MESSIEURS,
Le nombre des chevaux élevés en Normandie s'est accru considérablement depuis plusieurs années. La consommation immense de chevaux de postes, de diligences, de cabriolets et d'attelages, et les achats faits, il y a peu de temps encore, par le gouvernement, pour les régimens de cavalerie, ont puissamment contribué à cette augmentation ; aussi les cultivateurs voyaient-ils arriver tous les ans, avec satisfaction, les grandes foires de Caen, Guibray, Bayeux, etc., où ils trouvaient un débouché facile pour leurs élèves. Les gros marchands de Paris achetaient à ces foires un grand nombre de carrossiers. Ce commerce lucratif avait porté son influence sur l'amélioration de la race du pays ; quelques accouplemens plus judicieux faisaient disparaître annuellement la forme défectueuse des têtes busquées d'autrefois ; et, si le nombre des chevaux de selle était moins considérable, celui des bons carrossiers avait beaucoup augmenté, et promettait d'augmenter encore. Cependant, depuis quelques années, le commerce des chevaux devient plus difficile, les acheteurs abandonnent nos foires, les fermiers découragés se plaignent journellement. A quoi faut-il attribuer ce changement ? Nous allons essayer de l'indiquer, et nous tâcherons de faire connaître les moyens d'y porter remède (1).
L'une des causes principales de la dépréciation de nos bons chevaux normands, provient à coup sûr de l'habitude que les cultivateurs de la plaine de Caen ont adoptée, de les conserver entiers jusqu'au moment de la vente, c'est-à-dire jusqu'à l'âge de 4 et 5 ans. Une preuve sans réplique, qui vient à l'appui de ce fait, c'est qu'aujourd'hui les jumens se vendent toujours aisément et à des prix plus élevés que les chevaux. Personne de vous, Messieurs, n'ignore de quelle manière on élève les chevaux en Normandie ; soumis dès l'âge de 18 mois ou 2 ans aux travaux de la campagne, employés indistinctement aux charrois, aux labours, etc., ils sont nourris avec beaucoup d'économie. Le vert des prairies artificielles leur est donné pendant l'été. A toute autre époque, ils vivent de sainfoin sec, de trèfle, de paille et parfois d'une petite quantité de son peu nourrissant. Quelques fermiers, plus éclairés, donnent aussi un peu d'avoine à l'époque des plus forts travaux. Arrivés à l'âge de trois ans et demi, c'est-à-dire vers Noël, lorsque les travaux de l'automne sont terminés, on met les jeunes chevaux au repos pour commencer leur engrais. Placés dans des écuries chaudes et très-sombres, enveloppés de larges couvertures en toile et privés de tout exercice, ils restent ainsi pendant 90 ou 100 jours, temps jugé nécessaire pour procurer un embonpoint souvent excessif, et pour donner à l'animal un poil brillant et une vigueur peut-être de courte durée, mais qui séduisent généralement les acheteurs qui fréquentent annuellement les foires du Calvados.
Pendant les 15 ou 20 premiers jours qui commencent l'engrais, les chevaux ne sont pas nourris très-abondamment ; on attend qu'ils soient reposés avant d'augmenter leur ration ; mais bientôt cette alimentation devient excessive ; les substances les plus nourrissantes sont données avec profusion le jour et la nuit. Certains fermiers donnent l'orge crevé, l'avoine, les fèveroles, les pois, les pommes de terre ; d'autres, le blé bouilli, la farine d'orge, les carottes, etc. Le sainfoin garnit toujours les rateliers.
Pour prévenir les effets de la pléthore, et afin, dit-on, de faciliter l'engrais, les cultivateurs saignent habituellement leurs chevaux lorsqu'ils commencent à prendre de l'embonpoint.
Les chevaux gouvernés et nourris de cette manière ne tardent pas, en effet, à acquérir un embonpoint extrême ; mais il est bien rare que les organes digestifs, fatigués par cette alimentation échauffante et contre nature, ne soient bientôt le siége d'une inflammation locale, qui, plus tard, occasionne des maladies plus ou moins graves.
Vendus dans cet état, les chevaux sont essayés pour le cornage, le jour même de la livraison, au moyen d'un procédé barbare et dangereux, puis castrés immédiatement et mis en route sur-le-champ pour le compte des marchands de chevaux. Les soins et la bonne nourriture que reçoivent presque tous ces chevaux pendant leur voyage, l'exercice que leur procurent de courtes étapes, de bonnes écuries, une bonne litière, tous ces moyens contribuent sans doute à assurer la guérison de l'opération qu'ils viennent de subir, et à conserver à l'animal son embonpoint et le poil lustré qu'il avait avant d'être affranchi ; mais ces moyens ne peuvent empêcher le tribut maladif qu'ils doivent presque tous payer peu de temps après leur arrivée à destination, surtout après avoir quitté l'écurie des marchands.
Nous placerons au nombre des causes occasionnelles de ces maladies, peu dangereuses sans doute, mais dont la durée est toujours trop longue pour les acheteurs qui veulent jouir à l'instant des chevaux qu'ils achètent, nous placerons, allons-nous dire, au nombre de ces causes :
I°. Les moyens employés pour engraisser promptement des chevaux conservés, jusqu'à l'âge de 3 ans et demi à 4 ans, dans un état voisin du marasme, et fatigués souvent de travaux pénibles.
Ce ridicule système, ainsi que nous l'avons dit, fatigue les organes digestifs et détermine plus tard des maladies aiguës que le changement seul de nourriture fait apparaître.
2° L'époque de l'année à laquelle on pratique la castration et l'âge des chevaux qui la subissent.
La foire la plus considérable pour les chevaux entiers est celle qui a lieu à Caen le premier lundi de Carême, c'est-à-dire, dans la saison où les pluies sont abondantes et le froid encore rigoureux. Les marchands de chevaux, obligés d'user de tous les moyens susceptibles de prévenir les arrêts de transpiration qui occasionnent des maladies mortelles après la castration, tiennent toujours leurs chevaux bien couverts, et ne les font voyager qu'au moment de la journée le plus favorable ; encore ces précautions ne suffisent-elles pas toujours pour prévenir quelques mortalités ; mais, lorsque les chevaux quittent ensuite les écuries du marchand pour occuper celles des riches propriétaires de la capitale, ces soins minutieux n'étant plus les mêmes, et se trouvant impressionnés par les plus légères causes maladives, ces chevaux ne tardent pas à être affectés de catarrhes, d'angines, de pleurésies ; heureux encore quand une inflammation grave des organes de la digestion ne vient pas aggraver la maladie, et contraindre l'animal à rester long-temps entre les mains du vétérinaire. Le propriétaire, forcé de louer des chevaux pour son service, se dégoûte bientôt de ceux qu'il possède, les revend à vil prix au marchand, et les remplace par des chevaux allemands, moins bons sans doute, mais capables de servir sur-le-champ. Et qu'on ne croie pas que le marchand gagne beaucoup à ce trafic ; on se tromperait certainement. D'abord il perd la confiance de l'acheteur, ensuite il dépense beaucoup pour remettre ces chevaux en état d'être livrés de nouveau au commerce. Le petit nombre des marchands de Paris, qui fréquentent encore les foires de Normandie, verraient, à coup sûr, avec satisfaction, les cultivateurs changer leur système pour ne plus vendre à l'avenir que des chevaux hongrés depuis long-temps.
Nous avons dit que l'âge auquel on pratique la castration, influe sur la santé des chevaux ; cela est facile à prouver. Chacun sait que, de 4 à 5 ans, le travail de la dentition est très pénible chez les chevaux ; c'est l'époque où les dernières incisives et les dernières avant-molaires éprouvent leur chute et leur remplacement ; c'est encore celle où apparaissent les crochets et les dernières et grosses arrière-molaires. Ce travail détermine les fluxions de la tête, qui se manifestent par la chaleur de la bouche et l'épaississement du palais ; quelque-fois aussi l'animal jette abondamment par les narines ; d'autres fois des foyers purulens se forment sous la gorge ou les parotides. La castration, pratiquée inconsidérément à cet âge, dérange et retarde nécessairement ce travail important, et le rend beaucoup plus pénible à une époque plus éloignée : aussi remarque-t-on que ces affections catarrhales n'apparaissent ordinairement que lorsque les plaies du scrotum commencent à se cicatriser, qu'elles présentent alors plus d'intensité, sont généralement plus difficiles à guérir et qu'elles portent parfois leur influence sur les organes de la vue, en les affaiblissant au point d'occasionner la cécité chez quelques individus (2).
Il est facile de comprendre que la longue durée de ces maladies n'a pas seulement pour résultat de priver le propriétaire du travail de ses chevaux, mais qu'elles occasionnent encore des dépenses de nourriture et de traitement qui sont souvent considérables.
Jusqu'à présent nous n'avons parlé que des causes, qui, agissant sur le tempérament du cheval normand, contribuent à détruire la réputation dont il jouissait autrefois ; nous devons maintenant porter un examen plus attentif sur les effets pernicieux du travail auquel on soumet prématurément les jeunes chevaux, et sur les changemens qui surviennent dans leur conformation, lorsque la castration a été pratiquée chez eux à des âges différens.
Presque tous les chevaux élevés dans la plaine de Caen pour faire des carrossiers ou des chevaux de selle pour la grosse cavalerie, sont assez brillans dans leur ensemble ; le plus grand nombre aujourd'hui présentent des têtes carrées, une encolure forte, le poitrail large, le corps arrondi et un peu volumineux, la queue attachée assez haut ; mais les membres destinés à supporter et faire mouvoir le corps ne sont pas toujours exempts des tares qui nuisent plus ou moins aux bons services de l'animal. On remarque, en effet, assez fréquemment que certains chevaux, hors de leurs aplombs, ont les genoux arqués, les boulets droits, les jarrets clos et coudés ; que d'autres ont des éparvins, des jardons ; que plusieurs aussi ont des vessigons, des molettes, des varices, des capelets, et tout cela se présente avant que le cheval ait atteint l'âge de 4 ou 5 ans. Que faut-il en conclure ? sinon que le travail auquel on soumet les poulains dès l'âge de 18 mois ou 2 ans, est la cause essentielle de l'apparition de ces accidens, qui disparaissent difficilement avec l'âge, et qui, le plus souvent, résistent aux traitemens les mieux faits ; heureux encore quand ils n'occasionnent pas des boiteries incurables.
Loin de nous de vouloir détruire en aucune manière la réputation acquise depuis long-temps au bon cheval normand ; ce serait chose difficile et en opposition avec notre manière de voir : nous désirons seulement éclairer les cultivateurs qui abusent trop souvent des forces de leurs jeunes chevaux, en exigeant d'eux des travaux qui ne conviennent qu'à ceux d'un âge plus avancé, et leur prouver qu'ils trouveraient un bénéfice beaucoup plus certain, en ne livrant au commerce que des chevaux dont les membres seraient bien conservés.
Examinons maintenant quelle influence produit la castration sur les poulains qui la subissent avant l'âge de deux ans, et voyons quels changemens elle opère chez ceux qui n'y sont soumis qu'à l'âge de 4 et 5 ans.
On ne pratique guère la castration des poulains en Normandie que dans le département de l'Orne, où les travaux du labourage et les charrois se font plus habituellement avec de vieux chevaux et des boeufs ; encore cette opération ne se fait-elle que sur un petit nombre d'individus, à cause du système d'éducation suivi dans cette contrée, et, par suite, de la préférence accordée aujourd'hui à l'engrais du boeuf (3). Les poulains de premier choix, sortis des étalons de pur sang du haras du Pin, sont conservés entiers pour être vendus plus tard à cet établissement ; quelques autres, bien choisis, qui promettent de faire de jolis chevaux de selle ou de cabriolet, sont castrés à 6 ou 18 mois, et retournent aux herbages jusqu'à l'âge de 4 ans, époque où ils sont livrés au commerce ; mais les poulains moins distingués restent rarement dans le pays qui les a vus naître : conduits avec leurs mères et vendus aux foires de la St.-Denis au Pin, et à celle de St.-André à Mortagne, la plupart de ces jeunes animaux sont achetés par les fermiers du Calvados, qui les conservent à l'écurie, les nourrissent au piquet autour des habitations, ou les envoient dans les herbages de la vallée d'Auge ou des environs de Bayeux. Parvenus à 18 mois ou plutôt à deux ans, ces poulains sont employés aux travaux de la campagne.
Les chevaux de 4 ans, élevés dans l'Orne, qui ont subi la castration avant deux ans, ressemblent bien peu à ceux du même âge conservés entiers dans le Calvados. La position élevée des herbages du Merleraut et des environs d'Alençon, l'herbe fine et succulente qu'ils produisent, contribuent, sans doute, à donner aux premiers plus de légèreté et de souplesse dans les allures ; mais la sècheresse de leurs membres, dont les tendons sont apparens et bien détachés, leur encolure mince, leur tête petite et bien attachée, leur corps peu volumineux, la finesse du poil et des crins, ne peuvent être que l'effet de la castration pratiquée avant le développement du cheval élevé dans cette contrée. Les chevaux de la plaine de Caen et du Bessin présentent des caractères bien différens : conservés entiers et soumis à des travaux plus ou moins pénibles, ils acquièrent un accroissement plus considérable ; la tête devient forte, l'encolure épaisse et chargée de longs crins, le poitrail large, les épaules volumineuses et chargées de chairs, le ventre gros, les membres épais, souvent empâtés et environnés de gros et longs poils. Le repos et l'engrais qu'ils prennent avant d'être mis en vente, concourent encore à activer ce développement, et à les rendre moins légers. C'est alors qu'ils subissent la castration ; malheureusement cette opération n'apporte que de bien faibles changemens dans la constitution physique du sujet ; les formes s'amincissent un peu, il est vrai, mais ne permettent jamais à l'animal de présenter le brillant, la légèreté, la souplesse que l'on remarque chez ceux qui ont été castrés beaucoup plus tôt. Ajoutons encore que le cheval, hongré à 4 ou 5 ans, perd en partie de son énergie, qu'il devient mou, peu sensible au fouet et à l'éperon, et ne recouvre presque jamais la vigueur qu'il avait avant l'opération.
Il est un fait, confirmé par l'expérience, que nous devons signaler ici ; c'est que le vice du cornage disparaît chez le plus grand nombre des chevaux qui ont été châtrés à l'âge de 18 mois ou 2 ans. Bien entendu que nous voulons parler du cordage particulier à la Normandie, s'annonçant par un bruit ou sifflement léger, qui gêne peu la respiration et disparaît bientôt après l'exercice, et non du vice organique porté à un degré tel, qu'il rend l'animal peu propre à rendre aucun service. Cette affection, plus remarquable chez les chevaux dont l'embonpoint est considérable, diminue certainement beaucoup après la castration faite à l'âge de 4 ans ; et cela est tellement vrai, que les marchands de Paris et d'ailleurs achètent volontiers les chevaux corneurs, bien convaincus qu'ils les revendront facilement et sans être aucunement inquiétés par les acheteurs qui ne soupçonnent même pas l'existence de ce vice. Cependant le fermier supporte une forte diminution, qu'il pouvait éviter s'il eût fait castrer lui-même son cheval avant de le conduire à la foire.
Nous pensons que le cultivateur, éclairé sur ses véritables intérêts, comprendra enfin tout l'avantage qu'il aurait à faire châtrer ses poulains avant l'âge de 2 ans, et que, profitant des derniers mois de l'automne, après la foire de Bayeux, par exemple, il fera pratiquer cette opération sans qu'il ait à redouter, à cet âge, aucun accident fâcheux. Ces jeunes animaux se rétabliront parfaitement pendant l'hiver, et seront susceptibles, comme par le passé, d'être employés vers le mois de mars aux travaux de la campagne. Plus calmes, moins fougueux après l'opération, ils seront beaucoup moins exposés à se blesser entre eux ; et à faire des efforts brusques et violens qui nuisent tôt ou tard à la solidité des articulations. Et que les fermiers ne croient pas que la castration empêchera leurs chevaux de grandir et de devenir bons carrossiers ; ils se tromperaient évidemment. Les Anglais, les Allemands ont adopté ce système depuis long-temps, et certes ils possèdent une espèce carrossière qui trouve partout un débouché facile. Il est vrai qu'ils sont plus avancés que nous dans leur manière de gouverner et de perfectionner leurs races.
Ainsi donc, pour relever le commerce des chevaux en Normandie, nous croyons qu'il serait indispensable que les cultivateurs commençassent à faire castrer leurs poulains long-temps avant l'époque de la vente. Le petit nombre de ceux qui ont déjà adopté cette méthode, n'ont eu qu'à s'en applaudir ; ils ont vendu facilement leurs chevaux et à des prix beaucoup plus élevés. Mais cela ne suffit pas ; la mesure doit être générale. Il faut qu'on puisse dire désormais que, dans la Normandie, à l'exception des chevaux de trait, de postes et de diligences, qu'il est indispensable de conserver entiers, on trouve partout de bons chevaux hongres, propres au carrosse, au cabriolet et à la selle. Si cet heureux espoir se réalise, bientôt on verra les acheteurs de tout pays revenir dans cette province stimuler le zèle des éleveurs, augmenter leurs richesses et contribuer au perfectionnement des bonnes races chevalines. C'est alors seulement qu'on trouvera en Normandie d'excellens chevaux de commerce et de cavalerie dont la France éprouve un impérieux besoin, et qu'on cessera de porter à l'étranger un numéraire considérable qu'il conviendrait mieux d'utiliser chez nous.
Mais, pour arriver à un résultat plus prompt et plus satisfaisant, il faut que le gouvernement s'occupe dès à présent d'apporter quelques changemens aux anciens usages qui régissent le commerce des chevaux en Normandie ; ainsi, par exemple, la durée de la garantie pour les vices rédhibitoires, fixée à 30 jours par la coutume normande, devrait être réduite de beaucoup, et voici pourquoi : les chevaux entiers, vendus aux principales foires, sont essayés pour le cornage seulement, et châtrés aussitôt ; cette dernière opération constatant un acte de propriété, le vs autres saisons, on emploie celles de laine, surtout pour les promenades. On doit donner régulièrement deux lavemens d'eau tiède par jour aux chevaux castrés pendant une huitaine, puis un seul 5 ou 6 jours encore. Dans le cas où les chevaux feraient usage du régime vert, les lavemens deviennent inutiles, à moins que cet aliment, trop avancé dans sa végétation, ne soit coriace et ligneux.
La nourriture des chevaux, pendant les huit premiers jours qui suivent l'opération, sera composée d'environ 7 à 8 livres de foin choisi, mélangé, si l'on veut, avec autant de bonne paille. On leur donnera trois fois par jour un barbottage de son frais et farineux, qu'on rendra plus salutaire en y ajoutant de la farine d'orge. Si l'on est en hiver, ce barbottage sera donné tiède. Les huit jours écoulés, on peut, sans inconvénient, augmenter progressivement la ration, et ajouter, si l'on veut, une petite quantité d'avoine.
Le troisième jour après l'opération, il faut ôter les testicules, en les coupant au-dessous des casseaux ; on laisse ceux-ci 24 heures encore, puis on coupe la ficelle, sans attendre que les casseaux tombent d'eux-mêmes.
Lorsque les chevaux paraissent éprouver de la roideur en marchant, il faut, dès qu'ils sont rentrés à l'écurie, leur appliquer sur les reins un sachet de son bouilli et vinaigré, qu'il faut éviter de placer trop chaud ; le renouveler matin et soir jusqu'à ce que le rein soit très-souple, et envelopper l'animal d'une bonne couverture pour le faire transpirer. On lui donne deux fois par jour des lavemens avec de l'eau de son ou de graine de lin, et on lui fait une saignée au cou, de 5 à 6 livres, s'il a la bouche chaude et les yeux rouges. On peut aussi laver une fois seulement avec de l'eau tiède, et sans frotter fort, les plaies de la castration et le plat des cuisses, afin d'enlever la malpropreté et pour assouplir la peau. On enlève ensuite l'humidité avec l'éponge.
Les cultivateurs n'oublieront jamais que leurs chevaux doivent être saignés un quart d'heure environ après avoir été châtrés, c'est-à-dire, lorsqu'ils sont remis de la commotion qu'ils viennent d'éprouver ; que la quantité de sang qu'on évacuera sera proportionnée à l'âge, au tempérament et à l'état d'embonpoint de l'animal, et qu'ils ne feront pratiquer l'opération que sur des chevaux jouissant d'une santé parfaite.
En gouvernant de cette manière les chevaux châtrés, il est extrêmement rare d'éprouver des accidens ; les chevaux conservent leur appétit, leur embonpoint, et peuvent être soumis, 15 ou 20 jours après l'opération, à un travail modéré.
La Société royale d'Agriculture et de Commerce de Caen, après avoir entendu la lecture du mémoire de M. Cailleux, reconnaissant toute l'importance du sujet dont il traite, particulièrement pour le Calvados, arrête, qu'il sera inséré dans le 4e volume de ses Mémoires, et qu'il en sera imprimé à part un nombre d'exemplaires suffisant pour être adressé à toutes les communes du département et à toutes les personnes qui s'occupent de l'éducation des chevaux.
P. A. LAIR,
Secrétaire de la Société
(2) Plusieurs fermiers ont l'habitude d'arracher les mitoyennes et les coins de lait de leurs poulains de 3 et 4 ans, afin d'activer prématurément la sortie des dents de remplacement et pour les faire paraître plus âgés qu'ils ne sont réellement. Ce maquignonnage ne peut en imposer aux vrais connaisseurs qui savent parfaitement à quelle époque naissent les poulains ; mais nous ne pourrions affirmer qu'il n'exerce pas une influence fâcheuse sur le travail de la dentition, qui se trouve ainsi perverti.
(3) Le nombre des poulains élevés dans l'Orne est beaucoup moins considérable qu'autrefois ; les fermiers préfèrent les vendre à l'âge de six mois et les remplacer dans les herbages par des boeufs livrés à l'engrais, dont le bénéfice est plus élevé et plus certain. Les bonnes pouliches se vendent rarement ; on les conserve pour le reproduction.
(4) Croirait-on qu'en Normandie et dans la même ville, le tribunal de commerce place le cornage au nombre des vices rédhibitoires, tandis que le tribunal ne veut pas l'y admettre ? (Bayeux 1832).