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M. Leroux : Achille Genty, 1826-1870 (1936).
LEROUX, Maurice (18..-19..) : Achille Genty, 1826-1870 (1936).
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (08.XI.2014)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (Bm Lx : Deville, fasc 696) du Bulletin de la Société Historique de l'Orne, Tome LIV d'Octobre 1936.

ACHILLE GENTY
1826-1870

par
Maurice Leroux

~*~

Le jeune licencié, revenu dans sa petite patrie, se fit inscrire au barreau de Mortagne, où il exerça, quelques années durant, la profession d'avocat. Hélas ! la sensibilité de son cœur était peu compatible avec les rigueurs de Thémis ! Notre avocat ne s'avisa-t-il pas, en effet, d'abandonner parfois ses honoraires à sa partie adverse, touché de l'infortune de ceux qui devaient à son éloquence la perte de leur procès ? De tels gestes, vraisemblablement fort exceptionnels parmi les membres du barreau d'alors, et qui frapperaient d'une stupeur sans borne les avocats d'aujourd'hui, n'étaient évidemment pas faits pour enrichir leur auteur. Aussi celui-ci, dégoûté d'une expérience par trop déconcertante, ne tarda-t-il pas à dire au prétoire un éternel adieu.

Après un court séjour à Laon, où sa trace se perd quelque peu, il se rendit à Paris, où nous le retrouvons vivant de sa plume, plongé dans des travaux de librairie et d'érudition. Son goût des sciences exactes ne l'ayant pas quitté, il s'attacha tout d'abord à traduire et annoter une suite de traités sur les sciences physiques et leurs applications, du Dr Dionysius Lardner, de la Société Royale de Londres, traités qu'il fit paraître en 1857-58, en trois volumes in-octavo illustrés, sous le titre de Muséum des Sciences et des Arts. C'est un honnête ouvrage de vulgarisation scientifique. La culture qu'il avait acquise au cours des recherches de cet ordre lui permit de devenir le rédacteur ordinaire de la chronique scientifique de la Gazette de France.

Mais la science ne pouvait suffire à satisfaire sa curiosité toujours en éveil et, simultanément, il poursuivait des études très poussées de littérature ancienne et de linguistique. La riche collection de rares éditions du XVIe et du XVIIe siècle qu'il avait réussi à constituer en fréquentant assidûment les ventes de livres et les bouquinistes, était pour lui une mine précieuse d'où il exhumait des textes oubliés d'écrivains jadis célèbres ou des œuvres singulières d'auteurs méconnus. Il publia de 1859 à 1863 le fruit de ses travaux en une suite de plaquettes tirées à petit nombre d'exemplaires, aujourd'hui fort recherchés par les bibliophiles.

 Au cours de l'année 1859 se succédèrent : Le Oui des Jeunes Filles, traduit de l'espagnol de Moratin ; le Plutus, traduit du grec d'Aristophane, et le Bourru Bienfaisant de Goldoni, qu'il fit paraître sous divers pseudonymes (G. A. Mortagne, D. A. G. Verneuil, G. Moutiers) en brochures in-octavo imprimées sur deux colonnes.
 
En 1860, le ministère anglais ayant formé des corps de volontaires, sous prétexte de je ne sais quel imaginaire danger menaçant l'empire, Achille Genty prend sa plume et rédige un violent pamphlet contre la politique britannique : Les Volontaires anglais, coup d'œil sur le peuple et l'oligarchie anglaise. Il est curieux de parcourir aujourd'hui ce réquisitoire. Selon l'auteur, le gouvernement anglais d'alors, aux mains d'une oligarchie alternativement whig et torie, malgré une politique en apparence libérale, maintient le peuple sous le joug et s'efforce d'affaiblir les nations voisines, en répandant chez elles le régime constitutionnel. « Or, écrit Genty, ce régime constitutionnel qu'est-ce en France, en Espagne, en Portugal, etc., sinon la ruine complète de ces pays ? De 1815 à 1848, la France a joui de ce régime. On l'a vu à l'œuvre. Qu'a-t-il produit ? » Cette oligarchie étend son action au dehors par ses protectorats, son industrie, ses prêts. Elle s'est rendue complice, tout au moins par son silence, des attentats dont le souverain de la France a été l'objet. Au dedans, elle abaisse la royauté anglaise, sème la panique en appelant aux armes des volontaires et ameute, grâce à la presse qu'elle soudoie, l'opinion publique contre la France. Mais quels desseins poursuit-elle ? « Dans le cas où l'Allemagne depuis longtemps travaillée par l'oligarchie et, par suite, depuis longtemps en proie à des inquiétudes dont il est impossible de lui faire un crime se laisserait entraîner à faire cause commune avec l'oligarchie contre la France, on pourrait impunément dégarnir l'Angleterre de ses troupes et la laisser à la garde de ses volontaires ! »

Ainsi, dix ans avant 1870, Achille Genty avait pressenti non seulement la guerre franco-allemande mais encore cette fameuse politique de bascule qui allait être le thème favori de la politique anglaise sur le continent entre les deux guerres et dont nous n'avons pas fini, hélas, de ressentir les à-coups. Mais cette note politique devait être exceptionnelle dans l'œuvre d'Achille Genty, et, en 1861, il inaugurait une nouvelle série d'études d'une actualité moins brûlante par ses Rimes inédites en Patois Percheron, qui furent suivies, dans le courant de la même année, des Chansons sur la Régence et Trois chansons attribuées au Régent, de La Fontaine des Amoureux de Science, composée par Jehan de la Fontaine, de Valenciennes en Hainaut, poème hermétique du XVe siècle, enfin des Œuvres Poétiques françaises de Nicolas Ellain, parisien (1561-1570).
 
Au cours de l'année 1862 parurent l’Art Poétique de Jean Vauquelin, sieur de la Fresnaye (1536-1607) et le discours en vers : Pour la Monarchie de ce Royaume contre la division, par le même.
 
Les Œuvres Poétiques en patois percheron de Pierre Genty, maréchal-ferrant, aïeul de notre auteur, précédées d'un essai sur la filiation des langues et éditées en 1863, terminent cette série, qui se présente sous la forme de sept petits volumes in-16, à titres rouges, tirés à 355 exemplaires (sauf les Rimes en patois percheron tirées à 350). Les cinq premiers volumes de la série sont édités chez Poulet-Malassis ; les deux derniers chez les libraires Auguste Aubry et J. Miard ; ils sortent tous de l'imprimerie de Broise, à Alençon.
 
Ces rééditions d'anciens poèmes français ou percherons nous intéressent surtout par les introductions dont elles sont précédées, car c'est là que nous saisissons sur le vif le talent si souple d'Achille Genty qui excelle, en quelques pages, à restituer la physionomie d'une époque, à camper un portrait, à donner une vue claire et synthétique d'une œuvre ou d'une science complexe. Ces rapides et cependant solides études, au style mi-sérieux mi-plaisant, pleines d'aperçus ingénieux et de rapprochements inattendus, se lisent avec profit et agrément.
 
Veut-on avoir une idée précise de l'alchimie ? Il suffit de parcourir la préface de La Fontaine des Amoureux de Science : en quarante pages nourries de faits sont indiqués ainsi clairement que le permet un tel sujet les buts, les principes et les avatars de cette science qui à toute époque s'enveloppa du voile obscur des symboles. On ne nous laisse ignorer ni les opérations de magie blanche ou noire qui accompagnèrent parfois les essais de transmutation, ni les mystères qui présidaient à la fabuleuse création de l’homunculus, ni les chimériques rêveries sur l’alcaest.

L'auteur était d'ailleurs fort intéressé par les questions d'occultisme. Sans doute n'avait-il pas manqué d'assister à quelques expériences spirites alors dans toute leur nouveauté. Nous savons néanmoins qu'il avait la sagesse de déconseiller vivement ce genre de recherches au commun des mortels, connaissant les résultats habituels qu'elles produisent chez les individus mal équilibrés. Sa bibliothèque renfermait, au surplus, bon nombre de livres sui les sciences occultes, notamment toute une collection d'ouvrages relatifs à Nostradamus et à ses prophéties.
 
Cet aperçu de la science hermérique se termine par une confrontation de celle-ci avec la science moderne. L'objet de l'alchimie, à savoir la transmutation des métaux, n'apparaît peut-être pas absurde en soi, puisqu'il n'est pas absolument prouvé, malgré les affirmations de la science officielle, que les métaux sont des corps simples. D'autre part, la théorie des corps isomères tend à établir qu'une même composition chimique de deux corps n'implique pas nécessairement une similitude complète de propriétés. « La forme, le nombre et l'ordre ne sont donc pas moins essentiels que la matière. » Nous voyons par là qu'Achille Genty était au fait des dernières théories de la science de son temps. Il observe enfin judicieusement que la découverte de la transmutation ne modifierait pas sensiblement la destinée des sociétés humaines ; celles-ci entreraient seulement dans une nouvelle phase financière et se contenteraient de changer leur monnaie. Les récents bouleversements monétaires auxquels nous avons assisté (inflation et abandon de l'étalon or), nous permettent malheureusement de vérifier la justesse de ces vues.
 
Dans le domaine de l'ancienne littérature française, les théories d'Achille Genty ne sont pas moins empreintes de bon sens et de logique : « Le temps a déjà usé deux littératures en France, celle des XIIe-XVe siècles et celle du XVIIne siècle. Les deux premières sont, depuis maints lustres, passées à l'état fossile... Elles constituent à cette heure une sorte de paléontologie littéraire dont MM. Paulin Paris, Victor le Clerc, Fr. Michel, Le Roux de Lincy, Hersart de la Villemarqué, etc., etc., ont été les Cuvier, les d'Orbigny, les Humboldt, les Hébert et les Cordier. Est-ce qu'il nous serait interdit d'ajouter une humble pierre à l'édifice de ces illustres ouvriers ? Oh, elle est bien humble !... Nicolas Ellain n'est point un mastodonte ! ».

« Dans l'ordre intellectuel non plus que dans l'ordre physique pas de solution de continuité, écrit-il encore avant de retracer la biographie de Vauquelin de la Fresnaye. Tout s'enchaîne, s'articule, s'adapte ou se juxtapose. Les anneaux ne manquent jamais à la chaîne, les échelons à l'échelle... De Ronsard à Malherbe l'intervalle est immense... Malherbe peut-il directement procéder de Ronsard ? La négation est évidente. Pour joindre ces deux hommes il faut un pont, un trait d'union, un anneau. Quel sera cet anneau ? Le voici... c'est Vauquelin de la Fresnaye. »

La publication des Chansons sur la Régence lui donne l'occasion d'émettre quelques frappants aphorismes qui procèdent d'un semblable parallèle avec les sciences physiques : « Le matériel et l'immatériel semblent obéir aux mêmes lois. Ainsi cette loi physique : l'expansion, est en raison directe de la compression, et vice versa... Le régime de compression adopté par Louis XIV pendant les trente dernières années de son règne (1684-1715) avait donné naissance à une dévotion qui ne fut pas toujours de bon aloi. Tartuffe s'était glissé partout. Tous, plus ou moins, avaient imposé un frein à leur langue et cadenassé leur cœur. Le roi n'aimait plus : il eût été indécent d'aimer. Louis XIV disparu, les langues se déchaînèrent, les cœurs rompirent leurs cadenas. Malheureusement, au lieu de parler on divagua, au lieu d'aimer on libertina. Sous Louis XIV, et par ordre, on avait affiché la dévotion : après lui, on mit tout à bas, même la religion. Chacun avait à rattraper un certain temps perdu : Louis XIV avait eu la vieillesse longue comme la jeunesse ! » Le Régent lui-même donna le signal d'un dévergondage qui devait durer plus d'un demi-siècle, « période de notre histoire faite pour donner le vertige ». Par-là se trouva précipitée la ruine de l'antique noblesse : « Les petits soupers du Régent, les micmacs de la rue Quincampoix, les spéculations louches de certains ducs et pairs, la fréquentation des traitants, le pacte de famine, le Parc aux Cerfs, furent pour la noblesse une hache autrement fatale que celle de Richelieu... Comment la royauté qui avait tant travaillé à l'anéantissement de la noblesse put-elle avoir le même tombeau ? C'est que la royauté qui, sous Louis XI et Richelieu, était restée citoyenne, se fit noble sous Louis XV. Louis XV ne fut que le premier gentilhomme de son royaume, il n'en fut pas le premier citoyen. »

Sans doute, ces vues peuvent nous paraître un peu sommaires ; l'histoire, aujourd'hui, est faite de jugements, plus nuancés. On doit avouer cependant qu'elles ne manquent ni d'originalité ni de relief.
 
Mais nous avons hâte d'arriver à l'œuvre spécifiquement percheronne d'Achille Genty, à savoir aux Rimes en patois percheron et à l'édition des poèmes de son aïeul Pierre Genty.
 
Une question préalable se pose : Genty est-il ici auteur ou seulement éditeur ? Louis Duval, dans son étude sur le Parnasse Percheron publiée dans le Livre d'Or de Rémy Belleau, insinue que ces poèmes seraient l'œuvre de Genty lui-même : « Achille Genty, écrit-il, a cultivé, comme l'abbé Fret, le patois percheron et a réussi à le mettre en rimes très riches imprégnées fortement du goût de terroir ». Pourtant, dans la préface des Rimes, nous pouvons lire cette affirmation très nette : « Deux mots maintenant sur les morceaux de poésie percheronne réunis dans ce volume. Ils ont été recueillis dans le canton de Tourouvre. C'est dans ce canton que l'idiome percheron s'est le mieux conservé ; c'est là que les traditions et légendes se sont gardées le plus intactes ». Suit ce coup de patte à l'auteur des Chroniques Percheronnes : « On n'a pas cru devoir ajouter à ces morceaux les scènes ou tableaux percherons de l'abbé J. Fret, le Molière du Perche. Voici notre excuse : l'abbé J. Fret a reproduit admirablement les mœurs du Perche, mais il n'en a pas suffisamment respecté l'idiome. L'abbé J. Fret écrivait le percheron en manchettes ». De même, Achille Genty nous donne les poèmes publiés sous le nom de Pierre Genty comme des œuvres authentiques de son aïeul, maréchal-ferrant, né à Mathanvilliers près de Brézolles en 1770, mort à Armentières (Eure) en 1821. Nous n'avons aucune raison de douter de sa parole, d'autant que son caractère, tel que nous le connaissons, ne nous permet pas de supposer qu'il se fût complu à une semblable mystification littéraire. D'ailleurs, on peut observer que le percheron de Pierre Genty est beaucoup plus archaïque que celui des Rimes. Les petits poèmes de ce dernier recueil paraissent peu anciens ; ils ont été vraisemblablement composés vers le milieu du siècle dernier. La chanson sur l'empereur Napoléon Ier porte elle-même sa date ; quant à celle intitulée Jean III, roi des Percherons, elle n'est qu'une transposition du Roi d'Yvetot de Bérenger.

Nous ne prétendons d'ailleurs pas qu'Achille Genty se soit borné simplement à transcrire ces pièces de poésie. Il est probable, au contraire, qu'il a dû plus ou moins arranger et compléter des textes passablement défigurés par la tradition orale. Dans le Dialogue d'amour entre un gars du Perche et un Monsieur, notamment, sa part de collaboration doit être assez grande et peut-être est-il l'auteur des vers français qui émaillent ce dialogue.

Dans l'introduction aux Rimes, il émet une théorie particulière sur le rôle joué par le patois percheron, au point de vue de la formation de la langue française. Ce patois ne serait pas, en effet, comme on l'a enseigné, un infime rameau de l'idiome normand. Observant d'une part, que de nombreux mots percherons sont les mêmes que ceux du français primitif parlé du XIIe au XIV siècle : nocent (innocent), noncer (annoncer), mainquègne (maintienne) sacréfier (sacrifier) en et an (on), bellement (doucement), l'y, lai et mai (lui, elle et moi) etc.. et d'autre part que la langue française est issue de patois auxquels le latin donna naissance, l'auteur est conduit à se demander si le percheron n'est pas précisément le patois ou l'un des patois ayant le plus contribué à la formation de cette langue (2).
 
Il reprend et développe cette thèse qui lui est chère dans l'Essai sur la parenté et la formation des langues et spécialement sur la formation de la langue française, placé en tête des poésies de Pierre Genty. Cet essai de 66 pages est peut-être l'œuvre la plus importante qu'il nous ait laissée.

Nous ne pouvons songer qu'à en donner ici un rapide aperçu :

L'homme est partout le même au fond ; il ne diffère que dans la forme. Deux mille langues se parlent sur le globe, dont les caractères fondamentaux sont communs. Toutes les langues sont donc sœurs. L'auteur le prouve par une remarquable étude sur l'article et les déclinaisons dans les différents groupes de langues ainsi que par une très fine analyse de l'origine de l'article. Les langues se classent ainsi en trois catégories : celles où le substantif n'est ni précédé ni suivi d'article, celles où le substantif est précédé d'une particule quelconque et suivi d'un article, celles où le substantif est suivi de l'article. Les langues primitives durent n'avoir que des racines et être complètement synthétiques. Par la conquête du pronom démonstratif qui donna naissance à l'article, puis du pronom personnel et du verbe auxiliaire qui en est issu (car c'est le moi agissant, voulant, déterminant), elles se perfectionnèrent peu à peu. Ainsi l'âge relatif des langues s'établit d'après l'absence ou la présence de l'article et de l'auxiliaire, et d'après le degré de perfection de ces deux éléments. Mais, en somme, le principe de l'unité de composition régit toutes les langues qui, dépouillées de leurs accessoires, sont identiques dans leur essence.

On peut donc supposer qu'il a existé une langue primitive universelle qu'une catastrophe ou révolution indépendante de la volonté humaine (catastrophe babélienne) morcela. L'auteur aborde ensuite le problème de la formation des langues issues de cette langue primitive (langues égyptienne, couschite et sanscrite), puis passe en revue dans une série de courts chapitres les principales langues ou groupes de langues connues, au point de vue de leur origine et de leur formation. Il en arrive à cette conclusion que les langues sont le résultat de la fusion de patois ou de langues tombées à l'état de patois.

Appliquant ensuite cette théorie à la langue française, il montre que cette langue est issue de l'amalgame de patois : celtique, germanique, osque, ombrien et sabin, du latin vulgaire et du latin de la décadence. Toutefois, il est difficile de saisir ce qu'était cette langue antérieurement à la formation de la langue d'oïl, c'est-à-dire antérieurement au Serment de Strasbourg. C'est ici qu'Achille Genty fait intervenir l'idiome percheron qui, suivant sa thèse, serait un vestige (rajeuni et déformé par le patois normand) de cette langue intermédiaire dont il ne reste aucun monument. Les mots percherons meon et maon (mon), in (en), dreit (droit), prindrai (prendrai), se retrouvent, en effet, dans le Serment de Strasbourg. Par ailleurs, les pronoms démonstratifs percherons : stila (celui-là), stela ou stola (celle-là), stici (celui-ci), sté (cette), sont beaucoup plus proches du latin (is, hic, ille, iste) que ceux des autres dialectes de la langue d'oïl. Enfin, la conjugaison du verbe être en percheron ancien (j'étain. j'étom, j’son ; au passé : j'étain, j'étiom, j'étion) avec ses terminaisons celtiques (ain) et latines (om), ressemble à celle de la langue d'oïl « comme un enfant ressemble à un adolescent ». Si l'on constate, en outre, que le percheron a emprunté bien des mots à de nombreux patois celto-romans (bourguignon, picard, normand, catalan, provençal, limousin, suisses, dauphinois, piémontais, etc.), on est conduit à penser qu'il a dû se constituer à une époque où tous les patois étaient encore en fusion c'est-à-dire alors qu'aucune langue n'avait pu encore surgir de ces patois. « Par suite, le percheron ne peut être qu'un témoin affirmant cet état de fusion des patois, dont il fut le premier mais non viable résultat. »

Cette théorie d'Achille Genty qui fait du percheron en quelque sorte l'avant-première épreuve de la langue d'oïl, ne manque pas de hardiesse. L'antique patois du Perche a-t-il en réalité joué le rôle primordial que lui attribue l'auteur ? Nous n'oserions l'affirmer. La rareté des témoignages susceptibles de nous éclairer sur l'évolution de la langue romane oblige, en effet, les philologues modernes à garder une prudente réserve en ce qui concerne cette question. Du moins, peut-on retenir que le percheron ancien est un authentique vestige d'un des nombreux patois romans qui ont contribué à la formation de la langue française. Limitée à cette constatation d'ailleurs importante, la thèse d'Achille Genty nous paraît avoir de grandes chances d'être exacte.
 
Ces différentes études et éditions avaient répandu le nom d'Achille Genty qui fut bientôt tenu en haute estime dans le monde des lettrés. En tête du discours de Vauquelin : Pour la Monarchie, il place un remerciement à diverses personnalités éminentes de l'érudition et de la critique d'alors qui s'étaient intéressées à ses travaux : Prosper Blanchemain, Philarète Chasles, Paulin Paris, Saint-René Taillandier, Sainte-Beuve, Léon de la Sicotière (3), etc…

  Achille Genty eut, en 1862, l'intention de lancer une revue semestrielle : l’Ecrin du Bibliophile et de l’amateur d'Autographes, dont le siège se trouvait 21 rue de Seine, vraisemblablement à son propre domicile (4). Il se donne le titre de secrétaire de la rédaction de cette revue et annonce également la prochaine publication, par souscription, d'un Guide illustré du bibliophile et de l'homme de lettres, en cinq volumes in octavo, de 6 à 700 pages.

Ces projets ne furent, semble-t-il jamais réalisés et la production littéraire de notre auteur s'arrêta brusquement à la fin de 1862 après la publication des œuvres de Pierre Genty. A la suite du discours pour la Monarchie de Jean Vauquelin, toute une série de rééditions d'anciens ouvrages était cependant annoncée : Les satyres, idillies, foresteries, sonnets et poésies inédites de J. Vauquelin de la Frenaye ; le Catéchisme de G. Postel ; l'Horatie de P. Arétin ; le Manuel du diplomate de Pecquet ; une nouvelle traduction de l'Imitation ; les Poésies de Jean Passerat ; le Pater Noster de M. de Fortengueulle translaté du Chaldéen par le sieur de Grosbec et commenté par Mme la marquise de Becpincé (piquante facétie du XVIIIe siècle) ; les Amours de J. A. de Baïf, les poésies d'Anne de Rohan, etc…

Aucun de ces ouvrages ne devait voir le jour (5). Pour des raisons que nous ignorons, Genty abandonna ses travaux littéraires, soit qu'il en ait été détourné par d'autres études, soit que la regrettable épreuve qu'il subit au début de l'année 1862, l'ait privé de son habituelle documentation. Par suite d'un de ces revers de fortune qui ne sont que trop fréquent dans la vie d'un homme de lettres, il fut en effet, obligé de mettre en vente sa bibliothèque. Cruel sacrifice pour un bibliophile de sa classe qui lui vaut, à distance, notre sympathie rétrospective ! Nous possédons, rédigé par Genty lui-même, le catalogue de cette vente qui eut lieu les 6, 7 et 8 janvier 1862 à la salle Sylvestre. En tête figure un adieu en forme de sonnet que l'auteur adresse à ses « povres et amez vieilz livres » :

Séparons-nous, amis, partes, et bon voïage,
Las ! dessus moy chétif le tonnerre est tumbé ;
La vie est pour aulcuns (je m'y suis embourbé),
De mauvais et de pire un estrange alliage...

Ces vers pleins d'une mélancolie résignée qui nous émeut, sont suivis d'un certain nombre de poèmes adressés par ses amis à l'infortuné bibliophile, en guise de consolation : Rondeau de Philippe Morin de Lyon, Pot-Pourri de Robert Lavizac de Bordeaux, Sonnet de J. Soulavie de Nantes, Epitre de X. de P. avocat à la cour impériale de Paris, Ballade de Camille Sergent de Mortagne, Distique latin de Ernestus a Pratis de Paris. Puis vient une réponse facétieuse de l'auteur qu'avec le sonnet précité nous reproduisons intégralement à la suite de cette biographie. Ce sont là, en effet les, deux seuls poèmes que nous puissions attribuer avec certitude à Achille Genty.

En une courte préface, celui-ci nous explique que le catalogue de sa collection de livres rares a été établi selon une méthode didactique, non d'après la date des éditions, mais d'après l'ordre chronologique des auteurs et des ouvrages. « Quand fut commencé ce catalogue, ajoute-t-il, son rédacteur était loin de penser qu'il dût jamais devenir un catalogue de vente. Il le faisait pour lui, non pour les habitués de la salle Sylvestre : il ne pouvait prévoir alors qu'il lui faudrait passer par les fourches caudines de cette salle. si gaie quand on achète, si triste quand on revend ».
 
On nous saura gré de donner ici un aperçu de cette remarquable collection de livres qui nous renseigne mieux que tout autre document sur les goûts et l'horizon de celui qui l'avait constituée. On y voit figurer : la plupart des auteurs de l'Antiquité en éditions du XVIe et du XVIIe siècles ; quatre manuscrits enluminés de la fin du XIVe et du XVe siècle : quelques incunables, parmi lesquels : la Chronique de Turpin (Paris, gothique, 1527 in-4°), le Roman de la Rose (Paris, Jehan Petit, 1537, gothique in-folio), et les Chroniques de France (Paris, Regnault, vers 1530) ; une importante suite sur Nostradamus et ses prophéties, quelques livres d'alchimie (parmi lesquels le Miroir d'Alquémie de Jean de Mehun. Paris, 1613); la plupart des poètes et auteurs du XVIe siècle en édition de l'époque (Marot, Nicolas Ellain, Ronsard. Tahureau, du Bellay, Baïf, Rémy Belleau, Jodelle, Scevole de Sainte-Marthe, du Bartas, Marguerite de Valois, Bonaventure des Perriers, etc.) ; plusieurs éditions originales de Bossuet ; des mystiques, théologiens et occultistes du xvne siècle ; enfin des poètes et prosateurs de ce même siècle tels que Saint-Amand, Furetière, La Fontaine. Molière, Racine, Balzac, Scarron, etc., presque tous en éditions du temps.

Heureuse époque pour les bibliophiles ! Il serait fort difficile aujourd'hui de constituer une aussi riche collection, à moins d'y consacrer plusieurs centaines de milliers de francs. Or, les moyens d'Achille Genty étaient modestes. On croit rêver d'ailleurs quand on parcourt les prix de vente inscrits sur l'exemplaire du catalogue conservé par la Bibliothèque Nationale : Songez que l'ouvrage vendu le plus cher fut la chronique de Turpin (1527) qui réalisa 435 francs ! Vient ensuite un livre d'heures orné de dix-huit enluminures, qui fit 320 francs. Les œuvres de Ronsard en 5 volumes, Paris 1572-1573, s'adjugèrent à 202 francs. Enfin les poètes du XVIe siècle en éditions du temps atteignirent péniblement 18 et 20 francs en moyenne (6).

A partir de 1863, nos renseignements sur les travaux et les occupations d'Achille Genty sont moins précis. Nous savons qu'en 1864, il collabora avec Alexandre Roy à une étude consacrée à Joseph Gautherot, sa vie et ses travaux bien que son nom ne figure pas en tête de cet ouvrage. Joseph Gautherot n'était pas un de ces savants officiels que reconnaissent et couronnent les Académies, mais un ancien ouvrier mineur qui s'était formé lui-même et était devenu hydroscope, nous dirions aujourd'hui sourcier. Il eut des succès éclatants à Sedan, Chauvoncourt, Liverdun et en plusieurs localités d'Algétie. L'empereur l'appela en 1857 au camp de Châlons et utilisa ses talents pour l'alimentation du camp en eau potable. Il partit pour le Pérou en 1863. Malheureusement, si les auteurs s'étendent sur les découvertes de l'hydroscope et publient même, en pièces justificatives, d'assez nombreuses attestations en sa faveur, ils ne nous renseignent ni sur sa méthode, ni sur ses procédés. Ils se contentent de reproduire ce fragment de conversation avec lui : « Tenez, dit l'un des interlocuteurs, vous avez un secret, M. Gautherot, un secret qui déroute la science officielle. Vous trouvez de l'eau là où la science n'en voit pas, où elle en nie toute trace. Eh bien, notre conviction est que votre secret n'est autre qu'un fait scientifique peut-être des plus simples et dont, à raison même de cette extrême simplicité, personne ne s'avisera. Sauf, Monsieur, quelque pauvre ignorant comme moi, repartit l'hydroscope ». C'est tout ce qui nous est rapporté sur le secret de Joseph Gautherot. Notre curiosité eût aimé en connaître davantage.
 
En 1866, dans une collection d'éducation populaire dite : l'Ecole Mutuelle, Achille Genty publia un petit volume intitulé : Mythologies, Religions, Histoire des Religions. Ce n'est qu'un travail de compilation, mais d'une clarté parfaite et sans lacune. Dans une première partie comacrée au Polythéisme, l'auteur passe en revue les mythologies anciennes et modernes. La seconde partie est un exposé net et concis des caractères et dogmes essentiels des religions monothéistes : Judaïsme, Catholicisme, église grecque d'Orient, églises protestantes, sectes diverses et islamisme. En une troisième et dernière partie très courte, se trouve tracé à grands traits le tableau d'ensemble de l'évolution des religions, dans leur ordre historique, depuis le Judaïsme de l'Ancienne Loi jusqu'au Saint-Simonismc et au Mormonisme contemporains.
 
Il semble d'ailleurs que durant cette période de 1863 à 1870, Achille Genty se soit de plus en plus détourné des préoccupations littéraires pour se livrer à des travaux d'ordre scientifique. Par un de ces retours que nous offrent les vocations contrariées, il étudia avec acharnement la médecine et aussi la médecine-vétérinaire. Ses recherches et ses expériences aboutirent à la découverte d'un remède d'une efficacité reconnue contre la maladie des chiens, remède auquel il donna le nom de « cynophile ». Il fondait de grands espoirs sur sa découverte. On lui proposa de la lui acheter moyennant 100.000 francs. Il refusa, devant, disait-il, songer à l'avenir de ses enfants. Entre temps, en effet, il avait épousé Victorine-Marie-Félicité Mareau, originaire de Longny-au-Perche, et trois enfants, un garçon et deux filles, lui étaient nés.
 
En 1869, il entreprit la publication, aux bureaux du journal Le Sport, d'un important ouvrage : L'Art d'élever les chiens, qui devait comprendre sept volumes : I. La maladie des chiens (distemper). II. L'ictère (jaunisse) chez le jeune chien et le chien adulte. III. Les maladies de la peau. IV. La bronchite, la pneumonie, la pleurésie. V. La rage. VI. Hygiène et médecine du chien. VII Législation, chiens de chasse. Les trois premiers tomes parurent seuls, cette publication ayant été interrompue par la guerre et la mort de l'auteur qui emporta avec lui dans la tombe le secret du cynophile.
 
Quand se dessina sur Paris la menace de l'encerclement, Achille Genty qui habitait alors Avenue de Neuilly, en dehors de l'enceinte fortifiée, et se trouvait par là même exposé aux attaques et aux bombardements, dut quitter précipitamment cette résidence et venir se réfugier à Longny, avec sa femme et ses jeunes enfants, chez sa belle-mère domiciliée rue du Pont-Boivin (7).
 
Le 11 novembre, il avait le malheur de perdre sa femme décédée à l'âge de 34 ans. Peu après, une violente épidémie de variole noire éclatait. De nombreux soldats français malades ayant été hospitalisés à la communauté des Dames de Marie de Longny, Achille Genty n'hésita pas un seul instant : il s'installa à leur chevet pour leur prodiguer ses soins, ses connaissances en médecine le rendant plus apte que tout autre à seconder les médecins de Longny débordés. C'est là qu'il contracta le terrible mal dont la marche fut foudroyante. Se voyant perdu, il accepta son destin avec sérénité, réclama lui-même les secours de la religion et mourut dans les sentiments les plus chrétiens le 12 décembre 1870.
  
Ses enfants furent élevés à Longny par leur grand'mère Mme veuve Mareau (8). Ils ne devaient rien retrouver du mobilier de leur père, la maison de l'Avenue de Neuilly ayant été bombardée et pillée au cours du siège. Ainsi disparut la nouvelle bibliothèque qu'Achille Genty s'était reconstituée durant les dernières années de sa vie
     
Sa figure si attachante et si sympathique ne doit pas être oubliée. Par ses études sur notre ancienne littérature, ses originales théories sur le patois percheron, son érudition aussi vaste que variée, par son dévouement admirable, enfin qui devait le conduire à une mort prématurée, il a mérité que son souvenir demeure vivant dans la mémoire de ses compatriotes.

Maurice LEROUX.


NOTES :
(1) Son diplôme de licencié indique la date du 31 mars 1825 comme celle de sa naissance. Cette date devient le 31 décembre 1827 sur sa Thèse. De son côté, Louis Duval, dans son étude sur le Parnasse Percheron, parue dans le Livre d'Or de Rémy Belleau, le fait naître le 2 décembre 1826. Toutes ces dates sont erronées ; la date exacte de sa naissance est bien le 31 décembre 1826, comme l'indiquent les registres de l'Etat-Civil.
(2) L'Ami des Livres d'août 1861 analyse ainsi cette préface : « Dans une introduction où les mots et les tournures de notre ancienne langue sont mis en regard des tournures et des mots de l'idiome percheron, M. Ach. Genty fait voir que le percheron a dû être en quelque sorte le prélude de la langue des XIIe, XIIIe et XIVe siècles, et qu'on doit le considérer comme étant réellement la langue française primitive. » En fait, l'auteur n'est pas aussi affirmatif. Il se contente d'émettre une hypothèse.
(3) Notre exemplaire des Rimes en Patois Percheron est celui de Sainte-Beuve. Sa couverture porte cette suscription de la main d'Achille Genty : « M. Sainte-Beuve, de la part de M. Ach. Genty. » M. Tournoüer en possède un autre qui porte également de la main de Genty, cette dédicace : « A M. S. de Sacy, très humble hommage de l'éditeur, Ach. Genty. »
(4) Les deux volumes consacrés à Vauquelin de la Fresnaye, ainsi que celui contenant les œuvres de Pierre Genty, portent sur la page du titre, après l'indication du libraire, l'adresse de l'Ecrin du Bibliophile, 21, rue de Seine.
(5) Mme Oursel (Nouvelle Biographie Normande, Paris, 1886, tome I, p. 396), dans l'article qu'elle a consacré à Achille Genty, met cependant au nombre de ses ouvrages publiés, une des oeuvres énumérées plus haut, qu'elle indique toutefois sous un titre un peu différent : « La pâtenôtre de très haut et très puissant seigneur Messire Anne de Fortengueule, translatée du chaldéen et annotée par le sieur Jean-Louis de Gros-Bec, gentilhomme du Haut-Perche, surchargée d'un non moins ample commentaire par Mme la Marquise Euphémie de Becpincé, ci-devant chanoinesse de Montfleury en Dijonnais. » Mais ni l'éditeur, ni la date et le lieu de l'édition ne sont mentionnés, ce qui nous fait douter que cet opuscule ait jamais été publié. Nous ne l'avons d'ailleurs pas retrouvé parmi les œuvres d'A. Genty à la Bibliothèque Nationale.
(6) Ce catalogue correspond à la 1re partie de la collection d'Achille Genty ; la vente prochaine des 2e et 3e parties de cette collection y est annoncée, mais nous n'avons retrouvé aucun catalogue pour ces deux dernières parties.
(7) Ancienne maison. Monthulet, habitée aujourd'hui par Mme Brunet.
(8) Son fils devait mourir, encore jeune à Paris. Sa fille aînée mourut à Longny âgée de 17 ans. Sa seconde fille, Mme Marchand, habite Longny à l'heure actuelle. Nous lui devons la plupart des renseignements qui nous ont permis d'écrire cette biographie. Qu'elle veuille bien trouver ici l'expression de nos sincères remerciements.


PIÈCES JUSTIFICATIVES

I
ACTE DE DÉCÈS DE DENIS-ACHILLE GENTY

L'an mil huit cent soixante-dix, le douze décembre, huit heures du matin. Devant nous, Victor Mathurin Lesage, adjoint à la mairie de Longny, faisant les fonctions d'officier de l'Etat-Civil par délégation spéciale de Monsieur le Maire, soussigné, sont comparus MM. Amédée Bonnichon, garde-champêtre appariteur, âgé de soixante-deux ans, et Désiré Louis Urbain Verdier, secrétaire de mairie, âgé de trente-quatre ans, demeurant tous deux en ce bourg, lesquels nous ont déclaré que hier soir à une heure, Denis-Achille Genty, ancien avocat, âgé de quarante-trois ans, demeurant à Neuilly-sur-Seine, né à Verneuil le trente et un décembre mil huit cent vingt-six, du mariage de feu Denis-Pierre Genty et de feue Marie-Madeleine Léger, veuf de Victorine-Marie-Félicité Mareau décédée en ce bourg le dix novembre dernier, est décédé ainsi que nous nous sommes assurés au domicile de Madame Veuve Mareau, sa belle-mère, rue du Pont-Boivin, en ce bourg.
 
C'est pourquoi nous avons rédigé le présent acte qui a été signe des comparants et de nous officier public, lecture faite.

(Suivent les signatures.)
[Archives de l'état-civil de Longny.]


II
POÈMES D'ACHILLE GENTY
(Extraits du Catalogue de ses Livres rares, 1862)

1
ADIEU
FAICT EN  FORME  DE  SONNET A  MES  POVRES  ET AMEZ VIEILZ LIVRES


Séparons-nous, Amis... partés ! et bon voïage.
Las ! dessus moy, chétif, le tonnerre est tumbé,
La vie est pour aulcuns (ie m'y suis embourbé)
De maulvais et de pire un estrange alliage.

Partés mes povres vieilz ! Ne narguons mais l'orage.
Ores par les regrets si trop dru suis plumbé,
Si trop bien fort me poingt le chagrin résorbé,
Voz noms, ici couchez, rehaulsent mon courage.

Partés !... Aultres amis ne vous feront défault,
Des miennes mains ès leurs sans honte allés : il fault
Que ce que l'ung empoche ung aultre le débourse ;

Partés doncq ! J'ay l'ueil sec. Destin, oysel mocqueur,
Toy pour me les bailler qui tant saignas ma bourse,
Les debvrois-tu reprendre en me saignant le cœur ?

De Paris, ce XII Novembre M.DCCC.LXI.



2

RÉPONSE FACÉTIEUSE D'A. GENTY
[A  SES AMIS  QUI  L'AVAIENT  CONSOLÉ  LORS  DE  LA VENTE DE  SES LIVRES]

Dans l'horreur d'un naufrage,
Ulysse, nous dit-on,
Ne perdit pas courage
Et ne baissa d'un ton ;
Ma chute fut rapide,
Mais mon cœur intrépide
Reste ce qu'il était.
Sachons souffrir sur terre...
Dieu ! je crains ton tonnerre
Mais non l'adversité !

L'adversité n'est pas ce qu'un vain peuple pense,
Il faut des coups de vent au malingre arbrisseau,
Il faut la coqueluche à l'enfant au berceau,
La douleur, ici-bas, en vigueur se compense.

Dieu fait bien ce qu'il fait,
Imparfaits que nous sommes,
Cet Etre tout parfait
Nous le jaugeons en hommes ;
Plaisir, peine, renom,
Qu'est-ce, au fond, qu'un vain nom ?
Nous passons et tout passe,
Les hivers, les printemps,
Les zéphyrs, les autans,
Les oiseaux dans l'espace !

Livres que j'aime tant, que j'ai si souvent lus,
Allez !... votre départ ne brise point mon être,
Je ne pleurerai pas, ... Et dans dix ans peut-être
En aurai-je (qui sait ?) vingt ou trente fois plus !

Mon mal est incurable ;
Ce mal à la santé
Me paraît préférable :
Quel mal fut mieux porté ?
Médecins, médecines,
Respectez ses racines...
Que, mangé de requins,
Que sans feu ni demeure,
Que sans un sou je meure
Saturé de bouquins !

Paris, 27 novembre 1861.


III

BIBLIOGRAPHIE  DES OUVRAGES D'ACHILLE GENTY
 
Des Biens paraphernaux, thèse. — Caen, imp. B. de Laporte, rue Saint-Etienne, 120, 1850, 23 p. petit in-4°.

Le Muséum des Sciences et des Arts, choix de traités instructifs sur les sciences physiques et leurs applications aux usages de la vie, par le Dr Dionysius LARDNER, professeur de physique et d'astronomie à l'Université de Londres, etc... traduit de l'anglais et annoté par Ach. GENTY, avec l'autorisation et le concours de l'auteur. Ouvrage illustré de plus de 600 gravures sur cuivre. 3 vol. in-8°, Paris, aux Bureaux de la Science pour tous, 22, rue Saint-Sulpice et chez les principaux libraires :

 Tome I, 1857 : Les planètes sont-elles habitées ? L'eau. L'air. Le feu. Voies de transport aux Etats-Unis. Erreurs des sens. Latitudes et longitudes. Des accidents sur les chemins de fer.
 Tome II, 1857 : La lumière. L'art du potier. Les influences des comètes. Les influences de la lune. Etoiles filantes. Pierres météoriques. Les pronostics du temps. Influence et progrès des voies de communication.
 Tome III, 1858 : Le soleil. La terre. Le télégraphe électrique.
 
Le Oui des Jeunes Filles (El si, de las ninas), comédie espagnole de Fernandez DE MORATIN, traduite et annotée par G.-A. MORTAGNE [pseudonyme]. — Paris, 1859, grand in-8° à deux colonnes
 
Le Plutus d'Aristophane, traduit du grec et annoté par D. A. G. VERNEUIL [pseudonyme]. — Paris, 1859, grandin-8° à deux colonnes.
 
Le Bourru bienfaisant, comédie franco-italienne de Carlo GOLDONI, traduite et annotée par G. MOUTIERS [pseudonyme]. —    Paris, 1859, grand in-8° à deux colonnes. Bibliothèque Universelle.

Les Volontaires Anglais, coup d'œil sur le peuple et l'oligarchie anglaise, par Ach. GENTY. — Paris, Librairie Française et Etrangère, quai Malaquais, 3, derrière l'Institut de France, 1860, in-8°, 15 pages.
 
Rimes inédites en Patois percheron, recueillies et publiées par Ach. GENTY. (Traduction française à la suite.) — Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1861, in-16, 66 p. tiré à 350 ex.

Chansons sur la Régence, trois chansons attribuées au Régent, publiées par Ach. GENTY.—Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 1861, in-16, 94 p., tiré à 355 ex.
 
La Fontaine des Amoureux de Science, composée par Jehan DE LA FONTAINE, de Valenciennes en la comté de Henault. Poème hermétique duxve siècle publié par Ach. GENTY. — Paris, Poulet-Malassis et de Broise, 186Lin-16, 96 p., tiré à 355 ex.
 
Les Œuvres poétiques francoises de Nicolas Ellain, Parisien (1561-1570), publiées par Ach. GENTY. — Paris, Librairie Poulet-Malassis, 1861, in-16, 94p tiré à 355 ex.

L'Art Poétique de Jean Vauquelin, sieur de la Fresnaye (1536-1607), publié par Ach. GENTY. — Paris, Librairie Poulet-Malassis, 97, rue Richelieu et aux Bureaux de 1' « Ecrin du Bibliophile », rue de Seine-Saint-Germain, 21, 1862, in-16, XXIII, p. introduction et 150 p., tiré à 355 ex., avec un portrait photographié d'après une ancienne gravure.

Catalogue des Livres rares de M. Ach. Genty, ancien avocat à Mortagne, ancien rédacteur du feuilleton scientifique de la Gazette de France, etc. 1re partie : Manuscrits, incunables, gothiques, aides, elzévirs, poètes du xvie siècle, etc. Vente le 6 janvier 1862 ; Commissaire-priseur Me Ch. Pillet. — Paris, J. Techner, 52, rue de F Arbre-Sec, 1862, in-16, tiré à 811 ex. La vente aura lieu les 6, 7 et 8 janvier, à 7 heures du soir, maison Sylvestre, 28, rue des Bons-Enfants.

Pour la Monarchie de ce royaume contre la division, par Jean VAUQUELIN, sieur DE LA FRESNAYE (1536-1607), publié par Ach. GENTY. — Paris, Librairie Aug. Aubry, rue Dauphine, 16, et aux Bureaux de 1' « Ecrin du Bibliophile », rue de Seine, 21, 1862, in-16, 24 p., tiré à 355 ex.

Les Œuvres Poétiques en patois percheron de Pierre Genty, maréchal-ferrant (1770-1821), précédées d'un Essai sur la filiation  des langues, par Ach. GENTY. Portrait de l'auteur et traduction française. — Paris, A. Aubry, rue Dauphine, 16 ; J. Miard, rue de Rivoli, 170 et aux Bureaux de 1'« Ecrin du Bibliophile », rue de Seine, 21, 1863, in-16, LXXII p. pour l'Essai et 72 p., tiré à 355 ex. (1).
  
L'hydroscope Joseph Gautherot, sa vie et ses travaux, par Alexandre ROY. — Paris, J. Miard, libraire, rue de Rivoli, 170, 1864, in-8°, 48 p. Portrait.
  
Mythologies, Religions, Histoire des Religions, par Ach. GENTY. — Paris, bureaux de la publication [l'Ecole Mutuelle, cours complet d'éducation populaire], 5, rue Coq-Héron, 1866, in-32°, 192 p.

L'Art d'élever les chiens, par Ach. GENTY, — Paris, aux bureaux du journal le Sport, rue de Londres, 9 bis, 1869-1870, in-32.

 Tome    I. — La maladie des chiens (distemper).
 Tome II. — L'ictère (jaunisse) chez le jeune chien et le chien adulte.
 Tome III. — Les maladies de la peau.


NOTE :
(1) Tous les ouvrages figurant dans la présente bibliographie, depuis les Rimes en patois percheron jusqu'aux Œuvres poétiques, de Pierre Genty incluses, sont indiqués par l'auteur dans les prospectus annexés à ses publications comme constituant la Collection Ach. Genty. Dans la bibliographie figurant en tête du tome 1er de l'Art d'élever les Chiens (1869), ces mêmes ouvrages sont énumérés sous le titre générique ci-après : « Collection Encyclopédique, Ach. Genty, librairie Bachelin-Deflorence. in-16, tirée à 355 ex., titre rouge et noir sur quatre papier : vélin, raisin, vergé et chine, 1861-1862. (Cette collection interrompue depuis quelques années se poursuivra prochainement.). » Cette bibliographie comprend d'ailleurs tous les autres ouvrages d'Achille Genty, à l'exception de sa Thèse : Des biens paraphernaux et de son édition du Bourru bienfaisant, de Goldoni.


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