L'ORDRE
DES
BANNERETS DE BRETAGNE
ET
LEUR ORIGINE,
translaté sur
le latin, et depuis
mis en rimes
françoises.
~~~~
L’ÉDITEUR AU
LECTEUR, SALUT.
L
E Poëme
dont nous donnons une
nouvelle édition a paru pour
la première fois à la suite d'un Opuscule de
Moysant de
Brieux, intitulé :
Les
Origines de
quelques Coutumes anciennes
et de plusieurs façons
de parler triviales, avec un vieux manuscrit en vers, touchant
l’origine des Chevaliers Bannerets.Caen , Jean Cavelier , 1672
.
petit
in-12
de
VIII et 200
pages.
Comme cet
Opuscule est devenu
très-rare et que cette petite pièce de
poésie nous
a paru assez curieuse, nous avons pensé que les amateurs de
notre ancienne littérature accueilleraient cette
réimpression avec faveur.
Comme il ne nous a pas été possible,
malgré de
nombreuses recherches, de nous procurer aucun renseignement sur les
manuscrits qui pourraient encore exister de ce petit Poëme,
nous
nous sommes contentés de reproduire, avec une scrupuleuse
fidélité, le texte donné par Moysant
de Brieux,
sans y faire d'autres changemens que de rectifier les fautes
typographiques qui s'y étaient glissées, en y
ajoutant
seulement un glossaire pour l'intelligence de plusieurs mots
tombés en désuétude et de quelques
passages qui
avaient besoin d'être éclaircis.
Quant à l'origine et à l'authenticité
du manuscrit dont il a été primitivement
tiré,
comme nous n'avons aucune donnée à cet
égard, nous
nous bornerons à transcrire ici la note que le premier
éditeur avait placée à la suite du
Poëme :
« Ce manuscrit, de mesme que celuy du
Traité
de Chevalerie, est à Torigny, entre les mains de Madame de
Matignon, qui m'a fait l'honneur de me les communiquer. J'ay
crû
qu'elle ne trouveroit pas mauvais que je continuasse d'enrichir de ses
trésors la République des Lettres, et que je
publiasse en
mesme temps la gloire de son illustre Maison, et le ressentiment que
j'ay de ses extrêmes bontés :
» Ne les pouvant payer, du moins il les faut dire.
»
Cette réimpression n'a été
tirée qu'à cent exemplaires.
Caen, le 1er mai 1827.
G. DUPLESSIS.
~~~~
CY EST L'ORDRE
DES BANNERETS DE
BRETAGNE, ET LEUR ORIGINE , TRANSLATÉ
SUR LE
LATIN , ET DEPUIS MIS EN RIMES
FRANCOISES.
BANNERET
est moult
grand honor,
Tant à Roy, Prince que Seignor ;
Et sa fondation premiere
Vint d'Alexandre et sa banniere,
Quant la Perse allait conquerant
Et toute l'Asie querant.
L'ordre de Banneret est plus que Chevalier,
Comme après Chevalier acconsuit Bachelier,
Puis après Bachelier Escuyer, de
manière
Q'après le Duc ou Roy est tosiors la bannniere.
Dès que fut le premier des Empereurs Cesar
Jules, je l'acertaine , et le fait est ital ,
De nobles Bannerains il composa ses bandes
Qui
n'avoient petites prebendes.
Bandes estoient autant que les gardains du corps
De l'Empereur Cesar, de ce je suis records ;
Et partout où alloit, tant devant que derrière,
Estoit tosiors
bannière.
Auguste, Caligule , et autres Roys ensuite
Jusques à Gratien des bandes firent fuite ;
Mais grand meschief en print à icel Gratien ;
Car il en perdit vie o tout l’empire sien.
Gratian exilla en la Grande Bretagne
Bannerets par dedain et haine trop etragne,
Dont par leur mal-talent, eux qui cuidoient avoir
De jetter hors les Ducs la force et le pouvoir,
Si (en) élirent un, pour enguigner l'empire ,
Appellé Maximus, auquel n'en fust pas pire.
Quand se vit installé, cil Maximus Clemens,
A bien chomer l'ètat mist tous ses pensemens;
Et o classe de bien cent mille hommes de guerre
Por passer en Bretagne il quitta l'Angleterre.
Ses biaux bers Bannerains y firent grand échec,
Et pas un des Romains qui demeuroient illec,
Tout premier legions , ni restierent en vie;
Tant avoient Bannerains de forsene et d'envie
Encontre Gracian, que qui estoit à luy
Si passa par l'epée, ou bien-tost se affuy.
Après ce pays conquis Maximus fit retrée,
Et torna vers Paris où vouloit faire entrée
Et pour ce, avant partir, Conan Meriadec
Laissa Roy en Bretagne et une Bande avec.
Cette Bande qu'étoit de bien quarante-trois,
Furent autant de Chefs composés celle fois,
Et leur furent baillés chacun une
chentaine
De chevaliers Bretons par chacun capitaine.
Ainsi quarante-trois furent autant de Bandes,
Et par sus tout trois Chiefs leur furent en commandes ;
L'un dans le pays Rennois, l'autre à Nante , et le tiers
A Vannes, puis tantost diray les dementiers.
A checun fut donné maintes possessions,
Pour tenir haut état, et faire pensions
A tous les enrollés qu'étoit noblesse gente
Et voisine du lieu, à ce plus diligente.
Ainsi furent en
cette saison
Les aisnés de chaque maison
Des nobles, en totes contrées
En celles Bandes
registrées.
Quand pour les primerains, ils étoient principaux
En tote la Bretagne, et comme généraux,
Qui n'avoient par sus eux que le Duc seulement,
Auquel ils gardoient foy bien et loyallement.
Ils commandoient sur tout quand falloit poindre et mordre ;
Puis en paix ils mettoient toute police et ordre ;
Et ainsi fut d'empuis ce Conan un grand pos
Que tinrent la Bretagne en paisible repos.
Bretagne fut en pos jusqu'à Hoel le Grand,
Qui en faits et en dits fut moult prince flagrant ;
Mais quand fut mort ce Roy, le meilleur que peut estre ;
Bretagne vit que c'est que de perdre tel maistre.
Certains nouveaux Greigneurs prirent le nom de Contes,
Et se disant du sang des Roys, par grands mécontes,
Firent ligues à part chacun de son costé ,
Où sans les Bannerains ne scay qu'en eust esté.
Contes cuidoient
bien usurper
La royauté et l'exsurper ;
Mais en vain, car toujours bannières
S'opposerent à leurs manières,
Et rabattirent leurs desseins
Qui n'estoient ni justes ni saints.
Cela fut environ quatre cent quatre-vingt,
Que tote discordance en ce royaume advint ;
Puis les Normands Danois bien avant se glissèrent,
Et tant firent d'échec que bien pou en
laissèrent.
Rivalon , jeune et bel , en Angleterre estoit,
Qui par le commun bruit ce tumulte escoutoit :
Si partit et la mer traversit o sa suite,
Si bien et si à temps que mist Danois en fuite ;
Et jaçoit
qu'autre Roy
Breton
Fust, non d'effet, ainsois de nom,
Pourtant fust-il Roy d'Annonée
Clamé dès celle mesme année.
Et les
Bannerets que mis hors
Avoient Danois,
quand les plus
forts
Estoient, si reprinrent leurs erres,
Leurs possessions et leurs terres.
Encore deux cens ans patience dura,
Non mie en tot Bretagne ; ainsois en ce coin la ;
Car jaçoit qu'autre part Bannerets eussent songne,
Par la faute des Roys vaine estoit leur besongne.
Fautes des Roys mal
apertys,
Contes refirent leurs partys,
Et débauchirent par leurs thesmes
Nobles , jusqu'à Bannerets mesmes.
Bien près de l’an six cents que vint autre
refrain,
Haute Bretagne fust toujours en mauvais train ;
Mais venant Roy nouvel o selle Bannerie
Puis ne fust en ce pays mot de mutinerie.
Trois Roys l’un après l'autre y
regnèrent contens ,
Et la Bretagne fust moult hereuse en ce temps :
Mais ces trois Roys passés, les Contes mirent Bandes,
O tous leurs Chevaliers en routes et debandes.
Quand les Bannerets
furent bas,
Les Contes lors, sans nuls debas,
Firent leur desir en Bretagne ;
Mais sur ce y vint Charlemagne,
Qui ne trouvant plus Bannerets
A défendre Bretagne prests,
Tout ainsi comme affieroit d’estre,
A bon marché s'en rendit maistre.
Bretagne estoit encore au Roy le Débonnaire,
Quand Neomene vint qui luy fist bien retraire ;
Et jaçoit que sous luy, pourtant Bannerets sus
Remist qui les Françoys firent bien aller jus.
Le vaillant Roy
Neomenus
Auquel ne se comperent nuls,
Ayant les bandes redressies,
Sans entendre autres sentensies
Que de son simple et franc vouloir,
Reprint Bretagne jusqu'à Loir.
Adonc les Bannerains qui mis bas avoient armes,
Tant par force qu'aussy par fautes de gendarmes,
Que Contes hors tout droit leur avoient
débauchés,
Si devindrent plus grands que n'estoient devant chiefs.
Si advint en l'année huit cent quarante et deux,
Et afin d'ovier à cas si hazardeux
De leurs gens suborner, si les mirent à gages,
Et les y tinrent tous o chevaux et bagages.
Autres furent alors, maints autres convenus,
Et leurs furent haussiés honors et revenus,
Si qu'un avoit tant gens par dessus vingt et quatre
Qu'il en pouvoit nourrir en estat de combattre.
Aussi pour empeschier surprises et cas tels,
Leurs furent ottroyés villes, forts et chatels,
O honors , dignités et telles convenanses
Qui de villes et forts sont les appartenanses.
Porter leurs escus
en bannieres
Est d'institutions premières,
Comme aussy sur les trois premiers
Avoir couronnes et simiers;
Si leur appartient et les portent,
Et comme à les Ducs se raportent ,
Et tot ainsy comme sont Roys,
Et Ducs ainsy sont ils tos trois
En maintes belles entreprises
Que n'est mestier d'estre ici mises ;
N'est cette traduction
Que pour donner deduction
En langue vulgare et connue
Des Bannerets la convenue,
Et non de tot le livre : adonc
Seroit icel translat trop long.
Quand le Ber Rochefort, un de ces trois susdis,
Un jour eut noise o Duc, tos furent si hardis
Que de le menacier, se ne vouloit retraire ,
Que bien sçavoient moyen comme il le falloit traire.
Bannerets
étoient moult
greigneurs,
Et en Bretagne grands seigneurs,
Dit le Latin, quand fut l'entrée
D'eux en celle noble contrée.
Or le fils Débonnaire eut moult grand dementier
O Neomene , por le Royaume héritier,
Mais tosiors perdit tems et fut contraint de faire
Paix , si vouloit ses gens de Bretagne retraire.
Pourtant Normands Danois en Bretagne raudoient,
Et sans les Bandes plus molestée l'auroient ;
Car Neomenus mort, on n'y vit plus que transes,
Que deprisations , embusches et outrances.
Le fils de Neomene, Héruspée clamé,
Fut au lieu de son père au royaume nommé ;
Mais Salmon ja yessy de l'aisné Neomene
Si l'occist, puis en près souffrit mort inhumaine.
Salmon occist
Héruspée,
Puis Salmon par une autre espée
Fut pouny de ce meffait ;
On lui fist comme avoit fait.
Quand Salmon fut occis si fut Bretagne en queste,
Mais tosiors ceux avoient les Bannerets en teste,
Qui piller la vouloient, et deux frères germains,
Yessis de Neomene, en vinrent jusqu'aux mains.
L'un fut Pastenethem, l'autre eut nom Urfaon,
Qui avoient machinée la mort de Salmon ;
Puis après mains débas tos si s'en
passèrent,
Et à Allain le Grand le royaume laissièrent.
Pastenethem si
s'accointa
D'autant Normands que rencontra,
Et se trouvèrent bien ensemble
Trente mille, comme il me semble.
Urfaon lors son recours eut
A Bannerets à qui s'en deult,
Et porce qu'o eux menoit guerre
Pas n'eut mestier grand requerre.
Pastenethem avoit trente mille hommes en suite,
L'autre seulement dix ; encore prirent la fuite,
Sinon les Bannerets qui tosiors tinrent bon,
Et donnèrent victoire à Gurnaut Urfaon.
Onc ne fut un
miracle tel
Que du preux Gurnaut gent et bel,
Quand o les seules banneries
Fist fouir tant gendarmeries.
Advint un autre tems qu'estoit Allain Rebré,
Contre Judicaël forment moult accabré,
Por ly Royaume avoir que Normans accordèrent,
Porce qu'en conflit mort Judicaël ruèrent.
Alain Rebré, suivant l'accord, parti après,
Sur Hasting se rua o tous les Bannerets,
Si bien et si à tems que ce grand ost défirent
Et puis couronner Duc de Bretagne le firent.
Après cettuy Allain furent deux fainéans
Qui rien l’un après l’autre ne valurent
léans ;
Et por ce les Danois vinrent sur cette affaire
Où les preux Bannerets n'eurent pas pou à faire.
Portant ces Bannerains force de courre sus
A ces Danois Normans, en eurent le dessus ;
Mais si y vint Rollo qui bien eut sa revange,
Mettant tout à la mort, ou bien en terre estrange.
Rollon pour des
treus
prétendus
Qu'on ne luy avoit mie rendus,
Si vint et envahit Bretagne
O une cruauté étragne ;
Il renversa villes et forts,
Fist tout mourir ou yessir hors
Bretagne, tant hommes que femmes,
O des vilenies infames.
Il n'y eut en Bretagne autre que Bannerains,
Ni prince, ni seignor, qui y missent les mains ;
Et tant qu'illec y eut de villes en yestance
Ils tinrent bon dedans et firent résistance.
Si par monts et par vaux fut le pays assailly,
Et hors les Bannerets tos orent coeur failly ;
Si que tout leur salut estoit fouir grand erre,
A qui premier seroit passé en Angleterre.
Ils furent les derrains de Bretagne à yessir,
Et tant que fut pouer à eux de s'agencir ,
Si tinrent bon, mais quand ne porent plus s'espeautres
Tos navrés et recreus ils suivirent les autres.
Ainsi fut à ce Roy Bretagne, en tous itans,
Par ce cruel Rollo déserte d'habitans ;
Puis au bout de cinq ans, fortune mieux prospère
Fist sourdre un jeune Allain qui remist tot en aire.
Icel jeune Allain
élevé
De sang royal, comme est trouvé ,
Emprunta nefs en Angleterre
Por retorner en sienne terre,
Où, quand o sa gent fust venu,
Il fist prest sur gras et menu.
Un prince Banneret qui se clamoit Gouyon
Conduisit celle classe au port de Matignon,
Où arrivé que fut, il descendit sans faille,
Et mist grands et petits en ordre de bataille.
Un chevalier illec
estoit
Qui le nom de Gouyon portoit,
Bel et gent en toute manière,
Et qui estoit chief de bannière :
Icel comme sage et expert
Conduisit tot l'ost, comme appert
Par un livre de Bannerie
Fait sans fraude et sans trufferie,
Où estoit son bien et pouer,
Pour plus seureté y trover,
Ainsi comme la segnorie
De Matignon, sans jenglerie,
Qu'estoit moult haute baronnie,
Appartenante à baronnie,
Auquel pays ars et démolly
Cuidoient bien ne trouver nully
Qui pust opposition mettre
A ce que vouloient entremettre,
Qu'estoit, sans crainte ni dangiers,
Nettir Bretagne d'estrangiers.
Et pour ce, tot le prime à terre ,
Fut o bande, sans plus enquerre ,
Cil Gouyon qui desa et là
Occisoit tout, sans dire hola ,
Celle gent normande et danoise
Qui tant leur avoit fait de noise.
Si advint qu'environ l'an neuf cent trente six,
En Bretagne Normans Danois furent occis
Par habitans du pays et gens de toute sorte,
Après que passé mer furent sous Barbe-Torte.
Ce nouvel Duc remist tous les Bannerets haut
Et leur donnit moyens et chevances que faut
Pour rebastir chatels et pour relever bandes
Dont la pluspart estoient à mort ou à
débandes.
Chacun comme l'aussa usa de son ottroy,
Dont je ne me débats, ne m'en mets en émoy,
Sinon de cil Gouyon pour qui j'ai fait ce livre
Dont moult ay de regret que ne puis l'acconsuivre.
En lui donc finiray celle translation
Que pour luy seul je mets en compilation,
D'un plus large traitié touchant les Banneries
Qui de Bretagne sont les primes Baronnies.
Et est dans par ou
ce beau livre
Des Bannerets, sans plus en suivre,
Declame de Bretagne et d'eux
Qu'ont esté grands et valeureux
Et qui pour défendre patrie
N'ont jamais refusé partie.
Et est ce beau livre en latin
Que moy Prior de Saint-Aubin,
Jadis de la fondation
Des ayeux d'iceluy Gouyon,
Frater Guillelmus, dit l'amant,
Ay translaté, par le command
De dame Jeanne de Bretagne
De Bertrand Gouyon la compagne ;
Et fut mil deux cens quatre vingt
Que de translater ce m'advint
Mais por ce que moult volontiers
Dire voudroye en dementiers
Que sçay sur tant noble matière,
De Gouyon suite plus entière ;
Sçachent tant grans comme petits
Que les succedans et natifs
De tant noble et preux personnage
N’ont pris en leur race et lignage
D'empuis autre nom que Gouyon
Qui est tant noble, et d'achoison
Qu'encore aujourd'hui ceux qui vivent
Cette mesme volonté suivent.
Et est par où finit ce livre
Ou abrégié que je délivre
A celle dame, l'an susdit,
Ainsi comme dessus est dit,
Le septiesme juin; et quand l'ame
De celle bonne et gente dame
Yessira de son noble corps,
Jesus luy soit misericors.
Amen.
Ce livre cy fut fait et translaté jadis
Par un Moine qui fut de bons propos et dits ;
Aujourd’huy autre Moine, en plus duisant langage,
L'a mis de prose en vers, Diex lui doint bon usage.
Et ce fut l'an que
chacun
sçait,
Mil trois cens soixante et dix-sept,
Requeste d'autre dame gente
A moult bien faire diligente.
Plaise à elle agréer ce don,
Et à Diex nous faire pardon.
~~~~
GLOSSAIRE.
ACCABRÉ.
Je n'ai trouvé ce mot dans aucun de nos Dictionnaires du
vieux langage français, et je ne me rappelle
pas l’avoir vu dans aucun de nos anciens écrivains
: il me
paraît ici signifier
irrité
; à moins qu'on ne le
regarde comme une variante du mot
accarer
qui se rencontre assez
souvent et qui signifie :
se
trouver en face de
quelqu'un, rencontrer.
A
CCOINTER (s'),
s'allier. Ce mot est un de
ceux que M.
Charles Pougens pense que l'on pourrait restituer au langage moderne,
dans son savant et curieux ouvrage, intitulé :
Archéologie
française , ou Vocabulaire des mots anciens
tombés en désuétude et propres
à être
restitués au langage moderne, Paris, Desoer. Tom.
Ier, 1821;
tom. IIe, 1825 ; 2
vol.
in-8°. Il avait de nombreux
composés, dont quelques-uns n'ont pas
été
remplacés, et qui se trouvent encore dans la langue
familière de plusieurs de nos provinces.
A
CCONSUIVRE. Suivre
immédiatement, des mots latins
ad et
consequi.
A
CERTAINER. Assurer, affirmer, certifier, du
latin
certus.
On trouve aussi
acertener.
Ces variations d'orthographe
n'ont rien d'étonnant dans une langue qui n'était
pas
encore fixée.
A
CHOISON. Occasion, du latin
accidere.
A
FFIEROIT, desirait. Ce mot
répond plus souvent
à notre
expression
il
importe,
du latin
afferre.
A
FFUY (SE). S'enfuit,
du latin
aufugere.
A
GENCIR (S').
Ordinairement se disposer,
s'arranger ; ici,
se
mettre en
mesure pour se défendre : nous disons encore
s'agencer dans
le langage familier.
A
INSOIS, AINÇOYS. Au contraire,
mais.
Dérivé
du vieux mot
ains
qui signifie
mais
et
avant.
«
Ainçoys
toutes
promesses qui
seroyent et sont faictes au contraire et préjudice des Dames
sont nulles,
ipso jure.
»
Les Arrests d'amour, par Martial
d'Auvergne ;
Amsterdam, 1731, p. 15. (Edition de Lenglet Du Fresnoy.)
A
IRE (QUI REMIST TOT EN).
Mettre en aire,
mettre en haut,
élever ;
remettre
en aire,
relever. Locution qui rappelle le
mot grec
airô,
élever, duquel elle tire probablement son
origine.
A
PERTYS. Avertis, du
latin
advertere,
par le changement
très-ordinaire du
v
en
p.
A
RS. Brûlé ; du latin
arsum, supin d'
ardere.
A
USSA. Je crois que
le vers où se
trouvé ce mot devrait
être lu ainsi :
« Chacun comme
avisa
usa de son ottroy ; »
et cette leçon me paraît d'autant plus probable
que le mot
ausser
ne se trouve
pas dans nos vieux auteurs.
B
ANNERETS, B
ANNERAINS.
Les historiens de
Bretagne ne font point une
mention particulière des exploits des Bannerets de ce pays.
Ce
petit Poëme a donc le mérite de nous faire
connaître
les traditions répandues à cet égard.
Sans
discuter ici ce point de critique historique, nous allons donner une
idée de ce qu'étaient , à proprement
parler, les
chevaliers Bannerets.
Les chevaliers Bannerets venaient immédiatement
après les
Barons : on appelait ainsi des chevaliers qui, possédant
assez
de terres pour réunir plusieurs vassaux autour d'eux, les
conduisaient avec eux à la guerre, à la
première
réquisition du Roi ou de leur Seigneur suzerain. Les
conditions
exigées pour obtenir ce titre se trouvent ainsi
exposées
dans le
Glossaire du
Droit
françois de Laurière,
d'après un manuscrit cité par Du Cange, dans sa
neuvième Dissertation sur l'Histoire de St-Louis :
« Quand un Chevalier a longuement servi et suivi les guerres,
et
qu'il a terre assez tant qu'il peut tenir cinquante gentilshommes (le
Poëme dit vingt-quatre) pour accompagner sa
bannière , il
peut licitement lever bannière, et non autrement ; car nul
autre
homme ne peut porter bannière en bataille, s'il n'a
cinquante
hommes d'armes, et les archiers et arbalestriers qui y apartiennent ;
et s'il les a, il doit à la première bataille
apporter
un pennon de ses armes, et doit venir au connestable ou aux
maréchaux réquérir qu'il soit
Banderet,
et se il
luy octroyent, doivent faire sonner les trompettes pour tesmoigner, et
doit-on couper la queue du Pennon,
et lors le doit lever et porter
avec les autres, au dessous des
Barons.
»
Cet usage de couper la queue ou la pointe du pennon devait
son origine à l'opinion généralement
répandue alors qu'un étendard de forme
carrée
était beaucoup plus noble que celui qui se terminait en
pointe.
Voyez Du Cange, Glossaire de la basse et moyenne
Latinité, au mot Bannerettus.
H. Spelman, dans son excellent ouvrage, intitulé
Archeologus in
modum Glossarii, Londini, 1626 :
in-f°, dit
avec
raison que le
titre anglais
Baronnet
répond au français
Banneret,
avec cette différence que le premier signifie proprement
petit
Baron, Baro minor, tandis que le second a une
signification plus précise, comme venant de l'allemand
Banerherr,
composé
des mots
Baner,
Bannière, et
Herr,
qui
signifie
Seigneur.
Les chevaliers Bannerets, lorsqu'ils allaient à la guerre du
Roi, avaient le double de la paie des Bacheliers. La paie ordinaire des
Bannerets était de vingt sous tournois par jour ; celle des
chevaliers Bacheliers et des écuyers Bannerets, de dix sous
chacun ; des écuyers simples, de cinq sous; des
gentilshommes
à pied, de deux sous ; des sergens à pied , de
douze deniers , et des arbalêtriers , de quinze deniers.
Au duché de Bretagne, les Bannerets avaient droit de haute
justice, de lever justice à quatre piliers, et les
possesseurs
de porter leurs armes en bannière, c'est-à-dire ,
en un
écusson carré.
Du Cange, 9è
Dissert. sur l'Hist. de St-Louis.
B
ER, homme vaillant,
du latin
vir;
il répond
également au mot
Baron,
dont
l'origine a donné lieu
à de nombreuses recherches. L'opinion qui tire le mot
Baron de
l'ablatif latin
viro
me
semble de beaucoup la plus probable, et avec
d'autant plus de raison, que, dans un grand nombre d'ouvrages
écrits en notre ancien langage, ce mot répond au
mot
latin
vir
et aux mots français
homme
et
mari.
Parmi un grand nombre d'exemples qu'on pourrait citer à
l'appui de cette
opinion, je me contenterai d'en présenter deux :
« Melior est, ait Salomon , patiens
viro forti, et qui
dominatur animo suo expugnatore urbium. »
Sermon. S. Bernardi.
« Mielz valt, ce dist Salemons, li patiens del fort
baron et cil ki at
signorie sor son cuer, ke cil ne facet ki les
citez prent. »
Sermon de S. Bernard, f°
73.
« Uxori
vir
debitum
reddat, similiter et uxor
viro.
»
« Li
Barons
rendet la
dete a sa feme et la feme semblablement a son
Baron.
»
Dialog.
de S. Grégoire. 1.Cor. 7. 6.
C
HENTAINE. Centaine. La prononciation par
ch desmots qui
commencent
par un
c
se retrouve encore dans le langage des paysans de
quelques-unes de nos provinces. C'est une conséquence
abusive de
l'usage presque invariable adopté dans notre langue, de
remplacer par
ch
le
c
initial des mots latins, lorqu'il
se trouve
placé devant la voyelle
a
: ainsi de
Castellum,
nous avons
fait
château
; de
caro ,
chair; de
caput, chapeau ; de
calidus, chaud,
etc.
C
HEVANCE. Biens,
richesses, l'avoir d'une
personne.
Bonne chevance,
bonne
fortune.
« Or estoit vray que pour tousjours fournir aux fraits et aux
grandes cheres, sa
chevance
y
avoit esté employée,
tellement que ses eaues estoient devenues bien basses. »
Arrests
d'amour, pag. 313.
C
HOMER. Ici il a le sens de restaurer,
soigner. Ce mot s'emploie plus
ordinairement pour signifier manquer de matière ou
d'occasion
pour travailler, et de plus, pour fêter,
célébrer
une fête. Un ouvrier
chome
d'ouvrage; on
chome
une
fête, en ne travaillant pas ce jour-là. Les
Etymologistes
sont fort partagés sur l'origine de ce mot, que les uns font
venir du grec
chasmân,
qui
répond au latin
cessare,
et que d'autres tirent du latin
comedere,
comessatio. Ménage
avoue qu'il ignore tout-à-fait l'origine de ce mot. Le
Duchat, plus hardi, le fait venir de l'allemand
scumen, cessare,
d'où
scuming,
paresseux.
Peut-être conviendrait-il de
lire, dans ce passage, au lieu de
chomer,
le mot
choyer,
qui est
fort connu et qui s'emploie souvent dans le sens de
prendre grand
soin. Les nombreuses fautes que Moysant de Brieux me
paraît
avoir faites dans son édition de ce petit Poëme,
dont le
manuscrit original a probablement péri, autorisent cette
conjecture.
C
IL. Celui-ci, celui , du latin
ille.
C
IMIER, que l'on
trouve quelquefois et
mal-à-propos écrit
simier : la
partie supérieure du casque. Il vient du mot de
basse latinité
cima,
quasi
coma, dit Du Cange. -
Cimiers
d’armoiries : ainsi nommés, parce
qu'on les met à la
cime des casques qui sont sur l'écu.
C
LAMÉ. Appellé, du
latin
clamare.
Il répond
aussi à notre mot
proclamer,
son composé, que nous avons conservé en
négligeant le simple.
C
LASSE. Flotte, du latin
classis.
C
OMMANDES (LEUR FURENT EN). Leur furent
soumises, furent placées
sous leur commandement.
C
UIDER et CUIDIER. Présumer,
espérer,
s'imaginer. Verbe
dont on ignore l'origine, que Barbazan tire du mot latin
quidam, et
qui se trouve aussi dans nos vieux écrivains , sous la forme
de
substantif.
« En un muy de cuidier n'a pas plain poing de saber.
»
« Plus vault ce qui est en vérité, que
ce qui est en cuider. »
« Cuider fait souvent l'homme mentir. »
Anciens Proverbes.
De
cuider,
nos aïeux
avaient fait
outrecuider,
trop
présumer de soi, et le substantif
outrecuidance,
orgueil.
D
EMENTIERS se prend ordinairement pour
cependant, sur ces entrefaites.
Mais ce mot a ici une signification que paraissent n'avoir point connue
nos glossateurs : il veut dire:
le
reste, le surplus , les autres. -
Quelques vers plus bas aussi, il se trouve pris dans le sens de
démêlé,
débat.
D
EPRISATIONS.
Deprédations.
D
ERRAIN, dernier. On trouve aussi
deerain , daerain. Au deerain
: au
dernier rang.
D
ESIR (FIRENT LEUR). Firent à
leur gré,
à leur
volonté.
D
EULT (S'EN). S'en plaignit.
Prétérit et
présent
de l'ancien verbe
se
douloir, se
plaindre, du latin
dolere.
Les
Italiens disent:
si
duole, si duolse.
D
IEX. Dieu. De
même on trouve
cex,
pour ceux ;
Baex,
pour
Bayeux.
D
OINT, subjonctif ancien du verbe
donner.
E
MPUIS (D’).
Depuis lors, depuis cette époque.
E
NGEIGNER, ENGUIGNER, ENGINGNER, etc. Duper,
tromper, du substantif
enging,
qui vient lui-même du latin
ingenium et
signifie
esprit, finesse, ruse, tromperie, fourberie, etc. Le verbe se prend
presque toujours en mauvaise part. On ne voit pas trop ce que signifie
le mot
enguigner
dans le
passage où il se trouve dans le
poëme : ne pourrait-on lire ici
regaigner (regagner),
qui me
semblerait offrir un sens plus naturel?
E
RRE, pas, marche, du latin
ire. A grand erre,
à grands pas,
en grande hâte.
E
SCHIEC, ESCHEC , ECHEC. Revers, malheur.
E
SCU. Bouclier, du latin
scutum. Telle fut
la signification de ce mot
dans l'origine. On donna ensuite ce nom à la partie de cette
arme défensive sur laquelle se trouvaient peintes les armes
ou
armoiries de celui qui en était possesseur; et plus tard
enfin,le nom d'
écu
fut
donné à certaines
pièces de monnaie qui portaient au revers l'
écu
ou les
armes de ceux à l'effigie desquels elles étaient
frappées.
E
SCUYER, ECUYER vient du latin
scutiger, qui porte
l'
escu.
Telles étaient les fonctions d'une certaine classe de
gentilshommes qui venaient immédiatement après
les
chevaliers et dont ils étaient, à proprement
parler, les
serviteurs d'armes. On trouve encore, dans la maison de nos rois, ce
nom appliqué à certaines fonctions domestiques :
l'
écuyer
tranchant, par exemple. On nomme aussi
écuyer
un homme habile à manier les chevaux, et alors
ce mot tire son origine du mot latin
equus,
cheval.
E
SPEAUTRES (S'). Se soutenir, se
défendre. Ce mot ne se trouve
dans aucun glossaire.
E
TRAGNE. Etrange. Les Italiens disent
strano, et ce mot
emporte avec
lui une idée plus forte que celle de notre mot
étrange
ou
extraordinaire.
E
XSURPER. S'emparer
par
violence, du latin
exsuperare.
F
AILLE.
Substantif du verbe
faillir.
Sans faille, sans faute.
F
ORMENT.
Fortement.
F
ORSENNE, FORSENE, que l'on trouve
quelquefois mal-à-propos
écrit
forcene.
Fureur,
extravagance, l'état d'un homme
hors de sens, ce que les Italiens expriment par
fuor di senno.
Nous
disons encore
forcené,
que l'on
devrait écrire
forsenné.
Le vieux mot français
fors
est
lui-même bien connu : « Tout est perdu, fors
l'honneur,
» écrivait François Ier à sa
mère ;
et cette expression d'une âme toute royale et toute
française a fait la fortune d'une vieille locution qui ne
peut
plus tomber dans l'oubli.
F
UITE (FIRENT). Mirent en fuite,
dispersèrent.
G
ARDAINS DU CORPS. Gardes-du-corps.
Garde vient de
l'allemand
ward :
garder, warden.
G
ENTE. NOBLESSE
GENTE,
haute noblesse, bonne noblesse.
Gente
signifie
proprement jolie, gracieuse, agréable; mais dans ce passage,
c'est une épithète destinée
à
étendre la signification du mot
noblesse. Le mot
gentil, qui
en dérive évidemment, signifie encore
aujourd'hui, dans
le langage du peuple de la Bourgogne, une personne
distinguée
par sa conduite et ses qualités privées. Le mot
italien
gentile
a la même signification, et i1 indique aussi une
naissance et une éducation distinguées.
G
REIGNEURS, GREIGNORS , GREIGNOURS,
etc. Forts, puissans, plus grands,
du latin
grandior.
I
CEL. Celui-ci,
hicce :
dans notre langue judiciaire,qui paraît
avec raison un peu surannée, nous avons conservé
le mot
icelui.
I
LLEC. Là, du latin
illic.
I
TAL. Tel, du latin
talis.
I
TANS (EN TOUS). En tous
lieux.
J
AÇOIT, JA SOIT. Quoique, de
jam sit.
J
ENGLERIE (SANS).
Sans fraude, sans
détour, sans artifice. On
disait plus généralement et l’on dit
encore
jonglerie.
Ce mot désignait proprement l'art des
Jongleurs : mais,
de nos
jours, il ne s'emploie plus que dans le sens figuré.
Les jongleurs étaient, comme on sait, des espèces
de
bateleurs ou comédiens ambulans qui, dans le moyen
âge,
couraient de villes en villes, de châteaux en
châteaux,
pour amuser nos bons aïeux, et charmaient, par leurs farces
grossières ou leurs tours d'adresse, l'ennui des vieux
manoirs.
Ils voyagèrent d'abord à la suite des
troubadours, puis
bientôt après ils formèrent une classe
tout-à-fait distincte. Quelques-uns d'entre eux
réunissaient plusieurs talens, et il n'était pas
rare de
trouver, parmi ces bateleurs des onzième et
douzième
siècles, de joyeux conteurs, des poëtes assez
ingénieux et des musiciens agréables. - Il est
fait
mention des jongleurs dès le temps de l'empereur Henri II,
mort
en 1056.
Les étymologistes ne sont pas d'accord sur
l’origine du mot
jongleur.
L'opinion la plus commune, et
peut-être la plus vraie, le fait venir du latin
joculator. Au
reste, on a remarqué que les mots
gaukelen, en
allemand
,
gauchelen, en flamand
,
to juggle,
en anglais, et
jongler,
en
français, signifient également:
faire des
tours
d'adresse. Cette analogie de forme dans des mots
appartenant à
des langues diverses, pourrait faire croire avec quelque fondement que
ces langues ont pris ce mot à une source commune.
Comme nous l'avons dit, les mots
jongleur
et
jonglerie ne
s'emploient
plus maintenant que dans le sens figuré
et toujours en mauvaise part.
J
US. A bas, à terre.
« Tu rueras
jus
les
armes » , c'est-à-dire, tu
mettras bas les armes.
Des Lovenges de Lovize
Labé ,
Lionoize,
éd. de Lyon, 1824,
in-8°., p. 150.
Faire aller jus ;
mettre
à bas, renverser, abattre, mettre au
néant.
L
ÉANS, CÉANS.
Là, en ce lieu, de ce lieu.
Bullet dirait
que ce mot vient du celtique
lez,
qui veut dire
près.
M
AINS (en vinrent
jusqu'aux). Se battirent ;
nous disons aujourd'hui :
en
venir aux
mains ; on trouve dans
Salluste : venire in manus,
dans
la même signification.
M
ARCHÉ
(A BON). Cette expression se retrouve encore dans le
langage
familier de nos jours.
Marché
tire probablement son origine de
merces,
marchandise.
M
ECONTES. Faux contes, ruses, tromperies.
M
ESCHIEF. Malheur, accident. On a aussi le
verbe
mescheoir, qui
vient de
malè
accidere, malè cadere,et qui signifie
éprouver
quelque malheur.
M
ESTIER (il n'est). Il n'est pas besoin. Les
Italiens disent :
non
è mestiere. Lenglet-Dufresnoy
(Glossaire des Arrests d'amour )
assure que ce mot se prenait encore dans le même sens , de
son
temps , dans la Flandre Wallone.
M
OULT. Beaucoup , du latin
multum.
N
AVRÉS. Blessés,
épuisés, battus.
Ce mot s'emploie encore au figuré :
navré
de douleur.
N
EF. Vaisseau, du
latin
navis.
La
nef de
nos églises a la
même origine , et doit son nom à sa forme.
N
ETTIR. Nettoyer, rendre net, purger. Le mot
net
paraît venir
du latin
nitidus.
N
OISE. Querelle,
dispute. Nous disons encore
dans le style familier :
chercher
noise.
N
ORMANDS-DANOIS.
C'est par ce nom qu'on désignait ces peuplades
barbares du nord de l'Europe, qui, dans le neuvième
siècle , firent en France de si désastreuses
incursions ,
et finirent par s'établir dans la
Neustrie, qui prit
leur nom
et le garde encore aujourd'hui. Ils débarquèrent
à
Nantes, en 843; ils firent une seconde descente en Bretagne, en 847.
Neomene , que Dom Morice ( Hist. de Bretagne ) appelle
Nominoé,
voulut s'opposer à leur invasion dans ce pays,
mais il fut battu trois fois de suite, et ne vint à bout de
les
faire sortir de ses états qu'à force d'argent. On
consultera avec fruit, sur cette époque
intéressante de
notre histoire, l'ouvrage de M. Depping, couronné en 1822
par
l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et qui a pour
titre : Histoire des expéditions maritimes des Normands et
de
leur établissement en France au dixième
siècle. Paris, 1826, 2 v. in-8°.
N
ULLY. Personne, rien
aucun, du latin
nullus.
Avez-vous
regret
à nully ?
( L'Amant rendu Cordelier.)
On trouve aussi
nu
luy.
O. Avec. Un prudhomme croyant avoir entendu parler son chien, dit
à son fils :
Va
tost, si conte ces
merveilles
Au Prestre si l'amene o
toi,
Et li di qu'il aport o
soi
L'estole et l'eve (l'eau) beneoite.
Fabliau d'Estula.
Hue ot non de Tabarie;
O
luy ot grant
compaignie
De chevaliers de Galilee,
Car sire estoit de la contree.
L'Ordene de
Chevalerie, v. 25-28.
O
ST. Camp, armée, du latin
ostium.
O
UTRANCE. Subst. Excès, du latin
ultrà.
A outrance,
à l'excès, jusqu'aux dernières
extrémités.
O
VIER. Obvier,
s'opposer, du latin
obviam
ire.
P
AYS. Il est à remarquer que
l'auteur fait
toujours ce mot d'une
seule syllabe.
P
ENSEMENT. Pensée,
réflexion.
P
ENSION. Paye, du latin
pensio, de
pendere. Ce mot
n'est plus
d'usage que dans le sens de revenu annuel.
P
OINDRE. Proprement
piquer, et par extension, attaquer, tourmenter,
harceler. Il vient du latin
pungere,
comme
oindre
vient d'
ungere.
Remors de
conscience me point.
L'Amant rendu Cordelier.
On connaît ce vieux proverbe :
Oignez vilain, il vous poindra ;
Poignez vilain, il vous oindra.
P
OUER. Pouvoir.
P
OLICE. Ordre dans l'état,
gouvernement. Il vient du grec
politeia.
P
OS. Repos. Il signifie aussi un certain
laps de temps.
Un grand
pos.
Les italiens disent dans le même sens :
un pezzo.
P
RÉBENDE. On
a dit
aussi
Provende,
de
Proventus.
Revenu. Ce
mot, qui est resté dans notre langue, ne sert plus
qu'à
désigner le revenu d'un bien ecclésiastique, et,
par
extension, ce bien lui-même. Quelques
étymologistes le
font venir à tort de
praebere.
P
REST (FAIRE). Faire main-basse, se jeter
sur. Je ne sais pourquoi
cette locution a été omise dans tous les
glossaires de
l'ancien langage.
P
RIMERAIN. Qui occupe le premier rang. Il
est à propos de
remarquer cette terminaison, qui se retrouve dans les mots
suzerain,
souverain.
Q
UANT POUR. Quant à.
Q
UERANT. De
quérir,
qui répond à notre verbe
chercher, mais avec
une signification plus énergique dans ce
cas.
Quérir
est encore
usité de nos
jours dans plusieurs provinces de France. Il vient du latin
quaerere.
Q
UESTE. Recherche,
examen, du supin
quaesitum
de
quaerere.
«
Si fust Bretagne en queste » : la Bretagne fut
explorée de
toutes parts.
R
AUDER. Nous
écrivons aujourd'hui
rôder,
que Nicot fait
venir de l'hébreu
rod,
qui signifie
migravit,
vagatus est.
Du mot
rauder
ainsi
écrit nous avons fait
maraudeur.
R
ECORDS (DE CE JE SUIS). Je me souviens de
cela, du
latin
recordari.
Les Italiens disent :
mene
ricordo.
R
ECREUS. Fatigués,
épuisés.
R
EFRAIN (PAR UN AUTRE). D'une autre
manière.
R
ETRAIRE. Retirer, du latin
retrahere.
R
ETREE. Retraite
: «
Maximus fit retrée »,
fit
retraite , se retira.
R
EVANGE. Nous disons aujourd'hui
revanche. Le mot
anglais
revenge
signifie
vengeance,
et parait
être le vieux mot français
dont l'orthographe a subi une légère modification.
R
OUTE. Nous disons
déroute
dans le même sens.Ce mot
pourrait venir de
ruere.
S
AINT-AUBIN. Abbaye de l'Ordre de Citeaux,
fondée, le 3
février I137 , par Geoffroy Boterel, comte de Lamballe.
S
ENTENSIES. Avis, du latin
sententia.
S
ONGNE. Soin, occupation. De ce vieux mot
est venu son composé
besogne.
T
ESTE : « Avoient les Bannerets en
teste » ,
trouvoient de
l'opposition de la part des Bannerets.
T
HESMES. Propositions, artifices , raisons
mises en avant.
Thesme
vient du grec
tithêmi,
placer.
T
OSIORS, TOSJORS. Toujours ; adverbe
composé de deux mots
faciles à reconnaître.
T
RAIRE. Tirer, du latin
trahere.
T
REUS. Tributs, impôts.
T
RUFFERIE. Tromperie, fourberie. Nos
aïeux disaient aussi
tartuferie
dans
le même sens, et c'est ce dernier mot, selon
toute apparence, et malgré les mille et un contes
écrits
à ce sujet, qui a fourni à Molière le
nom de son
Imposteur. Voyez
à ce sujet la Notice de M. Etienne ,
en tête de l'édition de
Tartufe,
donnée en 1824,
par M. Panckoucke, in-8°.
Y
ESSY. Sorti. Participe de l'ancien verbe
yessir, yssir, qui
vient
d'
exire, et
duquel nous avons
fait les mots
issu,
issue.
Y
ESTANCE (TANT QU'IL Y EUT DE VILLES EN).
Tant qu'il resta une ville
debout, du latin
stare.
FIN.