GADEAU DE KERVILLE, Henri
(1858-1940) : Sur un poussin
monstrueux du genre déradelphe.- Paris : Bureau du Journal,
1897.- pp. 137-138- 1f. de pl.
; 24,5 cm.- (Extrait du journal Le
Naturaliste, 15 juin 1897)
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (20.VIII.2017) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque-lisieux@agglo-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@agglo-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm n.c.) . ~*~ J'ai publié l'an dernier, dans
ce journal (n° du 1er septembre 1896, p. 197), la description et la
figure d'un très-jeune porc monstrueux de la famille tératologique des
Monocéphaliens et du genre Déradelphe ; il s'agit, dans cet article,
d'un poussin appartenant à ce même genre.
L'organisation des Déradelphes est très-remarquable, mais bien connue dans ses traits principaux, ce qui me dispense d'en reproduire ici une description détaillée. Je me bornerai à rappeler que ces monstres sont constitués par deux individus séparés dans leur partie sous-ombilicale, intimement fusionnés au-dessus de l'ombilic commun, et possédant chacun deux membres thoraciques et deux membres abdominaux, les membres thoraciques étant quelquefois réduits à trois chez ces monstres. Les individus composant les monstres déradelphes sont réunis face à face dans leurs parties inférieure et moyenne ; mais, par suite de la déviation, dans leur moitié supérieure, des deux colonnes vertébrales, qui se rapprochent de plus en plus vers leur sommet, la tête unique du monstre est formée par les moitiés externes de la tête des deux individus composants : l'une des moitiés longitudinales de cette tête unique, soit une oreille, un oeil, la moitié du nez, etc., appartenant à l'un des sujets, et l'autre moitié longitudinale à l'autre sujet. Il résulte de ce mode de fusion que — chose importante à faire remarquer — la tête des monstres déradelphes présente une direction latérale. Il est bon d'ajouter que la base du crâne possède : 1° soit un seul trou occipital, plus grand que d'habitude et manifestement formé par la réunion de deux trous occipitaux, où se terminent les deux colonnes vertébrales 2° soit de deux trous occipitaux distincts, comme c'est le cas pour le monstre ici représenté. Le poussin ordinaire en question, qui m'a été obligeamment communiqué par M. René Védie, à Rouen, est à un état voisin du moment normal de l'éclosion, ainsi qu'il est facile de s'en rendre compte sur la figure 1, très-exactement dessinée par mon ami, M. A.-L. Clément. L'état de conservation des organes internes était trop défectueux pour me permettre certaines recherches anatomiques, que j'eusse pu exécuter sur un sujet frais ; aussi ne l'ai-je pas disséqué, afin de ne point sacrifier, à peu près en pure perte, ce fort intéressant spécimen tératologique. Un savant très-connu dans le monde de la photographie, et qui poursuit, avec beaucoup de succès, des travaux radiographiques, M. Abel Buguet, président du Photo-Club rouennais, a fait, de ce poussin, d'excellentes et très-intéressantes radiographies, dont l'une d'elles est représentée par la figure 2. Bien que cette figure ne soit pas, cela va sans dire, aussi nette que l'épreuve radiographique, encore est-il que l'on y remarque de fort intéressants détails. On y voit, à travers la masse abdominale, une partie des os constituant les quatre pattes ; de plus, nettement distinct est le squelette de deux des quatre ailes ; les deux squelettes alaires les plus visibles appartenant : l'un au sujet de droite et l'autre au sujet de gauche. Mais le point particulièrement intéressant, dans cette radiographie, ce sont les deux colonnes vertébrales, qui aboutissent, dans la base postérieure du crâne — évidemment plus large que d'habitude, — à deux trous occipitaux très-nettement séparés. En outre on voit, très-facilement sur la radiographie, moins clairement sur la figure 2, la partie terminale postérieure de ces deux colonnes qui, par leur position et leur torsion, jointes à la position du squelette des quatre ailes et des quatre pattes, font bien comprendre, en l'étudiant un peu, la composition si remarquable des monstres déradelphes. Il serait puéril d'insister, tant cela est évident, sur la considérable utilité de la radiographie dans de fort nombreuses études biologiques ; aussi, tout renseignement sur la manière d'opérer pour obtenir les meilleurs résultats mérite, sans nul doute, d'être publié. Sur ma demande, M. Abel Buguet a eu la grande obligeance de me donner, à cet égard, des renseignements précieux que je reproduis intégralement ici, et pour lesquels je lui exprime ma sincère gratitude : « J'ai obtenu le cliché radiographique en question à l'aide d'un tube Colardeau dont l'anticathode a été maintenue pendant cinq minutes au rouge naissant, à vingt-deux centimètres de la plaque sensible (Guilleminot) sur laquelle reposait le poussin. Le développement a été obtenu, en quelques minutes, à l'aide du révélateur Cristallos, coupé de son volume d'eau. « De nombreuses expériences antérieures m'avaient montré qu'il est impossible d'obtenir des radiographies un peu homogènes d'objets présentant, en divers points, de très-grandes différences d'opacité. C'est, entre autres, le cas des oiseaux, dont les pattes seront déplorablement surexposées avant que le tronc laisse voir quelques détails. « Parmi les artifices qui permettent d'atténuer cette excessive différence d'impression, j'ai, dans ce cas, employé le suivant, qui m'a toujours réussi. « Le poussin que M. Henri Gadeau de Kerville m'a confié était dans l'alcool depuis un certain nombre de mois. Après avoir obtenu, avec l'animal imprégné de liquide, de mauvaises radiographies, je l'ai abandonné pendant longtemps à la dessiccation spontanée. « C'est alors seulement que la radiographie m'a donné des détails suffisants sur la masse du tronc, sans que les pattes aient complètement disparu par surexposition. « La meilleure méthode pour obtenir assez vivement ce résultat, est de plonger l'animal frais dans de l'alcool concentré, jusqu'à déshydratation aussi complète que possible. Il abandonne ensuite rapidement son alcool à l'air. C'est alors qu'il se trouve dans les meilleures conditions pour la radiographie, car les différences d'opacité des diverses régions sont réduites au minimum. » En terminant, il convient de dire que la Déradelphie, très-rare chez l'homme, est une monstruosité relativement assez fréquente chez certains mammifères domestiques, et qui a été constatée aussi chez des vertébrés non domestiques. Toutefois, dans son Histoire générale et particulière des Anomalies de l'organisation chez l'Homme et les Animaux, Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire ne mentionne pas d'oiseaux déradelphes. Fort probablement, il en a été décrit depuis la publication, déjà lointaine, de cet ouvrage célèbre. Quoi qu'il en soit, les oiseaux déradelphes sont, à n'en pas douter, de rares spécimens tératologiques. |