JAMET, Pierre
François (1762-1845) : Second
mémoire sur l'instruction des sourds-muets, ou Nouveau système
de signes, qui a été lu à l'Académie royale des sciences, arts et
belles-lettres de la ville de Caen, le 20 novembre 1821.- Caen :
De
l’Imprimerie de P. Chalopin, 1822.- 75 p. ; 21,5 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (03.III.2012) [Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros] obogros@cclisieuxpaysdauge.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : norm 863bis). SECOND
MÉMOIRE
SUR L'INSTRUCTION DES SOURDS-MUETS ou NOUVEAU SYSTÈME DE SIGNES ; Qui a été lu à l'Académie Royale des Sciences, Arts et Belles-Lettres de la ville de Caen, le 20 novembre 1821, par M. l'abbé JAMET, Membre de cette Académie et de celle de Rouen, Chanoine de Bayeux, et Instituteur de Sourds-Muets. DE L'IMPRIMERIE DE P. CHALOPIN, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE. ____ 1822 SECOND MÉMOIRE
SUR. L'INSTRUCTION DES SOURDS-MUETS, OU NOUVEAU SYSTÈME DE SIGNES. ~*~MESSIEURS,
DANS votre séance publique, du 23 Avril 1820, j'eus l'honneur de vous présenter un mémoire, sur l'instruction des Sourds-Muets. C'était un précis historique de l'origine, des progrès et de l'état actuel de cette science, nouvellement découverte. Aujourd'hui, je viens appeler votre attention sur les signes adoptés dans les différentes écoles, et sur ceux que j'emploie dans celle de Caen ; cette partie intéressante de l'instruction du Sourd-Muet doit attirer nos regards. Les signes sont d'un usage si fréquent entre l'élève et son instituteur, que les simplifier, en rendre l'exécution plus prompte et plus facile, ce serait, sous plus d'un rapport, procurer à l'un et à l'autre un avantage immense. Vous savez s MM., que l'invention des signes est due à M. l'abbé de Lépée. Ce savant avait porté si loin ses recherches, qu'il était parvenu à faire écrire à ses élèves, sous sa dictée des signes, les mots de notre langue qui exprimaient les idées les plus abstraites ; et ses signes étaient si ingénieux, que plusieurs Sourds-Muets pouvaient écrire à la fois, en des langues différentes, ce qu'il leur dictait par le moyen d'un seul et même signe. Il étonna les savans de son siècle, et plusieurs instituteurs, qui prétendaient faire tomber sa méthode, furent contraints d'avouer qu'elle était préférable à la leur. Cependant M. l'abbé Sicard, appelé à succéder à M. de Lépée, trouva les signes de son prédécesseur dans un tel état d'imperfection, qu'il se crut obligé d'en créer de nouveaux. Il va même jusqu'à dire en parlant du dictionnaire des signes de M. de Lépée, dont il recevait le manuscrit : ce dictionnaire était encore à faire, quand l’auteur m'en envoya l'original. (1) Ce besoin, de signes méthodiques engagea M. Sicard à composer un dictionnaire, qui, selon sa pensée, devait fixer la langue des Sourds-Muets, et sans lequel il était à craindre que, pour le malheur de cette classe infortunée, cette nouvelle découverte ne rentrât dans le néant. (2) Cependant, quelque succès qu'ait eu la méthode de M. Sicard, elle n'a point encore atteint le degré de perfection, dont elle est susceptible. Il l'avait senti lui-même. Cet homme, tout à la fois, si savant et si modeste, se demande : (3) puis-je me flatter d'avoir répondu à l'attente publique ? Non, sans doute, puisque je n'ai pu répondre à la miennes. M. Sicard n'a pas seulement le noble courage d'avouer l'imperfection de ses signes ; son amour pour les Sourds-Muets le porte jusqu'à demander, aux instituteurs, le secours de leurs lumières. « Plus j'ai revu mon travail , nous, dit-il , (4) plus j'y ai trouvé d'imperfections. Eh ! qui désire plus que moi de les faire disparaître ? Mais il me faut, pour cela, les charitables conseils des amis de l'humanité et de la religion. Qu'on ne craigne pas, en m'éclairant sur tous les défauts qu'on remarquera, de blesser mon amour-propre. Le désir, le besoin les plus pressants de mon cœur, sont de faire le plus de bien possible aux infortunés que j'ai adoptés ; et ce désir, et ce besoin, j'ose le dire, sont plus grands que ceux d'une vaine gloire. C'est surtout aux instituteurs que j'adresse cette invitation ; c'est d'eux surtout que j'attends ce bon office. » C'est donc entrer dans les vues de M. Sicard lui-même, que de travailler à améliorer le système des signes. Son cœur est trop noble, son âme trop élevée, ses vues trop pures, pour que je craigne de blesser son amour-propre, en cherchant à simplifier des signes, qui doivent être si utiles aux Sourds-Muets, ses enfans adoptifs ; des signes qui ont fait, pendant tant d'années, l’objet de ses recherches et de ses veilles ? D'ailleurs, je n'attaque nullement le système de M. Sicard. Les signes dont il se sert sont nécessaires, et sa théorie nous en offre un grand nombre, dont les pantomimes sont fort ingénieuses. Mais ne connaissant point sa méthode, lorsque je donnai les premières leçons à deux Sourdes-Muettes, je me formai un plan d'instruction tout différent du sien. Je me servis de signes qui n'ont presque rien de commun avec ceux dont il fait usage dans son école ; et j'ai cru qu'il ne serait point inutile de les faire connaître. Ainsi, MM., ne pensez pas, que j'aie la témérité de prétendre m'élever au-dessus de M. Sicard, ou que je veuille déprimer, sa méthode. Personne ne rend plus de justice que moi à ses talens, et sans le généreux aveu, qu'il semble se plaire à renouveler si souvent, de l'insuffisance de ses signes, sans l'appel qu'il fait aux instituteurs, je n'aurais jamais pensé à jeter un regard critique sur son ouvrage. On n'aura donc point à se plaindre de mes observations. C'est lui-même qui les a pour ainsi dire provoquées ; et je vous prie, Messieurs, de croire qu'elles ne sont inspirées, que par le pur désir que j'ai, comme lui, d'être utile à une classe infortunée. Si, en appelant, par mes réflexions, l'attention des instituteurs et des savans sur cette intéressante partie de l'instruction du Sourd-Muet, j'étais assez heureux pour les engager à réunir leurs efforts, et à trouver un moyen plus simple et plus expéditif d'exécuter les signes méthodiques, je me croirais trop payé de mes peines. Car je suis loin de me flatter de porter la méthode que je propose, au degré de perfection, dont elle peut être susceptible. D'autres, plus habiles ou plus heureux que moi, pourront y parvenir. Je voudrais pouvoir l'exposer avec clarté. Mais comment m'exprimer ? Comment jeter assez de jour sur cette matière, pour me faire entendre de ceux de mes lecteurs, qui n'ont point assisté à mes leçons ? Ils ne pourront se faire une idée de mes nouveaux signes. Leur simplicité, la facilité avec la quelle on les exécute, sera pour eux un mystère impénétrable. Comment en effet se persuader, quand on ne l'a pas vu, qu'il ne faille qu'un clin d'œil, pour faire un signe, que je ne puis expliquer que par un long discours ? Au reste, je vais expliquer mon plan, le comparer avec celui que l'on suit dans les autres écoles, et après l'avoir développé, je mettrai quelques uns de mes signes en parallèle avec ceux de ces écoles. Puisse l'aperçu, que je vais en donner, devenir, en d'autres mains, le germe fécond d'un travail plus utile aux infortunés Sourds-Muets ! PRINCIPES
Telle est la différence, qui se
trouve entre, le plan adopté dans l'école de Caen , et celui que l'on
suit dans les autres écoles. Je n'ai pu me déterminer à suivre uniquement le système de ces écoles. Il m’a semblé que des signes, composés d'après ces principes, devaient être compliqués, vagues, difficiles à saisir, longs à exécuter, très-fatiguans pour l'élève. Sans doute, ils sont excellens, pour développer, au Sourd-Muet, le sens et les acceptions d'un mot, qu'il ignore. Je suis loin de les blâmer ; je m'en sers moi-même. Mais un instituteur, qui n'a point d'autres signes, doit perdre beaucoup de temps, et se trouver souvent dans l'impossibilité de communiquer à ses élèves, d'une manière précise, la pensée qu'il veut leur transmettre. J'ai donc cherché un autre moyen de communication, et plus prompt, et plus sûr. Ce moyen de communication manque à la méthode adoptée dans les autres institutions, et cependant il est de la plus grande utilité ; car nous sommes dans une sorte d'entretien continuel avec nos élèves, et lors même que nous leur expliquons le sens d'un mot, qu'ils ne connaissent point encore, n'est-il pas avantageux d'avoir des expressions connues, des signes précis, dont nous puissions nous servir, pour leur faire mieux comprendre notre pensée ? C'est cette espèce de signes, dont j'ai l'honneur de vous entretenir. Pour les former, je suis parti de ce point, qui me paraît incontestable : les signes ne sont point une langue. En effet, le son de ma voix, qui articule un mot, ne peut point s'appeler une langue ; il n'est que la prononciation d'un mot : ce serait une expression inexacte que de dire : la langue des signes, à moins que l’on ne veuille dire aussi : la langue de l'intelligence, la langue de la voix, la langue de l'écriture, ce qui serait absurde. Les signes sont, pour le Sourd-Muet, ce qu'est, pour nous, le son de la voix, dans la prononciation des mots. C'est la parole du Sourd-Muet. Il me semble que nous pouvons appeler, paroles manuelles, les signes qui désignent les mots, comme nous appellerons, parole orale, le son de notre voix, qui les articule. Pour mieux vous développer ma pensée, permettez-moi une réflexion, qui vous la rendra sensible. Dans une langue quelconque, il y a trois choses fort distinctes, et qui ne doivent point être confondues. 1°. Le corps du mot, ou sa forme écrite. 2°. L'acception du mot, ou le sens qu'on y attache. 3°. Le son du mot, ou sa prononciation. Pour savoir parfaitement une langue, il faut posséder ces trois choses. Si j'ignore la première, l'écriture, ou la forme écrite des mots, je ne pourrai m'entretenir, que de vive voix, avec les personnes qui savent ma langue. Tels sont la plupart des habitans de la campagne. Ils entendent fort, bien la langue française, ils la parlent ; mais ils ne peuvent faire aucun usage de l'écriture : c'est, pour eux, une chose tout-à-fait inconnue. Si je connais la forme écrite des mots, que j'en sache la prononciation, mais que j'ignore ce qu'ils signifient, je pourrai les écrire, les exprimer par le son de ma voix ; mais je n'en comprendrai pas le sens. C'est ainsi, qu'en général, les femmes écrivent et lisent le latin ; maïs elles ne peuvent ni exprimer, leurs idées dans cette langue, ni comprendre les personnes qui la parlent. Enfin, si la prononciation des mots d'une langue m'est étrangère, tandis que j'en connais la signification, et que je sais les écrire, je serai semblable à un français, qui, dans la solitude, à l'aide de livres élémentaires, et sans avoir de communication avec qui que ce soit, apprendrait la langue anglaise. Il pourrait traduire. un ouvrage composé en anglais, et s'entretenir par écrit avec les personnes qui parlent cette langue ; mais il serait dans l'impossibilité absolue de communiquer de vive voix avec elles. On ne pourrait pas dire que cet homme ne saurait pas la langue anglaise. Que lui manquerait-il donc ? Une seule chose, le son des mots, leur prononciation. Tels sont les Sourds-Muets, qui, après huit ou dix ans de leçons, sortent des diverses écoles. Ils connaissent, ils écrivent les mots de la langue française, ils en comprennent le sens, ils peuvent communiquer leurs idées par le moyen de l'écriture. Que leur manque-t-il encore ? La prononciation manuelle, je veux dire le signe des mots. Ne perdez pas de vue, MM., que je ne parle ici, que d'après les instituteurs qui suivent le système adopté dans les autres écoles de France. Car ils disent eux-mêmes que leurs signes, je yeux dire leurs pantomimes, n'indiquent jamais les mots, mais seulement les choses. Les élèves, qui sortent de leurs mains, savent donc une langue ; puisqu'ils connaissent les deux premières parties qui la constituent, la forme écrite des mots et leur signification. Ils n'ont besoin que de la prononciation de ces mots ; mais la nature leur a refusé l'organe de la parole, ou plutôt l’usage de cet organe, en les privant d'entendre les sons, qu'ils auraient imités, comme les autres hommes. Ils ne peuvent donc prononcer les mots de la langue qu'ils savent. Les signes, dont je parle ici , suppléent à ce défaut. Ceux de M. de Lépée, ceux de M. Sicard lui-même, n'ont dû être inventés, que pour tenir lieu de cette prononciation. Ils ne sont donc pas une langue. Et comment pourrait-on se persuader qu'ils sont une langue ? Le Sourd-Muet ne les fait que pour exprimer ces mêmes mots, que sa main trace sur le tableau, et que sa bouche ne peut prononcer. Ah ! s'il pouvait parler, s'arrêterait-il à les exprimer si imparfaitement et avec tant de peine, par le mouvement de ses mains ? Sa voix les articulerait, et les pénibles pantomimes seraient à jamais oubliées. Il est donc certain que les signes ne sont point une langue : ils ne sont qu'un supplément, bien imparfait, de la parole. Or, les signes, destinés à tenir lieu de la parole, doivent être simples, d'une exécution prompte et facile. Mais avant d'aller plus loin, fixons l'état de la question. Je distingue deux sortes désignes. Les uns expliquent la valeur d'un mot : les autres servent à le prononcer. Ceux-là sont de longues pantomimes ; il[s] demandent beaucoup de gestes : ceux-ci sont simples. Cependant ils ne sont pas uniquement des signes de rappel ; car ils ont de l'analogie avec la chose qu'ils indiquent ; mais ce ne sont point des pantomimes, puisqu'on les exécute presque tous par un geste unique, qui leur est propre. Les premiers tiennent lieu d'un dictionnaire, auquel on a recours, pour connaître le sens d'un mot et ses diverses acceptions : les seconds remplacent le son de la voix qui articule ce mot. Nous appelons ces derniers : signes indicateurs, signes expéditifs, ou signes d'entretien et de narration. Ils nous servent dans les conversations, et lorsque nous faisons écrire les élèves sous la dictée des signes. Nous les employons encore, quand nous avons des questions à faire à nos élèves, quand nous les interrogeons, ou que nous leur racontons quelques traits d'histoire, etc. Les premiers s'appellent ; signes d'enseignement, pantomimes, ou scènes mimiques. Nous nous en servons toutes les fois qu'il s'agit de donner à l'élève l'intelligence d'un mot qu'il ne connaît point encore. C'est au moyen de ces signes, que nous lui en faisons comprendre le sens, que nous lui en expliquons les différentes acceptions. Ces pantomimes sont souvent fort longues. Elles exigent toujours plusieurs personnages, et un grand nombre de gestes. Par exemple, le mot régner paraît-il, pour la première fois, sous les yeux des élèves ? Alors, nous figurons les prérogatives de la royauté, nous en peignons les attributs. Nous représentons un maître gouvernant en souverain, une vaste étendue de pays. Nous disons, par des signes multipliés, qu'il a seul le droit de faire la paix et la guerre ; que c'est lui qui fait rendre la justice, qui punit les coupables, qui use de clémence envers eux, qui envoie des ambassadeurs aux autres souverains, qui lève des impôts, qui fait battre monnaie, etc.... Telle est la longue pantomime que nous employons, et qu'il nous faut souvent exécuter plusieurs fois, pour faire comprendre, aux élèves, quel est le sens propre du mot régner. Pour leur en faire connaître le sens figuré, nous avons recours à d'autres scènes mimiques, non moins longues que celle-ci. Mais, ces pantomimes ne sont mises en usage, que quand nous rencontrons ce mot pour la première fois, et - qu'il est encore inconnu aux élèves. Dans toute la suite de leur instruction, et lorsqu'il nous faudra converser avec eux, ces scènes mimiques ne reparaîtront plus. Nous ne ferons que prononcer ce mot, par le signe indicateur. Vous voyez donc ici, MM., deux sortes de signes, bien différens : la pantomime ou signe d'enseignement, et le signe indicateur, ou expéditif. Sans la pantomime, l'élève ne comprendrait, pas le sens des mots ; s'il manque du signe indicateur, il ne pourra jamais converser. L'exécution du premier demande un long espace de temps, celle du second est si rapide, qu'il demande souvent moins de temps que la parole même. C'est celui-ci dont nous nous servons dans nos entretiens avec nos élèves. Comme il est expéditif, qu'il ne demande ordinairement qu'un geste, ils l'exécutent avec une rapidité qui étonne. C'est leur parole. Car ces infortunés parlent par les mains, et ils entendent par les yeux. En suivant l'autre méthode, le maître et son élève sont obligés, pour exprimer un mot, de parcourir de très-longues pantomimes. Ces pantomimes contiennent un grand nombre de signes, parmi lesquels il faut en remarquer un, pour l'indication duquel tous les autres sont faits. Mais il en résulte un grand inconvénient. Car le maître est obligé d'employer un long espace de temps à décrire sa pantomime, et l'élève, auquel il parle, est contraint de faire une attention, plus pénible encore, que longue et soutenue, aux divers gestes de son interlocuteur, pour démêler, au milieu de tous ces signes, quel est celui qu'il doit fixer, et dont tous les autres ne sont que les indicateurs. Souvent même il ne peut y réussir. Dans la méthode que j'ai adoptée, toutes ces difficultés disparaissent. Nos signes sont simples, concis. Leur forme est invariable. L'exécution en est rapide. Ils transmettent dans l'esprit de l'élève, l'idée que nous voulons lui donner ; et cette idée lui parvient, exprimée dans les termes précis, qui se présentent à notre pensée. L'organe de la voix ne pourrait l'indiquer d'une manière plus exacte, plus fidèle. J'avais souvent éprouvé, qu'en me servant toujours de pantomimes, nous perdions beaucoup de temps ; que l'élève était sans cesse embarrassé, quand il voulait m'exprimer sa pensée que, dans les circonstances où j'avais quelque chose à lui communiquer, il me fallait recommencer plusieurs fois mes signes, et que, malgré tous mes efforts, j'étais encore quelquefois obligé de lui indiquer, par le moyen de l'alphabet manuel, les lettres du mot dont il devait faire usage. Alors, je pensai que des signes plus simples, plus précis, pourraient nous épargner beaucoup de peines, et nous abréger le travail. Je tentai de réduire les pantomimes à un plus petit nombre de signes. Ce travail ne satisfit pas pleinement mes désirs ; mais il me fit naître cette pensée : que les signes ne sont point une langue, qu'ils ne sont faits que pour suppléer au son de la voix. Bientôt j'en tirai cette conséquence, qui découle naturellement du principe que je venais de découvrir : c'est que je devais renoncer à vouloir tout peindre dans mes signes, et, par une suite nécessaire, ne plus faire le signe des choses, mais le signe des mots. J'ai donc adopté cette marche, et maintenant, lorsqu'il s'agit de converser avec mes élèves, je ne me sers point d'autres signes ; chaque jour j'éprouve combien cette méthode est utile, et les élèves le sentent comme moi. D'ailleurs, en faisant le signe des mots, dont ils connaissent déjà l'acception, ne leur rappelle-t-on pas les choses, que ces mots désignent. Mais en peignant les choses, par des pantomimes, leur indiquera-t-on toujours, d'une manière sûre, les mots dont ils doivent se servir, pour les exprimer ? J'en appelle aux instituteurs, et à leur expérience journalière ; combien de fois n'ont-ils pas vu le Sourd-Muet saisir l'instruction, qu'ils lui donnaient par signes, leur répondre par des signes semblables, avec une précision, qui ne laissait aucun doute, sur la pénétration avec laquelle il avait compris leur pensée ? Combien de fois, dis-je, ne l'ont-ils pas vu embarrassé, pour rendre, par écrit, ce qu'il venait de peindre dans sa pantomime ; dire que l'expression lui manquait, et qu'il ne savait comment écrire, ce qu'il concevait si bien ? C'est qu'en n'admettant que le signe des choses, et en rejetant le signe des mots, le maître peut, sans doute, transmettre à ses élèves ses pensées, ses sentimens ; mais le mot propre, pour les exprimer, le mot dont il veut qu'ils se servent, n'est presque jamais celui qui se présente à leur esprit. Aussi voit-on souvent, dans ces écoles, l'instituteur annoncer que l'élève va rendre une phrase d'une manière, tandis qu'il l'écrit en des termes tout à fait différens. Que dirions-nous, d'un maître qui, dans un collège, défendrait à ses élèves de se servir, en lui parlant, des mots de la langue française, et qui voudrait les assujettir à ne faire usage que de leur analyse, de leur définition ? Et pourquoi voudrait-on asservir le Sourd-Muet à suivre cette marche lente et pénible ? Cet infortuné ne pourra-t-il donc jamais, comme nous , exprimer sa pensée par les mots d'une langue ? Lui faudra-t-il toujours se traîner à pas lents, et ne manifester les mouvemens et les affections de son âme, si souvent expansive et bouillante, que par de longues et fatiguantes pantomimes. J'ai essayé de venir à son secours et de le débarrasser de ces entraves. J'ai fixé, d'une manière précise, les signes d'un grand nombre de mots. Je lui ai montré cette prononciation manuelle. Aussi la saisit-il avec avidité. Aussi le voyons-nous, dans ses conversations les plus vives, les plus animées, abandonner toutes ces pantomimes tardives, pour les signes des mots, qui, sous sa main, deviennent un véhicule rapide de ses pensées. Comme ses avides regards se fixent sur nos mains, lorsqu'au moyen des signes indicateurs, elles font passer dans son âme, les idées et les sentimens, que nous voulons lui transmettre ! Comme son œil s'anime ! Avec quelle étonnante vivacité ses mains nous répondent et parlent à nos yeux ! Souvent il nous est difficile, impossible, de suivre la rapidité de ses mouvemens. Mais s'il ne connaît point nos signes expéditifs, s'il est réduit à se servir de scènes mimiques, pour nous peindre les choses, qu'il ne peut exprimer par le signe des mots, son regard se ralentit, sa figure s'attriste ; la crainte de ne point être compris lui cause un saisissement, une anxiété, qui le déconcerte, et nous fait souffrir nous-mêmes. Nos signes sont donc dans la nature, Plus nous les rendrons simples, plus nous abrégerons le travail, plus nous aiderons l'élève, et plus nous le mettrons à portée de communiquer, avec son maître et ses semblables, par un moyen sûr, prompt et facile. Mais pour atteindre un but si désirable, il ne suffisait pas de créer des signes simples et d'une exécution aisée. Je devais encore leur donner une forme fixe, invariable. Il fallait que tous pussent les faire de la même manière. Que sous la main de l'élève, comme sous celle du maître, ils fussent invariablement exécutés par des mouvemens convenus, qui ne pussent être ni échangés, ni confondus avec aucun autre. Souvent j'ai remarqué que, si l'élève ne saisissait point l'expression propre, que le maître voulait lui faire entendre, ce défaut ne venait pas seulement de la longueur des pantomimes, et de la multiplicité des signes dont elles étaient composées ; mais bien plus encore, peut-être, de ce que ces pantomimes n'avaient point une forme invariable et fixe, que tous pussent exécuter par les mêmes signes. Nous en trouvons un grand nombre dans la théorie des signes, qui nous offrent cette espèce de vague, et qui laissent, à celui qui les décrit, le choix des signes dont il doit se servir, en les exécutant (11). Si, dans les diverses langues, les mots n'avaient pas une prononciation fixe et toujours la même, un son propre et convenu, comment les hommes, qui parlent ces langues, pourraient-ils se faire entendre ? Si, dans l'articulation des mots de la langue française, chacun était libre de donner aux syllabes telle inflexion de voix, qu'il jugerait convenable ; enfin, si nous prononcions les mots chacun d'une manière différente, comment pourrions-nous comprendre ce que les autres nous diraient ? Comment, par exemple, vous ferais-je entendre que c'est le nom de la ville de Paris, que je prononcerais, si ma bouche articulait des sons différens de ceux que l'on a coutume de faire entendre, en le prononçant ; si, au lieu de dire Paris, je disais piras, paros, ou que tel autre son de voix quelconque frappât votre oreille ? N'y aurait-il pas sans cesse confusion ? Ne serait-ce pas une véritable Babel ? Mais si nous faisons nos signes, tantôt d'une manière , tantôt d'une autre, s'ils n'ont pas toujours, et pour tous, une forme fixe, n'en sera-t-il pas de même pour l'infortuné Sourd-Muet ? Comment nous entendra-t-il ? Nos signes ne sont-ils pas, pour lui, ce qu'est, pour nous, le son de la voix, dans l'articulation des mots ? Un des caractères les plus essentiels, que je devais imprimer aux signes des mots, c'était cette forme fixe, invariable, je dirais presque cette forme immobile, qui, dans aucune circonstance, et sous la main de qui que ce soit, ne doit jamais changer, jamais être remplacée par un autre signe quelconque. Mais si les mots présentent des acceptions diverses, les signes, qui les désignent, ne prendront-ils pas aussi des formes différentes ?.... Non, sans doute. Jetons un coup-d'œil attentif sur la question que nous traitons. De quoi s'agit-il ? N'est-ce pas des moyens de communication avec le Sourd-Muet ? Quel est celui qui lui manque ? La parole. C'est donc cette parole à laquelle il faut suppléer. Si le Sourd-Muet pouvait se servir de l'organe de là parole, que ferait-il ? Il prononcerait les mots. Or sa prononciation varierait-elle, à mesure qu'un mot quelconque présenterait une nouvelle acception ? Le son de sa voix, dans l'articulation de ce mot, ne serait-il pas invariablement le même, pour toutes ses acceptions, quelque nombreuses qu'elles fussent ? Le signe, qui remplace le son de la voix, doit donc garder la même règle. Il doit être également le même, pour exprimer un mot, quelles que soient, et ses acceptions diverses, et les circonstances dans lesquelles il peut se trouver employé. La forme écrite des mots ne change point, lorsqu'ils offrent des acceptions différentes. Ils conservent toujours, et la même orthographe sous la plume, et le même son de voix dans notre bouche. Pourquoi, sous la main du Sourd-Muet, ne conserveraient-ils pas aussi toujours la même forme ? Pourquoi ne seraient-ils pas, pour lui, des signes de rappel, comme ils le sont pour le reste des hommes ? Certes, je ne vois pas quelle pourrait être la différence. J'ai donc cru ne devoir admettre qu'un signe unique, pour chaque mot de notre langue, même pour ceux qui ont le plus d'acceptions diverses. Quoique le mot naturel ait plusieurs acceptions, nous l'écrivons, et nous le prononçons toujours, de la même manière. Se méprend-on pour cela, sur le sens qu'il doit avoir, dans les diverses circonstances où il se trouve employé ? Pourquoi le Sourd-Muet ne distinguerait-il pas, comme nous, le sens qu'on y attache ? Ne suffit-il pas qu'il sache que ce mot peut être pris en divers sens ? la phrase, où il le rencontrera, ne lui indiquera-t-elle pas celui qu'il doit avoir ? Si notre signé est bien fait, s'il exprime la principale acception de ce mot, c'en est assez. La vue du signe, qui frappera ses regards, lui fera comprendre le sens dans lequel il doit l'entendre, beaucoup mieux que le son de la voix, qui frappe notre oreille, ne nous le rappelle à nous-mêmes. Car ce-signe a de l'analogie avec la chose, qu'il indique, et le son de notre voix n'en a aucune. Je ne puis trop le redire, il ne nous faut point de signes de rappel, étrangers à la chose qu'ils indiquent. Ils se classeront plus facilement dans la mémoire du Sourd-Muet, ils lui deviendront plus utiles, si, en les créant, on a saisi le point caractéristique de la chose indiquée. La mémoire du Sourd-Muet ne doit-elle pas être soulagée, lorsque le signe a de l'analogie avec la chose, dont il est l'indicateur, et que la chose rappelle par elle-même le signe, par lequel on doit la désigner ? J'avais d'abord essayé d'imiter, dans mes signes, la manière des Tachygraphes. Comme ils n'écrivent point les mots, et qu'ils ne font que peindre le son des syllabes, les caractères, dont ils se servent, sont peu nombreux. En suivant cette marche, je n'aurais eu qu'un petit nombre de signes à trouver. Mais ces signes laissaient trop d'incertitude dans l'esprit de l'élève. Ce n'était qu'après une réflexion pénible, qu'il pouvait deviner ce que je voulais lui faire entendre. Ma pensée ne se présentait point à lui, avec cette promptitude et cette netteté, que je désirais. Je tombais dans un écueil, plus dangereux encore peut-être, que celui que je cherchais à éviter. Car, si les longues pantomimes font perdre à l'élève beaucoup de temps, si elles ne lui indiquent point l'expression, dont il doit se servir, du moins elles développent, à ses yeux, la nature ou l'analyse de la chose qu'elles représentent. Il conçoit cette chose, il l'entend. S'il se trompe, ce n'est que sur le mot qu'il doit employer, pour rendre sa pensée. Mais les signes Tachygraphiques ne lui présentaient que de vaines formes, sans lui rappeler ni les choses, ni même les mots ? qui devaient les exprimer. J'ai donc abandonné, en conversant avec le Sourd-Muet, et la pantomime, qui, par sa longueur, nous enlevait un temps précieux, et le signe Tachygraphique, qui, sans analogie avec la chose, dont il devait rappeler le souvenir, laissait flotter l'esprit de l’élève dans le vague, et ne lui peignait que des syllabes vides de sens. J'ai fait le signe des mots, et j'ai pris pour règle invariable, de chercher, dans la chose exprimée par ces mots, le point qui la distinguait de toute autre, pour en faire la base de mon signe. Il me restait encore un pas à, faire, pour avoir des signes d'un usage commode, et qui pussent se classer facilement dans la mémoire du Sourd-Muet ; je devais, pour ainsi dire, les grouper, et rattacher, à un signe radical, tous ceux qui indiquaient les mots dérivés d'une souche commune. Il fallait leur donner un air de famille, qui montrât l'espèce à laquelle ils appartenaient, et cependant imprimer à chacun d'eux une marque distinctive, qui ne permît pas de confondre les individus. Ainsi, tous les dérivés d'un verbe devaient avoir, pour signe radical, le signe même de ce verbe, et une nuance légère devait les caractériser assez, pour que le Sourd-Muet pût les distinguer entr'eux ; ce signe caractéristique doit indiquer, au Sourd-Muet, celui des dérivés qu'il désigne, aussi fidèlement que le son de la voix nous le fait entendre à nous-même ; il doit être, en même-temps, d'une exécution assez facile, assez prompte, pour ne retarder en rien la marche des signes. Il en était de même des mots composés. Dans les autres institutions, les prépositions, qui les forment, ne s'expriment point. On est forcé de faire autant de pantomimes qu'un verbe peut recevoir d'acceptions, par la combinaison des différentes prépositions. Ainsi le verbe poser, qui, par son union avec un grand nombre de ces prépositions, éprouve, dans sa forme, près de vingt métamorphoses, a, pour les élèves de ces écoles, un nombre prodigieux de pantomimes ; et ces pantomimes sont toutes étrangères les unes aux autres. J'avoue que le Sourd-Muet n'a pas besoin de toutes les acceptions de ce verbe. Elles s'élèvent, pour le moins, au nombre de cent cinquante. Mais la plupart lui sont nécessaires. Ne serait-il donc pas très-utile que l'instituteur pût employer des signes, qui, en indiquant les divers changemens, que ce verbe éprouve dans sa forme physique, et se rattachant les uns aux autres, par le signe radical, qu'ils conserveraient toujours, soulageraient la mémoire de l'élève, et lui aideraient à se rappeler les différentes acceptions de ce verbe ? Pour moi, MM., il m'a semblé très avantageux d'exprimer ces prépositions dans les signes. Dans le langage ordinaire, elles sont souvent employées, avec élégance, à former différentes parties du discours. Comme les signes ne me paraissent avoir d'autre objet, que de suppléer au son de la voix, qu'ils ne sont que la prononciation des mots, j'ai cherché à exprimer les prépositions, par un mouvement qui fit partie du signe indicateur du mot, auquel elles se trouvent attachées. Toutes les langues, anciennes et modernes, font un grand usage de ces prépositions. Le grec, l'hébreu lui-même, nous en offrent des exemples fréquens. Dans cette dernière langue, la plus ancienne du monde, on trouve beaucoup de mots de deux ou de trois syllables, qui, ayant pour élémens un verbe et quelques prépositions, renferment un sens, que l'on ne peut rendre dans aucune autre langue, sinon par une phrase de plusieurs mots. Parmi les langues modernes ; il n'en est aucune, qui n'ait conservé l'usage d'employer ces prépositions. Personne n'ignore quelle énergie, quelle richesse elles donnent à la langue anglaise, et plus encore peut-être à la langue allemande : l'italien, l'espagnol, et le français lui-même, ne doivent-ils pas, à leurs composés, une partie de leur grâce, de leur force et de leur élégance ? C'était donc, non-seulement abréger le nombre des signes, que de faire entrer ces prépositions dans leur formation ; c'était encore les rendre plus expressifs : c'était aussi venir au secours du Sourd-Muet, dont on soulageait la mémoire, en donnant, à tous les composés d'un même verbe, un air de famille, qui les rangeait dans la même classe ; c'était lui donner l'esprit d'analyse, sans lequel il ne peut, ni faire de progrès solides dans son instruction, ni entendre la finesse et la beauté des mots composés. Ce genre de signes plaît beaucoup à nos élèves, ils s'en emparent avec une sorte d'avidité, et leur mémoire les garde plus fidèlement que les autres signes. C'est pour eux une sorte de bonheur, lorsqu'ils peuvent en rencontrer quelques-uns. Que l'on ne craigne pas qu'ils se méprennent sur le sens de ces mots composés. L'expérience journalière me prouve qu'ils saisissent facilement l'explication qu'on leur en donne, et que le signe indicateur leur en rappelle la signification, avec autant de certitude, et plus de précision, que ne pourrait le faire la longue pantomime, dont on s'était servi, pour leur en donner la connaissance. D'ailleurs, ils n'ont aucune peine à écrire, sous la dictée de ces signes, les mots que l'instituteur veut leur dicter. Si jusqu'ici, l'on n'a pu, sans employer le secours de la pantomime, réussir à faire écrire aux élèves les mots composés ; si, par exemple, au lieu d'écrire, sous la dictée de l'instituteur, les mots : comprendre, devenir, surmonter, etc., ils n'ont pu tracer que ceux-ci : prendre avec, venir de, monter sur, etc., c'est que l'on manquait, en leur dictant ces mots, d'un signe propre, et qui, dans sa forme, renfermât ce qui convenait, pour indiquer la préposition attachée au mot qu'ils devaient écrire. Certes, il ne faut pas que le signe partiel, indicateur de la préposition, soit isolé. Il doit faire partie intégrante du signe total, par lequel on désigne le mot, qui lui sert de base. Comme les prépositions, prises séparément, n’ont qu'une acception, et que quelques-unes d'entre elles n'ont même aucun sens, lorsqu'elles sont seules, et détachées du mot, qu'elles accompagnent et qu'elles modifient, ce serait manquer son but, que de se servir, pour les désigner, d'un signe isolé, qui ne ferait point partie de celui qui indique le mot , auquel elles appartiennent. Tel est, MM., le plan que j'ai suivi, dans la formation des signes. Persuadé qu'il ne suffit, point au Soud-Muet d'avoir l'intelligence des mots de la langue qu'on lui enseigne, et qu'il faut encore lui apprendre la manière de s'en servir, pour communiquer ses idées, j'ai cherché ce moyen, et je crois l'avoir trouvé dans un système de signes, basé sur les règles que je viens d'exposer. Nous avons donc deux sortes de signes les uns sont méthodiques, assujettis à des règles sévères, et ne peuvent être exécutés que d'une seule manière. Ils sont expéditifs, et propres pour une narration quelconque. Les autres ne sont assujettis à aucune règle, et ne, peuvent être appelés méthodiques ; ils n'ont rien de fixe, et s'exécutent de mille manières différentes : ce sont les pantomimes. Ces signes sont compliqués, demandent, pour leur exécution, un long espace de temps ; et font connaître la chose, dont on veut donner l'idée, plutôt qu'ils n'indiquent le mot qui doit servir à la nommer. Ces derniers ne forment point un système, ne sont point liés entr'eux. Je ne sais pourquoi on leur avait donné le nom de langue, en les appelant la langue des signes. Ce n'est pas que je veuille donner, aux signes expéditifs, le nom de langue ; car des signes ne sont point une langue, je l'ai déjà dit : ils ne sont qu'un supplément de la parole, dans l'articulation des mots. Ce sont ces signes expéditifs, dont le Sourd-Muet se sert, pour converser avec son instituteur : ils ne peignent pas tout, ils n'analysent pas le mot, dont ils sont indicateurs ; ils ne font que le désigner, comme le son de la voix, qu'ils remplacent. Mais si le Sourd-Muet doit avoir l'intelligence des mots, dont il fait usage, doit-il en donner la définition ? Doit-il en faire l'analyse, toutes les fois qu'il s'en sert ? Je laisse aux personnes judicieuses à prononcer ; pour moi, j'en appelle à l'expérience, et je ne tiens à mon système, qu'autant qu'elle prouvera qu'il peut être utile. PARALLÈLE
Des signes de l’institution de Caen , avec ceux des autres institutions.
Il me serait facile de
grossir le nombre des exemples ; mais il me semble que ce petit nombre
suffit, pour donner une idée des signes que j'emploie, dans là
conversation. .
Je me propose de faire connaître, dans un autre mémoire , la marche que je suis dans le cours de l'instruction de mes élèves ; elle est différente de-celle que je vois adoptée dans les autres écoles; Au reste, j'ai le dessein de la mettre à la tête du dictionnaire des signes, lorsque je pourrai le faire imprimer. FIN.
NOTES : (1)Introduction à la théorie des signes, page 52. (2) Idem. Dédicace et avertissement. (3) Avertissement à la tête de la théorie des signes. (4) Avertissement à la tête de la théorie des signes. (5) Introduction à la théorie des signes, page 40 ; théorie, tome 1, page 28, 39. (6) Introduction, page 38. (7) Théorie des signes, tome 1, page 38, et passim (8) Théorie des signes, tome 2, page 24 , et passim. (9) Théorie des signes, tome 2, page 23 , et presqu'à chaque page. (10) On n'en trouve pas une exprimée dans la théorie des signes. (11) Voyez, dans la théorie des signes, tome 2, les mots : faciliter, fier, gloire, et ceux qui se trouvent dans le parallèle, à la fin de ce mémoire. |
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