CHRETIEN, J. (18..-18..) : Agriculture & Horticulture (1842).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (23.IV.2014) Texte relu par : A. Guézou. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : R 727) de l'Almanach Argenténois pour 1842 de J. chrétien publié à Caen chez A. Hardel. AGRICULTURE & HORTICULTURE PAR J. CHRETIEN de Joué-du-Plain. _____ AGRICULTURE
~ * ~ Dans tous les temps et chez tous les peuples, on a regardé l’agriculture comme le premier des arts ; c’était le plaisir de nos premiers pères ; les patriarches, les anciens philosophes, les premiers instituteurs des ordres religieux s’y livraient ; chez les Grecs et chez les Romains, les vertus qui faisaient les triomphateurs et la félicité du peuple, faisaient aussi la fertilité des terres. Les rois Chinois sont obligés de rendre hommage à cet art, et en France il jouit d’une haute et juste considération. L’agriculture est une des sources de la richesse de notre pays, mais on n’en tire pas tout le fruit possible, car on recueille peu d’instruction de tant de livres qui ont été faits sur cette matière, en tous les siècles et en tous les temps, vu qu’on a rien dit, ou presque rien, qui soit particulier à notre contrée. Nous voulons donc constater l’établissement de l’agriculture, les essais et les succès obtenus par nos compatriotes, et apprendre à connaître et à faciliter le développement de ce mystère qui préside à la végétation. Sous les Celtes ou Gaulois, dans les temps les plus reculés de notre histoire, on cultivait les campagnes de Fontaine-les-Bassets, de Trun, d’Ecouché, d’Argentan, de Mortrée et plusieurs autres petites contrées. Sous les Romains l’agriculture prit une nouvelle force ; il se forma dans les lieux que nous venons de citer et dans quelques autres des établissements agricoles ; nous croyons pouvoir citer Rie, Avoines, Exmes, Habloville, Mont-Merrei, Planches. Vers cette époque les défrichements s’étendirent beaucoup, mais ils ne furent importants que sous l’ère chrétienne ; on les reconnaît aux noms de Pertuis, de Lignères, de Lignou, de Lignerits, d’Essarts, etc., donnés à ces localités. La forêt d’Argentan touchait autrefois aux portes de la ville, et le nom de St-Martin-des-Brousses que portait la paroisse, dite depuis de St.-Loyer, rappelle au souvenir ces lieux couverts de forêts, et que les défrichements ont rendus de fertiles campagnes. Le surnom de Gouffern donné aux abbayes de St.-André et de Silly, et le surnom d’Ouches donné à l’abbaye de St.-Evroult, ainsi que les dénominations qu’on a attribuées à plusieurs communes ou villages, indiquent que même au moyen-âge la forêt couvrait plus de terrain qu’aujourd’hui. L’emplacement du haras du Pin faisait partie du triage de la forêt d’Argentan, nommé de Cougeron. Les herbages en furent dressés dans un bois de haute-futaie appelé la Haie d’Exmes, et dépendant de la forêt. On a fieffé à différentes époques des parties de forêts, de bruyères, de terres vaines et vagues. Un grand nombre de communes sentant la nécessité de rendre toutes les terres à l’agriculture, se sont, par les ventes qu’elles ont opérées, procuré quelques revenus ; nous citerons Champcerie, Habloville, Courteille, Occagnes et Brieux, Lougé, Joué-du-Plain et Loucé ont depuis long-temps aliéné leurs terrains communaux ; Ecouché n’a conservé qu’une petite portion de ses marais. Avoines a cédé une grande partie de ses bruyères pour faire construire un presbytère trop élégant ; la Bellière a vendu quelques ares de ses bruyères pour payer les frais d’un procès dont la perte lui enlève la propriété et jouissance d’une grande étendue de terrains communaux, qu’elle prétendait posséder de temps immémorial et même sur des titres incontestables. La commune de Francheville s’est privée de la propriété de plusieurs portions de terres vaines et vagues pour faire restaurer son église, qui était autrefois plus solide qu’aujourd’hui ; celle de Boucé s’est jetée dans la même opération, pour faire construire une église trop brillante pour un petit bourg. Tous ces marais et bruyères dont nous venons de parler sont cultivés. Il en est de même des portions de bruyères et de marais appartenant aux sections de Mortrée, qui ont été aliénées pour faire construire une église, des halles, une mairie et une justice-de-paix ; la tour de l’église gâterait le plus bel édifice. Trois communes ont opéré un partage usufruitier entre les chefs de ménage, en assujettissant ceux-ci au paiement d’une redevance annuelle. St.-Brice-sous-Rânes aurait aussi fait le même partage, si des spéculateurs ne s’y étaient opposés, espérant que la vente des bruyères aurait lieu à leur bénéfice ; les habitants de cette commune étaient tous d’accord pour un partage usufruitier. Des communes, pour acquitter au moins les contributions foncières, ont établi des taxes sur les bestiaux qui en consomment les produits ; le montant de ces taxes n’étant guère que le chiffre de l’impôt, les bruyères et autres terres vaines et vagues ne produisent rien. Cependant, le gouvernement cherche depuis long-temps à utiliser les terrains incultes possédés par les communes ; il a demandé aux conseils-généraux à l’éclairer de leur avis sur cette importante question. M. le ministre de l’intérieur appuyait sur la question de savoir s’il ne serait pas convenable d’attribuer à l’autorité supérieure, dans certains cas d’utilité reconnue, et après une enquête de commodo et incommodo, l’amodiation des biens communaux au profit des communes propriétaires, nonobstant le vote contraire des conseils municipaux peu éclairés ou personnellement intéressés à maintenir d’anciens usages abusifs ; nous dirons qu’on ne doit accorder cette faculté que pour le partage, car nous n’admettons dans l’intérêt général aucune autre transaction. Les membres des conseils municipaux ayant de la fortune et ne profitant point des bruyères, voudraient en priver le pauvre, et il est certain que dans un grand nombre de communes les conseils municipaux, loin de favoriser le partage des biens communaux, essayent de l’entraver, et emploient tous leurs moyens pour faire vendre ces terrains lorsqu’il y a des réparations ou constructions à faire, car si la commune fournissait la somme nécessaire, au moyen des centimes additionnels, ces messieurs payeraient plus que le pauvre, qui jouit comme eux et plus qu’eux des bruyères. Les biens communaux grevés d’une servitude perpétuelle appartiennent autant aux générations à venir qu’à la génération présente ; celle-ci ne les possède qu’à droit de transmission ; la vente n’en devrait donc jamais être autorisée, même dans les circonstances les plus graves. On ne doit pas louer ces terres, car ce serait aussi priver le pauvre pour l’intérêt du riche ; il faut demander le partage moyennant une redevance annuelle : des considérations morales démontrent la nécessité de rendre à l’agriculture tous les biens communaux. Les contrées où se trouvent des bruyères et terres vaines et vagues ne sont pas les plus heureuses ; la population compte sans doute beaucoup trop sur leurs produits, et s’abandonne souvent à une oisiveté funeste ; d’ailleurs, les usurpations continuelles que les autorités locales négligent de réprimer, et qui diminuent chaque jour la fortune des communes, sont des causes de ruines que nous voulons éviter. D’un autre côté, les routes et les chemins ont enlevé à l’agriculture des terrains, et par suite des changements survenus dans les localités et dans les communications des portions de vieux chemins, dont il faudrait tirer quelque revenu, sont abandonnées. N’oublions pas de signaler aussi la mauvaise distribution de la culture des terres ; là, dans des biens communaux, il y a d’excellente terre végétale, il en est de même dans les forêts ; plus loin, nous avons des terrains cultivés qui ne conviennent qu’aux bois forestiers, etc. L’arrondissement est divisé ainsi qu’il suit : terres labourables, jardins potagers, jardins d’agrément, prés, pâtures, bois-taillis, futaies, forêts, pépinières, vergers, terres vaines et vagues, landes et bruyères, étangs et mares, routes et chemins, avenues, rivières, ruisseaux, cimetières. Si nous voulions améliorer, nous obtiendrions huit fois plus de chevaux, près de quatre fois plus de bœufs et six fois plus de moutons ; tel doit être le but de tous nos efforts, et pourquoi ne l’obtiendrions-nous pas ? On vient d’établir une ferme modèle au haras du Pin ; cet établissement fournira sans doute des graines, des plantes, des mâles de races pour régénérer les espèces, et de bons exemples à notre pays. Si l’on veut faire faire des progrès à l’agriculture, il est nécessaire de donner des exemples aux cultivateurs ; les particuliers ne peuvent souvent se jeter sans péril dans des essais qui, d’ailleurs, ne peuvent pas se faire assez en grand par eux, pour frapper la raison de nos campagnards et détruire leurs préjugés. Nous nous sommes plaint, dans notre Almanach Argenténois pour 1836, du goût routinier de nos cultivateurs, en leur conseillant de suivre la nouvelle méthode d’agriculture, nous allons signaler les faibles progrès obtenus. Les prairies artificielles se sont multipliées, nous ne devons peut-être, il est vrai, ce succès qu’au bas prix des graines et aux prix élevés des animaux ; quoi qu’il en soit, nous en espérons d’heureux fruits. On a semé dans les champs du chenevis et de la graine de lin ; la récolte ayant été belle, tout fait espérer que cet usage ne fera que se répandre. Depuis quelques années on plante du colza, des betteraves, des carottes et des féveroles. La pomme de terre, dont la culture en pleine terre a été introduite dans notre pays par Ignace Chrétien, de Joué-du-Plain, docteur en médecine, est d’un grand produit ; les variétés de ce tubercule sont nombreuses, aussi nous ne les citerons pas toutes : la jaune est préférable pour le goût ; la vitelotte convient aux ragoûts, parce qu’elle ne se décompose pas ; la pomme de terre de Rohan est celle qui rapporte le plus. Entre autres amateurs de notre arrondissement, M. de St.-Martin, jardinier au château des Authieux (Orne) l’a cultivée avec avantage. On lit dans le Cultivateur, journal des progrès agricoles, fondé en 1829 et adopté en 1835 comme bulletin du cercle agricole de Paris (mai 1837, 9e. année, 5e. cahier, vol. XIII, p. 268). « A M. le directeur du Cultivateur, Monsieur, encouragé par les détails que M. de Turenne a donnés dans le Cultivateur sur la pomme de terre de Rohan, j’ai essayé aussi la culture de cette variété encore inconnue dans la contrée que j’habite : je l’ai plantée dans le jardin dont la culture m’est confiée ; la terre qui en est forte et profonde n’a été ni défoncée, ni fumée ; ma plantation a été faite le 25 avril de l’année dernière ; 10 morceaux de pommes de terre, présentant chacun un ou deux yeux, et pesant en tout 1 livre ½, ont été placés par moi à six pouces de profondeur, recouverts seulement de trois pouces de terre, à 1 mètre de distance, et plantés en lignes. Mes tiges fort touffues se sont élevées à 5 à 6 pieds ; les racines n’étant point, comme le dit votre article, du côté du soleil seulement, mais bien tout-au-tour des tiges et les tubercules placés en rond et fort rapprochés. Les tiges fortes et soutenues par des échalas ont fleuri ; mais les fleurs à peine épanouies, tombaient, et se sont ainsi succédé pendant 2 mois sans produire aucune graine ; je n’ai butté mes pommes de terre que 2 fois ; l’arrachage a eu lieu le 26 octobre, et a rapporté 105 livres ; le poids moyen des tubercules était de 2 à 3 livres et ¼, il n’y en avait point de très-petites ; mes pommes de terre ont donc rendu 70 pour 1 ; ce résultat étant plus avantageux que celui qui est rapporté dans votre journal, j’ai pensé devoir vous en instruire ; heureux, Monsieur, si ce rapport peut être de quelque utilité aux personnes qui auraient l’intention de cultiver cette espèce si productive et si avantageuse pour la nourriture des bestiaux. J’ai l’honneur d’être, etc., DE ST.-MARTIN, jardinier au château des Authieux (Orne). » M. de Saint-Martin a mis beaucoup de zèle pour répandre la culture de cette variété de la pomme de terre, en donnant avec complaisance de ces tubercules à tous ceux qui en ont fait la demande. La société d’agriculture, ou comice agricole de l’arrondissement d’Argentan, a essayé de stimuler l’amour-propre de nos cultivateurs, en accordant des primes pour des cultures inconnues ou trop négligées dans nos campagnes. Cette société a ainsi employé une partie de deux mille francs dont elle dispose annuellement, à accorder des primes aux meilleurs domestiques de ferme, et aux propriétaires qui présentent aux concours les meilleurs bestiaux ; mille francs sont fournis par le département, mille francs par le gouvernement. Il serait utile de connaître les essais et tous les succès obtenus jusqu’à ce jour ; mais nous remettons ce travail à l’année prochaine, car nos documents ne sont pas assez précis. Au reste, dans plusieurs communes l’état de l’agriculture est loin d’être aussi satisfaisant qu’on pourrait le désirer ; les fermiers et quelques propriétaires restent souvent sous l’emprise de la routine, et ne se départent pas de leur système triennal, avec jachère. La petite culture fait des progrès, et les récoltes ont sensiblement augmenté par les soins des cultivateurs. M. de Cenival nous apprend que le défrichement des biens communaux, dans les communes de Fleuré et Tanques, a exercé une influence favorable ; il a donné de l’aisance à chaque détenteur de lot, et celui que sa détresse privait des avantages de la pâture en commun, a maintenant une vache qui lui offre de grandes ressources pour sa famille, et lui fournit les moyens d’obtenir les engrais nécessaires pour faire valoir son lot. Nous devons dire aussi que M. de Cenival présente journellement aux cultivateurs des exemples frappants des résultats d’une bonne culture, car depuis qu’il fait valoir, il a plus que doublé les produits. L’emploi de la chaux, de la marne, l’augmentation des prairies artificielles, la variété des cultures et la grande diminution des jachères, sont les moyens dont il s’est servi pour amener ses propriétés à un degré d’amélioration, qui fait souvent l’admiration des cultivateurs. MM. de Maisons, de Préfeln, de Guercheville, etc., ont obtenu les mêmes résultats par les mêmes moyens. Maintenant nous croyons devoir citer mille soins qu’on néglige à la campagne ; on doit veiller à la cueillette des œufs, à l’éducation des couvées, à l’engraissement des volailles, à l’entretien de nombreux troupeaux d’oies, de dindes, de canards ; tous ces produits, portés chaque semaine au marché voisin, avec le beurre, le fromage, quelques fruits et quelques légumes, servent à payer les dépenses ordinaires de la maison, les gages des domestiques et servantes, le maréchal, le charron, etc. C’est surtout au printemps qu’on manque de nourriture pour les bestiaux, il faut donc se préparer des récoltes à faucher ; celle du seigle vert s’offre d’abord, après le seigle vient l’escourgeon ou l’orge d’automne, puis les vesces d’hiver, le froment, le trèfle, le sainfoin, les luzernes ; ces plantes coupées vertes n’épuisent nullement la terre, puisqu’immédiatement après la fauchaison on peut labourer pour une seconde semaille, et en nourrissant ainsi à l’étable on fait du fumier. Nous allons citer quelques plantes qu’il serait bon de cultiver pour la nourriture du bétail, d’autres pour leur agrément, d’autres enfin pour l’usage de nos cuisines. PÉPINIÈRES FORESTIÈRES ET ARBRES VERTS. Les pépinières en ce genre sont nulles, car il n’y a qu’un très-petit nombre de jardiniers qui se livrent à cette culture. Les arbres verts sont surtout négligés, cependant ils conviendraient à certaines variétés de nos terrains. ARBRES FRUITIERS. Ces pépinières sont soignées et nombreuses, aussi jamais on n’avait tant planté ; chacun veut avoir de beaux pommiers et de beaux poiriers dans ses champs. Nous tirons aussi des arbres des départements voisins et même de Paris, lorsque nous pourrions en exporter. En donnant l’étymologie des noms de quelques espèces ou variétés, cultivées dans notre pays, nous croyons faire plaisir à nos lecteurs. Il se trouve des espèces qui tirent leur nom de leur forme, d’autres de leur goût, d’autres du nom de ceux qui les ont découvertes, etc. La pomme de Guibray est ainsi appelée parce qu’elle est mûre vers l’époque de la foire de Guibray, c’est-à-dire vers le 15 d’août ; les poires de Guibray sont ainsi nommées pour le même motif ; les poires de Bouteille ont pris leur nom de leur forme ; les poires de Courcon ou de Col court ont reçu leur nom de la forme de leur queue ; la Malingre petite et acide a pris son nom de son goût ; le Marin-Onfroi ou Onfroy, qu’on appelle ainsi, parce que Marin-Onfroy, seigneur de St.-Laurent-Vairet et autres lieux, apporta de Biscaie des greffes de ces sortes de pommiers ; il est vraisemblable que le Douxvairet tire son nom de la terre dont Marin-Onfroy était propriétaire ; pommes de Barbari ou de Barbairi, elles ont pris leur nom de l’abbaye de Barberi ; pommes de suie, elles sont ainsi nommées à cause de leur amertume ; les pommes-poires prennent leur nom de leur couleur, et les pommes jumelles le reçoivent de leur conformation. PLANTES. Carotte. La carotte est une plante culinaire de la famille des ombellifères ; tout le monde connaît ses feuilles et sa tige. La carotte croît spontanément dans les prés et dans les lieux sablonneux, mais sa racine n’est bonne que quand elle est cultivée. Cette racine est grosse, longue, charnue, facile à rompre, d’un goût douceâtre et d’un jaune plus ou moins foncé, selon les différentes variétés. Elle entre dans la soupe et dans l’assaisonnement de plusieurs mêts. Les bestiaux l’aiment beaucoup. Cette racine préparée fournit une fécule comme toutes celles de la même nature. Margraff en a retiré du sucre, mais en trop petite quantité pour que cette extraction puisse être utile. Melon. Monsieur Noget, curé d’Aubigny, près Falaise, a introduit la culture du melon en pleine terre, sans cloche ni couche. M. Noget a publié une brochure dans laquelle il prouve que la théorie et la pratique marchent ensemble chez lui. La théorie a été mise en pratique par un grand nombre de personnes, qui ont parfaitement réussi. Pimprenelle. Elle appartient au genre Sanguisorbe ; les botanistes l’appellent Sanguisorbe officinale. Sa tige rougeâtre porte des petites fleurs purpurines et rosacées. Elle croît naturellement ; cultivée on la mange dans la salade. Les chevaux l’aiment beaucoup ; c’est pour eux une excellente nourriture. Il serait facile de la multiplier dans nos prairies. Sénevé. C’est le sinapi noir. Crucifère à fleurs jaune. Il croît naturellement dans les lieux incultes. C’est avec sa semence que l’on compose la moutarde, dont on relève le goût des viandes fades et trop grasses. Le sinapi blanc diffère du noir en ce que les siliques sont lisses au lieu d’être velues ; ses graines ainsi que celles des thalaspi et de quelques autres crucifères, peuvent aussi servir à faire de la moutarde. La moutarde sert à faire des emplâtres caustiques ; on s’en sert encore avec succès pour faire descendre le sang et la goutte remontée. On emploie sa graine pour la fabrication du chagrin et du maroquin. On en tire par expression une huile grasse, qui sert à brûler. Turneps. Espèce de navet, dont la racine a la forme d’un sphéroide applati ; on en a vu d’un pied de circonférence. Sa culture est peu dispendieuse et très-utile pour son usage ; ses feuilles suppléent avec succès à d’autres fourrages pendant l’hiver, et on peut manger sa racine ou la donner aux animaux : cette racine divise la terre et la prépare à recevoir le blé. Topinambourg. Sa racine est aussi nommée poire terre, pour la distinguer de la pomme de terre à qui elle ressemble assez, quoiqu’elle appartienne à une plante d’une classe bien différente et à fleurs radiées, du même genre que celle appelée soleil. Elle est originaire de l’Amérique. On ne la multiplie que par ses racines ; sa culture est la même que celle de la pomme de terre ; elle sert au même usage, mais elle est moins estimée et moins employée. Rais-grass d’Italie. Excellente plante fouragère. Houblon. Plante grimpante. Les individus femelles portent des fruits qui ressemblent à des petits cônes de pin. Le houblon croît naturellement dans nos haies ; on pourrait le cultiver dans nos terrains gras : il serait d’un grand profit. Ses fruits se recueillent en septembre ; on les enferme dans des sacs et on les vend pour faire la bière. Les jeunes pousses du houblon qui paraissent au printemps, se mangent comme l’asperge. Le houblon empêche la bière de se gâter, et lui donne une saveur plus vineuse. Choux de Suède. Ses feuilles se récoltent dans toutes les saisons pour nourrir le bétail. Citrouille. On la cultive dans nos jardins ; on pourrait la cultiver en pleine terre dans certains terrains, et elle serait d’un grand secours pour la nourriture du bétail. La citrouille croît spontanément dans les pays chauds, elle se multiplie de graines qu’on trempe dans l’eau avant de la semer, pour avancer la germination. Féveroles. Les féveroles se font en pleine terre et ne demandent qu’à être sarclées et étêtées, lorsqu’elles sont assez hautes pour faire grossir le grain. On les ramasse lorsqu’elles sont sèches, et on les donne aux animaux tels que les chevaux, qui les aiment beaucoup. Navets. Les navets se sèment et se récoltent en différents temps. On les cultive pour leur racine, qui est très-bonne dans la soupe et dans toute sorte de ragoûts ; c’est un légume extrêmement sain et adoucissant. On tire par expression de la graine de navets, une huile bonne à brûler et qu’on mêle ave celle de navette. Depuis quelques années nos récoltes ont eu à souffrir de la grêle, de la sécheresse et des hannetons. Le conseil-général a recommandé à la bienveillance et à la sollicitude du gouvernement la commune de la Ferté-Frênel, qui a été dévastée par les orages en 1839 ; la grêle fit la même année beaucoup de ravages dans plusieurs communes des cantons de Briouze et de Putanges. HORTICULTURE
~ * ~ Un jardin doit présenter l’utile et l’agréable, c’est-à-dire des légumes, des fruits et des fleurs. Nous avons donné une liste des légumes cultivés dans notre arrondissement, nous allons faire connaître les meilleures espèces de fruits ; quelques notions sur la plantation des arbres et les variétés seront aussi sans doute reçues avec plaisir, aujourd’hui que les arbres des jardins sont très-recherchés. Chacun veut avoir un espalier près de son mur, une quenouille dans son jardin ; c’est au moins un goût, un luxe qui rapporte du profit et de l’agrément. Comme souvent un amateur peut être embarrassé dans le choix, je vais tracer les documents que j’ai recueillis. Il faut que les arbres soient jeunes, frais, sans bois secs, sans bois morts, qu’ils ne soient point vieux déplantés, qu’ils n’aient point l’écorce ridée, qu’il n’y ait point de défaut à la greffe ou à l’écusson ; qu’ils aient une figure convenable à être plantés aux lieux qui leur sont destinés, qu’ils n’aient pas été greffés plusieurs fois, autrement rebottés. Il faut encore choisir les pieds dont les racines sont nombreuses et en bon état. Si le jardin est entouré de murailles, on pourra planter des espaliers et des cordons de vignes ; nous avons abandonné l’habitude de mettre des contre-espaliers, la quenouille les remplace avec avantage. On doit observer qu’il ne faut mettre en espalier que des arbres nains. Le terrain doit être profond et le meilleur possible ; il est bon aussi que l’eau soit à proximité pour arroser à défaut de pluie. On distingue quatre principales expositions, le levant et le midi sont très-favorables aux abricotiers, pêchers et aux fruits d’hiver ; elles rendent les fruits colorés et leur donnent un goût supérieur ; si l’on place des fruits d’été et d’automne à l’exposition du couchant, il est certain que ces fruits n’auront point un goût aussi relevé que ceux des autres expositions. Quant à l’exposition du nord, elle n’est bonne que pour y placer du Rousselet gros et petit, des pommiers, des verjus, des cerisiers, des pruniers, des framboisiers, des noisetiers et des arbres verts ou d’agrément. De la taille dépend la conservation, la production et la beauté des arbres ; si on a le malheur de n’y rien connaître, il faut choisir un bon jardinier. A l’égard des bonnes espèces, elles doivent être plus nombreuses que les mauvaises ; mais il faut qu’elles ne s’y trouvent pas seules. On doit avoir une suite de fruits pour l’année entière, et si bien entendue que sans discontinuation on puisse espérer d’en avoir l’été, l’automne, l’hiver et même le printemps. Il ne faut pas toujours se mettre à la discrétion d’un marchand, qui d’un côté n’est peut-être pas trop éclairé ni trop bien fourni, quoiqu’il assure avoir toutes les variétés de bons fruits ; d’ailleurs, il cherche toujours une occasion favorable pour se défaire de sa marchandise. Aux notions que nous venons de donner sur les qualités des arbres et leurs plantations, nous allons joindre un tableau des meilleures espèces de fruits dans l’ordre de maturité.
ESPÈCES DE FRUITS DANS L’ORDRE DE MATURITÉ.
MAI. Cerise anglaise ; cerise précoce ou grosse guigne noire. JUIN. Cerise belle de Choisy ; guigne noire ; cerise royale ; cerise de Montmorency ; bigarreau ; cerise ombrée ; abricotier. JUILLET. Duchesse de Berri, elle fut découverte sous Louis XVIII, dans une haie ; ayant été présentée à la famille royale, on lui donna le nom de la Duchesse de Berri. Abricot précoce ; abricot commun, abricot blanc, abricot-pêche ; poire de la Madeleine, ainsi nommée de l’époque où elle est mûre ; Gros Blanquet ; Citron des Carmes ; Aurate ; prune de Monsieur ; Reine Claude ; Royale de Tours. AOUT. Orange musquée ; Rousselet de Reims ; gros Rousselet épargne ; ils prennent leur nom de leur couleur rougeâtre ; Beurré d’été, ainsi nommé parce que sa chair est tendre et beurrée ; Royale d’été ; Bergamote d’été ; Salviati ; Epine d’été ; inconnue Cheneau ou fondante de Brest ; Cassolette-Rousselin, c’est sa figure, et sa couleur qui approche de celle du Rousselet, qui lui ont fait donner son nom par un de nos illustres curieux ; Bon-Chrétien d’été, nous ne savons lequel du Bon-Chrétien d’été ou d’hiver qu’un hermite apporta d’Italie à Louis XI : cet hermite, qui était St.-François de Paul, surnommé le bon chrétien ; le roi ayant entendu parler de sa piété et des choses merveilleuses qu’il opérait, le fit venir du fond de la Calabre pour calmer les douleurs d’une conscience que Notre-Dame Dembrun ne suffisait pas sans doute pour tranquilliser ; prune Reine-claude ; pêche grosse ; abricot-pêche ; mignonne ; prune Mirabelle , royale ; prune Madeleine de Courson, de Malt, pourprée, hâtive ; la passe-pomme, ainsi nommée non parce qu’elle passe les pommes en saveur, mais en précocité ; de Guibray, elle tire son nom de l’époque où elle est mûre. SEPTEMBRE. Poire Pradière ; Lansac, ce fruit tire son nom d’un ambassadeur en Italie sous Louis XI. Messire-Jean, qui a pris son nom de celui qui l’a fait connaître ; Beurré gris ; poires d’Angleterre ; Silvange ; Doyenné, autrement St.-Michel ; sucré vert ; verte longue ; pêche chevreuse hâtive, Bourdine, grosse violette hâtive ; prune Ste.-Catherine ; pêche admirable ; royale ; Téton-de-Venus ; raisin, chasselas blanc et violet ; muscat blanc ; prune impériale violette. OCTOBRE. Rembure, qui tire son nom d’une commune du département de la Somme ; Poire Bergamotte suisse ; Calebasse ; jalousie ; mouille-bouche ; pêche abricotée ; pomme fenouillet jaune ; reinette de Canada ; pomme de St.-Martin ; Crassane d’octobre ; prune d’Agen. NOVEMBRE. Poire Bonne-Louise ; elle a été, dit-on, découverte dans une pépinière près d’Avranches, par une domestique qui se nommait Louise ; Doyenné roux ; Martin sec ; poire Beurré d’Aremberg ; St.-Germain, cette poire a pris son nom de la forêt de St.-Germain-en-Laie, où elle fut trouvée sous Louis XI ; Calville rouge ; Calville blanc ; Fenouillet gris ; reinette d’Angleterre. DÉCEMBRE. Colmar orangé d’hiver, Basi de Chaumontel ; Beurré d’hiver de Capiémont ; Bon-Chrétien d’Espagne ; Ambrette ; Echassery ; pomme reinette d’Angleterre ; royale d’Espagne ; royale dorée. JANVIER. Poires : Bergamotte de Pâques, de la Pentecôte, de passe Colmar, Bequesne ; Bergamotte de Hollande ; pomme reinette de Caux, reinette franche ; gros et petit api. FÉVRIER. Muscat Lallemand ; le Doyenné d’hiver, etc. Reinette franche ; gros et petit Calville. MARS. Virgouleuse ; Catillac ; Royale d’hiver ; Francatu ; Calville blanc. AVRIL. Bergamotes ; Bon-Chrétien d’hiver ; poires de Pâques ; de Riga ; Bellissime d’hiver ; reinette du Canada ; petit gros Faros ; Calville. |