Audiobooks by Valerio Di Stefano: Single Download - Complete Download [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Alphabetical Download  [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Download Instructions

Miguel de Cervantes y Saavedra - Don Quijote de la Mancha - Ebook:
HTML+ZIP- TXT - TXT+ZIP

Wikipedia for Schools (ES) - Static Wikipedia (ES) 2006
CLASSICISTRANIERI HOME PAGE - YOUTUBE CHANNEL
SITEMAP
Make a donation: IBAN: IT36M0708677020000000008016 - BIC/SWIFT:  ICRAITRRU60 - VALERIO DI STEFANO or
Privacy Policy Cookie Policy Terms and Conditions
Lange : Histoire de la fille maléficiée de Courson... (1717)
LANGE, médecin du roi (16..-1735?) : Histoire de la fille maléficiée de Courson, avec une dissertation physique sur ce maléfice.- A Lisieux : Chez J. Du Roncerey, Imprimeur du Roy, du Diocèse, & du Collège, [1717]- 32 p. ; in-8°.

Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (27.IV.2004)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées à l'exception des i/j, u/v, s longs et abréviations qui ont été restitués.
Texte établi sur l'exemplaire en ligne (mode image au format pdf ou tiff) disponible sur le site Gallica de la BnF.

HISTOIRE
DE LA
FILLE MALEFICIEE
DE
COURSON

Avec une Dissertation
Physique sur ce Malefice

par

Monsieur LANGE Conseiller,
Medecin du Roy

page de titre


MONSIEUR,

VOUS souhaitez que je vous informe moy-même du Fait surprenant arrive depuis peu en Vôtre Ville ; je le fais avec plaisir, & vous verrez par le Memoire que je vous envoye, que nous avons employé tous les soins que la prudence a pû Nous inspirer, pour nous asseurer de la vérité de ce Phenomene, & pour éviter les impostures si ordinaires en pareilles occasions. Je demeure d’accord avec vous, que c’est une foiblesse d’esprit que d’avoir une Credulité aveugle pour tout ce qui paroît merveilleux, mais je soutiens que ce n’en est pas une moindre, que d’avoir une Incredulité opiniâtre pour les faits les plus évidens, & dont on ne peut douter, sans renoncer au témoignage de tous ses sens. Cette Incredulité qui naît ordinairement de la présomption & de la paresse, ont empêché jusques à present d’aprofondir beaucoup de choses, qui ont peut-être été traitées de fables avec injustice, & dont un Examen sans prévention auroit pû avoir son utilité.

Quoy qu’il en soit des autres Evenemens extraordinaires, on ne peut douter de la verité de celuy cy, & je me flatte qu’étant aussi raisonnable que vous êtes, vous en serez convaincu aprés avoir vû par ce Memoire, combien Nous avons employé d’exactitude pour n’être pas trompez.

MADELEINE MORIN de la Paroisse de Courson, Diocèse de Lisieux, âgée de 22 ans, d’un Temperamment assez bon, d’une Conduite simple & réguliere, ayant eu quelque démêlé avec une Voisine accusée de plusieurs Malefices, pour lesquels elle est actuellement dans les Prisons d’Orbec avec son Mary, en fut menacée, à ce qu’elle a dit, en ces termes, (Autant de paroles que je te diray, ce seront autant de Diables qui t’entreront dans le corps,) & fut prise aussi-tôt de violentes douleurs, & soulevemens d’estomach : il est certain que depuis ce temps elle fut 22 mois à ne pouvoir manger autre chose que des fruits, & à ne boire que de l’eau ; pendant ce temps elle a été plusieurs fois réduite à l’extremité, par des accidens surprenans, ayant jetté par la bouche en presence de plusieurs personnes des Chenilles, & un Lezard tous vivans.

Le Sieur du Bois Chirurgien du Bourg de Farvaques l’ayant visitée, luy conseilla pour la soulager de grandes douleurs de tête dont elle se plaignoit de faire couper ses cheveux, & d’y faire appliquer un Pigeon vivant, ce fut la Voisine en question qui les luy coupa.

Ayant été conseillée d’implorer le secours divin par l’intercession de la Ste. Vierge, elle fit le voyage de la Chapelle de Nòtre-Dame de la Délivrande prés de Caën, où elle fit dire neuf Messes : pendant la Consecration de cinq, elle s’évanouit, & vomit plusieurs Chenilles vivantes jusques au nonbre de vingt-huit, dont la derniere étoit de la grosseur du petit doigt, & revint parfaitement guerie, comme il est expliqué par l’Attestation de Messieurs les Chapelains de cette Chapelle.

Le 22. Juin de l’année dernière, cette Fille sortant seule de grand matin, pour aller au Bourg de Farvaques, fut maltraitée, & ce fut à ce qu’elle nous a dit par la même Voisine, & reçut un coup de Bâton sur la Tête, un sur l’Epaule gauche, & un vers l’Estomach, qui la firent tomber en syncope sur le Côté droit, où sa Sœur qui accourut à ses cris, la trouva le Visage tout plein de sang.

Le Sr. du Bois ayant été apellé le même jour pour en faire la visite, trouva une Contusion avec Excoriation sur le sommet de la Tête, une Contusion sur l’Omoplate gauche, & une sur la region du Foye, & la malade dans une fiévre violente avec de frequentes syncopes.

Le 10 de Juillet, le Sr. du Bois ayant visité lad. Morin pour de grandes douleurs de tête dont elle se plaignoit, il trouva à l’endroit de la Contusion quelques aparences de Corps étrangers, & ayant fait trois incisions, il en tira une Aiguille & deux Epingles.

Le 22. du même mois, ayant fait huit incisions sur le Bras gauche, où elle ressentoit de grandes douleurs, il en tira sept Epingles & une Aiguille.

Le 10. de Septembre, il tira six Epingles du Sein gauche.

Le 28. du même mois, il en tira trois sur les fausses Côtes.

Le 3. de Novembre, il en tira huit de la Cuisse & Jambe, le tout du même côté.

Le dix Janvier 1717. Mr. Lange le Fils Docteur en Medecine, ayant été informé de tout cecy par le Sieur du Bois, & qu’il s’en presentoit encore de nouvelles, se transporta sur les lieux, & en vît tirer sept du Sein  gauche.

Depuis ce temps, comme l’on apprît qu’il s’en trouvoit encore de nouvelles, Messieurs les Medecins de Lisieux pour s’éclaircir entierement du fait, & pour éviter toute surprise, jugerent à propos de la faire aporter en cette Ville, où elle arriva le 28. Janvier, on la logea dans une Chambre de l’Hôpital General, [       ] mit à la garde de deux Sœurs, qui l’ont observée jour & nuit sans la perdre de vûë, veillant alternativement toutes les nuits auprés d’elle, & après qu’on luy eut tiré le soir de son arrivée une Aiguille du Sein gauche, presence de plus de cent personnes, & le lendemain trois Epingles du Sein droit, une du Bras gauche, & une deux doigts au dessus du Genoüil du même côté, en presence de plus de mille personnes, & n’en ayant, aperçu aucune autre sur toutes les parties de son corps, on prît la précaution de luy faire ôter tous ses habits jusques à la chemise, & de luy en donner d’autres, & de la peigner ; enfin on prît toutes les précautions possibles pour s’asseurer du fait, ne s’étant point passé de jour, que Messieurs les Medecins ne l’ayent visitée.

Le 30. du même mois, il commença à en paroître une dans le Sein gauche, & il en parût de jour en jour de nouvelles, en differentes parties du corps, sçavoir deux dans le Sein droit, deux dans le gauche, une à la Cuisse, une sur l’Omoplate gauche, une sous l’Aisselle, & une sur la region de l’Estomach, qui furent toutes tirées le six Février à neuf heures du soir, & presence de Mrs. les Medecins, & d’un grand nombre de personnes de distinction.

Entre le six & le dix du même mois, il en parût encore quatre, & comme on crût avoir pris assez de mesures, les Parens de la Fille étant venus pour la reporter chez elle, on en tira encore deux, pour la satisfaction de plusieurs personnes distinguées, sçavoir, une sur l’Omoplate gauche, & une sur les Côtes droites, on n’en voulut pas tirer d’avantage de peur d’affoiblir la malade.

Depuis son départ de Lisieux jusques au 29. d’Avril, le Sr. du Bois nous a attesté, qu’elle a vomi 62. Epingles & une Aiguille, presques toutes courbées, avec fiévre & vomissemens de sang, & qu’il luy en a tiré dix, trois dans les Joües, une entre les Epaules, & le reste dans les Bras & sur les Côtes.

Pendant le sejour qu’elle a fait en cette Ville, Messieurs les Medecins la visitant tous les jours, ont fait les Remarques suivantes.

1°. Les Epingles qu’on a tirées sont toutes sans tête, les unes de Fer, les autres de Leton, de differentes grosseurs, toutes coupées aparemment avec des Ciseaux, celles qui sont de Fer sont un peu noires, aussi bien que les Aiguilles, qui sont coupées au commencement de leur fente, les Epingles de Leton conservent leur veritable couleur.

2° Avant que les Epingles paroissent, la malade est prise de maux de Cœur, & d’un peu de fiévre, souvent elle vomit du sang ; ensuite aux endroits où elle sent de la douleur, il paroît dans le fond des chairs, comme une petite dureté, qui de jour en jour se dévelope, & fait sentir la figure d’une Epingle, à mesure qu’elle aproche de la superficie des chairs, de sorte que vers le troisiéme jour on les sent sous le doigt, en plusieurs situations obliques, cependant la pointe toûjours le plus proche de la peau.

3°. De plus de 52. Epingles, qu’on a tirées, il n’y en a pas eu deux, qui ayent pris la même route dans les chairs, & qu’on aye pû tirer par la même incision ; ce qui paroît de plus surprenant dans ce Phenomene, c’est que de ce grand nombre d’Aiguilles, & d’Epingles qui ont penetré, & traversé en tous sens les Muscles & particulièrement les Glandes du Sein, il n’y en a aucune qui aye piqué le moindre Vaisseau, ny fait aucun épanchement de liqueurs dans les parties, de sorte qu’à l’incision prés, elles ont paru aussi saines avant, & après l’operation, que si aucun Corps étranger ne les avoit penetrées.

4°. le 5. Février à dix heures du soir, elle fut prise d’une Convulsion suivie de grands efforts de vomir ; elle ne rendit qu’un peu de sang, après quoy elle se plaignit de grandes douleurs dans la region de l’Estomach, où l’on aperçût une petite dureté, & le lendemain au soir on luy tira une Epingle du même endroit la pointe en haut.

5°. Pour tirer les Epingles, on attend qu’elles soient arrivées assez prés de la peau, pour en toucher les deux extremitez. le Chirurgien les pressant avec le doigt fait avec le Bistori une incision de deux lignes de profondeur sur l’Extremité qui paroît le plus proche de la peau, après quoy poussant un peu l’Epingle par le gros bout, la pointe sort par l’incision, puis on la tire avec une petite Pince, on met ensuite sur la playe un peu d’huile d’Olive, & elle se trouve guerie en quatre ou cinq heures sans aucune suppuration ; de cette maniere on a tiré toutes les Epingles & Aiguilles, à la reserve d’une qui est restée depuis plus de deux mois dans le Genoüil, & qu’on n’a pû tirer à cause de sa profondeur.

On peut s’asseurer que toutes ces choses ont été observées par Messieurs les Medecins, Chirurgiens & Apotiquaires, & par toutes les personnes de bon sens qui les ont vûës avec toute l’exactitude possible, & même avec tous les préjugez d’incredulité, qu’on peut raisonnablement avoir pour un Fait aussi surprenant que celuy-cy ; ainsi, Monsieur, vous pouvez compter sur une entiere certitude, & sur la fidelité de ce Memoire, qui est attesté par cinq Docteurs en Medecine, quatre Chirurgiens jurez, & deux Apotiquaires.

Mais pour revenir à vôtre Lettre, vous me demandez une seconde chose, sur laquelle je ne me flatte pas de pouvoir vous satisfaire aussi facilement que sur la premiere ; vous voulez que je vous envoye mon sentiment sur un Fait si extraordinaire : vous êtes Philosophe, vous ne vous payez que d’Evidence, & je n’ay que des Conjectures à vous donner. D’ailleurs on ne peut former aucun Systeme pour rendre raison de ce Fait, sans marcher par des routes inconnuës, & pleines de tenebres, & où personne n’a encore osé hasarder les démarches de son esprit ; les uns ont mieux aimé jusques à present nier les Faits de cette nature que d’en rechercher les causes, & les personnes pieuses, mais qui n’ont pas une Philosophie exacte, ont cru satisfaire leur esprit, en faisant intervenir les Démons, sans examiner de quelle maniere ils le peuvent faire.

Mais nous qui sommes persuadez qu’il n’y a que Dieu seul qui soit Maître de la nature, qui en puisse changer les Loix qu’il a établies de toute Eternité, qu’il ne le fait jamais, que lors qu’il fait des Miracles, ce qui arrive tres-rarement, & pour des raisons dignes de sa sagesse infinie ; que cette nature qui n’est autre chose que la volonté du Createur, qui meut la matiere selon les Loix constantes, & invariables, mais tres simples de la mecanique, dont nous avons une idée claire, ne peut être violée par aucune intelligence créée ; nous croyons par cette raison qu’on ne peut expliquer les effets les plus surprenans, mais qui ne sont pas des Miracles, qu’en suivant exactement ces Regles.

Il y a deux sortes de Mecanisme, le Naturel & l’Artificiel, le Naturel consiste dans l’Action mutuelle des Corps les uns sur les autres, selon les Loix de la Communication des mouvemens, Loix qui quoy que tres-simples, suffisent pour maintenir l’Univers dans l’arrangement où le Createur l’a mis, pour déveloper tous les Corps organiques que Dieu a formez dés le commencement du Monde, & pour entretenir toutes les fonctions naturelles, vitales, & animales dans les Plantes, & les Animaux.

Le Mecanisme artificiel consiste dans l’Action des Estres intelligens sur les Corps organiques ausquels ils sont unis, & dans le pouvoir qu’ils ont au moyen de cette Action, de remuer les Parties de la matiere qui les environnent, & d’en regler les mouvemens suivant leurs desseins particuliers : de la Combinaison de ces deux Mecanismes naît une varieté infinie d’effets de l’Art, & de la nature, mais qui tous peuvent être connus, & expliquez par l’esprit humain, lors qu’il est imbu d’une bonne Philosophie ; la Geometrie. & la Mecanique nous donnant des idées évidentes de la matiere, & de ses mouvemens, & ce que l’Art y peut ajoûter étant à la connoissance des mêmes Esprits qui en sont les Inventeurs.

Or le pouvoir qu’a un Estre intelligent de remuer les differentes parties de son corps, ne consiste qu’en ce qu’il peut par un ou plusieurs Actes de sa volonté, déterminer comme cause occasionnelle le cours des esprits animaux dans les differentes parties qu’il veut actuellement mouvoir, je dis déterminer, parce que tous les efforts d’une volonté créée, ne pourroient pas donner le moindre mouvement à la plus petite Portion de matiere qui seroit en repos, & les esprits animaux qui sont composez des parties les plus actives du sang mêlées avec les parties élastiques de l’Air, ont toute la force & l’activité necessaires, & n’ont besoin que d’être déterminez vers les Muscles, pour y faire les fonctions animales.

Pour prouver que tous les efforts d’une volonté créée, ne peuvent donner le moindre mouvement à la plus petite portion de matiere qui seroit en repos, il ne faut que se souvenir que Dieu dés le commencement de la création de la Matiere, y a mis une quantité déterminée de mouvement, & la conserve toûjours, sans qu’aucun Agent la puisse augmenter, ny diminuer ; de sorte qu’un Corps ne peut être remué que par le choc d’un autre Corps, qui soit actuellement en mouvement, & qui en perd autant qu’il luy en communique, & c’est sur ce principe que roulent presque toutes les démonstrations de la Mecanique.

Il faut encore remarquer, qu’il n’y a qu’une portion des esprits animaux, qui soient soûmis aux ordres de l’ame, tous ceux qui sont destinez pour les fonctions naturelles, pour le battement du Cœur, des Arteres, & pour le mouvement d’oscillation des Fibres motrices, qui avancent, ou reculent la Circulation des liqueurs, & facilitent les Philtrations, tous ces esprits dis-je sont entierement indépendans de la volonté ; c’est pourquoy willis & plusieurs celebres Modernes leur ont assigné des réservoirs differens, sçavoir le Cerveau pour les mouvemens volontaires, & le Cervelet pour les naturels.

Il me semble qu’on ne sçauroit trop admirer l’Autheur de la nature, en contemplant cette diversité prodigieuse d’effets surprenans, qui naissent d’une source si simple ; car enfin de ce seul pouvoir qu’a l’ame de déterminer le mouvement rapide & impetueux d’une petite portion de la matiere, naissent une infinité de merveilles de l’Art, qui font tous les jours l’admiration des hommes mêmes, & où nous voyons la nature forcée pour ainsi dire de s’ajuster à nos volontez.

Mais, Monsieur, qui nous a asseuré que nos ames sont les seuls Estres intelligens qui ayent le pouvoir de remuer les Corps dans le sens que nous l’avons expliqué ? la Foy, & la raison ne nous aprennent-elles pas qu’il y a un nombre infini de substances spirituelles, dont les unes étant parfaitement unies aux volontez divines, ne sont occupées qu’à les exécuter, & à nous proteger, & les autres déchuës de leur innocence originelle, & remplies de jalousie contre le Genre humain, cherchent tous les moyens possibles pour nous persecuter.

La Foy nous aprend que la plûpart des bonnes inspirations, & des tentations viennent des bons & mauvais Esprits, mais la raison nous persuade en même temps, qu’ils n’ont aucun pouvoir immediat sur nos Ames, lesquelles étant parfaitement unies à leur Createur, & ne dépendant que de luy, ne reçoivent que de luy seul les idées claires qui leur découvrent les veritez intelligibles, & les sensations qu’elles ont à l’occasion des mouvemens du Corps.

Il est donc évident que les Esprits bons & mauvais ne peuvent agir sur nous qu’en remuant les Organes, où sont attachées les modifications de nôtre Ame, & par consequent, que ces Estres intelligens sont établis aussi bien que nos Ames causes occasionnelles des mouvemens des Corps : Il faut maintenant examiner de quelle maniere nous pouvons concevoir que cela se fasse.

Comme les Esprits celestes sont dans la contemplation continuelle de l’Ordre, & qu’ils ont une revelation immediate de tous les Decrets de la divine Providence, dont ils sont les Exécuteurs fidéles, & ausquels ils obéïssent exactement, il n’y a pas d’inconvenient de croire que leur pouvoir s’étend sur tous les Corps en general & en particulier, puisqu’ils n’en peuvent jamais abuser ; car soit qu’ils suivent des voyes ordinaires, ou extraordinaires, ils ne le font jamais qu’en exécution des volontez divines.

Mais il est impossible de dire la même chose des mauvais Anges, & on peut asseurer, qu’étant déchûs de leur premiere innocence, & n’ayant plus que de l’aversion pour l’Ordre, & pour la Justice, si ce pouvoir leur étoit resté, ils en abuseroient tellement, qu’il n’y auroit aucune seureté sur la Terre ; puisque d’un seul acte de leur volonté ils pourroient confondre tous les Elémens ; & faire pour la destruction des hommes d’aussi grands prodiges, que St. Michel en a fait pour la conservation & la conduite du peuple d’Israël : Il est donc constant que leur pouvoir ne s’étend que sur une petite portion de matiere, & qu’ils ne peuvent agir, non plus que nous sur les Corps, qu’en suivant & menageant les Loix d’un Mecanisme artificiel.

Cela étant, je crois qu’un Physicien ne doit point se faire un point d’honneur de n’admettre jamais l’intervention des Démons, lorsque les raisons prises de la nature, & de l’art luy manquent. Car de même que si on luy montroit pour la premiere fois une Montre, comme il n’en pourroit pas expliquer les mouvemens par les Loix du Mecanisme naturel, il ne balanceroit pas à dire que l’esprit humain seroit intervenu dans cét ouvrage, & qu’il en auroit arrangé les parties avec industrie, dans le dessein de regler les mouvemens de cette machine, selon le cours du Soleil, de même lorsque les raisons prises des Loix de la nature, & de l’industrie luy manquent, sçachant qu’il y a d’autres intelligences dans le monde, il n’est pas honteux de les supposer pour auteurs de ce qu’on ne peut expliquer autrement.

Ce qui choque les esprits forts, & ce qui les a plongez dans l’incredulité là-dessus, c’est que lors qu’on a fait intervenir le Démon dans quelques occasions extraordinaires, la credulité & la superstition luy ont donné un pouvoir sans bornes ; après cela l’imagination a forgé mille contes frivoles de faits miraculeux, & a revêtu les choses les plus averées de mille circonstances, dont on a découvert la fausseté.

Mais si on conçoit le Démon comme un Esprit malheureux, décheu de sa premiere felicité, & du pouvoir qu’il avoit sur toute la nature, lorsqu’il étoit le fidéle Exécuteur des volontez bien-faisantes de la Divinité ; qui de Prince de lumiere est devenu Prince de tenebres, comme dit l’Ecriture, qui comme dit St. Augustin a été précipité de la region lumineuse du Ciel dans la region grossiere & épaisse de l’Air inferieur. In hujus Aëirs imam caliginem de superna Coelesti habitatione dejecti. (Aug. de Genesi ad Litteram. l.3 a.10.) qui selon St. Bernard, étant destiné au feu éternel, & n’y étant pas encore plongé, est laissé dans l’Air pour y exercer encore pendant quelque temps sa malignité sur le Genre humain. Definita quidem, sed non promulgata sententia est, denique jam Diabolo ignis paratur, etsi nondum ille præcipitatus in ignem, modico adhuc tempore sinitur malignari. (Bernard. Sermone de Transitu Sancti Malachiæ.) Si n’ayant que tres peu de pouvoir, il est obligé d’user de finesse pour nous surprendre, si enfin on se persuade, comme il est tres-vraisemblable qu’il ne peut agir par sa volonté que sur une tres-petite portion de la matiere, & qu’il ne peut la remuer que selon les Loix de la Mecanique ; on pourra peut-être réduire en Systeme toutes ses operations : mais comme il n’y a pas d’aparence qu’il veüille nous découvrir les ressorts qu’il fait joüer, & que vous & moy n’avons pas envie d’avoir le moindre commerce avec luy pour en être éclairez, quand il le voudroit faire ; il faut nous en tenir aux conjectures, & réflechissant sur ce qui se se passe en nous dans les productions de l’Art, découvrir comment il agit pour exécuter les Malefices.

Nous avons un sentiment interieur de l’existence de nôtre Ame, qui ne peut jamais nous tromper, quand nous douterions de tout, nous ne pourrions jamais douter que nous ne soyons des Estres qui doutent, & par consequent des Estres qui pensent : mais nous n’avons aucune idée répresentative de l’éssence de nôtre Ame & de ses proprietez, & nous ne connoissons les modifications de la pensée qu’à mesure que nous les éprouvons, & par sentiment interieur : Nous avons une idée de l’étenduë qui nous endécouvre toutes les proprietez quelques infinies qu’elles soient, & nous formons tous les jours des démonstrations sur des figures que nous n’avons jamais vûës, & que peut-être nous ne verrons jamais : mais il est tres-probable qu’il y a un nombre infini de modifications de la pensée, dont nous n’avons à present aucune connoissance ; il paroît que toutes les sensations & toutes les passions que nous avons en cette vie ne regardent que le Corps, & comme nôtre Ame est faite pour être éternellement unie, & d’une union beatifique à son Createur, il est certain qu’elle aura dans ce temps-là des modifications, dont à present elle n’a aucune idée. C’est ce qui a fait dire à St. Paul, que jamais l’œil n’a vû, ny l’oreille entendu, & que l’esprit humain ne peut comprendre les plaisirs que Dieu prepare à ceux qui l’aiment. Nous ne pouvons donc juger du Démon non plus que des autres Estres intelligens sur aucune idée répresentative, mais sur de simples conjectures, en leur transportant pour ainsi dire tout ce que nous éprouvons qui se passe en nous même.

La Religion nous enseigne que le Démon est nôtre ennemi, qu’il cherche tous les moyens possibles pour nous tenter, soit en corrompant nôtre imagination, soit en excitant nos passions. Il ne peut le faire comme je l’ay dit, en agissant immediatement sur nôtre Ame, parce qu’il n’y a que Dieu seul qui aye le pouvoir de la modifier, il ne le fait donc qu’en agissant sur les Organes du Corps. Or il ne le peut faire que d’une de ces deux manieres, ou comme cause occasionnelle immediate de la détermination du mouvement des esprits animaux qui sont dans nôtre Cerveau, ou en remuant nos Organes par l’impulsion de quelque Portion déterminée de matiere étrangere, qu’il a le pouvoir de faire agir. Le premier ne peut se soutenir, car le Démon auroit le même pouvoir que nôtre Ame sur nos esprits, nous ne serions plus les maîtres des mouvemens volontaires de nôtre Corps, & on pourroit dire que nous serions tous possedez du maladin esprit, il faut donc s’en tenir au second moyen, & supposer que le Démon ne peut agir sur nos Organes, qu’au moyen d’une Portion de matiere qu’il anime, & par laquelle il les remuë.

Mais comme nous ne devons pas abandonner les principes de Mecanique, il faut necessairement, 1°. Que cette Portion de matiere, où ce Corps soit rempli d’esprits, c’est à-dire de corpuscules tres-subtils & tres-agitez, puisque nous avons prouvé qu’il n’y a point d’Estre intelligent créé qui aye le pouvoir de remuer un Corps qui est en repos. 2°. Il faut que ce petit Corps aye des Organes, afin que ces esprits déterminez par le Démon excitent les mouvemens, & les impulsions necessaires pour ses desseins. 3°. Il faut que ce Corps organisé que le Démon anime soit invisible. 4°. Il faut qu’il puisse penetrer jusques aux endroits les plus reculez de nôtre Corps, pour y exciter ces mouvemens dans les Organes immediats des sensations & des passions.

Je ne crois pas pour cela que le Démon aye avec ce Corps organisé une union qui le rende l’Ame de ce Corps, comme nous sommes l’Ame du nôtre ; nous sommes unis à nôtre Corps d’une union formelle, & substancielle : la Theologie & la Philosophie la plus saine nous persuadent qu’il n’y a que dans nous que les deux Creatures, spirituelle & corporelle ayent une pareille union, & quand toutes les raisons prises de la Religion ne nous en convaincroient pas, le plaisir, & la douleur nous interessent trop à conserver cette union entre deux substances, qui à une petite interruption prés, sont destinées à être éternellement jointes l’une à l’autre, pour ne nous pas persuader de cette verité : Ainsi quoy que je puisse produire le témoignage d’un grand nombre de Peres de l’Eglise, qui ont crû avec Lactance que les Démons étoient corporels ; je crois que l’union que je suppose entre cet Esprit, & les Corps organiques qu’il anime, n’est qu’une union qu’on peut appeler Instrumentale, telle qu’on peut concevoir entre un Pilote, & le Navire qu’il gouverne, ou entre un Organiste, & l’Orgue qu’il fait joüer.

L’Ecriture Sainte & les S S. Peres nous enseignent, que l’Air inferieur que nous respirons est la demeure des Démons, qu’on apelle pour cela les Puissances de l’Air, soit comme croyent S. Bernard & plusieurs autres, qu’ils y soient releguez en attendant qu’au Jugement dernier ils soient précipitez dans les flâmes de l’Enfer, qui leur sont préparées, soit comme le croyent plusieurs autres, qu’une partie de ces Esprits rebelles, ayant moins peché que les autres, soient demeurez en chemin, où ils souffrent une punition proportionnée à leur faute, soit enfin qu’ils ayent le pouvoir de quitter leur Prison, pour venir tourmenter les hommes ; quoy qu’il en soit de toutes ces opinions, tous conviennent suivant S. Hierôme, que leur résidence ordinaire est dans l’Air. Hac autem, dit-il, omnium Authorum opino est, quod aër iste, qui Cælum & Terram medius dividens inane appellatur, plenus sit contrariis fortitudinibus. (in Ephes. v. 1.12) Ainsi si on peut prouver que l’Air est rempli de petits Corps organiques invisibles remplis d’Esprits animaux, & de Membres propres à exécuter les desseins malins de ces Estres intelligens, on pourra supposer avec bien de la vraisemblance que ces petits Corps sont les instrumens de leurs Malefices.

Vous êtes Philosophe, Monsieur, & délivré de toutes les erreurs de l’Ecole, qui ne juge de la réalité & de la perfection des Estres que par leur masse, & qui a traité jusques à present les Insectes comme de petits Animaux imparfaits, & engendrez de corruption : Avec quelle admiration n’avons-nous point contemplé les actions de ces petites Machines vivantes, lorsque nous comparions une Abeille avec un Bœuf qui n’a pas seulement l’instinct d’étendre sa paille pour se coucher à son aise, pendant que ces petits Animaux sans compas & sans instrumens, se bâtissent de petites Maisons dans toutes les régles les plus exactes de la Geometrie & de l’Architecture ? Combien de fois avons-nous consideré avec étonnement les laboratoires chymiques que ces petits Animaux portent dans leurs entrailles, où se forment des Extraicts si precieux de la rosée, & du suc des fleurs que les Artistes les plus habiles ne pourront jamais imiter, ces Mausolées magnifiques, que les Vers à soye & plusieurs autres Insectes se préparent eux-mêmes, où ils s’ensevelissent tous vivans, pour y mourir, & ressusciter ensuite avec une beauté charmante ? Ils font cependant tout cela machinalement & n’ont pour principe de leurs actions d’autre intelligence, que celle qui les a formez, & qui par la seule figure, situation, & varieté de leurs petits Organes animez par les Esprits animaux, nous donne un spectacle digne d’amiration, & un objet aux observations les plus serieuses de Messieurs Redi, Suammerdam, & Leuvenhoec, & de plusieurs Physiciens tres-celebres.

Mais comme à l’aide du Microscope on en découvre, qui sont absolument invisibles à nos yeux, & qui ne paroissent même avec cet instrument que comme de petits Atomes vivans, que par la proportion que nous concevons de ces petits insectes invisibles avec le Corps humain, nous jugeons qu’il n’a point de partie où ils ne puissent penetrer, que d’ailleurs quelques petits qu’ils soient, nous pouvons leur concevoir des Organes aussi parfaits qu’aux autres, & des Esprits animaux qui les animent ; en supposant la volonté de ces Estres intelligens nos ennemis, cause occasionnelle de la détermination des esprits animaux d’une ou plusieurs especes de ces petites machines invisibles ; nous pourrons sans choquer la vraisemblance établir un Systeme, qui expliquera les illusions, les tentations, & les autres effets les plus surprenans de la malice des Démons lorsqu’ils seront bien averez.

Car il y a trois conditions requises pour rendre un systeme vraisemblable ; la premiere, que le Fait en question n’aye point de causes qui puissent tomber sous les sens, la seconde, que la cause qu’on suppose existe actuellement dans la nature ; & la troisiéme, que par la supposition de cette cause, on rende raison de toutes les circonstances du Phenomene qu’on veut expliquer : Toutes ces conditions se trouvent dans le Systeme tres-simple que je vous propose, comme je vous le feray voir dans la suite.

Quoy que je ne vous donne cecy que pour une simple conjecture, elle n’est pas cependant dénuée de preuves, parmy lesquelles j’en trouve trois qui ne vous paroîtront pas méprisables. La premiere est, que si le Demon pour la premiere des hostilitez qu’il a exercées contre le Genre humain, s’est servi d’un Insecte, visible à la verité, parce qu’il tenta Eve en agissant sur ses Organes exterieurs, n’ayant aucun pouvoir sur les Organes interieurs d’une personne qui étoit encore dans son innocence originelle. Il peut bien lorsqu’il veut séduire les hommes se servir d’Insectes invisibles pour agir interieurement en remuant les Organes du Cerveau, & y exciter les imaginations criminelles, & les passions. La seconde est, que l’introduction des Insectes aëriens invisibles dans le Corps humain n’est pas une chose inoüye : Kirkerus, Langius, & plusieurs celebres Physiciens ont découvert que la cause immediate de la peste, & des maladies pestilentielles, est l’entrée d’une espece veneneuse de ces Insectes dans le Corps humain, qui après avoir rongé & consumé en peu de temps les principes de la vie, vont faire leurs œufs dans les Emonctoires, où se forment les bubons pestilentiels, & où l’on a découvert une fourmillere de petits Vermisseaux, qui comme vous sçavez ne sont que les fétus de ces Insectes volans envelopez dans leurs Nymphes, dont ils se dépoüillent enfin pour s’envoler en l’Air ; comme on perfectionne tous les jours le Microscope, je ne désespere pas qu’on ne découvre à la fin que la cause de plusieurs maladies extraordinaires & inconnuës, comme sont la Rage, l’Epilepsie, & quelques autres, ne soit l’introduction d’Insectes invisibles de differentes especes. Enfin la troisiéme preuve est le nom que le Prince des Démons s’est donné, lorsqu’il a voulu se faire adorer, & qui luy est demeuré jusques à present, nom qui est si éloigné de la Majesté d’une Divinité prétenduë, qu’il paroît avoir été forcé par une Puissance superieure de le prendre, pour marquer aux hommes la honte de sa chûte, & la bassesse de son employ ; car vous sçavez que Béelzebub signifie Dieu Moucheron, ou Dieu des Moucherons, qui est le genre de tous ces Insectes aëriens visibles & invisibles.

Il est temps, Monsieur, après ces préliminaires d’entrer en matiere, ainsi nous allons d’abord apliquer nos principes pour expliquer la tentation, les illusions, & tous les déreglemens de l’imagination causées par ces intelligences ennemies, puis nous rechercherons les causes de ce qu’il y a de plus surprenant dans la maladie de cette Fille.

Quoy que j’aye entrepris, Monsieur, de vous décrire les exploits de ce Prince de l’Air, je ne prétends pas en faire mon Heros ; je vous avouë que j’ay une tres-petite idée de son habileté : Dieu qui ne permet pas que nous soyons tentez au dessus de nos forces, n’a laissé aparemment que tres-peu de lumieres & de pouvoir à nôtre Ennemi depuis sa chûte, aussi ne se communique-t’il qu’à des personnes fort grossieres, & avec tout cela je suis du sentiment de Vauhelmont, qui croit qu’il a si peu d’esprit, que dans les Malefices un peu extraordinaires, il est obligé de se servir de celuy des Sorcieres qui le mettent en œuvre, & dont il n’est que l’écolier. Vis incantamenti potissima, dit-il, pendet ab idea naturali saga. (Cap. Recept. inject. v. 19.) D’ailleurs l’ouvrage de la tentation luy coûte peu de travail & d’industrie ; il trouve dans le Corps humain les materiaux tous prêts à mettre en œuvre, & il n’a qu’à les remuer.

Il y a trois parties dans nôtre Corps, qui sont les magasins des instrumens de nos passions, & qui renferment les levains propres à les enflamer, à les entretenir, & à séduire nôtre cœur : le Foye contient la bile qui allume la colere, la Rate renferme l’humeur melancolique propre à exciter la tristesse, la haine, le desir de vengeance, & les autres passions tristes, & les Parties destinées à la conservation de l’espace, renferment des levains propres à allumer les passions contraires à la continence. Les objets ordinaires de la cupidité agissant sur nos sens, y excitent des mouvemens qui se communiquent au Cerveau, donnent des émotions tumultueuses aux esprits, & des passions vives à l’ame ; ces émotions séditieuses des esprits, par une Mecanique que Descartes & willis ont tres-bien expliquée, irradiant dans les Nerfs vague & intercostal, qui se répandent dans les Visceres, qui contiennent les sucs dont je viens de parler, expriment & font couler dans le Sang, & de là au Cerveau ceux qui sont propres à entretenir & à fortifier la passion allumée.

Le Démon de son côté au moyen du petit Corps invisible qu’il anime, entre & penetre facilement dans tous les plus petits recoins du Corps humain, où il étudie & imite les mouvemens interieurs des Fibres que les objets ont exterieurement excitez, & fait dans la partie imaginative les mêmes émotions que les objets font dans la partie sensitive, & souvent avec autant de force que les objets en employent pour exciter les sensations, & c’est ce qui forme les illusions & les phantômes. Il fait plus, il va jusques dans les receptacles de ces sels fermentatifs, il les transporte au Cerveau, & par leur moyen entretient & les idées & les émotions qui portent au peché. Lors qu’il rencontre ces levains dépravez, particulierement ceux de la Rate, & des Glandules seminaires, ce qui est ordinaire aux hommes atrabilaires & aux femmes & filles sujettes aux affections histeriques, il charie dans le Cerveau un amas de ces sels qui excitent dans les esprits animaux ces violentes tempêtes ausquels la raison ne peut resister, & si on suppose, comme on le peut faire aisément, qu’il dirige selon ses desseins ces levains dépravez dans les traces du Cerveau, où sont attachées les sensations & les imaginations, on n’aura pas de peine à expliquer tout ce qui arrive aux possedez & aux fanatiques, qui ne different des Maniaques qu’en ce que leurs paroles & leurs actions supposant des connoissances qu’ils n’avoient pas auparavant, paroissent manifestement être dirigées par une intelligence étrangere. Tout cela cependant se fait d’une maniere si grossiere & si peu suivie, qu’il donne une pitoyable idée de ces esprits malins, & c’est ce qui fit dire agréablement à une personne d’esprit, après avoir entendu le mauvais Latin que parloient les Religieuses de Loudun, que le Démon qui les possedoit n’avoit étudié qu’en Sixiéme.

Venons maintenant à la Fille qui fait le sujet de cette Lettre. Il y a d’abord lieu de conjecturer que le Démon excité contre elle, & mis en œuvre par quelque personne ennemie, après avoir parcouru tous les recoins de son corps, n’y a point trouvé de ces sels dépravez, & propres à exciter les symptomes d’une possédée : en effet sur le raport de toutes les personnes qui l’ont connuë, & dirigée, & sur un examen exact de toutes ses actions pendant quatorze jours, nous luy avons trouvé de la douceur, & de la sagesse, point de passions dominantes, une pieté sans superstition, & beaucoup d’attachement à son devoir, & de résignation à la volonté de Dieu, simple & sans affection ; tout cela ne sent point la melancolie dépravée, ny les dispositions aux fureurs uterines, ainsi le Démon ne pouvant l’attaquer par ces endroits, a employé les moyens exterieurs, & a joüé dans le Corps de cette pauvre souffrante les Tragedies extravagantes, dont vous avez vû le détail.

Si nous n’avions à expliquer que la generation & l’expulsion des Chenilles, il nous seroit aisé de le faire, par le Mecanisme naturel, car on peut supposer sans peine, que cette Fille ayant avalé dans quelques fruits ou legumes, dont elle a fait pendant si long temps son unique nourriture, une bonne quantité de petits œufs presque invisibles de ces Insectes, ces œufs se sont trouvez dans son Estomach envelopez dans une abondance de cruditez pasteuses. Là comme dans leur Matrice, à l’abri des pointes du dissolvant de l’Estomach, qui dans la perte d’apetit où elle étoit actuellement étoient fort émoussées, ils ont été couvez & ont éclos par la chaleur de cette partie, & au moyen des fruits, herbes, & de l’eau, qui étoit la seule nourriture de cette Fille,  & leur aliment ordinaire, sont parvenus à ce point d’acroissement où on les a vûs ; ainsi cet effet quoy que tres-singulier, pourroit bien n’avoir rien que de naturel.

Il n’en est pas ainsi de celuy des Epingles & Aiguilles, ce ne sont point des Corps qui puissent être formez ny nourris dans le Corps humain : quand on supposeroit que plusieurs Corpuscules metalliques cachez dans les alimens auroient pû se reünir dans le Corps par les differentes fermentations, & précipitations qui s’y font, elles ne pourroient produire que de petites masses informes ; mais ce sont de veritables Epingles & Aiguilles formées & aiguisées de main d’homme qu’on a tirées & qu’on tire tous les jours, dont on a manifestement coupé les têtes, où les vestiges des Ciseaux paroissent encore, dont il y en a quelques unes qui sont demeurées courbées par l’effort qu’on a fait en les coupant, & qui luy ont fait beaucoup plus de douleur que les autres, lors qu’on les a arrachées ; ainsi dans l’explication de ce Phenomene, il faut necessairement avoir recours au mecanisme artificiel : Voyons donc ce qui peut venir de l’homme, & ce que nous serons contraints d’attribuer au Démon.

Il est constant que les Epingles & Aiguilles ont été introduites dans le Corps de cette Fille, puisqu’elles n’ont pû s’y engendrer ; il est encore plus constant qu’on n’a pû les faire entrer dans tous les endroits en particulier d’où on les a tirées, les observations exactes qu’on a faites pendant quatorze jours ne laissent aucun lieu de le soubçonner ; il est vray qu’il y a des personnes qui ont l’adresse de s’en introduire dans les Jambes, dans les Bras, & dans plusieurs parties musculeuses, sans douleur, en les faisant entrer adroitement entre les Muscles, mais il y a bien de la difference entre ce petit badinage & ce qu’on aperçoit en cette Fille, où l’on sent avec les doigts les Epingles dans le fond des chairs sur le Perioste, & qu’on les aperçoit sensiblement s’avancer tous les jours peu à peu au travers des Muscles, penetrer toutes les parties glanduleuses du Sein, & presenter toûjours la pointe la premiere : d’ailleurs les nausées, & les vomissemens de Sang, & la Fiévre qui précedent toûjours les aparitions des Epingles, la grande quantité qu’elle en a renduës par le vomissement, & les picotemens douloureux qu’elle ressent de temps en temps dans l’Estomach, sont des preuves certaines qu’on les luy a fait avaler.

Il n’est pas difficile de comprendre que dans le temps qu’elle reçût les coups qui la firent tomber dans une longue perte de connoissance, on a pû luy faire avaler deux ou plusieurs paquets de ces Epingles & Aiguilles, ou enfermées dans de petits étuys, ou dans quelques envelopes bien serrées ; les coups qu’elle reçût à la tête ayent exprimé une abondance de matiere pituiteuse, qu’on avale ordinairement & machinalement dans de pareils accidens, & dans les affections convulsives, & soporeuses, qui accompagnent toûjours les commotions considérables du Cerveau ; ces petits paquets qu’on luy aura pû mettre dans la bouche, seront sans peine à l’aïde de ces eaux, & de ces déglutitions convulsives & machinales descenduës jusques dans l’Estomach, sans qu’elle s’en soit aperçûë. J’ay vû moy-même un homme dans un accez épileptique, avaler tout d’un coup une paire de Ciseaux de plus de deux pouces de largeur à l’endroit des anneaux, que sa femme luy avoit mis entre les dents, & les rendre par les selles au bout de neuf jours, & Vauhelmont asseure dans son Chap. (de Injectis materialibus) avoir vû à Anvers en 1622. une petite Fille vomir deux mille Epingles empaquetées avec des Poils & d’autre ordures.

Ces envelopes se consumant insensiblement par le suc salivaire de l’Estomach, ont laissé peu à peu écouler les Epingles qu’elles contenoient, qui ont été entraînées avec le chile dans les Intestins, dans les Veines lactées par le receptacle, & le Canal torachique, jusques dans la Veine axillaire, & de-là elles ont pû suivre le cours du sang dans le Cœur, & dans tous les gros vaisseaux jusqu’à leurs plus petites ramificatiõs.

Quoy qu’il ne soit pas absolument impossible que cela se soit fait par le pur Mecanisme naturel, il est cependant tres-difficile de comprendre que ce grand nombre d’Epingles ayent par le hazard seul si bien ajusté leurs pointes à l’embouchûre des Veines lactées, qu’elles ayent suivi le cours des liqueurs sans se mettre de travers dans plusieurs passages assez larges, s’il n’y en avoit eu qu’une ou deux dans le grand nombre qu’on suppose, cela ne seroit pas sans exemple ; on a vû dans la Veine du Bras d’un homme une Epingle qu’il avoit avalée, & plusieurs en ont rendu par les urines, & par differentes parties du Corps dans les Abscez, mais il est vraisemblable qu’icy ces Epingles n’ont pû se glisser en si grand nombre dans les Vaisseaux, sans la direction de ces petits Corps aëriens que je suppose toûjours instrumentalement animez par les Démons, qui ont pû facilement les conduire, & les empêcher de se mettre de travers, & de heurter contre les membranes.

Mais lorsque ces Epingles sont parvenuës jusques aux plus petites divisions des Arteres, qui non seulement sont d’une petitesse disproportionnée à leurs masses, mais qui sont encore avec les Veines avec lesquelles elles s’embouchent mille plexus, & mille contours ; c’est là qu’il est physiquement impossible qu’elles puissent en sortir sans percer le Vaisseau, & sans faire un épanchement de sang dans la partie, sans rompre les fibrilles de la membrane de l’Artere qui sont encore autant-de-petits tuyaux remplis de liqueurs, & lors qu’elles sont sorties de cette maniere, elles trouvent à leurs passage un grand nombre de Nerfs, de Membranes, & de nouveaux Canaux qu’il faut qu’elles percent, ce qu’elles ne peuvent faire sans exciter de nouveaux épanchemens de liqueurs, des contractions convulsives dans les Fibres nerveuses blessées, qui arrêtent la circulation du Sang dans la partie, & forment des Inflammations & des Abcez inévitables ; il n’est cependant pas arrivé le moindre de ces accidens, & c’est ce que je trouve icy de plus merveilleux.

Mais il ne sera plus difficile d’expliquer ce Phenomene en supposant l’intervention des Intelligences malignes, qui par le moyen des petits Corps invisibles qu’elles animent, s’introduisent facilement dans toutes ces parties : Car à l’en droit où ces Epingles se presentent pour sortir, ils étendent les Fibrilles qui sont le tissu de la Membrane, ouvrent l’intervale de ces Fibrilles, jusques à ce que la pointe de l’Epingle puisse y passer, cette pointe y étant introduite, augmente l’extension des Fibrilles, qui sont les côtez du Rézeau, & qui s’alongent facilement, pendant que le mouvement d’oscillation, ou le systole de la Membrane oposée, qui touche le gros bout de l’Epingle, la pousse peu à peu jusques à ce qu’elle soit sortie de l’Artere, après quoy les Fibres se renferment partie à l’aide de ces Agens exterieurs, partie par leur ressort interieur, sans qu’il se perde une seule goutte de sang.

Il est après cela tres-facile de concevoir comment ces petits Agens facilitent le passage des Epingles dans toutes les parties les plus embarassées, en écartant les Fibres nerveuses qu’elles pourroient blesser, les Vaisseaux capillaires qu’elles pourroient percer, en ouvrant les Membranes des Vesicules glandulaires comme celles des Arteres, tout cecy étant à la portée de leurs petits Organes imperceptibles.

Vous me direz qu’il est bien difficile de concevoir, qu’un tissu aussi petit & aussi serré que celuy des Membranes, puisse sans rompre les Fibrilles souffrir, à l’aide de quelque Agent que ce soit, une ouverture assez grande pour passer une Epingle ; mais si vous aviez vû ces Hydatides ou Vessies pleines d’eau, qui se trouvent souvent dans les hydropiques, & qui ne sont que les Vaisseaux lymphaliques presque imperceptibles dans leur état naturel, qui cependant se dilatent quelques fois au point de contenir plusieurs pintes d’eau, vous demeureriez d’accord que les Fibrilles qui forment un Rézeau par où doit passer l’Epingle, & qui sont autant de petits Vaisseaux remplis de liqueurs, peuvent s’alonger assez chacun de son côté pour faire une ouverture suffisante.

On peut donc dire que tout ce qu’il y a de merveilleux dans cét évenement comme dans plusieurs autres qui paroissent incroyables, ne vient que de l’invisibilité de la cause qui les produit, mais il ne faut pas que nos sens mettent des bornes à nôtre raison. Imaginez-vous, Monsieur, que vôtre Ame pour quelques heures quitte vôtre Corps pour animer un de ces Insectes invisibles, que les bons Microscopes ont découverts mille fois plus petits qu’un Ciron, comme ces petits animaux ne manquent non plus que nôtre corps ny d’Organes ny d’Esprits, vous vous trouveriez dans un monde nouveau, vous entreriez dans mon Corps comme dans un vaste Edifice, vous vous promeneriez dans mes Veines & mes Arteres comme dans des Canaux voutez, vous contempleriez avec facilité les Fibres de mon Cerveau & leurs mouvemens, les Glandules qui philtrent les esprits, & le cours impétueux qu’ils prennent dans les Muscles pour les remuer aux moindres ordres de ma volonté, vous visiteriez les magasins où sont renfermez les levains bilieux, melancoliques, & seminaires, vous en verriez la figure & les effets qu’ils produisent dans differentes passions, vous pourriez les rémuer & les transporter suivant vos desseins : Si avec tout cela vous êtiez devenu mon ennemi, & si un peu de malice se joignoit à tout l’esprit que vous avez, je vous craindrois plus tout seul qu’une legion entiere de Béelzebub.

Il n’y a donc rien qui nous empêche de supposer pour l’explication des faits dont nous sommes convaincus par nos sens & par ceux d’un grand nombre de personnes judicieuses, & qui sont hors de la portée de l’artifice humain, l’union d’un Estre intelligent, de l’existence du quel la Foy & la raison ne nous permettent pas de douter, avec un corps organisé, bien muni de tous les membres necessaires pour toutes les fonctions, rempli d’esprits animaux qui les remuëent machinalement pour sa conservation, & à qui il ne manque qu’une intelligence pour les diriger selon tous les desseins qu’elle peut avoir de bonté ou de malice.

On a si bien crû jusques à present, qu’un Estre pensant n’a aucun raport fondé sur la nature avec le mouvement de la matiere, & qu’il ne peut remuer les Corps, que parce que ses volontez sont établies causes occasionnelles des déterminations du mouvement des esprits animaux renfermez dans quelque Corps organique, que tous ceux qui n’ont point cru les Démons corporels dans leur origine, disent que les Esprits lorsqu’ils veulent exercer leur malignité sur les hommes se forment des Corps d’air : mais cette opinion est insoutenable en bonne Philosophie, car outre que l’Air est un liquide incoagulable, & par consequent impropre à former des Organes solides, la vertu plastique que les Anciens avoient inventée, pour expliquer de quelle maniere une Ame se formoit son domicile dans la generation, est depuis long temps releguée avec les facultez & les qualitez occultes, particulierement depuis qu’on a découvert par le Microscope que les Corps organiques sont tous formez dans leurs semences que la generation ne fait que développer : Il est donc bien plus raisonnable de croire que l’Air se trouvant rempli de petites machines vivantes invisibles toutes formées & toutes animées, ces Estres pensans s’en servent plûtôt que de s’en former, quand même il leur seroit possible de le faire.

Si vous examinez bien ce Systéme, vous trouverez peu d’évenemens au dessus de l’industrie humaine, & qui ne soient pas des Miracles, qu’on ne puisse par son moyen expliquer avec facilité, je ne prétends pas pour cela qu’on ajoûte foy à toutes les histoires surprenantes de Sortiléges & d’Enchantemens qu’on nous fait tous les jours, il y a à rabattre sur tout cela, mais il ne faut pas pousser l’incredulité trop loin, il faut suspendre raisonnablement son jugement, jusqu’à ce qu’on ne trouve aucun lieu de douter, comme on a fait icy, & ne pas prétendre contre tous les témoignages des sens, qu’une chose soit fausse, parce qu’on ne la peut comprendre.

Mais on me dira, comment peut-on concevoir qu’une cause si petite que l’action d’un petit Corps aërien invisible puisse produire des effets aussi considerables qu’on en voit quelques fois : Cette objection ne peut être faite que par des personnes qui ignorent les Loix de la Mecanique & la force du ressort, car ils sçauroient que quelques Atomes d’air comprimez, de nitre de souphre & de charbon enflamez, font soulevez des masses énormes de matiere ; ils verroient qu’il est bien plus aisé à ces petits Agens de remuer, d’amasser, & d’ordonner ces parties élastiques qu’ils peuvent voir, & démêler des autres Atomes, qu’à nous qui ne les connoissons que par leurs effets ; & ces Ennemis du Genre humain tous foibles & impuissans qu’ils sont, ne laisseroient pas de causer souvent de grands maux, si Dieu par sa préscience & sa sagesse  infinies n’ajustoit si bien les causes libres bienfaisantes & malfaisantes, que sans que leur liberté soit jamais blessée, elles accomplissent les desseins impenetrables, mais toûjours pleins de bonté & de misericorde de sa divine Providence.

Je ne prétends pas pour cela qu’on aye d’abord recours aux Enchantemens, sitôt qu’on aperçoit quelque fait extraordinaire & qu’on ne peut pas expliquer tout d’un coup par les régles de l’industrie humaine, on en a tant vû qui ont étonné d’abord, & qui après les avoir bien examinez, se sont trouvez n’être qu’un tour de main, qu’on ne sçauroit, être trop sur ses gardes pour ne pas se trouver exposez à la raillerie & aux reproches d’une credulité trop précipitée. C’est avec ce préjugé si raisonnable que nous avons examiné le Fait en question avec toute l’attention possible ; nous ne sommes point laissé prévenir par tous les témoignages qu’on nous a donné de la sagesse, de la bonne conduite de cette Fille, de son désinteressement & de celuy de sa famille, nous l’avons fait visiter, & garder à vûë par des personnes seures & non suspectes pendant quatorze jours & autant de nuicts qu’on l’a toûjours veillé, dans le soubçon où nous étions qu’elle pourroit se fourrer les Epingles dans differentes parties de son Corps, mais outre qu’on l’a mise dans l’impuissance d’en avoir, on ne luy a pas vû faire le moindre mouvement pour cela, il luy en a même paru dans les endroits où il est impossible qu’une personne se les mette elle-même, c’est-à-dire sur les Omoplates, le Chirurgien n’a fait que les incisions, les Medecins & plusieurs des Assistans les ont tirées eux-mêmes mais ce qui a achevé de nous mettre hors de soubçon, ce sont les vingt-trois Epingles & Aiguilles qu’on a tirées de son sein, qui en ont penetré & parcouru toutes les differentes parties, dont nous avons exactement observé toutes les situations, & qui n’ont laissé dans ces parties aucune dureté, ni aucune [marque] de la moindre liqueur épanchée, ny de Glande comprimée, ny de Fibre nerveuse irritée ; ceux qui sçavent l’Anatomie de cette partie asseureront aussi bien que nous, qu’il est absolument impossible sans une direction particuliere d’un Estre intelligent, que le moindre corps étranger, parmy ce tissu si serré de Vesicules glandulaires, de Nerfs, Arteres, Veines, Vaisseaux lymphaliques & lactez, puissent parcourir toutes ces parties sans en blesser aucune, soit qu’il soit introduit par dehors, soit qu’il vienne du dedans.

Voilà, Monsieur, tout ce que j’ay médité sur un évenement qui a fait tant de bruit, & qui subsiste encore, je ne vous donne cecy que pour de simples conjectures, que je suis prêt de quitter si tôt quon me dira quelque chose de plus vraisemblable ; songez seulement que les Agens que j’introduis sur la scene, & les instrumens dont ils se servent ne sont point chimeriques, qu’ils existent actuellement dans la nature, que leur union a sa preuve dans nous-mêmes, & qu’enfin j’explique leurs actions par les seules régles de la Mecanique, dont je soutiens qu’aucun Estre créé ne peut jamais se dispenser.

Au reste, Monsieur, ce n’est qu’à vous & aux personnes de vôtre caractere que j’adresse mes Réflexions, je seray content si elles peuvent vous plaire, mais si par hazard ma Lettre tombe entre les mains [de quelqu'un] de Messieurs les Décisifs, qui sçavent tout sans avoir rien examiné, qui nient tout ce qu’ils ne comprennent point, & qui ne daignent pas se rabaisser aux idées rampantes de la Mecanique, je luy déclare pour prévenir ses railleries, que tout cecy n’est qu’un jeu d’esprit, & que je n’ay rien écrit de serieux ny pour luy, ny pour ceux qui luy ressemblent. Je suis,

    MONSIEUR

        Vôtre tres-humble & tres-obéïssant Serviteur. L. D. M.

    A Lisieux, le 1. May 1717.




Static Wikipedia 2008 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2007 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2006 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Sub-domains

CDRoms - Magnatune - Librivox - Liber Liber - Encyclopaedia Britannica - Project Gutenberg - Wikipedia 2008 - Wikipedia 2007 - Wikipedia 2006 -

Other Domains

https://www.classicistranieri.it - https://www.ebooksgratis.com - https://www.gutenbergaustralia.com - https://www.englishwikipedia.com - https://www.wikipediazim.com - https://www.wikisourcezim.com - https://www.projectgutenberg.net - https://www.projectgutenberg.es - https://www.radioascolto.com - https://www.debitoformativo.it - https://www.wikipediaforschools.org - https://www.projectgutenbergzim.com