- A Alençon : de l'Imprimerie de Malassis le jeune, 1813.- 7 p., 8°. Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (17.V.2002) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] 100346.471@compuserve.com http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la bibliothèque (BmLx : norm 604). Notice sur les bains de Bagnoles
~~~~Le département de l'Orne possède plusieurs sources minérales. Nous avons fait connaître en l'an XI la fontaine de la Herse ; l'an dernier nous avons publié l'analyse des eaux de la fontaine de l'Epine ou de la Roche, près la ville de Mortagne, et donné des détails sur les fontaines minérales des environs de Laigle. Il existe encore dans le département plusieurs autres sources de ce genre, telles que celles de Larré, de St-Barthelemi près Alençon, de la Ferrière-Béchet, de Rânes, de Vrigni, du Hamel dans la commune de Brullemail, de la Béchetière, voisine de la précédente, de St-Evroul-en-Ouche, du Breuil dans la commune de Moulins-la-Marche, de Gauville-en-Gauvillois, de la Sauvagère, de Curé dans la commune de St-Mars-de-Coulonges, etc., etc. Mais les seules eaux thermales que l'on trouve dans le département de l'Orne sont celles de Bagnoles, dans l'arrondissement de Domfront. Cette fontaine, qu'on a mal-à-propos indiquée comme ayant sa source dans la commune de Tessé-la-Madeleine, canton de Juvigni-sous-Andaine, sourd dans la commune de Couterne, canton de la Ferté-Macé, à quelques pas seulement et sur la rive gauche (à 10 mètres au-dessus du niveau de l'eau) de la petite rivière de Vée, qui, venant de la forêt de Dieu-Fit et ayant traversé la forêt d'Andaine, partage les deux communes. Une partie de l'établissement appartient à la commune de Tessé : ce sont les bâtimens du directeur des bains, la salle à manger, les cuisines, les remises, les écuries et le jardin. Les bains ordinaires, dans lesquels est la fontaine, les bains pour les pauvres, la chapelle et deux bâtimens destinés au logement des baigneurs sont situés dans la commune de Couterne. Au surplus la Vée est si peu considérable que la communication des deux rives n'en souffre nullement. La gorge où sont situés les bains, et que traverse la Vée, a environ de 60 à 400 mètres de largeur. Cette gorge est très-pittoresque ; elle est resserrée par des roches très-élevées, dont plusieurs sont tapissées de lierre et couronnées d'arbustes, et dans les crevasses desquelles le jomarin et les bruyères offrent leurs nuances tranchantes et riches d'effet. Au pied de ces roches quelques poiriers, des pommiers, des châtaigniers, des hêtres se sont enracinés, subsistent, prospèrent, et contribuent, avec la Vée qui coule rapidement, à entretenir une fraîcheur très-agréable et très-salutaire. Dans cette gorge fort étroite on a tiré du peu de terrain qui est praticable, un parti avantageux : des promenades, un chemin commode, des arbres alignés, et même un jardin, ajoutent à l'agrément de la position. Le nom de Bagnoles s'écrivait aussi Bagnols, Bagnolles et même Baignolles ; mais c'est à tort que, dans les cartes de Cassini, cette fontaine est appelée Bognolle : il est évident que c'est une erreur de copiste ou de graveur. Le nom de Bagnoles, qui est fort ancien, dérive d'un mot de la basse latinité, que l'on trouve dans le Glossaire de Ducange : Bagnum pour Balneum se rencontre dans quelques vieilles chartes. C'est delà que sont venus notre verbe Baigner et nos substantifs Baigneur et Baignoire. La plupart des dénominations ayant été, ainsi qu'il est très-convenable, la désignation, la définition même des principales qualités des choses ou des lieux auxquels on les imposait, il n'est pas étonnant qu'on ait appelé Bagnols (département de la Lozère), Bagnères-de-Luchon (département de la Haute-Garonne), Bagnères-de-Bigorre (département des Hautes-Pyrénées), et Bagnols ou Bagnoles (département de l'Orne), etc., les emplacements où étaient situées des fontaines minérales propres à procurer des bains de santé aux malades. Baden en Allemagne et Bath en Angleterre offrent de nouvelles preuves de cette assertion. Au surplus je trouve que les noms que je viens de citer désignent tous des bains thermaux ou Bains par excellence. Quoiqu'on ne fasse remonter qu'à une époque assez rapprochée de nos jours la découverte des propriétés et par conséquent la renommée de la fontaine de Bagnoles, je me crois fondé à assurer très-positivement que cette fontaine, désignée depuis très-longtems par un nom dérivé de la latinité du moyen âge, a dû être très-anciennement connue comme propre à fournir des bains salutaires. Il est très-possible que, depuis, elle ait éprouvé du discrédit, ou plutôt que, dans nos tems d'anarchie féodale, elle n'ait pu être fréquentée, à cause du peu de sureté qu'offraient les routes et sur-tout le séjour des forêts : elle aura été oubliée pendant plusieurs siècles. On a dit, d'après quelques traditions locales, que, vers le milieu du XVI.e siècle, un vieux cheval poussif abandonné, et tourmenté de douleurs, s'étant retiré vers la fontaine de Bagnoles, s'y était baigné fréquemment, dirigé sans doute par cet instinct qui souvent sert les animaux beaucoup mieux que ne nous conseille notre raison, Cette fière raison dont on fait tant de bruit.
Le cheval ressentit bientôt les bons effets de cette eau salutaire. Il recouvra la santé, reprit de l'embonpoint et redevint, pour ceux qui l'avaient abandonné souffrant et peu propre au service, un serviteur pour lequel l'accueil ainsi que les soins furent proportionnés à l'utilité qu'on s'en promettait. On induisit probablement par analogie que, l'eau de Bagnoles ayant guéri le cheval délaissé, il était très-présumable qu'elle ne serait pas moins bonne pour les hommes, auxquels on administre d'ailleurs si souvent des remèdes de chevaux, et qui parfois ne s'en tirent pas moins d'affaire. L'anecdote du cheval malade se trouve rapportée dans une petite brochure assez insignifiante (in-8.° de 52 pages), qui parut en 1740 à Alençon chez M. Malassis aîné, sous le titre de "Traité des eaux minérales de Baignoles, contenant une explication méthodique sur toutes leurs vertus, leur situation et la route pour y arriver de toutes parts, par M.*****." Cet ouvrage, qui est dédié à la faculté de médecine de Paris, divisé en six parties ou chapitres, et accompagné d'un discours préliminaire, a été attribué à Hélie de Cerny, lieutenant-général du bailliage de Falaise ; et nous avons lieu de croire qu'il est de lui. Dès le mois d'avril 1737 on avait fait réimprimer dans le Journal de Verdun (page 273) un Avis sur les avantages des eaux minérales de Baignolle, en prévenant qu'il paraîtrait incessamment un Traité de ces eaux, qui est probablement celui d'Hélie de Cerny, puisqu'il fut publié trois ans après cette annonce. Le même Journal renferme "trois Lettres sur les eaux de Baignoles, contenant plusieurs expériences faites sur ces eaux" (juin 1750, page 442 ; juillet 1750, page 39 ; et juillet 1751, page 49). On prétend dans ces Lettres que les eaux de Bagnoles étaient connues depuis près de deux siècles dans la Bretagne et la Normandie, et qu'elles sont supérieures à celles de Cauterets pour la guérison de toutes les maladies auxquelles on emploie ces dernières. Quel que soit le mérite de la tradition relative au cheval poussif, qui n'est pas plus absurde que tant d'autres, voici les seuls renseignements certains que je puisse offrir : Bagnoles est situé sur un terrain qui, en 1666, fut réuni au domaine de la Couronne par l'intendant d'Alençon (M. De Marle). Ce terrain fut régi pendant vingt-cinq ans par les receveurs du domaine établis à Falaise, depuis 1666 jusqu'en 1691, époque à laquelle M. Hélie, qui était Secrétaire du Roi du Grand Collége, s'en rendit adjudicataire moyennant 150 francs de rente. Le 10 juin 1687, un arrêt du Conseil-d'Etat avait concédé cette fontaine à deux entrepreneurs associés, dont le premier s'appelait J. B. Legeai. M. Hélie fit construire vers 1692, sur la rive gauche de la Vée et par conséquent dans la commune de Couterne, les bains, une chapelle et quelques bâtimens qui ont subsisté jusque vers la fin du dernier siècle. Son fils, Hélie de Cerny, auteur de la brochure dont nous avons parlé plus haut, entretint ce local avec une décence, un ordre et un soin qu'il est bon de rappeler. En 1740, quatre personnes étaient employées au service des bains, des traiteurs y servaient à manger ; les maîtres, leurs domestiques et leurs chevaux y trouvaient comme aujourd'hui ce qui pouvait leur convenir. Ce fut deux ans après la construction dont je viens de parler, que M. Geoffroy, doyen de la faculté de médecine de Paris, dans un voyage qu'il fit en Normandie (en 1694), eut occasion de visiter Bagnoles et d'en examiner les eaux. Il assure (tome I, page 62 de sa Matière médicale, de Aquis sulphureis) qu'elles sont saturées d'un soufre très-abondant. M. Geoffroy fils les examina aussi, le 6 septembre 1749, jour auquel il observa que le thermomètre de Réaumur, qu'il y avait plongé, s'y élevait de 21 à 22 degrés, ce qui fesait 11 degrés au-dessus de la température des caves de l'observatoire de Paris. Il assure, d'après les expériences qu'il fit, que ces eaux, qu'il faut ranger parmi les eaux tièdes, ne contiennent point de fer, ni de sels acides ou alkalins assez sensibles pour être remarqués ; qu'elles sont seulement sulfureuses, légèrement alkalines. Nous verrons plus tard que cet examen n'est pas exact. Le docteur Poissonnier, qui avait beaucoup travaillé sur les eaux minérales, a fait aussi l'éloge de celles de Bagnoles. La nouvelle réputation de Bagnoles, quoiqu'il résulte de vieux titres que cette fontaine était connue sous le nom actuel en 1611, ne date que de 1687, époque de la concession de Legeai. On n'en doutera pas lorsque l'on saura qu'on ne trouve aucune mention de cette source thermale dans les "Observations sur les eaux minérales de plusieurs provinces de France, faites à l'Académie des sciences en 1670 et 1671 (Paris, de l'imprimerie royale, 1675 ; in-12, 1 volume)." Le docteur Du Clos, qui est l'auteur de cet ouvrage, y cite des sources aujourd'hui fort obscures, situées à peu de distance de Bagnoles, telles que Bourberouge, Méniltove et Pont-Normand, près Mortain (département de la Manche) : il n'aurait certainement pas oublié Bagnoles, si cette source eût alors joui de quelque réputation. Le terrain où la fontaine de Bagnoles est située paraît en général ferrugineux, et, comme le soufre est minéralisateur du fer, il n'est pas étonnant que le sol, ainsi que ses eaux, participe aussi aux principes sulfureux. A trois kilomètres plus haut, au nord--nord-ouest de Bagnoles, sur la rive droite et à quelque distance de la Vée, on trouve une source ferrugineuse que Cassini désigne sous le nom de fontaine minérale. A quelques pas au-dessus des bains est située, au-dessous d'un étang que traverse la Vée, la Forge de Bagnoles, qui en 1611 fut bâtie des deniers de l'Etat dans un endroit nommé la Fosse-Noire. En 1667, elle était encore possédée par le Roi. Elle fut depuis engagée par M.lle D'Orléans, le 9 mai 1703, à un M. Le Débotté des Jugeries ; elle a passé ensuite par diverses mains jusqu'en celles de M. de Rédern, seigneur prussien naturalisé français, qui en est propriétaire depuis plusieurs années. En 1740, la fontaine de Bagnoles, qui maintenant sourd dans un petit bassin couvert, sortait du pied des rochers, au même endroit ; le volume d'eau était alors gros comme la cuisse. On assure qu'un directeur de cet établissement, voulant augmenter la quantité de ces eaux, fit creuser la fontaine à une assez grande distance, y réunit quelques filets d'eau moins saturée de principes salutaires, et altéra par ce mélange la vertu de ses eaux minérales. Quoiqu'il en soit, à la fin XVII.e siècle (en 1694), le docteur Geoffroy, dont nous avons parlé précédemment, trouva, par le thermomètre de Florence alors en usage, que la chaleur des eaux de Bagnoles s'élevait à plus de 8 degrés au-dessus de la situation de l'air. L'auteur de la brochure, dont j'ai fait mention plus haut, trouva le même degré lorsqu'il "vérifia le fait avec un thermomètre de Bomare pris chez l'abbé Nollet." Suivant M. Monnet qui en a parlé dans ces derniers tems, le degré de chaleur de ces eaux ne s'élève que de 20 à 22 degrés du thermomètre de Réaumur. M. Perrier, médecin à Domfront, et M. Le Roy, pharmacien de la même ville, tous deux bien capables d'apprécier le mérite de la fontaine de Bagnoles, s'y rendirent en thermidor de l'an VI (vers le 1.er août 1798) ; ils trouvèrent qu'à dix heures du matin l'eau pesait 21 degrés et demi, et 22 à deux heures de l'après-midi : c'est deux ou trois degrés de plus qu'à Bagnères de Luchon. Ces observations s'accordent avec celles de M. Geoffroy fils que nous avons rapportées. L'eau de la fontaine de Bagnoles, que les plus longues sécheresses ne sauraient tarir, est aussi limpide et aussi transparente que l'eau distillée ; l'odeur qu'elle exhale est faible et n'annonce que très peu la présence du soufre qu'elle contient. La saveur en est moins stiptique que nauséabonde ; au reste ces qualités m'ont paru très-peu prononcées. Le fond de la fontaine est couvert d'un peu de matière jaunâtre qui paraît être une terre ocreuse et qui est insipide. L'auteur du Traité y avait trouvé "quantité de petites pierres blanches qui, desséchées et mises dans l'eau froide, la font bouillir sans se fondre, comme de la chaux." L'expression dont il se sert est très-impropre : il a voulu dire bouillonner au lieu de bouillir. Nous avons dit que la fontaine minérale de Bagnoles est située dans la commune de Couterne et que plusieurs édifices de l'établissement appartiennent à la commune de Tessé-la-Madeleine. Nous indiquerons quelle est la distance approximative de cette source aux principales villes et aux principaux bourgs voisins. Elle est éloignée d'Alençon de 55 kilomètres (11 lieues de poste) ; de Domfront, de 25 kilomètres (5 lieues) ; d'Argentan, de 40 kilomètres (9 lieues) ; de la Ferté-Macé, de 8 kilomètres (1 lieue et demie) ; de Juvigni-sous-Andaine, de 9 kilomètres (2 lieues), et du bourg de Couterne, de 8 kilomètres (1 lieue et demie). Comme la route n'est pas facile à suivre exactement, et que d'ailleurs l'établissement est placé au fond d'une gorge, entre des bruyères et des bois peu fréquentés où l'on risque de s'égarer, il est prudent de s'y faire accompagner par un conducteur des environs, et de s'y rendre à cheval, à cause du mauvais état des chemins qui y aboutissent, dès qu'on a quitté les grandes routes. L'établissement de Bagnoles est composé de huit bâtimens dont voici le détail : 1.° les bains distribués en deux pièces principales pour les deux sexes ; 2.° les bains des pauvres ; 3.° la salle à manger ; 4.° la cuisine ; 5.° les écuries et les remises ; 6.° et 7.° les chambres et les logemens ; 8.° la chapelle. On peut recevoir à Bagnoles cinquante personnes. C'est à ce nombre tout au plus que s'est élevé, dans les tems de leur plus grande fréquentation, celui des malades qui recherchaient ces bains depuis la mi-mai jusqu'à la mi-septembre à-peu-près, suivant la chaleur ou le refroidissement de la saison. On peut se procurer des logemens plus ou moins commodes, depuis 1 franc jusqu'à 4 francs par jour. Le prix de la table est de 4 à 6 francs. Le gibier du pays est justement renommé, et la Vée offre d'excellentes écrevisses, des perches et des truites délicates, et même quelques brochets échappés de l'étang voisin. Les eaux de Bagnoles ont peu de vertu lorsqu'on en use comme boisson. Elles sont bien préférables en bains, en bourbes et en douches. Les différens médecins qui les ont examinées dans leurs principes et leurs effets, sont d'accord à cet égard. On prescrit ordinairement trente bains consécutifs à raison de deux par jour. Les mois que l'on préfère pour les prendre sont juin et juillet jusqu'au 15, la fin d'août et le commencement de septembre. Les bains naturels coûtent 75 centimes ; les bains pour lesquels on fait chauffer l'eau, 1 franc ; et les douches, 30 centimes. L'auteur du Traité anonyme que nous avons eu occasion de citer, prétend que la chaleur des eaux de Bagnoles ne diffère que très-peu de celle des eaux de Bourbonne-les-Bains (département de la Haute-Marne), de Barèges (département des Hautes-Pyrénées), et de Vichi (département de l'Allier). Suivant cet auteur et M. Geoffroy fils, on trouve dans les eaux minérales de Bagnoles "une teinture de soufre martial, coloré d'un vitriol de pareille nature ; ce qui fait penser que le vitriol acide du soufre, agissant sur le soufre et alkali de Mars, cause une fermentation qui produit la chaleur de ces eaux. Le vitriol agissant réciproquement sur le baume ou soufre alkalisé d'icelui, redouble la fermentation et entretien la chaleur de ces eaux par cette fermentation qui forme un continuel mouvement, et réunissant intimement les parties volatiles et spiritueuses de leurs sels, imprime à l'eau une chaleur et une qualité pénétrantes." Voici ce qu'en dit M. Monnet, savant distingué : "Jamais eau ne mérita moins le nom de minérale que celle de Bagnoles : quoique ces eaux soient mises au rang des thermales, elles ne sont néanmoins que des eaux pures un peu chargées de fer, et même plus pures que ne le sont les eaux de source ordinaires du pays. Aussi le goût de ces eaux n'est-il autre que celui d'une eau commune chaude et refroidie ; elles ne diffèrent en rien des autres eaux potables." Ce qui viendrait à l'appui de cette assertion, c'est que le Conseil de santé de Paris fit, il y a quinze à vingt ans, transférer ailleurs des militaires blessés et malades que l'on y avait d'abord placés. S'il faut en croire au contraire l'auteur anonyme du Traité, qui est au surplus terminé par une attestation très-favorable du docteur Gondonnière, alors intendant des eaux minérales de Bagnoles (c'est le titre qu'il prend), et médecin de l'Hôtel-Dieu de la ville de Falaise ; s'il faut s'en rapporter à ces deux observateurs, qui ont été à portée de juger les bons effets de l'eau de Bagnoles : employée extérieurement, elle a la propriété de fortifier ; elle guérit les humeurs froides et scrophuleuses, les foulures, les entorses, la gale ; le rachitisme, en rétablissant la circulation des humeurs ; les rhumatismes, la sciatique, la goutte naissante, les douleurs, les affections soporeuses, l'apoplexie, la paralysie, l'épilepsie, les affections scorbutiques, les suites de couches, les chloroses et la jaunisse. Si on s'en sert intérieurement, elle est salutaire pour les asthmatiques. Plusieurs médecins distingués conseillent encore aujourd'hui dans plusieurs maladies l'usage de ces eaux qu'ils regardent comme salutaires. Je citerai entr'autres M. Piette, de Lassai (département de la Maïenne), médecin très-instruit, praticien consommé, observateur judicieux, et sous tous les rapports très-capable de juger le mérite des eaux de Bagnoles qu'il fréquente annuellement. Un autre médecin dont le mérite est bien reconnu aussi, M. Perrier, de Domfront, assure que c'est avec succès qu'on les emploie en bains chauds pour guérir les maladies cutanées ; en douches, pour remédier à la paralysie, au tremblement des membres, à la contraction des nerfs, aux entorses et aux contusions. Quant à l'usage intérieur, regardé comme curatif des maladies de poitrine, des asthmes, etc., il est généralement considéré comme insuffisant et par conséquent comme dangereux, en ce qu'il peut entretenir dans une fausse sécurité et donner une espérance illusoire à des malades qui, ne recourant pas assez promtement à des remèdes héroïques, donnent au mal le tems de faire des progrès très-funestes. Je regrette beaucoup que M. de la Tour, d'Alençon, pharmacien et chimiste distingué, n'ait pas entrepris l'analyse des eaux de Bagnoles. Il est très-capable de faire ce travail de manière à n'être pas obligé de le recommencer. Il en résulte de quelques notes qu'il a bien voulu me communiquer sur une analyse incomplète dont je lui avais soumis le procès-verbal, 1°. que ces eaux contiennent des muriates à base terreuse, puisque la dissolution d'argent a donné un précipité blanc mat ; mais l'examinateur avait négligé de dire quelles sont les bases salifiées par l'acide muriatique ; 2°. que l'infusum de noix de gale, soit aqueux, soit alcoolique, a démontré la présence du fer ; 3°. que les pièces d'argent décapées ont manifesté, par la teinte noirâtre qu'elles ont prise, du souffre en dissolution. Il est fâcheux que cette analyse n'ait pas été complétée : elle eût servi à faire mieux apprécier la qualité des eaux minérales de Bagnoles, et à rectifier les opinions, soit de M. Monnet et des autres adversaires de ces eaux, soit de MM. Geoffroy et de plusieurs médecins instruits qui les ont vantées beaucoup et n'ont pas cessé d'en prescrire l'usage recommandé par des cures nombreuses. Alors peut-être ces eaux recouvreraient la réputation dont elles ont autrefois joui. Elles rendraient de grands services ; et, comme elles sont à proximité de la capitale et de plusieurs villes considérables, elles seraient probablement très-fréquentées. Louis DUBOIS |