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Miguel de Cervantes y Saavedra - Don Quijote de la Mancha - Ebook:
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A. de Caumont : Excursion (1853)
[CAUMONT, Arcisse de (1801-1873)] : Excursions :  Première excursion, de Trouville à Pont-l'Evêque par la vallée ; retour par les hauteurs de Saint-Gatien et par la forêt de Touques. - Deuxième excursion, de Trouville à Dives par Touques et Tourgéville ; retour par Dozulé, Annebault et Beaumont. - Troisième excursion, de Trouville à Honfleur par Cricqueboeuf et Equemauville ; retour par la plage jusqu'à Villerville, et par les plateaux depuis Villerville jusqu'à Trouville (1853).
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (06.XI.2010)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque André Malraux (Bm Lx : Norm 1589)

Carte

Ier. EXCURSION
DE TROUVILLE A PONT-L’ÉVÊQUE
PAR LA VALLÉE ;
Retour par les hauteurs de St.-Gatien et par la forêt de Touques.

~ * ~


Je propose aux promeneurs de diriger leur première excursion vers le chef-lieu de l’arrondissement, la petite ville de Pont-l’Evêque.

Le bourg de Touques que l’on rencontre d’abord n’est qu’à 2 kilomètres de Trouville ; c’est un bourg de 1,100 habitants, qui était plus important autrefois qu’il ne l’est aujourd’hui. On y voit deux églises intéressantes : la première, réparée aux frais du gouvernement, sur la demande de M. Le Normant, de l’Institut, mériterait une description particulière. Elle appartient au style roman, sauf la porte occidentale, qui ne date que du XVIIe. siècle, et qu’on distingue au premier coup-d’oeil.

Une tour à pans coupés irréguliers, dont nous présentons le dessin, est assise sur le transept.

Les antiquaires ont été très-partagés au sujet de cette église : quelques-uns en ont fait un monument du Xe. siècle ; la plupart n’y trouvent aucun caractère qui puisse le faire rapporter à une époque plus ancienne que le XIe. ou le XIIe. siècle.

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L’autre église de Touques offre deux époques très-distinctes. Le choeur de la tour dont voici l’esquisse, sont du XVe. siècle.

La nef est du XIe. siècle, sauf les ouvertures et quelques reprises modernes qu’on y a pratiquées.

Château de Bonneville. - Tout près de Touques, sur le coteau qui domine la rive droite de la rivière, se trouve le château de Bonneville.

Depuis le règne de Guillaume-le-Conquérant qui résidait souvent à Bonneville, un grand nombre de personnages éminents sont venus dans ce château, ainsi que l’attestent les chroniques. Beaucoup d’actes y ont été signés des ducs de Normandie, rois d’Angleterre. Guillaume-le-Roux y résida plusieurs fois. Henry Ier. y a tenu sa cour : parmi ses successeurs nous y voyons Jean-Sans-Terre et Philippe-Auguste.

En 1417, la première place attaquée par les Anglais débarqués à Touques fut celle de Bonneville : j’ai donné, dans mon Cours d’antiquités, 5e. volume, le texte de la capitulation que furent obligés de faire les commandants du château, Jean de Bonenfant et Guillaume Le Comte.

Le château offre encore une enceinte de murailles

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garnie de plusieurs tours et une porte en ogive assez belle qui pourrait dater de la fin du XIIe. siècle ou du commencement du XIIIe. ; c’était la seule qui donnât accès à la place : elle était précédée d’un pont-levis. Les fossés autrefois pleins d’eau sont encore profonds du côté du Nord et du N.-O.

Les murs d’enceinte, qui ont 8 à 10 pieds d’épaisseur, étaient en 1780 bien plus élevés qu’aujourd’hui ; les débris ont été dispersés et jetés en partie dans la cour du château. Le niveau actuel de cette cour est élevé de 10 pieds au-dessus de l’ancien, ainsi que des excavations l’ont prouvé, et le rez-de-chaussée tout entier de l’ancien château se trouverait aujourd’hui sous terre. Je donne à ce sujet de plus amples renseignements dans ma Statistique monumentale du Calvados. Il ne reste plus que le mur d’enceinte ; les logements intérieurs ont disparu.

Voici la tour la mieux conservée, elle domine la riche vallée de la Touques et l’embouchure de cette rivière où nos ducs s’embarquaient pour l’Angleterre et débarquaient si souvent lorsqu’ils revenaient sur le Continent. J’ai fait remarquer, dans mon Cours d’antiquités, que le château de Bonneville se trouvait au centre et très-convenablement placé pour se porter de là sur tous les points du territoire continental soumis au pouvoir des ducs de Normandie, rois d’Angleterre.

Canapville est la première commune que l’on rencontre après Bonneville dans la direction de Pont-l’Evêque.

Le manoir seigneurial, dont voici la vue prise à vol d’oiseau, se compose de bâtiments d’exploitation disposés autour d’une cour de forme irrégulière. L’habitation du maître, près de la principale entrée, composée d’une grande et d’une petite porte, est reconnaissable à ses grandes lucarnes, à sa tourelle d’escalier et à ses deux étages, la plupart des autres bâtiments n’en ayant qu’un seul. Le colombier, de forme carrée, est au milieu de la cour.

Le XVIe. siècle nous a légué un certain nombre de manoirs seigneuriaux de cette espèce, réunissant tout ce qui dépendait d’une riche exploitation rurale : des remises, des écuries, des granges, des étables, puis l’habitation du maître, formaient la ceinture ou l’ensemble des constructions composant le manoir et son enceinte ; on y voyait une chapelle, et le colombier formait, comme à Canapville, un bâtiment séparé des autres.

Le manoir de Canapville est en grande partie construit en bois, comme l’étaient alors, et le sont encore, la


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plupart des habitations du Pays-d’Auge où il était plus facile de se procurer du bois que de la pierre, quand les chemins étaient à peu près impraticables pour les charrettes.

Si nous poursuivons notre course après avoir jeté un coup-d’oeil sur l’église de Canapville, dont quelques parties sont romanes, nous apercevrons, sur la gauche, à 1 kilomètre au moins de distance, l’église de St.-Martin-aux-Chartrains, ainsi nommée parce qu’elle dépendait de l’évêché de Chartres, lequel nommait le curé.

M. Lemétayer-Desplanches, membre de plusieurs académies et inspecteur de l’Association normande, a signalé, à peu de distance de l’église, la présence de tuiles romaines, preuve que dès les temps les plus anciens il y avait là un centre d’habitation.

L’église du Coudray se trouve ensuite sur le bord de la route ; elle a conservé presque intacte sa tour, qui paraît du XIIIe. siècle et qui est couronnée d’une flèche en charpente, ses modillons et quelques parties de sa maçonnerie primitive : les fenêtres ont pour la plupart été élargies et refaites de forme carrée, forme ignoble pour une église et que les maçons de campagne, chez lesquels le goût et l’instinct artistique sont si peu développés, ne manquent pas d’employer sans s’embarrasser de l’effet qu’elle produit.

Un porche précède la porte latérale par laquelle on entre dans la nef. Ces accessoires des anciennes portes d’église sont encore assez communs dans l’arrondissement de Pont-l’Evêque.


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Nous arrivons à St.-Melaine, dont l’église offre encore quelques parties romanes, et nous entrons à Pont-l’Evêque.

M. La Butte a donné, dans son Histoire de l’arrondissement de Pont-l’Evêque, un bon article sur cette petite ville. Nous ne pouvons que renvoyer à son livre fort intéressant, où les principales localités de cette partie du Pays-d’Auge ont été décrites.

L’église de Pont-l’Evêque se compose d’une nef assez élevée avec ses bas-côtés : elle n’a point de transept.

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La tour est placée à l’extrémité occidentale, comme dans beaucoup d’églises du XVe. siècle. Elle est très-pesante, flanquée de contreforts saillants et se termine brusquement par un toit en charpente, couvert d’ardoises.

En général, l’ornementation de cette église n’a pas, dans ses moulures, la finesse que l’on trouve dans beaucoup d’édifices datant, comme elle, du XVe. et du XVIe. siècle : cela tient, je crois, à la nature de la pierre employée. La craie est très-tendre dans l’arrondissement de Pont-l’Evêque ; elle éclate facilement sous le ciseau, et le calcaire oolitique, dont on peut se servir à son défaut, est d’un grain assez grossier. La craie a été employée dans la construction de l’église dont nous parlons.

L’intérieur offre une certaine magnificence dans l’élévation de la grande nef et surtout dans l’ornementation des voûtes des bas-côtés, dont les arceaux multiples sont garnis de pendentifs.

Il n’y a pas une seule partie de l’église de Pont-l’Evêque qui paraisse antérieure au XVe. siècle, et diverses parties de l’édifice, notamment les voûtes dont je viens de parler, ne sont évidemment que du XVIe. MM. Le Court et Lemétayer, qui font des recherches sur l’Histoire de Pont-l’Evêque, trouveront sans doute les dates précises de la construction première et des reprises diverses qui ont été faites.

Les lourdes consoles qui supportent un entablement au-dessous des fenêtres de la grande nef, annoncent assez le temps d’Henry IV, ou même une époque plus récente encore.

Il est évident qu’un désastre considérable a forcé de reprendre en sous-oeuvre et de reconstruire la partie supérieure de la grande nef. Il n’y a même pas de voûtes en pierre dans cette partie, et celles qui existent ne sont qu’en bois. Il y en avait eu d’abord en pierre.

Il existe encore six verrières presque complètes dans l’église de Pont-l’Evêque ; elles sont dans le chevet. D’autres fragments de vitraux se voient dans d’autres fenêtres.

Après l’église, il n’y a pas de monuments importants à Pont-l’Evêque.

Le tribunal est, comme la plupart des édifices construits pour cette destination, orné d’un péristyle formant saillie et présentant l’image d’un temple tetra-style.

La sous-préfecture est placée dans un hôtel précédé d’une cour et dont le jardin donne sur la prairie du Sud. Plusieurs des maisons qui se trouvent de ce côté de la rue principale de Pont-l’Evêque, rue qui traverse la ville d’un bout à l’autre, ont des jardins qui donnent sur la même prairie, et cette partie de la vallée est admirablement encadrée au milieu des collines qui la bordent.

Bedville. - Si l’on veut faire une promenade sur la rive gauche de la Touques, à 3 ou 4 kilomètres de la ville, on trouvera d’abord le château de Bedville qui remonte au XVIe. siècle ou à la fin du XVe., et à l’intérieur duquel il existe des peintures, des pavés émaillés et des boiseries intéressantes, puis, dans une jolie petite vallée voisine, la commune de St.-Imer.

St.-Imer. - St.-Imer était le siége d’un prieuré dont l’origine remontait au XIe. siècle. Hugues Ier., comte de Montfort, avait fait des donations considérables au prieuré, vers 1066. Son fils, Hugues II, donna l’église et ses prébendes à l’abbaye du Bec, afin qu’ils y remplaçassent les chanoines. M. Louis Du Bois rapporte que, par deux chartes, Robert I, comte de Montfort, prêt à partir pour

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la Palestine, confirma ces donations dans la deuxième moitié du XIIe. siècle et donna quelques autres biens, notamment une terre au Torquêne et une saline à l’embouchure de la Touque. Par deux autres chartes, l’une

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de 1194, l’autre de 1198 environ, souscrites par Hugues III, comte de Montfort, ce seigneur ajoutait de nouveaux biens aux largesses de ses prédécesseurs, lesquelles furent mises sous la protection du Saint Siége, par une bulle du pape Luce III.

Le cartulaire de l’abbaye du Bec renferme des actes plus récents relatifs à St.-Imer ; ils ont été tous recueillis et publiés en 1761, par H. de Roquette, prieur-commandataire de St.-Imer, à l’occasion d’un procès qu’il soutint alors au parlement de Rouen.

Mais pour revenir à Trouville, le soir, par St.-Gatien et la forêt, il ne faut pas s’arrêter trop long-temps à Pont-l’Evêque.

En quittant cette ville, on peut faire une halte à Launay, chez M. Eudes, membre de l’Association normande, qui conserve dans l’église de la paroisse, aujourd’hui sa chapelle, deux statues tombales fort intéressantes que M. Bouet a dessinées.

En voici les inscriptions :

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Ces statues ont conservé en partie leurs peintures primitives.

On n’aura plus qu’à suivre la nouvelle route de Pont-Audemer pour visiter St.-André-d’Hébertot.

St.-André-d’Hébertot, qui a vu naître le chimiste Vauquelin, était le siége d’un des châteaux des ducs de Normandie, rois d’Angleterre ; ils s’y rendaient souvent quand ils étaient dans le duché ; les actes qu’ils y ont signés en sont la preuve.

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St.-André-d’Hébertot possède encore un beau château qui mérite d’être visité. On y voit une tour carrée munie de machicoulis, et de larges douves d’eau vive baignent le pied de ses murailles ; du reste, l’architecture de ce château ne paraît pas remonter à une époque bien reculée ; il a été reconstruit de fond en comble depuis le XVIe. siècle. On trouvera de nombreux détails sur St.-André-d’Hébertot dans un mémoire récemment publié par Mme. Philippe-Lemaître, membre de plusieurs académies.

De St.-André nous gagnons St.-Gatien par la nouvelle route.

Après avoir fait quelques observations géologiques, avoir visité les sables jaunes analogues à ceux de Rabu, que quelques géologues ont assimilés aux sables ferrugineux (irond sand des géologues anglais) ; après avoir observé la craie verte exploitée sur plusieurs points pour l’amendement des terres, on pourra, si l’on est botaniste, faire une herborisation dans la forêt de Touques avant de rentrer à Trouville. Cette forêt renferme, en fait de plantes rares, celles dont les noms suivent, et dont nous devons l’indication à M. Morière, membre de l’Institut des provinces, secrétaire-général de l’Association normande.

Helleborus viridisL. ; Actæa spicata L. ; Cardamine impatiens L. ; Sagina stricta Fries ; Malva alcæa L. ; Androsæmum officinale All. ; Impatiens noli tangere L. ; Monotropa hypopitys L ; Lathyrus Bithynicus Lam. ; Epilobium spicatum Lam. ; Buplevrum tenuissimum L. ; Inula helenium L. ; Cineroria campestris Retz ; Campanula rapunculoïdes L. ; Pyrola minor L. ; Atropa belladona L. ; Stachys germanica L. ; Neottia nidus-avis Rich ; Luzula maxima DC. ; Scirpus Savii Sebast ; Carex extensa Good ;  Lycopodium clavatum L., etc.


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2e. EXCURSION
DE TROUVILLE A DIVES
PAR TOUQUES ET TOURGÉVILLE ;
Retour par Dozulé, Annebault et Beaumont.

~ * ~

Pour suivre l’itinéraire que nous venons d’indiquer, il faut passer la rivière sur le pont de Touques ; on arrive bientôt à St.-Arnoult.

L’église du prieuré de St.-Arnoult, assise sur le penchant d’un coteau, au-delà de la rivière, offre une charmante ruine ; elle est en partie d’architecture romane (XIe. siècle) et l’on voit des arêtes de poisson dans ses murailles, en partie d’architecture ogivale (XVe. siècle). Près du chevet est une source minérale renommée pour certaines maladies, qui est entourée d’un mur. Une crypte très-curieuse existe sous le choeur, partie la plus ancienne. On y voit un grand nombre d’ossements et de têtes de morts.

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Mais il faut remonter en voiture pour nous rendre à Tourgéville.

L’église de Tourgéville est près de la route ; ce n’est pas un monument bien intéressant, et pourtant elle mérite qu’on s’y arrête un peu ; à l’intérieur on voit, du côté de l’épître, un écusson que l’on retrouve dans la chapelle du château de Glatigny, dont nous allons parler, et portant 4 molettes d’épron sur un champ de sable, séparé par une bande d’azur au croissant d’argent.

On lit sur un des contreforts de cette chapelle (côté de l’évangile), une inscription en caractères gothiques qui se termine ainsi :

                            repossent
                    les corps des seigneurs du Hamel
                    du Sollier dictes pour eulx Pater
                    noster Ave Maria

Sur l’arcade qui existe entre le choeur et la nef, se trouvent fixés des fragments de bois sculpté dans le style du XVe. siècle, dont les courbes ne s’accordent pas avec la position qu’ils occupent : il est probable, et en cela j’adopte volontiers l’opinion de M. Bouet, qu’ils ornaient primitivement la chapelle des seigneurs du Sollier.

On lit aussi l’inscription suivante sur une dalle servant de marche d’autel à la chapelle de la Sainte Vierge :

CEST
LE TOMBEAU
DES SEIGNEURS
DE GLATIGNY
GIVERVILLE
BARONS ET
CHASTELAINS DE
LA FERTE FRESNEL
1646.


De Tourgéville à Blonville il y a 2 kilomètres, on aperçoit l’église ; mais le château de Villers mérite toute notre attention, il se trouve à quelque distance du côté droit de la route : c’est un des plus intéressants de la contrée par sa position, ses plantations, la magnifique vue dont on jouit vers le Nord. La mer ressemble à un lac placé tout exprès pour le château. Elle en est à plus de 2 kilomètres, mais la pente du terrain, l’encadrement du paysage, produisent une telle illusion qu’elle paraît à l’extrémité du parc. La ville du Havre s’élève en amphithéâtre sur l’autre rive de ce beau lac, que sillonnent une foule de navires aux blanches voiles et de bateaux à vapeur à la noire fumée. Les promeneurs apprécieront toute la beauté du spectacle qui a déjà inspiré plus d’un poète.

Le château de Villers appartient à M. Paris ; il doit dater du XVIIe. siècle. La vue que nous donnons est prise du côté de la cour. L’édifice a plus de grâce de ce côté opposé, par suite de l’abaissement du terrain, mais M. Bouet, qui a fait ce dessin, ne pouvait se résoudre à tourner le dos à la mer, qui, ce jour-là surtout, était du plus beau bleu. Il y a des sites qui exercent sur l’artiste la même influence que l’aimant sur le fer, qui le magnétisent et le retiennent dans une douce extase. C’est ce qui est arrivé à M. Bouet et ce qui arrive à bien d’autres quand ils visitent la magnifique position de Villers.

Le village de Villers que l’on voit sur le bord de l’eau, aux pieds du château, est une localité très-ancienne qui devait exister sous les rois mérovingiens et probablement long-temps avant eux, car on y a trouvé des médailles d’or frappées à l’effigie de ces rois et des briques qui probablement sont romaines : tout cela se rencontre avec d’autres objets dans les terres que les vagues ont rognées sur le bord de la mer, dans les parties les plus basses du rivage. Ainsi cette anse de Villers, dans laquelle se cachent aujourd’hui quelques maisons, devait être anciennement un petit port.

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En remontant le coteau, et tout près du château, M. Paris a découvert, il y a vingt ans, dans une de ses fermes, d’anciennes sépultures et des cercles en pierre ollaire qui remontent aussi à une époque très-éloignée : toutes ces preuves ne permettent pas de douter de l’ancienneté du lieu.

Les marais qui s’étendent dans le vallon compris entre Villers et l’éminence de Benerville, renferment des plantes que les botanistes viennent y chercher chaque année.

Mais il faut quitter Villers. En reprenant la route de Dives, on distingue à gauche, au milieu de magnifiques avenues de chênes, le château de Glatigny, qui a appartenu à feu M. de Talaru.

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Du côté de l’entrée, ce château est construit en briques rouges frettées de briques noires ; les bossages sont en pierre ; les toits sont surmontés d’épis et ornés de riches découpures en plomb et en ardoises.

Le côté opposé est en bois, en style de la renaissance, et les fenêtres du rez-de-chaussée sont protégées par des grilles saillantes.

La chapelle a conservé une ancienne décoration héraldique fort curieuse.

L’église de St.-Pierre-Azif est à plus d’un kilomètre de la route, au Sud. Elle renferme des tableaux remarquables de l’école flamande.

On y voit aussi une fort belle statue tombale qui porte le costume du civil de la fin du XIVe. siècle.

La famille de Grenthe avait donné à cette église des vitraux peints dont il existe encore de beaux restes. On lit sur une de ces verrières :

        M cinq cens lxvi (1566) Rogier
        Jehan. de. Gerete. escuier. Sr. de
        Pierre. Azif. a. doe. ceste. vistre

Et sur une autre :

        q cens quatre
        dix neuf ceste vitre
        ....onnée par maistre
        Lion pbre demeurant
        ..... Dieu pour lui

Du même côté se trouve, à quelque distance de la route (environ 3 kilomètres), le château de Glanville, appartenant à M. L. de Glanville, membre de l’Institut des provinces et inspecteur des monuments historiques du département de la Seine-Inférieure.

La croix Heuland est un point où s’opère la jonction des routes venant de Dives et allant à Pont-l’Evêque avec celle que nous suivons, laquelle n’est qu’un embranchement.

La croix Heuland, dont on a fait un monument très-ancien (du XIIe. siècle), n’est que de la seconde moitié du XVIe. siècle : c’est une croix en pierre comme on en trouve encore quelques-unes, mais qui mérite d’être respectée et soigneusement conservée.

Si l’on aimait à explorer les églises de campagne, on pourrait, en faisant 2 kilomètres sur la route d’Annebault, visiter celle de Branville, dont voici une esquisse et qui appartient à cette architecture du XIIIe. siècle si répandue dans le Calvados, architecture caractérisée par les étroites fenêtres en forme de lancettes et les modillons sous la corniche.

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La route de Dives passe à une distance à peu près égale des églises de Gonneville et de Douville.

On parcourt, dans l’espace de 3 kilomètres, la crête des côteaux qui bordent la vallée de Grangues et l’on aperçoit, de place en place, la mer et la côte, depuis Dives jusqu’à l’embouchure de l’Orne : ces vues sont délicieuses et très-variées.

Le prieuré de Rouville, qu’on trouve du côté droit de la route, offre des ruines qui ne sont pas sans intérêt pour l’archéologue ; les bâtiments d’habitation étaient accolés à l’église, au milieu d’un beau verger : c’était, du reste, un prieuré peu considérable qui dépendait de l’abbaye de St.-Pierre de Préaux.

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Mais hâtons-nous d’arriver à Dives ; on peut y aller par deux voies : la plus directe serait celle qui passe par les plateaux de Grangues et de Trousseauville ; mais la plus douce pour les voitures est celle qui cotoie la vallée de la Dive.

Nous descendrons donc jusqu’à ce que nous trouvions la route de grande communication de Dozulé à Dives, qui traverse celle que nous parcourons ; nous suivrons le tronçon de cette route qui se dirige au Nord, et quand nous aurons fait 3 kilomètres, nous serons arrivés à Dive.

Dans ce parcours on passe au pied de la butte de Basbourg, point culminant qui domine toute la vallée.

C’est sur cette butte qu’était monté le roi de France, après avoir passé la Dive avec une partie de son armée, tandis que l’autre, arrêtée par le reflux de la mer qui avait grossi la rivière, et poursuivie par les troupes du duc de Normandie, fut écrasée et en partie noyée. Le poète Wace fait, dans les vers suivants, une description très-animée de cette déroute de l’armée française par les Normands, en 1060, et je compte rappeler ce fait important par une inscription :

            Donc véissiez route haster,
            L’un Franceiz l’altre avant bouter (1).
            Mult lor annie la cauchie,
            K’il truvent lunge et empirie (2),
            Et il estoent encumbré
            De ço k’il aveint robé :
            Mult en véissiez desrouter
            E tresbuchier è fors voler,
            Ki puiz ne porent relever,
            Ne en la dreite route entrer.
            El pont passer fu grant la presse
            Et la gent mult d’aler en presse (3) ;
            Viez fut li pont, tresbuchent enz,
            Li planches caïrent (4) soz li genz,
            La mer munta, li flot fut grant,
            Sor li pons fu li faiz pesant,
            Li pons tresbuchia è chaï,
            E ki ke out de suz péri.
            Maint en chaï emprez li pont,
            Ki devala el plus parfont.
            El pont chaïr fu la criée
            Mult dolerose et effrée ;
            Mult véissiez herneiz floter,
            Homes plungier et affondrer ;                   
            Nus ne se pot vis escaper,
            S’il ne fust bien duit (5) de noer (6).

Dives, où le duc Guillaume embarqua une partie de l’armée qui conquit l’Angleterre en 1066, est bien déchue de son ancienne splendeur ; et, en voyant la rivière couler tranquillement au milieu des fertiles pâturages, on ne se douterait pas que la flotte du duc Guillaume stationnait, en 1066, là où ruminent aujourd’hui des troupeaux de boeufs.

Mais de grands changements s’opèrent à l’embouchure des rivières par les alluvions qui s’y forment. Wace nous affirme que celle de la Dive était, au Xe. siècle, une baie maritime, quand il dit :

    Soubz Varaville vint o sis nés soulement
    Là u Dives entre en mer, assez près de Bavent.

Il est positif que des salines existaient à Varaville et sur beaucoup d’autres points de la vallée, et l’on ne peut se refuser à admettre que le sol s’est exhaussé par les apports continuels des eaux (7).

Dives a toujours son port à 2 kilomètres au-dessous du bourg ; mais tout porte à croire qu’il a changé de place, et il est certain qu’il a perdu de son importance.

Le seul monument remarquable qui soit à Dives est l’église. Elle appartenait à un prieuré dépendant de l’abbaye de St.-Etienne de Caen, et c’est un édifice assez important que je ne décrirai pas, parce que ma Statistique monumentale du Calvados (t. IV) en présentera plusieurs esquisses. Disons seulement, pour fixer les idées, que, hormis quelques restes du XIe. siècle sous la tour, le monument est du XIVe. et du XVe. Ainsi, le choeur, avec la grande fenêtre du chevet et les bas-côtés qui l’accompagnent, offre tous les caractères du XIVe., aussi bien que les chapelles du transept. La nef et les bas-côtés qui lui correspondent sont de la fin du XVe. siècle, ou même du commencement du XVIe.

Rien de plus élégant, de plus habilement découpé que les moulures et les feuillages de la porte occidentale de la nef ; c’est un véritable chef-d’oeuvre de sculpture.

On conservait à Dives un Christ fort ancien, qui a disparu, et qui passait pour avoir été pêché dans la mer.

Un tableau assez curieux, qui se voit toujours dans le transept Nord, représente cette découverte et celle de la croix qui s’en était détachée, et qui fut retrouvée deux ans après. Les inscriptions que porte ce tableau m’ont paru mériter d’être transcrites. Les voici. Elles servent, comme on le voit, d’explication aux différentes scènes peintes sur le tableau :

        COMME LES
        PECHEURS DE DIVES
        PECHERENT EN LA MER L’I
        MAGE DE St SAUVEUR SANS CROUX
        COMME LES PECHEURS DE CABOURG
        POUR Y AVOIR PART EURENT GRANDE
        ALTERCATION.
       
        COMME APRÈS LE DICT IMAGE FUT PRINS
        EN LA MER, IL FUT DICT PAR ENTRE EUX QU’IL
        SERAIT APPORTÉ DANS L’ÉGLISE DE DIVE
        OU LON LE REÇU EN GRAND JOYE ET
        SOLENPNITÉ.

        COMME AU DICT IMAGE L’ON FICT
        TROIS CROUX QUI NE LUI SERVIRENT,
        CAR DEUX SE TROUVERENT TROP
        COURTE ET L’AUTRE FUT TREU-
        VÉE TROP LONGUE

        COMME DEUX
        ANS ENSUIVAN APRES L’IN
        VENTION DU DICT IMAGE P
        LA GRACE DE DIEU LES DICT PE
        CHEURS DE DIVES PECHERENT EN LA
        MER LA CROUX DU DICT IMAGE EN
        LEUR RAYS

        COMME LIMAGE ET LA CROUX FURENT
        JOINGS ENSEMBLE POUR DIVINE FUT TREUVEY
        QUE C’ETAIT LA PREMIERE CROUX DU DICT
        IMAGE

        COMME PAR APRÉ QUE LIMAGE FUT
        CLOUÉ CONTRE LA CROUX ET TOUTE LES
        CHOSE SUSDICT RECOUGNU ET DEUBE
        MENT AVENU, FUT ELEVÉ EN CROUX
        COMME VOYEZ


Les mêmes scènes étaient représentées aux clefs de voûtes, maintenant détruites. Voici ce qu’on lit à ce sujet dans les manuscrits de de Boze à la Bibliothèque impériale.

« A la première arcade, la plus proche du choeur, ladite inscription supportée par un ange en demi-relief :

Lan de grace mil et un le sixiesme jour d’aoust au dit an print limage de St Sauveur en ceste église son repos, le St. image sans croix vint. mais deux ans après ly vint la croix que sur la mer vi..... par marinaux. Dieu le v... que par eux fut accomplys.....

« A la clef de la seconde arcade, sur laquelle est gravé et figuré un vaisseau rempli de plusieurs matelots et qui est surmonté d’un ange en demi-relief qui semble indiquer auxdits matelots ladite image de saint Sauveur, les mots suivants sont écrits et gravés » :

De la grace de Dieu les marinaux de Dives leverent de la mer St Sauveur en leurs rets.

« A la clef de la troisième arcade est la figure de saint Sauveur en croix, en relief. »

« A la quatrième sont gravés et figurés, en bas-relief, des charpentiers travaillant à faire une croix pour l’église St.-Sauveur. »

Il paraît qu’au XVIe. siècle l’église et le cimetière étaient fortifiés.

La Société Linnéenne ou d’histoire naturelle a tenu plusieurs de ses réunions à Dives, où elle trouvait, dans les fossiles des falaises des Vaches-Noires, d’intéressants sujets de recherches. Les plantes des marais et des dunes méritent aussi l’attention des botanistes. - M. Morière leur recommande les espèces suivantes :

Marais d’Auge. - Stellaria glauca, Smith ; Lathyrus palustris, L. ; Comarum palustre, L. ; Rumex Maritimus, L. ; Sparganium natans, L. ; Carex filiformis, L. ; Carex cæspitosa, Good.Scirpus uniglumis, Link. ; Calamagrostis lanceolata, Roth. ; Polystichum Thelypteris, Roth.

Dives. - Adonis æstivalis, L. ; Cochlearia Danica, L. ; Reseda phyteuma, L. ; Trifolium maritimum, Huds ; Caucalis latifolia, L. ; oenanthe Lachenalii, Gmel. ; Euphrasia Jaubertiana, Bor. ; Orobanche cærulea, Vill. ; Statice limonium et pseudolimoniumArmeria pubescens, Link. ; Blitum polymorphum, Mey ; Atriplex littoralis, L. ; Hippophaerhamnoïdes, L. ; Urtica pilulifera, L. ; Salix aurita, L. ; Juncus bulbosus, L. ; Kæleria albescens, D. C. ; Lepturus filiformis, Tr.

Beuzeval. - Lepidium drabaBuplevrum tenuissimum.

Cabourg. - Silene conica, L. ; Melilotus leucantha, Koch ; Trifolium scabrum, L. ; Helosciadium repens; Koch ; Gentiana amarella, L. ; Buplevrum aristatum, Bartl. ; Chondrilla juncea, L. ; Orobanche Galii, Duby ; Rumex maritimus et palustris, L. ; Euphorbia Portlandica, L. ; Salix repens, L. ; Orchis coriophora, L.

Merville. - Astragalus Bayonensis, Lois ; Liparis Loeselii, Rich.

Il y a quelques années, la Société Linnéenne fêtait, à Dives, le savant Léopold de Buch, de Berlin, venu à Caen pour visiter nos terrains du Calvados, et portait, à la fin du banquet, un toast à l’illustre comte Alexandre de Humbold. La présence de Léopold de Buch à Dives est le fait le plus récent qui se rattache à l’histoire de la localité.

Il ne me reste plus, en terminant, qu’à rappeler que j’ai proposé d’ériger, à mes frais, sur l’éminence qui domine le bourg de Dives, une borne monumentale commémorative de l’expédition de Guillaume-le-Conquérant en 1066, et que ce projet recevra bientôt son exécution (8).

Ce fut à Dives, comme on le sait, que le duc Guillaume embarqua une grande partie des provisions de sa flotte et de son armée. Chose remarquable, nous trouvons dans la partie de la tapisserie de la reine Mathilde conservée à Bayeux et qui représente la conquête de l’Angleterre, un chariot à quatre roues transportant au port, des lances et du cidre ou de la bière, dans un de ces petits tonneaux allongés et très-bombés au centre qui sont encore en usage dans le Pays-d’Auge et que l’on y connaît sous la dénomination de barils. Ainsi, depuis plus de sept siècles ce tonneau est en usage ; on comprend que tant que les chemins ont été aussi mauvais qu’ils pouvaient l’être au moyen-âge, on n’ait pu se servir d’autre chose : le baril se transporte facilement à dos de cheval, et il est beaucoup plus facile à remuer que les grands tonneaux quand on veut le placer sur une charrette.


Croquis


Pour revenir de Dives à Trouville, le chemin le plus court est celui qui suit le rivage, au pied des falaises, à partir de l’embouchure de la rivière ; on verrait avec intérêt les falaises très-élevées qui existent de ce point jusqu’à Villers, et si l’on s’occupait de géologie, on ferait sur la stratification des couches d’intéressantes observations, en même temps que l’on pourrait recueillir des coquilles fossiles auxquelles le fer sulfuré donne une teinte bronzée qu’elles n’ont pas dans la plupart des autres formations ; on verrait un des plus beaux gisements d’argile d’Oxford que l’on puisse observer en France, et au-dessus de ce vaste dépôt quelques bancs oolithiques, puis, au sommet, la craie verte ou green sand.

Mais, pour revenir par le rivage, il faut être à cheval, les voitures ne peuvent plus y passer, et comme je parle pour des personnes qui voyagent en voiture avec le confortable dont nous a dotés la civilisation actuelle, nous ne pouvons guères les promener par cette voie. Il n’y a pas 40 ans que c’était pourtant la route ordinaire de Caen à Rouen.

Nous reviendrons donc par la route déjà parcourue jusqu’à celle que nous avions quittée en face de la chaussée de Varaville, mais nous la traverserons sans nous arrêter, afin de suivre la direction du Sud pour arriver au bourg de Dozulé. La vallée de la Dive, que nous suivrons ainsi en la remontant, l’espace de 8 kilomètres, est toujours bornée, à l’Est, par des éminences composées d’argile d’Oxford avec quelques lambeaux de la formation de la craie aux sommets.

Brucourt est la première localité que nous rencontrerons à notre gauche après avoir traversé la route de Trouville à Caen : ce lieu est connu depuis long-temps à cause de la fontaine minérale qui y amène chaque année un certain nombre de buveurs. Ce sont des eaux chargées de fer, d’acide carbonique et de sulfate de fer.

Criqueville est à 2 kilomètres de Brucourt, du même côté.

Le château de Criqueville est une construction assez remarquable qui appartenait à la famille de Launay. La grande salle, au rez-de-chaussée, renferme une magnifique cheminée portant la date 1584. Les poutres ont encore conservé quelques peintures.

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Cette famille avait une chapelle seigneuriale dans l’église de Criqueville ; on en a fait la sacristie, et sous cette chapelle était un caveau qui renfermait plusieurs cercueils de plomb. L’inscription suivante, gravée sur une table de marbre noir, existe encore dans la sacristie, où je l’ai copiée.

D. O. M.

Soubz cette voute reposent attendans le dernier jugement, les cendres de noble dame Marguerite Richart dame de Hérouville et Ranville, femme de feu Mssre Robert de Launay, gentilhomme ordinaire de la chambre du Roi de cher de son ordre, Sr de Criqueville, duquel mariage elle eut deux fils et une fille, Lainé desquels luy survécut. Et après avoir fait bâtir et dotté cette chapelle ou le dit Sr son mary et elle sont inhumez fonda une messe touts les jours de la sepmaine et un service annuel en la dite chapelle, une messe qui se doit célébrer touts les samedis en l’eglise Notre dame de la Délivrande près de Caen et une autre encor touts les jeudis de l’année avec un service annuel au couvent des carmes de la même ville. Pleine de piété envers les religieux, charitable envers les pauvres, très vertueuse et bien advisée en la conduite de ses actions, s’estant dans le travail d’une longue maladie retirée de la conversation du monde pour vaquer entre les siens au service de Dieu et se préparer à la mort, décéda en sa maison à Caen le IX de septembre M DC XVI.

Post luctum fratris quem funus mersit acerbum
Proh dolor en matri ducimus exequias
Ille obiit juvenis provecta hanc sustulit etas
Funera sunt tamen hæc utraque acerba mihi.

Matri obtime ac benemerenti filius mærens posuit.
Requiescat in pace.

Des endiguements considérables, qui ont été exécutés aux environs du château pour le garantir des dérivaisons de la petite rivière d’Oudon, remontent en partie à l’époque du château. Ces grands travaux doivent procéder des mêmes hommes, de ceux qui élevaient des châteaux à hauts toits et à murailles épaisses.

L’abbaye de Royal-Pré était située près de Criqueville, mais il n’en reste presque plus rien.

Nous allons prendre la route de Caen à Rouen, en deçà du bourg de Dozulé, que cette route traverse dans toute sa longueur. Avant d’arriver à cette route on distingue, à 2 kilomètres vers l’Ouest, la tour et l’église de Goustranville ; nous ne pourrons visiter ce monument. C’est d’ailleurs une église intéressante par son architecture ; la nef est romane ; on y remarque deux portes, l’une, à l’Ouest, ornée d’un double zigzag, l’autre, au Nord, décorée de quatre rangs du même ornement. La tour latérale, au Nord, est de deux époques : de transition, à sa partie inférieure ; du XIVe. siècle ou du XVe., dans sa partie supérieure. Terminée en plate-forme, son ensemble rappelle, sous certains rapports, le charmant campanille de la cathédrale de Florence.

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Dozulé s’est accru avec une rapidité étonnante, depuis l’établissement de la grande route de Rouen, qui autrefois passait par Dives pour se rendre à Honfleur. Le bourg de Dozulé offre une belle rue, dont les maisons sont en contact comme à la ville. L’église, qui était trop éloignée, a été reconstruite, il y a peu d’années, dans le style gothique, à l’extrémité du bourg, par M. Vérolles, architecte du département.

Il y a chaque semaine, à Dozulé, un marché considérable.

En sortant de Dozulé, la route est conduite au milieu d’une vallée creusée dans l’argile d’Oxford (9) et dominée par des coteaux recouverts de craie verte. On voit à gauche le village d’Angerville, dont les seigneurs étaient à la conquête de l’Angleterre. Une motte féodale, près de l’église indique l’emplacement de leur château.

A 3 kilomètres d’Angerville, on remarquera, du côté gauche de la route, le joli chalet de M. de Roissy, inspecteur de l’Association normande.

Tout près de ce point, à Annebault, dont le seigneur était à la conquête en 1066 (10), la route quitte la vallée pour franchir les coteaux et parvenir sur un vaste plateau formé par la craie, qui s’étend jusqu’à Pont-l’Evêque (11).

Dans cet intervalle, rien ne vient frapper les regards du voyageur. A une lieue de Pont-l’Evêque et à un quart de lieue au Nord de la route est situé le bourg de Beaumont, renommé par son couvent de Bénédictins, fondé, en 1066, par Robert Bertrand, seigneur de Roncheville. Ce prieuré, dépendant de St.-Ouen de Rouen, dirigeait, avant la Révolution, une école militaire dans laquelle une de nos grandes illustrations, le savant La Place, avait professé les mathématiques.

Quand l’archevêque de Rouen, Odon Rigault, visita le prieuré de Beaumont en 1267, il y trouva douze moines. Il paraît qu’ils possédaient alors une bibliothèque ; car Odon leur prescrivit de faire le catalogue de tous leurs manuscrits et de l’inscrire sur le grand livre de l’église. Il ordonna aussi au prieur de faire souvent la visite des cassettes des moines, pour les empêcher de s’attacher aux biens du monde et de rien posséder en propriété.

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L’église paroissiale, qui est celle du prieuré, est de diverses époques ; la travée suivante donne un spécimen des parties les plus anciennes.

C’est avec plaisir qu’on lira, dans le choeur, l’inscription suivante érigée par les moines, en 1788, à la mémoire du fondateur Robert-Bertrand de Roncheville :

HIC JACENT
ROBERTUS BERTRAN
BARO ET VICECOMES
DE RONCEVILLA
ET SUZANNA EJUS UXOR
HUJUS MONASTERII
FUNDATORES
ANNO DOMINI
MILLESIMO SEXAGESIMO
HANC LAPIDEM VETERI EXESO
POSUERE MONACHI CONGnis.
Sti MAURI ANNO SALUTIS
1783


On voudrait en voir de pareilles dans tous les établissements religieux. L’histoire locale y gagnerait et serait mieux connue.

Une partie du monastère subsiste encore, il en existe une ancienne vue très-curieuse dans la collection du Monasticon gallicanum, que j’ai reproduite dans ma Statistique monumentale du Calvados.

M. Follebarbe, de Beaumont, qui a rendu déjà bien des services à son pays, a eu l’heureuse idée d’élever, dans le bourg, un monument à la mémoire du célèbre mathématicien La Place (12).

Le marché hebdomadaire de Beaumont est un des plus importants du pays pour les bestiaux.

De Beaumont une route excellente nous conduit à celle de Pont-l’Evêque à Trouville, que nous avons suivie dans notre première excursion.

Nous traverserons Roncheville d’où tirait son nom la famille Bertrand, fondatrice de Beaumont ; et, après avoir passé la Touque, nous ne serons plus qu’à 6 kilomètres de Trouville, à la hauteur de St.-Martin-aux-Chartrains.



3e. EXCURSION
DE TROUVILLE A HONFLEUR
PAR CRIQUEBoeUF ET EQUEMAUVILLE.
Retour par la plage jusqu’à Villerville, et par les plateaux depuis Villerville jusqu’à Trouville.

~*~

La plupart des baigneurs viennent à Trouville par le Havre, depuis qu’un service de bateaux à vapeur a été établi entre ces deux villes : ils n’ont donc pu visiter Honfleur, et ce sera pour eux un but de promenade qui occupera agréablement une de leurs journées de loisir.

Il faudra partir de bonne heure, monter vers la forêt de Touques, et suivre la route qui conduit à Honfleur par Criqueboeuf. Avant d’arriver à cette commune, on pourra visiter le château de Villerville, qui appartient à Mme. la vicomtesse de Banville.

L’église de Criqueboeuf est intéressante et pittoresque. C’est un monument de transition, c’est-à-dire qui appartient au XIIe. siècle, époque à laquelle l’architecture se transforma en passant du style roman au style ogival ou gothique. Un lierre couvre une partie des murs de cette église abandonnée, dont nous avons réclamé la conservation et que nous avons fait classer au nombre des monuments historiques du Calvados. Cette église, dont le patronage appartenait au seigneur de la localité au XIVe. siècle, appartenait au chapitre de Cléry dans le XVIe. ; avant la Révolution ce chapitre en était encore possesseur.

Dans la vallée qui se trouve à peu de distance de l’église, on peut observer un gisement considérable de travertin ou tuf calcaire que les eaux de la vallée continuent à former. Elles incrustent encore aujourd’hui les mousses, les plantes, et même les coquilles d’eau douce, mais il est facile de reconnaître qu’elles ont anciennement formé des dépôts beaucoup plus considérables, et que leur puissance incrustante a beaucoup diminué. Partout on observe la même décroissance, et il n’est pas rare de trouver des roches considérables de travertin là où il s’en forme aujourd’hui très-peu. C’est dans la craie que j’ai trouvé le plus fréquemment ces tufs calcaires. On s’en est beaucoup servi pour bâtir au moyen âge dans nos pays, et l’on sait que les Romains ont construit une partie de leurs édifices avec le travertin, dans la campagne de Rome.

La route laisse Pennedepie sur la gauche pour incliner vers Equemauville, commune dont l’église appartenait encore, au dernier siècle, au chapitre de N.-D.-de-Cléry.

A partir du village d’Equemauville, on entre dans la route de Caen à Rouen.

Cette arrivée de Honfleur est magnifique et bordée d’une belle avenue d’ormes.

Honfleur a deux églises : l’une, Ste.-Catherine, est construite en bois, et n’a guère de remarquable que cette bizarrerie. Elle se compose de deux nefs parallèles et accolées, dont l’une, plus ancienne que l’autre, peut dater des dernières années du XVe. siècle ou du commencement du XVIe.

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La tour est séparée de l’église, et se trouve au-delà de la rue qui passe devant le portail occidental.

Le portail de St.-Léonard annonce, par la délicatesse de ses moulures, le XVIe. siècle, tout au plus le commencement du règne de Louis XII. Le reste de l’église a été refait en très-grande partie.

La tour, en forme de cloche, n’est que du XVIIIe. siècle.

On trouvera dans l’ouvrage de M. La Butte, un grand nombre de détails curieux sur l’histoire de Honfleur et sur ses fortifications, dont il ne reste plus que quelques débris.

De grands travaux hydrauliques, dirigés par M. l’ingénieur en chef Tostain, ont sensiblement amélioré le port ; les nouvelles jetées sont à visiter.

Quelques maisons anciennes existent encore à Honfleur, mais, comme partout, le nombre en diminue rapidement. Celle qui suit est la plus intéressante, je crois, de celles qui subsistent. Elle est en bois et conserve encore la plupart de ses moulures, quoique les fenêtres aient été élargies.

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Notre-Dame-de-Grâce, petite chapelle dédiée à la Sainte Vierge et très-vénérée des marins, s’élève au sommet de la falaise qui domine la mer, à l’Ouest de Honfleur. Il ne faut pas oublier de gravir cette éminence ; on jouit de là d’une vue magnifique. La chapelle actuelle n’a point de caractère, elle est d’une architecture peu ancienne.

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Pour ne pas revenir à Trouville par la même route, on pourra suivre les bords de la mer par Vasouy, Pennedepie et Villerville. Là il faudra rentrer dans les terres, car les voitures ne peuvent plus, comme elles le faisaient autrefois, passer sous les falaises de Hennequeville, la mer étant encombrée de blocs de pierre. On devra d’ailleurs, si l’on fait cette excursion, s’informer de l’état de la route jusqu’à Villerville, parce qu’il peut changer d’une année à l’autre. Si l’on faisait cette excursion à cheval, elle n’offrirait aucune difficulté.

Géologie. - L’exploitation des falaises, entre Honfleur et Trouville, est chose facile, et bien des géologues l’entreprennent. En sortant de la ville, sous la côte de Grâce, on voit des couches de craie fortement chloritées, représentant le green sand ou grès vert. La falaise s’abaisse à Vasouy et à Pennedepie, où on commence à trouver très-développée l’argile de Honfleur, avec des fossiles nacrés, décrits par M. Deslongchamps et cités dans ma Topographie géognostique du Calvados. Au-delà de Villerville, l’argile de Honfleur s’élève, et l’on voit surgir graduellement des calcaires appartenant au groupe de l’oolite supérieure, et qui atteignent une assez grande hauteur à Hennequeville. On peut consulter la coupe figurative que j’ai donnée de ces falaises, dans l’atlas de ma Topographie géognostique du Calvados.

L’argile de Honfleur que plusieurs géologues regardent comme identique avec el kimeridge-clay est bleuâtre, grise, rarement jaunâtre ; elle alterne, principalement vers le bas avec des couches peu épaisses d’un calcaire marneux également bleu, au milieu desquelles on remarque quelquefois des concrétions de calcaire compacte jaunâtre.

On voit en outre dans les falaises de Hennequeville et de Villerville, alternant avec les marnes précédentes (principalement vers la partie inférieure) un grès dont la pâte argilo-siliceuse est remplie de globules oolithiques très-luisants, de fer oxidé et qui contient des lignites, des coquilles formant parfois lumachelle et un grand nombre de grains de quartz hyalin jaunâtre dont le volume varie depuis la grosseur d’un plomb de chasse jusqu’à celle d’une noisette. Lorsque les grains de quartz disparaissent, ce qui arrive fréquemment, les couches de grès se changent en calcaire marneux, et se confondent avec l’argile bleue. Ce grès présente aussi des couches d’un grain très-fin, plus dures et plus siliceuses que les autres qui ne contiennent pas de fer oolithique ; elles se lient à un calcaire placé au-dessous de l’argile de Honfleur et que l’on a désigné sous le nom de calcaire de Blangy.

Ces diverses couches se trouvent réunies dans la falaise de Hennequeville, dont on peut esquisser la coupe ainsi qu’il suit :



Les mêmes superpositions pourraient s’observer à l’intérieur des terres, le long des vallées, si les pentes étaient abruptes comme dans les falaises ; mais elles sont, on le sait, très-douces pour la plupart, et les éboulements des couches supérieures sont venus glisser sur les couches moyennes et inférieures. Néanmoins, sur certains points, l’excavation des vallées fournit au géologue des coupes très-intéressantes, indiquant assez nettement l’ordre des différents dépôts.


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SÉANCE TENUE PAR L’ASSOCIATION NORMANDE
à Trouville, en 1849.



QUELQUES NOTIONS
SUR
L’AGRICULTURE DE LA VALLÉE DE LA TOUQUE
ET DES CONTRÉES VOISINES


~ *~

L’Association normande tenait, en 1849, à Trouville, dans la salle de conversation des bains, une séance publique à laquelle assistaient un grand nombre de dames et de personnes distinguées : toutes recueillaient avec empressement des notions sur l’agriculture et la statistique agricole du pays, et la séance offrait un véritable intérêt aux auditeurs.

Persuadé que ces notions n’exciteront pas moins l’attention des baigneurs en 1853 qu’elles ne l’avaient fait en 1849, nous présentons ici le résumé de l’enquête qui a eu lieu sur l’état de l’agriculture.

Exploitation des prairies. - Les prairies de la Touque nourrissent un grand nombre de bestiaux pour la boucherie et seulement quelques vaches à lait.

Les boeufs que l’on met à l’engrais dans les herbages ou prairies d’ambouche, viennent de contrées plus ou moins éloignées, du Cotentin, de la Bretagne, du Maine et du Poitou, quelques-uns même de plus loin. Mais c’est particulièrement aux foires qui se tiennent dans les pays indiqués que les fermiers et les propriétaires du Pays-d’Auge vont acheter les bestiaux maigres. Le pays n’en élève qu’une très-petite quantité par suite des frais que l’élevage entraîne, et parce que les vaches à lait étant relativement en petit nombre, leurs productions deviennent elles-mêmes des vaches à lait, et si ce sont des genisses, et passent à la boucherie au bout de quelques semaines pour l’approvisionnement du pays en veau, si ce sont des mâles.

Sans doute on pourrait élever dans le Pays-d’Auge, si les fermiers y étaient plus soigneux et plus actifs. M. Durand s’est efforcé de les faire entrer dans cette voie, mais il n’est pas probable que d’ici à long-temps on puisse les y déterminer. Ils prétendent qu’ils gagnent plus à convertir en fromage le lait que consomment les jeunes veaux. C’est une question que nous n’avons nullement l’intention de discuter ici.

Les boeufs achetés hors de la Normandie ou les vaches que l’on destine à la boucherie parce qu’elles ne donnent pas assez de lait (vaches dont on achète aussi une partie dans des foires plus ou moins éloignées) sont donc mis au printemps dans les prairies en quantité proportionnée à la fertilité du fond ; cela s’appelle charger les herbages. Pour charger les herbages, c’est-à-dire pour acheter le bétail nécessaire quand l’herbe vient à pousser, les fermiers qui ne sont pas, comme on le dit, au-dessus de leurs affaires, c’est-à-dire qui n’ont pas su amasser une certaine somme d’argent par les bénéfices de leur commerce, sont obligés d’emprunter pour faire leurs foires et ils rendent cet argent quand les bestiaux sont gras et peuvent être vendus pour la boucherie, à Poissy ou sur d’autres marchés.

Jadis la Normandie avait, avec le Nivernais, le privilége à peu près exclusif d’approvisionner Paris ; aujourd’hui, par suite de l’établissement des chemins de fer, qui rapprochent de la capitale les pays d’élèves, les fermiers de ces pays se sont livrés à l’engraissement et font une concurrence sérieuse aux pâturages normands, en même temps qu’ils exigent de leurs animaux maigres un prix plus élevé qu’autrefois.

Un boeuf qui se vend sur pied au marché de Poissy 45 à 50 centimes le demi-kilo, en a souvent coûté 35, maigre. L’herbageur gagne donc 2 sous par livre sur l’animal qu’il a nourri pendant plusieurs mois, quelquefois toute la saison d’été.

Le grand talent des acheteurs de bestiaux est de distinguer ceux qui s’engraisseront le plus facilement et aussi de les placer dans le fond qui leur convient. Tel herbage, d’après l’opinion commune, convient à des boeufs du Contentin et ne convient pas aussi bien à des boeufs du Poitou et réciproquement.

On appelle boeufs d’hiver ceux qui sont engraissés au foin l’hiver, dans les étables, pour être livrés à la boucherie au printemps.

Le produit des vaches à lait consiste en beurre et en fromage : le beurre de la vallée d’Auge serait aussi bon que celui d’Isigny et du Bessin si les fermiers voulaient soigner leurs laiteries et procéder comme on le fait dans l’arrondissement de Bayeux, mais ils ont leur routine dont ils ne veulent pas se départir : par exemple, ils coulent souvent leur lait dans l’appartement où ils font le fromage, ce qui nous paraît d’autant plus mauvais que l’odeur et la fermentation du fromage doivent donner un mauvais goût à la crème.

Dans la séance tenue par l’Association normande, à Trouville, en 1849, M. Durand s’exprimait ainsi :

De quel appareil, de celui représenté par la vache à lait, ou de celui représenté par le boeuf à l’engrais, retire-t-on le meilleur profit ? Je pense que c’est de la vache à lait qu’on retire la plus grande quantité de principes alimentaires. Effectivement, la vache à lait dépensant moitié plus d’aliments et en tirant un aussi bon parti, il s’ensuit que l’on n’a qu’une ration d’entretien pour la vache à lait.

Mais sous quelle forme employer le lait ? Auprès des grandes villes on trouve le débit du lait, et là il se vend 25 centimes le double-litre, 50 cent. aux environs de Paris. Le lait, vendu 25 cent. est vendu moitié moins cher que ne représente sa valeur nutritive ; car, en faisant l’analyse d’un double-litre, on trouve autant de principes alimentaires que dans une livre de viande, qui se vend 50 cent. Mais n’y a-t-il point une forme sous laquelle le lait peut rapporter plus que 25 cent. ? Oui, cette forme est trouvée : c’est le fromage de Camembert ou celui de Pont-l’Évêque. Le jour où ces fromages seront connus au loin, les agriculteurs n’en feront pas assez pour la consommation. Or, pour un fromage de Camembert, il faut un double-litre de lait, et il se vent 50 cent. au bout de quelques mois. Or, une vache, donnant 20 litres de lait par jour, peut donner dix fromages et produire 5 francs par jour ; tandis que le lait vendu dans les conditions les plus avantageuses ne donne que 2 francs 50 cent. Le fromage de Pont-l’Evêque ne peut rapporter moins : avec 6 litres de lait on fait un fromage, vendu de 1 fr. 50 cent. à 2 fr. ; d’où il suit que l’on obtient encore 5 fr., c’est-à-dire moitié plus que le prix du lait, vendu à 25 cent. le double-litre. Il est donc important que l’on encourage et que l’on propage le commerce du fromage de Pont-l’Evêque, et que l’on donne des récompenses à ceux qui y apporteraient des améliorations.

Il ne faut pas croire que le fromage ne puisse se faire que dans certaines contrées, par suite de la diversité des pâturages. Le pâturage peut avoir de l’influence ; mais on l’a exagérée. Ainsi l’on a fait dans divers pâturages de bons fromages de Camembert, ailleurs qu’à Camembert.

Je dis donc que c’est la forme du Camembert ou du Pont-l’Evêque qui est la meilleure.

Le Livarot est fait avec du lait écremé, et vendu immédiatement. Une vache, qui donne 20 litres de lait par jour, fait deux fromages de Livarot, et 750 grammes (une livre et demie) de beurre : ces deux fromages se vendent 50 cent. chacun, maximum ; et une livre et demie de beurre produit 1 fr. 50, ce qui fait 2 fr. 50 cent. ; plus le petit lait que l’on a dans l’un et l’autre cas.

Pourquoi donc fait-on du Livarot ? - C’est qu’on trouve plus facilement le débit, et qu’on l’exporte dans les départements voisins. Sans doute il ne faudrait pas que tous les agriculteurs fissent tout Pont-l’Evêque et abandonnassent le Livarot ; l’important, c’est de provoquer une meilleure fabrication.

Exploitation des terres de labour. - L’arrondissement de Pont-l’Evêque, entrecoupé de coteaux et de vallons, est divisé en deux parties distinctes : l’une, composée de vallées larges et profondes, arrosées par des cours d’eau ; l’autre, de plateaux essentiellement appropriés à la culture des céréales.

La craie, les argiles de Honfleur, le coral-rag et l’oxford-clay, forment, comme on doit le prévoir, des zones agronomiques très-distinctes.

L’agriculture des plateaux ou terres labourées est moins avancée que dans la plupart des autres contrées du département.

L’assolement triennal, avec jachères, est le plus en usage. Il y a quelques exceptions.

La profondeur moyenne des labours est de 0 m. 15 c. environ ; elle est nécessairement déterminée, assez souvent, par la mince épaisseur de la couche arable ; autrefois à peine on égratignait la terre ; il faut, au contraire, labourer le plus profondément qu’il est possible, en piquant jusqu’au sous-sol.

Suivant la nature des terres, on fait des sillons plus ou moins larges. Ils ont de quatre à huit raies. Les petits sillons sont le plus en usage.

On donne cinq labours, pour le blé, sur les plateaux, et quatre seulement dans les vallées. - Plus le terrain est compact, plus il a besoin de labours.

Une charrue, sur laquelle on attèle parfois deux boeufs, et un cheval devant, pour les terres compactes, deux chevaux pour les terrains plus légers, peut labourer 35 à 40 ares seulement dans les terres compactes, 50 à 60 environ dans les terrains plantés en pommiers, et habituellement 80 ares à 1 hectare dans les sols moins difficiles.

On se sert de l’ancienne charrue normande. Sa construction est à peu près partout la même. Toutefois, on emploie exclusivement les charrues légères à versoir en fer pour les terrains de la campagne ou des plateaux, et on en a adopté de plus pesantes, présentant un versoir en bois de frêne ou de pommier, dans les terres très-fortes ou tenaces.

Les variétés de blé cultivées dans l’arrondissement sont :

    Le blé blanc ;
    Le blé rouge.

Le blé blanc est le plus répandu dans une grande partie des campagnes, sur les plateaux. Sa paille est mise au premier rang parmi celles de froment, pour la nourriture du bétail.

On cultive trois sortes d’avoine : rouge, blanche et grise. On sème l’avoine blanche au printemps. L’avoine d’hiver est cultivée dans les communes d’Equemauville et de Genneville. Elle donne un produit plus considérable et meilleur en grain et en paille que les espèces du printemps.

La quantité de blé à employer dans les semailles varie suivant la nature du sol. Il faut, par acre (97 ares 25 centiares), deux hectolitres de blé dans les bonnes terres, - deux hectolitres un quart dans un terrain ordinaire.

La meilleure époque pour ensemencer le froment paraît être le milieu d’octobre ; mais on sème toujours de bonne heure sur les plateaux. Généralement, on commence à semer à la St.-Michel ; il reste très-peu de semailles à faire à la Toussaint.

On change les semences de nature de terrain, c’est-à-dire qu’on emploie à l’ensemencement des terres argileuses les grains récoltés sur les terrains calcaires. Les cultivateurs du canton de Honfleur les font venir des communes de Bonneville-sur-Touque et de Canapville.

La récolte du blé se fait encore à la faucille, quoique l’on commence à faucher.

On récolte environ de 250 à 300 gerbes par hectare. Il faut 12 ou 15 gerbes pour donner 1 hectolitre de grain, pesant, en bonne moyenne, 80 kilogrammes.

Dans les cantons de Blangy, de Cambremer et de Dozulé, il y a des terres qui rapportent jusqu’à 20 hectolitres par hectare. - Le produit des terrains de mauvaise qualité est trop souvent de 12 hectolitres. - L’hectare donne, terme moyen, 16 hectolitres.

Dans plusieurs communes du canton de Pont-l’Evêque (Saint-Martin, Canapville, etc.), le rendement du blé varie depuis 20 jusqu’à 25 hectolitres à l’hectare.

Le canton d’Honfleur ne diffère pas sensiblement de celui de Pont-l’Evêque : pourtant le minimum de la récolte est, pour dix communes de ce canton, de 18 hectol.

Généralement, dans le pays, selon que le sol est médiocre ou fertile, cultivé avec négligence ou avec soin, on trouve le terme moyen entre 18 et 25 hectolitres.

Le poids de l’hectolitre de froment varie de 70 à 80 kil.

Les plantes cultivées dans les prairies artificielles sont le trèfle, la luzerne, le sainfoin, l’ivraie d’Italie ou raygras.

On coupe le trèfle deux fois, et on le fait pâturer ensuite. Il produit à l’hectare de 1,200 à 1,400 bottes environ, chacune pesant 6 kilog. ½.

Le trèfle incarnat n’est cultivé que pour la nourriture au vert. Il rend au moins 5,000 kilog. par hectare.

La luzerne réussit fort bien sur la côte. On la cultive à Bourgeauville, Trouville, Glanville, etc. On n’en trouve pas dans le canton d’Honfleur. Elle dure six à sept ans. On peut en faire trois coupes. Un hectare de luzerne donne 7,000 kilog. de fourrages.

La culture du sainfoin n’est pas très-répandue. Il est cultivé avec succès au Mont-Canisy, sur les buttes de Benerville et de Deauville. On le coupe deux fois. Le grand sainfoin donne 6,000 kilog. à l’hectare, et le petit ordinairement 5,000.

On emploie rarement la chaux dans l’arrondissement de Pont-l’Evêque, parce qu’elle n’y est pas à bon marché. - Son prix est de 1 fr. 50 c. à 3 fr. l’hectolitre.

La chaux est presque toujours mise en compost.

Exceptionnellement, quelques cultivateurs mêlent du fumier à la chaux.

Il faut fumer la terre pour chaque ensemencement.

Depuis un temps immémorial, on se sert, le long du rivage, de varech, de chien de mer, d’astéries ou étoiles de mer, appelées vulgairement fifottes.

En général, on trouve la marne dans les cantons de Cambremer, de Blangy, de Dozulé et de Honfleur. Il y en a de blanche et de grise.

La marne grise a ordinairement un effet prompt, mais qui ne se soutient pas ; la blanche est meilleure que la grise, et son effet dure plus long-temps.

On la dépose sur le sol, en lignes parallèles, par petits tas égaux. On marne tous les 25 ans.

Le marnage diffère beaucoup, suivant les localités.

Dans le canton de Honfleur, on met 300 hectolitres à l’hectare, et même jusqu’à 600.

Dans le canton de Blangy, on emploie la marne jusqu’à concurrence de 40 mètres cubes par hectare, et le sol en a pour 30 ans ; mais, communément, on ne donne qu’un demi marnage, parce qu’il est d’expérience que trop de marne prive d’une bonne récolte, et que ses effets ne deviennent alors sensibles qu’au bout de trois ou quatre ans. Ces marnages se succèdent tous les quinze ans.

Dans le canton de Cambremer, aux environs de Bonnebosq, on croit avoir éprouvé que les fortes doses de marne brûlent les terres et les stérilisent pour quelque temps. Aussi l’usage que l’on fait de cet amendement est d’en répandre 20 mètres cubes par hectare tous les quinze ans.

Le marnage ne dispense pas de fumer.

_________________________________________________________________________________
NOTES :
(1) Pousser.
(2) Et mauvaise.
(3)  E la gent mult d’aler engresse (Se presse) Mss. de Duchesne.
(4) Tombèrent.
(5) Accoutumé, instruit.
(6) Nager.
(7) C’est ce que nous voyons partout. Ravenne, qui était un port de mer au VIe. siècle, se trouve aujourd’hui à 2 lieues de la mer ; de vastes plaines herbées occupent l’emplacement du port où les flottes romaines étaient à l’ancre du temps de Justinien.
(8) J’aurais de longs détails à donner sur la géologie du pays et sur les falaises qui bordent les côtes de Dives et de Trouville ; mais je préfère renvoyer à ma Topographie géognostique du Calvados, qui renferme sur ce sujet plus de renseignements que je ne pourrais en consigner ici.
(9) V. ma Carte géologique du Calvados.
(10) Les ruines du château existent dans un bois, au Sud de la route. (Voir le Ve. volume de mon Cours d’antiquités monumentales.)
(11) V. ma Carte géologique du Calvados.
(12) La Place naquit à Beaumont le 22 mars 1749 ; il est mort à Paris le 5 mars 1837.


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