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R. de La Borde : Almanach du pommier & du cidre (1898)
LA BORDE, Roger de (18..-19..) : Almanach du pommier & du cidre : 1898.- Paris ; Lille : A. Taffin-Lefort, 1898.- 143 p ; 15 cm
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (10.X.2015)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros] obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : norm 1654).
 
ALMANACH
DU
POMMIER & DU CIDRE
POUR 1898

PAR

ROGER DE LA BORDE
Président de la Section de Maine-et-Loire du Syndicat Pomologique
Président de l'Union des Syndicats de Segré


Almanach du pommier et du cidre - 1898 - Couv.Almanach du pommier et du cidre - 1898 - P. de Titre

Almanach du Pommier et du Cidre - 1898 - Couv. verso

~ * ~
PRÉFACE
 
Il est de tradition de faire connaître, au commencement d'un livre, par quelques pages qui ne sont presque jamais lues, quel est le but de l'auteur en livrant au papier ses idées sur telle, question et comment il compte présenter son sujet au lecteur.

Depuis quelques années les progrès de la culture du pommier et de la fabrication du cidre ont été nombreux en France, grâce aux travaux des différentes Sociétés de pomologie et notamment du Syndicat pomologique de France qui rayonne, par ses adhérents et par ses expositions annuelles, sur soixante-cinq départements. Ce succès est l'œuvre des éminents pomologues qui ont fondé ce Syndicat, notamment M. le vicomte Charles de Lotgeril, président ; le R. Frère Abel, l'apôtre de la pomologie, vice-président; M. de la Chapelle, l'infatigable secrétaire général.

L'art. 2 des statuts déclare que cette association a pour objet l'étude de tout ce qui concerne la culture et l'élevage des pommiers et poiriers, la propagation des meilleures espèces et variétés, les mesures à prendre pour la protection des arbres, vergers, etc., la généralisation des meilleurs procédés et méthodes pour la fabrication des cidres, poirés, eau-de-vie, etc.

La généralisation des meilleurs procédés est répandue en France par les concours si instructifs et les savantes conférences du Syndicat, mais si le public agricole écoute avec la plus grande atten-tion les conférenciers, s'il se rend compte des procédés nouveaux et des instruments les plus perfectionnés, il faut bien admettre qu'une grande partie de chaque conférence est oubliée presque aussitôt.

En plus, quelques milliers d'agriculteurs au plus peuvent assister à ces concours et les absents ne peuvent en retirer un grand profit.

En 1895, à Saint-Brieuc, le B. Frère Abel eut l'excellente idée de faire imprimer un traité de culture du pommier et de fabrication du cidre, en style télégraphique de quelques centaines de mots, et de le faire distribuer au public afin de lui en rappeler plus tard les points principaux.

Je revendique donc, pour le R. Frère Abel l'idée de distribuer gratuitement un petit traité de pomologie à tous les syndiqués et à tous les assistants du concours.

La priorité étant établie, il faut reconnaître que le style télégraphique, tout en donnant les meilleurs conseils, n'entrait nécessairement pas suffisamment dans le détail pour forcer le public à abandonner l'ornière de la routine.

J’ai essayé, dans les quelques pages de cet opuscule, d'indiquer avec clarté et néanmoins avec concision les quelques connaissances que l'expérience a pu me procurer.

La première partie sera consacrée exclusivement à la culture du pommier dont voici les chapitres :

l° NÉCESSITÉ DE CULTIVER LE POMMIER
Rapport du pommier.
Sélection du pommier.
Densité des fruits.

2° LES PLANTS DU POMMIER
Pépinière à la ferme.
Achat chez le pépiniériste.
Greffage en pépinières.
Mode de greffage.
Concordance de végétation.

3° PLANTATION
Comment disposer la plantation.
Choix du terrain.
Distance.
Nécessité de planter ensemble les variétés
mûrissant à la même époque.
Trous.
Époque de plantation.
Plantation.
   
4° SOINS A DONNER AUX ARBRES
Entourages.
Paillages.
Cobéchages.
Taille.
Incision.
Engrais des arbres fruitiers.
Maladie des arbres.
Nettoyage du pommier, le gui.

5° LA CIDRERIE

6° UTILITÉ DES ABEILLES POUR LA FRUCTIFICATION DES FRUITS


La seconde partie renferme une courte préfacé de M. Jacquemin, l'éminent directeur de l'institut La Claire, et le mémoire sur le fabrication et la conservation du cidre, qu'a la Société des Agriculteurs de France a bien voulu récompenser en 489G du prix agronomique.

(Voir à la fin de la Première Partie (page 82), la Prime de CENT FRANCS accordé à tout acheteur de cet almanach.)

Roger DE LA BORDE.
Château de LA LOGE, par Segré (Maine-et-Loire).

*
* *

[Pages 7 à 20 : Calendrier non reproduit]

Almanach du pommier et du cidre - 1898

PREMIÈRE PARTIE

LE POMMIER

Depuis quelques années, la culture du pommier à cidre et à couteau a pris une extension considérable, et il est facile de se rendre compte que le pommier envahit au Nord les pays de la bière et au Sud les contrées vinicoles.
 
La vigne, autrefois, existait dans tout le Nord et l'Ouest de la France, ainsi que le constate le cadastre où se trouvent les appellations de ce genre : Champ de la Vigne, etc. Actuellement, de nombreux vergers sont plantés sur l'emplacement des anciens vignobles. Au Nord, le pommier existe dans presque tous les départements, et la patrie de la bière, l'Allemagne, a plusieurs de ses provinces couvertes de pommiers ; elle a même donné l'exemple, en plantant depuis peu sur ses routes, des pommiers de variétés à branches élevées qui peuvent, par leurs revenus, diminuer considérablement l'impôt demandé jusque-là aux contribuables pour payer l'entretien des routes. Le duché de Luxembourg et la Suisse ont suivi cet exemple depuis plusieurs années.

L'Angleterre multiplie le nombre et l'étendue de ses vergers et le cidre entre dans la consommation courante. Les pays chauds eux-mêmes sont entrés dans cette voie, et l'Espagne possède aujourd'hui de nombreuses cidreries qui, un jour prochain, rivaliseront avec nos meilleurs fabricants. M. Blanco Hermanos, propriétaire d'une de ces cidreries, nous a envoyé au concours pomologique de Segré un lot de ces cidres excellents.

En France, la production a augmenté d'une manière considérable, ainsi que le prouvent les statistiques.

La moyenne de la production annuelle des pommes était, d'après les renseignements officiels, de :

9,744,900 hectolitres de 4871 à 1880.
12,769,800 hectolitres de 1881 à 1890.
13,782,829 hectolitres de 1885 à 1894.
 
En 1895, la récolte était évaluée à 25,586,514 hectolitres.
 
La ville de Paris qui consommait en 1866 soixante-dix-sept mille huit cent cinquante-cinq (77,855) hectolitres de cidre et poiré, a reçu en 1891 : 110,658 hectolitres de cidre, et en 1894, 230,000 hectolitres.
 
Enfin, pour ne nous occuper que de notre département, la ville d'Angers recevait en 1668 100 barriques environ de cidre, tandis que la moyenne des dix dernières années est de 11,530 hectolitres, soit plus de cinq mille barriques par an.

Nécessité de cultiver le pommier.

La culture du blé est malheureusement de moins en moins lucrative, et actuellement, à peine si elle rembourse l'agriculture de ses débours et lui procure un salaire légitime.
 
Les facilités de transport en un laps de temps très réduit, la possibilité aux blés étrangers d'échapper aux droits d'entrée, l'existence des sociétés de spéculateurs, l'agiotage de l'argent, tout fait craindre que le cours du blé français ne puisse jamais remonter à un prix rémunérateur. Les pays qui devaient à la viticulture leurs ressources, ayant vu leurs vignes détruites par le phylloxéra, ont cherché dans la plantation des vignes américaines un moyen de salut ; mais, hélas! ce n'est peut être qu'une illusion, car, presque chaque année, on voit apparaître une nouvelle maladie de la vigne, menace perpétuelle pour chaque récolte. Aussi voyons-nous les pays vignobles commencer à planter, au milieu de leurs vignes, des rangées de pommiers à cidre ou à couteau. Actuellement, la récolte du cidre existe en France dans 68 départements. Il est même étonnant que les différentes régions de la France n'aient pas adopté plus tôt cette culture, vu le peu de frais nécessité par les vergers de pommiers.

Rapport du pommier.

Un des plus savants horticulteurs pomologiques, le Révérend Frère Henry, de l'Institut Saint-Vincent, à Rennes, me disait, le 4 août 1896, qu'un verger de trente et un ares, établi par lui dans un sol très ordinaire, lui donnait à la septième année de greffe 18,000 livres de pommes. En estimant à 20 fr., au, bas mot, les mille livres, ce terrain, qui était loué autrefois 16 fr., rapportait 360 fr., autrement dit la location de 51 fr. l'hectare, était remplacée par un revenu de 1,150 fr. à l'hectare. Une objection me sera certainement faite : un verger ne donne pas régulièrement tous les ans. Il est évident qu'il faut tenir compte des années mauvaises, mais en même temps on doit remarquer que les pommes, en ces années de disette, valent 80 à 100 fr. les mille kilos et qu'il est excessivement rare qu'un verger n'ait aucun fruit. En plus, il est à remarquer qu'une culture de pommiers demande une quinzaine d'années pour bien rapporter, et que le verger en question n'a que sept ans de greffe.
 
Sans craindre aucunement l'exagération, on peut dire qu'un hectare de verger bien entretenu rapporte en moyenne, tous frais déduits, au moins cinq à six cents francs. Quelle est donc la culture qui, presque sans travail, donne un pareil produit ? Voici ce que dit M. Ouvray, auteur d'un ouvrage remarquable sur l'arboriculture fruitière, à ce sujet :

« Il faut dix à quinze ans pour qu'un arbre à haute tige soit en plein rapport ; l'homme, naturellement égoïste, trouve que c'est bien long, et il ne plante pas ; il oublie qu'il y a derrière lui des enfants et des petits-enfants.

» Il serait à souhaiter qu'on vît partout, à la campagne, des arbres fruitiers autour des maisons d'habitation ; qu'il n'y eût pas de ferme sans son verger : pruniers, cerisiers, poiriers, pommiers de toutes variétés et de toutes époques, et abricotiers dans les cours et partout où il y a un abri contre les vents du Nord. On oublie trop que l'arbre fruitier est un capital.

Un arbre à haute tige de douze à quinze ans rapporte en moyenne sa pièce de cent sous : cent arbres peuvent rapporter 500 fr. et représentent un capital de 12 à 15,000 fr.

Combien de pères de famille, faute d'autre patrimoine, pourraient laisser ce capital à leurs enfants ! La vigne rapporte, certainement, mais elle demande beaucoup de soins et de frais, tandis que l'arbre fruitier, une fois planté, n'en demande que peu ou point. »

La vigne, il est vrai, donne un rapport supérieur au pommier et elle a l'avantage de rapporter à cinq ans, tandis qu'il faut une quinzaine d'années pour obtenir le produit moyen du pommier ; mais elle coûte infiniment plus cher de plantation, d'entretien et de défense contre les maladies qui l'attaquent chaque jour. Chaque hectare de vigne américaine plantée, revient au bas mot à 2,500 fr. l'hectare, tandis que l'hectare de verger ne dépassera pas 300 fr.

Le travail nécessité pour l'entretien d'un verger est infiniment moins considérable que le travail exigé par la vigne; et, par ailleurs, tandis que la vigne occupe exclusivement le terrain, le verger est une excellente pâture pour les jeunes animaux.

Sélection du pommier.

Dans un siècle de culture intensive comme celui-ci, ou chaque année les impôts, les charges augmentent, on devrait chercher, aussi bien pour le pommier que pour les autres cultures, à obtenir le maximum de recettes avec le minimum de dépenses ; la sélection, c'est-à-dire le choix des variétés, s'imposait à tous.
 
Il ne suffit pas, en effet, qu'un pommier pousse très vigoureusement pour qu'il soit profitable à son propriétaire, il est nécessaire qu'il produise, le plus souvent possible, la plus grande quantité de fruits excellents, donnant un cidre parfait et se conservant bien. Nous devons donc chercher dans un arbre les qualités suivantes : vigueur, rusticité et fertilité. Dans la pomme, nous devons réclamer la richesse en sucre et en tannin, le parfum, une quantité de matières pectiques et d'acidité suffisante mais non trop élevée.
 
Le cultivateur n'a pas intérêt à connaître les milliers de variétés de pommes existantes. Le Syndicat pomologique de France a étudié avec les plus grands soins chacune de ces variétés, et nous ne pouvons que suivre les conseils qu'il nous donne en indiquant quelques variétés d'élite dont je donnerai les noms plus loin. (Voir 2e partie, page 94.)

Densité.
 
La sélection des pommiers a eu pour les agriculteurs un autre avantage, celui de connaître les variétés les plus riches en alcool, et de pouvoir par conséquent en tirer tout le parti possible, par l'emploi du densimètre dont la description est donnée dans la seconde partie, (page 95.)
 
Avec l'aide de ce petit instrument, vous pouvez instantanément savoir la quantité d'alcool que votre cidre aura après fermentation, et par conséquent si vous pouvez y ajouter de l'eau ; vous connaitrez la quantité exacte à mettre pour obtenir un cidre à tel degré.

Les nouvelles variétés, qui sont essayées déjà depuis de longues années dans les différents départements, contiennent beaucoup plus de sucre, et par conséquent, d'alcool que les anciennes espèces ; vous voyez déjà tout le parti qu'il est possible d'en tirer, et quels sont les avantages de ces nouvelles variétés, en dehors de leur fertilité qui est prouvée.
 
Une variété, comme nous en avons malheureusement beaucoup dans les vieux pommiers, dosant 1040 au densimètre, doit donner après toute fermentation un cidre de 5 degrés 1/2, tandis qu'un arbre dont la densité est de 1080 aura 11 degrés d'alcool environ. Vous pourrez donc avec ces dernières pommes ajouter moitié eau et vous obtiendrez une boisson ayant la même richesse alcoolique que le cidre fait avec les pommes de 1040 de densité, ruais dont le goût et le parfum seront moins élevés.
 
Autrement dit, avec la même quantité de pommes, vous pourrez faire moitié plus de cidre de même force alcoolique.
 
La richesse des pommes en sucre est très importante, parce que ces fruits à haute densité ne payent pas plus de transport et d'entrée que les pommes ordinaires, et que, forcément, l'acheteur les prendra avec une plus-value certainement très élevée.
 
La haute densité, à mon avis du moins, est une très grande qualité chez une variété de pommes, mais, comme nous le verrons plus loin, la teneur en tannin et le parfum ont également une part très importante dans l'ensemble des variétés.
 
Malheureusement, toutes les variétés, même les meilleures, suivent la loi fatale et semblent atteintes de décrépitude après un grand nombre d'années. Ainsi la Calville rouge, si répandue dans notre Anjou et si productive autrefois, ne pousse plus qu'à regret et semble avoir besoin d'être régénérée par un semis nouveau. C'est pour connaître les variétés les plus recommandables et pour retrouver les anciennes variétés rajeunies par un semis nouveau, plus fertiles et plus riches que jamais, que le Syndicat pomologique organise chaque année ces admirables concours qui réunissent l'élite des pomologues de France et de l'étranger,

LE PLANT DE POMMIERS

Pépinières à la ferme.

Une des premières questions, que se pose le propriétaire qui a l'intention de planter un ou plusieurs vergers, est de savoir où et comment il se procurera les pommiers qu'il mettra en terre, s'il les prendra dans ses pépinières ou s'il les achètera à des pépiniéristes de profession.
 
La pépinière de ferme serait certainement la plus avantageuse si elle pouvait être bien faite et bien entretenue. Mais il existe beaucoup de fermes qui n'ont pas dans leurs terres la nature du sol qui convient à l'élevage du pommier, et surtout, peu de cultivateurs s'astreindront, par suite de leurs occupations ordinaires, au travail continuel que réclame une pépinière, à une surveillance incessante, surtout l'été, au moment des durs travaux. En admettant même qu'ils le fassent, il serait à demander encore qu'ils aient les connaissances requises pour procéder avec méthode.
 
Examinons ce que fera le fermier s'il plante des pommiers provenant de sa pépinière. Il commencera la première année par choisir les plus beaux sujets parmi ses élèves, il les déplantera au milieu des lignes en coupant les racines des arbres voisins. L'année suivante, le deuxième choix sera enlevé, toujours au détriment de ce qui restera en pépinière, et, enfin, les dernières années, il plantera tous les sujets mal poussants qui ne seront jamais que des arbres improductifs et sans valeur.
 
Sur une pépinière de mille plants, à moins d'avoir un terrain exceptionnel et des soins trop rares dans ce pays, le cultivateur retirera en sept, huit ou même dix ans, une cinquantaine de pommiers de premier choix et peut-être une centaine de qualité inférieure, le reste ne méritera pas la peine d'être planté.
 
Mais, tous ces sujets vicieux, que deviendront-ils ? Le cultivateur ne pourra se résigner à les sacrifier et se rendant néanmoins compte que ces arbres n'ont aucun avenir, il les plantera sans aucun soin. Vous voyez le résultat : quinze ou vingt ans après la plantation, ces arbres chétifs ne rapportant rien, seront abattus et il sera nécessaire de recommencer le travail.

Achat chez les pépiniéristes.

Le propriétaire ou le fermier ne doit jamais planter que des arbres de tout premier choix qui auront le grand avantage de pousser plus vigoureusement, de rapporter plus vite, et, en résumé, de coûter beaucoup moins cher que les nouveaux plants.

Il paraît bien plus économique d'acheter ses pommiers chez les pépiniéristes de profession ou chez les jardiniers du pays qui les font venir eux-mêmes des grandes pépinières. En Anjou notamment, depuis Angers à Doué-la-Fontaine, d'immenses pépinières d'arbres à fruits, connues du monde entier, peuvent nous livrer des plants de tout premier choix à des prix réellement très modérés. Plusieurs de ces grands pépiniéristes demandent chaque année, au Syndicat pomologique, des milliers de greffons des variétés recommandées, et, depuis quelques années, on peut avoir pleine confiance dans les noms des variétés. Tout pépiniériste sérieux refusera de livrer un plant qui n'aura de la variété demandée que le nom porté sur l'étiquette, et nous devons reconnaître que bien rares sont les maisons qui ne craignent pas de compromettre leur réputation en livrant des plants mal nommés.
 
Un seul conseil pour acheter de bons et beaux arbres. Retenez longtemps à l'avance, en tout cas avant le 15 octobre, les arbres qui vous seront nécessaires. Demandez-les en tout premier choix et ne craignez pas une plus-value de quelques centimes pour obtenir les meilleurs arbres. En indiquant la date de l'expédition, vous recevrez des arbres non fatigués qui reprendront très facilement et qui, en fin de compte, vous reviendront à beaucoup moins cher que les arbres de rebut que vous serez obligés de remplacer plusieurs fois.

Plantation d'une pépinière de ferme. — La pépinière ne s'impose à la ferme que dans le cas où l'on désire multiplier ou essayer des variétés nouvelles, ou bien, si le terrain exceptionnellement bon permet d'avoir l'espérance d'une excellente pépinière.
 
Je donnerai donc en quelques mots les meilleurs moyens de faire une pépinière de ferme.
 
Je n'entrerai pas dans le détail des opérations qui concernent le semis et la culture du jeune plant avant le repiquage. Le plus simple et le plus pratique pour un fermier est d'acheter un mille de plant d'un an de premier choix qui coûtera environ 25 à 30 francs.
 
Le plant d'un an est de beaucoup préférable à celui plus âgé ; il reprend mieux et, en général, donne de meilleurs résultats.
 
Défoncement. — Le défoncement ne dépassera pas 40 centimètres, car il ne faut pas oublier que le pommier est un arbre à racines traçantes qui, par conséquent, ne cherchent pas à s'enfoncer en terre.

Époque de plantation des pépinières. — Les pépinières devront être défoncées pendant l'été ou l'automne et la plantation devra être faite immédiatement après la chute des feuilles.

Disposition des pépinières. Les jeunes pommiers devront toujours être plantés en ligne allant du Nord au Midi et non de l'Est à l'Ouest, comme cela se fait trop souvent.
 
Distance de plantation. — Une distance de 1 mètre à 1m25 entre les rangs suffira parfaitement pour permettre le nettoyage nécessaire à toute pépinière.

Sur le rang, les pommiers devront être à 0m60 centimètres l'un de l'autre. Cet espace est très suffisant pour permettre à la lumière de passer.
 
Paillage. — Les conditions requises pour qu'une pépinière puisse pousser très rapidement sont : la propreté la plus absolue et le paillage pendant l'été, afin de conserver l'humidité du sol le plus longtemps possible, et empêcher les mauvaises plantes de s'emparer des sucs nourriciers de la terre au détriment des pommiers.
 
Les meilleurs paillages sont certainement les feuilles qui doivent être déposées à une épaisseur de 30 centimètres.
 
Si les pommiers que vous avez plantés ont été obtenus de semis, il est certain qu'il s'en trouvera une notable quantité qui n'auront qu'une vigueur très modérée, soit par leur espèce même, soit par toute autre circonstance.
 
Les pépiniéristes préfèrent écussonner sur le jeune plant des variétés très vigoureuses et poussant très vivement à bois, comme la noire de Vitry, Fréquin de Chartres, etc., afin d'obtenir en quatre ou cinq ans des arbres très forts pouvant être expédiés.
 
Il est du reste très rare que ces arbres greffés en pied portent des variétés très bonnes à fruits, à l'exception de la Grise Dieppoise ; aussi nous conseillons très vivement de greffer en tête tous les sujets écussonnés au pied. Cette perte de deux ans sera pour vous la sécurité la plus parfaite d'avoir pour plus tard des arbres fructifères.
 
Il est nécessaire de laisser au jeune plant, tout le long de sa tige, une certaine quantité de brindilles qui appellent la sève et lui permettent de se tonner facilement en queue de billard, suivant l'expression consacrée, c'est-à-dire, bien plus gros à sa base qu'à la partie supérieure. Ne pas oublier de pincer les brindilles à 15 centimètres, et de les couper au fur et à mesure un ou deux ans avant la plantation.
 
L'étiquetage des plants écussonnés ou greffés doit se faire par lignes entières afin d'éviter toute chance d'erreur, et le numéro de la ligne, ainsi que l'espèce, doivent être reportés sur un registre indispensable à toute pépinière bien tenue.

Greffage en pépinière.

Dès que le plant a atteint la grosseur nécessaire pour être greffé, il est préférable de faire cette opération en pépinière parce que les soins sont plus faciles à donner et, ce qui est surtout à considérer, dans ces conditions, le plant prend une avance de deux ans.
 
En effet, que se passe-t-il lorsque vous greffez sur place ? Votre arbre a été transplanté lorsqu'il avait dix centimètres de circonférence environ, et ses racines viennent d'être mutilées par la déplantation trop souvent mal faite. Au printemps suivant, les racines peuvent bien partir, mais, au moment où la tête de l'arbre commence à attirer vivement la sève, vous coupez cette tige pour le greffage. Il est évident que les racines, par réaction, se ressentent fortement de cette opération et tombent souvent dans l'impossibilité d'émettre la sève qui soude la greffe, d'où la perte d'un certain nombre de sujets et de plusieurs années.
 
Lorsqu'au contraire vous greffez en pépinière, vous devez le faire lorsque l'arbre mesure environ 7 centimètres de circonférence. A ce moment, le jeune pommier depuis trois ans en bonne terre a des racines très vigoureuses, qui pourront envoyer dans la tête de l'arbre une grande quantité de sève et faciliter la reprise de la greffe. En deux ans, la tête de votre arbre sera formée, la cicatrisation de la plaie du greffage sera recouverte par l'écorce et vous n'aurez pas à craindre la pourriture du cœur du pommier. Enfin, l'arbre sera dans les meilleures dispositions pour reprendre facilement, car les branches de la tête appelleront de suite la sève et la feront monter. Par conséquent, double avantage dans le greffage en pépinières : économie de temps et plus grande facilité pour la reprise en terre.
 
Malheureusement, quelquefois les grands vents de l'hiver, en balançant les pommiers dans la pépinière, brisent quelques tiges. Le greffage en pépinière, malgré cet inconvénient, me parait certainement préférable.

L'époque favorable varie suivant les années mais généralement se trouve vers fin mars pour la greffe en fente et souvent tout avril pour la greffe en couronne ou anglaise.

Modes de greffage.

Je ne parlerai pas de la greffe intermédiaire ou écussonnage du pommier qui n'a pour but que de favoriser la végétation de l'arbre et d'obtenir qu'il n'occupe le terrain que le moins de temps possible.
 
La greffe en tête, soit sur égrain , c'est-à-dire sur pommier non greffé, soit sur pommier ayant une greffe intermédiaire, est la seule pratique, et recommandable.

Greffoir

Il y a quelques années certains pomologues ont conseillé très vivement la greffe en couronne pour des sujets déjà très forts. Cette manière de faire avait le défaut de laisser une grande surface qui se recouvrait très difficilement et amenait très souvent la pourriture de l'arbre. En plus, la greffe en couronne n'a pas la solidité de la greffe anglaise au galop.

Lorsque l'on greffe en fente en pépinière, on peut prendre les sujets de 7 à 8 centimètres de circonférence ; il est préférable de mettre un seul greffon, et de rabattre obliquement le dessus de la coupe de l'arbre. Cette surface chez les jeunes sujets est parfois recouverte l'année même.
 
Souvent le cultivateur place deux greffes en fente pour augmenter les chances de reprise. Cette méthode n'est bonne qu'à la condition expresse d'enlever la moins vigoureuse des deux, l'année suivant l'opération, car, si les deux greffes restaient et grossissaient ensemble, elles se gêneraient mutuellement sans aucun profit, et, un jour ou l'autre, la tête viendrait à se fendre. Cette recommandation est utile pour toutes les greffes doubles ou triples de pommiers.
 
Une greffe très solide, et qui donne des résultats parfaits pour les jeunes pommiers, est la greffe anglaise ordinaire avec languette, telle qu'on s'en sert pour la vigne.

La greffe anglaise au galop est aussi très bonne et peut être faite très vivement par le premier ouvrier venu. Un compte rendu de visite dans les pépinières d'Angleterre constate qu'un bon greffeur, suivi de deux aides pour attacher les greffes, peut exécuter mille greffes par jour.

Une excellente précaution est de mettre un tuteur assez léger auprès de la greffe et plus haut qu'elle, afin que oiseaux puissent se percher de préférence sur le tuteur et non sur le greffon.

On peut employer avantageusement un osier auquel on donne la forme d'un demi-cercle dont les deux extrémités sont attachées le long du pommier.

Quel que soit le système de greffage choisi, il est nécessaire de serrer fortement le greffon et de l'engluer soit avec de la terre glaise, soit (ce que nous conseillons) avec un mastic à greffer.

Dans les pépinières, on emploie un mastic chaud économique pour de grandes quantités, dont voici les formules :

1re formule 1,250 gr., résine.
              750 gr., poix blanche.
              700 gr., suif.
              Ocre pour teinter ou cendre tamisée.

2me formule 300 gr., gemme.
            100 gr., ocre.
            400 gr., résine.
            200 gr., graisse.

3me formule     10 kil., de gemme.
            1/2 kil., cire jaune.
             1 kil., ocre.
 
Nous conseillons pour l'usage ordinaire du propriétaire ou du cultivateur un des mastics froids dont les noms suivent et qui ont été essayés en 1896 par le Syndicat pomologique. Ces mastics sont nécessaires dans toute exploitation pour le greffage de quelques arbres seulement ou en cas d'accidents aux pommiers.
 
Les principaux fabricants de mastics froids à greffer sont :

MM. BIGOUDOT, à Paris.
GOUSSARD, à Montreuil.
 
Concordance de végétation entre les sujets. — Il faut, autant que possible, pour donner à la greffe toute chance de reprise, que l'époque de la mise en végétation du sujet et du greffon soit la même ou en tous cas qu'il y ait très peu de différence.
 
Il est assez difficile de se rendre compte, dans une pépinière, du commencement de végétation de tous les pommiers ; aussi, c'est une des raisons qui entraînent le pépiniériste à faire le greffage intermédiaire.

PLANTATION

La plantation est excessivement importante, peut-être même plus que le choix de l'arbre, parce que tout arbre mal planté, après quelques années est voué à une mort certaine, avant même souvent d'avoir pu donner une récolte sérieuse.
 
Dans les campagnes, malheureusement, il arrive trop souvent que le cultivateur cherche plutôt à planter un grand nombre de pommiers, de mauvais sujets presque toujours, qui sont mis en terre dans des conditions telles qu'il est permis de se demander comment nous pouvons espérer des récoltes avec de tels arbres. Ce n'est pas l'intérêt du propriétaire et du fermier, car, une centaine de pommiers, bien plantés et bien soignés, donneront une récolte beaucoup plus fructueuse que 400 ou 500 pommiers disséminés à droite et à gauche dans les haies, le long des charroyères, exposés à toutes les blessures des voitures et des harnais, trouvant à peine la nourriture et l'air nécessaires qui leur sont disputés par les grands arbres.
 
On se plaint souvent de la disparition des pommiers. Franchement, comment voulez-vous qu'il en soit autrement ?

Les causes de la mortalité des arbres fruitiers sont excessivement nombreuses et on peut en faire une classification :

1° Perte de l'arbre par la faute de l'homme ;
2° Perte de l'arbre par accident sans que la faute puisse en être attribuée à l'homme.

1° Perte de l'arbre par la faute de l'homme. — Dans les premières années, la mauvaise plantation est la cause la plus générale de la mort des pommiers ; j'indiquerai plus loin comment il faut procéder pour opérer une plantation très bonne et peu coûteuse.

Le défaut de tuteur entraîne souvent le décollement de la greffe et parfois même la perte de l'arbre qui, balloté par le vent, finit par s'écorcher ou se briser. Rappelons en passant que le tuteur doit toujours être mis en place très solidement, avant la plantation et non après, comme cela se pratique souvent, afin de ne pas blesser les racines.
 
Après la plantation, le pommier ne reçoit pas les soins qui lui seraient nécessaires pour activer sa végétation et obtenir des récoltes plus promptes et plus fructueuses. A peine si de loin en loin, on coupe le buis mort et le gui, ce terrible parasite qui peut être comparé au phylloxéra de la vigne par la rapidité avec laquelle il tue l'arbre le plus vigoureux.
 
Ce manque de soin est dû surtout à ce que les arbres, dans ce pays, sont plantés sur les haies, un peu partout, au lieu d'être rassemblés dans un verger.
 
Vous avez certainement vu des pommiers atteints de maladie. Que fait le cultivateur ? Il ne s'en occupe pas, et avec un stoïcisme déplorable, il dira : « Les pommiers ne vivent pas vieux sur ma ferme, le terrain ne leur convient pas, » et ce sera tout. Tant mieux encore s'il s'en tient là et si, sous prétexte que le pommier ne peut rapporter sur sa ferme, il ne tire la conclusion qu'il est inutile d'en planter d'autres.
 
Les propriétaires sont peut-être plus coupables encore que leurs fermiers, parce que bien rares sont ceux qui s'occupent de la surveillance de cette richesse de leurs fermes. Presque toutes les maladies des pommiers sont guéries par des traitements au pulvérisateur ; mais malheureusement ces traitements sont trop rarement pratiqués, et pourtant, ils n'exigent ni beaucoup de temps, ni de fortes dépenses.
 
Je demandais en 1892 à un fabricant de pulvérisateurs, s'il vendait beaucoup de ces appareils pour les pommiers. « En dehors de quelques appareils expédiés dans deux départements de Normandie, me dit-il, nous vendons plus de mille appareils pour la vigne, contre un pour les pommiers. »
 
J'avoue ne connaître qu'un seul propriétaire, à posséder un pulvérisateur pour arbres fruitiers. Et cependant les arbres fruitiers sont une richesse de l'Ouest. Il est donc de notre intérêt de les défendre contre les maladies, ce que nous ne pouvons faire d'une manière efficace qu'en appliquant des traitements préventifs, comme nous le verrons dans un prochain chapitre.
 
Toutes les cultures de la ferme reçoivent du fermier une certaine quantité d'engrais ; une seule exception est faite pour le pommier qui donne la récolte la plus avantageuse. Aucune plante, aucun arbre ne peut continuer à pousser vigoureusement et à produire régulièrement, si vous ne restituez au sol, sous forme d'engrais assimilables, les richesses qui sont enlevées chaque année par la récolte. Les essais faits dans ce sens depuis quelques années sont très probants. En outre, il faut prémunir les pommiers contre les blessures faites par les bestiaux, les harnais, les voitures, etc. Et que dire de ce qu'on appelle le gaulage des pommes ? C'est la cause de presque tous les chancres qui existent dans les branches des arbres. Ce procédé doit disparaître à jamais de toute ferme bien tenue, parce qu'il enlève toute espérance de récolte prochaine en détruisant les boutons à fruit, et qu'il diminue considérablement la vie de
 
L'arbre qui meurt est, malheureusement, presque toujours la victime du propriétaire ou du fermier, soit directement par de mauvais procédés de plantation, soit indirectement par le manque absolu de soins.
 
A part les grands froids ou les chaleurs continues, les vents violents ou même la foudre, contre lesquels nul ne peut défendre sa propriété, presque toutes les pertes d'arbres fruitiers sont dues à l'homme.
 
Quels sont donc les moyens à employer à l'avenir pour préserver nos arbres fruitiers de ces causes nombreuses de destruction et augmenter cette partie de notre richesse nationale ?

Comment disposer la plantation.

La plantation de pommiers peut se faire dans une ferme de trois manières différentes que lieus allons examiner rapidement :

1° La plantation isolée est celle dans laquelle un arbre est mis en terre dans un emplacement plus ou moins propice, sans se préoccuper de voir si le pommier est dans la même ligne que les autres pommiers et à la même distance. Cette manière de planter était presque générale autrefois, mais, heureusement, elle paraît disparaître petit à petit.
 
Le long des haies, les pommiers étaient plantés près de grands arbres qui empêchaient la végétation et la fructification. Heureux encore quand leurs racines n'étaient pas enchevêtrées au milieu des racines d'épines, ronces, etc., qui font de nos haies de véritables petites fortifications.

D'autres arbres, au contraire, sont disséminés au milieu des champs sans former aucune ligne de sillon, de telle sorte que dix pommiers par exemple gêneront le laboureur dans quinze ou vingt sillons différents au lieu d'être plantés sur le même. Qu'arrive-t-il forcément un jour ou l'autre ? Le fermier ne peut prendre autant de précautions dans tous les sillons que s'il n'avait que deux ou trois lignes par champ, et les arbres fruitiers sont sacrifiés avant même d'avoir pu rapporter;
 
2° La plantation en lignes à travers champs est trop connue pour qu'il soit nécessaire d'en donner la description. Elle est de beaucoup préférable à la plantation isolée parce qu'elle permet : aux arbres d'avoir l'air nécessaire, et au cultivateur en labourant de ne pas couper les racines, pourvu qu'il veuille bien sacrifier un peu de terrain.
 
Les racines du pommier étant essentiellement traçantes seront forcément détruites par la charrue si le cultivateur n'a pas soin de suivre le conseil du Révérend Frère Henry, en laissant une bande de terre de deux mètres de largeur environ sans labourer.

« Cette bande de terrain, dit le Frère Henry dans son Traité des vergers, dans laquelle on a planté, ne devrait pas être labourée. Le labour fait au pied des pommiers, avec la charrue, comme il se pratique ordinairement, est plus nuisible que tout autre, car on ne peut manquer de briser ainsi un grand nombre de racines. On pourra, cependant, dans les conditions indiquées ci-dessus, planter des choux, des betteraves, etc., mais toujours à un mètre au moins du pommier.

» Si nous insistons sur ce point, c'est que nous savons par expérience que le terrain ainsi laissé sans labour est loin d'être un terrain perdu. Nous pouvons appliquer aux pommiers ce que nous avons constaté pour des poiriers de grandes pyramides. Dans un potager où il y a quatorze cents mètres de terrain, deux mille huit cents mètres carrés ont donné dans une bonne année six mille kilogrammes de fruits qui représentent un produit bien supérieur à toute autre partie égale du potager. »

« Le terrain laissé ainsi sans labour est donc loin d’être perdu. Si, comme dans la plupart des cas, le cultivateur avait bêché jusqu'au pied des arbres, de façon à en dégarnir le collet et à en mutiler les racines, outre qu'il aurait eu des récoltes à peu près nulles comme celles que l'on recueille sous les pommiers, nous pouvons affirmer que la récolte des fruits aurait été diminuée de moitié. »

Il est utile que les lignes soient disposées du Nord au Sud afin que les deux côtés des arbres reçoivent la bienfaisante chaleur du soleil, surtout au moment de la fécondation des fleurs.

Néanmoins, dans les terres cultivées en sillons, il sera nécessaire de mettre les lignes dans le sens de ces derniers et d'espacer un peu plus les arbres si la ligne n'est pas dans la direction Nord-Sud.

Les seuls reproches que l'on puisse faire à la plantation en lignes, c'est, d'abord, d'empêcher le labour auprès de l'arbre, et ensuite, lorsque l'arbre est grand, de diminuer légèrement la récolte placée au-dessous. Mais, remarquons bien que la plus-value considérable de la récolte de pommes permet de répondre victorieusement à ces objections, car aucune culture ne peut donner le même produit net et presque sans travail.

3° La plantation en verger est de beaucoup préférable aux deux premières méthodes et semble avoir tous les avantages que nous demandions pour la plantation des arbres à fruits.
 
Tous les pommiers étant réunis dans un ou plusieurs champs à proximité de la ferme peuvent recevoir les soins que jamais ils n'auraient s'ils étaient disséminés.

La facilité de la surveillance pour le fermier lui permettra de soigner les arbres, de voir les premières attaques de maladies et d'y remédier. Les pulvérisations seront beaucoup plus faciles, tous les arbres étant proches les uns des autres. Si un tuteur ou un entourage vient à se briser, cet accident sera vite réparé. La distribution de l'engrais aux pommiers sera facilitée également.
 
Le grand avantage des vergers est d'empêcher le gaulage des fruits à la récolte. Dans les terres labourées, il arrive forcément que, pour ne pas faire les semailles en retard, ou, pour ne pas faire passer les charrettes chargées de pommes sur les ensemencés, les fermiers abattent à grands coups de gaule, vers le 15 octobre, des pommes qui ne devraient tomber de l'arbre que fin novembre.
 
Il résulte de cette manière de faire que la récolte suivante est sacrifiée, et que l'arbre lui-même en ressent les plus grands dommages. Avec la culture en verger, rien de tout cela n'arrive ; dès que les premières pommes tombent, vous retirez de la pâture les jeunes bestiaux, si vous êtes forcés de les mettre dans votre verger, et vous ramassez, suivant les variétés, les pommes de vent d'abord et ensuite les pommes de première, deuxième et troisième saison. Vous constaterez alors que vos pommiers n'étant plus gaulés, vous rapporteront presque régulièrement tous les ans.

Par ailleurs, grâce à la facilité de surveiller les arbres et de réparer les 'accidents dans l'entourage, les blessures faites à vos arbres par les bestiaux seront très rares, et même le cas échéant, vous pourrez les recouvrir de suite de mastic à greffer et éviter ainsi ces chancres qui détruisent tant de pommiers.
 
Nous recommandons donc très vivement cette dernière méthode et il ne devrait exister aucune ferme, grande ou petite, dépourvue de verger.
 
Malgré toutes nos préférences pour les vergers, nous devons toutefois reconnaître que dans toute ferme, il est nécessaire de se servir des trois modes de plantation. Ainsi, le long d'une route, d'un chemin, sur une haie nouvelle, il est important de planter des pommiers partout où l'emplacement et la nature du terrain le permettent.
 
De longues lignes de pommiers bien orientés au milieu de grands champs, seront également une grande source de revenus ; mais, la plus grande quantité d'arbres à fruits, celle qui devra fournir la récolte et le revenu, devront être en vergers.

Choix du terrain.

Tout terrain peut, convenir au pommier pourvu qu'il ait 40 centimètres de terre ; néanmoins, les terres argilo siliceuses sont celles où cet arbre prend ses plus grandes dimensions.
 
J'ai planté un verger dans un terrain que le fermier se refusait à labourer, le trouvant trop mauvais : les pommiers y sont très vigoureux. Dans les terrains de sable, on rencontre de forts beaux sujets donnant des cidres très parfumés.
 
Beaucoup de terrains incultes, sur des buttes ou des coteaux ne donnant aucun revenu, seraient d'un rapport excellent après 12 à 15 ans de plantation et même moins, à la seule condition d'apporter à l'entretien des arbres des soins convenables.

Distance.
 
La distance à laisser entre les arbres varie d'après le genre de plantation : vergers, lignes, arbres isolés.

La qualité du terrain sera également à faire entrer en considération, et en outre, on devra tenir compte de la vigueur probable de l'arbre pour augmenter ou diminuer l'écartement.

En vergers, les lignes devront toujours être disposées du Nord au Sud, afin que le soleil puisse atteindre les fruits des deux côtés. Une distance très recommandable est de 12 mètres entre les lignes et 10 mètres sur le rang, soit environ cent arbres à l'hectare ; à cause de la ligne de clôture, cette distance donne donc 100 à 120 mètres carrés par arbre.

La plantation en carré est plus avantageuse et elle permet de remplacer plus tard avec une grande facilité les arbres du verger.

En lignes, il est encore préférable de planter du Nord au Sud, et dans ce cas, une distance de huit mètres est très suffisante entre les arbres. Si, par hasard, les lignes par la position du terrain devaient être dirigées de l'Est à l'Ouest, il serait bon de laisser une distance de 9 à 10 mètres.

Quant à la distance des lignes entre elles, la configuration du terrain sera presque le seul guide. En général une distance de 25 à 30 Mètres sera utile pour la culture du champ.

Les arbres isolés doivent être plantés autour des champs, sur les haies, à des distances variables suivant les autres arbres et leur nature, la qualité du terrain, etc. Ainsi, dans un terrain rocailleux, il est préférable de chercher par des sondages les endroits où la terre est plus épaisse et de qualité supérieure. Il est nuisible dans ce cas de tenir compte des lignes et de leur symétrie.

Les arbres plantés sur les bords des routes fréquentées donnent presque chaque année d'abondantes récoltes. On attribue ce fait à la poussière des routes qui favorise la fécondation des fleurs et par suite la fructification de l'arbre.
 
Les arbres isolés doivent être plantés dans les terrains incultes, partout où ils ont quelque chance de pouvoir vivre. Vous voyez souvent des arbres s'élever entre deux rochers où jamais vous n'auriez osé en planter.

Nécessité de planter ensemble les
variétés mûrissant à la même époque.
 
On doit prendre le plus grand soin, lorsqu'on greffe différentes variétés, ou lorsqu'on plante en verger, ou en ligne, de toujours réunir ensemble les variétés mûrissant à la même époque, afin de ne pas gêner le transport des pommes de première saison, de faciliter la main-d’œuvre, et d'augmenter, par la suite, les qualités du cidre en n'employant que des pommes parfaitement mûres.

La même observation s'applique aux poiriers à cidre.

Plantation. — Trous.
 
Les trous à pommiers doivent être parfaitement faits, suivant la nature du terrain, car l'avenir de l'arbre dépend pour beaucoup de sa plantation.
 
Les dimensions d'un trou doivent être au moins de deux mètres de côté sur 40 centimètres de profondeur. Dans une mauvaise terre ou un terrain très sec, les dimensions en surface doivent même être augmentées. Les racines du pommier n'étant pas pivotantes, ne réclament pas ces véritables caves de un mètre ou même plus de profondeur, comme on en faisait autrefois, dans lesquelles les racines, attirées par la bonne terre, poussaient avec une grande vigueur jusqu'au jour où, ne pouvant plus remonter à la surface, elles pourrissaient, manque d'air. Les racines des arbres fruitiers ont un besoin absolu de l'air atmosphérique, il est nécessaire qu'elles puissent se développer à leur aise à une très petite profondeur.

Voici comment un trou à pommier doit se faire :

Il peut être rond ou carré, peu importe, pourvu qu'il ait la grandeur désirable. On doit commencer par tracer les bords du trou à la pioche ; ensuite on enlève le gazon ou la terre du dessus que l'on place d'un côté du trou, mais toujours le même pour toute la plantation. Nous en verrons plus tard l'utilité.
 
Le creusement du trou doit se faire jusqu'à 35 ou 40 centimètres au plus.

La terre de moyenne qualité sera placée en tas sur une autre face du trou, et enfin, toutes les grosses pierres devront être enlevées et formeront un troisième tas.
 
Lorsque le fond du trou sera parfaitement fini, il est utile de donner un léger coup de pioche à 10 centimètres environ, mais sans enlever la terre.
 
En règle générale, les dimensions du trou sont à l'inverse de la qualité du terrain ; ainsi, dans une très bonne terre, deux mètres de terrain suffiront, lorsqu'il faudra trois mètres dans un terrain de mauvaise nature.

Époque.
 
Les propriétaires auraient grand intérêt à faire faire les défoncements plusieurs mois à l'avance, car, la terre du fond emmagasinerait une certaine quantité d'azote, et gagnerait certainement en qualité et en légèreté. Dans la pratique, malheureusement, à cause des grands travaux de la récolte, il est difficile de trouver des travailleurs. Nous recommandons en tous cas de faire creuser les trous avant le 15 octobre, de façon à pouvoir planter du 1er novembre au 1er décembre. Le pommier mis en terre à ce moment reprendra beaucoup plus facilement parce que le traitement des terres bêchées sera déjà presque fait et les radicelles commenceront à se former pendant l'hiver avant l'entrée en végétation. L'arbre planté dans ces conditions avant le 1er décembre gagnera un an et sa reprise sera certaine. Il est très rare qu'il soit possible de planter en décembre ou janvier, car, si la terre est trop mouillée, la plantation se fait dans de très mauvaises conditions qui influeront sur l'arbre pendant toute son existence ; s'il gèle, d'un autre côté, il est impossible de songer à planter parce que tout arbre dont les racines auront été recouvertes par la terre gelée, risque de ne pas prendre.
 
Si on ne peut planter en novembre, mieux vaut encore attendre février que de mettre un arbre en terre par le gel ou lorsque le sol a trop d'humidité.

Rappelons en passant qu'il ne faut jamais laisser en terre de vieilles racines, et que la pratique de mettre au fond des trous des fagots de bois ou de genêts, est détestable parce que le pourridié (blanc des racines) se développera et détruira l'arbre en quelques années.

Mise en terre.

Avant de procéder à la plantation, il faut tout d'abord fixer très solidement, à l'emplacement voulu, le tuteur du pommier. Vous éviterez ainsi les meurtrissures des racines, inévitables lorsque le tuteur est placé après la plantation et vous aurez le grand avantage de maintenir votre arbre droit contre le vent, grâce à la solidité du tuteur. Autrement, souvent il arrive que c'est l'arbre qui soutient le tuteur.
 
Vous devez profiter d'un temps doux et sans eau pour faire votre plantation. Comme ces jours sont trop rares en hiver, c'est le moment de ne jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même.    Il est nécessaire d'être trois pour bien planter.

Vous commencerez par mettre autour de votre tuteur des mottes de gazon si vous en avez, en retournant l'herbe à l'envers, ou de la bonne terre retirée du dessus du trou. Ce petit monticule doit avoir la hauteur suffisante pour que le collet de l'arbre se trouve au niveau du sol. L'arbre en pépinière a toujours ses racines plus fortes du côté du Midi, aussi, il est préférable en le plantant de toujours disposer les plus fortes racines de ce côté, et de placer par conséquent le pommier tel qu'il était en pépinière par rapport au soleil, ce qui est facile à voir par les racines et souvent la peau du sujet.
 
Il est préférable de placer l'arbre contre le tuteur du côté où les vents sont plus à craindre.

Pendant qu'un des aides tient le pommier dans la position voulue, l'autre jette doucement et très peu à la fois, la terre la meilleure qu'il a eu soin de bien émietter auparavant. Vous devez faire entrer cette terre entre toutes les racines que vous aurez écartées auparavant sur le petit monticule du fond du trou.

Ensuite, lorsque les racines auront été recouvertes de quelques centimètres de terre, vous devez répandre sur la terre à l'extrémité et sur les racines, quelques poignées d'engrais chimiques préparés spécialement pour le pommier.

Votre aide continuera à mettre la terre doucement au pied, pendant que vous-même, de temps en temps, vous répandrez un peu d'engrais sur ce cône de terre qui va toujours en s'agrandissant. Les racines du pommier trouveront en peu de temps l'engrais répandu en plusieurs couches au-dessus et devant les radicelles, qui, en dix ans, acquerront un développement qu'autrement ils auraient à peine obtenu en vingt ans.
 
Dans un chapitre spécial, je parlerai de l'engrais des pommiers absolument nécessaire pour obtenir à peu près régulièrement de très belles récoltes de pommes. Vous devrez fouler très légèrement au pied la terre autour de votre arbre, mais, si la terre est mouillée, mieux vaut laisser le tassement se faire naturellement.

Le trou devra être recomblé de suite en évitant de déranger l'arbre et en ayant soin de former autour du tronc une petite cuvette destinée à retenir la pluie.
 
Il est nécessaire de n'attacher le pommier au tuteur que lorsque le tassement est déjà bien avancé, car, dans le cas contraire, l'arbre resterait suspendu à son tuteur et des vides se produiraient autour de ses racines qui pourraient par la suite périr.
 
Vous devrez avoir habillé vos pommiers avant la plantation, c'est-à-dire que vous leur couperez à la serpette et non au sécateur, l'extrémité des racines mutilées seulement par l’arrachage ou le transport, en ayant grand soin de conserver tout le chevelu ou radicelles si elles sont encore vivantes. Dans le cas contraire vous devez les couper, mais seulement jusqu'à la partie vivante. Beaucoup de jardiniers taillent à même les racines des arbres qu'ils plantent, c'est un tort. Qu'ils essayent de planter en conservant toutes les racines vivantes et ils se rendront compte que ce procédé est le meilleur.
 
Pour faciliter la reprise, il est recommandé de tremper les racines dans un mélange de terre, de bouse de vache et d'eau.
 
Il est utile, les premières années de la plantation, de badigeonner les arbres avec un mélange de terre, de chaux et de bouse de vache auxquels on ajoute un peu de sulfate de fer. En employant ces moyens très simples et peu coûteux, votre verger vous donnera des récoltes lorsque votre voisin, qui n'aura pas suivi cette méthode si simple, en sera encore réduit à remplacer chaque année les victimes que son ignorance ou le défaut des précautions que je viens d'indiquer fera parmi ses pommiers.
 
Les propriétaires mettent Souvent dans leurs baux, « que les fermiers devront planter un certain nombre de pommiers qu'ils épineront, cobêcheront, et rendront pris et vifs, greffés de bonnes espèces. » Cette clause peut exister sur le papier, mais jamais elle n'est mise en pratique. Le fermier, trop souvent, néglige les soins nécessaires à donner dans la plantation, dans le choix et dans l'entretien des sujets. Beaucoup sont difformes ou sans vigueur et, fréquemment, ceux qui échappent aux coups des bestiaux ou de la charrue, ne sont jamais ébourgeonnés et sont greffés avec des espèces locales souvent sans valeur. En un mot, la grande généralité de ces pommiers périt avant d'avoir rapporté.
 
Il me semble que le propriétaire aurait au contraire tout avantage à acheter lui-même les meilleurs sujets, et à les faire planter sous sa direction et comme il l'entendrait par le fermier qui alors, par bail, s'engagerait à donner les soins aux arbres et se porterait responsable des accidents. Le propriétaire en donnant un peu de bois peut obtenir de très bons tuteurs et des entourages capables de résister aux bestiaux, tandis que le fermier se contentera de mettre quelques épines, sans valeur il est vrai, mais aussi sans durée efficace.
 
D'un autre côté, on voit des agriculteurs s'occuper avec le plus grand soin de la surveillance des récoltes, de l'élevage des bestiaux, en un mot, de tout ce qu'ils croient regarder leurs intérêts dans la ferme ; mais, bien rares sont ceux qui surveilleront leurs vergers et qui tiendront à ce que leurs pommiers aient les soins qu'ils méritent. Comment voulez-vous que les fermiers qui sont peut-être pour un bail de 9 ans, peut-être pour quelques années dans la ferme, fassent le peu de travail nécessaire aux pommiers, si vous ne leur montrez pas l'intérêt que vous portez à la réussite de vos arbres ? C'est même l'intérêt du fermier, parce que beaucoup d'entre eux sont dans les mêmes fermes depuis de longs baux, et qu'ils ont toute chance d'y rester s'ils font bien leurs fermes. Les intérêts du propriétaire et du fermier sont identiques. Combien connaissons-nous de cultivateurs laborieux qui presque chaque année paient la plus grande partie de leur fermage avec le produit des pommes et du cidre

Aucun propriétaire ne refusera à un fermier de lui payer les plants pour faire un verger tel que je l'indique, s'il a confiance quo la plantation sera bien faite et bien entretenue dans la suite.

SOINS A DONNER AUX ARBRES

 Après la plantation, l'agriculteur doit surveiller avec le plus grand soin ses arbres et les mettre à l'abri des bestiaux qui, souvent dans une nuit, peuvent détruire le commencement d'un verger.

Entourages.
 
Les pommiers doivent donc être protégés par une armature, suffisamment forte pour résister aux bestiaux, faite dans des conditions telles qu'elle ne blesse pas l'écorce de l'arbre. En outre, il est désirable qu'elle soit très bon marché et facile à faire, à réparer ou à entretenir par le premier ouvrier venu.
 
Les entourages en fer sont excellents comme solidité, mais souvent, par les grands vents, lorsque les arbres sont vigoureusement secoués, l'écorce est enlevée par le frottement continu contre le fer, ce qui donne naissance aux chancres. Il est juste, néanmoins, de reconnaître que cet accident n'arrive pas lorsque l'arbre est parfaitement attaché à un tuteur déjà très solidement piqué en terre ; mais il arrive, malgré tout, qu'un jour ou l'autre l'attache vient à pourrir et alors, dans ces conditions, l'accident évité au début se produit fatalement. En plus, quelquefois les bestiaux enlèvent l'armature tout d'une pièce et font aux pommiers des plaies très profondes et incurables.
 
Nous conseillons pour entourer les pommiers, des perches de châtaignier fendues et réunies entre elles par des fils de fer ou une lame de zinc comme les barricades de chemin de fer.

On peut aussi placer trois perches de châtaignier fendues en deux autour de l'arbre, en forme de triangle, réunies en haut et en bas par des planchettes. En plus, une ronce artificielle attachée au haut, faisant plusieurs fois le tour de l'entourage avant d'être fixée au bas, protègera facilement l'arbre contre les bestiaux qui auraient la fantaisie de s'y gratter.

Ces deux genres d'entourages sont très pratiques et peu coûteux.

Paillage.
 
Pour faciliter la reprise de l’arbre et lui donner une végétation très vigoureuse, il est utile de couvrir la terre autour de l'arbre, de fumier, genêts, ajoncs, de tous détritus en un mot qui pourront former écran contre le soleil et empêcheront les mauvaises herbes de croître en s'emparant des engrais réservés aux arbres.
 
Cette méthode, préconisée pour la première fois par le Révérend Frère Henry, a rendu les plus grands services dans les vergers. Ce savant arboriculteur se fera un plaisir, si un jour votre bonne étoile vous conduit à l'Institut Saint-Vincent, à Rennes, de vous montrer, dans son verger, les résultats surprenants obtenus dans une mauvaise terre avec ce procédé. Il vous montrera des pommiers paillés, suivant son expression, avec de la sciure de bois, des feuilles d'arbres vers, même avec des pierres d'ardoises.
 
Les troncs de choux, qui souvent ne sont pas utilisés, conviennent très bien pour le paillage.

Cobéchage.

Les jeunes arbres doivent être cobéchés chaque année pour détruire les mauvaises herbes et pour tenir la terre très émiettée. En voici la raison : l'humidité qui entre l'hiver en terre en sort beaucoup plus vite lorsque la partie supérieure n'est pas ameublie et forme une croûte ; c'est la loi de capillarité qui est traduite par ce proverbe populaire : « Un binage vaut quatre arrosages. » Une expérience bien simple vous prouvera le fait. Prenez une soucoupe, versez un peu de vin rouge et placez une pierre de sucre ; le vin montera petit à petit et bientôt le sucre sera rouge ; c'est la capillarité qui aura attiré le vin en haut. Recommencez l'expérience avec une pierre de sucre plate sur le dessus, où vous formerez une petite pyramide avec du sucre très finement pilé. Vous constaterez que le vin monte très facilement dans la pierre de sucre et que, dès qu'il atteint le sucre pilé, il ne peut plus monter que très lentement, si encore il ne s'arrête pas complètement. C'est la meilleure preuve que la terre se dessèche beaucoup plus vite lorsqu'elle est en croûte que lorsqu'elle est parfaitement ameublie.

Taille.

Il ne peut être question pour le pommier à cidre de le tailler comme les autres de jardin. Il est néanmoins très utile, les deux ou trois premières années au moins, de rabattre légèrement les jeunes tiges afin de les faire ramifier. Pour faire cette opération si facile, pour bien former la tête de l'arbre, nous vous recommandons de toujours rabattre au-dessus d'un œil dirigé vers l'extérieur de l'arbre. Il résulte de cette manière de faire, que la branche se dirigera en dehors et que le centre sera dégagé pour permettre l'introduction de la chaleur et de la lumière.
 
Quelques variétés demandent à être taillées un peu plus longtemps, comme la Médaille d'Or, ces variétés poussent bien, mais les branches restant grêles, le cultivateur a intérêt à faire grossir les branches charpentières.

Incision.
 
Il arrive fréquemment que l'écorce de l'arbre, devenant très dure, ne peut pas facilement se prêter au développement de l'arbre et que celui-ci est ainsi gêné dans sa croissance. Un moyen excellent, toujours indispensable quand on emploie les engrais à pommiers, est de faire des fentes longitudinales dans l'écorce de l'arbre. Ces fentes doivent couper très proprement l'écorce seulement, sans attaquer le bois et être faites sur le côté regardant le nord, au mois de mars. Pour éviter de faire les fentes trop profondément, il est utile de se servir d'un inciseur à arbres : une petite lame très tranchante est disposée au travers d'une boule d'acier, destinée à empêcher de blesser les arbres. On règle la longueur de la lame par une vis, suivant l'épaisseur de l'écorce.

Inciseur

Engrais des arbres.

Depuis quelques années, on a reconnu la nécessité absolue de donner des engrais aux arbres fruitiers. Les premiers essais ont été faits en Belgique, dans le duché du Luxembourg et en Allemagne ; les essais furent des plus fructueux, et dans ces différents pays la fumure des arbres fruitiers est presque générale.
 
Tout arbre, en grandissant, enlève au sol une certaine quantité de matières nutritives, comme l'azote, l'acide phosphorique, la potasse, etc. La terre garderait la même fertilité si les produits restaient sur le même sol et lui restituaient pour ainsi dire les éléments mêmes de leur formation. Pour toutes les cultures, et notamment le pommier, il n'en est pas ainsi. Les récoltes de pommes sont vendues et transportées au loin ; les feuilles mêmes qui, dans les forêts conservent la fertilité du terrain, sont enlevées par le vent ; aucun des produits des pommiers ne rend au sol les matières dont il est formé. Dans ces conditions, il est donc certain que la meilleure terre ne peut longtemps prodiguer des récoltes abondantes et que l'agriculteur est forcé de rendre au sol par des engrais de restitution tout ce qui lui a été enlevé.
 
Si vous voulez avoir de bonnes récoltes sur vos champs, vous ne craignez pas de mettre quelques sacs d'engrais. Pourquoi ne pas en faire autant pour les pommiers ?
 
Autrefois, jamais les prairies ne recevaient de fumure ; l'expérience a prouvé que la récolte était doublée par ce moyen.
 
La vigne aurait été perdue, disait-on, si elle avait reçu des engrais, son vin serait devenu détestable. Aujourd'hui, il est reconnu que la vigne doit être graissée pour avoir de bonnes récoltes.
 
Pourquoi voudriez-vous que les pommiers seuls fassent exception à cette loi de la nature ?
 
Tout d'abord , les marcs de cidre sont un très bon engrais pour les pommiers et donnent des résultats surprenants. Voici comment il faut les employer : A la sortie du pressoir, vous en formez une couche de 10 à 15 centimètres de hauteur. Au-dessus, vous répandez un peu de phosphate de chaux ou de scories de déphosphoration. - La troisième couche sera composée de terreau ordinaire et vous continuerez ainsi jusqu'à la fin de la fabrication du cidre.
 
Environ deux mois après, brassez le tout ensemble et recommencez l'opération plusieurs fois dans l'année. Vous aurez un terrain excellent qui ne vous aura coûté que quelques sacs de phosphates ou de superphosphates et vos pommiers vous prouveront par leur récolte abondante leur reconnaissance.
 
La quantité de marcs de cidre, malheureusement, ne peut suffire à fumer tous les arbres, et nécessite des frais de transport assez élevés ; aussi les engrais chimiques sont-ils très employés pour les vergers. La facilité de transport, de distribution et la possibilité de les enfouir sur les radicelles, expliquent la vogue dont ils jouissent dans les pays cités plus haut.
 
Un seul engrais complet, malheureusement, ne peut servir à tous les arbres.

Parmi les pommiers, les uns poussent avec une vigueur exubérante qui les empêche de fructifier, la sève se transforme en feuilles et en bois, ce qui n'est pas le but de l'arbre qui nous occupe. Les autres, au contraire, ne viennent pas, ils sont chétifs et donnent pendant de courtes années quelques fruits jusqu'au moment où on sera forcé de les abattre. D'autres, enfin, sont assez vigoureux et donnent de bonnes récoltes qui néanmoins s'amoindrissent petit à petit.
 
Vous distribuerez à tous les éléments qui leur font défaut sous forme d'engrais. Vous donnerez à ceux qui se portent tout en bois et en feuilles les matières qui leur manquent pour se mettre à fruits.

Les arbres faibles recevront un engrais qui activera leur végétation.

Et, enfin, vous rendrez aux troisièmes les matières nutritives enlevées par les précédentes récoltes.
 
Nous devrons donc diviser nos engrais pour trois catégories d'arbres :
 
1° Engrais pour pousser à bois et activer la formation de l'arbre ;
2° Engrais pour l'entretien de l'arbre et la restitution des récoltes ;
3° Engrais pour amener la fructification des arbres trop vigoureux poussant à bois et sans fruits.
 
Les engrais à pommiers doivent être enterrés au-dessus des radicelles de l'arbre, plus ou moins loin du tronc, suivant la grosseur de l'arbre. La première qualité de ces engrais spéciaux à rechercher est d'être très facilement assimilables, afin que les dernières pluies du printemps dissolvent tous ces produits.

Des essais comparatifs d'engrais à base d'acide phosphorique ont été essayés dans mon verger d'étude et ont donné des résultats parfaits pour l'accroissement des arbres.

Nous tenons à remercier M. Delafoy, de Nantes, M. Mellet, phosphates de Carentan (Manche) et la Société des scories Thomas, qui ont mis généreusement à notre disposition tous les engrais nécessaires.

Bien que les résultats ne puissent être connus qu'en novembre, nous pouvons assurer que l'emploi de ces différents engrais est à propager et à conseiller à tous nos lecteurs, pour l'accroissement de l'arbre et la mise à fruit.
 
Les essais auraient été plus concluants si la grêle n'avait pas arrêté en Août la végétation des arbres ; aussi comptons-nous poursuivre l'expérience en 1898.
 
La maison Pilon frères, Buffet et Durand-Gasselin , de Nantes, fournit un engrais de poudre d'os azoté qui a également donné de bons résultats.
 
Voici du reste la note publiée à ce sujet par cette maison :

NOTE sur la POUDRE D'OS PILON
préparée spécialement pour l'emploi direct
en Agriculture.
 
Le bas prix actuel de la Poudre d'Os nous engage à appeler l'attention des agriculteurs sur ce produit précieux, comme engrais, puisque 100 kilogrammes de Poudre d'Os contiennent (1) :

2 à 3      kilogrammes d'azote.
20 à 25        «       d'acide phosphorique.
1O à 30        «       de matières organiques animales.

Les agronomes ont tous, et toujours considéré la Poudre d'Os comme l'engrais par excellences à la condition qu'elle soit présentée à la plante sous une forme bien assimilable, résultat qu'atteint parfaitement le traitement que nous lui faisons subir par des procédés spéciaux.
 
L'analyse démontre, en effet — et nous le garantissons — que dans ces Poudres d'Os l'acide phosphorique est à l'état :

       pour 1/3 environ soluble dans l'eau et le citrate d'ammoniaque
et le reste 2/3    «     «     »       le citrate acide (méthode Wagner).
 
Quant à l'azote, sa provenance des os, chairs, sang, débris d'animaux, indique qu'il est d'une assimibilité parfaite.
 
Dans de telles conditions, il est certain que l'acide phosphorique est entièrement assimilable et solubilisé par les acides faibles du sol, particulièrement par l'acide carbonique, produit par la décomposition de la matière animale de l'os, dont l'azote, se transformant en ammoniaque et en nitrate, est absorbé par la plante au fur et à mesure de la décomposition. Les radicelles trouvent donc ainsi et successivement tout préparés les aliments nécessaires à la végétation de la plante qu'elles ont mission de nourrir.
 
La Poudre d'Os ne fatigue pas et n'épuise pas la terre ; comme du fumier on peut en user et en abuser, car, avec le fumier, elle est simplement la restitution au sol de ce que les récoltes et animaux lui ont enlevé, c'est-à-dire la mise en pratique de la théorie la plus vraie de la science agricole. Aussi les agriculteurs ont-ils pu, par des fumures annuelles de fumier et de Poudre d'Os, cultiver pendant plusieurs années consécutives des blés sur la même terre, avec d'excellents rendements, sans qu'elle manifestât le moindre épuisement.
 
Du reste — et c'est là sa grande supériorité sur les engrais minéraux — par sa composition exclusivement organique, la Poudre d'Os arrive fatalement dans le sel à une décomposition entière et intégrale, et si une première récolte n'utilise pas tous ses éléments, une prochaine récolte en profitera, mais rien ne sera perdu.
 
L'Angleterre, l'Allemagne, la Belgique, où la culture est malheureusement plus avancée qu'en France, consomment des quantités considérables de Poudre d'Os ; en Angleterre, c'est le fond de toutes les fumures, sans exception ; en France, nous restons en arrière.
 
Cela pouvait s'expliquer autrefois, alors que ce produit était ici à un prix élevé. Aujourd'hui nous fabriquons à meilleur marché que les Anglais et leur en expédions des quantités importantes qui, dans l'intérêt général, seraient bien mieux employées en France.
 
Que nos cultivateurs usent donc largement de la Poudre d'Os ; ils s'en trouveront bien.

EMPLOI
 
La Poudre d'Os, par sa composition naturelle, sa teneur en azote organique, acide phosphorique et matières animales, doit être considérée comme un fumier concentré et appliquée comme lui à toutes les cultures, sans crainte de fatiguer ni d'épuiser la terre qu'elle enrichit, au contraire, en humus : aucun autre engrais ne peut remplacer aussi utilement le fumier qui manque à la ferme ; les résultats qu'elle donne dans la culture maraîchère en sont la preuve.
 
En culture ordinaire, la Poudre d'Os s'emploie seule à la dose de 500 kilog. à l'hectare, ou comme complément du fumier en calculant que 100 kilog. équivalent à 6 à 8 mètres cubes de bon fumier d'étable. — Il faut l'épandre aussi soigneusement que possible, soit à la volée, soit au semoir qui fonctionne toujours très régulièrement avec ce produit d'une pulvérulence absolue, — recouvrir ensuite par un hersage ou un léger labour.
 
En culture intensive, que tous les cultivateurs devraient aujourd'hui pratiquer, nous conseillons les compositions suivantes qui sont très faciles à faire à la ferme, la Poudre d'Os étant un produit très sec et pulvérulent d'un mélange aisé avec les sels ammoniacaux et potassiques ; pour les quantités d'une certaine importance, nous faisons ces mélanges à l'usine, moyennant 0,25 cent. par 400 kilos.

Poudre d'Os  : Pilon, Buffet et Durand-Gasselin

Les prix de revient sont calculés en prenant pour bases les prix moyens de :
fr. 12    les cent kilog. pour la Poudre d'Os ;
» 22    »    »                  le chlorure de potassium à 50. ;
» 22 50    »    »             le sulfate d'ammoniaque à 20/21°;
» 21 50    »    »             le nitrate de soude 15/16';
6 50    »    «     «              le kiinit 12/14°.

Il est facile au cultivateur de les faire exactement en modifiant les prix des éléments suivant les cours ; il doit aussi modifier les quantités de chaque élément suivant les besoins de sa terre, dont il se rendra aisément compte par des essais comparatifs avec des formules variées. Nous pensons, en tout cas, lui donner à coup sûr un bon conseil en l'engageant à faire des formules très riches en acide phosphorique, cet élément faisant toujours défaut, surtout dans notre région de l'Ouest.

PILON frères, J. BUFFET et H. DURAND-GASSELIN, à NANTES (Loire-Inférieure).

(1) Les chiffres exacts de ces trois éléments varient quelque peu suivant que les os travaillés sont plus ou moins frais : les os frais étant proportionnellement plus riches en azote et matières animales et moins en acide phosphorique ; les os secs, plus riches en acide phosphorique et moins en azote et matières animales. La moyenne 21/2 d'azote, 22 1/2 d'acide phosphorique et 25 de matières animales peut-être considérée comme exacte.

Voici notre mode d'emploi :
 
En février ou commencement de mars, lorsque le temps semble indiquer une pluie prochaine, un ouvrier répand autour de la zone des radicelles une certaine quantité de l'engrais 1, 2 ou 3, suivant la vigueur de l'arbre. Cet engrais est ensuite cobêché en terre au-dessus des racines, mais en évitant de les atteindre avec la binette. Pour les arbres moins vigoureux, nous conseillons de faire quatre ou cinq trous de 8 à 40 centimètres autour du tronc vers l'extrémité des radicelles et d'y déposer l'engrais. Ces trous, restant découverts, recevront la' pluie, et les engrais, très vivement 'décomposés, seront assimilables de suite. La quantité d'engrais est variable d'après l'arbre ; mais, en général, 1 kilo par jeune pommier est très suffisant. Il est évident que la quantité doit être désignée par l'expérience, par la nature du terrain, l'exposition, etc.
 
Les arbres vigoureux résistent beaucoup plus facilement aux grands froids comme aux extrêmes chaleurs, ainsi qu'à toutes les maladies diverses et à tous les parasites, animaux ou végétaux.

Maladies.

Nous avons pu voir dans les précédents chapitres que les pommiers ne reçoivent pas les soins les plus élémentaires ; est-ce donc que cet arbre n'a pas, comme la vigne, les ennemis les plus terribles ?

Le propriétaire doit donner à ses arbres les mêmes soins que le vigneron apportera à sa vigne, car le pommier a, malheureusement, un très grand nombre d'ennemis que je passerai très rapidement en revue en indiquant le traitement.

Tous ces ennemis s'attaquent de préférence aux arbres les plus faibles, à ceux qui ne reçoivent aucun engrais. Ils peuvent passer l'hiver sous les écorces des pommiers, dans les crevasses et les fentes produites par les chancres, sous la mousse surtout qui envahit tant d'arbres souffreteux.
 
Le traitement général contre tous les ennemis du pommier est de gratter les vieilles écorces, couper les bois morts, et ensuite projeter sur l'arbre, avec un pulvérisateur à pommiers, un lait de chaux nouvellement éteinte auquel il sera bon d'ajouter 15 à 20 kilogs de sulfate de fer par hectolitre de liquide.
 
Ce traitement, très promptement fait, donnera les meilleurs résultats, même en l'employant seulement tous les deux ans.
 
Le pulvérisateur est donc un instrument que tout propriétaire et tout fermier doivent avoir pour défendre leurs récoltes de pommes, d'autant plus qu'il peut servir également pour les vignes, poiriers, pêchers, tomates, pommes de terre. Nous nous servons à notre grande satisfaction du système Besnard qui pulvérise parfaitement et d'une solidité remarquable.
 
Le puceron vert s'attaque aux jeunes pousses de l'arbre et aux feuilles nouvelles. Dès qu'un arbre a des pucerons verts, vous voyez de suite des fourmis grimper le long de l'arbre pour sucer la liqueur mielleuse secrétée par les pucerons.
 
Traitements. - Un litre de jus de tabac dans quinze à vingt litres d'eau, ou le Solutol Lignières (que je recommande aussi très vivement), un litre par quinze litres d'eau.

Le puceron lanigère est ce petit insecte qui semble couvert de laine blanche, et qui produit sur les pommiers les ravages les plus grands en s'attaquant aux jeunes branches et en y formant des plaies ineffaçables.
 
Traitement. — Le Solutol Lignières (un litre sur quinze litres d'eau, tous les quinze jours jusqu'à disparition complète) donne des résultats satisfaisants, ainsi que le jus de tabac mélangé à l'eau de savon ou l'essence de térébenthine.
 
Prendre un kilo de savon noir à faire dissoudre dans vingt à vingt-cinq litres d'eau chaude, ajouter très doucement un kilo de jus de tabac ou d'essence de térébenthine en remuant vigoureusement le mélange.
 
Le ver blanc est trop connu, malheureusement, et fait des ravages considérables sur les jeunes pépinières. Aucun remède sérieux n'a été indiqué, car le Botrytis tenella, à ma connaissance, n'a jamais produit le moindre effet et je ne pourrai le recommander.
 
Le Kermès est un insecte nouveau, paraît-il, puisqu'il n'est connu en Normandie que depuis 1865.

Il a la forme d'une très petite coquille de moule.
 
Il paraît que ces insectes, en peu d'années, détruisent un arbre en suçant toute la sève.

Traitement comme pour le puceron lanigère.

L'anthonome est ainsi décrit par M. Power :
 
« L'anthonome du pommier, Anthonomus pomorumSchonerre, est un coléoptère de la famille des Curculionides ; sa longueur est d'environ 6 millimètres et sa largeur 2 millimètres. Boisduval le décrit ainsi dans son Essai sur l'Entomologie horticole :
  
Couleur plus ou moins brunâtre, avec duvet ou pubescence grisâtre. Les élytres (ou enveloppes dures qui recouvrent les ailes) sont d'un roux obscur, marquées vers l'extrémité postérieure d'une tache blanche. Éclos à la fin de mai ou au commencement de juin, il passe l'été et l'hiver dans l'engourdissement pour se réveiller et s'accoupler vers la fin d'avril ou les premiers jours de mai. Après sa fécondation, la femelle se met à la recherche des fleurs de pommiers, dont elle perce le bouton avec son rastre ou bec ; elle y dépose un œuf dans chaque trou sans jamais mettre deux œufs dans la même fleur. Au bout de quelques jours, l’œuf donne naissance à une petite larve qui dévore les étamines, le pistil et l'ovaire. Elle grossit rapidement et, quinze jours environ après sa naissance, elle se transforme en nymphe, dans son propre berceau. La fleur ainsi atteinte cesse bientôt de se développer et devient d'un jaune brun ; les paysans normands disent qu'elle tourne au clou de girofle. Jusqu'ici on admettait généralement que la nymphe se laissait tomber à terre, s'y enfonçait et attendait le moment favorable pour reparaître à l'état d'insecte parfait. La souplesse et la vivacité de ces nymphes rendaient cette opinion très admissible. »
  
Quand vous verrez un pommier perdre presque complètement ses fleurs, examinez plusieurs boutons et vous trouverez certainement ce petit charançon qui aura détruit votre récolte.
 
Le traitement préventif est le remède général indiqué plus haut contre les parasites.
  
Les abeilles, en favorisant la fécondation des fleurs, rendent de très grands services, car, dès que le pollen est déposé sur le pistil, les fleurs se ferment et l'anthonome ne peut y pondre.
 
Le rynchite ou coupe-bourgeons fait surtout des torts sérieux dans la pépinière et est détruit comme l'anthonome par le traitement général à la chaux et sulfate de fer.
 
La chématobie est un petit papillon qui roule la feuille tendre du pommier et fait le plus grand tort à la végétation de l'arbre.
 
Traitement. — Pulvérisation au Solutol Lignières ou au savon noir et térébenthine (voir puceron lanigère).

M. de la Hayrie, président de la Société d'horticulture de Lorient, travaille spécialement la question des parasites des pommiers, et a écrit un petit opuscule très savant et très complet sur cette matière.
 
Depuis quelques années, différents produits antiparasitaires ont été lancés pour la destruction de tous les parasites.
 
Le Syndicat pomologique, ayant organisé un concours expérimental de ses produits, fera connaître prochainement les résultats si intéressants pour les producteurs de pommes.
 
Les maladies des pommiers sont aussi très nombreuses. Nous ne parlerons que des chancres et du blanc des racines.
 
Le chancre est dû à un champignon microscopique qui s'attaque à l'arbre à la suite d'un coup, d'une blessure. Quelques variétés sont plus sensibles que les autres à cette maladie qui peut se guérir en ayant le soin de couper le bois attaqué jusqu'au vif, de le cautériser ensuite avec de la créoline Pearson, 25 % ou une solution très forte de sulfate de fer et ensuite de recouvrir la plaie avec un mastic.

Le blanc des racines est un pourridié analogue à celui de la vigne contre lequel il n'existe pas de remèdes. Il se déclare surtout par l'échauffaison des racines enterrées trop profondément, ou se forme même sur les genêts, bruyères, etc., qui sont enfouis quelquefois à tort dans les trous de pommiers. Le blanc amène la perte du pommier en un ou deux ans au plus.

Nettoyage du pommier.

Bois mort, mousse. — Chaque année, pendant l'hiver, les arbres fruitiers doivent être débarrassés des branches mortes ou à moitié brisées, ainsi que de toutes les mousses, champignons, etc., qui peuvent envahir le tronc.

Nous devons surtout faire la plus grande attention au nettoyage de l'arbre parce que la plupart des insectes ne peuvent résister à toutes les intempéries de l'hiver qu'en se cachant dans la mousse et dans les crevasses de l'écorce. Il est à remarquer qu'à la suite d'hiver très peu rigoureux, les insectes nuisibles occasionnent des dommages considérables, comme en 1896.
 
Le gui. — Parmi tous les parasites de l'arbre, aucun n'est plus dangereux que le gui, car il est impossible à détruire et, lorsqu'il est coupé sur la branche, il repousse avec une nouvelle vigueur après quelques années. Les suçoirs traversent la branche souvent de part en part et absorbent au passage tous les sucs nourriciers.
 
Une campagne activement menée par M. Sarcé, de Pontvallain (Sarthe), a déjà eu dans ce département un grand résultat. Les pouvoirs publics ont rendu la destruction du gui obligatoire dans la Sarthe, et actuellement ce parasite n'y existe que rarement, paraît-il.
 
Il est à espérer que les Conseils généraux tiendront à défendre l'intérêt du cultivateur et que d'ici peu d'années, cette mesure sera obligatoire dans toute la France.
 
On objecte que le gui est un produit d'exportation pour l'Angleterre et qu'il en est expédié de Saint-Malo et de Honfleur des bateaux entiers. Peu importe la qualité à vendre, car, d'après les données de M. Sarcé, le gui fait un tort de un franc par pommier et par an au minimum et détruit pour l'avenir l'arbre et ses récoltes.
 
Si nos voisins ne peuvent se passer de gui pour Noël, il leur est facile de le propager dans les cultures de pommiers qu'ils ont dans le Sud de l'Angleterre, mais ils s'en garderont bien et franchement ils auront raison.
 
Les cultivateurs qui ont encore du gui ont le plus grand intérêt à le couper, et s'ils veulent, ils peuvent le vendre, ce sera toujours autant de détruit.
 
En 1895, les mille kilos de gui se payaient de 30 à 40 francs sur wagon, selon la qualité, qui consiste à avoir les plus grosses touffes, entières et chargées de tous leurs fruits.
 
M. Juret, négociant en cidres à Segré, achète chaque année une certaine quantité de gui dont les livraisons se font du 15 novembre au 10 décembre.

*
* *

LA CIDRERIE

Depuis quelques années, une véritable révolution s'opère dans la manière de faire le cidre. Ainsi le cultivateur, encore aujourd'hui, ne consacre à cette fabrication que le temps, que pour ainsi dire, il peut voler aux autres travaux de la ferme. Il croira perdre son temps en consacrant quelques heures dans l'année à remplir ses barriques ; le soutirage lui paraîtra même inutile, et lorsqu'il recevra le conseil de soutirer deux ou trois fois, il s'empressera de penser qu'il est préférable d'économiser cette opération pourtant si nécessaire. Lorsqu'un fût sera vide, il se gardera bien de le nettoyer ; heureux encore si au moment d'entonner le cidre nouveau, quelques litres d'eau lui serviront à enlever les impuretés les plus grosses. Je ne parle pas des pressoirs et des broyeurs qui souvent servent de perchoirs pour les poules et sont contaminés par des épaisseurs d'excréments de ces volailles ; un coup de balai légèrement donné suffira à avoir une propreté, très relative.
 
Qu'arrive-t-il à tous les cidres fabriqués avec une telle négligence, avec un tel oubli de la propreté la plus élémentaire ? Dès que la fermentation s'achève, ces cidres sont imbuvables, les uns sont forts et sentent l'acidification, les autres sont gras et deviennent impropres à tout usage, sinon à brûler.
 
La fermentation alcoolique était jusqu'à ces dernières années laissée à toutes les chances du hasard. Si le cidre se conservait mal, la faute en était à l'année, au cellier, à toute cause en un mot, sauf la vraie, au manque de propreté.

Toutes ces maladies du cidre sont étudiées et connues depuis les admirables découvertes de Pasteur, et des hommes dévoués aux intérêts de leurs concitoyens passent leur vie à rechercher les meilleures méthodes de fabrication.
 
A un siècle de culture intensive comme le nôtre, il était nécessaire de rechercher quels sont les moyens les plus certains et les plus économiques d'arriver à produire un cidre excellent et de longue conservation. C'est ce qu'a si bien compris le dévoué Président du Syndicat de la Manche, en demandant au Syndicat pomologique d'étudier les meilleurs modèles de cidrerie pour une fabrication de dix à cinquante barriques bordelaises.
 
Les deux questions principales dans une cidrerie sont d'abord de permettre de faire une fabrication très économique, supprimant le plus possible la main-d’œuvre toujours si chère, et permettant ensuite une fabrication rationnelle et une conservation parfaite du cidre.
 
Il semble difficile d'admettre qu'on soit forcé de faire une cidrerie pour un nombre si restreint comme dix barriques. On se sert ordinairement pour cette minime fabrication des locaux déjà existants dans une ferme, aussi ai-je pris comme base de cette étude la quantité de cinquante barriques. Il sera facile au propriétaire qui désirera avoir un local spécial de diminuer ou d'augmenter dans une certaine mesure les données que je pourrai citer. Ainsi cette cidrerie organisée pour cinquante barriques, pourra, une année de récolte abondante, loger près de deux cents barriques, soit :

Deux citernes                                         90 barriques.
Demi-muids et barriques superposés     110     
Total. . .                                               200 barriques.

Et 300 barriques en supprimant le massif de maçonnerie sous les cuves de fermentation et en les agrandissant. La première question d'une cidrerie est d'être économique et par conséquent il est nécessaire que les frais de construction, d'amortissement et de réparations ne soient pas complètement à la charge du compte cidre ; en d'autres termes il faut que la plus grande partie du bâtiment puisse servir pendant neuf à dix mois à d'autres usages qu'à celui de la cidrerie.

Nous devons étudier trois parties de la cidrerie absolument distinctes :
  
1° Le bâtiment lui-même qui pendant un ou deux mois servira à la fabrication du cidre et devra le reste du temps être d'une utilité incontestable à la ferme ;
2° Le matériel de fabrication ;
3° Le matériel de cave.


Le bâtiment.

Le bâtiment très simple se compose de trois parties :
  
1° Au sud un hangar divisé lui-même en deux parties d'un côté renfermant le matériel de fabrication, et de l'autre destiné à recevoir les pommes à l'abri de la pluie. Ce hangar aura le sol légèrement incliné au sud afin que les moindres traces d'eau puissent être enlevées très rapidement. Le terrain devra être revêtu de ciment, d'asphalte ou plus simplement de cendre de chaux, car il est de la plus grande importance d'éviter autour du broyeur et du pressoir ces flaques d'eau stagnantes, véritables repaires à mauvais ferments.
  
Pour recevoir les pommes dans la partie qui leur est réservée, je conseille de mettre par terre un lit de simples fagots de gros bois les uns à côté des autres, dans le sens de la longueur, afin d'attirer l'air jusque sous le tas de pommes et empêcher ainsi l’échauffaison. Une couche de paille posée transversalement recevra les pommes. Si la hauteur du tas devait devenir trop considérable, il serait nécessaire de placer quelques fagots debout entre les autres avant de déposer les pommes. Ces derniers fagots serviraient ainsi de cheminées d'appel et la conservation des pommes serait assurée autant que possible contre l’échauffaison. L'autre côté du hangar sera destiné à recevoir le broyeur dont le manège se trouvera à l'extérieur du bâtiment. Un peu en arrière le pressoir ou les pressoirs de préférence, pour ne perdre aucun temps et permettre toujours à un pressoir le temps de s'égoutter. Près du mur de refend une cuve qui recevra le moût au sortir du pressoir. Près de cette cuve une pompe de cave enverra directement le moût, dans les citernes de fermentation placées dans le cellier, par un tuyau de caoutchouc qui traversera le mur par une très petite ouverture de 10 à 15 centimètres carrés. Si le propriétaire veut éviter les frais de citerne, le même tuyau de caoutchouc servira à remplir directement les tonnes beaucoup plus vite qu'en le portant avec des seaux et surtout en le tenant absolument à l'abri de toute impureté.
  
A l'Ouest près du pressoir une certaine quantité de cuves en bois pourront être installées pour la fabrication du second et troisième cidre.
  
2° Entre la partie du hangar destinée à la fabrication et le cellier, une ouverture sera faite dans le mur. Cette ouverture aura une porte de chaque côté du mur pour les raisons ci-dessous. Ce passage servira, pendant la fabrication, à surveiller le remplissage des citernes ou des tonnes, à permettre à l'air chaud d'entrer dans le cellier et de faciliter ainsi la fermentation.
  
Dès que la fermentation prendra fin, il sera nécessaire de fermer d'abord la porte du côté du cellier, puis pour empêcher l'introduction de l'air chaud, on remplira l'espace libre dans l'épaisseur du mur avec du mauvais foin ou toute autre matière insolante.
  
Le cellier sera enfoncé en terre de trois marches et renfermera les citernes de fermentation, si nécessaires avec les nouveaux procédés de fabrication, les tonnes et les barriques.

Le sol sera également cimenté ou à la cendre de chaux, et une rigole de chaque côté de l'allée permettra aux eaux de lavage de sortir par la porte située à l'Est. Si une cave spéciale pour le vin est nécessaire, il est facile avec une cloison de faire un petit caveau dans un coin. Le propriétaire qui regardera trop à la dépense pourra peut-être, mais à tort, se dispenser d'établir les deux citernes de fermentation, dont l'utilité est très grande comme nous verrons plus loin.

La porte du cellier sera à l'Est et-devra être faite en bois très épais. Cette porte peinte en blanc pour éviter la chaleur, aura deux battants afin d'entrer les plus grosses tonnes. Il sera bon l'été de l'abriter du soleil levant par un paillasson ou par un revêtement de feutre passé à la chaux.
 
Le plafond du cellier sera fait avec des barreaux de châtaignier entourés de foin de mauvaise qualité ; le tout trempé dans un bon mortier et recouvert au-dessus de carreaux. Ce genre de plafond très peu coûteux est presque inaccessible, aux écarts de la température, ce qui doit être recherché avant tout dans la construction d'un cellier, quel que soit le système employé d'après les différents pays.
 
Si le propriétaire ne regardait pas trop aux frais, le meilleur moyen de préserver le cidre de la chaleur, serait de faire, le long des murs une cloison à 10 ou 20 centimètres de distance. Ce matelas d'air s'opposerait parfaitement à la variation de la température.
 
Un plafond voûté serait certainement préférable, mais la dépense serait bien plus élevée que le moyen si simple que j'indique.
 
3° Le grenier qui s'étendra au-dessus du cellier et même si on désire sur tout le bâtiment sera carrelé. Ce grenier sera d'une très grande utilité pour ramasser pendant l'hiver les pommes de troisième saison, les années de grande abondance.
 
Pour faciliter la mise des pommes en tas dans le grenier, il est facile d'installer une simple poulie en haut de la porte Est avec un petit treil à encliquetage pour arrêt, pouvant se manœuvrer du bas par un seul homme qui monterait ensuite par grandes caisses les fruits, tandis qu'un autre homme les conduirait ainsi sur un petit chariot à deux roues à l'endroit voulu.
  
Une seconde caisse faciliterait considérablement le travail.
  
Les pommes seraient déposées comme en bas sur un lit de bois et de paille et seraient à l'abri de l'échauffement et des intempéries. Si on craignait la neige ou les trop fortes gelées, il serait facile d'employer le moyen si simple dont je me suis servi et que j'indique en toute confiance : sous les ardoises ou tuiles vous clouez sur les chevrons un rouleau de carton ou de feutre bitumé, qui forme matelas d'air et protégera efficacement du froid.
  
Le bâtiment tel qu'il est indiqué dans ses grandes lignes peut être modifié en grandeur suivant l'espace donné ou la quantité de cidre à faire par an, mais il a surtout le très grand avantage de servir, pendant dix mois environ, de grange pour battre le blé par exemple et le mettre à l'abri d'un orage, pour ramasser une ou plusieurs charretées de foin ; en un mot ce hangar peut servir à tout usage pendant la plus grande partie de l'année ainsi que le grenier à pommes.
  
Nous étudierons dans un prochain chapitre le matériel de fabrication.

Matériel de fabrication.

Le broyeur dont je me suis servi est du système Simon, de Cherbourg. Il se compose d'un seul arbre muni d'un cylindre armé de palettes mobiles entrant et sortant pendant la rotation. Ces palettes entraînent les fruits et les obligent à suivre le mouvement du cylindre pour être broyés contre une plaque munie de rainures appelée dossier. Telle est la description de ce broyeur par M. Simon.

Je n'ai pas l'intention de conseiller tel ou tel fabricant, d'autant plus que les expériences de précision de la Société des Agriculteurs de France, au concours de Segré, indiqueront les avantages et les désavantages de tel ou tel instrument.

Il faut, à mon avis, que le broyeur soit muni d'un distributeur pour activer ou retarder l'arrivée des pommes, et d'un régulateur pour augmenter ou diminuer le degré de broyage.

En possédant un instrument ayant ces avantages, tout fabricant de cidre pourra à son gré obtenir le degré de broyage nécessaire selon la nature des pommes, la maturité, et sera à même de repasser très vivement le marc déjà pilé pour le second et troisième cidre.

Pour obtenir la meilleure qualité du cidre, il est nécessaire que la fabrication soit faite avec la plus grande rapidité possible pour empêcher les mauvais ferments de s'emparer du moût.

Je conseille donc l'emploi d'un moteur quelconque, soit manège à un cheval pour les petites cidreries, soit moteur à pétrole ; ces moteurs peuvent servir utilement pendant le reste de l'année à actionner les pompes de jardin, et même les barattes dans les grandes exploitations, enfin à tout usage. Le moteur à pétrole Grobbe est très simple, solide, et peut être employé dans toute cidrerie.
 
Le moteur à cheval dont je me sers provient encore de chez M. Simon et m'a donné de bons  résultats, son prix très modéré (130 fr.) le met à la portée de toutes les bourses.
  
Sous le broyeur je conseille vivement de faire établir une caisse en chêne facile à déplacer pour les soins de propreté, plus évasée en haut qu'en bas à chaque extrémité afin de permettre à l'homme chargé du broyeur de retirer facilement la pulpe de pommes pour la mettre au pressoir.
  
Ces dispositions facilitant beaucoup le travail économique peuvent être employées avec tous les broyeurs.

Pressoirs.

Un peu en arrière du broyeur, se trouvent placés sur la même ligne, à 30 ou 40 centimètres de distance l'un de l'autre, un ou deux pressoirs de petite dimension de préférence, c'est-à-dire donnant environ leur barrique. Cette dimension est celle, à mon avis, qui donne les meilleurs résultats et qui, est la plus pratique aussi bien pour le rendement que pour le remplissage et le serrage par un seul homme.
 
Le serrage est obtenu par les appareils de pression Mabille.
 
Il est bon d'avoir deux pressoirs parce que pendant que l'un d'eux est en pression, et s'écoule, le second peut être en charge.
 
De cette manière, jamais une minute ne peut être perdue dans la fabrication du cidre, si toutefois vous le voulez bien, et en plus le petit cidre et le troisième cidre sont faits avec une régularité parfaite à tour de rôle.
 
Les pressoirs doivent être nettoyés avec les plus grands soins avant la mise en marche avec une solution de bisulfite de chaux (1 litre par 5 litres d'eau), lavés ensuite à grande eau à plusieurs reprises et pendant la fabrication il est utile de laver à grande eau les instruments deux fois au moins par semaine.

Filtres.

Pour obtenir des cidres très fins et de très bonne conservation, ainsi que je l'indique dans le petit traité que la Société des Agriculteurs de France a bien voulu récompenser du Prix Agronomique, j'emploie les filtres en amiante système Maignen. Le filtrage a, à mon avis du moins, le très grand avantage d'empêcher l'introduction dans le moût de la cause même et de la nourriture des mauvais ferments. En réalité c'est un surcroît de propreté apporté à la fabrication du cidre.

Les résultats obtenus par le filtrage sont :
  
1° Fermentation beaucoup plus prompte, plus active, plus régulière ;
2° Augmentation d'alcool ;
3° La lie de très bon goût ne s'acidifie que beaucoup plus tard ;
4° Finesse de goût remarquable ;
5° Conservation des cidres beaucoup plus longue.
 
Ces filtres durent très longtemps, mais il est utile pour la facilité de la fabrication d'avoir le nombre nécessaire en double afin d'avoir toujours prêt à être employé un filtre venant d'être lavé et nettoyé.
 
La différence de qualité obtenue paie très facilement le prix d'achat de ces filtres après quelques barriques. J'attribue du reste à ce procédé indiqué par moi, la réussite que j'ai obtenue dans différents concours de 1895.

Le moût demanderait un certain temps à traverser ces filtres si on n'activait l'opération par une pompe aspirante et foulante qui attire le liquide à l'intérieur du filtre d'abord et le rejette ensuite dans les cuves de fermentation.

Pompes.

Cette pompe, en plus de son usage pour le filtrage, peut servir de pompe de cave pour la transvasion du liquide lorsqu'elle ne peut se faire seule comme nous l'indiquerons plus loin.

Cuves.

Les cuves destinées à la macération des marcs de deuxième et troisième cuvée sont des barriques ou des tonnes coupées par le milieu, tenues dans un état de propreté parfaite.
 
La robinetterie et la tuyauterie d'une cidrerie industrielle sont très importantes, aussi croyons-nous rendre service à nos lecteurs en leur indiquant le fournisseur que nous avons pour ces articles destinés à notre cidrerie industrielle : M. J. DEPAGNE, 30, quai de la Rapée, PARIS.

Matériel de cave.

La condition essentielle d'un matériel de cave est d'être très pratique, de pouvoir conserver dans un espace donné une très grande quantité de cidre dans un état de conservation parfait.
  
Depuis quelques années, la nécessité de plusieurs soutirages est absolument reconnue et nous devons donc prendre les meilleures dispositions pour les faire avec la plus grande économie de temps, de liquide et de matériel.

Cuves de fermentation.

La fermentation s'établit très tôt dans le cidre, surtout en employant les moyens rationnels du filtrage et des levures sélectionnées.
 
En plus la fermentation se fait d'une manière d'autant plus régulière que la masse de liquide est plus grande ; la qualité du cidre par elle-même est d'autant plus homogène que la quantité est plus forte, et enfin pour le fabricant de cidre qui le destine à la vente, il est préférable d'avoir toutes ses barriques de même fabrication, de qualité égale, que d'avoir des variations de prix qui ne peuvent s'expliquer que par le plus ou moins de malpropreté de la barrique, en particulier, ou de la fabrication en général, ce qui en est du reste très souvent la cause.
 
Pour empêcher ces défauts propres à la fabrication, je crois pouvoir conseiller les cuves ou citernes à fermentation tumultueuse après laquelle le cidre sera, d'après l'importance de la cidrerie, confié à des citernes de moindre contenance ou à des tonnes et barriques.

Les citernes de fermentation doivent être excessivement faciles à nettoyer et d'une solidité parfaite, tout en tenant peu de place. Les plus simples sont celles de fer et ciment, appelées Siderio-Ciment, recouvertes à l'intérieur de plaques de verre qui se joignent parfaitement et sont d'une propreté parfaite.

Ces citernes ou cuves recouvertes reviennent à très bon marché puisque l'hectolitre logé ne coûte pas plus de 3fr. 50 à 4 francs. La construction de ces citernes en sidéro-ciment, c'est-à-dire en acier et ciment, est très solide et en plus la conservation du liquide est parfaite, puisque le revêtement intérieur de ces immenses cuves étant en verre, le cidre se trouve exactement renfermé comme dans une immense bouteille. Notre exposition de Segré pourra très probablement faire connaître ces excellentes plaques en verre.
 
Ces citernes ou cuves recouvertes sont très pratiques parce qu'étant disposées au-dessus du sol à 1 mètre 50, elles permettent, à l'aide d'un seul tuyau de caoutchouc, de remplir très vivement et sans aucun travail, les tonnes, demi-muids et barriques.
 
Pour augmenter le logement du cellier, ces citernes peuvent être faites à terre ou même sous terre, au lieu d'être sur massif de maçonnerie, ce qui diminuerait le prix de construction de 421 francs et augmenterait le logement de 100 barriques, soit au total 300 barriques.  Une pompe de cave remplirait les tonnes.
 
Une série de ces cuves de sidéro-ciment serait très facile à utiliser pour les différents soutirages, et d'une exploitation commerciale très pratique.
 
En plus, il serait très facile d'établir sous le cellier représenté par notre plan, une série de citernes renfermant des milliers d'hectolitres au besoin.
 
Les tonnes ou les demi-muids de 600 litres, de préférence, sont indispensables et économiques parce que les réparations sont nulles et que le cellier contiendra une quantité d'hectolitres beaucoup plus grande de liquide en demi-muids qu'en barriques, et que, d'un autre côté, le cidre aura d'autant moins de chances d'être en rapport avec l'air extérieur, que le fût sera plus grand, et en plus je préfère les demi-muids parce que ces derniers peuvent être nettoyés et mis en place par un homme seul ou par deux au plus.
 
Quant à la conservation d'une très grande quantité de cidre à l'état doux, c'est-à-dire n'ayant pas fini sa fermentation pour faire en toute saison d'excellent 'cidre mousseux, je puis assurer, d'après mes expériences, que d'ici quelques années, peut-être moins, nous pourrons garder cette délicieuse boisson plusieurs années et en faire ensuite du cidre mousseux. Mes expériences n'étant pas terminées, je ne puis m'expliquer plus complètement sur ce nouveau mode de conservation.
 
Les barriques ne sont utiles dans un cellier que pour la vente du cidre ou pour la consommation de la famille si elle est peu nombreuse.
 
En tout cas quelle que soit la nature des récipients la recommandation la plus essentielle est de les tenir dans l'état de propreté la plus complète.

Une pompe à eau d'excellente qualité devra être à proximité du cellier pour les soins de propreté du matériel.

Mode de fabrication du cidre.
 
En quelques mots j'indiquerai l'économie du système de fabrication que je préconise.
 
La mise sous bâtiment des pommes est faite bien facilement puisque une très grande partie peut être déchargée directement par charrette à l'endroit désigné sous le hangar. L'autre portion plus restreinte demandera en tous cas peu de travail pour être répartie sur le grenier en tas différents.

Le broyage et la pression nécessiteront
  
1° Un chef de fabrication surveillant le manège ou moteur, le fonctionnement du broyeur et transportant au fur et à mesure la pulpe broyée dans les pressoirs ou les cuves de macération.

2° Un homme de service chargé de fournir le broyeur de pommes, soit à l'aide de paniers si les fruits sont sous les hangars, soit par un conduit en bois incliné s'ils sont au grenier.
 
3° Une femme ou un enfant devra remplir les paniers de pommes à l'avance, nettoyer les filtres et donner de temps en temps quelques coups de pompe à filtre au besoin.
 
Pour la pression, le lavage des fûts, etc., les deux hommes s'aideront et feront manœuvrer la pompe du filtre pendant que je pressoir serré laissera écouler le cidre.
 
Ce personnel est très suffisant pour obtenir quatre à cinq barriques par jour au minimum. Ce chiffre peut être considérablement augmenté en adjoignant un homme de service supplémentaire.
 
Pendant les heures de repos nécessaires pour que les pressoirs puissent rendre complètement la plus grande quantité de liquide, les hommes et la femme ou l'enfant pourront nettoyer les fûts, les filtres, etc.

Mon but, en écrivant en quelques lignes cette étude, a été de prouver, d'après ce qui se fait chaque année à mon domaine, que la fabrication très propre, très, simple et très économique du cidre est à la portée de chacun, et qu'il est facile, à peu de frais, d'obtenir pour soi d'abord et pour la vente ensuite d'excellent cidre à très bas prix.

Étant en rapports journaliers avec tous les principaux fabricants d'appareils pour cidrerie, je suis à la disposition des lecteurs pour tout renseignement.
 
Puissent ces, simples indications rendre service à la classe laborieuse qui consomme presque exclusivement et à juste raison cette excellente boisson.

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APICULTURE

Utilité de l'apiculture
pour la fructification des fruits.
 
Il semble singulier, au premier abord, dans un concours pomologique, d'entendre chanter les louanges de l'abeille ; et qui plus est, de la voir recommander vivement aux pomologues.


Il n'en est rien pourtant, lorsque, sans parti pris, ou examine attentivement le rôle de cet insecte dans l'apiculture en général, et en particulier dans la pomologie.
 
I

Il est un fait certain connu de tous les apiculteurs, et facile à remarquer partout : Pourquoi les pommiers plantés sur les bords des routes produisent-ils des fruits presque très régulièrement tous les ans ? Un auteur prétend que la poussière des routes empêche l'anthonome de faire ses ravages terribles sur ces pommiers, et il croit même qu'il serait suffisant au moment de la floraison de jeter une poudre quelconque très fine pour les écarter et assurer la récolte.
 
Il me semble au contraire beaucoup plus naturel de donner de ce fait de production régulière des arbres plantes près des routes, l’explication suivante :
 
Lorsque les arbres sont en floraison et que le temps reste calme pendant plusieurs jours, les jardins sont merveilleusement parés de cette multitude de fleurs ; les espérances d'abord si belles de récolte s'évanouissent petit à petit pour faire place souvent après quelques semaines à la certitude absolue d'un manque total de fruits. Tantôt, au contraire, les fleurs sont-elles à peine épanouies en petite quantité qu'un vent violent agite les arbres et fait perdre au pauvre cultivateur, pour cette année encore, l'espoir de remplir sa cave d'excellent cidre. Si cette période de tempête en même temps qu'une légère chaleur continuent pendant la floraison entière, les arbres ne semblent pas fleurir, car à peine la fleur épanouie, les étamines sont-elles enlevées.

La fructification cependant s'est opérée par le vent qui s'est chargé de transporter le pollen de la fleur sur le pistil et une récolte parfaite sera la conséquence forcée de ce temps réputé mauvais.

Ce fait qui se passe dans tous les arbres explique naturellement que les pommiers situés près des routes, plus exposés aux tourbillons d'air causés par les voitures et par toute autre cause, rapportent presque régulièrement.

Or si le vent aide la fructification, les abeilles rendent d'abord le même service en mettant au contact le pollen et le pistil et même en transportant le pollen d'une fleur sur une autre. Il est prouvé parfaitement que des arbres fruitiers improductifs pendant de longues années donnaient de suite, après l'établissement d'un rucher dans le voisinage, de magnifiques récoltes. Voici un fait raconté par un agriculteur de l'Est : « En Normandie, une commune fut trois années sans abeilles et pendant tout ce temps, quoique les pommiers fussent chargés de fleurs, on ne récolta pas de pommes. Aussitôt qu'on eut rétabli les ruches, les pommiers recommencèrent à donner des fruits et nulle part aujourd'hui les abeilles ne sont mieux soignées. »
 
L'abeille rend forcément le même service à toutes les plantes, depuis la plus petite fleur jusqu'au plus grand arbre des forêts.

II

Les abeilles, en transportant d'un arbre à l'autre le pollen, favorisent la multiplication des variétés nouvelles et empêchent les désastreux effets de la propagation de l'espèce par des individus toujours issus d'une même souche. Elles font naturellement pour les plantes ce que les grands horticulteurs ont appelé la fécondation artificielle. Les éleveurs de bestiaux, en empêchant la consanguinité, ne font pas autre chose que d'imiter les abeilles qui changent pour ainsi dire le degré de parenté d'un arbre à un autre.
 
De combien de variétés nouvelles de fruits sommes-nous ainsi redevables à ces humbles auxiliaires de nos vergers ?

III

Le rôle de l'abeille pour le pomologue ne s'arrête pas à la fécondation des fleurs ; après avoir assuré en grande partie une bonne récolte elle vient même en aide au cultivateur soit pour obtenir un cidre excellent, soit pour augmenter pendant une année de disette, dans de très notables proportions, la quantité de boisson. Le sucre est en effet très commun dans la nature ; toutes les fleurs en contiennent des proportions plus ou moins élevées ; presque toutes les plantes en possèdent des quantités parfois si infinitésimales qu'elles empêchent l'homme de s'en rendre propriétaire, tandis que l'abeille par son travail ramasse petit à petit ces trésors qui autrement seraient perdus pour nous.
 
Le miel peut nous servir très avantageusement à améliorer la qualité du cidre et surtout en cas d'année de disette comme celle-ci, à faire des petits cidres de bonne conservation tout en augmentant dans une large mesure la production de l'alcool.

IV

Enfin il est prouvé que l'anthonome fait beaucoup moins de dégâts dans les vergers situés près des ruches. L'abeille en récoltant le miel ferait tomber à terre l'œuf de l'anthonome et en détruirait ainsi une grande quantité.

CONCLUSION

En résumé le cultivateur da pommiers a tout intérêt à avoir un rucher pour les raisons suivantes :
 
1° L'abeille favorise la multiplication des variétés par la fécondation artificielle ;
2° L'abeille favorise la fructification des arbres fruits ;
3° Le rucher produit une quantité de miel pouvant augmenter considérablement, sans frais, en qualité et en quantité, la production des cidres do première, deuxième et troisième cuvée;
4° Enfin l'abeille détruit chaque année une très grande quantité d'anthonomes.


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Prime à nos Lecteurs

LA DIFFUSION

Diffuseur Briet

Je tiens à faire connaître au lecteur ce procédé qui, bien que connu depuis longtemps, n'avait jamais donné un résultat comparable à celui obtenu par le Diffuseur BRIET.

Je ne puis mieux faire connaître l'appareil que par la courte notice de M. BRIET.

Mes essais personnels en 1896 me permettent d'assurer que l'on obtient par la diffusion des cidres excellents, faciles à clarifier et de longue conservation.

Une remise de Cent francs par appareil m'a été promise par M. BRIET pour tous les lecteurs de l'Almanach du Pommier et du Cidre qui lui enverront leur demande d'appareils avec la page d'annonce du Diffuseur (page 123). Cette demande devra être revêtue de ma signature pour être valable et devra m'être envoyée à SEGRÉ (MAINE-ET-LOIRE).


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DEUXIÈME PARTIE

LE CIDRE
Sa fabrication et sa conservation.

PRÉFACE

L'homme s'est créé le besoin de boissons excitantes dans des temps très reculés, et n'a cessé de les perfectionner pour la satisfaction de ses goûts et dans l'intérêt de son hygiène. Son génie a enfanté trois types : le vin, le cidre, la bière, sans parler des eaux-de-vie et des liqueurs, qui constituent un quatrième type.

Le cidre occupe en France le second rang comme importance dans la série des boissons fermentées. C'est par millions d'hectolitres que se chiffre la consommation que l'on en fait, et cette consommation va d'année en année en croissant, s'étend comme la tache d'huile, et fait concurrence au vin lui-même et à la bière.
  
Il importe donc au premier chef de fabriquer le cidre, afin de lui faire acquérir les meilleures qualités possibles, et de lui procurer les avantages d'une parfaite conservation, c'est ce qu'a si bien

compris M. Roger de la Borde dans sa remarquable brochure intitulée : « Fabrication et conservation du cidre », où il traite en maître cette grande question qui intéresse au plus haut degré le propriétaire, l'agriculteur et la classe si nombreuse des consommateurs.
 
Dès les premières pages, l'auteur attaque le problème par le point le plus important : la fermentation, et c'est en effet le cœur de la question, car la fermentation normale a pour conséquence bonne réussite de la fabrication et parfaite conservation du cidre. C'est pour ne pas l'avoir suffisamment compris que cette grande industrie agricole est restée jusqu'à présent si routinière, ou, si l'expression employée froissait le sentiment du producteur, nous dirions si stationnaire.
 
Il reconnaît que le moût des pommes renferme des spores de ferments de nature différente, adhérents à l'enveloppe, à la peau du fruit, les uns éminemment utiles, les saccharomyces, et les autres au contraire fort nuisibles, les bactéries, qui causent les maladies du cidre, et sa mauvaise conservation. Il signale d'autres sources d'impuretés et par conséquent d'autres origines de ferments nuisibles, que l'on constate presque toujours dans les cidres de fermes : des débris de fumier, de paille contaminée, de matières altérées, sans oublier les additions de petite quantité de purin ou d'eau de mare corrompue, auxquelles ont recours, dans leur inconscience absolue et dans leur profonde ignorance, tant de cultivateurs, sous prétexte d'activer la fermentation, et avec la ferme croyance qu'elle purifie tout et rejette les impuretés hors de la barrique.

A ce défaut de propreté dans la fabrication il faut encore porter en compte la malpropreté du matériel, finalement l'entonnage du cidre dans des fûts mal nettoyés, et par suite une nouvelle cause de mauvaise conservation de cette boisson.
 
M. Roger de la Borde ne s'est pas contenté de la critique, il a étudié chez lui la fabrication du cidre, il a recueilli des observations, il a travaillé pendant plusieurs années au perfectionnement des indications obtenues, et a réussi à créer un procédé méthodique de cidrification en parfait accord avec la science, qui assure la bonne qualité et la conservation du cidre.
 
Le voici, dans ses grandes lignes : le jus des pommes, au sortir du pressoir, est passé au tamis de crins très serrés, qui retient le principal de la pulpe en suspension et des impuretés, puis à une filtration sur filtres spéciaux en amiante, système Maignen, qui facilite plus encore l'élimination des spores de mauvais ferments localisés sur certaines parties de l'enveloppe du fruit. Un second et un troisième passage par ce filtre mettraient bien mieux la fermentation à l'abri de l'infection bactérienne. Toutefois le fait de filtrer trop souvent amènerait une stérilisation presque complète de moût, en enlevant en outre une trop grande quantité de bon ferment, ce que ne conseille pas l'auteur, parce que cela causerait trop de retard dans le commencement de la fermentation. Or, un retard un peu prolongé pourrait déterminer une contamination de toute la masse du liquide par les mauvais germes de l'air, si l'on n'avait pas pris toutes les précautions recommandées en pareil cas, pour mettre le tonneau, destiné à la fermentation, complètement à l'abri du libre accès de l'air.

En pareil cas, et dans tous les cas, au lieu de compter sur les bons services des germes naturels de bons saccharomycès, il est préférable d'introduire dans le moût filtré, une première fois, de la levure sélectionnée et pure d'excellent cru de cidre ; qui, s'emparant immédiatement du milieu, déterminera une fermentation prompte, rapide et saine, le peu qui pouvait subsister de mauvais germes ayant succombé sous le coup de l'invasion et de la multiplication du bon ferment.
 
En suivant les conseils de M. Roger de la Borde on peut compter que l'on obtiendra un cidre de bonne qualité et de conservation d'autant meilleure que l'on aura fait intervenir une levure sélectionnée supérieure.
 
On ne saurait trop recommander la lecture de la brochure de M. Roger de la Borde, gui mériterait d'être intitulée « l'Art de faire le cidre », car elle est riche en renseignements pratiques de toute nature. Son grand mérite, d'ailleurs, a été reconnu par la Société des Agriculteurs de France, qui, dans sa dernière session, lui a donné sa plus haute récompense au grand Prix Agronomique.

G. JACQUEMIN,
Chevalier du Mérite agricole,
Directeur scientifique de l'Institut La Claire pour la culture des levures sélectionnées.   


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Monsieur le Président,

En répondant à l'appel de la Société des Agriculteurs de France, demandant un mémoire sur la bonne fabrication et la conservation du cidre, je n'ai pas l'intention de vous adresser une œuvre scientifique, à la portée des savants et des chimistes seulement, et qui ne serait d'aucune utilité pratique pour les petits cultivateurs.
 
Ce mémoire n'est pas fait pour les grands fabricants de cidre qui ont à leur disposition un matériel dispendieux et qui peuvent contrôler leurs opérations cidricoles par l'analyse ; mon but est de faciliter aux plus petits cultivateurs et aux propriétaires peu aisés la fabrication d'un cidre excellent et de très longue conservation.
 
Les grands fabricants de cidre pourront néanmoins mettre en pratique industrielle les quelques notions que l'expérience a pu nie faire connaître.
 
Recevez, Monsieur le Président, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.  

ROGER DE LA BORDE,
Président de la section de Maine-et-Loire du Syndicat pomologique de France.
Château de LA LOGE , par SEGRÉ
(Maine-et-Loire).Segré, le 28 décembre 4895.


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Fabrication et conservation du cidre.
 
Aucune boisson ne s'est plus répandue que le cidre depuis quelques années. Autrefois le cidre était seulement la boisson du peuple dans tout l'Ouest de la France, depuis les rives de la Loire jusqu'à la Picardie. Aujourd'hui au contraire, le cidre est connu partout ; il est servi à la cruche au repas du pauvre et sur la table du riche, il serait l'égal des vins de Champagne par sa mousse pétillante au sortir de la bouteille s'il n'avait en plus sur ce dernier la grande qualité d'être une boisson naturelle. Depuis quelques années, la consommation a presque doublé à Paris pour les cidres naturels et presque triplé pour les cidres de fabrication où la pomme, hélas ! n'est pour rien ou pas grand'chose. A l'étranger, le cidre commence à être en honneur, en Angleterre, en Égypte, en. Extrême-Orient, aux Antilles, etc....
 
Les Américains eux-mêmes commencent à nous inonder de leurs pommes sèches et envoient déjà des cidres en Angleterre.
 
L'Allemagne, le pays de la bière, a acheté cette année des quantités prodigieuses de pommes françaises.
 
Le seul reproche que l'on puisse faire au cidre est que cette boisson, renfermant en général peu d'alcool, est plus disposée que toute autre à devenir la proie des différentes maladies.
 
En plus, le bas prix de ce liquide empêche par lui-même une grande partie des soins qui lui seraient nécessaires.
 
La question de la bonne fabrication et de la conservation du cidre est une des questions nouvelles qui intéressent le plus le propriétaire et la classe si digne d'intérêt de l'agriculteur et de l'ouvrier.
 
Je ferai connaître dans ce mémoire les expériences que j'ai faites et j'indiquerai les moyens pratiques, à la portée de tous, que j'emploie pour faire de bon cidre et le conserver avec toutes ses qualités pendant plusieurs années.

Fermentation du cidre.
 
La fermentation du cidre est la transformation du sucre de la pomme en alcool et en acide carbonique, par l'action d'un champignon microscopique appelé saccharomyce ou ferment. Les différentes variétés des ferments connues actuellement peuvent se diviser en deux classes parfaitement distinctes :

1° Les ferments nuisibles ;
2° Les ferments utiles.

Ferments nuisibles.
 
Les ferments nuisibles sont introduits dans les moûts de pommes par toutes les impuretés qui se trouvent presque toujours dans les cidres de ferme, débris de fumier, de paille, ferments de matières putréfiées, etc. Souvent même, croyant activer la fermentation, des cultivateurs ne craignent pas d'ajouter à leurs moûts une petite quantité de purin ou d'eau de mare corrompue, sous le prétexte que la fermentation purifie tout et que toutes les impuretés sont rejetées hors de la barrique.
 
Cette pratique est très blâmable et très dangereuse pour la santé publique, parce que les impuretés des eaux de mare activent la fermentation putride et que souvent des épidémies de fièvre typhoïde, par exemple à Rennes, n'ont pas eu d'autres causes.
 
Ces impuretés, ce défaut de propreté dans la fabrication, dans l'entonnage du cidre dans des fûts mal nettoyés, ont toujours pour résultat la mauvaise conservation de cette boisson. La graisse des cidres est due à un mauvais ferment spécial, ainsi que l'acidification ; tout cidre trouble est le résultat d'une mauvaise fermentation. En résumé, tout cidre malade a pour cause une mauvaise fermentation, un défaut de propreté.

Bons ferments.
 
Tout au contraire, lorsque le cidre a été fait avec une grande propreté, lorsque les ferments de la pomme seuls ont pu se multiplier dans le moût, après quelques jours, la fermentation tumultueuse s'établit dans le cidre, et souvent dix à quinze jours après la fabrication, un cidre excellent, de goût très droit et très fin et de bonne conservation, peut être expédié à un prix rémunérateur.

Nécessité d'empêcher les mauvais ferments.
 
Les bons ferments se trouvent toujours en quantité suffisante autour de l'œil de chaque pomme, et pour assurer leur multiplication dans le moût, il suffit en théorie d'empêcher la présence des ferments nuisibles.
 
Dans la pratique, il n'est pas facile d'avoir la propreté minutieuse que réclame la fabrication d'un liquide si délicat ; quelques déchets de pommes avariées, un brin de paille sorti du fumier voisin, peuvent contaminer un cidre et en quelques jours lui faire perdre sa qualité et l'empêcher de se garder.
 
La première qualité de toute bonne fabrication du cidre est la propreté, et tout cidre bien fabriqué sera de très longue conservation. Je dirai même plus : un cultivateur n'apportant pas à la fabrication de ce liquide tous les soins désirables, tout en ayant des pommes excellentes, ne fera, jamais de mauvais cidre, alors que son voisin, avec les soins de propreté voulus, pourra obtenir avec des pommes médiocres une très bonne boisson ; c'est un fait reconnu et impossible à nier.
 
Toutes les expériences que j'ai faites depuis six ans me prouvent que la fabrication du cidre de choix, de goût très fin et très parfumé, de très longue conservation, se résume en un seul mot : la propreté dans la fabrication.
 
La nécessité absolument, démontrée aujourd'hui d'empêcher les mauvais ferments de sddévelopper dans les moûts de cidre m'a amené peu à peu à faire la filtration du cidre au sortir de l'anche du pressoir et avant toute fermentation.

Je donnerai en quelques mots les essais faits depuis 1889, et j'indiquerai ensuite comment je brasse le cidre.

Essais de 1889.

En 1889, un fait singulier me frappa un jour en goûtant les cidres de mon cellier. J'avais marqué toutes les barriques d'un numéro afin de les reconnaître et pouvoir désigner facilement à mon personnel telle ou telle barrique ; je fus donc surpris de voir à la dégustation que très régulièrement une barrique sur deux était de meilleur goût, que toutes les barriques de numéro impair, 1, 3, 5, par exemple, étaient préférables aux fûts de numéro pair, 2, 4, 6.
 
Les pommes étaient les mêmes, mélangées et conservées avec le même soin ; les deux pressoirs absolument identiques, le même concasseur de pommes servait les deux pressoirs. Enfin, après plusieurs jours de recherches, je remarquai que les tamis en crins que j'employais pour empêcher les déchets de pommes et autres impuretés de pénétrer dans les barriques de moût, étaient de finesse différente. Chacun de ces tamis servant seulement à un pressoir, il me fut facile de me rendre compte, d'après mes notes de fabrication, que le cidre le plus fin, le plus parfumé et en un mot le meilleur, provenait du pressoir ayant le tamis le plus fin.

Essais de 1890.
 
Je continuai en 1890 la même fabrication, mais au lieu d'employer des tamis de crins toujours un peu gros, je me décidai de me servir de toiles en soie à bluter. Mes deux tamis furent encore de différente finesse, tout en étant plus fins que mes tamis de crins.

Le résultat fut le même : l'ensemble de la fabrication avait augmenté de qualité, niais le tamisage le plus fin me donnait encore très régulièrement le meilleur cidre. Je dois ajouter qu'en augmentant la finesse des tamis, j'éprouvai une difficulté beaucoup plus grande à faire passer le moût.

Essais de 1891.

Pour obvier à cet inconvénient, j'essayai en 1891 de tamiser le cidre au sortir du pressoir et ensuite, après la fermentation tumultueuse, de le filtrer dans des manches en coutil, en laine, en molleton. Mon essai ne fut couronné d'aucun succès, car mes fûts témoins, simplement tamisés, étaient préférables aux barriques passées au tamis et au filtre. J'attribuai cet insuccès au temps très long nécessaire pour faire le filtrage après fermentation, d'où déperdition d'alcool, d'acide carbonique, de parfum, facilité aux mauvais ferments d'envahir le liquide.

Essais de 1892.

Je résolus donc, pour la fabrication du cidre de 1892, de faire des essais après la fermentation tumultueuse, avec des filtres à pression tels que l'on s'en sert pour séparer des lies de vin, le liquide qui peut rester. Mes essais faits en petit furent négatifs, car les filtres étaient obstrués après une vingtaine de litres par toutes les matières pectiques, d'où nécessité de nettoyer constamment le filtre et de laisser longtemps le cidre exposé à l'air. Le cidre, par conséquent, devenait plat et ne ressemblait en rien à celui des fûts témoins.

Essais de 1893.
 
J'attribuai ce mauvais résultat à la perte d'alcool et de parfum que le cidre devait forcément subir au contact de l'air.

Pour obvier à cet inconvénient, sachant que le cidre au sortir du pressoir ne possède ni alcool, puisque le sucre n'est pas encore transformé en alcool et en acide carbonique, ni parfum, puisqu'il est un produit de la réaction des acides sur les alcools, j'en conclus naturellement qu'il ne pouvait perdre ce qu'il ne possédait pas encore et j'opérai la filtration au sortir même des tamis. Le résultat comme qualité fut parfait, mais les filtres étaient engorgés de suite par les matières mucilagineuses et, après quarante ou cinquante litres, il fallait de nouveau recommencer à démonter et à nettoyer les filtres, d'où grande perte de temps.

Le résultat du filtrage avant toute fermentation me donnait des résultats excellents comme qualité, mais malheureusement il fallait un instrument pratique pour faire ce filtrage.

Essais de 1894.
 
J'eus connaissance, au commencement de 1894, d'un filtre en amiante où la filtration se fait par capillarité.
 
Mes premiers essais avec un tout petit appareil de poche me donnèrent un certain résultat et je fis l'acquisition de plusieurs grands filtres pour continuer mes essais de fabrication et de conservation du cidre par la filtration avant toute fermentation.
 
Avant de donner les résultats de mes expériences de 1894 et de 1895, je dois faire connaître en quelques lignes comment je fais faire la fabrication du cidre.

FABRICATION DU CIDRE
 
Pour obtenir un bon cidre, la première question est de connaître les pommes qui ont le plus de qualités comme sucre, tannin, mucilage, solidité et parfum.
 
Je citerai seulement les espèces que je recommande avec l'analyse moyenne de chaque variété, dont ci-contre le tableau :

TABLEAU DES VARIÉTÉS DE POMMES

Un propriétaire, un fermier arrivant dans une ferme peut être embarrassé pour acheter des pommes ou pour connaître la valeur des fruits. Il est donc nécessaire, sans avoir besoin de recourir à l'analyse longue et coûteuse, de se faire une idée approximative très suffisante.

Deux moyens très simples peuvent être employés :

1° L'aspect général du fruit ;
2° Le poids spécifique du moût, c'est-à-dire le rapport du poids d'un litre de cidre non fermenté au poids d'un litre d'eau à 4° centigrades.

Choix des pommes par l'aspect des fruits.
 
La couleur de l'épiderme de la pomme donne un renseignement presque certain sur l'ensemble des pommes.
 
Toutes les pommes dont la peau est brillante sont en général peu riches en sucre, tandis que les fruits à peau rugueuse, tachée, sont presque toutes à très bonne densité.
 
Les pommes grises, marquées de différentes taches, sont en général très riches en alcool. Les jaunes sont moins riches en sucre, et les rouges enfin sont ordinairement pauvres en sucre, mais donnent un cidre très fin de goût.
 
Les variétés à peau verte transparente sont souvent acides et peu recommandables.

Choix des pommes par le densimètre.
 
Il existe un second moyen très rapide de se rendre compte de la valeur d'une variété de pommes, c'est de calculer à l'aide d'un petit instrument appelé densimètre le rapport du poids du jus de la pomme à l'eau. Les substances du cidre à rechercher sont en première ligne le sucre, puisqu'il est la source de l'alcool et de l'acide carbonique, et que sans lui, aucun cidre ne peut avoir des qualités et de conservation. Les autres substances comme le tannin, acidité, mucilage, parfum, sont certainement utiles, mais beaucoup moins que le sucre.
 
Pour reconnaître d'une manière rapide, toutefois avec une certaine approximation, la valeur de la pomme à employer, c'est-à-dire la quantité de sucre et d'alcool par conséquent, il suffit de broyer une dizaine de pommes, de passer le jus dans un filtré de coton pour éliminer toutes les matières solides et de peser avec un densimètre ou aréomètre, la pesanteur spécifique du liquide, de suite après le pressurage et avant toute fermentation.
 
Plus un moût aura une haute densité et plus la quantité de sucre et par conséquent d'alcool, sera élevée.

Pour se rendre compte sans consulter les tables de calcul tout faits des livres spéciaux, de la valeur du cidre d'une manière approximative par le densimètre, il existe certains moyens très rapides et d'une exactitude suffisante pour la généralité de la fabrication des cidres.
Calcul du sucre.
 
Il suffit de prendre les deux derniers chiffres à droite du densimètre ;
 
De les doubler, en forçant de 10% le chiffre trouvé pour obtenir à peu près le sucre total :

Premier exemple : 1,040 de densité nous donnera 40 X 2 = 80 gr. de sucre + 8 = 88.
Deuxième exemple : 1,075 de densité donnera 75 x 2 = 150 + 15 = 165 gr. de sucre.

Calcul de l'alcool par la densité.

Pour connaître de suite le degré d'alcool absolu d'une densité, il suffit de prendre les deux derniers chiffres du densimètre et de les diviser par 8, puis ensuite d'augmenter d'un 1/2 degré environ.

Premier exemple : 1,040 = 5°+ ½ = 5 degrés 1/2
                                8
Deuxième exemple : 1,061 = 8° + 1/2 = 80 1/2.
                                   8
  
Je donne ci-dessous un petit tableau simplifié des qualités de pommes avec densité, poids du sucre, alcool pur par litre et alcool à 60 degrés par barrique de 225 litres « après fermentation complète. »

Rapport de la densité du sucre et de l'alcool.

Rapport de la densité du sucre et de l'alcool

 
Les fruits doivent toujours être cueillis le plus tard possible, lorsqu'une bonne partie des fruits sont déjà tombés de l'arbre, mais on devra toujours ramasser de suite les pommes qui tombent à la fin de l'été, avant maturité, car elles ne se conserveraient pas et doivent être broyées de bonne heure.

Ce cidre devra également être bu le premier ou passé à l'alambic.

En opérant ainsi, on évite de casser en grande partie les boutons à fruits, espérance de la récolte prochaine.

Conservation des pommes.

Les pommes doivent être conservées sous des hangars, à l'abri de la pluie, jusqu'au moment où la maturité sera jugée suffisante pour donner le maximum de l'alcool.

Dans certains pays, il est d'usage de laisser les pommes exposées à la pluie ; elles rendront beaucoup de jus, diront les amateurs des anciennes routines. Je préfère pour ma part, si je crois nécessaire de mettre de l'eau dans le cidre, la mettre en quantité voulue et la prendre dans mon puits ; on évite ainsi la pourriture des pommes et on est sûr de la qualité du cidre. En tous cas, il est facile d'en mettre plus ou moins, tandis que si l'eau du ciel prend fantaisie de tomber au moment de la fabrication du cidre, il est impossible de mettre ses fruits à couvert, car jamais on ne doit ramasser en tas, des pommes mouillées, sans crainte de faire échauffer la récolte entière en quelques jours.
 
Il est donc préférable de mettre les pommes à l'abri de l'eau et du froid dans des greniers, sous des hangars. Voici la manière que je recommande :
 
Il est nécessaire pour empêcher l'échauffaison de laisser la circulation de l'air libre au-dessous des pommes autant qu'il est possible.

Voici comment j'opère sous les hangars
 
J'établis par terre un lit de fagots de gros bois pardessus lequel je fais étendre de la paille dans le sens contraire à la direction des fagots. Les pommes peuvent être ainsi déposées jusqu'à soixante centimètres de hauteur sans crainte d'échauffaison.
 
L'air circule entre les bois et peut pénétrer ainsi partout dans la couche des pommes.

Dans le cas de tas très étendus, il est utile de mettre tous les 3 ou 4 mètres un fagot de gros bois debout sur la couche de bois du fond, pour servir ainsi de cheminée d'appel et attirer l'air.
 
Ce bois n'est aucunement perdu et conserve toutes ses qualités en assurant la conservation des pommes.
 
L'époque propre à la fabrication du cidre est indiquée par la maturité du fruit, lorsque le parfum commence à se faire sentir et qu'une partie légère des pommes commence à être atteinte du blossissement ou pourriture blonde. A ce degré, la qualité de la pomme est au maximum de quantité de sucre, ainsi que la plus grande partie des fruits qui ne sont pas encore blets.
 
Toutes les expériences que j'ai faites me permettent d'affirmer que les fruits atteints de commencement de blossissement sont à leur maximum de qualité comme sucre, mais perdent légèrement de tannin et ont une légère augmentation d'acidité. Par contre, dès que la pourriture noire a envahi un fruit, il faut le rejeter.
 
Les premiers fruits à la fin de l'été doivent être broyés de suite, comme je l'ai dit plus haut.

Matériel de fabrication et propreté.
 
Je dois faire connaître les appareils que j'ai reconnus comme donnant les meilleurs résultats pour la fabrication du cidre.
 
Cette question au point de vue pratique et économique a une grande importance, mais néanmoins je ne la considère que comme une question de deuxième ordre pour obtenir des cidres parfaits et de très longue conservation. La question essentielle à mon avis est que les instruments en général servant à la fabrication soient d'une propreté irréprochable, je dirai même méticuleuse.

Il est donc d'une extrême importance de laver à grande eau, très souvent, tous les instruments servant à la fabrication, comme broyeur, pressoir, pompe, seaux à entonner.
 
Un excellent moyen de nettoyer les appareils de cave est d'employer le bisulfite de chaux étendu de cinq fois son volume d'eau. Ce produit très peu cher se trouve cher tous les droguistes et détruit parfaitement les microbes. Après son emploi, il est nécessaire de laver à grande eau, afin d'enlever toute trace de ce produit.
 
Les plus grands soins doivent être apportés au nettoyage des filtres, car après quelques jours de service, il est à craindre que ces filtres ne deviennent de véritables nids de microbes qui peuvent passer dans le liquide à l'état de spores ; le bisulfite de chaux est tout indiqué pour le nettoyage des filtres.
  
Nous savons que nous n'empêcherons les mauvais ferments d'envahir notre cidre que par la filtration chargée d'éliminer toutes les impuretés ; nous aiderons donc considérablement cette opération en ne faisant passer nos moûts que dans des appareils très propres. Le meilleur moyen est de nettoyer à fond tous les appareils en versant de l'eau bouillante de préférence à différentes reprises avant le commencement du brassage et de répéter cette opération une ou deux fois par semaine pendant la fabrication.
 
La filtration du moût, à mon avis, doit être suffisante pour enlever les impuretés en suspension dans le moût et notamment tous les déchets organiques et inorganiques qui forment la mauvaise nourriture des mauvais ferments et ainsi donner toute facilité aux saccharomicès ou ferments utiles de faire leur œuvre de transformation du sucre en alcool et en acide carbonique.
 
Je n'entends pas par filtration, l'action de clarification faite après fermentation par tel ou tel appareil. J'entends dire filtration ou tout autre moyen mécanique ou chimique de débarrasser le moût de toutes impuretés avant le commencement de toute fermentation.

En un mot, je suis partisan de la filtration de propreté qui consiste à enlever toutes les impuretés du moût, nourriture des mauvais ferments et non de la filtration de clarification qui n'a pour but que de donner un liquide parfaitement limpide et très agréable à la vue, mais qui en enlève une certaine proportion de matières pectiques nécessaires pour donner du moelleux au cidre.

Cuves et cuvage, petits cidres.
 
Il est nécessaire d'avoir un certain nombre de cuves ou barriques coupées par la moitié pour aider à la macération du deuxième et troisième cidre.
 
On recommande souvent, pour donner de la couleur au cidre, de laisser macérer les pommes après le pilage, pendant vingt-quatre à quarante-huit heures. J'étais si persuadé que ce conseil était parfait que pendant de longues années, je l'ai suivi ; mais à la suite d'expériences répétées, j'ai conclu au contraire de toutes les théories faites jusqu'ici, que dès que les pommes ont été broyées pour faire le pur jus, il faut les presser immédiatement ; vous obtiendrez ainsi un jus beaucoup plus coloré, contrairement aux anciennes théories, et vous empêcherez dans votre moût l'introduction forcée de mauvais ferments pendant un long cuvage ; donc tout avantage : économie de temps et économie de cuves.
 
Les pommes ayant servi à donner le premier cidre doivent être broyées à nouveau et mises en cuves pendant quatre à cinq heures seulement et être arrosées sitôt après broyage, avec le jus du troisième cidre.
 
Les fruits venant de donner le troisième cidre devront être remis en cuves après avoir été bien émiettés à la main, et il est nécessaire de jeter sur eux quarante à soixante litres d'eau par pressoir d'une barrique environ, en les laissant macérer pendant douze heures ou vingt-quatre au plus, car autrement ils s'échaufferaient.

Ce troisième cidre devra donner environ une boisson de 2 à 2 degrés 1/2.

L'eau qui servira pour le troisième cidre devra être parfaitement propre, et dans le cas contraire il serait utile de la filtrer.
 
On obtiendra donc un second cidre ayant subi la macération avec le troisième de la presse précédente donnant 1,040 à 1,045 environ de densité, soit environ 5% d'alcool d'après la fermentation complète.
 
Ce cidre aura donc une conservation presque aussi bonne que le pur jus par suite même du titre alcoolique. Il est toujours facile de l'obtenir plus faible en augmentant la quantité d'eau, mais lorsqu'on désire ajouter de l'eau au cidre, il est indispensable de la mettre avant la fermentation et non après, ou alors, dans ce cas, au moment même de le servir sur la table.
 
Le matériel de fabrication doit être le plus simple possible, et par conséquent le moins coûteux et le plus facile à réparer.

Les broyeurs ou pile-pommes doivent être recherchés broyant très fin, sans cependant mettre les pommes en bouillie. Il est d'une grande utilité d'avoir un réglage pratique et facile à manœuvrer même en marche pour augmenter ou diminuer la finesse du concassage suivant les pommes.

Matériel de fabrication, broyeurs.

Les fruits doivent être broyés à la lumière du jour et non dans une cave, car le moût prend une teinte d'autant plus colorée que les pommes auront été exposées à la lumière solaire seulement quelques minutes après leur broyage. Le cuvage est inutile pour le pur jus et ne donne pas les mêmes résultats que ce procédé simple.
 
Les mêmes pommes donneront en général un cidre bien ou peu coloré, selon qu'elles auront été broyées à la lumière du jour ou dans un appartement obscur. Nous nous servons avec toute satisfaction d'un broyeur à manège, système Simon.

Pressoirs.

Les pressoirs à encliquetage différentiel donnent des résultats parfaits et doivent être préférés à tous.

Tamis.

La propreté, avons-nous dit, est la première qualité exigée dans la fabrication du cidre. Actuellement, à de très rares exceptions près, on entonne le cidre tel qu'il sort du pressoir, avec toutes ses impuretés, déchets de pommes, de paille, fiente de volailles, etc. Les cultivateurs les plus soigneux se contentent de mettre devant l'anche du pressoir un panier rempli de paille (qui ne sera jamais remplacée de l'année) pour empêcher les déchets de pommes les plus gros d'entrer dans la barrique.
 
Ils obtiendraient un bien meilleur résultat en employant des tamis de crins très serrés.

Filtrage.
 
Pour obtenir les cidres les plus fins, les plus délicats et de la plus longue conservation, je conseille d'employer la filtration immédiatement au sortir du tamis, par conséquent avant toute fermentation.

J'emploie à cet effet des filtres en amiante, système Maignen, qui sont montés sur une pompe aspirante et foulante. Le filtre est placé sur le tuyau d'aspiration et fait alors une véritable crépine filtrante empêchant l'introduction de la plus grande partie des matières étrangères au cidre et des impuretés : le jus tombe directement dans la barrique après un seul filtrage.

Si je désire faire un cidre encore plus soigné, je puis le filtrer une seconde fois.

Le grand avantage de ce filtrage est de mettre le moût avant toute fermentation à l'abri des mauvais ferments.

Je suis partisan de ne faire qu'un seul filtrage ou deux au plus, afin de ne pas enlever une trop grande quantité de ferments et d'arriver par une suite de filtrages à une stérilisation presque complète.

La filtration de propreté suffit parfaitement et me semble préférable à la filtration de clarification qui peut dénaturer le goût du cidre en enlevant des matières pectiques.

Les jus de pommes, en passant par les tamis de crins très fins et par les filtres, subit une aération qui favorise une fermentation beaucoup plus rapide et plus régulière; c'est un des avantages principaux de ce procédé comme régularisateur de la fermentation et, par conséquent, comme conservation du cidre.

Ensemencement.

Nous avons empêché jusqu'ici les mauvais ferments de prendre possession de notre moût, par un tamisage d'abord et par un filtrage énergique. Il nous reste à prendre une précaution parfaite, sinon nécessaire, en donnant aux ferments utiles la possibilité de se multiplier avant que les colonies de mauvais ferments n'aient pu se former si, malgré toutes nos précautions, il était arrivé que quelques-uns de ces microbes nuisibles aient pu pénétrer dans le moût.

L'ensemencement du moût se fait soit par des levures de cidre cultivées, soit en ajoutant un litre par barrique de lie de cidre filtré d'une opération précédente. Ces levures, quelle que soit leur provenance, doivent être mélangées au moût au sortir du filtre, afin que la multiplication des ferments utiles puisse se faire aussitôt.

Les levures sélectionnées sont préférables pour l'ensemencement du moût aux lies, car elles donnent plus de sécurité.

Depuis plusieurs années, j'ai fait de nombreuses expériences sur les levures sélectionnées de l'Institut La Claire et je reconnais une augmentation d'alcool et de parfum. La conservation du cidre est rendue plus facile par leur emploi, puisque la fermentation est très régulière.
M. Jacquemin, directeur de l'Institut La Claire, à Malzeville, près Nancy, se fera un plaisir d'envoyer à toute demande une brochure sur l'emploi de ces levures et de répondre à tous renseignements.

Entonnement dans les fûts.

Tout le système de la fabrication du cidre que je préconise se base absolument sur la propreté la plus absolue.

Il est donc nécessaire de mettre, après le filtrage ou toute autre opération destinée à enlever les impuretés du moût, ce dernier à l'abri des causes amenant les mauvais ferments. Le moût doit donc être immédiatement entonné. On doit avoir grand soin d'éviter les entonnoirs de métal qui, toujours, noircissent le cidre, quelle que soit leur propreté.

L'entonnoir le plus pratique, le plus solide et le moins coûteux, est celui de bois, fait par le premier tonnelier venu ; il a l'avantage de tenir facilement sur la barrique et de ne pas nuire au cidre.
L'entonnoir doit forcément avoir une douille assez petite pour que l'air intérieur de la barrique puisse sortir sans être obligé de remonter au travers du liquide qu'on fait entrer par cet appareil.
 
Les fûts doivent être très proprement lavés et au besoin désinfectés s'ils avaient contenu des cidres malades ou s'ils sentaient le goût de fût ou de moisi. Depuis trois ans j'emploie le désinfectant Moity. Pour quelques centimes par barrique, les fûts sont nettoyés et sont aussi bons que neufs. (M. MOITY, père, Fourmies, Nord.)
 
On ne doit remplir le fût, en commençant, que jusqu'à 5 à 10 centimètres de la bonde pour obtenir ce qui s'appelle la fermentation sous douelle.
 
Ce système a l'avantage immense de ne pas répandre dans la cave des quantités de mauvais ferments rejetés ordinairement hors des barriques, lorsque l'on fait bouillir à fût plein. Ces mauvais sacchromycès, existant partout dans la cave, peuvent compromettre toute une fabrication.
 
Il est recommandable également, pour ne pas tuer le cidre, de mettre à la douille de l'entonnoir un tuyau de caoutchouc qui descendra jusqu'à 5 centimètres du fond de la barrique.

Soins pendant la fermentation
tumultueuse.
 
Quelques jours après l'entonnage, la fermentation tumultueuse s'établit. Suivant la température extérieure de la cave, le cidre, les levures, cette opération commence plus ou moins tôt. En général, du cinquième au quinzième jour, rarement plus, la fermentation est facile à reconnaître par le bouillonnement du liquide. Si elle tarde, deux moyens sont très simples :
 
1° Soutirer le quart de la barrique et remettre cinq minutes après ce moût dans le fût ;
2° Introduire par la bonde un brin flexible de chêne dépouillé de son écorce et fendu en deux ou quatre parties, et agiter violemment le liquide pendant cinq minutes.
 
Il est rare du reste, avec le procédé que j'indique, que le fermentation ne se fasse pas régulièrement, car il faut bien le dire : toute mauvaise fermentation a pour cause une mauvaise fabrication, un défaut de propreté.

Soutirage.

Dès que la fermentation tumultueuse est un peu calmée, il est utile de procéder de suite à un premier soutirage.
 
A mon avis, le meilleur appareil à soutirer, le plus simple et le moins cher, est un tuyau de caoutchouc dont vous faites siphon. Jamais de réparation, pas de métal en contact avec le cidre, facilité d'emploi, économie de temps, tels sont ses principaux avantages.
 
Le cidre doit rester le moins possible en contact avec l'air, et ne jamais être soutiré que dans un baquet très propre ou dans la barrique qui lui est destinée de préférence.
 
La barrique, où le cidre soutiré doit être entonné, est soufrée très fortement au moyen de mèches préparées. Pour une barrique, un tiers de mèche suffit, une mèche pour un demi-muid. Il faut avoir soin de laisser la barrique bien bondée jusqu'au moment où le cidre est introduit dans le fût par un entonnoir muni d'un tuyau de caoutchouc pour aller jusqu'au fond, comme nous l'avons dit plus haut.

A ce moment, le fût doit être rempli complètement, mais la bonde doit être posée très légèrement, car souvent une deuxième fermentation très vive existe pendant un ou deux jours.
 
Il faut toujours surveiller son cellier dans les premiers jours après le soutirage, et faire remplir tous les fûts, chaque semaine, sans exception, à moins de se servir de purificateurs d'air, système Noël, que je recommande vivement pour la fermentation, pour la conservation du cidre et pour le tirage au robinet. Cet ingénieux appareil, en conservant une couche d'acide carbonique sur le liquide, le préserve de tous mauvais ferments pendant la fermentation et, d'un autre côté, purifie l'air de tout germe infectieux lorsque la barrique est en vidange.

Deuxième soutirage.

Quinze jours ou trois semaines après le premier soutirage, il est bon, pour les cidres de choix ou de garde, de procéder à un second soutirage qui se fait absolument comme le premier.

Troisième soutirage.

Pour les cidres de bouteilles, il est utile de procéder à un troisième soutirage, dans les mêmes conditions.
 
Beaucoup de fermiers prétendent que le cidre perd de sa force par les soutirages et que le goût en est changé. Rien n'est plus inexact, ainsi que de nombreuses expériences nous l'ont prouvé.

Lies à faire brûler.

Les lies destinées à être passées à l'alambic doivent être conservées avec le même soin que le cidre, car jamais une lie acidifiée, une lie qui aura été dans une barrique défoncée, ou à moitié pleine, ne donnera autre chose qu'un alcool exécrable.
 
Les barriques devront être remplies huit à dix jours après le soutirage parce qu'une nouvelle fermentation s'établit dans ce liquide après le premier soutirage, et, à partir de ce moment, les fûts devront être tenus toujours parfaitement pleins et à l'abri de l'air. La valeur de l'eau-de-vie vient en grande partie des qualités de la lie. En conservant ainsi les lies, on obtiendra une eau-de-vie sensiblement aussi bonne que le produit du cidre pur.

Cidres en bouteilles.
 
Pour avoir de très bons cidres de bouteilles, soit mousseux, soit secs, on ne peut prendre le premier cidre venu. Il faut que ce cidre soit très bien fermenté jusqu'à un degré densimétrique de 1012 à 1018 environ, selon la nature du cidre et le goût de chacun ; que ce cidre renferme suffisamment d'alcool pour se conserver et enfin qu'il ait un bouquet parfait et une clarification excellente.
 
Cette dernière qualité, la clarification, existe toujours dans les cidres filtrés tels que je recommande de les fabriquer ; le bouquet, dû en général à la nature même des pommes, est beaucoup plus fin dans un cidre filtré que dans celui non filtré ; l'alcool est également en quantité supérieure, puisque la fermentation se fait d'une manière régulière, sans craindre les effets de mauvais ferments.

Cidre mousseux.

La quantité densimétrique varie suivant le cidre lui-même et aussi suivant que l'on désire un cidre mousseux ou non mousseux. La mousse s'obtient dans les cidres, naturellement d'après la quantité de sucre existant encore dans le moût au moment de la mise en bouteilles. Il est donc facile de savoir, à l'aide du densimètre, la quantité approximative de sucre existant dans le moût à tel ou tel degré.
 
Un cidre donnant 1010 de densité donnera un cidre très légèrement pétillant.

La densité de 1012 donnera un cidre pétillant.
 
La densité de 1015 donnera un cidre légèrement mousseux.

La densité de 1018 à 1020 donnera un cidre mousseux.

Au-dessus de 1020, le bris de bouteilles champenoises est à craindre.
 
Pour donner à un cidre le maximum de qualité, il faut opérer sur celui-ci comme sur les vins de Champagne, c'est-à-dire mise en bouteilles sur pupitre et sur pointe, pour les dégager des produits de fermentation, remplissage des bouteilles d'alcool et de sirop de sucre candi.
 
Ces procédés sont trop longs, trop dispendieux pour être employés sur une boisson d'un prix si minime. Je préfère donc le cidre mousseux naturel, tel qu'il est fait en Anjou, sans adjonction de sucre et d'alcool ; c'est, en un mot, un cidre naturel et non un cidre champagnisé.

Cidre sec.

Pour obtenir le maximum de qualité du cidre sec, il faut le mettre en bouteilles en mai au plus tard, lorsque la densité sera de 1005 à 1008 environ. Ce cidre pourra acquérir une très grande qualité en bouteilles, pour les personnes préférant les cidres secs et il se conservera de longues années.

Conservation des cidres en fût.
 
La conservation du cidre en fût est facile avec un peu d'attention et un peu de surveillance de la part du propriétaire.
 
Les causes de mauvaise fermentation sont supprimées par l'emploi du filtre ou de tout autre moyen analogue ; il n'y a plus à craindre que l'acidification qui peut se faire par la bonde, lorsque le liquide ne remplit pas suffisamment le fût après la fin de la fermentation ; nous avons donc deux cas parfaitement distincts :

1° Cidres pouvant se perdre pendant la fermentation ;
2° Cidres pouvant se perdre après la fermentation.
 
1° Pendant la seconde fermentation, la fermentation tumultueuse étant terminée, il me semble difficile que le cidre puisse être atteint d'une maladie cryptogamique parce que le sucre, par sa transformation, produit une couche d'acide carbonique qui, plus lourd que l'air, reste à la surface du liquide et, par suite, empêche la multiplication de presque tous les mauvais ferments, tandis que les bons ferments peuvent se répandre à l'abri de l'air.
 
Un fermant nuisible très répandu dans l'air, près des étables et dans l'eau des mares, le ferment butyrique, vit sans air et produit le durcissement et l'aigrissement du cidre. Ce ferment se produit dans les fermentations malpropres, et quand il s'est implanté dans les ustensiles, il faut d'énergiques nettoyages au bisulfate pour s'en débarrasser. Les soins de propreté, la filtration avec un filtre bien entretenu et la fermentation par levure sélectionnée supprimeront la crainte d'envahissement du cidre par ce ferment.
 
L'usage du purificateur d'air Noël est absolument recommandé pendant la fermentation.
 
2° Le cidre a beaucoup plus de facilité pour être accessible à toutes les maladies lorsque toute la fermentation est terminée, mais se conserve néanmoins pendant de longues années, lorsqu'il est fait tel que je l'indique, après tamisage et filtrage, puisque les causes mêmes de maladies sont supprimées.
 
Il sera utile, en tous cas, de toujours remplir les fûts tous les huit ou dix jours, jusqu'à la bonde, et d'empêcher toute communication avec l'air, soit par une légère couche d'huile, un purificateur d'air, ou enfin en suiffant parfaitement les fûts et les bondes.
 
On peut conserver un fût de cidre très doux en ajoutant toutes les six semaines 100 grammes de sirop de sucre par hectolitre et en fermant ensuite hermétiquement les fûts.
 
L'emploi de l'acide sulfureux peut servir également à conserver les cidres, mais l'usage de ce produit n'étant pas toujours à la portée de tous, et produisant de mauvais effets lorsque l'emploi en est mal fait, je ne l'indiquerai pas.
 
Un cidre bien fait, proprement travaillé, bien fermenté, contenu dans des tonneaux très propres, aura toujours une très longue conservation s'il est bien entretenu et si la surveillance du maître est régulière.
 
Une excellente bonde, pour boucher hermétiquement les barriques après la première fermentation, vient d'être inventée par M. Noël ; j'en reçus le 24 décembre le premier échantillon ; son prix, très minime, sera à la portée de tous.
 
Pour éviter que la reprise éventuelle de la fermentation ne fasse éclater les fûts, une soupape de sûreté existe. En plus, par son démontage instantané (une seule vis), elle est facile à nettoyer et remplit parfaitement son but, aussi bien pour le transport que pour l'emploi à la cave.
 
Comme on a pu le constater dans ces quelques lignes, j'emploie pour la fabrication du cidre un seul système : la propreté partout, que j'applique à la pomme depuis sa cueillette jusqu'au moment où le délicieux liquide qu'elle produit paraît sur nos tables.  

RÉSULTATS OBTENUS PAR LE FILTRAGE

1° La fermentation était beaucoup plus prompte, plus active et plus régulière que dans les fûts témoins, par suite de l'excellente fermentation opérée par les bons saccharomycès non troublés par les mauvais. Je constate une augmentation sensible d'alcool.
 
2° La lie est d'une nature parfaite, ne s'acidifie pas comme la lie ordinaire, elle est presque nulle dans les fûts soumis à deux filtrages et dans ceux passés à une seule opération, est de très bon goût et en quantité beaucoup plus petite que dans les fûts témoins.

Cette lie tombe très facilement dans les cidres filtrés et la clarification est parfaite quelques jours après la première fermentation. Les fûts témoins non filtrés avaient peine à s'éclaircir et possédaient une lie beaucoup plus forte et de mauvais goût.
 
3° Comme finesse de goût, la comparaison n'est pas possible entre les cidres filtrés et les cidres non filtrés, l'avantage étant très grand pour les cidres filtrés.

4° Les premiers essais faits sur une grande quantité, en 1894, me permettent d'assurer que la conservation des cidres filtrés est beaucoup plus facile et peut durer plusieurs années.

CONCLUSIONS
 
Le système de fabrication et de conservation du cidre que je préconise est absolument rationnel : la PROPRETÉ.
 
1° Avant la fabrication les fruits doivent être récoltés et conservés avec propreté.
 
Pendant la fabrication, les instruments doivent être nettoyés souvent pour éviter les mauvais ferments.  Le moût lui-même doit être filtré pour empêcher tous mauvais saccharomycès de se multiplier : utilité des tamis, filtres, etc.
 
Après la fabrication le moût doit être conservé à l'abri des mauvais ferments par les soutirages, purificateurs d'air, etc.
  En résumé, propreté dans toute la FABRICATION du cidre.

On a prétendu que la fabrication des cidres leur enlevait toute qualité ; je citerai comme preuve les différents concours de 1895 où ces cidres prirent part avant que ce procédé ne fût indiqué par moi.

A ANGERS. — Concours régional : Médaille d'or.
A LAVAL. — Concours de l'Association pomologique : Médaille d'or.
A SAINT -BRIEUC. — Concours du Syndicat pomologique : Première récompense, c'est-à-dire toutes les premières récompenses.

Ces deux derniers concours étaient excessivement sérieux puisque les principaux cidriers de Normandie et de Bretagne exposaient en concurrence de nos cidres d'Anjou.
 
En plus des prix décernés pour le cidre, la première récompense des eaux-de-vie nouvelles fut accordée à Saint-Brieuc, à une eau-de-vie de LIE FILTRÉE, alors que tous les concurrents avaient exposé des eaux-de-vie de cidre et non de lie.
 
Puisse ce procédé si simple, si rationnel, si peu dispendieux en perfectionnant la fabrication du cidre et en assurant sa conservation, rendre service à la classe si intéressante de l'agriculteur et de l'ouvrier.

28 décembre 1895.

ROGER DE LA BORDE.
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TABLE DES MATIÈRES
 
PRÉFACE. Calendriers. Tableau des plus grandes marées de l'année 1898.

PREMIÈRE PARTIE : LE POMMIER. Nécessité de cultiver le pommier. Rapport du pommier. Sélection du pommier. Densité.
LE PLANT DE POMMIERS. Pépinières à la ferme. Achat chez les pépiniéristes. Greffage en pépinière. Modes de greffage.
PLANTATION. Comment disposer la plantation. Choix du terrain. Distance. Nécessité de planter ensemble les variétés mûrissant à la même époque. Plantation. Trous. Époque. Mise en terre.
SOINS A DONNER AUX ARBRES. Entourages. Paillage. Cobéchage. Taille. Incision. Engrais des arbres. Note sur la poudre d'os Pilon. Maladies. Nettoyage du pommier.
LA CIDRERIE. Le bâtiment. Matériel de fabrication. Pressoirs. Filtres. Pompes. Cuves. Matériel de cave. Cuves de fermentation. Mode de fabrication du cidre.
APICULTURE. Utilité de l'apiculture pour la fructification des fruits. Conclusion. Prime à nos lecteurs.La Diffusion.

DEUXIÈME PARTIE : LE CIDRE.  Sa fabrication et sa conservation. PRÉFACE. Fabrication et conservation du cidre. Fermentation du cidre. Ferments nuisibles. Bons ferments. Nécessité d'empêcher les mauvais ferments. Essais de 1889, 1890, 1891, 1892, 1893, 1894. FABRICATION DU CIDRE. Tableau des variétés de pommes. Choix des pommes par l'aspect des fruits. Choix des pommes par le densimètre. Calcul du sucre. Calcul de l'alcool par la densité. Rapport de la densité du sucre et de l'alcool. Conservation des pommes. Matériel de fabrication et propreté. Cuves et cuvage, petits cidres. Matériel de fabrication, broyeurs. Pressoirs. Tamis. Filtrage. Ensemencement. Entonnement dans les fûts. Soins pendant la fermentation tumultueuse. Soutirage. Deuxième soutirage. Troisième soutirage. Lies à faire brûler. Cidres en bouteilles. Cidre mousseux. Cidre sec. Conservation des cidres en fût. RÉSULTATS OBTENUS PAR LE FILTRAGE. CONCLUSIONS.

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[Pages 117 à 143 : Cahier publicitaire non reproduit]

Almanach du pommier & du cidre : 1898


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