DUBOSC, Georges (1854-1927) : Revues et Revuistes d’autrefois à Rouen
(1926).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (24 Janvier 2017) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque-lisieux@agglo-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@agglo-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Première parution dans le Journal de Rouen du dimanche 13 juin 1926. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : norm 1496) de Par ci, Par là : Etudes normandes de Moeurs et d'histoire, 4e série (1927) . Par ci, par là REVUES ET REVUISTES D'AUTREFOIS A ROUEN par Georges DUBOSC _____
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* * Si l’on remonte vers les origines de la revue, de la pièce d’actualités à Rouen, on rencontre d’abord toute une série de saynètes, d’impromptus, de pièces rapidement scénariées à la diable, qui sont l’œuvre d’Olivier Ferrand, ce curieux poète populaire, qui s’intitulait disciple de Molière, régisseur du Parnasse, membre de l’Athénée d’Evreux, comédien du Théâtre-des-Arts et du Théâtre-Français. Ancien dépenteur de coton, fils d’un aubergiste de Saint-Paul-sur-Risle, à l’enseigne de la Poule dure, d’une laideur cocasse et grimaçante, ridé, édenté, portant une perruque rousse, avec la queue en salsifis, d’une vanité grotesque, il avait d’abord fait jouer un mélodrame au Théâtre-des-Arts, puis l’idée lui vint, à propos de tous les faits, de toutes les actualités, de composer des petites pièces en vers, avec couplets. C’est la Revue de l’an XI ou Le Premier Consul à Rouen ; c’est la Diligence du Havre à Rouen ; l’Inconnu généreux ou Les Malheurs du Houlme ; Les Aguignettes à ma tante ; La Visite du Jour de l’An ou L’Arrivée des Oranges ; La Revue de la Garde Nationale de Rouen. Ferrand faisait interpréter et surtout jouait lui-même ces revues des environs, quand il ne les éditait pas. A propos d’une inondation, qui avait envahi les quais de Rouen, il composa une véritable revuette : Gilles bloqué par les eaux, dans l’île Lacroix, jouée par lui au Théâtre-Français pendant le carnaval de l’an X, puis, pendant l’été, en 1808, il donna toute une suite de revuettes consacrées aux assemblées et aux fêtes suburbaines. Il fait représenter alors : La Foire de Sotteville ou Les fromages à la crème en réquisition ; La Foire de Bonne-Nouvelle ou l’Ouverture du Grand-Cours ; Les Aventures de Saint-Romain et les amusantes saynètes sur l’Assemblée de la Saint-Gorgon, à Canteleu, rappelant certains usages curieux, ce port d’insignes sityphalliques en verre filé, qui existait encore au temps d’Olivier Ferrand…
Tu verras, ô ma bonne amie,
Toutes les filles du canton, Qui veulent avoir, par envie, Chacune un petit « Saint-Gourgon ». A tout prendre, ces pièces naïves, toujours locales, étaient de petites revues des événements contemporains et on y trouve bien souvent des traits de mœurs, des détails qui peignent une époque.
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* * Dans des temps plus modernes, une revue qui obtint, vers 1856, un très grand succès au Théâtre-Français, fut une sorte de pièce à spectacle, panachée d’actualité satirique, portant ce titre : Les Régates fantastiques, où l’on parlait beaucoup de courses à l’aviron, de yoles et de skiffs, de séances de canotage, à cause de la fondation récente de la société des « Régates rouennaises ». Mais on y rencontrait aussi des scènes d’actualité assez bien venues. L’une des meilleures, qui resta longtemps dans la mémoire des habitués du théâtre, était celle des Cent-Mille-Paletots. A l’instar de Paris, il s’était créé à Rouen, sur le quai de la Bourse, à l’angle de la rue Nationale, près du cours Boieldieu, une grande maison de confection et de vêtements tout faits, qui portait ce titre mirifique : Aux-Cent-Mille-Paletots, maison qui précédait un autre magasin établi dans la rue Grand-Pont, et qui arborait comme enseigne un superbe portrait du Prince Eugène en grande tenue militaire ! Or, le magasin des Cent-Mille-Paletots n’était guère achalandé, et rare était le client venant essayer un vêtement. Mélancoliquement, le directeur en était réduit à monter la garde devant ses étalages et devant son magasin désert. La revue du Théâtre-Français blaguait assez drôlement la situation… Un client, se décidant, abordait le directeur sur le pas de sa porte et lui demandait à acheter un… paletot ! - Impossible, répondait le directeur ; complètement impossible ! - Comment impossible ! Vous n’en manquez pas pourtant ! Vous en avez cent mille à votre disposition et à la mienne ! « C’est bien parce que j’ai cent mille paletots que je ne peux en vendre un ! Si cela se produisait… il ne m’en resterait plus que 99.999 et je ferais mentir mon enseigne !!! Mille regrets, monsieur. Impossible ! Impossible ! » La scène était jouée et brûlée par un excellent jeune premier comique, un Toulousain, Alphonse Berret, qui venait du Havre, et qui resta à Rouen jusqu’en 1857, date à laquelle il fut engagé aux Folies-Dramatiques. Vers la fin de sa carrière, dit Vizentini, il jouait les grimes, et mourut en 1873. Dans les Régates fantastiques, il avait reproduit avec une ressemblance extraordinaire le type, les attitudes et la physionomie du directeur des Cent Mille Paletots.
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* * Mais voilà, sous la direction de Briet, au Théâtre-des-Arts, une pièce mi-féerique, mi-revue d’actualité, mi-acrobatique, qui représentait alors le genre de la super-revue de music-hall actuelle. C’est le fameux Tout Rouen y passera et La Bouille aussi, grande féerie-revue rouennaise, en cinq actes et vingt-quatre tableaux, représentée le 30 novembre 1864. C’était l’œuvre d’un vieux routier de la revue et de la pièce à spectacle, Adolphe Guénée, fils d’un ancien chef d’orchestre du Palais-Royal, et qui avait débuté par des drames comme Les Gueux de Paris, les Orphelins du pont Notre-Dame, avant de se lancer dans la revue et dans la pièce fantaisiste : Voilà c’qui vient de paraître, en 1852 ; Allons-y gaiement, en 1856. Le titre de sa revue rouennaise n’était, à tout prendre, qu’une répétition d’une pièce que Guénée avait fait jouer en 1859 : Tout Paris y passera. Tout Rouen y passera… est restée la revue légendaire. Comme les revues classiques, elle comprenait un compère, Rococo, ennemi de toutes les nouveautés, l’ami, le prôneur de tout ce qui est vieux, antique, retardataire, et une commère charmante, La Fantaisie, représentée par Mlle Taffanel. Ensemble, ils assistent à la naissance de la Jeune Année 1865, entourée par les Fées du Baiser, du Cadeau, du Compliment et du Souhait, et à laquelle l’Avenir confie un talisman magique, un miroir, qui se brisera à la moindre faute de la jeune année. Et voilà Rococo et La Fantaisie en route pour notre bonne ville de Rouen. Ils y descendent et débarquent par notre bonne gare de la rue Verte, un peu fatigués…, car il n’y a pas encore de wagon-lit. Mais il en existera bientôt…
On aura le wagon-cuisine,
Et le wagon-estaminet. On aura le wagon-cantine, Et le wagon-estaminet. Et un couplet sur la mode amène en scène un Gandin et une Gandine. La Gandine en crinoline, et le Gandin avec un veston garni d’énormes boutons. Savez-vous qu’est-ce qui jouait le Gandin, d’une façon fort comique ? C’était Cléophas ; et Cléophas, c’était l’inénarrable comique Baron qui, plus tard, devait créer à Paris le Chef des Carabiniers dans Les Brigands, d’Offenbach. Et les scènes d’actualité se succèdent. Voici le Café Hugnot, sur le cours Boieldieu, l’aïeul du Café Victor, café-restaurant qui chante les charmes de la gastronomie française.
Je veux que
Bayonne
A l’instant me donne Ses superbes jambons, Et Neufchâtel ses bondons. Il faut qu’on m’amène Des chapons du Maine, De Lyon, les saucissons, Les haricots de Soissons ! Voilà la classique dispute entre la Rue de l’Impératrice, jeune et fringante, et le Vieux-Marché, puis le défilé du Cours Boieldieu, du Jardin de Saint-Ouen et du Square Solférino, qui annoncent l’ouverture du premier café-concert en plein air, à Rouen, sur le quai Saint-Sever, dirigé par Collot et Nourrit, L’Eldorado, qui dura plusieurs années. Ses couplets sur un air de Blaquière, furent longtemps populaires et tout Rouen chanta le refrain :
Au caf, caf,
caf, au café concert
Un public charmant vient après son dessert ! Et cette apothéose du Café-Concert et des liqueurs qu’on y servait, prétextait un tableau des Vendanges fantastiques, avec des danses des Bacchantes, formant un final entraînant. Venaient ensuite des scènes sur la Température, sur le Soleil, sur le duel entre l’Or et l’Argent, flanqués de nos « devises » : la pièce de Cinq francs, de Cinquante et de Vingt centimes, le Vieux Sou, la Pièce suisse, le Sou belge, et qui se terminent par l’apparition de la Souscription nationale. Se déroulaient aussi deux tableaux dans le laboratoire du grand astrologue Mayeux de la Drôle, un peu longs et fastidieux, puis l’acte de la Liberté des Théâtres, qui amenait une parodie assez faible de La Dame aux Camélias, et des Troyens, de Berlioz, les Troyens en Champagne :
Sur ce fortuné
rivage
Accourons grands et petits. C’est aujourd’hui dans Carthage La distribution des prix. Et ce tableau se terminait par le grand Quadrille à la mode, qui était dansé par un corps de ballet enfantin dirigé par M. Monet. D’autres attractions interrompaient le spectacle : le ballet des Bacchantes que nous avons cité ; celui des Nubiennes au 16e tableau ; les exercices incroyables d’équilibre par les quatre frères Nelson, du Palais de Cristal de Londres. La Fontaine de Diamants, qui était la première fontaine lumineuse, attraction qui avait fait courir tout Paris aux Variétés et qui remporta à Rouen un succès prodigieux, ainsi que les « Trois fontaines » de l’Apothéose installées par le professeur Wheeler, de Londres. Tout Rouen y passera et La Bouille aussi fut joué pendant quarante-trois soirées de suite et ne fut interrompu que par la saison d’été.
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* * Le directeur Briet avait été si satisfait du résultat que, deux ans après, il recommença l’expérience avec une nouvelle féerie-revue ayant pour titre : Rouen tan plan tire lire. Théodore Bachelet, le professeur d’histoire, critique dramatique à la Chronique de Rouen, sous le nom de Reber, trouve ce titre énigmatique et incompréhensible. En réalité, il s’agissait d’un à peu près, sur la célèbre chanson des grenadiers de la Garde consulaire : « On va lui percer le flanc. Ran-tan-plan-tire-lire-plan ! On va lui percer le flanc. Ah ! que nous allons rire ! » La pièce avait été commandée à Alexandre Flan, chansonnier adroit, grand faiseur de couplets, et au comique Lacombe, très habile metteur en scène et « manager » général. La pièce fut pourtant moins goûtée que celle d’Alphonse Guénée. Le prologue était pittoresque et bien venu. Satan s’était modernisé et avait installé la lumière électrique dans son enfer transformé. Son fils Cocodès, lui aussi, était devenu un gandin moderne, s’initiant aux habitudes de la vie parisienne. Ayant reçu la visite d’un vieux Rouennais, Rothomago, tous deux devenus compagnons, font le tour des actualités rouennaises. Ayant traversé sur la « Barque à Caron », ils abordent au rond-point du Pont-de-Pierre, assistent au concert des Bébés, à l’inauguration des Télégraphes électriques, scènes assez amusantes, comme aussi à l’arrivée de l’Orphéon de Potironville. Mais un Episode de la jeunesse de Corneille, puis la Tragédie chez la blanchisseuse, furent impitoyablement sifflés, comme aussi le Quadrille des Cocodès de l’avenir, dansé par les enfants de la troupe Monet et qui fut trouvé inconvenant. Par contre, un tableau fut salué par des applaudissements unanimes : celui de l’Inauguration de la statue de Napoléon Ier, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, dont on avait brossé un décor très exact. Tout à coup, du piédestal sortait une foule de danseuses, costumées avec les uniformes du Premier Empire et agitant des drapeaux portant les noms des plus célèbres victoires françaises. Après ce Ballet des victoires, la pièce de Flan s’achevait par quelques tableaux curieux : Rouen en l’an 2.000 ; le Déluge universel, reproduit d’après Poussin, avec des jeux hydrauliques, toujours réglés par Wheeler, de Londres, enfin une apothéose : Le Palais de la Chanson ! Rouen tan-plan tire-lire avait été joué, pour la première fois, le 23 février 1866. Ses principaux interprètes furent Jules Menéhand, un excellent acteur, aimé de la province, qui avait débuté au Gymnase, comédien instruit, qui, dans ses loisirs, cultivait la muse et a signé de jolies chansons et quelques vaudevilles. Cléophas déjà nommé, l’excellent comique Baron – jeune alors – jouait Cocodès fils, et l’interprétation était complétée par le père Mathurin Grafetot, un comique populaire, à la bonne et large figure. Il avait été séminariste au petit séminaire de Provins, puis commis-libraire, clerc d’avoué, régisseur du Théâtre d’élèves dirigé par Seveste à Paris. Il était arrivé à Rouen en 1858 et y resta jusqu’en 1866. Il mourut à Perpignan en 1887. Après la guerre de 1870, les grandes revues et pièces locales ne reprirent pas immédiatement. Cependant le père Guénée, qui se souvenait toujours du grand succès de son Tout Rouen y passera et La Bouille aussi, fit jouer, sous la direction du père Dupoux-Hilaire, un compatriote, ancien typographe au Journal de Rouen, une sorte de pièce locale, découpée dans l’Histoire de Rouen, de Fouquier. Cela s’appela successivement, sur l’affiche, les Huit âges de Rouen, puis les Six âges de Rouen, et enfin les Quatre âges de Rouen. C’était une sorte de défilé de faits historiques, entremêlés de ballets et de divertissements. Il y avait entre autres un certain tableau : Le saut du Conan, qui tantôt figurait dans le drame, où tantôt était supprimé. Vieilli, aigri, le père Guénée, qui dirigeait les répétitions au Théâtre-du-Cirque, était constamment furieux. Dupoux-Hilaire, en effet, avait réglé la pièce un peu… économiquement. Il y avait notamment un tableau final des « Grands hommes de Rouen » où Rollon figurait avec une cotte de mailles… en filet de pêche et Edouard Adam, l’inventeur de la distillation de l’alcool, avec une bouteille de cognac à la main ! Et allez donc !
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* * Enfin au Théâtre-Français, on remit en scène une revue très amusante d’un revuiste très expert, auteur de métier, Emile Buguet, dont la devise était : « Le but de ma devise est un but gai. » Très laid, mais très vivant, très remuant, il traînait avec lui nombre de scènes toutes faites, toutes préparées, avec de nombreux lazzi et calembours. Son jeune fils, encore au collège, tenait à jour ces dossiers dramatiques dûment numérotés, avec des titres : Inauguration de statues. Querelles locales. Nouveaux noms de rues. Il y avait entre autres un rondeau sur l’air de la Corde sensible, à propos des falsifications des denrées alimentaires que Buguet avait servi dans toutes les villes de province, sur un mode sentimental :
Il ne faut pas que l’on nous
falsifie
Ces épis d’or qui nous viennent de Dieu ! La pièce de Buguet s’appelait : A qui le sucre de pomme ? parce qu’en entrant on distribuait à chaque spectateur un bâton de sucre de pomme. La scène d’entrée du Compère était vraiment ingénieuse. On voyait le Compère en habit bleu descendre d’un aéroplane sur la lanterne de la flèche de la Cathédrale, entouré par un essaim de petites femmes en hirondelles et en pigeons voyageurs. Il y avait aussi une scène du « Cours de Cuisine », fondé par le brave docteur Laurent, où une foule de marmitons célébraient sa gloire, en frappant sur des casseroles et en chantant le motif final si enlevant du Jour et la Nuit :
De ce cours de
cuisine,
Illustre fondateur ! N’oublions pas non plus en 1893, pour le centenaire du Théâtre-Français, la fameuse Revue des Eperlans, par Georges Noyer et Paul Delesques. Il y avait là-dedans un prologue très pittoresque où était évoquée la curieuse figure du comédien révolutionnaire Ribié. Ancien vainqueur de la Bastille, montreur de marionnettes, directeur de l’Ambigu, arrivé à Rouen en 1793, il y fit réhabiliter le comédien Bordier qui y avait été pendu comme auteur d’une émeute, et y créa le Théâtre-Français… Entre parenthèses, il fut l’un des auteurs, avec Martainville, du fameux Pied de mouton, et sa seconde femme, Denise Forest, tint à Rouen le rôle de la Déesse Raison. Pour cette Revue des Eperlans, le peintre Vignet avait brossé à la hâte un superbe décor de la rue Saint-Romain. On se souvient encore du tableau vivant du Radeau de la Méduse, bien mis en scène, et de la chanson napolitaine Funiculi-Funicula, d’un rythme si… entraînant, et des couplets que chantait Eugénie Nau, la future créatrice de la Fille Elisa, pour vanter un apéritif quelconque Voulez-vous que nous passions maintenant… en revue les dernières revues de l’année, principalement celles des Fantaisies lyriques, devenues Les Folies. Voici en octobre 1886 Rouen-Folies, par Georges Noyer et Jacques Ferny, dont la commère était la charmante Blanche Mery, et où un très plaisant ballet du maestro Collot-Bonnet représentait le carrousel militaire ; puis, le 2 décembre 1887, toujours par G. Noyer et Joseph Le Nègre : A qui le tour ? dont le compère était le Roi de Pique, tiré au sort parmi les spectateurs. Quelque peu politique et satirique, la revue, vivement attaquée, n’en fut pas moins très applaudie et tint longtemps l’affiche. Viennent ensuite la célèbre revue : On demande un maire, dont le compère était Provost et la commère une fort jolie comédienne portant le travesti à ravir, Mlle Bassy. Comme apothéose, le Père la Victoire et une amusante parodie de Samson et Dalila. Puis, un très gros succès, le 22 janvier 1891, Rouen fin de siècle. Paule Henry y symbolise la Presse rouennaise et La Vérité du monument de Flaubert, par Chapu. Un tableau final, L’Angelus, de Millet, admirablement mis en scène sur l’air : C’est la terre, était acclamé chaque soir. En 1891, c’est Rouen s’amuse, toujours mené par Mlle Bassy : on y applaudit la ronde du Conseil municipal, la vieille chanson de Bérat, Ma Normandie, et l’imitation d’Yvette Guilbert. Le rideau tombe sur la Flotte française à Cronstadt. En 1893, sous la direction Grégoire, avec grand luxe, on monte les Rouengaines de l’Année, revue d’Ernest Morel et de Blondeau et Monréal. Le clou était une parodie bien drôle de Sigurd et les actualités : Le Tamaraboumdiay, les fistots du Bougainville, la cavalcade de Brézé. Même année, Rouenneries en gros, de Morel et de V. Meusy, le chansonnier du Chat Noir, avec une scène populaire sur le Pont-de-l’Arquet et une scène dans la salle entre le régisseur et un délégué sénatorial. En 1895, Rouen sur Seine, de Maxime Guy et Herbel. En 1896, une petite revue courte et spirituelle de Hugues Delorme, Chez la Cartomancienne et une autre par Morel et Barbé, très mordante et très railleuse. A la fin de la même année, Mme Cerny étant directrice, Rouen s’expose, d’Hugues Delorme et Paul Delesques, dont la commère était Mlle Humbers, et le compère, M. Grégoire, qui tint le rôle légendaire du Père Malandrin. Voici encore le Rouen sans-gêne, de Morel et Noury, en septembre 1896, et, en 1897, sous la direction Dolne, c’est une petite merveille de grâce et d’esprit : Rouen sans pose, d’Hugues Delorme et de Raoul Lesens, qui, l’année suivante, fut suivie par Pourvu qu’on rigole, d’un nouvel auteur, le spirituel caricaturiste de la Cloche havraise, Albert René.
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* * Arrêtons-nous ici !... et contentons-nous de citer, en 1912-1913, l’amusante revue Folies en tête, qui unissait sur l’affiche les trois noms de Francis Marcel, de Jean Pierville et de H. Robdel. Que d’amusantes, fines et mordantes revues, charmantes en tous points, Francis Marcel n’a-t-il pas écrit, du reste, pour les soirées si courues de l’Hôtel de France ? Dans ce genre si difficile, si périlleux, comment ne pas se souvenir aussi de la mordante revue Les pointes de feu, du docteur Thibault, et ne pas citer les noms de nos principaux revuistes rouennais : Jean Wisky, Pierre Monnier, G. Néel, Karquel, le charmant et fin improvisateur Robert Delamare, Gontran Pailhès, les fils de Francis Marcel, qui reprirent de si brillante façon et firent vibrer la firme paternelle… Comme vous le voyez, il y a encore de beaux jours pour la revue… à la Rouennaise ! Georges DUBOSC.
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