DUBOSC, Georges (1854-1927) : Les Noms des communes de la
Seine-Inférieure sous la Révolution (1924).
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (31.VIII.2016) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Première parution dans le Journal de Rouen du dimanche 3 août 1924. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : norm 959-II) . Par ci, par là LES NOMS DES COMMUNES de la Seine-Inférieure SOUS LA RÉVOLUTION par Georges DUBOSC _____ Depuis quelque temps, plusieurs communes normandes ont demandé des changements ou des modifications dans leurs dénominations qui, bien souvent, après des siècles, avaient cessé de plaire. Pendant la guerre, par scrupule patriotique, le village d'Allemagne, près de Caen, planté sur une falaise rocheuse qui domine l'Orne, a voulu changer son nom, qui rappelait sa fondation par quelque colonie germanique du Saxonicum liettus. Les habitants d'Allemagne, qui sont surtout des carriers et des tailleurs de pierre, désiraient alors substituer au nom de leur localité, celui d'un village des environs de Verdun, Fleury, qui figura si souvent dans les communiqués de la grande guerre. C'était, en manière d'hommage, une substitution totale ! Par contre, Veules-les-Bains, pays charmant, déjà renommé par ses ruisseaux, ses moulins, ses cressonnières a changé son qualificatif et s'est fait appeler Veules les-Roses. Dernièrement, c'était enfin un village de l'Eure, dans l'arrondissement de Louviers, Saint-Pierre-des-Cercueils, s'avisant que son nom était un tantinet macabre, quoiqu'on le rencontre dès 1257 dans le cartulaire de Bonport, demandait qu'on le métamorphosât en Saint-Pierre- des-Fleurs ! Toutes ces transformations sont assez rares et ne sont accordées qu'à bon escient. Il fut un temps cependant où les noms de notre région, par suite des fluctuations politiques, furent en grand nombre appelés à être changés ou modifiés. C'est, un fait très curieux pour la Normandie, fait peu étudié et qui est un témoignage intéressant de l'état d'esprit public, sous la Révolution.
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* * Comment se produisit dans la Seine-Inférieure, ces changements des noms des communes et quelle fut la législation révolutionnaire en la matière ? Tout d'abord, ce fut le décret de l'Assemblée Nationale des 20 et 23 juin 1790. Ayant aboli le système féodal, l'Assemblée avait voulu proscrire tout ce qui pouvait en rappeler le souvenir. C'est ainsi que toutes les anciennes paroisses, devenues communes, dont les noms avaient été donnés par leurs seigneurs ou étaient même ceux de leurs fiefs, furent invités à en changer. Mais il se produisit alors un fait singulier, mais très significatif. Si la féodalité était détruite, par contre la tradition religieuse était encore vivace dans l'ensemble du pays et particulièrement dans le pays de Caux. De telle sorte que toutes les nouvelles communes qui eurent à changer leur nom d'origine féodale, prirent surtout les noms d'un saint, particulièrement ceux du patron de la paroisse ! Le fait est particulièrement curieux dans toute la région du Havre. On dénomme là, à cette date, les nouvelles communes, d'un nom de saint, en lui ajoutant parfois un qualificatif au goût du jour. Etainhus, devient par exemple, Saint-Jacques-le-Patriote; Gonfreville-Caillot : Saint-Maur-l'-Unité ; Auberville-la-Renault : Saint-Maclou-la-Montagne ; Ecquetot : Saint-Jean-de-l'Egalité ; La Remuée : Notre-Dame-sur-Seine; Bléville : Saint-Jean-sur-Mer ; Radicatel : Notre-Dame-des-Fontaines et bien d'autres. Ce changement des noms féodaux des anciennes paroisses, qui parfois avaient été imposés par les seigneurs, fut généralement bien accueilli et observé. Toutefois, un certain nombre de villes, dont les noms ne rappelaient pas le régime déchu ne crurent pas utile de changer leurs noms. C'est ainsi que la municipalité du Havre, dans sa délibération du 14 août 1793, maintenait son nom de Havre de Grâce « comme ne rappelant aucune idée de royauté ou de féodalité. » Plus tard, Le Havre devait s'appeler Havre-Marat. Fécamp fit de même et se défend fort habilement. La baronnie qui portait ce nom, dit la municipalité, dans sa délibération du 22 septembre 1793, « était d'une création bien postérieure à l'origine du nom, qui vient, nous apprend l'histoire de Fici campus, à cause du figuier qui renfermait le « Précieux sang » que la mer jeta sur le bord du champ où se forma cette ville ». Fécamp resta donc Fécamp !
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* * Vint ensuite le décret du 25 Vendémiaire an II (16 octobre 1793), rendu par la Convention, qui va entrainer des changements nombreux et faire surgir des qualificatifs de toutes sortes. Voici ce décret :
La Convention Nationale décrète que les communes qui ont changé de nom
depuis l'époque de 1789, feront passer au Comité de division, la
nouvelle dénomination qu'elles ont adoptées et invite celles qui
changeront les noms qui rappellent les souvenirs de la royauté, de la
féodalité ou de la superstition, à s'en occuper incessamment, et de
faire passer dans le courant du mois, la délibération de leurs communes
au Comité de division de la Convention.
Cette Commission de division, composée de Mailly, Grégoire, Villars, et Villers qui examinaient les demandes, s'efforça de canaliser ce mouvement de débaptisation et dressa même un état des communes devant changer leurs noms. Six mille communes notifièrent leurs dénominations, mais d'autres les inventèrent à leur fantaisie. La Commission de division, se proposait de faire dès lors un dictionnaire de ces nouveaux noms révolutionnaires, car l'administration des Postes, gênée par tant de dénominations incohérentes, l'y invitait. Elle ne le put et fut débordée de tous côtés. Grâce à quelques documents : l'Etat général des départements, cantons et communes, publié en 1793 ; La République française en 84 départements publiée aussi en 1793 ; La Géographie de l’an XI, par Garnery ; l'étude publiée dans la Revue de la Révolution, par Gustave Bord (T. XX) et l'Index des noms révolutionnaires des communes de France par R. de Figuières, publié en 1896, on a pu toutefois dresser un Etat des communes révolutionnaires de la Seine-Inférieure, qu'a complété M. Jules Vernier, archiviste départemental dans sa notice sur la formation du Département de la Seine-Inférieure. Il est très curieux de la parcourir, car cette liste alphabétique est presque ignorée du public. Voici, par exemple, Angerville-Bailleul, autrefois « Anserville », la « villa d'Anser », qui est dénommée La Plantée. Anglesqueville-la-Bras-Long, Anglica villa, la « Ville anglaise », devient Anglesqueville-la-Réunie. Anxtot se change en Liberticole ; Auberville-la-Manuel, devient Saint-Maclou-la-Montagne. Les Baons-le-Comte, dont le nom rappelle les vieux « bans de justice » des comtes, ces baons qui donnent leur nom à Ectot-les-Baons, Veauville-les-Baons, Ecretteville-les-Baons, sont amputés de leur titre comtal et deviennent révolutionnairement Baons tout court. Beuzeville-la-Grenier, qualificatif qui est là pour la greigneur, « la meilleure », dans la langue du moyen-âge, prend le nom du saint patron de son église et s'appelle Saint-Martin-le-Généreux, qui partage son manteau si charitablement. Blosseville-Bonsecours, sur son coteau, se change— c'était indiqué — en Blosseville-la-Montagne. Voilà encore bien d'autres dénominations changées, sans que parfois on connaisse la cause de ces transformations. Pourquoi Les Bordeaux-Saint-Clair s'appellent-ils La Trinité ? D'autres noms se comprennent mieux. Bréauté, par exemple, gardait le souvenir de ses sires de Bréauté, qui furent de rudes défenseurs de la cause française. Il s'appellera désormais Bourg-libre ; Bornambusc : L'Union ; Bretteville : la Nativité, du nom de son église, dédiée à Notre-Dame ; Buglise : Unité nationale. En voici d'autres. Criquetot-l'Esneval, qui est situé à 130 m. d'altitude, c'est La Hauteur ; Croixdalle, c'est Décadine, par allusion aux nouvelles divisions du mois révolutionnaire ; Folleville, c'est Beaumont-sur-Seine ; Fontenay, dans le canton de Montivilliers, c'est la Bonne-Source, par allusion à la source de la Clitainerie, petit affluent de la Lézarde ; Gerville, c'est Les Sans-culottes de la Manche, formant un club célèbre, qui enlève quelques reliques d'argent à l'église. Goderville, sur le grand plateau si fertile où régnaient ses seigneurs, les Godard de Goderville, c'est maintenant Brutus-en-plaine, tandis que Gournay devient Consolation et que Gruchet-le-Valasse, sans son abbaye, fondée et défrichée par les moines de Mortemer, devient simplement Valasse-le-Bois. Quelques anciennes paroisses réunies maintenant à d'autres avaient aussi changé de dénominations : le Hertelay, hameau de Bréauté, était devenu La Rue-des-Poiriers ; la Loiselière : la Fraternité.
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* * Si on poursuit la liste'des dénominations nouvelles des communes cauchoises ou brayonnes, on rencontre encore bien des changements : Houguetot, berceau de la famille de Beauvoir, qui s'intitule La Récompense ; Longroy qui, successivement eut deux dénominations : Gué de Vayse et Val Peletier, qui est certainement une allusion à Lepeletier de Saint-Fargeau, le conventionnel assassiné ; Manneville-la-Goupil, décorée du nom de Zèle de la Patrie, parce que sa belle église Notre-Dame avait été transformée en une fabrique de salpêtre et de poudre ; Le Mesnil-aux-Moines, dans le canton de Bellencombre, qui a conservé le nom de Mesnil-Follemprise donné alors ; Mont-aux-Malades, l'ancien prieuré près de Rouen, devenu Mont-Libre ; Montivilliers, honoré du titre de Brutus-Villiers, parce qu'en 1792, soixante-douze de ses enfants furent volontaires, dont les deux tiers moururent pour la patrie ; Notre-Dame-du-Bec, dans le canton de Montivilliers, dont les sieurs du Bec-Crespin étaient seigneurs, transformée en l'Unité des Bois ; Petit-Couronne, dont le nom trop royal, se change en La Fraternelle ; Rolleville, Rollonis Villa, la maison de Rollon, devenue Guillaume-Tell-la-Montagne, et Royville, qui, bien entendu, se dénomme Peupleville ! Puis voici la série des saints et des saintes, tous supprimés sans plus ; Saint-Antoine-la-Forêt devient Pomone. Pourquoi ? Il serait difficile de le préciser. Sainte-Hélène-d'Auberville, changée en Dambervale; Sainte-Marguerite-sur-Mer, changée en Phare d'Ailly ; Sainte-Maries-au-Bose, dans l'arrondissement du Havre, devenue Unité ; Saint-Eustache-la-Forêt, avec son église et sa Chapelle du Val d'Argiles, qui fut le fief du sire d'Equimbose, devenue Forêt libre ; Sainte-Gilberte-la-Neuville, changée aussi en l'Unité... mais en l'Unité parfaite ; Saint-Jouin-sur-Mer, auquel s'est adjoint Bruneval, baptisé du nom quelque peu prétentieux de Montagne-d'-Occident. Poursuivons la litanie des saints supprimés : Saint-Léonard, près de Fécamp, c'est maintenant Grainval-la-Montagne ; Saint-Martin-de-Boscherville, Boscherville tout court ; Saint-Martin-du-Bec, dans le canton de Criquetot, c'est Dampierre-la-Source à cause des sources de la Lézarde ; Saint-Martin-le-Gaillard, composé de trois communes : Saint-Martin, Saint-Sulpice-sur-Yère et Auberville-sur-Yère, c'est simplement Le Val-Gaillard. Saint-Maurice-d'Etelan devient maintenant Maurice-sur-Seine ; Saint-Riquier-ès-Plains perd la.... tête et se change en Es-Plains-sur-Mer, qui ne veut pas dire grand'chose. Saint-Romain-de-Colbosc a pris le nom de Châlier-les-Deux-Chaussées. « Ce nom, dit la délibération municipale, a été donné pour se ressouveni de Châlier, grand défenseur de la patrie, mort à Lyon, tué par les rebelles, dans le courant de la présente année an II. » Finissons par Saint-Valéry-en-Caux, changé en Port–Peletier ; Saint-Vigor-d'Imonville en Beauvais-sur-Seine, qui rappelait le conventionnel Beauvais de Préault, jeté dans les cachots de Toulon, lors de la prise de cette ville par les Anglais, et dont la Convention avait fait placer le buste dans la salle de ses séances. Enfin restent Sandouville, bizarrement raccourci en Douville ; Sanvic, changé en Bonne-Santé; Senneville, en La Charité; Le Tilleul, en Cap-d'Antifer; Villy-Val-du-Roy, dans le canton d'Eu, en Val-Marat ; Villers-Chambellan, en Villers-sous-Barentin, et Yvetot, avec son royaume, ses potentats, ses souverains, ses reines et princesses, devenue, comme tant d'autres, Yvetot-la-Montagne !
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* * Et en cherchant bien dans les correspondances administratives, on trouverait encore bien d'autres dénominations recueillies par P. Duchemin, dans une note parue dans La Normandie en décembre 1904. Pourquoi, Coudray, près d'Angerville-l'Orcher, s'appelait-il Alcide ; Fontaine-la-Mallet, Les Sources de l'Egalité, peut-être à cause des sources de la rivière de Rouelles ; Saint-Barthélemy, L'Union de la Patrie; Saint-Sauveur-la-Campagne, aujourd'hui Saint-Sauveur-d'Emalleville, Messidor ; Virville, Soutien-de-l'Egalité ; Les Loges, Germinal-sur-Mer ; Pierrefiques, Monte-à-Cœur. Et il y a d'autres noms encore, parfois incompréhensibles : Epreville, dit Le Bonnet rouge ; Froberville, dit Esto-sur-Mer ; Vettetot-sur-Mer, dit L'observatoire républicain ; Routot, près d'Harfleur, dit L'autel de la Patrie ; Saint-Jean-des-Essarts, dans le canton de Saint-Nicolas-de-la-Taille, dit L'indivisible-des-Bois ; Beaucamp dans le canton de Saint-Romain, dit Beau-retranchement-sur-Seine ; Gromesnil, dit La Fermeté ; Prétot, dit Le Bon Accord ; Les Trois-Pierres, dites L'unité du bel If. Est-il besoin de dire que toutes ces appellations patriotiques, qu'on retrouve à peu près semblables dans tous les départements, ne furent guères observées que dans les actes officiels. Le bon peuple des campagnes en resta toujours aux anciens noms. Plusieurs communes avaient porté leur choix sur le même nom. L'Unité, par exemple. Les districts les invitèrent à se donner une autre appellation, mais celles-ci ne sont pas connues. Après la tourmente révolutionnaire, nombre de communes, n'attendirent pas la loi du 9 fructidor an IX pour reprendre officiellement leurs anciennes dénominations. Cette loi du gouvernement consulaire décida que les noms des communes seraient ceux portés sur les tableaux des justices de paix. Dès l'an V, presque tous les villages normands étaient revenus à leurs anciennes appellations : on se contentait parfois de supprimer dans les actes le mot « saint ». Sous la Restauration, une ordonnance du 8 juillet 1814 prescrivait de revenir à ce qui existait avant 1790. Au retour de l'Ile d'Elbe et par décret du 14 avril 1815, Napoléon abrogea cette ordonnance, mais ce dernier décret considéré comme inconstitutionnel n'eut pas d'effet. Somme toute, la France accepta avec plaisir le retour à l'ancien état de chose, créé par la réaction thermidorienne. Aulard, qui a étudié la création des noms révolutionnaires des communes, cite même un article de La Vedette ou Gazette du jour, qui traduit assez bien l'esprit public : « On est presque honteux aujourd'hui des noms qu'on s'est donnés dans l'effervescence révolutionnaire. Plusieurs communes redemandent humblement leurs anciens noms. Dunkerque ne veut plus être Dune libre, Montmartre, Mont Marat. La France s'est trouvée couverte, en moins d'un an, de Monts de Montagnes et d'une foule de noms bizarres qui ont tout à coup, jeté une grande confusion. Encore si les noms nouveaux, eussent été choisis pour rappeler quelques époques intéressantes, quelques anecdotes patriotiques, comme Emile à Montmorency en souvenir de Jean-Jacques, comme Richelaine à Levroux, ou Chauvin-le-Dragon à Saint-Jean-de-Lutz, on les eût adoptés avec intérêt. Mais donner à tous les villages de la République le nom de Montagne, parce que deux partis qui se qualifiaient la Montagne et la Plaine, s'injuriaient, se menaçaient et s'immolaient réciproquement. C'était faire croire qu'on se passionnait pour des sujets aussi misérables ! »
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* * Aujourd'hui, les noms des communes, qui sont une véritable propriété, ne sont plus fixés par les tableaux des justices de paix, mais leur orthographe même est déterminée, d'après la loi du 15 mai 1884, par les tableaux de la population des communes de France, publiés par le ministre de l'intérieur, à la suite du dénombrement quinquennal. Malgré les bizarreries maintes fois relevées, comme Saint-Léger-du-Bourg-Denis, qui devrait s'orthographier.Bourdeny, qui est un nom d'homme, comme Champ-d'Oisel qui, pendant plusieurs siècles, s'est appelé Chant d'Oisel, les tableaux de recensement sont la loi et les prophètes ! C'est aussi cette loi de 1884 qui a déterminé, dans son article 2, les conditions de changement ou de modification au nom des communes, et qui a décidé que ces changements se feraient par décrets. Pour, changer un nom comme celui de Saint-Pierre-des-Cercueils par exemple, il faut la demande du Conseil municipal et il faut encore que le Conseil général soit consulté et le Conseil d'Etat entendu. Le Conseil d'arrondissement n'a plus à donner d'avis, mais l'initiative du changement de nom doit venir exclusivement du Conseil municipal. Dans la discussion de la loi, le commissaire du gouvernement demandait que le Gouvernement puisse parfois prendre l'initiative de la modification pour éviter des difficultés au service des postes et des chemins de fer, à cause d'identités possibles. «Non et non, soutint le juriste Demôle, le nom communal est une propriété consacrée par des siècles : la commune seule a le droit de demander la modification de son propre nom! » Du reste, la jurisprudence a constaté ce principe de la propriété du nom des communes. Le Conseil d'Etat a parfaitement admis qu'une commune peut avoir intérêt à s'opposer ce que l'autorisation soit donnée à un particulier de porter ce nom de commune. En 1882, le Conseil d'Etat a très nettement interdit qu'un amateur de noblesse, joigne à son nom celui de la commune de Lorgnes, une petite paroisse nichée dans les gorges du Var. Et ce qui est le plus drôle, c'est que l'arrêt est signé de M. de Belbeuf qui, lui, portait le nom d'un village normand. De même la petite commune de Vidouville, dans la Manche, s'est fort bien opposée à ce que le fameux Crespin, l'inventeur de la vente commerciale à crédit, puisse s'appeler Crespin de Vidouville ! Sous la Révolution, comme nous l'avons vu, il en avait été autrement avec nos vieux noms de communes normandes ! Georges DUBOSC.
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