La Reconstruction de
Lisieux vue par la C. G. T.- Deuxième édition.- Lisieux :
Imprimerie Morière, 1947.- 24 p. ; 21 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (05.VI.2016) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 2138 br bis). ~ * ~
Le lecteur retrouvera dans certains rapports, des termes, des suggestions ou des critiques qui figurent déjà dans ceux qui les précèdent et il pourra s'est étonner. Nous tenons à préciser que la Commission administrative ne pouvait, agir autrement, car les' divers rapports, rédigés à des dates différentes, n'ayant pas eu la même destination, elle s'est trouvée dans l'obligation de reprendre des suggestions et des critiques qu'elle avait émises précédemment. Le Bureau de la Commission
Administrative
de l'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux. L'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux, envisageant l'avenir de notre cité, émet les suggestions développées ci-après, qu'elle porte à la connaissance de la population lexovienne. Notre ville est appelée à devenir un lieu de pèlerinage de plus en plus fréquenté. Nul ne saurait s'en plaindre, si, comme nous l'espérons, le coût de la vie s'y stabilise à un niveau normal. Il appartiendra aux commerçants eux-mêmes qu'il en soit ainsi, dans leur propre intérêt. Dans le cas contraire, les travailleurs iraient habiter des villes où la vie serait moins chère. Certains seront mêmes contraints à quitter notre ville, lorsque sa reconstruction sera terminée. Les travaux d'entretien des immeubles qui seront en majeure partie neufs, ne nécessiteront qu'une main-d'œuvre réduite pendant de nombreuses années. Lisieux tendra à devenir, de plus en plus, une ville où le commerce deviendra saisonnier. Cette situation ne saurait profiter à tous les commerçants, car si un certain secteur de l'activité commerciale de notre cité y trouvera des avantages, la plupart des commerçants verront leur chiffre d'affaires diminuer progressivement. La meilleure clientèle est celle qui est installée à demeure, puisqu'elle fait vivre par ses achats divers et ses dépenses régulières la majorité des commerçants. Aussi l'Union Locale de la C. G. T. demande-t-elle aux municipalités de notre agglomération, à nos représentants au Conseil général, et à l'Assemblée Constituante, ainsi qu'aux responsables lexoviens des divers partis politiques organisés, d'intervenir — dans la mesure de leurs possibilités — afin que les usines lexoviennes qui seront déplacées soient reconstruites à proximité de notre ville. Il existait avant la guerre des projets de décentralisation industrielle. Certaines usines de la région parisienne ont été transférées dans des villes de province. Au cas où ces projets seraient toujours envisagés, nos représentants pourraient intervenir pour que Lisieux, en qualité de ville martyre, en soit l'une des bénéficiaires. L'installation d'une ou plusieurs usines importantes aux abords de notre agglomération, permettrait de procurer un emploi aux travailleurs qui ne songeraient pas à quitter notre ville, et les commerçants, par voie de conséquence, en seraient également bénéficiaires. En émettant ces suggestions, l'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux envisage l'avenir de notre ville, que nous voudrions prospère et animée en toutes saisons. Elle retrouverait ainsi, à une échelle plus grande, son activité d'autrefois que les touristes se plaisaient à reconnaître. (Cet
article a été inséré dans le
Lexovien Libre du 8 février 1946.)
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* * Commentant l'article sur l'avenir de la ville de Lisieux, que l'Union Locale de la C. G. T. a fait paraître dans la presse, certains commerçants déclarent que notre cité pourrait vivre uniquement du commerce qu'elle entretiendrait avec nos visiteurs. Nous estimons que ce raisonnement est entaché d'erreur. Pour appuyer notre thèse, nous allons employer des chiffres qui sont, par eux-mêmes, éloquents On estimait en 1939, que l'agglomération lexovienne abritait au moins 5.400 travailleurs salariés. En ne retenant que ce minimum et en estimant qu'en moyenne, un travailleur dépense sur place 4.800 fr. par mois, il S'ensuit que les dépenses faites annuellement par les salariés s'élèvent à la somme globale de trois cent onze millions de francs. Cette somme imposante, qui entre dans les caisses de nos commerçants, se renouvelle chaque année, puisqu'elle provient des revenus que la classe ouvrière acquiert par son travail. Si l'on admet, d'autre part, qu'un pèlerin dépensera une moyenne de cinq cents francs pendant son passage à Lisieux, il faudra la venue, dans notre cité, de 622.000 visiteurs pour équilibrer seulement les dépenses effectuées par les travailleurs habitant à demeure. La proportion serait encore plus grande si notre ville prenait un développement industriel plus important, car l'intérêt général se confond souvent avec celui de la classe ouvrière. Naturellement, si notre cité devenait uniquement une ville touristique, un nombre important de travailleurs continueraient à y trouver du travail, mais beaucoup d'entre eux devraient supporter un chômage saisonnier et leur pouvoir d'achat se trouverait diminué. La classe ouvrière fait vivre l'ensemble des commerçants. Il en est beaucoup, parmi eux, qui ne pourraient prospérer sans elle. Par contre, les pèlerins limitent leurs dépenses à un secteur commercial nettement déterminé. En fait, un pèlerin n'est qu'un passager qui a obéi à un sentiment religieux et qui se contente souvent de se restaurer et d'acquérir quelques objets à titre de souvenirs. Parmi nos visiteurs d'avant-guerre, et le cas se reproduira dans l'avenir, certains profitaient de la réduction des tarifs des voyages organisés en commun pour venir passer quelques heures à Lisieux et se rendaient ensuite sur les plages de la côte. Loin de nous la pensée de ne pas souhaiter l'afflux des visiteurs. Bien au contraire, nous désirons que l'industrie hôtelière et touristique prenne de plus en plus d'extension dans notre cité. Nous espérons aussi que nos commerçants sauront maintenir leurs prix à des tarifs raisonnables. Ce serait la meilleure propagande qu’ils pourraient faire pour inciter les visiteurs à revenir dans notre ville. En émettant ces suggestions, l'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux n'a en vue que l'intérêt de notre ville que nous voudrions accueillante, prospère et animée en toutes saisons. (Cet
article a paru dans Ouest-France du 23 février 1946.)
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* * L'Union Locale de la C. G. T. tient à faire connaître son opinion au sujet du plan d'extension de Lisieux. Elle estime que l'agglomération lexovienne devrait être unifiée et elle désire qu'une vaste étendue de terrain soit annexée à notre cité. Notre ville est appelée à prendre de l'extension et pour cela, il est nécessaire qu'elle puisse s'étendre librement sur son propre territoire. Sa faible étendue a nui dans le passé à son développement normal. Elle s'est trouvée enserrée sur un espace trop restreint et des annexions partielles n'améliorèrent pas sensiblement cette situation. Aujourd'hui, au contraire, la recherche du confort et le respect des règles de l'hygiène conduisent les générations nouvelles à vouloir plus d'espace. Les villes s'étendent de plus en plus dans la campagne. Ce phénomène naturel et général, dont il faut tenir compte, est encore amplifié par la mise en application des règlements concernant l'urbanisme. Les immeubles y avaient atteint une densité qui n'était pas raisonnable, et c'est ainsi que s'étaient créés progressivement les taudis qui déshonoraient notre ville. Ne renouvelons pas l'erreur qui a été commise par nos ancêtres et n'oublions pas que les générations futures nous jugerons à leur tour. L'Union locale de la C.G.T. de Lisieux demande aux municipalités de l'agglomération lexovienne de s'unir fraternellement pour discuter de cet important problème et elle estime qu'en l'occurrence, plus encore que l'union, la fusion fait la force. (Cet article a été publié dans le
Lexovien Libre du 8 mars 1946.)
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* * Rapport
sur les plans d'extension et de reconstruction de Lisieux
approuvé le 18 mars 1946 par la Commission Administrative de
l'Union Locale.
La Commission. Administrative de l'Union Locale de la C.G.T., qui vient de prendre connaissance du plan de reconstruction de notre ville dressé le 29 septembre 1945, estime qu'il est de son devoir d'informer la municipalité lexovienne des objections et des suggestions qu'elle croit devoir émettre dans l'intérêt général de notre cité. Elle regrette que les organisations ouvrières, qui ne sont pas représentées au sein du Conseil municipal, n'aient pas été consultées pendant toute la période de discussion des plans de reconstruction et d'extension de Lisieux. Et, pourtant, la classe ouvrière, qui est la plus nombreuse, est la seule qui n'ait pas d'intérêts particuliers à défendre. Les travailleurs désirent habiter des maisons saines et ensoleillées en exigeant un confort auquel tout être humain peut aujourd'hui prétendre. Ils souhaitent que leurs lieux de travail (magasins, ateliers, bureaux, chantiers) soient reconstruits ou agencés en tenant compte des règles de salubrité et d'hygiène. Ils désirent que nôtre ville redevienne prospère et que son activité commerciale et industrielle s'amplifie sans cesse, éloignant d'autant le cauchemar du chômage. Enfin, ils souhaitent habiter une cité agréable où l'on ait plaisir à vivre. Ces désirs sont partagés par toute la population. L'Union Locale de la C. G. T. tient à préciser, tout d'abord, sa position au regard du plan d'extension de Lisieux. Ainsi qu'elle l'a fait connaître récemment par un article paru dans la presse, elle souhaite que l'agglomération lexovienne soit uni fiée et qu'une vaste étendue de terrain soit annexée à notre cité. Elle désire l'annexion totale des communes rurales qui la composent. Elle espère, ce qui serait préférable, que les municipalités rurales sauront mettre l'intérêt général au-dessus des intérêts particuliers et qu'elles seront unanimes à demander leur rattachement à Lisieux, le développement de notre cité ne pouvant qu'être profitable aux producteurs de notre région. La ville de Lisieux ne serait plus enserrée sur un espace restreint. Elle prendrait normalement l'extension qui lui convient. Elle s'étendrait progressivement, sans contrainte, sur son propre territoire. Ainsi, les usines qui doivent abandonner le centre de la ville pourraient être reconstruites à sa périphérie. Elles continueraient à faire partie de notre cité tout en disposant de possibilités d'agrandissements ultérieurs, qu'elles ne possédaient pas en 1939, puisque des terrains plus vastes pourraient leur être attribués. D'autre part, les projets de décentralisation industrielle de la région parisienne, qui avaient reçu un commencement d'exécution avant la guerre, seront peut-être repris. De nombreuses villes de province étaient intervenues dans le but d'en être les bénéficiaires. Notre ville, qui disposerait d'une vaste étendue de terrain, pourrait demander qu'une ou plusieurs usines importantes soient transférées sur son territoire. Elle pourrait même être prioritaire en raison de sa situation de ville martyre. L'installation d'une ou plusieurs de ces usines aurait pour résultat, tout en assurant un emploi à un certain nombre de travailleurs, d'intensifier l'activité industrielle et commerciale de notre cité. L'espace ne faisant plus défaut, une partie de l'industrie touristique et hôtelière lexovienne se porterait progressivement aux alentours de la basilique, et ainsi, se créerait un quartier spécialisé qui pourrait devenir très important et qui tirerait ses principales ressources du commerce effectué avec les pèlerins. Notre agglomération étant unifiée, il n'existerait plus qu'un unique plan d'extension et d'urbanisme qui régirait le développement ultérieur de notre ville. Nous ne verrions pas se renouveler l'anarchie qui a régné après 1919 dans la plupart des agglomérations administrées par plusieurs municipalités ; lesquelles avaient souvent des idées plus ou moins heureuses et contradictoires en matière d'urbanisme. Notre ville serait composée d'un noyau qui constituerait la zone des habitations collectives autour de laquelle rayonnerait la zone des habitations individuelles qui pourrait s'étendre librement dans le cadre du plan d'urbanisme. Avant d'aborder l'étude du plan de reconstruction de Lisieux, nous tenons à préciser que nous n'apporterons aucune objection systématique, mais on doit reconnaître que toute œuvre humaine est perfectible. Cette vérité n'est pas ignorée par les travailleurs du bâtiment qui relèvent fréquemment des erreurs sur les plans dressés par les architectes. Ignorant la teneur des débats qui eurent lieu au Conseil Municipal avant l'approbation du plan de reconstruction, nous venons soulever des objections et apporter des suggestions qui découlent de l'étude du plan dont nous avons eu connaissance. Nous espérons que notre franchise et notre bonne foi seront reconnues, même si nos suggestions ne pouvaient être acceptées, puisque nous œuvrons dans l'intérêt général de notre cité. Nous nous plaisons à reconnaître la valeur du plan dressé par M. CAMELOT, et accepté par la municipalité. Nous y relevons avec plaisir la création de boulevards extérieurs qui seront appelés à devenir les artères principales de notre cité. Si une erreur semble avoir été commise en ce qui concerne le point de jonction des artères donnant accès à notre ville du côté de la route de Caen, nous ne pouvons qu'approuver les tracés proposés par M. CAMELOT qui a associé de façon heureuse la ligne droite à la ligne courbe. Il s'est éloigné délibérément du tracé rectiligne qui n'engendre que la monotonie dans les villes où il a été mis intégralement en application. Notre cité conservera ainsi un cachet particulier qui charmera ses visiteurs. Nous qui avons connu les rues étroites, sans air et sans lumière, qui avons vécu dans des logements, où, bien souvent, les rayons du soleil ne pénétraient même pas, nous avions souhaité l'élargissement de toutes les rues à reconstruire en nous gardant de toute exagération. Les rues commerçantes qui connaissaient un encombrement journalier bien connu, devraient assurer le passage de quatre voitures de front. Il faudrait prévoir de chaque côté de la chaussée l'arrêt des voitures apportant ou enlevant les marchandises, et, au milieu, la libre circulation des véhicules qui emprunteront ces artères. Des trottoirs suffisamment larges seraient créés. Les passants pourraient ainsi s'attarder aux étalages sans gêner la circulation des piétons qui étaient souvent dans l'obligation de descendre sur la chaussée, ce qui n'était pas sans danger. Le rôle des rues n'est pas uniquement de faciliter la circulation dans les villes, mais aussi d'y laisser pénétrer l'air et la lumière dont elles ont besoin. Nous avons constaté avec plaisir la création d'une voie parallèle à la rue Pont-Mortain qui bénéficiera d'un ensoleillement presque parfait, son axe ne formant qu'un angle de quatorze degrés avec la ligne nord-sud. Par contre, nous avons vu avec surprise le maintien de la rue du Capitaine-Vié qui, étant donné l'étroitesse de sa chaussée, donne l'impression d'un couloir malsain. En effet, elle se trouve placée dans la plus mauvaise position d'ensoleillement qui soit, son axe ne formant qu'un angle de neuf degrés avec la ligne est-ouest. Bon nombre des rues existantes ont la même orientation défectueuse. Nous ne doutons pas que M. CAMELOT donnera une meilleure orientation aux voies nouvelles, dans la mesure du possible. Il aura droit ainsi, à toute la reconnaissance de la population, car, s'il est vrai de dire que le soleil brille pour tous, il est normal que ses rayons puissent pénétrer dans chaque logement et dans tous les locaux où chacun effectue son travail. Nous approuvons la dérivation prévue sur la route de Paris pour rejoindre le boulevard Carnot. Nous aurions envisagé la création d'un boulevard extérieur, bordé d'une promenade plantée qui, partant également de ce point, de jonction, aurait traversé la rue Roger-Aini et serait venue aboutir à l'avenue de la Basilique en suivant approximativement les courbes de niveau. La route d'Orbec aurait été ainsi reliée directement à la route de Paris. L'examen du plan fait nettement apparaître l'utilité de cette nouvelle voie de dégagement qui serait susceptible de devenir l'artère principale d'un nouveau quartier qui pourrait être créé ultérieurement sur cette colline. Le terrain étant de bonne qualité dans ce secteur, un jardin public, qui ne serait pas trop éloigné du centre la ville, pourrait être prévu en bordure de ce boulevard. De la terrasse du jardin public, qui dominerait la vallée de la Touques, un magnifique panorama s'offrirait à notre vue et pourrait impressionner favorablement nos visiteurs. La partie de la rue de Caen comprise entre la route de Falaise et la rue Gustave-David aurait pu être déportée vers l'ouest de façon à atteindre le chemin d'Assemont à la hauteur du Cirieux. Une place au bord de laquelle l'église Saint-Désir légèrement déplacée serait reconstruite, aurait été créée sur le terrain de l'Abbaye des Bénédictines. La route de Dives et les artères projetées seraient venues aboutir à cette place dont le centre aurait été agrémenté par un monument, une fontaine ou une statue. La circulation y aurait eu lieu dans le sens giratoire, facilitant et régularisant ainsi le trafic qui est intense dans cette partie de la ville. La création de cette place à sens giratoire aurait permis de supprimer le carrefour dangereux de la route de Caen et de la route de Dives, voies très fréquentées pendant la saison estivale. Cette dernière artère aurait eu même l'avantage de venir aboutir en pente douce à cette place. L'artère conduisant à l'église Saint-Pierre aurait été déplacée vers le sud, dans son extrémité ouest et la perspective vers cet édifice aurait encore été améliorée. La rue Gustave-David aurait pu être déportée vers le sud et prolongée jusqu'à la place Gambetta pour la mettre en alignement avec la perspective de l'église Saint-Jacques. En partant de la place giratoire, une artère aurait rejoint directement le boulevard Sainte-Anne à la hauteur de la rue Rose-Harel, nécessitant toutefois, le déplacement des gazomètres. La création de cette artère s'imposera dans l'avenir. Les terrains qu'elle empruntera devraient être frappés dès maintenant d'une servitude spéciale. Sa construction deviendrait facile à partir du moment où un système économique de chauffage électrique domestique ayant été réalisé, l'usine à gaz serait appelée à disparaître. Ainsi, l'entrée de notre ville, en arrivant de Caen, aurait été accueillante, le regard des touristes après s'être porté sur l'église Saint-Désir aurait été attiré à gauche par la perspective de la cathédrale, au centre, par celle de l'église Saint-Jacques et à droite par la basilique qui domine la ville. L'écartement entre les artères qui aboutiront au carrefour de la rue de Caen se trouvant augmenté, la construction d'immeubles aurait pu être envisagée sur une partie des terrains prévus en jardins et situés entre les rues de Caen, Gustave-David et le boulevard Sainte-Anne. Il est à craindre que l'étendue de ces espaces libres ne donnent l'impression de séparer complètement la ville de la partie de l'agglomération qui s'étend vers Saint-Désir. Nous voyons avec surprise que les divers cours d'eau qui sillonnent notre cité seront conservés. Ne pourrait-on pas envisager pour plus tard, en réservant dès maintenant les terrains nécessaires, un élargissement et un approfondissement des lits de la Touques et de l'Orbiquet et la suppression des différents bras de dérivation. Nous pourrions avoir, dans l'avenir une belle rivière qui s'écoulerait entre des quais qui seraient bordés d'immeubles au lieu d'avoir ces immondes cours d'eau qui serpentent dans notre ville, se séparent et se rejoignent sans ordre défini. Cette modification des lits de nos rivières permettrait d'abaisser le plan d'eau, leur assurerait un débit plus important et plus régulier diminuant ainsi la menace d'inondation qui pèse en permanence sur les habitants des bas quartiers. La voie nouvelle prévue entre le boulevard Emile-Demagny et l'avenue de la Basilique semble être de réalisation difficile mais, tôt ou tard, sa construction s'imposera. Il y aurait peut-être intérêt à prévoir le nivellement du triangle qui vient aboutir au Rond-Point. La construction d'immeubles en bordure de l'avenue de la Basilique serait rendue possible sur un emplacement où personne n'a osé faire construire en raison de l'instabilité du terrain. La voie qui mènera de la gare au centre de la ville en passant par la placé Fournet est appelée à devenir une artère très fréquentée au détriment de la rue Henry-Chéron. Alors qu'autrefois, l'activité commerciale se portait de préférence sur le bord des routes à grand trafic, le centre commercial se déplace aujourd'hui, dans presque toutes les villes, en direction des gares. Cette attraction s'explique par le fait qu'une grande activité règne autour d'elles. Il serait normal que la rue de la Gare, la place Fournet et la rue d'Alençon soient bordées entièrement par des immeubles dont le rez-de-chaussée serait réservé pour des magasins. Cela permettrait de décentraliser les maisons de commerce qui se trouvaient à l'étroit dans le centre de la ville. Chaque commerçant disposerait alors d'un espace plus grand, vivrait dans une atmosphère plus saine et verrait son commerce prospérer comme autrefois. Le personnel qui travaillerait dans ces magasins y trouverait également avantage, puisqu'il œuvrerait dans de meilleures conditions de salubrité et d'hygiène. Nous estimons que l'étendue des jardins et des espaces libres prévus au sud du boulevard Jeanne-d'Arc et du boulevard Sainte-Anne est trop vaste et trop rassemblée. Nous aurions préféré qu'ils soient répartis équitablement sur l'ensemble de la zone des habitations collectives dont ils auraient amélioré l'aération. Cela aurait permis la création de squares disséminés dans toute cette zone. Ces squares auraient été clos et auraient comportés des emplacements réservés pour les jeux des enfants. Les mamans auraient pu profiter de leurs moments de liberté pour se rendre, avec leurs jeunes enfants, au square voisin. Il est à craindre que de nombreuses mères de famille soient encore, pendant de nombreuses années, dans l'obligation de travailler pour améliorer le bien-être de leur foyer. Aussi, chaque maman devrait avoir le plaisir de retrouver ses enfants en rentrant de son travail, soit à la maison, soit au square tout proche, où ils se livreraient à leurs ébats hors des dangers de la rue. On ne devrait plus voir d'enfants traîner dans les rues, comme autrefois, parce qu'ils manquaient alors d'emplacements pour leurs jeux. La partie du boulevard Sainte-Anne comprise entre la rue Rose-Harel et la rue Gustave-David devrait être bordée d'immeubles aux lieux et place des jardins prévus. Ces constructions auraient l'avantage de dissimuler aux regards les bâtiments industriels de l'usine à gaz qui manquent d'esthétique. Nous aborderons maintenant la délicate question des îlots fermés. Il est à craindre que dans le centre de la ville leur nombre soit important. Il faudra prévoir un centre d'îlots bien gagé et les servitudes qui les frappent devront être strictement respectées. Autrement, nous assisterons à la création de nouveaux taudis. C'est ainsi, par exemple, qu'un commerçant qui verrait son affaire prospérer pourrait être enclin à faire un appentis dans la cour, puis un autre, et un beau jour il se déciderait à la recouvrir entièrement comme cela se voyait autrefois. Il priverait ainsi d'air et de lumière le rez-de-chaussée où ses employés continueraient de travailler. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons indiqué notre désir de voir les rues élargies, car nous ne devons pas oublier que le soleil ne s'élève qu'avec regret au-dessus de l'horizon pendant la mauvaise saison, ses rayons obliques ne pénètrent pas alors dans les immeubles avec la même générosité que pendant la période estivale. Notre ville a perdu hélas beaucoup de son attrait pour les touristes. Un effort doit être tenté pour les inciter à ne pas oublier notre cité. Il suffirait de mettre en valeur les quelques monuments historiques qui ont échappé au désastre. Il s'agit en premier lieu de la cathédrale Saint-Pierre qui nous apparaît émargeant des ruines, plus belle encore qu'autrefois. C'est avec plaisir que le regard s'attarde sur elle lorsque l'on descend la rue Henry-Chéron. Nous verrions très bien un square délimité par la Place Thiers, la rue Henry-Chéron et la rue du Paradis qui donne accès au transept. Nous mettrions ainsi en valeur l'un des plus beaux chefs-d’œuvre de l'art gothique normand dont il ne reste plus que quelques exemplaires. Ce square abrité des vents du Nord et de l'Est serait fréquenté dès les premiers beaux jours de chaque année par la population lexovienne. Les enfants pourraient s'y ébattre à l'aise, hors des dangers de la rue et les personnes âgées viendraient y chercher un peu de distraction et de repos. De semblables oasis de verdure devraient également encadrer les autres monuments historiques. Les établissements publics devraient être reconstruits en style normand. Il ne saurait être question de reconstituer les immeubles d'autrefois, mais de retenir les principes généraux de ce style que nos architectes ont si bien su adapter à la construction moderne. Si nous voulons rappeler le passé de notre cité à nos visiteurs, il pourrait être conseillé aux architectes qui seront chargés de l'édification des immeubles en bordure de certaines artères d'établir leurs plans en tenant compte du style normand. Notre cité retrouverait ainsi un certain caractère régional qui attirerait et retiendrait les touristes. L'intérêt général exigerait même qu'une réglementation stricte soit prévue à cet effet. Les immeubles qui seront construits en bordure de la rue d'Alençon entre la rue Vasseur et la Place Fournet devraient avoir leur rez-de-chaussée réservé uniquement pour des magasins qui pourraient être à double façade, l'une donnant sur la rue d'Alençon l'autre sur le square. Une étroite chaussée serait alors aménagée entre ces constructions et les squares. Un trottoir qui pourrait être couvert et bordé d'arcades longerait les immeubles de ce côte. Il pourrait être réservé au rez-de-chaussée deux passages d'environ quatre mètres de large situés dans l'axe des rues Duhamel et Lecouturier, ce qui permettrait aux piétons d'accéder directement dans la rue du Carmel ou vice versa en passant par le square qui aurait une certaine animation. Ce quartier aurait ainsi un caractère particulier qui charmerait nos visiteurs. Nous aurions vu avec plaisir la création d'un vaste jardin public où le styles anglais et français auraient trouvé place librement. Il aurait été destiné à remplacer ultérieurement le jardin public actuel qui est appelé à se dénuder dans un délai assez rapproché en raison de l'ancienneté des arbres qui l'ornementent. Notre jardin public serait néanmoins conservé puisqu'il renferme le Monument aux Morts et qu'il sert de cadre naturel au Musée et à la Cathédrale. Nous regrettons que la création de vastes allées plantées d'arbres d'ornement en bordure de certains boulevards extérieurs n'ait pas été prévue. Nous aurions réalisé ainsi des promenades publiques qui sont le charme de certaines villes de province. Il existe près de nous un beau site naturel. Il s'agit de l'espace compris entre les cités de la rue Rose-Harel qui sont appelées à disparaître et le Mont-Cassin. Ne pourrait-on pas envisager la création entre la Touques et la colline d'un parc qui serait réservé de préférence aux manifestations nautiques. Nous devons avoir toujours à l'esprit que l'œuvre de reconstruction que nous allons entreprendre nous survivra pendant de nombreux siècles. L'aménagement et l'extension de notre ville sera un travail de longue haleine. Dès maintenant, nous devons prévoir le développement ultérieur de notre cité si nous ne voulons pas que les générations futures regrettent notre imprévoyance lorsqu'elles seraient contraintes à se livrer à des expropriations coûteuses pour réparer les erreurs que nous aurions commises. La commission administrative de l'Union locale de la C.G.T. fait confiance à M. CAMELOT dont le nom restera attaché à la reconstruction de Lisieux, pour éviter ces écueils. Elle a tenu à faire connaître les principales critiques qu'elle apporte au plan de reconstruction de Lisieux et ses suggestions qu'elle estime raisonnables, les émettant dans l'intérêt général de notre cité que nous voudrions accueillante, prospère et animée en toutes saisons. (Ce rapport a. été remis en mars 1946, à M. le Maire de de Lisieux. Des copies ont été adressées à M. le Ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme ainsi qu'à M. le Sous-Préfet de Lisieux). *
* * Sous-Préfecture de Lisieux Le 16 Avril 1946.
Messieurs, J'ai l'honneur de vous accuser réception du rapport établi par la Commission Administrative de l'Union Locale de la C. G. T. sur les plans d'extension et de la reconstruction de Lisieux. J'ai pris un très vif intérêt à sa lecture et je puis vous assurer que je partage vos vues en général et en particulier sur votre projet de dégagement de la cathédrale Saint-Pierre ; je serais très partisan de la voir encadrée de verdure vers la rue Henry-Chéron. Par contre le changement de style du jardin public me paraîtrait une erreur car, dans sa forme actuelle, il cadre avec le style des bâtiments qui l'entourent. Soyez certains que je tiendrai compte de vos suggestions sur ce projet d'extension et de reconstruction de Lisieux et ne manquerai point de m'entretenir avec M. CAMELOT de vos judicieuses propositions en les appuyant. Veuillez agréer, Messieurs, l'expression de mes sentiments distingués. Le
Sous-Préfet,
MAURIN. Messieurs les Membres de la Commission Administrative de l'Union Locale de la C. G. T., Lisieux. *
* * UNION LOCALE Lisieux, le 29 Avril 1946. de la C. G. T. de Lisieux Monsieur le Sous-Préfet, J'ai l'honneur de vous informer que la Commission Administrative de l'Union Locale a pris connaissance avec plaisir de votre lettre du 16 Avril courant concernant les plans d'extension et de reconstruction de Lisieux. Nous vous remercions de la bienveillance avec laquelle vous avez bien voulu étudier le rapport que nous vous avons adressé et que nous avons établi en nous plaçant strictement devant l’intérêt général et l'avenir de notre malheureuse cité. Nous tenons à préciser notre pensée au sujet du Jardin Public dont nous admirons le style qui devra être maintenu et qui sert de cadre admirable au Musée et à la Cathédrale. En envisageant la création d'un nouveau Jardin Public plus étendu, nous n'avons pas voulu porter atteinte à celui qui existe. En émettant cette suggestion, nous travaillons pour les générations futures. Il faudrait en effet de nombreuses années avant que les arbres du jardin public qui serait créé puissent offrir un ombrage suffisant, recherché par les promeneurs et que ne pourra peut-être plus alors leur procurer notre jardin public actuel, car malheureusement les arbres qui l'ornementent sont appelés à disparaître progressivement pour des raisons naturelles. Etant donné la densité de la plantation, les jeunes arbres qui seront plantés en remplacement auront de la peine à végéter à l'ombre de ceux qui continueront d'exister. Il est à craindre que notre jardin public se dénude, et cela nous ne pourrions que le regretter. Il sera toujours recherché puisqu'il est situé au centre de la ville. Tout devra être mis en œuvre pour que son style soit respecté et que le Monument aux Morts qui y a été érigé demeure toujours dans un cadre digne de nos compatriotes « Morts pour la France ». Veuillez agréer, je vous prie, Monsieur le Sous-Préfet, l'expression de nos sentiments respectueux. Pour la Commission
Administrative de l'Union Locale :
Le Secrétaire
Général,
LEDEVIN. *
* * RAPPORT sur le LOTISSEMENT des 4-SONNETTES
Adopté le 27 Mai 1946 par la Commission Administrative L'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux a de nombreuses critiques à apporter concernant le lotissement des Quatre-Sonnettes qu'elle se fait un devoir de porter à la connaissance des autorités compétentes. Les maisons des Quatre-Sonnettes semblent devoir être édifiées à titre définitif bien que le plan porte la mention : « Maisons provisoires en dur ». Autrement, on ne s'expliquerait pas pourquoi il a été prévu d'importantes charpentes qui ont nécessité des cloisons épaisses et qui ont conduit à d'importantes surfaces de toitures. Nous espérions que les plans de ces maisons avaient été mûrement réfléchis et établis en tenant compte des besoins et du confort auquel tout être humain peut aujourd'hui prétendre. Nous regrettons qu'un emplacement n'ait pas été prévu pour une baignoire. Il nous a été possible de visiter récemment les deux seules maisons qui soient hors d'eau. Nous avons constaté dès l'abord que les Pouvoirs Publics s'obstinent à considérer que la classe ouvrière n'a pas le droit de posséder une salle à manger indépendante puisqu'il est toujours prévu une salle commune. Et pourtant, la plupart des travailleurs seraient heureux de posséder une salle à manger où les meubles seraient à l'abri des buées de la cuisine et des dégâts que les enfants en bas-âge font inconsciemment lors de leurs ébats dans la salle commune. Si cette salle, qui est de bonne dimension, ne prête pas à critique, il n'en est pas de même pour les chambres qui sont fort petites et qui seront difficiles à meubler. Cette difficulté a encore été aggravée par le fait que les cheminées ont été prévues en plein panneau. Il eut été préférable qu'elles eussent été placées en angle. D'autre part, les murs ayant été primitivement prévus de 25 centimètres sont portés à 36 centimètres par la construction d'un contre-mur intérieur. Cette modification a pour effet de réduire encore la surface des pièces. La chambre des parents aurait pu être de dimension respectable, car il est normal qu'un emplacement aurait dû être prévu pour l'installation d'un lit d'enfant dans cette chambre. Une porte de communication aurait pu être prévue dans la cloison qui sépare les deux chambres, l'une étant réservée aux parents et pour le dernier né, le cas échéant, l'autre aux enfants plus âgés. Ces derniers se trouvent séparés de leurs parents qui devront ouvrir trois portes et traverser entièrement la salle commune pour se rendre à la chambre de leurs enfants qui seront ainsi isolés. Chaque mère de famille comprendra la grossière erreur qui a été commise en ne faisant pas communiquer directement les deux chambres. On a voulu copier le style normand, mais on a oublié que la salle commune des vieux logis donnait directement sur la façade des maisons et c'est ce qui en faisait le charme. Tel n'est pas le cas puisqu'une entrée et une petite pièce sont prévues sur la façade principale, reléguant cette salle commune à l'arrière de l'immeuble. Ainsi, cette façade comprend trois fenêtres de dimensions dissemblables par logement, l'une servira d'aération aux water-closets, l'autre donnera de la lumière à la laverie, la troisième enfin sera celle d'une chambre. Cette disposition des ouvertures, il faut le reconnaître, n'est guère esthétique et la corniche elle-même n'est pas visible. De plus la porte d'entrée prévue sans panneaux et avec un judas contribuera à donner un aspect sévère et rébarbatif à cette façade qui devrait être accueillante. Nous aurions vu avec plaisir une porte avec un panneau fonte vitré qui aurait eu pour avantage de laisser pénétrer plus de lumière dans l'entrée. Au contraire, on aurait dû prévoir cette salle commune sur la façade pour pouvoir faire profiter ses habitants du magnifique panorama de la Vallée de la Touques. Cette pièce aurait bénéficié également de meilleures conditions d'ensoleillement qui ne sont pas à dédaigner sous le ciel nuageux de Normandie. En outre, le cellier du logement de droite a la plus mauvaise orientation qui soit puisqu'il a façade sur le sud. Tous les celliers auraient dû être construits face au nord. En cas d'impossibilité l'angle nord-est de toutes les maisons orientées en conséquence aurait dû être réservé à cet effet puisque la durée et l'intensité de l'insolation y sont minima. Les maisons semblent avoir été prévues sans qu'il ait été tenu compte de l'orientation qui leur serait donnée, de l'ensoleillement qui doit être réservé aux pièces principales. C'est ainsi que certaines maisons en cours de construction ont la salle commune orientée au nord et le cellier situé en plein midi. Il est regrettable qu'on n'ait pas tenu compte des règles élémentaires de salubrité. Il était facile de construire, au lotissement des Quatre-Sonnettes, des maisons où le soleil aurait pénétré à flot. Il suffisait pour cela d'en modifier la façade et le cloisonnement intérieur selon leur emplacement et par rapport à la rue qui sera établie. Cette conception aurait eu l'avantage de rompre la monotonie qui se dégage de l'ensemble des constructions. D'autre part, un monumental grenier a été établi au-dessus des pièces d'habitation. Il a nécessité une imposante charpente et la surface de toiture est importante. On peut s'étonner qu'au moment où les marchandises sont rares on édifie de semblables toitures. On a voulu sans doute perpétuer le souvenir des greniers à foin des constructions campagnardes, mais cette conception a eu pour résultat d'alourdir l'aspect des maisons qui ressemblent extérieurement à des bâtiments de ferme. Il eut été préférable que la charpente soit moins importante et que la construction d'un étage eût été retenue. En admettant même que la charpente aurait été maintenue, la surélévation des murs de soixante centimètres aurait permis, sans dépense supplémentaire importante, de construire ou de prévoir ultérieurement des mansardes avec lucarnes qui sont aussi les attributs du style normand. L'emplacement d'un escalier intérieur aurait pu être facilement trouvé. Cette façon d'opérer aurait permis d'assurer plus de logement à chaque ménage. Des familles nombreuses auraient pu trouver ainsi un logis confortable. De plus, on oublie que les enfants recueillent souvent leurs vieux parents et que ces derniers ont droit aussi à une pièce séparée pour y retrouver la tranquillité à laquelle ils aspirent et avoir l'illusion d'être encore chez eux. Nous avons constaté que dans plusieurs maisons en construction on remblayait à l'intérieur des murs jusqu'à une hauteur d'environ 1 m. 50. Ne pourrait-on pas envisager de conserver ces vides pour établir des caves qui seraient plus fraîches que les celliers prévus, ce qui aurait par ailleurs l'avantage d'assainir les maisons et d'augmenter la surface habitable. Lors de notre retour, nous devions constater également que des briques entières de très bonne qualité avaient été utilisées pour boucher des ornières des voies d'accès au lotissement alors que dans notre malheureuse cité les débris abondent. L'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux, après avoir fait connaitre les principales critiques qu'elle apporte aux constructions du lotissement des Quatre-Sonnettes, demande aux autorités responsables d'envisager si, comme elle l'estime, des modifications peuvent encore être apportées aux constructions en cours d'exécution dans l'intérêt des familles qui les habiteront. Elle espère que les maisons qui seront élevées ultérieurement dans ce lotissement seront construites d'après des plans nouveaux, tenant mieux compte des besoins des familles et des règles de l'orientation et de l'ensoleillement qui s'imposent dans la construction des immeubles modernes. Elle souhaite que les nouvelles maisons aient un aspect différent de façon à éviter la monotonie qui donnerait à ce nouveau quartier, qui est situé sur un emplacement admirable, l'aspect d'une cité uniforme comme on en voit trop dans le nord de notre pays. (Ce rapport a été remis d M. le Maire de Lisieux, le 31 mai 1946, ainsi qu'aux services de la Reconstruction. Il a été soumis au Conseil municipal le 20 juin 1946.) *
* * COMMISSION ADMINISTRATIVE de L'UNION LOCALE DE LA C. G. T. DE LISIEUX
(Rapport établi le 9 Juillet 1946 concernant le projet d'aménagement des baraques Nissen du cantonnement, rue Fournet.) L'étude du plan du type A fait immédiatement apparaître l'établissement d'une cuisine et d'une salle à manger dans chaque logement, alors que dans les habitations « à bon marché » il ne pouvait être prévu qu'une salle commune. M. GUESPIN donne satisfaction aux désirs exprimés depuis de très nombreuses années par les travailleurs qui voudraient pouvoir disposer d'une cuisine et d'une salle à manger indépendantes. Nous le félicitons de cette marque de compréhension des légitimes aspirations des travailleurs. Malheureusement, la disposition des baraques ne permet pas d'aménager l'intérieur de façon pratique, c'est ainsi que la cuisine se trouve séparée de la salle à manger par un couloir long de 8 mètres, ce qui est excessif. Peut-être pourrait-on aménager en cuisine la chambre attenante à la salle à manger. Elle serait plus vaste que celle qui pst prévue et les habitants pourraient prendre, quand ils le désireraient leurs repas dans cette pièce. La cuisine actuellement prévue serait aménagée en chambre au cas où la forme extérieure des baraques le permettrait. La porte d'entrée prise sur le pignon pourrait être supprimée et reportée en façade donnant ainsi directement sur le couloir. On n'aurait plus besoin de traverser la salle à manger pour se rendre au couloir qui dessert les autres pièces. Cette nouvelle disposition serait certainement bien accueillie. Le type B est moins confortable puisqu'il n'est envisagé qu'une salle commune et trois chambres. L'idée d'une, cuisine n'est pas retenue mais il est possible de loger une famille nombreuse. Quant au type C la création d'un logement supplémentaire ne semble pas heureuse car elle enlève une pièce à chaque logement contigu. D'autre part, la salle commune est alors trop petite, la surface atteignant à peine onze mètres carrés. Elle est en outre peu logeable, trois portes donnant sur cette pièce et l'évier se trouve placé dans un coin sombre. L'unique chambre est vraiment de dimensions restreintes, le volume d'air dont disposerait le ménage qui l'habiterait ne serait que de vingt-sept mètres cubes. S'il y a nécessité de trouver un nombre plus élevé de logements, il pourrait être prévu une baraque à quatre logements ce qui permettrait de conserver trois bâtiments à deux logements qui seraient relativement confortables. Les salles communes d'extrémité et la chambre qui leur est contigüe formerait un logement, les W.-C. et le cabinet de toilette étant reportée à l'emplacement du couloir qui disparaîtrait. La dite chambre pourrait être agrandie au détriment de la salle commune dans les mêmes conditions que sur le plan du type A. Les deux logements du centre disposeraient alors d'une chambre facile à meubler. Les W.-C. et le cabinet de toilette seraient reportés dans le couloir qui disparaîtrait en partie et la salle commune se trouverait agrandie. La porte de la chambre donnerait sur la partie du couloir qui serait conservée, le cabinet de toilette serait ainsi à proximité de la chambre. Telles sont les suggestions que l'Union Locale de la C. G. T. de Lisieux croit devoir apporter au projet d'aménagement des baraques du cantonnement de la rue Fournet. Elle n'ignore pas les difficultés d'aménagement de bâtiments qui n'ont pas été conçus pour être compartimentés en logements, mais elle demande qu'il soit tenu compte, dans la mesure du possible, du confort et des règles de l'hygiène auxquels tout être humain peut aujourd'hui prétendre. *
* * RAPPORT
sur le plan d'extension et d'aménagement de LISIEUX Septembre 1946 Rapport sur le plan d'extension et d'aménagement de Lisieux exposé au public dans une salle du collège de Jeunes Filles en septembre 1946. La Commission administrative de l'Union Locale de la C. G. T., après avoir pris connaissance du plan d'extension et d'aménagement de Lisieux ainsi que du rapport justificatif et du programme d'aménagement établis par M. CAMELOT, estime qu'il est de son devoir de faire connaître les objections, les critiques et les suggestions qu'elle apporte à ce plan dans l'intérêt général de notre cité et de ses habitants. M. CAMELOT a établi le plan d'extension en envisageant une ville susceptible de devenir une agglomération de vingt-cinq mille habitants. Nous estimons que ce chiffre est insuffisant. Nous devons voir plus grand, tout en nous gardant de toute prétention et de toute exagération. Ne renouvelons pas l'erreur qui a été commise par nos ancêtres qui nous ont légué après plusieurs extensions successives une ville ne s'étendant que sur deux cent vingt-cinq hectares. Cette exiguïté territoriale a nui dans le passé au développement normal de notre cité. Le plan prévoit que le territoire de Lisieux sera porté à trois cent vingt-cinq hectares. Nous estimons que cette étendue sera trop restreinte, car, dans l'avenir, notre ville devrait pouvoir s'étendre librement sur son propre territoire. N'oublions pas que Lisieux qui est la deuxième ville du Calvados est susceptible de prendre après sa reconstruction, une extension rapide. Cette extension devrait même être encouragée pour le plus grand profit de tous les habitants de notre agglomération. La meilleure clientèle pour le commerce est celle qui vit à demeure puisqu'elle fait vivre par ses achats divers et ses dépenses régulières la majorité des commerçants. Il ne saurait, naturellement, être question de négliger l'industrie hôtelière et touristique que nous serions heureux de voir de plus en plus prospère. L'étude du plan d'aménagement de Lisieux fait apparaître des imperfections et des erreurs. Nous n'apporterons aucune critique systématique, mais on doit reconnaître que toute œuvre humaine est perfectible. C'est ainsi que la rue du Capitaine-Vié qui est étroite et dont les conditions d’orientation et d'ensoleillement sont mauvaises est maintenue dans son état actuel. La rue du Hommet qui se trouvait dans les mêmes conditions sera rétablie sur son ancien tracé. Il en sera de même pour la rue d'Ouville et pour la rue Marie-de-Besneray. Nous aurions vu avec plaisir l'axe des rues nouvelles former un angle aussi grand que possible avec la ligne est-ouest. Lors de la création de villes nouvelles ou de l'aménagement et de l'extension de celles qui existent, les urbanistes s'efforcent toujours d'éviter cette erreur. Il suffit pour s'en convaincre d'étudier les plans des villes construites en tenant compte des règles d'urbanisme, pour constater que les urbanistes n'envisagent qu'exceptionnellement la création d'artères s'approchant sensiblement de la ligne est-ouest qui est la moins favorable à l'ensoleillement. Les rues du centre de la ville, qui étaient pour la plupart mal orientées, ont été prévues avec une largeur moindre que celles de la périphérie sous le prétexte que les rues commerçantes doivent avoir une largeur modérée. Nous pourrions citer de nombreux exemples qui infirmeraient ces dires. Toutefois il n'est pas question de tomber dans l'exagération, comme cela s’est produit dans certaines villes des régions dévastées après l'autre guerre. Cette disposition aura pour effet de réduire l'aération et l'ensoleillement des immeubles qui les borderont. Les travailleurs qui y œuvreront en seront les principales victimes. Pour fermer la ceinture des boulevards extérieurs qui ont toute notre approbation, nous aurions souhaité la création d'une avenue bordée d'une promenade plantée qui aurait relié directement la route d'Orbec à la dérivation prévue sur la nouvelle route de Paris. Cette voie nouvelle, qui aurait été l'artère principale du quartier qui sera édifié ultérieurement sur la colline, aurait abouti à l'avenue de la Basilique en suivant approximativement les courbes de niveau. Plusieurs voies sont prévues à cet endroit mais la largeur de la chaussée est nettement insuffisante, et elles ne rejoignent pas la route de Paris. En bordure de cette avenue, à laquelle seraient venues aboutir des voies de résidence, un jardin public, où les styles régulier et paysager auraient trouvé place librement, aurait pu être créé, le terrain étant de très bonne qualité à cet endroit. De la terrasse de ce jardin, les promeneurs auraient pu jouir d'un magnifique panorama sur la ville et la plantureuse vallée de la Touques. Il est certain que dans l'avenir ce jardin aurait exercé un attrait sur nos visiteurs comme cela existe dans certaines villes de province où les jardins publics sont donnés en exemple dans les guides touristiques. Ce vaste jardin public aurait eu, pour la population lexovienne, l'avantage de se trouver à proximité du centre de la ville. Nous aurions vu avec plaisir le carrefour prévu à la jonction de la rue de Caen et de la rue Gustave-David reculé vers l'ouest sur le terrain de l'abbaye, où il aurait pris la forme d'une place à sens giratoire avec plateau, à laquelle la route de Dives serait venue aboutir en pente douce. De cette place giratoire, une artère aurait rejoint directement le boulevard Sainte-Anne à la hauteur de la rue Rose-Harel. La partie du boulevard Sainte-Anne, comprise entre la rue Rose-Haret et la rue Gustave-David, sera bordée de jardins plantés d'arbres dans le but de cacher l'usine à gaz. Il semble que des immeubles, construits au lieu et place de ces jardins, auraient permis de mieux dissimuler au regard les bâtiments indus triels appartenant à la Société Gaz et Eaux. Le maintien des dérivations de la Touques et de l'Orbiquet qui ne se justifie pas, puisqu'il n'y aura plus d'usines dans le centre de la ville, semble être une erreur. L'élargissement et l'approfondissement de ces deux rivières auraient permis d'abaisser le plan d'eau et d'éviter la menace des inondations qui pèse en permanence sur les bas quartiers, tout en permettant la suppression des divers cours d'eau insalubres qui sillonnent notre ville. Nous souhaitons que l'étendue trop vaste, à notre avis, des jardins prévus aurait été mieux répartie dans les divers quartiers de la ville et nous aurions vu favorablement la création d'un square à proximité du nouveau théâtre. Un espace libre est prévu à l'emplacement de la gare des marchandises qui sera déplacée. Etant donné l'importante surface qui sera rendue disponible, une voie de résidence aurait pu être tracée à proximité et parallèlement à l'Orbiquet. Dans l'espace relativement étroit, ainsi délimité, des villas isolées de style normand auraient pu être édifiées. Elles auraient caché l'arrière des maisons de la rue d'Orbec qui manquent d'esthétique. Un jardin planté d'arbres aurait pu néanmoins être créé entre la nouvelle rue et la voie ferrée de la ligne de Trouville. L'ensemble aurait composé un premier plan attrayant en avant de la basilique. Nous regrettons que des maisons soient prévues dans le quadrilatère formé par la cathédrale Saint-Pierre, la place Thiers, la rue Henry-Chéron et la rue Olivier. Nous aurions préféré qu'un square soit créé à cet emplacement. Il aurait mis pleinement en valeur ce remarquable édifice, tel qu'il nous apparaît aujourd'hui et dont nous avions méconnu, en partie, la beauté avant la tourmente parce que nous ne pouvions l'admirer dans son ensemble. Le square, abrité des vents du nord et- de l'est, aurait été fréquenté par les habitants du centre de la ville dès les premiers beaux jours printaniers. Les enfants auraient pu s'y ébattre hors des dangers de la rue. Les maisons construites sur cet emplacement ne pouvant dépasser la hauteur de deux étages y compris le rez-de-chaussée, il s'ensuit que les commerçants qui habiteront ces immeubles ne pourront disposer que d'un logement restreint. Les maisons qui leur feront face de l'autre côté de la rue Henry-Chéron, n'étant pas frappées des mêmes servitudes, seront plus élevées. Il en résultera un manque d'esthétique regrettable. D'autre part, la vue d'ensemble de la cathédrale, apparaissant aux touristes qui emprunteront la rue Henry-Chéron, pour traverser notre cité, aurait pour effet de les inciter à s'arrêter pour visiter ce chef-d’œuvre d'art gothique et le commerce local y trouverait son profit. Nous nous élevons également contre la diminution envisagée de la place Thiers, côté ouest. C'est avec surprise que nous avons vu que la place Victor-Hugo n'était pas prolongée directement et dans toute sa largeur jusqu'au rond-point de l'avenue de la Basilique et que le rétrécissement, qui existait avant les événements de juin 1944 à son point de jonction avec la rue Henry-Chéron, était maintenu, cachant ainsi le transept de la cathédrale qui formerait un fond superbe à cette place lorsqu'on viendrait du Carmel. L'emplacement prévu pour la piscine dans le jardin de l'ancienne sous-préfecture est bien choisi, mais la théorie qui veut que les établissements de bains en plein air soient situés en amont des villes où l'eau est plus pure ne se trouve pas respectée. Dans ce cas, il existe un magnifique emplacement au pied du mont Cassin, formant un site naturel à deux cents mètres en amont de l'établissement de bains de l'Ondine. L’école Jean-Macé, l'école maternelle et la crèche ne seront pas reconstruites en bordure de la voie publique, mais à l'intérieur de certains îlots. Nous espérons que ces îlots seront largement ouverts, de façon à laisser l'air y pénétrer en abondance. La gare routière sera reconstruite à proximité de la gare de la S.N.C.F. Il nous semble qu'il eût été préférable de la construire aux environs de la place de la République ou du boulevard Sainte-Anne, à proximité des boulevards circulaires. Cet emplacement aurait eu l'avantage d'amener les voyageurs au cœur de notre cité. Il se serait créé autour d'elle une activité commerciale. La gare de la S.N.C.F. étant un autre pôle d'attraction, il se serait établi, entre ces deux gares, un important mouvement de voyageurs dont auraient profité les maisons de commerce qui, tôt ou tard, s'établiront dans les rues qui mèneront de la gare au centre de la ville. Par ailleurs, les cars auraient continué à desservir la gare des chemins de fer pour assurer les correspondances. Nous approuvons le maintien des places Victor-Hugo, Gambetta et de la République, mais nous estimons qu'une de- ces trois places devrait avoir une importante surface par rapport aux deux autres. Ainsi, il serait possible aux établissements de spectacles de passage de s'installer convenablement. Des foires ou des expositions pourraient s'y tenir. La rue du Docteur-Lesigne n'aura que neuf mètres de large, alors que la rue d'Honfleur, qui la prolonge, en aura dix-huit. Il s'agit là d'une anomalie qui semble difficile à justifier. Le séchage du linge est interdit dans les cours et les jardins visibles des voies publiques et privées, ainsi que des propriétés voisines. Cette dernière restriction ne va pas faire sourire les ménagères qui se demanderont avec inquiétude où il leur sera permis d'étendre le linge. Une autre restriction, qui ne sera pas bien accueillie, a trait à l'interdiction des faux pans de bois sur les façades. Ce genre de décoration est très employé dans notre région pour les constructions de style normand et a de nombreux admirateurs. Que les dessins fantaisistes soient interdits, cela ne saurait soulever aucune objection, mais, lorsque les faux pans de bois respectent l'ordonnance des pans de bois véritables, nous estimons que c'est une erreur de les interdire. La Commission Administrative de l'Union Locale de la C. G. T., après avoir fait connaître les principales critiques qu'elle apporte au plan d'extension et d'aménagement de Lisieux, se plaît à reconnaître que le plan qui est présenté au public comprend de nombreuses dispositions qui recevront l'approbation générale. Elle espère que les objections judicieuses qui ne manqueront pas d'être formulées en envisageant l'intérêt général, par des personnes qualifiées ou par les représentants d'organisations locales, seront retenues. Le plan d'extension et de reconstruction de Lisieux deviendrait ainsi une œuvre collective, matérialisant le désir que nous avons de voir notre cité meurtrie se relever de ses ruines et redevenir prospère et animée en toutes saisons. (Ce rapport, adopté le 9 septembre 1946 par la Commission Administrative de l'Union Locale de la C.G.T. de Lisieux, a été remis le 11 septembre 1946 à M. Maxime Chéron, commissaire-enquêteur au Plan. A ce rapport était joint celui qui a été adopté le 18 mars 1946 par la Commission administrative et qui est reproduit pages 4 et suivantes.) *
* * Lisieux, le 21 décembre 1946.
Monsieur le Maire, Comme suite à la réunion de la Commission d'information du 20 décembre courant, nous avons l'honneur de vous informer que l'examen sommaire des plans des immeubles du boulevard Sainte-Anne, qui nous ont été présentés par M. CAMELOT, nous a amenés à formuler de multiples remarques concernant l'architecture de ces immeubles. Les dispositions intérieures semblent avoir été conçues en tenant compte de meilleures conditions de salubrité, d'hygiène et d'aménagement que l'on puisse concevoir. Toutefois, nous donnons cette appréciation sous réserve, car il n'est pas possible de donner une approbation définitive concernant des plans sur lesquels nous n'avons pu nous pencher que quelques minutes. Nous regrettons qu'une réglementation impose trop strictement aux architectes des limites à leurs conceptions personnelles. C'est ainsi que nous sommes d'accord avec M. CAMELOT pour reconnaître que les pièces, hormis- les salles communes, ne sont pas assez grandes. Le ministère de la Reconstruction aurait imposé ces restrictions de surface par mesure d'économie. Nous estimons qu'il a commis une erreur, l'augmentation de la surfaces des dites pièces de plusieurs mètres carrés seulement aurait augmenté grandement l'habitabilité sans entraîner une augmentation sensible du coût de ces immeubles. On ne doit pas oublier que de nombreuses générations se succéderont dans ces logements et que la population provinciale, qui ne vit pas de la même façon qu'à Paris, aura beaucoup de mal à s'adapter à l'exiguïté des logements prévus. Par ailleurs, nous regrettons qu'on persiste à concevoir, dans notre pays, l'aménagement des immeubles selon les principes adoptés en Amérique. Depuis environ vingt-cinq ans, on n'envisage plus qu'une vaste salle commune qui a toujours été imposée pour les constructions effectuées par les offices des habitations à bon marché. Cette conception n'a jamais été approuvée en province. Pour s'en convaincre, il suffit de se rendre dans ces immeubles et de constater que cette pièce a été souvent coupée ultérieurement en deux par l'élévation d'une cloison, lorsque les dispositions de cette pièce l'ont permis. Des architectes et des entrepreneurs bien avisés avaient même prévu cette transformation ultérieure, d'accord avec les propriétaires, en donnant des dimensions et une disposition spéciale à la salle commune. Nous nous faisons l'interprète de la population ouvrière lexovienne qui ne manquera pas de s'élever contre cette conception imposée par les règlements. Nous espérons même avoir l'assentiment des autres classes sociales. En effet, chacun de nous souhaite pouvoir prendre ses repas en famille dans une cuisine qui serait plus vaste que celle qui est prévue et réserver une pièce qui pourrait être plus petite que la salle commune et que la ménagère aurait à cœur de conserver constamment propre et coquette. Dans le cas prévu, le mobilier de la salle à manger ne trouvera sa place que dans la salle commune où il subira les effets des buées de la cuisine et sera voué aux coups de pieds et aux mains grasses des petits enfants. Si l'on veut que la mère de famille se plaise à son foyer, on doit lui donner la possibilité de recevoir dans une pièce avenante et bien à elle, alors que ce n'est pas le cas lorsqu'il s'agit d'une salle commune où elle doit se livrer à divers travaux qui amènent le désordre à certaines heures de la journée. En nous adressant à vous, Monsieur le Maire, nous parlons en même temps à un Conseiller de la République. Etant donné que vous serez sans doute appelé à légiférer sur des questions de cet ordre, nous estimons qu'il est de notre devoir d'attirer votre attention sur l'importance de ce problème d'ordre social autant que financier. Je me permets de vous informer de mon intervention à la réunion de la Commission d'information, qui s'est tenue hier, en ce qui concerne la protection et la mise en valeur des monuments historiques et des vestiges du passé, hélas peu nombreux, qui ont échappé au désastre. Ainsi que nous vous en avons informé à plusieurs reprises, nous désirons que ces monuments soient mis en valeur dans un cadre de verdure. Nous serions heureux que le Conseil municipal étudie de près ce problème et intervienne auprès des services compétents dans la mesure de ses moyens. Nous avons posé une question à ce sujet à M. CAMELOT, qui a dissipé nos craintes en ce qui concerne le bâtiment industriel qui est édifié en ce moment auprès de la tour Lambert. Ainsi, nous pourrions suppléer par la qualité et la présentation de ces monuments à l'importance et à la variété des édifices que nous pouvions présenter autrefois à nos visiteurs. Il appartiendrait ensuite au Syndicat d'Initiative d'intervenir, avec preuves à l'appui, pour obtenir le maintien de la place importante que notre cité occupait dans les guides touristiques pour le plus grand profit de notre commerce loyal, et nous pourrions ajouter, maintenant, de nos finances municipales. Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l'expression de nos sentiments respectueux. Pour la Commission Administrative
:
REBOURSIÈRE. *
* * Extrait du rapport présenté au Congrès de l'Union Locale, le 9 février 1947, par le camarade Reboursière.
… La presse nous a permis, en outre, de porter à la connaissance de l'opinion publique l’action que la Commission Administrative a menée pendant toute l'année 1946 en faveur de la reconstruction et de l'avenir de notre cité. Les journaux locaux ont publié notamment un rapport que nous avons établi en mars 1946 et que nous avons transmis aux autorités locales ainsi qu'aux services de la reconstruction. Etant donné son importance, ce rapport n'a pu être inséré dans un même numéro. C'est regrettable, car il perdait une partie de son attrait en prenant le caractère d'un roman-feuilleton. Néanmoins, il est appelé à rester dans les archives des journaux, que ne manqueront pas de consulter, ultérieurement, les historiens locaux qui y trouveront ainsi une preuve de notre activité. Lors de l'enquête publique concernant le plan de reconstruction de Lisieux, nous avons tenu à faire entendre la voix de la C.G.T. En conséquence, nous avons établi un nouveau rapport qui a été déposé le 11 septembre 1946 et auquel nous avons joint une copie de celui qui a été publié dans la presse locale, Ce document prouvera aux générations qui nous succéderont que nous avions pensé à elles lorsque nous nous sommes penchés sur le plan de reconstruction de notre malheureuse cité. Nous avons conscience d'avoir fait tout ce qui était en notre pouvoir pour faire connaître les aspirations de la classe ouvrière lexovienne et pour défendre ses intérêts. Tant que l'œuvre de reconstruction ne sera pas achevée, nous aurons le devoir d'intervenir avec force pour que les intérêts des travailleurs ne soient pas sacrifiés au bénéfice d'autres catégories de citoyens. La reconstruction de Lisieux doit être l'œuvre de tous et la voix de la classe ouvrière doit être entendue. Les travailleurs devront disposer de logements sains, ensoleillés et confortables. Dans un régime de progrès social, le confort ne doit pas rester l'apanage des classes possédantes. Et, pourtant, on n'admet pas encore qu'un travailleur puisse disposer d'une salle à manger séparée, que la mère de famille aurait à cœur de tenir propre et coquette. Les Pouvoirs publics maintiennent le principe de la salle commune et les chambres prévues sur les plans déjà établis sont de dimensions restreintes. Nos dirigeants ne devraient pas oublier qu’on ne vit pas en province comme à Paris. En effet, le Parisien vit beaucoup en dehors de chez lui, alors qu'ici on préfère, le plus souvent, passer la majeure partie des heures de repos au foyer familial. On nous parle toujours du retour de la femme au foyer et, pour cela, il faudrait donner au chef de famille la possibilité de subvenir seul aux besoins des siens. Eh bien ! si l'on veut sincèrement que la mère de famille ait plaisir à vivre à son foyer, il faut lui procurer un logement agréable ; il faut admettre qu'une pièce séparée devrait être prévue- dans chaque logement où elle pourrait installer les meubles qui lui sont chers et qui échapperaient ainsi aux buées de la cuisine et aux dégâts causés par les petits enfants. De plus, les chambres devraient être suffisamment grandes pour que la ménagère puisse les aménager à son goût. On allègue que ce sont des questions de crédit qui obligent à prévoir les appartements plus restreints. Lorsque l'on envisage de reconstruire des immeubles où de nombreuses générations se succéderont, nous estimons que le droit au bien-être des habitants doit primer toute considération passagère d'ordre financier. Les gouvernements, qui savent toujours trouver de l'argent pour faire la guerre, devraient mettre autant d'empressement pour assurer le financement des œuvres de paix. Il appartient à la C.G.T. d'intervenir avec force contre les projets de certains architectes d'avant-garde qui, prenant prétexte du coût élevé de la construction, n'envisagent qu'une pièce unique de grande dimension par logement. D'autres prévoient une vaste salle commune à laquelle seraient adjointes des chambres qui ne seraient guère plus grandes que des alcôves et dans lesquelles seraient installés des lits superposés pour les enfants. Nous ne devons pas revoir des taudis modernes dans des immeubles s'apparentant aux casernes. On oublie, trop souvent, pour ne pas l'avoir consulté, que le travailleur normand préfère une petite maison accompagnée d'un jardin où ses enfants peuvent s'ébattre à leur aise, hors des dangers de la rue. Toutefois, il est normal que des immeubles de plusieurs étages soient construits dans le centre de la ville. Il sera ainsi possible de donner satisfaction aux personnes qui préfèrent habiter en étage. Notre action ne s'arrêtera pas aux immeubles à reconstruire : nous aurons à envisager à nouveau les questions d'urbanisme sous leurs différents aspects ; nous aurons également à veiller sur la conservation et la mise en valeur des monuments qui ont échappé au désastre. Il est regrettable que nous ayons dû intervenir, le 20 décembre dernier, à la Commission d'information du Conseil municipal, pour protester contre la réédification, actuellement en cours d'exécution, d'un bâtiment industriel contigu à la tour Lambert. Nous devrons protéger les vieilles maisons de bois qui rappelleront aux touristes le Lisieux d'autrefois. Il appartiendra à chacun de vous d'intervenir auprès de vos camarades pour les engager à apporter à votre Commission administrative toutes suggestions, toutes critiques ou toutes informations qu'ils jugeraient utiles et qui intéresseraient la reconstruction de notre cité, que nous voudrions accueillante, prospère et animée en toutes saisons. _____________________________
Conformément à la décision prise par le congrès de l'Union Locale le 9 février 1947, nous avons informé l'opinion publique du travail accompli par la Commission. Administrative au cours de l'année 1946, qui fera date dans l'histoire de notre cité. Il appartient maintenant au lecteur de juger notre action en toute conscience et d'en tirer les conclusions qu'il lui plaira. Nous terminons par un appel qui, nous l'espérons, sera entendu : « LEXOVIENNES, LEXOVIENS, « Lorsque nous nous trouvons placés, à des titres différents, devant les problèmes posés par la reconstruction de notre malheureuse cité, le devoir nous commande de faire taire, en chacun de nous, l'intérêt personnel pour envisager uniquement l'intérêt général de notre agglomération. Pour la parfaite réalisation de cette œuvre commune, soyons fraternellement unis comme nous le fûmes pendant la période tragique du 6 juin au 23 août 1944. Ainsi, nous honorerons la mémoire de nos concitoyens disparus au cours de la bataille de Normandie et de tous ceux qui sont morts pour que vive la France. » Le Bureau de la Commission Administrative de l'Union Locale de la C.G.T. de Lisieux.
Lisieux, le 17 février 1947. |