BRÉARD, Paul
(18-19) : La Famille de Pierre
Berthelot (1901). [suivi de]
Berthelot Pilote et Cartographe, d'après Charles Bréard (1889).
[et de] Abrégé de la vie, du martyre et des miracles du V. P. Denis, de la Nativité, natif d'Honfleur,..... (1733). Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (08.XI.2011) Relecture : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros] obogros@cclisieuxpaysdauge.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Les illustrations ne sont pas reproduites. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 148) du Pays normand, revue mensuelle illustrée d'ethnographie et d'art populaire, 2ème année, 1901. La
Famille de Pierre Berthelot
par Paul Bréard ~*~VERS l’époque où naquit Berthelot, c’est-à-dire dans les dernières
années du XVIe siècle, après la fin des guerres religieuses et des
dissensions civiles, les marchands de Honfleur, continuant les
traditions de leurs ancêtres, reprirent leurs expéditions maritimes un
moment ralenties. Leurs navires recommencèrent à visiter les côtes de
l’Afrique et celle du Brésil, à se diriger vers les Antilles, alors
appelées Les Iles du Pérou. Ils fréquentèrent surtout les bancs de
Terre-Neuve pour la pêche des morues. La ville entière vivait et
prospérait des produits de ce commerce très actif. Il fallait
construire des navires et les armer, les munir de provisions de voyage
et de marchandises pour la traite, les pourvoir de capitaines, de
pilotes et de matelots. Puis, au retour, on s’occupait du déchargement,
on négociait les produits de la pêche et ceux des pays lointains et on
les expédiait soit par mer dans les ports voisins, surtout à Rouen,
soit par terre dans les villes de la Basse-Normandie. En outre des
marchands directement engagés dans ces entreprises commerciales, les
documents de l’époque nous montrent que les bourgeois de la ville
s’intéressaient en grand nombre par des prêts d’argent dans les
armements. Aussi Honfleur continuait à être réputé pour l’habileté et
la hardiesse de ses marchands et de ses capitaines. C’est pourquoi,
lorsque dépassant Terre-Neuve, ses marins se portèrent vers le
Saint-Laurent et le Canada, c’est dans notre port que vinrent recruter
leurs équipages les premiers colonisateurs de ces pays, le marquis de
la Roche, Dupont-Gravé, Chauvin et Champlain.
Au milieu de cette population active et industrieuse était venu vers 1577 se fixer François Berthelot dit Dupéral, compagnon du métier de chirurgien. Il avait loué en 1590 la boutique de la veuve de Nicolas de Caen, située sur la place de la Fontaine bouillante (aujourd’hui place Hamelin). En 1595 on le trouve lieutenant à Honfleur du premier chirurgien et barbier du Roi. Veuf de Marguerite, fille de Jehan de Machefer ou Macquefer, capitaine et armateur, François Berthelot épousa en secondes noces Jacqueline, fille de Jean Hobelin, lieutenant du Bailly de Longueville. La demeure de ce dernier était dans la rue des Capucins qui portait alors le nom de rue Hobelin. Des enquêtes faites pour la béatification du Père Denis de la Nativité au XVIIe siècle, il paraît résulter que François Berthelot, issu d’une famille protestante de Saintonge, aurait fait venir à Honfleur ses deux frères Etienne et Pierre Berthelot. C’est celui-ci surtout que je veux vous faire connaître, car il fut le père de notre Bienheureux. Pierre Berthelot exerçait aussi le métier de chirurgien et il s’allia à une famille de bonne bourgeoisie de Honfleur, en épousant Fleurie Morin, fille de Guillaume. Leur contrat de mariage fut reconnu le 21 juillet 1598 en l’étude ou escriptoire située dans la haute Rue de Me Olivier de Malsemé, mon aïeul et mon prédécesseur, tabellion royal en la viconté d’Auge pour le siège de Honnefleu. Ce Guillaume Morin était un marchand qui, d’un canton de la forêt de Touque qu’il exploitait, avait pris suivant l’usage des bourgeois de ce temps la qualification de sieur de Chammelonde. Sa femme, Marguerite Lelou, était fille de Martin Lelou, lieutenant pour le Roi en la Romaine et bureau de Honfleur et qui cette année-là même s’occupait, comme mandataire du marquis de la Roche, de son expédition au Canada. Le contrat de mariage de Marguerite Lelou, que j’ai dans mes papiers de famille, indique une condition sociale assez relevée, car elle avait une dot de 300 livres tournois, somme considérable pour l’époque et son trousseau comprenait en outre d’un lit fourny, d’un cent destain et d’un coffre fermant à clef, « deux robes dont y en aura une à queue bandée de veloux et doublée de taffetas ou damas et l’autre ronde bandée de veloux ». Un de ses frères, Etienne Lelou, était receveur au bureau des traites foraines, qui était la douane de l’époque, l’autre, Jean Lelou, était archer de la garde de la ville. Guillaume Morin et Marguerite Lelou eurent cinq enfants : Françoise, qui épousa Jean Regnoult, grenetier au grenier à sel, habitant la rue de l’Homme-de-Bois, où il fit construire un jeu de paulme ; Jean Morin, sieur de la Perelle, qui fut capitaine de navires ; Macette, femme de Vincent Héliot, marchand, Fleurie, qui épousa Pierre Berthelot, et Marie, sa sœur. Marie Morin m’intéresse plus particulièrement, car elle est mon aïeule. Guillaume Morin avait épousé en secondes noces Marguerite Sandret, veuve de Nicolas Letellier : or celle-ci avait un fils, nommé Sylvestre, qui comme son père était du métier de la mer. Une nouvelle union réunit les deux familles, Marie Morin épousa Sylvestre Letellier. Par leur petite-fille, Suzanne Bougourd qui se maria le 15 février 1680, à Sainte-Catherine, avec Nicolas Lelièvre, dont je descends, j’ai l’honneur de me rattacher à la famille du bienheureux Berthelot, puisque son aïeul Guillaume Morin est aussi mon arrière-grand-père. Du mariage de Fleurie Morin avec Pierre Berthelot naquirent dix enfants dont deux moururent en bas-âge. L’aîné, François Berthelot, embrassa l’état de chirurgien : il épousa en 1628 Jacqueline Philippe. Le second fut baptisé à Sainte-Catherine le 12 décembre 1600 : c’est notre pilote et martyr Pierre Berthelot. Leur père, ne pouvant avec les petits profits de son modeste état de chirurgien, subvenir aux besoins de sa nombreuse famille, chercha d’autres ressources. Il s’embarqua, aux gages ordinaires de cinq écus par mois, sur les navires terrenouviers et fit chaque année la campagne de pêche, qui durait d’avril à septembre. Nous le voyons même en 1611 prendre personnellement la charge d’un armement comme maître et conducteur du navire L’Aigle. Il est donc certain qu’il se trouva aussi en rapport avec les marchands et les marins de son temps et des liens d’amitié rattachaient sa famille aux plus fameux capitaines de l’époque. Car lorsque Jean Morin, sieur de la Perelle, épousa en 1615 Marie Andrieu, ses accords de mariage furent faits en présence, non seulement de Pierre Berthelot et de Sylvestre Letellier, ses beaux-frères, mais encore du célèbre capitaine Dupont-Gravé et de son gendre Godet des Maretz, qui sont connus parmi les premiers colonisateurs du Canada. Ainsi s’explique facilement la vocation de notre jeune Pierre Berthelot pour la carrière maritime. Il dut, dès son jeune âge, naviguer avec son père et avec ses oncles et c’est ainsi qu’il visita l’Angleterre, Terre-Neuve et le Canada. Intelligent et laborieux, ses progrès dans la science nautique furent rapides et avant vingt ans il avait obtenu le brevet de pilote. C’est sans doute autant à son mérite qu’aux relations de sa famille avec Dupont-Gravé qu’il dut de s’embarquer en 1619 sur L’Espérance que commandait Robert Gravé, son fils, pour faire aux Indes Orientales ce voyage d’où il ne devait pas revenir. Son savoir, perfectionné par dix années de navigation dans les mers de l’Inde et de la Sonde, lui valut la faveur d’être nommé pilote-major des Indes par le roi du Portugal. Il acquit même tant d’habileté dans le tracé des cartes marines que le Vice-Roi lui en commanda une spéciale qu’il voulut offrir au Roi comme un précieux présent. Arrêtant ici ces détails sur la vie de Berthelot qui va vous être racontée plus loin, je reviens à mon sujet. Le troisième fils de Pierre Berthelot et de Fleurie Morin fut Jean, lequel après avoir exercé d’abord un autre métier fut aussi pêcheur à Terre-Neuve. De son mariage en 1639 avec Anne Lhérondel naquirent plusieurs enfants. Par Marie-Anne Berthelot, son arrière-petite-fille, qui épousa en 1778 Louis-Jacques Normand, il est l’ancêtre de M. Edouard Amiot, de Honfleur. Nos parents avaient connu les deux frères de madame Normand, les abbés Denis-François Berthelot et Pierre-Nicolas Berthelot, dont l’un fut chapelain de Notre-Dame-de-Grâce. Un souvenir touchant se rattache à Anne Lhérondel et nous montre combien la mémoire de notre martyr était conservée avec vénération dans sa famille. En l’année 1681, qui est celle où le père Cyrille vint faire à Honfleur une enquête sur notre Bienheureux, la veuve de Jean Berthelot et ses deux fils Jacques et François aumônèrent à la fabrique et trésor de Sainte-Catherine cent livres tournois et stipulèrent la fondation à perpétuité d’une messe solennelle « à l’intention de ladite veuve, ses enfants, leurs parents et amis, vivants et trépassés et spécialement du vénérable père Denis de la Nativité, carme déchaussé et de son nom de baptême Pierre Berthelot », à célébrer le 27e jour de novembre, jour de la mort et martyre dudit révérend père Berthelot. La fabrique de Sainte-Catherine tiendra à honneur, je n’en doute pas, de continuer à exécuter la pieuse fondation d’Anne Lhérondel. Un autre fils, Louis Berthelot, épousa en 1645 Jeanne Delomosne ; leurs descendants paraissent être allés se fixer à Rouen. Le cinquième fils, André Berthelot, fut comme son père chirurgien, puis capitaine de navire. En 1642, associé à Jean Liesbard, il faisait construire un navire sur les chantiers de Honfleur. En la même année, il épousa Catherine Barbel, de la famille de ces Barbel dont une rue de Honfleur porte encore le nom. Le plus jeune des fils, Geuffin Berthelot, marié à Elisabeth Auzoult, fut aussi marin. Dans un de ses voyages, il eut le malheur de tomber aux mains des pirates barbaresques. En 1661, il était depuis deux ans prisonnier à Alger et sa femme était trop pauvre pour le racheter. Ses frères et sœurs résolurent de consacrer à sa rançon ce qu’ils pourraient obtenir du Vice-Roi des Indes de ce qui leur était encore dû comme héritiers de l’ancien pilote et cosmographe royal. Ils confièrent à cet effet par devant notaire, le 1er décembre 1661, leur procuration au père Philippe de la Sainte-Trinité, son ancien supérieur et l’historien de sa vie. Le pauvre marin fut-il délivré de l’esclavage ou resta-t-il captif des infidèles ? Aucun document postérieur ne s’est rencontré pour nous l’apprendre. Des deux sœurs du bienheureux Berthelot, l’une, Rachel, fut mariée à Pierre Leloutre, chirurgien à Cormeilles, l’autre, Marie, épousa en 1640 Gilles Lhérondel. Pierre Berthelot, chirurgien, mourut avant 1639, il ne dut donc pas connaître le glorieux martyre de son fils. Fleurie Morin lui survécut. Elle était encore vivante en 1644, lors du partage que firent ses enfants des biens paternels. Dans ces biens on voit figurer une maison sise au carrefour de la fontaine bouillante et dans laquelle se trouvait la boutique où François Berthelot, l’un de ses enfants, exerçait son métier de chirurgien. Je pourrais maintenant pour terminer faire connaître un assez grand nombre de descendants des familles Morin et Lelou et des frères de Pierre Berthelot, aux XVIIe et XVIIIe siècles. Mais je craindrais par une longue et banale énumération de noms et de dates d’abuser de la bienveillante attention du lecteur. Cette généalogie, d’ailleurs encore incomplète, n’aura d’intérêt que, lorsqu’à l’aide de documents modernes qu’on voudrait bien me communiquer, j’aurai pu la continuer jusqu’à nos jours. Je ne doute pas qu’alors il ne se révèle parmi nos concitoyens de nombreux parents du Bienheureux et ceux-là du moins n’auront pas besoin d’attendre qu’il pleuve pour déclarer, à cette occasion, qu’ils sont de la famille de saint Berthelot. Paul BRÉARD.
~*~Berthelot Pilote et Cartographe (1)
PIERRE BERTHELOT, embarqué sur le navire l’Espérance en qualité d’aide-pilote, partit de Honfleur le 2 octobre 1619 à destination des Indes. L’expédition était commandée par le capitaine Beaulieu qui avait sous ses ordres deux autres navires, le Montmorency et l’Ermitage. Le 17 octobre la flotille était en vue de l’île Madère, le 13 février elle jetait l’ancre dans la baie de la Table où elle resta un mois. Ce fut le 14 avril qu’elle doubla le Cap de Bonne-Espérance. Des avaries survenues au vaisseau amiral le Montmorency forcèrent Beaulieu à relâcher à Madagascar. L’Espérance reçut l’ordre de se rendre à Bantam dans l’île de Java, mais en cours de route le capitaine de ce navire apprenant que la guerre avait éclaté entre les rois Javanais et les Hollandais décida de modifier son voyage et de gagner Sumatra. En abordant à la côte occidentale de cette île, l’Espérance subit la chasse des vaisseaux hollandais, ceux-ci ne tolérant aucun concurrent dans ces parages. Trop faible pour résister à plusieurs navires de fort tonnage, elle fut prise et pillée, puis incendiée traîtreusement dans le port de Batavia. Berthelot, jeté à la côte dans le dénuement le plus complet, s’aboucha à des marchands de Saint-Malo qui possédaient un comptoir à Bantam. Ils lui confièrent la direction d’un navire, mais à peine celui-ci avait-il mis à la voile qu’il fut pris par les Hollandais. Berthelot se trouvant de nouveau sans ressources se vit probablement contraint de prendre du service chez ceux-là même qui l’avaient accueilli en ennemi, car ce n’est qu’en 1626 que nous le voyons arriver à Malacca, possession portugaise où il fut merveilleusement reçu par le capitaine-général D. Antoine Pinto de Fonseca. Appelé au commandement de petites galères de quarante rameurs armées en proue de deux pièces d’artillerie, il devint bientôt un précieux auxiliaire des gouverneurs portugais et un adversaire redouté des chefs Malais. En 1629 Berthelot se rendit dans la capitale portugaise à Goa ; il avait alors les qualités et les connaissances exigées d’un très bon pilote hauturier, en outre il parlait couramment le portugais et la langue malaise, aussi fut-il accueilli de la manière la plus flatteuse par le gouverneur D. Fr. Luitz de Brito, évêque de Cochin ; celui-ci étant mort peu après eut comme successeur D. Nuno Alvarez Botelho, officier général d’une grande réputation. Dans ce moment on apprit que les Atchinois assiégeaient la forteresse de Malacca appelée « la clef des parties du Midi ». D. Nuno Alvarez Botelho, persuadé avec raison que les Hollandais secondaient le mouvement, arma en hâte une flotte de trente vaisseaux et en donna la conduite à Pierre Berthelot avec le titre de premier pilote. En arrivant à Malacca la flotte trouva la ville assiégée par terre et par mer. L’armée navale des Atchinois comptait plus de 300 voiles et 30 galères royales, celle-ci attaquée pendant la nuit fut mise en déroute, puis les portugais opérèrent un débarquement qui acheva la victoire. Après ces succès obtenus contre les Atchinois et un brillant combat livré à deux vaisseaux hollandais, la réputation de bravoure et d’habileté du pilote Pierre Berthelot se trouva des mieux établie. Pour prix de son courage, D. Nuno Alvarez l’anoblit et lui promit l’habit de l’ordre du Christ ; il lui accorda de porter en ses armes une tour chargée d’un étendard, en souvenir du combat où il avait payé bravement de sa personne et vu la mort de très près. De retour à Goa, Berthelot reçut du nouveau vice-roi des Indes, D. Miguel de Noronha, comte de Linhares, les témoignages les plus manifestes de distinction ; celui-ci lui donna en priorité et à perpétuité l’office de pilote et de cosmographe royal. Notre marin ne tarda pas à remporter de nouveaux succès. La fortune le comblait de ses biens lorsqu’il résolut d’embrasser la vie monastique. Le 24 décembre 1634, il revêtit l’habit du Carmel, mais le vice-roi des Indes ne consentait pas à renoncer à ses services. En 1636, les Hollandais ayant poussé l’audace jusqu’à venir bloquer le port de Goa, on fit appel à Berthelot qui prit le commandement de l’escadre portugaise. Celle-ci engagea un combat acharné qui dura plus de deux jours et qui força l’ennemi à prendre la fuite. Le 24 août 1638, Berthelot reçut la prêtrise. Cependant un mois plus tard nous le retrouvons conduisant sur le trois « galères subtiles » une ambassade portugaise au roi d’Achem. On touchait au terme du voyage quand le vaillant pilote remporta une nouvelle victoire sur deux vaisseaux hollandais qui prétendaient lui barrer la route. Arrivée à Achem, l’ambassade fut d’abord reçue avec les plus grands honneurs, mais le roi de ce pays, cédant bientôt aux conseils perfides des hollandais, la fit jeter en prison puis massacrer le 27 novembre 1638. Pierre Berthelot ayant obtenu la faveur d’être mis à mort le dernier assista ses compagnons jusqu’au dernier soupir. Telle fut la vie courte mais admirable de ce héros qui, aux pays lointains, fit briller du plus vif éclat la réputation française et normande. Il nous reste maintenant à ajouter quelques mots au sujet des dessins si curieux que nous reproduisons ici. Le P. Philippe de la Très-Sainte-Trinité qui fut l’ami et le biographe de Pierre Berthelot nous dit, en parlant de celui-ci : « Il avoit une très particulière addresse à desseigner les figures dont je garde quelques unes que j’ay en très grande vénération. Il travailloit aussi très parfaitement les cartes marines qui estoient fort estimées de tout le monde, de sorte que lorsqu’il estoit novice, le comte de Linhares estant sur le point de s’en retourner en Portugal me conjura très instamment de luy commander d’en achever et d’en peindre une plus au large comme il l’avoit corrigée ; ayant dessein de l’offrir à Sa Majesté Catholique comme un présent très-précieux et très-considérable, à quoy il employa environ un mois. » On pouvait croire les cartes et les dessins de Berthelot perdus depuis longtemps, lorsqu’en 1846 un diplomate polonais qui fut ambassadeur à Lisbonne et à Madrid, le comte Raczynski, rencontra à la bibliothèque royale de Paris un manuscrit portugais intitulé : Breve tratado de todos os visorreys da India (1635), œuvre de Pierre Barretto de Resendo, secrétaire du comte de Linhares à Goa. Chaque chapitre de la première partie est précédé du portrait en pied du gouverneur dont il est parlé dans le texte. Dans la seconde partie les descriptions des forteresses de l’Inde orientale sont accompagnées de plans coloriés au nombre de soixante-dix. Le manuscrit porte sur les plats de la reliure les armes de Colbert, il provient de la bibliothèque du célèbre ministre. Les quarante-quatre miniatures qu’il renferme sont la reproduction à la gouache des effigies de tous les gouverneurs des Indes, copiées sur les portraits officiels que l’on conservait alors dans le palais des gouverneurs de Goa. C’est à M. Ferdinand Denis, connu par de nombreux travaux géographiques et historiques sur le Portugal, que le comte Raczynski s’adressa pour connaître l’auteur des peintures et des plans du manuscrit portugais. Le savant voyageur répondit qu’il n’hésitait pas à les attribuer à Pierre Berthelot. L’opinion de M. Ferdinand Denis se trouva confirmée lorsque plus tard, en examinant une copie du manuscrit en question que possède le British Museum, on découvrit sur les cartes la signature de Berthelot. Les quatre dessins que nous publions ont été photographiés sur le manuscrit original ; ils constituent donc un souvenir précieux que nos lecteurs seront certainement heureux de posséder.[1, 2, 3, 4] Ces dessins sont naïfs, mais non grossiers ; la pureté des traits, la sobriété et l’heureuse interprétation des détails prouvent que si leur auteur ignorait le « métier » de dessinateur et de peintre, il n’en n’était pas moins très habile et doué remarquablement de la faculté d’observation. NOTE : (1) D’après l’Histoire de Pierre Berthelot (ouvrage épuisé), par M. Charles Bréard, et des notes inédites du même. ~*~Abrégé de la vie
du martyre et des miracles du V. P. Denis, de la Nativité, natif d'Honfleur, religieux de l'Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel, en la réforme de Sainte Thérèse, dans le couvent de Goa, aux Indes Orientales. Augmenté de quelques lumières que l'auteur a découvertes en son voyage qu'il a fait à Honfleur après la fête de tous les saints, l'an 1681. Au Havre de Grâce
Chez la veuve de Guillaume Gruchet Imprimeur et Marchand-Libraire ____ M. DCC. XXXIII Avec approbation ~*~Réimpression in-extenso d’une plaquette dont on ne connaît que deux exemplaires
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JESUS MARIA
Abrégé de la Vie du Martyre et des Miracles du V. Père Denis A tout le Peuple Chrétien, la Paix en notre Seigneur Jésus-Christ LE V. Père Denis est natif de Honfleur en Normandie : il se nommait au monde Pierre Bertelot ; il eut pour père Pierre Bertelot et pour mère Fleurie Morin, tous deux personnes de piété. Il vint au monde l’an de J.-Ch. mil six cens, le douze du mois de Décembre, et reçut le sacrement du Baptême dans l’église de Ste-Catherine. Il embrassa la vocation de marinier, en laquelle il devint un excellent pilote, qu’étant passé parmi les Portuguais dans les Indes Orientales ils le créèrent Pilote général ; ce qui fut l’occasion de son bonheur éternel, d’autant que toutes les industries humaines sont destinées au service de la grâce. Comme il séjournoit à Goa, il y embrassa l’état religieux chez les Carmes déchaussez, l’an trente-quatrième de son âge. Le viceroy qui ne lui avoit permis ce changement de vie qu’à condition qu’il s’acquiteroit des emplois qu’il lui marqueroit pour le service de Sa Majesté Catholique, ayant depuis résolu d’envoyer une Ambassade au Royaume d’Achien en l’Isle Sumatra, le Seigneur qu’il honora de cette commission voulût avoir notre P. Denis pour conduire la Flotte et pour diriger sa conscience ; voilà pourquoi il conjura nos Pères de lui accorder ; ce que ne lui ayant pû refuser il s’embarqua sur mer, et pour obéir au Roi et à ses Supérieurs, et ensuite N. Seigneur de qui seul les hommes tiennent tout leur pouvoir. La Flotte surgit heureusement au port d’Achien, où le Roi reçut l’Ambassadeur avec des démonstrations d’une amitié particulière ; mais il changea incontinent son amitié en une haine mortelle, à la sollicitation des Hollandais, qui lui persuadèrent que cette Ambassade ne se faisait pas pour l’honorer, mais pour découvrir les lieux les plus faibles de son Royaume, et ensuite s’en saisir. Ce monarque d’une croyance trop légère les crût aussitôt sans rien examiner, et condamna à mort tous les Portugais en qualité de traîtres : et d’autant qu’il était Mahométans, il voulut qu’ils renonçassent à la foi de J.-Ch. afin d’embrasser le Mahométantisme. Ces véritables fidèles ne l’ayant pas voulu écouter, ils furent jettez dans des cachots obscurs et puants, où ayant enduré mille peines l’espace de quarante jours, ils souffrirent le martyre au nombre de soixante, notre Père Denis les y ayant tous conduits en les exortant l’un après l’autre, car il obtint cette grâce du Capitaine des exécuteurs de cette sentence très-injuste, qui étaient au nombre de dix pour chacun d’eux, avec un Casis ou Prêtre mahométans qui employait toute son éloquence pour les inciter à renier Jésus-Christ. Quand notre Père eut envoyé les saintes Ames à Dieu, son tour étant venu pour y aller lui-même et leur tenir compagnie au séjour de la gloire des Bienheureux, ces bourreaux s’assemblèrent tous contre lui, comme s’ils eussent eu un régiment à combattre ; mais il demeura intrépide, et bien loin de craindre ce grand nombre, son cœur s’allumoit d’autant plus qu’il voyoit la troupe de ses ennemis se grossir, désirant de les combattre et de les vaincre par la force que le Saint Esprit lui inspiroit. En éfet vous voyez six cents soixante soldats acharnés contre un seul homme, mais toutes leurs attaques et tous leurs coups, quoique réitérez, n’eurent aucun pouvoir sur lui, ce qui les mit au désespoir et tout à fait hors d’eux-mêmes ; c’est pourquoi ils jettèrent leurs armes par terre ; ce que voyant un Renégat de Malaga, qui n’était pas de leur compagnie, il lui déchargea deux coups de cimeterre sur la tête dont il la fendit en quatre, et deux qu’il lui donna sur les épaules qui traversèrent son corps avec quelques coups de criz qui sont des poignards en onde. Quand il eut perdu tout son sang par la cruauté de ses blessures, il tomba par terre sur un crucifix qu’il baisa en proférant trois fois ces noms adorables : JESUS MARIA. Je vous laisse à penser maintenant les actes d’amour qu’il produisit, remerciant ce divin Sauveur de la grâce qu’il lui avait faite de le rendre conforme à lui et a ses souffrances et en sa mort, proférant ces beaux mots : C’est à présent que je puis dire avec le grand Apôtre, je suis attaché à la Croix avec Jesus-Christ. Après quoi il expira et rendit sa sainte âme comme un autre Moïse à celui de qui il en était uniquement redevable, dans un baiser de son Seigneur et de son véritable amant, ce qui arriva le vingt-sixième de Novembre de l’année 1638. I. Mais sur quoi l’on doit faire une attention particulière, c’est qu’encore qu’il fût mort, il semblait néanmoins qu’il fût aussi vivant, pour ce qu’il faisait des actions qui ne marquoient autre chose que la vie, puisque son corps ne fut point corrompu et demeure vermeil, et fût aussi vû prêcher aux Mores, non une fois mais trois, en langue Malaque, de la même façon qu’il faisait durant sa vie. II. Il parut aussi les trois premières nuits de son heureux décès environné de lumières et de flambeaux par ces mêmes infidèles, lesquels étant surpris de ses prodiges en demandèrent la cause à des Anglois, de la bouche desquels ils entendirent cette belle et véritable réponse, tous hérétiques qu’ils fussent : Dieu voyant que vous avez mis à mort ses serviteurs qui étoient innocens, il témoigne par là qu’il les a reçus dans sa gloire. III. Ils le jettèrent deux fois dans une fosse très-profonde, et il en sortit sans qu’on s’en aperçût, et s’en alla au lieu de son martyre. IV. Ils le précipitèrent aussi au fond de la mer, avec une grosse pierre qu’ils lui attachèrent, mais il n’y demeura pas un moment, et se vit encore au lieu de son martyre. V. Enfin ils le mirent dans une forêt pleine de Loups, de Tygres, d’Ours et de Lyons, afin qu’il en fut dévoré, et ils n’y touchèrent seulement pas d’autant qu’il se retira en ce même lieu de son martyre ; signifiant par là qu’il l’avait choisi pour sa chère demeure, et qu’il ne pouvait en être jamais séparé. VI. Enfin Dieu le préserve encore aujourd’hui sans la moindre corruption, et dans sa couleur vive et naturelle, ressemblant plutôt à une personne qui dort qu’à un cadavre privé de la vie, n’ayant pas perdu jusqu’ici un seul poil de sa barbe ni de ses cheveux. Les Miracles qu’il fait en Occident
I. Voilà des merveilles qui sont vrayement surprenantes, que ce grand Martyr opère au lieu où est son corps ; mais il en fait encore beaucoup d’autres ailleurs ; l’Orient en est éclairé, en sorte que l’Occident en reçut aussi des clartez, et il n’est pas si libéral envers la ville d’Achien, qu’il n’exerce aussi sa magnificence à l’endroit de Honfleur et de ses environs, et si son corps a été vu après sa mort couvert de splendeurs pour marquer sa béatitude, sa vertueuse mère a été enlevée en esprit au Ciel au moment de son glorieux martyre, pour être spectatrice du triomphe de son très-cher fils. Je l’ai ainsi appris à Roüen d’un de nos Religieux qui l’a oüi de sa propre bouche, de la sincérité de laquelle tous ceux qui l’ont connüe étoient persuadés. II. Elle a aussi assuré que revenant un jour du Pontlevêque à Honfleur, et qu’étant surprise de la nuit dans la forêt de Touque, elle invoqua le secours de son fils, et au même instant elle vit une main qui tenoit un flambeau qui la conduisit jusqu’à la porte de son logis, c’est-à-dire près de trois lieuës durant. III. On fit des Processions à Honfleur pour obtenir de la pluye, l’une à l’Abbaye de N.-D. de Gretin, qui en est distante de deux lieuës, et l’autre au Breuil à N.-D. de Pitié ; et comme ces Processions retournoient, elles furent toutes trempées, à la réserve de la Mère de notre Martyr fut qui il n’en tomba pas une goutte ni en l’un ni en l’autre Procession, et Mr l’Evêque de Lisieux, qui était un Prélat fort illustre, ayant été informé de ce dernier miracle, il voulut voir cette vertueuse femme, et lui donnant sa bénédiction, il lui dit : Vous êtes bien heureuse d’avoir un fils si puissant auprès de Dieu. IV. Ceux qui voyagent sur la mer éprouvent son secours très-favorable quand ils l’invoquent dans les dangers extrêmes. V. J’ai oüi d’un honnête vieillard dont le fils étoit dans le vaisseau du Capitaine André Bertelot, qui n’étoit armé que de sept pièces de canon, qui se voyant attaqué d’un Turc qui en avoit environ cinquante, implora le secours de son frère nôtre Père Denis, avec un coup de canon le contraignit de se retirer, ce qu’il fit avec des cris épouvantables. VI. Et le même André Bertelot étant occupé à la pêche sur le banc de Terre-neuve, son vaisseau fut frappé d’un coup de vent si fort qu’il en fut submergé, de telle sorte que le vaisseau étoit dans l’eau jusqu’à la dunette, qui est le plus haut de la pouppe, tout l’équipage en avoit jusqu’au col, et les coffres de mariniers en étans remplis, le Capitaine André implora alors le secours de son Frère le V. Père Denis, et la tempête cessa aussitôt, et ils se remirent à la pêche des molües, et en péchérent quatre mille et s’en retournèrent facilement à Honfleur qui en est distant de neuf cens lieuës. VII. Il arriva encore que le vaisseau que commandait ledit André Bertelot fut frappé d’une tempête avec tant de violence qu’il s’ouvroit et étoit tout panché sur le côté, et les haches étoient atteintes pour couper les mâts et les voiles ; et alors le Capitaine Bertelot implora le secours de son frère avec les Oraisons qui avoient été composées en son honneur, et aussitôt qu’ils furent achevées le vaisseau revint sur l’eau comme auparavant en la manière d’un oiseau qui a plongé. VIII. J’ai scû aussi d’une personne très-véritable qu’il a assisté à l’heure de la mort un sien neveu qui étoit fils de sa sœur nommée Rachel, et qu’il l’a disposé à mourir saintement ; en confirmation de quoi une autre personne toute de vertu m’a dit qu’il apparut à sa mère quatorze ou quinze jours après, l’avertissant qu’elle n’eut point de peur, que Dieu exerçoit une providence particulière sur leur famille et qu’il s’en allait dans le Ciel. IX. J’ai encore appris de la Supérieure du Monastère de Honfleur, qui est une personne très-discrète, la merveille qui suit. Un jour la première femme du sieur André Bertelot, Capitaine de navire, me dit qu’elle avoit un enfant encore au maillot que la nourrice ou la garde de couche tenoit au coin du feu, où elle s’endormit, l’enfant étant prest à tomber dans les flàmes, prononça d’une voix intelligible le nom de son bienheureux oncle Pierre Bertelot, le priant qu’il lui sauva la vie : la mère étant couchée entendit parler son enfant de cette sorte. Voilà ce qu’elle m’en dit il y a environ trente ans, ce que nous sommes ravis de déposer à la gloire de Dieu et de son Saint Martyr. X. Et comme je passois, le même jour que cette Révérende Mère me raporta ce miracle, de Honfleur au Hâvre de Grâce, un charpentier de Honfleur qui y alloit travailler aux vaisseaux du Roi, me dit qu’il avoit autrefois apris qu’un enfant du même Bertelot avoit prononcé ces paroles : Mon Oncle, je vous vois ; ce qu’il m’a signé de sa main en présence de deux personnes en la ville du Havre au mois de Décembre 1681. XI. Et moi qui écrit ceci, j’atteste que l’an 1680 allant à Honfleur, comme j’en étois proche de quatre ou cinq lieuës, je tombai sur le front, et ne pouvant du tout me relever, je craignois de mourir en cet état, j’implorai alors le secours de N. P. Denis disant premièrement à Dieu que s’il était l’auteur du voyage que je faisois afin de m’informer des Miracles de N. P. Denis, et au même Père, que s’il étoit pour son honneur, il me tirât de ce danger ; au même moment je me levai et me portai mieux qu’auparavant. Ce qui arriva le 17 Octobre de la même année. Par où l’on voit que si l’Occident n’a pas la consolation de posséder son précieux corps, il peut se réjouir de l’assistance de son esprit ; et que tant sur la terre que sur la mer, il se montre tellement présent à ceux qui l’invoquent qu’il leur prête la main pour les préserver des périls de la mort qui y sont si fréquents, et que les enfans même qui ne sont encore qu’à la mamelle rendent des témoignages très-évidents de son secours, le St-Esprit leur donnant la parole avant le temps pour l’implorer, parce qu’il ouvre ainsi la bouche des muets, et fait disertes les langues des enfans, dans la remarque de l’Ecriture, afin que tout le monde publie ses louanges en la personne de ce grand Saint, qui a déclaré la magnificence de son nom auprès de ses ennemis les plus opiniâtres. De sorte que nous pouvons assurer qu’il est comme St Nicolas, protecteur de ceux qui naviguent, et leur Pilote spirituel s’ils veulent l’invoquer, et spécialement ceux qui ont l’honneur d’être de l’Ordre de N.-Dame du Mont-Carmel, puisqu’il a remporté des victoires très-signalées dans son exercice de Pilote, et dans l’habit de cette sacrée Religion ? qu’il est le guide des voyageurs, pour les conduire sans manquer à la fin de leur voyage comme St Raphaël ; et comme Sainte Barbe assiste ceux qui sont à l’article de la mort, il se trouve présent à ceux qui combattent avec les démons en ce moment le plus dangereux de qui dépend l’Eternité, pour leur obtenir la victoire, et le rendre glorieux dans le Royaume du Paradis. C’est le Père Cyrille de la Passion de Jésus-Christ, Carme Déchaussé, qui vous présente ce fruit, non pas en entier, mais seulement une parcelle et très-délicate, qu’il a cueillie tout nouvellement, c’est-à-dire il y a un mois, dans le même verger ou il a pris naissance et a été transporté depuis sur le Mont-Carmel. Son goût est très relevé, et parce qu’il a été confit dans la liqueur la plus précieuse qui soit au Ciel et en la terre, puisque c’est le sang de Jésus-Christ avec lequel il a mêlé le sien par la mort de son martire admirable ; goûtez-en avec une sainte avidité, et vous verrez et connoitrez par votre expérience que ce que j’avance est très-véritable, et qu’il ne renferme pas la qualité d’un seul fruit, mais celles de plusieurs, ainsi que la manne que le Ciel pleuvoit au desert pour les Israélites, dans laquelle ceux qui la mangeoient avec la foi trouvoient toutes sortes de goûts et de plaisirs, conformément à leur désirs. De même ceux qui implorent les secours de ce Bienheureux martyr, éprouveront que son pouvoir n’est point limité comme celui de quantité d’autres Saints, mais qu’il s’étend sur plusieurs sortes de besoins, ainsi que notre Ste Mère Thérèse a remarqué de St Joseph, dont le pouvoir est universel sur toutes les nécessités imaginables. Ce qui n’a été accordé qu’à celui qui s’est vû assûjetti le Fils unique du Tout puissant. Ayant donc remarqué plus haut que quand son frère le Capitaine André et d’autres qui étaient informez de ses mérites imploroient sont secours dans les dangers extrêmes du naufrage, ils en étoient délivrez au même moment qu’ils avoient fini les Prières qui avoient été faites en son honneur ; parce que je ne les ai pas, j’en ai dressé quelques-unes conformément aux nécessitez, par le secours desquelles il s’est montré puissant. Pour obtenir la grâce de bien mourir
Mon Dieu de qui la Providence fait paraître sans cesse l’amour qu’elle a pour le salut de ses Fidèles, je me prie de me faire sentir vôtre secours à l’heure de ma mort par l’assistance du Vénérable Père Denis de la Nativité, afin qu’il me protège comme d’un bouclier de l’habit de la Vierge Mère dont il est revêtu. AMEN. Pour l’assistance dans les voyages
Je vous suplie, mon Seigneur, que comme vous envoyâtes le Venerable Père Denis accompagner sa bonne Mère sous le forme d’une main qui tenoit un flambeau pour l’éclairer pendant la nuit et la conduire chez elle l’espace d’un long chemin ; je vous prie qu’il obtienne un rayon de votre visage qui me conduise jusques chez moi en votre paix et en votre grâce, et que j’arrive ainsi dedans le Paradis qui est une demeure éternelle. Pour les dangers du nauffrage
Mon cher Sauveur qui avez daigné venir nous accompagner sur la mer, et y supporter les flots et les tempêtes, accordez-nous la grâce quand nous en serons attaquez de prononcer une parole, et la tranquilité sera renduë, nous vous en supplions par l’intercession du V. Père Denis, qui a conduit au port du salut et à la gloire du martyre, ses très chers compagnons et vos serviteurs. Pour les tempêtes et les abondances de pluyes
Seigneur qui modérez les pluyes, et faites cesser les tempêtes et les orages, puisque tout suit vos Loiz, nous vous prions que comme vous avez protégé la mère très aimée du Vénérable Père Denis par une grâce très-spéciale, la préservant de l’innondation, qui fut commune à tout le monde, par les mérites de son Fils, de nous modérer aussi l’excès des pluyes qui menacent vôtre peuple d’une grande indulgence, nous espérons cette grâce de votre miséricorde par les mêmes mérite de vôtre serviteur qui a versé non pas de l’eau, mais tout son sang pour vous. Pour la convertion des Infidelles
Mon très-aimable Sauveur, vous abondez en inventions pour procurer le salut de tous les hommes ; les disciples de Mahomet se rendent en vérité très-indignes de vos secours, puisqu’ils chassent et qu’ils mettent à mort vos Prédicateurs ; mais vous leur avez envoyé un Apôtre si extraordinaire, qu’il leur a prêché vôtre parole étant mort, et la leur prêche encore à tous momens par son corps qu’ils ont et qu’ils gardent au milieu d’eux ; nous vous conjurons donc, ô Soleil d’Orient, d’éclairer ces pauvres misérables qui dorment et se reposent dans l’ombre de la mort, afin qu’ayant délaissé leurs erreurs, ils connoissent la vérité et adorent ici-bas Votre S. Nom, et joüissent de vous en la gloire ; ne nous refusez pas cette prière que nous vous adressons par l’entremise de vôtre Serviteur le Vénérable Père Denis de la Nativité. APROBATION
J’ai lû l’Abrégé de la vie du V. Père Denis &c. dans lequel je n’ai rien trouvé que de conforme à la foi et à la piété Chrétienne ; en foi de quoi j’ai signé ce 2 Février 1682. J. A. AUVRAY, Docteur de Sorbonne et Chanoine de l’Eglise de Roüen. |