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Pétition de la Commission administrative des Hospices de Lisieux à M. le Préfet du Calvados sur le volume d’eau qui appartient au Moulin des Hospices (1838).
[Pétition de la Commission administrative des Hospices de Lisieux à M. le Préfet du Calvados sur le volume d’eau qui appartient au Moulin des Hospices].-Lisieux : Imprimerie de Pigeon, 1838.- 20 p.-[1] f. de pl dépl. ; 26 cm.

Saisie du texte : S.Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (16.VI.2016)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/
Diffusion libre et gratuite (freeware)

Orthographe (même fautive) et graphie conservées.

Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Norm 40 br).



[Pétition de la Commission administrative des Hospices de Lisieux à M. le Préfet du Calvados sur le volume d’eau qui appartient au Moulin des Hospices]

Pétition de la Commission administrative des Hospices de Lisieux à M. le Préfet du Calvados sur le volume d’eau qui appartient au Moulin des Hospices (1838)

~ * ~


A Monsieur Target,

Préfet du Calvados,

Officier de l’Ordre royal de la Légion-d’honneur,

Les Membres de la Commission administrative
des Hospices de Lisieux ont l’honneur d’exposer :

~ * ~

Une grande contestation qui s’agite depuis deux ans, au sujet de la distribution des eaux, et devant le tribunal de première instance de Lisieux, et devant la cour royale de Caen, entre MM. Labbey, Thillaye-d’Heudreville, et Mme Ve Bordeaux, MM. Girard, Jus et Fourey, est renvoyée devant vous.

Les hospices, jusqu’au jour de leur délibération du 12 avril dernier, qu’ils vous ont adressée (1), n’avaient point élevé la voix, n’avaient pris aucune part au procès. Confians dans les droits que leur assure leur position, puisqu’ils représentent, pour le droit aux eaux, les ÉVÊQUES, dont provient le moulin dont ils sont aujourd’hui propriétaires ; confians encore dans la bonté de la cause que défendaient, et Mme Ve Bordeaux, et MM. Girard, Fourey et Jus, et craignant aussi de se jeter de prime-abord dans un procès, ils sont restés spectateurs de la lutte, sachant bien que si l’issue ne leur était pas favorable, ils pourraient alors parler à leur tour, et réclamer ce qui leur appartient de temps immémorial, l’eau dont jouissait le moulin des hospices avant que les auteurs de MM. Labbey et Thillaye-d’Heudreville eussent construit leurs moulins, et ceux-ci leur usine.

Après l’arrêt de la cour de Caen qui renvoie les parties devant vous, MM. Labbey et d’Heudreville vous ont adressé un Mémoire où on lit, à la première page :

« La rivière d’Orbec se divise, à l’entrée de Lisieux, en deux canaux : le canal de la Ville et le canal de Gacé. En tête du canal de Gacé se trouvent deux usines qui appartiennent aux sieurs Labbey et d’Heudreville ; elles sont désignées sur le plan par les nos I et II.

L’eau qu’elles utilisent s’écoule par le canal de Gacé, est perdue par le canal de la ville.

Vient ensuite l’usine n° III ; elle appartient à Mme Bordeaux ; elle a remplacé un ancien moulin à blé connu sous le nom de Moulin de la rue aux Fêvres. Elle se trouve en tête des usines qui utilisent les eaux du canal de la Ville.

Vous voyez déjà, Monsieur le Préfet, deux intérêts en présence : l’intérêt des usines nos I et II, qui jettent leurs eaux dans le canal de Gacé, et l’intérêt de l’usine n° III, qui marche avec les eaux du canal de la Ville. Les usines nos I et II représentent toutes les usines du canal de Gacé ; l’usine n° III
représente les usines du canal de la Ville. »

Ainsi disent nos adversaires. MM. Labbey et d’Heudreville ne posent pas les faits tels qu’ils doivent l’être : ils établissent en principe que la rivière d’Orbec se divise en deux canaux : le canal de la Ville et le canal de Gacé ; ils mettent ces deux canaux supposés sur la même ligne, et, partant de là, ils demandent pour l’un et pour l’autre un partage égal des eaux, ou à peu près.

C’est là une erreur manifeste. Vous, Monsieur le Préfet, qui avez longtemps habité Lisieux, et qui connaissez l’endroit où, au point E (2), le trop-plein de la rivière d’Orbec s’échappe pour aller rejoindre la rivière de Gacé au point G, ne penserez-vous pas avec nous que le canal qui, aujourd’hui, traverse la Ville, a été fait tout exprès pour les besoins de cette Ville, et les besoins des moulins que les évêques, maîtres absolus dans ces temps-là, avaient établis ; que le déversoir qui existe aujourd’hui au point E n’a été placé là que pour sauver la Ville et ses moulins des inondations, et avoir près de soi, sous la main, les vannes nécessaires à la manœuvre des eaux ? En effet, ce déversoir eût pu être mis à l’endroit où, dans la prairie dite de Beuvillers, se trouvait autrefois le lit de la rivière d’Orbec ; car son lit à travers la Ville, retenant les eaux au moyen de digues élevées, des deux côtés, plus de deux pieds au-dessus du niveau de la prairie, n’est pas un lit naturel : c’est un lit creusé de main d’homme, nous le répétons, et creusé tout exprès pour les besoins de la Ville et des moulins situés dans son enceinte. Le déversoir lui-même, que MM. Labbey et d’Heudreville nomment canal de Gacé, n’est que secondaire, et créé seulement contre les inondations.

Il ne faut donc pas mettre ces deux canaux sur la même ligne, et leur donner la même importance, puisque l’un a été fait pour l’autre, le canal de décharge pour le canal de la Ville.

Au surplus, les auteurs de MM. Labbey et d’Heudreville ne les ont jamais confondus, comme ces derniers ; car, dans la pétition que présentait M. Aubry avant le Règlement de 1810, il ne désignait le canal où se trouvait son usine que par le nom de canal de décharge de la rivière d’Orbec.

MM. Labbey et d’Heudreville écrivent que l’usine qu’ils ont achetée 128,000 fr., sur expropriation de MM. Foubert-Delaize, le 11 janvier 1826, et à laquelle ils ont fait des travaux considérables, représente pour eux un capital de plus de 350,000 fr. ; il est fâcheux qu’avant d’être plus certains de leurs droits, ils aient fait des dépenses aussi importantes ; mais il ne faut pas que, pour sauver ces dépenses, LES DROITS, LA VALEUR des moulins des hospices soient diminués.

Vous avez, sans doute, entendu parler, Monsieur le Préfet, du projet de réunion des hôpitaux de la ville de Lisieux dans le local de l’hôpital général. Ce projet, adopté par la majorité de la commission administrative des hospices, et la majorité du conseil municipal, sera bientôt soumis à votre approbation. Vous y verrez que, pour parvenir à exécuter financièrement ce projet, il est question de vendre le Moulin-à-Blanc, usine n° VII, moulin des hospices.

Il est bien important que le volume d’eau qui appartient aux hospices ne souffre pas de diminution ; car quelques cents litres de plus ou de moins, dans une ville, au centre d’une cité, se vendent au poids de l’or ; et assurément, si on retranchait de la chute d’eau du Moulin-à-Blanc une force de quelques chevaux, on lui ferait un tort immense. En effet, le prix d’une chute d’eau, dans une ville, est en raison directe de sa force et suit une progression toujours croissante. Ainsi, plus on a de force, plus on vend cher à proportion, les frais de premier établissement restant toujours à peu près les mêmes pour celui qui le crée.

Que MM. Labbey et d’Heudreville aient fait des dépenses considérables, cela peut être ; que les hospices aient un intérêt très-grand à avoir le plus d’eau possible, vous le concevez aussi, Monsieur le Préfet ; mais vous tiendrez la balance, et vous la ferez pencher du côté du bon droit, sans égard pour des prétentions mal fondées.

Consignons ici quelques principes que personne ne nous contestera.

L’usine no VII. a été construite autrefois par les évêques de Lisieux, comme l’usine n° III. elle se perd dans la nuit des temps, et est arrivée jusqu’à la révolution de 89, possédée par les ÉVÊQUES, COMTES ET SEIGNEURS TEMPORELS DE LISIEUX.

Ceux-ci auxquels appartenaient les moulins de la Ville, et qui avaient grand intérêt à leur conserver le plus d’eau possible, en créant le petit moulin à foulon (no II.), ne firent que se servir de l’eau qui se perdait par le Canal de décharge. Ce petit moulin fut fieffé à la communauté des marchands de frocs en 1751.

Quant au moulin n° I., il ne fut établi qu’en 1772, et M. de Condorcet, alors évêque, ne lui accorda que la permission de prendre l’eau par une ouverture de 20 pouces de largeur, et encore devait-il cesser de prendre l’eau quand elle manquerait aux moulins de l’évêque. Cela résulte des titres de MM. Labbey et d’Heudreville eux-mêmes.

Dans la décision que vous allez rendre, Monsieur le Préfet, votre vœu sera certainement, non pas de bouleverser et de dénaturer les principales dispositions du règlement de 1810, mais bien de lever les doutes que la cour royale a conçus sur le sens de quelques-uns de ses articles.

MM. Labbey et d’Heudreville reconnaissent eux-mêmes (page 6), que cet arrêté est LA CONSTITUTION, LA LOI de toutes les usines de Lisieux. Ils n’osent pas vous proposer ouvertement de violer cette constitution, et de la remplacer par une autre ; leur conclusion n’a pour but apparent que d’obtenir de vous, soit d’interpréter, soit de compléter le règlement. Ils demandent donc le maintien de cet acte administratif, puisque demander qu’un acte soit interprété, c’est bien vouloir qu’il n’y soit pas porté d’atteinte. Cependant, si, comme ces Messieurs voudraient le faire décider, il n’était accordé à la rivière de la Ville que 7 à 800 litres d’eau, tandis que le Canal de décharge en obtiendrait une quantité de beaucoup supérieure, nous ne craignons pas de dire que ce serait consacrer la subversion du règlement de 1810, le dénaturer dans son texte et dans son esprit, sacrifier les droits de nombreuses usines, les droits d’une ville entière à des prétentions qui ne s’appuient que sur un intérêt particulier.

Comme il s’agit de l’interprétation du règlement du 3 avril 1810, nous le citerons dans ses Articles qui ont rapport à la rivière d’Orbec, ce sont les Articles : I., II., III., IV., V., VI., VII., et XIX.

« Art. I. Le Canal de décharge de la rivière d’Orbec, indiqué sur les plans joints au rapport de l’ingénieur en chef, par les lettres A D, sera maintenu dans son état actuel ; mais pour éviter la trop grande élévation des eaux qui deviendrait nuisible aux propriétaires riverains, le dessus du barrage, qui se trouve au point A (3) sera abaissé de 16 centimètres, et les vannes de ce déversoir seront manœuvrées de manière à empêcher, autant qu’il sera possible, toute espèce d’inondation.

» Art. II. Les titres de concession, la situation et l’ancienneté de l’usine n° III., lui donnant la priorité sur toutes celles qui se trouvent établies le long de la rivière d’Orbec, elle conservera ses vannes dans leur largeur et autres dimensions actuelles.

» Art. III. Cette usine demeure néanmoins assujétie à dépenser constamment, soit par sa vanne de décharge, soit par celle de mouvement, soit par les deux à la fois, une quantité d’eau uniforme, afin que les usines inférieures n’aient point à souffrir de la diminution du volume des eaux.

» Art. IV. Pour régulariser la dépense d’eau utile à ladite usine n° III., on règlera la hauteur dont la vanne sera levée, conformément au volume d’eau nécessaire aux usines d’aval, et dans aucun cas, cette dépense ne pourra être diminuée.

» Art. V. Comme la roue de l’usine n° III. fait mouvoir ensemble ou séparément deux moulins à blé, il y aura variation dans la hauteur dont on levera la vanne de mouvement ; en conséquence, lorsqu’on baissera cette vanne, on levera celle de décharge, de manière à toujours fournir le même volume d’eau, lequel sera déterminé par des expériences dirigées par l’ingénieur de l’arrondissement de Lisieux.

» Art. VI. Les usines nos I. et II. conserveront leurs vannes actuelles ; mais elles ne pourront prendre l’eau qu’autant que la rivière d’Orbec en fournira pour affleurer le dessus du barrage établi au point A ; l’ordre de priorité devant s’établir en raison de l’ancienneté des titres, l’usine no II. aura la préférence sur celle n° I. qui est la moins ancienne.

» Art. VII. Les vannages et les déversions des usines IV., V., VI., VII., VIII. et IX. seront maintenus dans leurs dimensions actuelles ; mais chaque usine sera tenue de dépenser régulièrement l’eau qu’elle recevra, à l’effet de la transmettre en totalité à celle qui lui est inférieure, et d’empêcher en même temps qu’elle ne reflue sous la roue de l’usine supérieure.

» La hauteur du dessus de ces vannages sera déterminée, après des expériences, par l’ingénieur de l’arrondissement.

» Art. XIX. Aussitôt que l’eau viendra à manquer aux usines III., IV., V., VI., VII., VIII. et IX. de la rivière d’Orbec, et qu’elle se trouvera en contrebas du repère du biez supérieur de l’usine n° III., on baissera les vannes de décharge, et même celles de mouvement des usines n° I. et II ; les propriétaires de ces deux usines auront à cet effet, chacun à leur disposition, la vanne du barrage A, afin qu’elle leur serve de décharge en cas de besoin. L’usine n° II. aura, comme la plus ancienne, la préférence sur celle n° I., et sera fermée la dernière. »

Messieurs Labbey et d’Heudreville appellent uniquement, Monsieur le Préfet, votre attention sur l’Article IV : « Pour régulariser la dépense de l’eau utile à ladite usine n° III., on règlera la hauteur dont la vanne sera levée conformément au volume d’eau nécessaire aux usines d’aval, et dans aucun cas cette dépense ne pourra être diminuée. »

« Vous avez, disent-ils (Page 22), un pouvoir discrétionnaire pour combler la lacune qui, selon eux, se présente dans l’arrêté. Aucun droit privé, disent-ils encore, l’arrêt du 22 décembre 1837 le proclame, ne peut entraver l’action administrative. » Nous nous réjouissons que vous ayez ce pouvoir discrétionnaire, car il mettra fin, nous l’espérons, à cet éternel procès.

En isolant l’Art. IV. du règlement de l’ensemble des autres Articles I., II., III., V., VI., VII. et XIX., et en restreignant les besoins de l’usine n° III. aux besoins de l’usine n° V., Messieurs Labbey et d’Heudreville se mettent fort à leur aise, et font bon marché de cet Article IV. en lui donnant l’interprétation qu’ils lui prêtent.

L’Article IV. ne dit pas que la vanne de l’usine n° III. sera levée conformément aux besoins de l’usine n° V. (S’il l’eût entendu ainsi, il l’eût dit ; il ne l’a pas dit, parce qu’il savait qu’il ne pouvait léser les droits de l’usine n° III. et ceux de l’usine n° VII. (Moulin des Hospices (4)). Il  dit au contraire : Que la vanne sera levée conformément au volume d’eau nécessaire AUX USINES D’AVAL.

Pourquoi a-t-il dit aux usines d’aval, et non pas au numéro V. ? C’est qu’il savait bien que le volume d’eau qui arrivait à l’usine Girard était plus considérable que celui qu’elle utilisait, puisque, par suite, le sieur Girard obtint, le 18 août 1810, d’élargir sa vanne de prise de 20 centimètres, et de la porter de 75 centimètres à 95 centimètres de largeur pour dépenser toute l’eau que lui envoyait l’usine no III., eau qui retournait au moulin des hospices.

Donc le règlement n’a pas entendu limiter les besoins de l’usine n° III. aux besoins seulement de l’usine V., mais bien reconnaître les besoins des usines d’aval en général, et ainsi du moulin des hospices n° VII, en particulier.

Si dans l’Article IV., il n’est pas plus que les autres en aval nominativement désigné, c’est qu’on ne prévoyait pas qu’il pût jamais s’élever un doute tendant à diminuer le volume d’eau de la rivière de la Ville, en présence de :

L’Art. II. « Les titres de concession, la situation et l’ancienneté de l’usine no III lui donnant la priorité sur toutes celles qui se trouvent établies le long de la rivière d’Orbec, elle conservera ses vannes dans leur largeur, et autres dimensions actuelles. »

L’Art. III. « Cette usine demeure néanmoins assujétie à dépenser constamment, soit par sa vanne de décharge, soit par celle de mouvement, soit par toutes les deux à la fois, une quantité d’eau uniforme, afin que les usines inférieures n’aient point à souffrir de la diminution du volume des eaux. »

AFIN QUE LES USINES INFÉRIEURES N’AIENT POINT A SOUFFRIR DE LA DIMINUTION DU VOLUME DES EAUX !.......

L’Art. VI. « Les usines n° I et II (l’usine de MM. Labbey et d’Heudreville) conserveront leurs vannes actuelles ; mais elles ne pourront prendre l’eau qu’autant que la rivière d’Orbec en fournira pour affleurer le dessus du barrage établi au point A. »

ELLES NE POURRONT PRENDRE L’EAU QU’AUTANT QUE LA RIVIÈRE D’ORBEC EN FOURNIRA POUR AFFLEURER LE DESSUS DU BARRAGE ÉTABLI AU POINT A !...

L’Art. XIX. (Aussitôt que l’eau viendra à manquer aux usines III., IV., V., VI., VII (moulin des hospices), VIII et IX de la rivière d’Orbec, et qu’elle se trouvera en contrebas du repère du biez supérieur de l’usine n° III, on baissera les vannes de décharge, et même celles de mouvement, des usines no I et II. »

Vous, usines n° I. et II., aujourd’hui usine de MM. Labbey et d’Heudreville, VOUS BAISSEREZ VOS VANNES DE DÉCHARGE, MÊME CELLES DE MOUVEMENT QUAND L’EAU VIENDRA A MANQUER A L’USINE N° VII.  C’est le règlement qui vous le dit, et vous voulez qu’en vertu d’un seul article de ce règlement à qui vous faites dire ce qu’il ne dit pas, on vous admette au partage des eaux !.... Vous allez même plus loin, vous parlez en maîtres, vous n’en donnerez que 7 à 800 litres, mais c’est incroyable !... Vous n’êtes que sur le Canal de décharge, et vous voulez presque vuider le canal principal au détriment des droits acquis, par l’ancienneté et leur position, à des usines autrefois plus importantes que vous !...

En vérité, cela n’est pas admissible.

Il ne faut pas, quand il s’agit d’appliquer un règlement, en isoler un article, et lui faire dire ce qu’il ne dit pas, il faut voir tous ses articles, saisir son ensemble, car une phrase sans celle qui la suit peut présenter un sens différent. Heureusement cet Art. IV., même isolé, ne dit pas ce que lui font dire MM. Labbey et d’Heudreville.

Ainsi se trouve anéantie la première proposition de leur Mémoire, page 13 :

« Aux termes de l’Article IV. de l’arrêté du 3 avril 1810, le droit de préférence, accordé sur les eaux à l’usine n° III., était limité par les besoins de l’usine n° V. »

La seconde proposition est celle-ci, page 21 :

« Si l’arrêté du 3 avril 1810 n’a point réglé l’étendue du droit de l’usine n° III., il est juste de décider en le complétant, que Mme Bordeaux ne pourra prendre, par préférence aux usines I. et II., que le volume d’eau nécessaire aux usines d’aval, à l’usine du sieur Girard. »

La première proposition n’étant pas admise, la seconde se trouve nécessairement écartée, cependant, à l’occasion des développemens qu’elle a fournis à MM. Labbey et d’Heudreville, nous ferons suivre quelques réflexions.

Ces Messieurs répètent (page 22) : « C’est en 1823 et 1825 que l’usine n° II. fut augmentée, à grands frais, par ses propriétaires, elle représente pour MM. Labbey et d’Heudreville un capital de plus de 350,000. » Nous leur répèterons : En supposant que MM. Labbey et d’Heudreville aient fait des frais aussi considérables, il serait fâcheux qu’ils les eussent faits avant de connaître leurs droits, mais pour cela on ne peut leur sacrifier les droits de la rivière de la Ville.

Ils disent encore : « Mme Bordeaux a substitué, en 1834, une immense filature au moulin à blé de la rue aux Fêvres. » Mais qu’importe à MM. Labbey et d’Heudreville que Mme Bordeaux ait substitué une immense filature au moulin de la rue aux Fêvres, si elle ne demande à dépenser que l’eau qui lui appartient légitimement ? Mais qu’importerait à ces Messieurs que les hospices construissent, à la place de leurs moulins, un immense établissement hydraulique, s’ils ne dépensaient que l’eau qui leur appartient ?

Qu’importe la grandeur d’un établissement quand il prend pour pierre angulaire : son droit.

On lit plus bas (page 22) : « Si l’on admet le système de Mme Bordeaux, qu’elle appuie sur deux expériences successives, elle obtiendra de 1,000 à 1,200 litres. La rivière fut jaugée le 29 août 1836, en présence de M. le Président du Tribunal et de toutes les parties intéressées, par M. Granger, dont elle ne récusera pas, sans doute, le témoignage ; elle avoit pour les usines des exposans, pour l’usine  n° III. et les autres usines d’aval, 1,111 litres. »

Il ne faut pas se baser sur ce jaugeage qui fut fait alors, car il n’eut lieu qu’après trois années de sécheresse, et chacun sait combien le volume des eaux diminua partout après les étés de 1834, 1835 et 1836. Des rivières assechèrent presque dans le Calvados. En outre, cette expérience ne fut point répétée. Elle ne fut point faite avec les précautions convenables ; c’était encore au temps où l’on baigne les prairies, et on ne s’assura pas si, au moment de l’expérience, aucune retenue d’eau n’avait lieu en amont par une cause quelconque, par les moulins ou par le baignage.

Mais nous irons plus loin. N’y eut-il habituellement que ce volume d’eau, MM. Labbey et d’Heudreville n’auraient pas droit au partage, car d’après le règlement du 3 avril 1810, Article XIX. : « Aussitôt que l’eau viendra à manquer aux usines nos III., IV., V., VI., VII., VIII. et IX. de la rivière d’Orbec, et qu’elle se trouvera en contrebas du repère du biez supérieur de l’usine n° III., ON BAISSERA LES VANNES DE DÉCHARGE, ET MÊME CELLES DE MOUVEMENT DES USINES Nos I. ET II. »

N’est-ce pas là un règlement de toute force ? MM. Labbey et d’Heudreville, usines nos I. et II., vous devez vous arrêter, si l’eau n’arrive pas suffisamment aux nos III., IV., V., VI. VII., VIII. et IX. de la rivière d’Orbec ; VOUS BAISSEREZ VOS VANNES DE DÉCHARGE, ET MÊME CELLES DE MOUVEMENT. C’est écrit en toutes lettres.

On lit encore au Mémoire de MM. Labbey et d’Heudreville (page 22) : « Voudrez-vous donc, Monsieur le Préfet, sacrifier une usine importante, qui a le droit du préoccupant, qui a la faveur de la possession, à une usine nouvelle ? »

« Le droit du préoccupant !... » Ah ! vraiment, Messieurs, vous n’y pensez pas, vous intervertissez les rôles. Oui, votre usine à filer la laine est plus ancienne de 10 ans que celle de Mme Bordeaux, elle est plus ancienne que celle que créeraient aujourd’hui les hospices. Mais le moulin à friser n° I., mais le moulin à foulon n° II. que représente votre usine, étaient-ils plus anciens que le moulin à blé des évêques dans la rue aux Fêvres, n° III., que le moulin à blé des évêques, dit le Moulin à Blanc, n° VII, appartenant aux hospices ?

Non assurément. C’est pourtant de là, il nous semble, que part le droit du préoccupant.

Nos adversaires disent (page 23) : « Que si la rivière a 1,200 litres Mme Bordeaux, en prenant 800, en aura les deux tiers, et que sa position est excellente quoi qu’il arrive. »

Voilà une fausse manière de présenter la question, et qui pourrait égarer celui qui ne la verrait que sous le jour où la montrent MM. Labbey et d’Heudreville, en disant que la rivière jaugée le 29 août 1836 ne donnait un volume d’eau que de 1,111 litres.

A cette assertion nous avons répondu plus haut, et nous dirons ici : la rivière dans son état normal (c’est ce qu’ont constaté les premiers experts nommés par le tribunal de Lisieux), contient, au moins, deux mille cinq cents litres d’eau. Mme Bordeaux en prenant douze cents qui reviendraient au moulin des hospices, MM. Labbey et d’Heudreville en auraient encore plus pour leur usine que n’en avaient avant 1823 les deux petits moulins qu’elle remplace.

A la page 26, MM. Labbey et d’Heudreville posant en principe que le sieur Langlois, meunier, prédécesseur de  Mme Bordeaux, ne levant sa vanne que de 8 à 9 pouces, ne dépensait jamais, et ne pouvait dépenser, et n’avait droit à dépenser que 650 à 750 litres d’eau, ces Messieurs, disions-nous, tirant de ce fait qu’ils posent comme certain, la conséquence que c’est là le volume d’eau qui appartient aux usines d’aval, commettent une grave erreur. En effet, qu’importe au moulin des hospices, qu’importe aux autres usines, que Langlois ne levât sa vanne que de 8 à 9 pouces. D’abord rien ne prouve cette assertion, Langlois a dit (ou n’a pas dit) 8 à 9 pouces, comme il eût pu dire 12 à 15 pouces. Un on dit est-ce là la limite d’un droit ?

Ensuite, Langlois levait sa vanne, selon qu’il avait plus ou moins besoin d’eau pour le plus ou le moins  de travail qu’il avait à faire, et cela ne préjudiciait en rien à son droit, ni aux droits qu’avait le moulin des hospices à la quantité d’eau qu’il recevait habituellement.

A la page 27, on lit : « Le jugement du tribunal de Lisieux et l’arrêt de la cour ont, au provisoire, accordé à Mme Bordeaux 1,000 litres d’eau.

Elle fait tout ce qu’elle peut pour les dépenser : elle noie les usines et les propriétaires d’aval ; le sieur Girard, n° V, ne peut maintenir l’eau au repère. Deux jugemens du tribunal de police de Lisieux, à la date des 6 et 20 février 1837, l’ont condamné pour ce fait. »

Nous répondons : Il y a encore ici une erreur matérielle. D’abord, le Moulin des hospices n’a qu’à peine de l’eau pour marcher. Ensuite, ces Messieurs, qui prétendent avoir pour eux seuls la presque totalité des eaux, s’appuient sur tous les moyens qui paraissent étayer leur cause, et ils veulent imputer aux 1,000 litres d’eau accordés provisoirement à Mme Bordeaux l’élévation des eaux au-dessus du repére, pour laquelle M. Girard a été condamné.

Vous concevrez facilement, Monsieur le Préfet, que ce ne sont pas les 1,000 litres d’eau qui ont causé cette élévation. Si M. Girard eût tenu sa vanne de décharge toujours exactement levée à proportion de l’eau que dépensait sa vanne de mouvement, cette élévation des eaux n’eût pas eu lieu. En outre, elle est due aussi à quelques usines intermédiaires non autorisées, qui, pour mettre en train, amassent l’eau au moyen de barrages transversaux, et ainsi la font refluer sur les lavoirs voisins.

Ce sont si peu les 1,000 litres d’eau qui causent les noyades dont parlent ces Messieurs, qu’avec 400 litres, et même avec moins, on produirait le même résultat : il suffirait, pour cela, d’abaisser les vannes de M. Girard, et les barrages des usines intermédiaires. De cette façon, l’eau monterait et noierait tout autant les riverains, tandis que, sans les barrages, et M. Girard levant ses vannes à proportion de son travail, il passerait dans la rivière 1,600 litres d’eau, et plus, sans qu’aucun lavoir, sans qu’aucuns riverains fussent noyés.

Ce n’est donc pas aux 1,000 litres d’eau envoyés par Mme Bordeaux que doivent, ainsi que le disent nos adversaires, être attribuées les condamnations de M. Girard, mais bien aux causes que nous venons d’indiquer.

Nous allons vous exposer un témoignage de faits irrécusables, Monsieur le Préfet ; vous les lirez ; vous prononcerez après.

Le 16 avril 1803, sur la demande de M. Aubry, un état de lieux de l’usine de la rue aux Fèvres fut dressé par M. Ménager, ingénieur des ponts et chaussées, « en présence de M. le maire de Lisieux, et des propriétaires des usines inférieures et supérieures, sur le mouvement desquelles les dimensions des déversoirs et pales de mouvement de l’usine de la rue aux Fêvres peuvent influer : tels le citoyen Girard, propriétaire d’un moulin à friser les frocs établi en aval, sur le cours de la rivière d’Orbec ; le citoyen Ménel, conservateur des domaines, représentant le gouvernement, qui est propriétaire d’une usine à moudre le blé, dite le Moulin-à-Blanc, située à l’aval, sur le cours de la rivière d’Orbec ; le citoyen Vimont, propriétaire d’un moulin à fouler les frocs, situé en amont, sur une dérivation de la rivière d’Orbec ; tel, enfin, le citoyen Aubry, propriétaire de l’usine de la rue aux Fêvres, dont il s’agit, et d’une usine à friser les frocs établie, comme celle du citoyen Vimont, en amont, sur une dérivation de la rivière d’Orbec.

Tous ont signé sur les lieux, sans réclamation.

Signé : F. P. MÉNAGER, ingénieur des ponts et chaussées ; NASSE, maire ; Léonard AUBRY ; F. VIMONT. MÉNEL, et GIRARD, tant pour lui que pour ses co-propriétaires, avec observation que le déversoir de l’usine dont il s’agit a été exhaussé il y a environ dix ans, et sous toutes ses réserves à cet égard. »

MM. Aubry et  Vimont, pour leurs usines d’Amont, sont représentés par MM. Labbey et d’Heudreville.

Le 8 mai 1803, dans un rapport de M. Lescaille, ingénieur en chef du Calvados, sur la pétition du sieur Léonard Aubry, on lit que « l’usine à friser les frocs, du citoyen Aubry, et celle à fouler les frocs, du citoyen Vimont, quoique supérieures, ne sont cependant établies que sous la condition de ne prendre que l’eau surabondante de la rivière d’Orbec…………… ; que, de la surélévation du déversoir de la rue aux Fêvres, il ne s’en suivrait pas moins que le moulin à blé de la rue aux Fêvres, étant en activité, dépenserait un volume d’eau suffisant pour les usines inférieures, qui ont besoin d’une moindre force ; l’usine à friser les frocs, du citoyen Girard, établie immédiatement au-dessous de celle de la rue aux Fêvres, a été construite à la place d’un moulin à tan. Evidemment, ces sortes de machines ont besoin d’un moindre volume d’eau que les moulins à blé (ET CELA EST DÉMONTRÉ PAR LE FAIT, PUISQUE L’USINE DU CITOYEN GIRARD TOURNANT COMME IL CONVIENT, IL S’ÉPANCHE CONSTAMMENT UNE CERTAINE QUANTITÉ D’EAU QUE LE BIEZ TROP PETIT NE PEUT CONTENIR), ou tout au plus d’une force équivalente : nous voulons parler du Moulin-à-Blanc, machine semblable à celle de la rue aux Fêvres, et qui suit immédiatement celle du citoyen Girard (5). »

Le 31 mai 1803, M. Caffarelli, alors préfet du Calvados, sur le rapport sus-cité, de l’ingénieur en chef, accorda les fins de la demande du sieur Aubry.

N’est-il pas de toute évidence, d’après ces pièces, que jamais les auteurs de MM. Labbey et d’Heudreville, que jamais les ingénieurs du département, que jamais M. le Préfet d’alors n’ont entendu limiter les besoins des usines à blé A CEUX DE L’USINE GIRARD ? Au contraire, ils proclament que ces machines ont évidemment besoin d’un moindre volume d’eau que les moulins à blé !..... »

MM. Labbey et d’Heudreville se sont bien gardés de parler de ces pièces-là !.....

Qu’on dise, après cela, qu’il faut interpréter l’article IV du Règlement de 1810, comme s’il ne s’expliquait pas lui-même, comme si tous ses articles I, II, III, V, VI, VII et XIX n’étaient pas formels !

Le Règlement de 1810 fut rendu sur les pétitions des bordiers des rivières de Gacé et d’Orbec. Or, on lit dans la pétition des sieurs Robillard, Bourgeois et Bocage, qui se trouvaient sur le canal de décharge, comme maintenant MM. Labbey et d’Heudreville, qu’ils demandaient le surplus des eaux inutile aux établissemens sur la rivière d’Orbec. »

Or, on lit dans la pétition du sieur Aubry, possesseur alors de l’usine n° I, sa demande, tendant à ce que, « lorsqu’on s’occupera du Règlement concernant la rivière d’Orbec, il soit autorisé à faire usage du trop-plein, qui rentrera ensuite dans le canal de décharge. »

Qu’il y a loin du surplus des eaux inutile, du trop-plein demandé alors, au partage demandé aujourd’hui !.....

MM. Labbey et d’Heudreville représentent le n° I, petit moulin à friser les frocs, qui, par son titre, ne possède qu’un petit canal de 20 pouces de largeur, et doit cesser de marcher s’il n’y a pas assez d’eau pour la Ville ; ils représentent encore le n° II, petit moulin à foulon qui, lors de la vente de 1751, ne consistait qu’en un bâtiment de 21 pieds de long sur 20 pieds de large, et en un petit terrain vide de 20 pieds de profondeur sur neuf pieds d’ouverture, et dont, comme on en peut juger, l’importance était de peu de chose, comparativement aux moulins à blé et aux intérêts des propriétaires sur la rivière de la Ville. Dans cette vente, il n’est point parlé de l’eau. On sait que ce moulin se trouve sur le canal de décharge. Eh bien ! n’est-elle pas au moins étrange, la prétention de ces Messieurs, de vouloir, parce qu’ils ont réuni au terrain primitif de vastes terrains qu’ils ont achetés, eux ou leurs auteurs ; parce qu’ils ont construit sur ces terrains une vaste usine ; parce que, pour faire marcher cette usine au lieu d’un canal de 20 pouces et de l’eau qui alimentait le petit moulin à foulon, ils ont établi un canal de dix-huit pieds de largeur ; de vouloir, disons-nous, déposséder la rivière principale au profit du canal de décharge ?

Petits moulins, enfans qui avez grandi, vous voulez dévorer votre mère !..... C’est impossible.

En 1829, les hospices firent reconstruire à neuf leur moulin ; et alors il fut question de traiter avec M. Fournet pour faire une usine importante à la place de ce moulin. Mais, sur les réclamations des boulangers de la ville de Lisieux, réclamations pressantes, et motivées sur l’avantage qu’il y avait, pour la ville, à posséder dans son sein un moulin à blé d’une si grande puissance, il fut décidé qu’au lieu de l’usine projetée, on referait le Moulin-à-Blanc, ce qui eut lieu.

Dans l’ancien système où était monté ce moulin, quoique faisant ses vingt sommes de blé par jour, il ne dépensait pas toute l’eau qu’il recevait de la rivière de la Ville, ainsi que nous l’établissons dans une note de notre Mémoire (page 8).

Lors de la construction, on établit deux tournans ; et, comme il restait encore de l’eau, on fit un troisième coursier par où on la fit passer, et on se proposa de l’utiliser ultérieurement.

La lettre suivante, de M. Granger, ingénieur, indique le volume d’eau qui passait alors aux moulins des hospices :
                       
Louviers, 30 juillet 1836.

Vous me demandez, Messieurs, le volume d’eau que j’ai trouvé aux moulins de l’hospice de Lisieux, lors du jaugeage que j’en fis en février 1829, il se composait de trois écoulemens, savoir :

Les deux roues ;
Une lame par-dessus les vannes de décharge ;
Un déversoir latéral en amont desdites vannes.

Ces trois dépenses m’ont donné alors 1 mètre 40 cubes (1,400 litres) par seconde, et une chute de 1 mètre 33.
       
Recevez, Messieurs, etc.,
Signé GRANGER. »

Nous vous ferons observer ici, Monsieur le Préfet, que déjà en 1829 l’usine de MM. Labbey et d’Heudreville marchait, qu’ils prenaient l’eau de la Ville pour activer leurs machines. Jugez, après cela, du volume d’eau qui passait dans la ville avant que leur usine marchât, alors qu’il n’y avait à sa place que les petits moulins n° I. et n° II. Certes, il était considérable, car il était pour les teinturiers, les laneurs, les tisserands, et autres apprêteurs de frocs et les moulins des évêques.

On ne dira pas que l’eau était en février 1829 considérablement plus grosse qu’en été, car l’administration des hospices, qui faisait faire ces expériences et cherchait à trouver la vérité, n’eût pas mandé un ingénieur pour jauger un volume d’eau accidentel.

De plus, il ne peut jamais y avoir de crues d’eau dans le canal de la Ville, puisque le déversoir aux vannes du Pont-Bouillon est établi pour les empêcher.

Il est un fait physique, qui est à la connaissance de presque tous les habitans de Lisieux, qu’ils attesteraient au besoin, que plusieurs d’entre nous peuvent personnellement attester : c’est qu’aujourd’hui le volume d’eau qui passe dans le canal de décharge, est beaucoup plus considérable que celui qui y passait avant la construction de l’usine de MM. Labbey et d’Heudreville.

D’où vient cette eau ? Elle est prise aux dépens du canal de la Ville, aux dépens de l’usine n° VII., moulin des hospices.

Encore un fait qui vous démontrera ostensiblement, Monsieur le Préfet, que MM. Labbey et d’Heudreville reconnaissent eux-mêmes, au usines de la rivière de la Ville, le droit de prendre toute l’eau dont elles ont besoin de préférence à eux ; c’est que maintes et maintes fois, avant toute contestation judiciaire, la nuit comme le jour, il est arrivé que le meunier des hospices, le sieur Cantrel, lorsqu’il n’avait pas l’eau suffisante pour marcher, allait, sachant qu’on la détournait, à l’usine de MM. Labbey et d’Heudreville, faisait baisser les vannes, et quand il reprochait aux contremaîtres ou à ceux qui se trouvaient là, de prendre l’eau qui lui appartenait ; personne ne voulait convenir avoir levé les vannes, tant on sentait la justesse des plaintes du sieur Cantrel.

Voilà, il nous semble, une reconnaissance bien implicite du droit de priorité des usines de la Ville, de notre usine n° VII. sur celles du canal de décharge.

MM. Labbey et d’Heudreville, vous disent, Monsieur le Préfet, en terminant leur Mémoire, que : « Vous continuerez l’état de choses, que vous confirmerez leur possession. » Non : nous en sommes sûrs, votre justice se refusera à une pareille décision !

Ces Messieurs n’ont pas de possession, nous la méconnaissons formellement, le tribunal de première instance, la cour de Caen, l’ont méconnue comme nous, en accordant provisoirement à Mme Bordeaux 1,000 litres d’eau. Ce qu’ils appellent leur possession, n’est qu’un empiétement sur nos droits. Mais un empiétement contredit, clandestin, ne leur constitue pas un droit.

Vous ne voudrez pas, Monsieur le Préfet, au préjudice des usines qui ont des droits acquis et par leur ancienneté, et par leurs titres, et par leur position, et par l’intention de tous les actes de l’administration du département en 1803, au préjudice de droits reconnus dans leurs pétitions par les auteurs de MM. Labbey et d’Heudreville, et consacrés par l’ensemble des dispositions du Règlement de 1810 (6), vous ne voudrez pas, disons-nous, favoriser l’usine de nos adversaires, à notre préjudice, et consacrer cette spoliation de la fortune des pauvres.

En vain vous répétera-t-on que l’usine de MM. Labbey et d’Heudreville est plus ancienne que celle de Mme Bordeaux, que le Moulin des Hospices : vous saurez remonter à l’origine, et démêler l’erreur d’avec la vérité.

En vain vous demandera-t-on de déclarer que « l’usine n° III ne peut réclamer, par préférence aux usines no I et II, que le volume d’eau nécessaire à l’usine no V, dite le Moulin-à-Tan. » Vous sauverez nos droits, et vous déclarerez que l’usine n° VII (Moulin-à-Blanc) pas plus que l’usine n° III, n’est subordonnée aux besoins de l’usine Girard ; mais, au contraire, que cette dernière doit recevoir de l’usine n° III les eaux utiles aux besoins de celle-ci, et utiles aux besoins du Moulin des Hospices.

Deux expertises, dont la dernière faite par MM. Alcan, Grouvelle et Granger, ingénieurs, lors du procès en première instance de nos adversaires avec Mme Bordeaux, ont reconnu qu’il fallait à l’usine n° III 1,200 litres d’eau par seconde. Nous pourrions, nous, et à juste titre, réclamer davantage ; car nous avons droit à toute l’eau qui passait dans la rivière de la Ville, avant et à l’époque du Règlement, et depuis, jusqu’à l’établissement de l’usine de ces Messieurs, qui alors s’empara de notre eau, et ne la rendait que lorsque nous allions la réclamer. Nous avons non seulement droit, nous vous prions d’y réfléchir, Monsieur le Préfet, à l’eau que dépensait notre moulin, mais encore à l’eau qui passait dans la rivière, de temps immémorial, et que nous n’utilisions pas, MAIS QUE NOUS ÉTIONS MAÎTRES D’UTILISER.

Nous vous demandons, Monsieur le Préfet, de décider que l’usine n° III (Mme Bordeaux), prendra, par préférence, sur les usines n° I et II, au moins douze cents litres d’eau par seconde, qui reviendront au moulin des hospices avec l’eau qui passe par le petit canal dit des Tanneurs, et de cette façon, MM. Labbey et d’Heudreville auront encore plus d’eau que n’en avaient autrefois leurs deux moulins n° I et n° II.

    Nous avons l’honneur d’être, avec respect,

        Monsieur le Préfet,

            Vos très-humbles et très-obéissans serviteurs,

    Les administrateurs des hospices de Lisieux :

        LEROY–BEAULIEU, Maire ;  LEBRET–DUDEZERT,
        DESCHAMPS, FRÉDÉRIC NASSE, A. LEFRANÇOIS.

           BECQUEMONT, Avocat, consulté sur la Réclamation.

Lisieux, le 7 Juin 1838.

____________________________________
Lisieux, imprimerie de PIGEON.


Plan du réseau hydrographique de Lisieux - 1838

NOTES :
(1) Cette délibération fut prise sur un rapport fait par M. Frédéric Nasse.
(2) Voir le Plan ci-joint.
(3) Les plans cités en cet article Ier ne se trouvent plus aux archives de la Préfecture. Nous ne savons pas pourquoi.
(4) La Commission des Hospices est en mesure de prouver, par les meuniers et les boulangers, et une foule de personnes qui se rappellent les lieux avant et à l’époque du Règlement : 1° que le Moulin-à-Blanc faisait vingt sommes de blé par jour ; que l’eau dont il avait besoin, il la prenait par une seule vanne, et qu’auprès de cette vanne il y avait un déversoir par où s’échappait au moins autant d’eau que par la vanne du Moulin, et qu’on eût pu, avec cette eau, en faire un second de la même force. Il passait donc alors beaucoup d’eau dans la rivière de la Ville.
(5) Les originaux de ces deux pièces sont aux archives de la Préfecture du Calvados.
(6) Il est à remarquer que l’auteur du Règlement, M. le préfet Caffarelli, est le même qui a signé le Rapport du 8 mai 1803, dont nous avons parlé, page 15.
       

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