PLUSIEURS écrits récemment publiés sur les haras et les remontes, ont suffisamment démontré les causes de l'abâtardissement de nos races de chevaux, ainsi que la nécessité d'en assurer la régénération par un système mieux entendu que celui qui a été suivi jusqu'à ce jour avec une si fatale persévérance. Toutefois aucun de ces écrits n'a indiqué les moyens de parvenir à ce but. Nous n'avons pas nous-mêmes la prétention de décider ici cette importante question ; nous émettrons seulement quelques idées qui pourront peut-être en aider la solution.
Tant d'intérêts personnels se rattachent à la question des haras, qu'il serait impossible de la traiter sans la dégager préalablement de cette influence, pour ne s'occuper que de son véritable objet, l'amélioration de l'espèce chevaline, considérée sous le rapport matériel des haras, tels qu'ils sont limités aujourd'hui au choix et à l'entretien des étalons. Mettant donc de côté toutes autres considérations, nous indiquerons franchement quel serait, dans notre opinion, le meilleur emploi à faire des fonds accordés chaque année au budget, pour assurer à la France la restauration de ces belles races de chevaux qui ont long-temps prospéré sur son sol, et qui lui étaient enviées par les étrangers dont elle est devenue tributaire sous ce rapport.
On ne peut se dissimuler que l'élève du cheval est de toutes les branches de l'industrie agricole, celle qui exige le plus d'avances, de soins, d'expériences et qui en définitive offre le moins de chances de bénéfices : aussi l'avons-nous vue long-temps presqu'exclusivement dévolue à la grande propriété, dans laquelle il faut comprendre les domaines de l'Etat ou de la Couronne qui, seuls, possédaient autrefois des haras. L'on pouvait peut-être à cette époque confier, jusqu'à un certain point, aux besoins du luxe qui entourait la Cour, les princes et les autres possesseurs de grandes fortunes territoriales, le soin d'entretenir et de perfectionner nos différentes espèces de chevaux. Mais aujourd'hui très-peu de propriétaires pourraient subvenir aux épreuves énormes qu'exige l'établissement d'un Haras, et d'un autre côté, le démembrement des grandes propriétés, en donnant plus d'extension à notre agriculture, a tellement augmenté le nombre des petits éleveurs, qu'ils produisent maintenant la plus grande partie des chevaux qui naissent en France, surtout de l'espèce qu'il conviendrait de multiplier dans l'intérêt des divers besoins de l'industrie et de l'armée, et dont le perfectionnement importe plus particulièrement à l'Etat, comme partie intégrante de l'organisation militaire du pays. Aucune autre partie de l'administration publique ne réclame donc plus d'encouragement ni une plus constante sollicitude de la part du Gouvernement que sa prospérité intéresse d'ailleurs à tant de titres, et nous pensons qu'il serait imprudent d'abandonner sans aucune transition aux chances du hasard, ou de confier au seul calcul de l'intérêt privé, le soin de donner à cette portion si essentielle de la richesse et de la puissance nationales, toute l'extension dont elle est susceptible. Il est du reste indispensable dans l'état de dégénérescence où sont tombées nos races de chevaux, que le gouvernement intervienne par tous les moyens dont il peut disposer pour en accélérer la régénération, en assurant aux éleveurs par des dispositions sagement combinées, les élémens d'une bonne reproduction, et en maintenant pour l'armée un mode de remonte qui assure chaque année concuremment avec les autres besoins du pays, l'écoulement des produits qui, n'ayant point acquis cet ensemble de beauté qu'exige le luxe, peuvent être achetés à des prix modérés pour les divers services militaires ; car ce serait une erreur que de penser qu'on pourra jamais astreindre nos cultivateurs à n'élever uniquement que des chevaux de troupe. Ce système serait évidemment aussi contraire à la bonne reproduction qu'à leurs propres intérêts, et tendrait à propager et à amoindrir encore nos races défectueuses. Ce n'est d'ailleurs qu'en cherchant à produire des chevaux de quelque distinction, que l'on parviendra à mettre à la charge du luxe ou des classes les plus aisées de nos consommateurs, une partie des frais de l'amélioration (1) et que les éleveurs pourront livrer, sans perte, aux remontes de notre cavalerie, des chevaux qui, pour n'avoir pas tout le brillant des premiers, participeront du moins par leur sang d'une partie de leurs qualités, et auront bien certainement plus d'énergie que ceux provenant de race commune.
L'action que peut exercer le Gouvernement sur l'industrie chevaline, étant tout pécuniaire, se trouve nécessairement restreinte dans les prévisions du budget, et il serait injuste d'exiger au-delà de ce qui lui est accordé par la législation pour cette branche de l'administration publique ; aussi avons-nous cru devoir baser toutes nos propositions sur cette allocation, sans en dépasser les limites, et sans imposer à l'Etat d'autres sacrifices que ceux qu'il a jugé indispensable de faire jusqu'ici en faveur de cette partie si importante de notre agriculture.
Nous prendrons, comme cela est généralement adopté, l'Etalon pour élément de la propagation, non que nous pensions qu'il ait plus d'influence que la jument sur le produit de leur accouplement, mais parce qu'il est plus grand producteur et qu'il se prête mieux, par cette raison, à l'exigence de nos besoins et aux intérêts de l'agriculture qui, dans cette matière, doivent être la règle de toutes nos combinaisons. On verra néanmoins dans le développement de nos idées, par l'emploi que nous ferons de nos plus belles jumens, que nous sommes loin de méconnaître la nécessité de leur coopération pour la conservation et l'amélioration des espèces.
En adoptant ce principe de reproduction, tout notre système consiste à pourvoir, autant que les ressources du budget le permettront, chaque localité du nombre d'étalons qui peut lui être nécessaire, pour satisfaire à ses besoins de multiplication, et nous prouverons que le chiffre peut aisément en être élevé à 2000, avec les seuls moyens qui sont mis chaque année à disposition de l'administration des haras, pour l'entretien des 5 ou 600 chevaux qu'elle possède dans ses divers établissemens. Mais il est indispensable, pour atteindre ce but, que le Gouvernement renonce à maintenir la fâcheuse concurrence que ses dépôts d'étalons exercent contre toutes spéculations de ce genre, et qu'il abandonne à l'industrie particulière le soin de pourvoir nos différens départemens, du nombre aussi bien que de l'espèce de chevaux reproducteurs dont ils peuvent avoir besoin, en accordant simplement pour chacun d'eux, ainsi que nous allons l'indiquer, des primes capables d'assurer aux éleveurs ou propriétaires de ces chevaux, non seulement la rentrée de leurs avances, mais encore les bénéfices auxquels ils auraient pu raisonnablement prétendre dans toute autre entreprise commerciale, et qui assurent en même-temps à l'administration supérieure un droit de contrôle que nous croyons nécessaire, encore pour quelque temps, à l'amélioration de nos races.
Nous diviserons nos étalons en deux classes, la première se composera de 1,000 chevaux destinés aux provinces dont les races se distinguent par l'élévation de leur taille autant que par l'élégance des formes, et qui fournissent ordinairement aux remontes de la cavalerie de réserve et des dragons. Une prime annuelle de 600 francs sera accordée pour chacun d'eux sur la production de certificats constatant qu'il a effectué au moins 20 saillies pendant le temps de la monte.
La deuxième en comprendra également 1,000, plus particulièrement destinés à être répartis dans les départemens qui, par la nature de leur sol, le genre ou l'état de leur culture, produisent des chevaux plus communs, moins élevés en taille et qui ne peuvent guère convenir qu'au service de l'artillerie, des équipages, ou de la cavalerie légère. Une prime annuelle de 500 francs serait aussi allouée à chacun d'eux, sous la même condition que pour les premiers.
Nonobstant ce classement qu'on a dû faire à cause des calculs qui doivent en résulter, les chevaux des deux catégories pourront être employés conjointement, partout où les besoins du pays en feraient sentir la nécessité.
Pour maintenir le complet de ces 2,000 étalons que nous supposons devoir être renouvelés par sixième, ce qui exigera par conséquent un remplacement annuel de 166 chevaux de chaque classe, il sera institué une prime d'admission, une fois payée, de 1,200 francs pour la première catégorie, et de 1,000 francs pour la seconde, en faveur de tout cheval âgé au moins de 3 ans (2) présenté pour être employé au service d'étalon, et offrant du reste toutes les garanties d'une bonne reproduction. Ceux de ces chevaux qui auraient atteint leur 4e. année, seront en outre admis immédiatement à la prime annuelle de 500, ou 600 francs, selon la classe à laquelle ils appartiendraient, de manière qu'un cheval destiné à la reproduction rapporterait à son propriétaire à 4 ans, époque à laquelle, dans tout autre cas, il eût du être livré au commerce, 1,900 ou 2,200 francs, suivant sa position de classe et y compris le prix de ses saillies que nous laisserons au libre arbritre du propriétaire, mais que nous croyons pouvoir estimer à 400 fr.
Pour un cheval de 1re classe |
Prime d'admission... 1.200 f. Prime annuelle............ 600 Saillies........................ 400 |
2.200 francs |
Pour un cheval de 2e classe |
Prime d'admission... 1.000 f. Prime annuelle............ 500 Saillies........................ 400 |
1.900 |
Compensations à peu-près égales aux prix les plus élevés accordés par l'administration des haras pour les plus beaux produits de nos races françaises, sans que ces primes puissent être considérées autrement que comme des encouragemens donnés à la reproduction, ni porter aucune atteinte aux droits de propriété que conserve l'éleveur sur son cheval qui acquerra même plus de valeur par l'effet de son admission à la prime.
Pour ne pas rendre cette valeur illusoire dans les mains de nos cultivateurs, et donner autant d'extension que possible au principe de la libre concurrence qui fait la base de notre système, nous permettrons, sous la réserve de certaines conditions, l'émission des étalons dans le commerce, en transmettant aux nouveaux acquéreurs leurs droits à la prime annuelle. De sorte qu'en supposant qu'après avoir été primés comme étalons, quelques-uns de ces chevaux soient vendus immédiatement comme tels aux taux communs des chevaux de distinction, 12 à 1,500 f., ils produiraient à l'éleveur de 2,200 à 2,700 f. et l'acheteur de son côté rentrerait, au moyen de la prime annuelle et des saillies, dans une grande partie du prix d'acquisition.
La vente s'effectuera sous la garantie de la condition expresse que l'animal continuera à être employé comme étalon. A cet effet le vendeur sera tenu d'adresser dans le délai de quinze jours, à l'inspecteur de l'arrondissement, (voir plus loin la composition du personnel) une déclaration de vente, portant la stipulation ci-dessus indiquée, signée de lui ainsi que de l'acquéreur et enregistrée au moins de frais possible. Après avoir reçu cette pièce, l'inspecteur opérera sur son contrôle, suivant qu'il y aura lieu, la mutation ou la radiation du cheval et dans le dernier cas, il transmettra de suite l'acte de vente, accompagné de l'état signalétique de l'étalon, à son collègue de l'arrondissement d'inspection dans lequel il passe : celui-ci devra l'immatriculer et se le faire représenter à la première inspection.
S'il arrivait que contrairement aux clauses de la vente un cheval ne reçût pas la destination qui lui aurait été assignée, ou qu'il restât deux ans sans recevoir de prime annuelle, faute d'avoir produit les certificats de saillies exigés, l'acquéreur serait tenu, solidairement avec le dernier propriétaire, au remboursement de la prime d'admission dont la remise ne pourra toutefois être exigée que sous la déduction d'un sixième pour chacune des années où il aura reçu la prime annuelle.
Tout propriétaire d'un cheval qui aura reçu la prime d'admission et qui, à partir de l'âge de 4 ans, resterait deux années consécutives sans recevoir de prime annuelle, faute d'avoir produit des certificats de saillies, sera également passible de la remise de la prime d'admission qui ne sera définitivement acquise qu'au bout de 6 ans, mais dont le remboursement ne pourra être exigé, ainsi que nous venons de le dire, que sous la déduction d'un sixième pour chacune des années où il aurait reçu la prime annuelle.
La prime d'admission sera définitivement acquise au propriétaire d'un cheval réformé, ou qui viendrait à mourir après avoir été primé ; la mort se constatera par un procès-verbal dressé suivant les formes qu'indiquera l'administration.
Les primes ou portions de primes seront remboursées au profit du trésor et le recouvrement s'en fera par l'entremise des receveurs de l'enregistrement, sur les états appuyés de pièces justificatives, qui seront adressés tous les ans par les inspecteurs, après leur tournée, aux directeurs des domaines des départemens où résident les débiteurs.
Dans l'état actuel de notre agriculture et de notre industrie chevaline, il est indispensable pour assurer et accélérer la régénération de nos races, que le Gouvernement conserve à sa charge au moins 100 chevaux types qui seront d'abord choisis dans tous les dépôts d'étalons existant (3). Il sera réservé chaque année cent mille francs pour leur nourriture et entretien, à raison de 1,000 francs par tête, et de plus alloué pour leur remonte ou remplacement annuel calculé sur un sixième (environ 16 chevaux) une somme de 160,000 francs.
Ces chevaux destinés à saillir environ 4000 jumens, primées à cet effet dans les départemens, jusqu'à concurrence du nombre de saillies réglé pour chacun d'eux, seront répartis selon leur nature et les besoins des provinces dans six établissemens placés, autant que possible, au centre des contrées où ils devront exécuter la monte. C'est de l'accouplement de ces étalons avec nos plus belles jumens que nous espérons faire naître la plus grande partie des chevaux dont nous aurons besoin pour le remplacement annuel des étalons primés qui, par une raison quelconque, seraient mis hors de service (4).
Le choix primitif ou annuel des chevaux types, ainsi que leur répartition pour la monte, devant avoir la plus grande influence sur la propagation, ceux qui en seraient chargés ne pourraient trop s'attacher à bien connaître la nature du sol, l'état et le genre de culture des départemens auxquels ils seraient destinés, afin de n'introduire dans chaque localité que des types propres à satisfaire aux besoins de la reproduction des espèces qui conviennent le mieux au pays, ou qui sont les plus réclamées par la consommation, sans chercher à créer des races dont l'expérience nous a démontré l'inutilité.
Le cheval de course ou de pur sang ne pouvant s'allier aujourd'hui avec quelque chance de succès, à nos espèces communes et dégénérées, nous ne l'admettrons dans nos nouveaux établissemens que par exception pour quelques-unes de nos provinces (5) ; mais nous lui accorderons les primes les plus élevées partout où il serait présenté comme étalon. Celui de chasse, bien membré et fortement constitué peut y être utilement employé en petite quantité ; mais le carossier de trois-quarts ou de demi-sang très-étoffé, fortement membré, léger dans ses allures et de taille assortie à celle des jumens auxquelles il est destiné, doit s'y trouver en grande majorité, comme le plus propre à améliorer nos espèces les plus utiles et à donner aux remontes de l'armée les chevaux qu'elles ont le plus de peine à se procurer.
Le cheval de trait proprement dit servant aux travaux agricoles dans plusieurs de nos provinces de grandes cultures, mais plus particulièrement employé pour le roulage, le hallage des rivières et autres travaux de force, ne devra pas non plus y être oublié : il conviendra même qu'il s'y trouve en nombre suffisant pour satisfaire aux besoins des départemens qui produisent cette espèce non moins précieuse que les premières pour beaucoup de branches d'industrie.
L'achat des chevaux types pouvant se faire à des prix beaucoup plus élevés que ceux que le commerce ou le luxe pourraient offrir pour le même animal, doit être considéré comme un des moyens les plus puissans qu'on puisse employer pour exciter l'émulation parmi nos cultivateurs, et il est sous ce rapport de la plus grande importance qu'il s'effectue autant que possible en France et qu'on n'ait recours à l'achat des chevaux étrangers qu'autant que l'absolue nécessité en serait démontrée. Nous citerons la Normandie comme pouvant dès à-présent fournir des types très-convenables à celles de nos provinces dont les espèces de chevaux pèchent particulièrement par la figure ou le défaut de taille, telles que le Poitou, une partie de la Bretagne, la Franche-Comté, la Picardie, l'Alsace, la Lorraine, les Ardennes, etc.
Reste à faire connaître la composition du personnel de l'administration qui sera peu nombreux, car c'est sur l'économie qu'il présentera comparativement à celui de l'administration actuelle que nous trouverons nos moyens d'exécution.
Nous diviserons la France en six arrondissemens qui auront chacun un inspecteur résidant dans le pays et chargé en même temps de la direction du dépôt des Étalons types, placé dans leur circonscription respective ; un second employé destiné à le remplacer, en cas d'absence, sera attaché comme sous-directeur à chacun de ces établissemens qui passeront simplement un abonnement avec un vétérinaire pour le service de santé.
Un réglement d'administration, simplifié et dégagé d'entraves, mais dont les détails dépasseraient néanmoins le cadre de ce mémoire, déterminera d'une manière positive :
La taille et les qualités qui doivent distinguer les deux classes d'étalons ; les conditions de leur admission aux différentes primes, ainsi que le mode de leur paiement ;
Les garanties que devront présenter les détenteurs de ces sortes de chevaux ; les cas dans lesquels la prime d'admission leur sera définitivement acquise, et ceux où ils devront en faire la remise en tout ou en partie ;
Enfin la forme de la comptabilité et les fonctions que chacun aura à remplir.
Nous indiquerons seulement ici très-succinctement les fonctions qu'il conviendrait d'attribuer aux inspecteurs dans la partie de leur service qui tient à l'ensemble de ce projet.
Le Ministre dans les attributions duquel se trouveraient les haras désignerait, quand il en serait besoin, ceux des inspecteurs qui devraient faire les achats à l'intérieur et à l'extérieur.
Ils seraient particulièrement chargés de la tenue du registre matricule des étalons primés de leur division. Tous les ans avant l'époque de la monte, ils passeraient la revue de ces chevaux réunis à cet effet dans les chefs-lieux de sous-préfecture.
Pour balancer la trop grande influence que l'administration pourrait exercer, au moyen des primes, sur la production d'une espèce de chevaux plutôt que d'une autre (6) et assurer autant que possible à chaque localité le genre d'étalons qui conviendrait le mieux au pays et aux intérêts des producteurs, les conseils généraux des départemens nommeraient annuellement, pour chaque sous-préfecture, une commission de trois membres pris parmi les propriétaires ou éleveurs de l'arrondissement qui s'occupent le plus de l'industrie chevaline. Cette commission s'adjoindrait à l'inspecteur pour l'examen des chevaux reproducteurs et prononcerait conjointement avec lui l'admission ou le rejet des chevaux et poulains présentés pour la prime d'admission, ainsi que le maintien ou la réforme des chevaux déjà primés.
En cas de divergence d'opinion, l'avis unanime de la commission prévaudrait, mais la réunion d'un membre à l'avis de l'inspecteur déterminerait son adoption.
Avant de se séparer la commission désignera un de ses membres résidant pour surveiller la monte des étalons types qui devront servir les jumens dans l'ordre de leur admission à la prime, sans qu'ils puissent, sous aucun prétexte, être donnés à aucune autre. Après la saillie la commission adressera au Préfet, pour être transmis au Ministre compétent (7), un rapport où elle fera connaître les progrès de l'accroissement ou les causes du décroissement de l'élève du cheval dans l'arrondissement ; la nature des chevaux types qui y ont été envoyés ; s'ils ont satisfait aux besoins du pays, sous le rapport du nombre et surtout de l'espèce ; et quelles seraient les améliorations que les circonstances pourraient réclamer.
Les circonscriptions que nous avons assignées à nos arrondissemens d'inspection paraîtront peut-être un peu étendues, mais si l'on considère que les deux tiers de nos départemens ne produisent pas de chevaux et que les étalons se trouveront d'ailleurs réunis dans chaque sous-préfecture, on verra que la tâche des inspecteurs sera facile à remplir. On pourrait même pour faciliter leur examen dans les départemens qui auraient moins de 20 étalons, réunir ceux de plusieurs sous-préfectures sur un point cenral, pourvu que cela n'obligeât pas les propriétaires des divers arrondissemens à faire plus de six à sept lieues pour s'y rendre.
MATERIEL | ||||||||||
Pour prime annuelle de 2,000 Etalons, dont : |
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1,100,000 | ||||||||
Pour prime d'admission de 332 Etalons de remplacement à raison d'un sixième, dont : |
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365,200 | ||||||||
Pour 6 dépots d'Etalons types |
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272,000 | ||||||||
PERSONNEL | ||||||||||
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57,600 | |||||||||
TOTAL |
1,794,800
francs. |
Somme qui ne dépasse pas le terme moyen de ce qui a été accordé chaque année, depuis 18 ans, au budget pour les haras.
On remarquera sans doute que nous n'avons rien demandé pour la première mise des primes d'admission, quoiqu'elles dussent s'élever à 2,200,000 fr. pour 1,000 chevaux de première classe et 1,000 de deuxième, mais la raison en est simple ; en supposant, ce que nous n'osons espérer, qu'on trouve la première année 800 chevaux de deux catégories susceptibles d'être immédiatement admis au bénéfice des deux primes, il resterait assez de fonds libres sur les primes annuelles, pour faire face à celles d'admission, et il en serait de même chaque année, jusqu'à ce que l'on ait atteint le complet de 2,000 étalons qui, avec les 100 chevaux types, formeront un effectif de 2,100 chevaux reproducteurs (8), nombre sans doute encore insuffisant pour les besoins de l'agriculture, mais qui dépasse cependant de près de 1,500 celui des étalons entretenus aujourd'hui par le gouvernement.
On ne trouvera rien non plus dans la récapitulation des dépenses, pour la formation des six établissemens destinés à recevoir les chevaux types qui devront être pris parmi ceux occupés actuellement par les haras ou dépôts d'étalons, en les réduisant suivant les besoins de leur nouvelle destination.
Le revenu annuel du surplus des propriétés de toute espèce formant aujourd'hui le matériel de l'administration des haras, y compris le produit de la vente des chevaux qui ne seraient pas désignés pour faire partie des chevaux types, pourrait être affecté aux paiemens de pensions de retraite ou traitemens de réforme qui seraient accordés à ceux des employés qui n'auraient pu trouver place dans le cadre de la nouvelle organisation dont tous les emplois leur seront réservés sans aucune exception, de façon qu'en définitive le trésor ou les domaines de l'état bénéficieraient à mesure des extinctions, des capitaux et biens fonds formant cette espèce de dotation viagère.
Quelques personnes qui ont écrit sur les haras, ont indiqué les moyens d'arriver plus promptement à la régénération de nos races de chevaux ; mais l'emploi de ces moyens exigerait un tel accroissement de dépense, qu'il est probable que jamais aucune administration ne se décidera à en proposer l'exécution, avant que l'absolue nécessité ne lui en impose l'obligation. Nous avons cherché à éviter cet inconvénient, en nous soumettant il est vrai à des chances beaucoup plus longues d'amélioration, mais aussi en nous bornant autant que possible à nos propres ressources et en réunissant, pour ainsi dire, tout ce qui nous reste d'espèce et de sang pour tâcher d'opérer la restauration de nos races, sans recourir d'une manière onéreuse pour nos éleveurs, aux achats de chevaux étrangers, ni demander à l'état d'autres sacrifices que ceux qui ont été jusqu'ici jugés nécessaires pour encourager la propagation de l'espèce chevaline.
L'adoption de ce système aurait pour résultat immédiat de diminuer considérablement les frais d'administration et de débarrasser le gouvernement d'une grande partie du matériel des haras, tout en augmentant ses moyens de reproduction de près de 1,500 étalons, sans accroître sa dépense et en l'investissant, sans intervention de la loi, d'un droit de contrôle que nous croyons encore utile de lui conserver dans l'intérêt matériel des reproducteurs. Ce mode aurait en outre l'avantage de rendre à leur véritable destination les fonds votés chaque année par les chambres pour l'amélioration de nos races de chevaux, en excitant chez nos agriculteurs, par le véhicule de l'intérêt particulier, l'émulation de cette industrie qui serait la plus sûre garantie de son perfectionnnement. Il offrirait encore le moyen de soumettre les étalons à un travail modéré, aussi nécessaire au maintien de leur santé et à la conservation de leur vigueur qu'un bon régime alimentaire, et les rendrait bien certainement plus aptes à la reproduction que les chevaux de nos dépôts actuels d'étalons qui restent habituellement 47 heures sur 48, attachés à leur mangeoire, et que l'inaction inhérente à l'organisation de ces établissemens rend, pour la plupart, en très-peu de temps impropres à aucun service, ou dispose à tel état de pléthore que bientôt ils ne présentent plus à l'oeil que des masses informes, sans qu'on puisse reconnaître en eux aucun trait de leur race ni ces caractères de force et de vigueur qui constituent la beauté de ce noble animal. Enfin ce serait peut-être le moyen transitoire le plus propre à hâter le moment où l'on pourra abandonner sans inconvénient cette partie si importante de nos richesses agricoles, à la libre industrie de l'agriculture.
Sans doute, à côté de ces avantages on trouvera bien aussi quelques inconvéniens ; mais il s'agit de sortir de l'ornière où nous sommes, pour nous placer d'abord sur la voie des améliorations, et marcher ensuite plus sûrement vers le but.
Nous croyons au reste pouvoir répondre d'une manière satisfaisante aux objections importantes qui nous seraient faites contre se système, sans toutefois nous dissimuler les difficultés qui doivent naturellement entraver sa mise à exécution. Aussi avons-nous long-temps hésité à faire connaître nos idées à cet égard, et ce n'est qu'à la sollicitation d'un assez grand nombre d'éleveurs que nous nous sommes déterminé à leur donner quelque publicité. Nous les livrons sans aucun amour-propre à l'examen des personnes plus expérimentées que nous dans cette matière, et nous serons satisfait si elles peuvent conduire à la moindre amélioration.
Les Éleveurs chargés de la publication :
AUMONT. LE BARILLIER. MEZAISE. SAUVAGE. DAJON. J. VIEL. MARION. J. CHARDON. F. HENRY. ADELINE. DELAPLACE. LONDE. SENECAL. BENARD.
(1) Nous avons entendu souvent les éleveurs de la Normandie se plaindre avec amertume que le peu de chevaux dont la Maison du Roi a eu besoin depuis 3 ans, avaient été achetés à l'étranger, tandis qu'on laissait dans leurs écuries des produits indigènes très-dignes de cette destination, et qui ne le cèdent en rien sous les rapports de la taille, de l'élégance des formes et des moyens, à ceux que la manie des chevaux anglais leur a fait préférer.
Les remontes des écuries du Roi faites directement chez nos éleveurs, auraient sans aucun doute la plus grande influence sur l'amélioration de nos races, en assurant un débouché aux plus belles productions, et il serait à désirer que S. M. et les Princes voulussent bien s'astreindre dans l'intérêt de la prospérité de cette branche si importante de l'agriculture, à n'employer pour leur service que des chevaux français : cet exemple qui ne pourrait manquer d'être suivi par tout ce qui les entoure, remettrait bientôt en vogue ces beaux chevaux d'attelage que fournissent nos provinces, et que la mode seule éloigne des équipages de nos élégans, car le cheval est soumis à ses caprices comme tous les autres objets de luxe, et la décadence de nos espèces les plus distinguées n'est peut-être due qu'à l'engouement dont nous sommes possédés depuis 15 ans pour les chevaux anglais.
(2) Nous avons cru devoir accorder la prime d'admission aux poulains de 3 ans destinés à la reproduction (sans toutefois exiger de saillies) parce qu'il est nécessaire qu'à cette époque l'éleveur soit fixé sur l'emploi qu'il fera de ses divers produits, et que d'un autre côté nous espérons le déterminer par cet avantage à adopter de très-bonne heure pour ces jeunes élèves un régime alimentaire capable de hâter en eux le développement des formes et des autres qualités qui distinguent chaque race et qui doivent constituer l'étalon.
(3) Pour faire emploi de tous nos moyens, on choisirait parmi les étalons restant, ceux qui seraient encore propres à la reproduction, et on les vendrait en les admettant à la prime annuelle de la classe dans laquelle ils seraient placés ; les autres seraient réformés et livrés comme tels au commerce.
(4) Il est bien entendu que les départemens continueront à accorder, comme par le passé, une prime annuelle en argent aux plus belles jumens et que celles qui en auront été l'objet auront droit aux premières saillies gratuites des chevaux types.
(5)Telles que le Merlerault, le Limousin, la Navarre, etc. Nous différons sans doute à cet égard de manière de voir avec beaucoup de nos doctes amateurs qui, ne voyant de chevaux que sur l'hippodrome, voudraient tout sacrifier au noble amusement des courses et par conséquent au pur sang. Mais il nous a paru plus rationnel de chercher à améliorer en même-temps les différentes espèces qui doivent satisfaire tant aux besoins du luxe qu'à ceux de nos diverses industries, et si l'on considère qu'outre les primes que nous attribuons aux chevaux de pur sang, ils ont encore tous les prix accordés pour les courses, on conviendra que leur production est suffisamment encouragée. Au reste nous exprimons notre opinion sans prétendre la faire prévaloir, et s'il était bien reconnu que le cheval de pur sang pût seul opérer la régénération de nos races, notre système n'en resterait pas moins applicable à cette combinaison, en l'adoptant pour type partout où on le jugerait nécessaire.
(6) On reproche avec quelque raison à l'administration des haras de n'accorder de véritables encouragemens qu'à la reproduction des chevaux de selle, et de s'être placée par ce système en dehors des intérêts communs des producteurs et des consommateurs sans le concours desquels aucune industrie ne peut prospérer.
(7) Quelques personnes ont pensé que les haras seraient plus convenablement placés dans les attributions du ministre de la guerre ; mais nous ne partageons pas cette opinion, parce qu'ayant un intérêt trop direct à la production d'une espèce (les chevaux de troupe), il serait à craindre que ce ministre n'employât l'influence que lui donnerait l'administration des haras pour chercher à la multiplier outre-mesure et contrairement aux intérêts des producteurs et des autres besoins de la société. L'action que les dépôts de remonte bien entendus doivent exercer sur la production des chevaux de troupe, nous paraît suffisante pour déterminer dans une proportion convenable, la propagation et l'amélioration des races dont les divers services militaires peuvent avoir besoin.
(8) Quand ce nombre sera complété, on pourra, si la nécessité s'en fait sentir, l'élever à 2,500, sans augmenter la dépense en diminuant 200 francs sur chaque prime d'admission et 100 francs sur chaque prime annuelle qui sont peut-être un peu fortes, mais qu'il convient cependant de maintenir tant que le système ne sera pas bien affermi.