Audiobooks by Valerio Di Stefano: Single Download - Complete Download [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Alphabetical Download  [TAR] [WIM] [ZIP] [RAR] - Download Instructions

Miguel de Cervantes y Saavedra - Don Quijote de la Mancha - Ebook:
HTML+ZIP- TXT - TXT+ZIP

Wikipedia for Schools (ES) - Static Wikipedia (ES) 2006
CLASSICISTRANIERI HOME PAGE - YOUTUBE CHANNEL
SITEMAP
Make a donation: IBAN: IT36M0708677020000000008016 - BIC/SWIFT:  ICRAITRRU60 - VALERIO DI STEFANO or
Privacy Policy Cookie Policy Terms and Conditions
Lottin de Laval : Manuel de lottinoplastique (1857) LOTTIN DE LAVAL, Pierre-Victorien Lottin dit Victor (1810-1903) : Manuel complet de Lottinoplastique : l'art du moulage de la sculpture en bas-relief et en creux mis à la portée de tout le monde, sans notions élémentaires, sans apprentissage d'art précédé d'une histoire de cette découverte.- Paris : Dusacq, libraire-éditeur, 25 rue Saint-Benoit, et chez l'auteur, aux Trois-Vals près et par Bernay (Eure), 1857.- 96 p. ; in-12.
Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Bibliothèque Municipale de Lisieux (16.XI.1995)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Bibliothèque municipale, B.P. 7216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.66.50.- Minitel : 02.31.48.66.55. - Fax : 02.31.48.66.56
Mél : bmlisieux@mail.cpod.fr, [Olivier Bogros] bib_lisieux@compuserve.com
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la bibliothèque municipale de Lisieux (Bmlx : br norm 671).
 
Manuel complet
de
Lottinoplastique
l'art du moulage de la sculpture en bas-relief et en creux
mis à la portée de tout le monde,
sans notions élémentaires, sans apprentissage d'art,
Précédé
d'une histoire de cette découverte
par
M. LOTTIN DE LAVAL
Chargé par le gouvernement de missions dans le Kurdistan,
la Perse, l'Arabie, l'Egypte, etc., etc.
auteur du Voyage historique et archéologique dans
la péninsule du SinaÏ

~~~~

Ouvrage indispensable aux archéologue,
peintres, sculpteurs, graveurs, architectes, voyageurs,
ecclésiastiques, touristes, collectionneurs,
ébénistes en meubles d'art,
fabricants de bronze et amateurs.

~~~~

 
PREMIÈRE PARTIE
HISTOIRE DE LA DÉCOUVERTE.
 
Simplifier, simplifier, vulgariser.
Rendre les chefs-d'oeuvre de l'art
accessibles à tous.

Il y a plus de vingt ans, j'étais à Ravenne ; frappé de l'originalité d'une ornementation de l'époque florissante des Amales, j'essayai de la reproduire à l'aide de substances légères et en même temps solides ; ma tentative ne réussit que médiocrement ; je la renouvelai à Gênes en 1836, et j'obtins des résultats meilleurs ; je fis même quelques moulages en plâtre, par mon procédé, des sculptures d'un mince relief et des médailles pisanes. Revenu en France, et forcé de me livrer à des travaux de littérature et d'art très-actifs, je n'y songeai plus.

Quelques années plus tard, ayant renoncé à la poésie et aux oeuvres d'imagination pour suivre la route plus ardue de la science, je fus chargé par le gouvernement d'une mission historique et archéologique en Asie. Peiresc, le vieil antiquaire provençal, a indiqué dans ses travaux le papier gris non collé comme propre à faire des estampages d'inscriptions et d'objets d'un relief peu sensible ; mais c'est chose fragile et d'une lecture des plus difficiles, sinon impossible quand il s'agit de lettres frustes. Quand je partis pour l'Asie, je savais que ce procédé était employé, mais je ne l'avais jamais vu pratiquer.

Les premiers essais que je fis en Asie en 1843 eurent lieu à Vaïcham et à Varzéham dans la haute Arménie ; à Kars, et sur la façade du palais des Pagratides à Ani, ville superbe, ensevelie vivante par les Turcs orientaux. Du milieu de son enceinte s'élèvent encore soixante monuments. Séparée de la Géorgie par la rivière Arpa-Tchaï qui baigne ses murs à l'est, elle est là, silencieuse et désolée comme une autre Tadmor (1)

Durant mes excursions en Sicile et en Italie en 1835, je n'avais opéré que sur des monuments d'un relief peu accentué, et surtout de petite dimension ; arrivé dans le Kurdistan oriental, j'eus l'occasion de mouler des inscriptions cunéiformes d'une très grande étendue, entre autres celles des rochers de Vân et du Kasna ; je fus d'autant plus heureux de réussir complètement en cette occasion, que je pus constater, sur place, que ces inscriptions, copiées avant moi par l'infortuné Schultz qui m'avait précédé à Vân, manquaient d'exactitude (2).

Ayant contourné le grand lac de Vân, je revins par le nord à Bitlis, et traversai au plus fort de l'hiver les terribles montagnes de l'antique Gordyène. En descendant vers les plaines de l'Assyrie, je fus assailli par des pluies diluviennes qui ruinèrent complètement tous mes travaux d'estampage ; inquiet, chagrin, je redoublai d'ardeur et d'efforts, et bientôt j'eus résolu le quadruple problème de la sûreté du moulage, de la solidité, de la légèreté et de la célérité. J'avais fait un pas immense, mais il restait encore bien des choses à trouver : d'abord, une complète imperméabilité, chose capitale pour les longs voyages d'exploration, puis la possibilité de faire beaucoup d'épreuves, dans le même creux, et bien d'autres procédés destinés à l'achèvement de mon oeuvre ; j'employai bien des agents chimiques, des végétaux, et je parvins, durant mon deuxième séjour à Baghdad, à reproduire en plâtre un bas-relief (représentant des chevaux avec leurs cavaliers) d'une surface d'environ 50 pieds dans un bon creux pesant quelques hectogrammes au lieu de milliers de kilogrammes qu'il eût pesé par les procédés connus jusqu'alors.

Désormais, la grande affaire était trouvée. Je pouvais déjà rapporter, des extrémités du monde, dans une caisse de mes cantines, une immense série de monuments, pouvant être reproduits par moi à Paris en plâtre, en ciment romain et par suite en zinc et en bronze ; mais un accident pouvait tout détruire. J'avais pris la précaution de couvrir ma caisse de moulages avec des basanes fortement imprégnées de suif pour la garantir de la pluie fort rare, il est vrai, dans l'Arabie déserte, la Chaldée, les frontières de l'Inde et les déserts de la Perse, mais cette caisse pouvait tomber dans un fleuve (ainsi que cela m'arriva plus tard) ou dans la mer, ou s'imprégner d'eau dans la cale des mauvaises barques (bangalots) de Mascate, sur lesquelles j'étais forcé de naviguer, et alors tous les fruits de cette découverte et de ce rude labeur eussent été perdus (3). Il me fallait donc trouver l'imperméabilité pour ces moules si légers qu'un peu d'eau avait la propriété de détruire.

D'un autre côté, dans l'origine de la découverte en 1835, je ne pouvais faire qu'une seule bonne épreuve en plâtre dans mes creux qui se trouvaient ou complètement détruits après l'opération du moulage, ou tellement fatigués, qu'une autre épreuve n'aurait pas réuni les conditions de pureté nécessaires pour la plastique ou pour l'épigraphie ; je me creusai longtemps la tête pour trouver ce complément d'un si grand prix pour ma découverte ; mais voyageant toujours à travers l'Asie, fatigué par mes longues courses et par la multiplicité de mes travaux il est aisé de concevoir que la solution du problème n'allait pas vite, lorsqu'un accident, très-fâcheux tout d'abord, funeste en apparence, vint singulièrement faciliter mes recherches, jusque-là si opiniâtres.

Durant mon séjour à Ispahan, pour conserver les figures colossales et tous les précieux monuments contemporains d'Artaxerxès et de Darius pris par moi dans les ruines de Persépolis sous un ciel dévorant et dans des conditions déplorables, j'avais soumis ces moules à une opération qui devait, jusqu'à un certain point, leur assurer l'imperméabilité. Après les avoir enduits de raauh-congit (huile de sésame), je les fis sécher sur ma terrasse et les empilai dans ma caisse avec les monuments de l'Assyrie et de la Babylonie. D'autres fois, me trouvant au désert et n'ayant pas d'huile de sésame, je faisais fondre de la graisse de mouton que j'employais bouillante, et elle me donnait le même résultat.

Je pris la route du Khorassan par le grand désert Salé ; c'était au mois de juillet : la chaleur était horrible, une chaleur à devenir fou. Je voyageais la nuit dans les contrées insignifiantes au point de vue de l'archéologie ; mais pour vérifier certaines choses, et quand j'avais à parcourir des contrées intéressantes, je ne me mettais en marche qu'au lever du soleil.

J'arrivai un soir à Cheick-abd-ul-Azim (l'ancienne Rhagès). L'atmosphère ressemblait à une ardente fournaise ; nous nous installâmes dans la cour d'un caravansérail, ayant, comme toujours, ma précieuse caisse à mes côtés. Toute la nuit une odeur insupportable m'empêcha de dormir, malgré la fatigue excessive dont j'étais accablé. Vers le matin je m'endormis ; le soleil était déjà haut à l'horizon quand un de mes domestiques m'éveilla par ces cris : - Saheb, Saheb, le feu est dans la caisse ! - Eperdu, je me précipite sur mon trésor scientifique ; je coupe avec mon kama les cordes qui retenaient les tapis de Perse et les peaux de tigre étendus sur cette caisse, je brise le cadenas, je l'ouvre, une épaisse fumée se fait jour ; une minute plus tard, la flamme jaillissait. Saisissant aussitôt tous les moulages, je les jetai au soleil, sachant bien qu'il ralentirait les progrès du feu. Quand la caisse fut vide, lorsque je pus compter mes pertes, je reconnus qu'une partie des creux était détruite, l'autre brisée en cent morceaux, à demi carbonisée, le reste encore intact. On peut comprendre quel fut mon désespoir ! Pour obtenir ces monuments, contemporains des antiques civilisations de l'Asie, et dont j'espérais, le premier, doter l'Europe savante, j'avais erré pendant trois années à travers les contrées les plus inhospitalières, endurant toutes les privations, toutes les misères, des fatigues inouïes, exposant bien souvent ma vie, et en un moment tout ce labeur si opiniâtre était détruit ; mes ressources devenaient insuffisantes pour retourner en arrière, recommencer, et je savais déjà trop bien que tout en me sacrifiant au profit de la France, de la science et des arts, je ne devais compter que sur moi.

La moitié de ma précieuse collection avait péri dans cet incendie allumé par le soleil ; mais la découverte me restait, cela me consola ; d'ailleurs j'avais l'espérance de retourner quelque jour dans l'extrême Orient avec une mission digne de la France, croyant que, à cause des moyens puissants dont je disposais et de mes longs voyages en Asie, on n'hésiterait pas, en présence de pareils résultats, à m'en confier la direction. Un jour vint où cette mission fut résolue ; on disposait de sommes considérables, M. Fresnel en fut chargé !...

Malheur est bon à quelque chose, dit le proverbe : ce malheur, qui ne sera que temporaire, il faut l'espérer, eut les conséquences les plus heureuses. Plus tard, avant de revenir en Europe, j'eus l'occasion, durant mon troisième séjour à Baghdad, de mouler en plâtre plusieurs bas-reliefs, un, notamment, dont le bon creux était jauni et noirci par le feu. Son relief était considérable ; mon étonnement fut extrême de voir, en sortant le plâtre du moule, que ce creux n'était nullement altéré par la masse de plâtre liquide jeté dedans ; il avait conservé sa forme et sa rigidité primitives, ce qui n'était pas le cas pour mes moules ordinaires ; je coulai instantanément plusieurs épreuves dans ce moule et toutes réussirent parfaitement. - Ce fut pour moi un trait de lumière : l'action du feu était donc nécessaire pour compléter mon oeuvre ; ces moules si légers, en mauvais papier imprégné de gélatine, de gluten, et de matières grasses, devaient subir une cuisson. - La Providence, en me frappant, m'indiquait le complément de cette découverte que je cherchais depuis si longtemps : à dater de ce jour, je soumis tous mes creux à l'action du feu, et je pus tirer un grand nombre d'épreuves en plâtre dans des matrices fragiles rapportées du fond de l'Asie. Mes détracteurs l'ont nié bien longtemps : on a employé toutes les perfidies pour me faire sombrer, on m'a privé de la récompense nationale qui m'avait été promise en échange de mes collections et de mes procédés...

Eh bien ! à l'aide de ce Manuel, ils verront que cela existait ailleurs que dans ma tête, et après quelques essais ils seront, Dieu merci, aussi habiles que moi.

Il n'est plus permis de dire qu'on savait ceci, qu'on savait cela. Eh ! puisqu'on prétendait le savoir, pourquoi M. Léon Faucher a-t-il, malgré le décret de l'Empereur (alors Président de la République) exigé si impérieusement qu'on décachetât le pli déposé à l'Académie des Sciences, en vertu de ce décret du 16 mars 1850, pour donner mon secret à la mission Fresnel ? Qui donc pouvait faire en quelques minutes, avec une dépense de quelques sous, des figures colossales comme celles de Ninive, de Schapour, de Persépolis, et la tête de Ramsès, à Memphis, appartenant à un monolithe de 70 pieds de haut ? En a-t-on pu faire avant moi ? en a-t-on fait ? Qu'on les montre ! Mon Dieu ! l'histoire de l'oeuf de Colomb sera-t-elle donc une vérité éternelle ! Les inventeurs qui rendent tant de services à l'époque dans laquelle ils vivent seront-ils toujours des martyrs (4) ?

Arrivé à Paris, j'exhibai, au commencement de 1847, environ deux cents bas-reliefs et inscriptions moulés par moi seul en plâtre, en moins de quinze jours. Ce fut un événement dans l'histoire de l'art et de la science, que l'apparition de ces mystérieuses figures apportées du fond de l'Asie dans une boîte pesant 8 ou 10 kilogrammes ; les vrais savants, les écrivains loyaux, les esprits d'élite, les généreux artistes, les architectes, prévoyant les conséquences ultérieures de cette invention, étaient ravis ; j'avais dépensé mon patrimoine, engagé mon avenir, détruit ma santé à jamais pour assurer à la France toutes ces précieuses dépouilles scientifiques ; je croyais toucher au port : j'y trouvai la tempête.

Ma collection, unique en Europe, qui aurait coûté par les procédés ordinaires des sommes énormes, l'envoi d'une colonie d'artistes et d'un bâtiment de l'Etat au fond du golfe Persique, cette collection, toute prête, moulée en plâtre, apportée dans une galerie du Louvre, qu'on n'eût jamais pu faire, fut estimée par MM. les commissaires du Roi nommés à cet effet (Rapport à M. Duchâtel, ministre de l'Intérieur, de juillet 1847), de 15 à 1,800 francs !!! Ce n'était pas même le prix du port d'un des deux cents bas-reliefs, car il y a bien loin de Persépolis au palais du Louvre ! On doit avouer que ce n'était pas cher pour des desiderata de la science et de l'art, et je ne jugeai pas convenable de me soumettre à l'évaluation de mes deux savants juges qui s'étaient évidemment trompés.

Il ne m'est pas permis de raconter ici l'histoire de la lutte que je dus subir plus tard ; ce que je puis dire, c'est qu'elle a été longue et odieuse.

Il se trouva enfin dans le gouvernement de Napoléon III et à l'Institut des âmes élevées qui résolurent de la faire cesser. On savait, dans les hautes régions de la science, qu'on pouvait se fier à moi ; on savait aussi que mes procédés étaient très-sûrs, qu'on n'avait plus besoin de mutiler les monuments restés debout sur les terres lointaines, d'assimiler ainsi la civilisation à la barbarie, et je reçus à la fin de 1849 une nouvelle mission ayant pour but d'explorer la Péninsule arabique du Sinaï. Mon absence dura quatre mois, et je rapportai une immense quantité de monuments qui font l'objet de la grande publication que j'achève en ce moment.

Quand tous ces monuments furent au Louvre, la persécution recommença. Si l'on a voulu me faire beaucoup de mal, le but est atteint. L'état de ma santé est à la hauteur de ma fortune. Mais pour couper court à tous ces mystérieux on dit débités avec tant de perfidie, sur l'impossibilité dans laquelle j'étais de faire plusieurs épreuves ou des sculptures d'un haut relief, et tant d'autres belles choses, je pris le parti d'expérimenter tout d'abord en présence de M. de Parieu, alors ministre de l'Instruction publique, assisté de M. Génin, chef de la division des sciences et des lettres. Comme on niait encore après cela, parce qu'un procès-verbal n'avait pas été fait, je dus brûler mes vaisseaux et j'expérimentai de nouveau en présence d'une commission composée d'hommes aussi éminents qu'honorables. Telle a été la fin de l'histoire de ma découverte, ainsi qu'on pourra s'en convaincre en lisant les deux pièces suivantes.

 
Extrait du Moniteur universel, 20 mars 1851.
 
INSTITUT DE FRANCE.

"L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, dans ses deux dernières séances, a reçu des communications du plus haut intérêt pour l'archéologie et l'histoire, résultat en partie des deux missions confiées, en 1850, à MM. Lottin de Laval et Léon Rénier, et accomplies l'une et l'autre avec autant de dévouement que de succès, sous les auspices du Ministère de l'instruction publique et des cultes.

"M. Lottin de Laval était déjà bien connu par le long et périlleux voyage d'exploration archéologique dans l'Asie Moyenne, exécuté en grande partie à ses frais, et dont les intéressants produits moulés par le procédé aussi sûr qu'ingénieux qui lui est propre, ont enrichi de tant de bas-reliefs et d'inscriptions venant de Ninive, de Babylone, de Schahpour, de Persépolis, la galerie assyrienne du Louvre. Il avait obtenu, comme principale récompense de l'abandon à l'Etat de ses moulages, qui sont de véritables fac-similé des monuments, et en même temps du procédé qui les donne, l'honneur de la mission officielle qu'il vient de remplir, en moins de quatre mois et demi, avec une énergie et un zèle dont les effets ont dépassé toutes les espérances. Le but assigné à cette mission était l'exploration de la péninsule du Sinaï, dans l'Arabie Pétrée, et le relevé des monuments de tout genre et de toute date, qui y avaient été signalés incomplètement et dessinés seulement en partie par les voyageurs. M. Lottin de Laval, grâce à la fidélité de son procédé de reproduction, ainsi qu'à ses attentives et courageuses recherches, nous rend, pour ainsi dire, les monuments mêmes dans l'intégrité de leur état actuel. Ils forment deux séries bien distinctes, également importantes pour l'histoire de l'art et pour celle des établissements dont les principales ouadis de la presqu'île furent le siège dès les temps les plus reculés. Là, à Ouadi-Magarra, étaient les fameuses mines de cuivre exploitées sans interruption par les Egyptiens, depuis la quatrième jusqu'à la vingt-troisième dynastie, comme l'attestent les stèles couvertes de bas-reliefs et d'inscriptions hiéroglyphiques, recueillies par le patient et entreprenant voyageur, en ce lieu et tout près, à Serbout-el-Cadem, pic presque inaccessible, où se trouvait, avec une nécropole égyptienne, un temple de la grande déesse Hathor, temple dont M. Lottin de Laval a moulé également tous les bas-reliefs. Quelques-uns de ces inappréciables débris, de ces actes authentiques du long empire des Pharaons, remontent jusqu'aux fondateurs des grandes Pyramides de Memphis en descendant par les Sésostris, les Thoutmès, les Ramsès, jusqu'aux Sésonch et aux Osorchon, que poursuivent d'autres monuments rapportés de l'Egypte même, à l'est du Nil, et appartenant aux dynasties Saïtes, soit avant, soit après la conquête des Perses.

"A ces monuments plastiques et épigraphiques que la France possède seule, et qui contribueront tant à compléter les annales de l'Egypte ancienne, M. Lottin de Laval a joint une série considérable et non moins précieuse d'inscriptions sinaïtiques, palmyréniennes, syriaques, samaritaines, arabes, grecques, arméniennes, etc., découvertes sur les divers points de la presqu'île.

"L'Académie a accueilli avec le plus vif intérêt cette communication, prélude des trésors nouveaux dont va s'enrichir notre Musée des antiques, et elle a donné acte à M. Lottin de Laval du présent qu'il lui a fait, pour les collections de l'Institut, de quatre bas-reliefs égyptiens et sinaïtiques moulés avec une perfection et une fidélité admirables".

 
MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES CULTES
 
Expériences faites avec le procédé de moulage de M. Lottin de Laval.

"Le Samedi, 26 février 1854, sur la demande de M. Lottin de Laval, et par autorisation de M. le ministre de l'instruction publique et des cultes,
     "MM.
"GUIGNIAUT, membre de l'Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres), et du comité de la langue, de l'histoire et des arts de la France ;
"DENJOY, conseiller d'Etat et membre du même comité ;
"DE LA VILLEGILLE, secrétaire du comité ;
"SERVAUX, sous-chef du bureau des missions et des travaux historiques,
"se sont réunis à trois heures dans la salle de la bibliothèque du comité, pour assister aux expériences de moulage par le procédé de M. Lottin de Laval et pour constater les résultats de ce procédé.

"A cinq heures un quart a commencé l'opération qui consistait à faire le bon creux d'une inscription provenant de Khorsabad, dont les caractères ont un centimètre environ de creux (dimension 0m,33 sur 0m,22). A cinq heures vingt minutes, c'est-à-dire au bout de cinq minutes, le creux était fait.

"Ce creux, dont le prix de revient est très-minime, les neuf substances qui ont servi à sa composition se trouvant d'ailleurs sur tous les points du globe, est d'une légèreté vraiment extraordinaire, ce qui a permis à M. Lottin de Laval de rapporter à travers l'Afrique et l'Asie, dans une caisse de 1m,60 de longueur, 1m de largeur sur 0m,50 de hauteur, plus de dix mille pieds carrés de monuments, dont un grand nombre ont des reliefs et des dimensions considérables, et sont de la plus haute importance pour l'histoire, les arts et la philologie.

"En attendant que le bon creux fût séché, M. Lottin de Laval, a coulé en plâtre, dans un bon creux ancien et qui avait déjà tiré un grand nombre d'épreuves (56) une figure de roi assyrien venant également de Khorsabad et qui a 30 centimètres de haut sur 20 de large et 3 centimètres derelief. Pendant que le plâtre se durcissait, on a repris la première expérience à six heures moins vingt minutes et le bon creux de l'inscription s'est trouvé entièrement achevé.

"M. Lottin de Laval, dans une troisième expérience, et en attendant que les deux autres fussent complètes, a coulé, en plâtre, une brique de Babylone, avec une inscription cunéiforme très compliquée, dans un bon creux antérieurement fait pendant sa première mission en Asie.

"Cependant, reprenant le bon creux de la première inscription, il lui a fait subir deux opérations successives, dont l'une lui a donné la rigidité et la solidité nécessaires pour en tirer un nombre indéfini d'exemplaires, et dont l'autre devait le rendre complètement imperméable. En effet, ce bon creux, plongé dans une masse d'eau et chargé d'un pavé en grès qui en a opéré la submersion complète, a été retiré du vase au bout de dix minutes, sans avoir rien perdu de son état primitif, soit pour la rigidité, soit pour le relief des caractères.

"A six heures, s'est trouvée entièrement séchée l'épreuve de la brique, qui a été retirée sans que le moule eût aucunement souffert, et, d'un autre côté, l'épreuve du roi assyrien, également terminée et séchée, a montré cette figure d'un relief si accentué, exécutée avec une perfection qui ne laisse rien à désirer.

"A six heures vingt-cinq minutes, M. Lottin de Laval a retiré du bon creux qu'il avait précédemment exécuté sous les yeux des soussignés, l'épreuve terminée de l'inscription de Khorsabad, et, en même temps, une seconde épreuve faite instantanément dans le même bon creux ancien qui venait déjà d'en donner une première, de la brique à inscription de Babylone.

"Ces dernières opérations ont été accomplies avec des résultats complètement satisfaisants, dans des conditions de temps, de localité et d'instruments qui n'étaient rien moins que favorables, et qui n'ont cependant exercé aucune influence sur l'exactitude et le bon état des épreuves.

"De trois heures à cinq heures un quart, en attendant M. de Nanteuil, chef du cabinet de M. le ministre de l'instruction publique, qui devait assister à ces expériences, et qui s'est trouvé empêché, les soussignés ont prié M. Lottin de Laval de faire devant eux une expérience sur le mode d'estampage ordinaire, en procédant sur l'inscription susdite de Khorsabad ; cet estampage, qui avait pris le relief et qui était complètement séché ayant été plongé dans l'eau, en est sorti au bout de deux minutes hors d'usage et entièrement détruit.

"Les soussignés ont fait ensuite, avec M. Lottin de Laval, l'examen d'une grande quantité de bons creux rapportés par lui de ses voyages, et dont plusieurs sont d'un très-haut relief. Ils offrent tous avec évidence les mêmes caractères et les mêmes qualités que ceux dont il vient d'être question : la plupart de ces bons creux sont entièrement neufs et n'ont tiré aucune épreuve ; les autres sont ceux qui ont servi à former la double collection de moulages provenant de la première et de la deuxième mission de M. Lottin de Laval, et que le décret du 16 mars 1850, ainsi que l'arrêté du Ministre de l'instruction publique du 8 juillet 1851, rendu sur le rapport d'une commission de l'Institut, avait ordonné de placer à la suite des collections assyriennes et égyptiennes du Musée impérial du Louvre.

"Ces bons creux, soit publiés, soit inédits, propriétés de M. Lottin de Laval, sont réunis dans une seule caisse de deux pieds de haut sur cinq de long et trois de large, et en occupent à peine la moitié.

"En foi de quoi le présent procès-verbal a été clos à six heures et demie et signé par les quatre commissaires présents.

"Signé : DENJOY, GUIGNIAUT, DE LA VILLEGILLE, SERVAUX".

 
 
SECONDE PARTIE
DESCRIPTION DU PROCÉDÉ.
 
Objets nécessaires pour le moulage.

 1° Une grosse éponge et une moyenne.
 2° Un large plat de fer-blanc de 35 à 40 centimètres de diamètre.
 3° Une forte brosse de poils de sanglier avec un manche de 30 centimètres.
 4° Plusieurs casseroles en fer battu.
 5° Une large brosse plate dite queue de morue.
 6° Un fort pinceau de badigeonneur.
 7° Deux ou trois ébauchoirs à modeler.
 8° Une grande paire de ciseaux.
 9° Du papier couronne bulle très légèrement collé.
10° Du gros papier gris non collé.
11° De la cire jaune.
12° Du sulfate d'alumine.
13° De la farine de froment.
14° De la colle forte dite de Givet.
15° De l'huile lithargée.
16° De l'essence de térébenthine.
17° De l'huile de lin.

 
I
PREMIÈRE OPÉRATION
Moulage d'un bas-relief ou d'une inscription en marbre, en bois, en pierre, en plâtre ou en bronze.

Si l'objet qu'on veut reproduire se trouve exposé à l'air ou au soleil, et principalement sous une latitude embrasée comme je l'ai éprouvé tant de fois en Afrique et en Asie où le marbre était souvent brûlant, avant de procéder à l'opération, il faut le mouiller vigoureusement avec une éponge afin que l'adhérence la plus parfaite ait lieu immédiatement. S'il s'agit d'un bas-relief en bois on doit tout d'abord l'enduire d'une couche légère d'huile de lin en cas qu'il y ait dessus quelque gluten qui nuirait à l'enlèvement du moule. Cela fait, on prend cinq ou six feuilles de papier connu sous le nom de gris bulle, couronne bulle, que l'on superpose les unes sur les autres dans un large plat rempli d'eau. En général, ces papiers bulle ont une légère pointe de colle, et les moules en sont meilleurs si l'on veut tirer un grand nombre d'épreuves ; s'ils sont très résistants, de qualité supérieure par conséquent, on les mouille et on les macule fortement dans les mains, après quoi, en les plongeant de nouveau dans le vase, on les rend aussi malléables (s'il est permis d'appliquer au papier cette expression) que le papier à filtrer.

En France, nous n'avons que d'abominables papiers pour le moulage ; espérons que la publication de mes procédés forceront les directeurs de papeteries à s'occuper d'améliorer leur fabrication. J'ai trouvé d'excellents papiers à Vienne, à Constantinople, à Erzeroum, à Mossoul, à Baghdad, à Chiraz, à Ispahan, à Damas et surtout en Egypte ; ce dernier avait de la fermeté, de la qualité, de l'épaisseur, un encollage à peine sensible, et une élasticité très-désirable pour mes opérations pratiquées sur une si vaste échelle. J'ignore leur provenance exacte, et n'ai jamais pu l'apprendre des marchands orientaux. Leur formule était invariable : - Kiaat-frangui disaient les Turcs (c'est du papier d'Europe). Waraq-fransiz (c'est du papier français, répliquaient les Arabes ; mais ils se trompaient, et je le crois plus volontiers d'origine anglaise ou russe. C'est, du reste, une chose facile à savoir, et qu'il faudra savoir. Quoi qu'il en soit, la qualité du papier a beaucoup d'importance, et si, comme cela est à présumer, cette branche de commerce prend quelque jour un accroissement considérable, les fabricants français devront se procurer des échantillons du gris jaunâtre qui se vend au Caire dans le bazar des parfums.

Cette explication m'a paru indispensable avant d'entrer en matière, et j'ai cru devoir la donner.

Lorsque les six feuilles ont été étendues dans le vase rempli d'eau, après vingt ou trente secondes, on retire la feuille de dessous qui se trouve plus imprégnée, et on l'applique sur la partie la plus saillante du bas-relief ; on l'étend dans toute sa longueur avec le moins de plis possible et l'on tamponne légèrement toute sa surface avec un gros pinceau de badigeonneur. Si, au lieu d'un bas-relief, on opère sur une grande surface unie, par exemple, s'il s'agit d'une inscription considérable, il faut commencer par le haut, sans cela l'eau ferait détacher la partie inférieure ; cette opération doit être continuée sur toute la surface du monument, en ayant soin de superposer les feuilles de papier l'une sur l'autre, de façon que la dernière feuille appliquée ne couvre que les deux tiers de la première, et ainsi de suite.

Quand le bas-relief se trouve complètement recouvert de deux feuilles au moins de papier couronne bulle légèrement collé sur toute sa surface, on tamponnera de nouveau avec le pinceau de badigeonneur ; des déchirures auront lieu, particulièrement si ce sont de grandes figures d'un relief accentué : et s'il y a ce qu'on appelle, dans la statuaire, des noirs, c'est-à-dire des parties très profondes qui ne sont pas de dépouille, il ne faut pas s'en alarmer, cela n'est d'aucune importance. Couvrez alors chaque déchirure avec du papier plié en double ou en triple (la pratique donnera vite la mesure de ce qu'il faut faire) ; puis, prenez de la pâte de papier (5) que vous déchirerez par bandes ou par carrés de 15 à 30 centimètres selon les besoins de la pièce à mouler, plongez-les en double dans votre vase d'eau, appliquez-les avec rapidité sur toute la surface de votre bas-relief, et frappez-les vigoureusement avec votre large brosse de poils de sanglier (il faut que la soie soit moelleuse autant que possible). Cette pâte de papier devient alors liquide et grasse ; elle s'étend mieux et plus facilement que l'argile plastique, plus rapidement surtout, et n'a pas d'épaisseur après la siccion. Si la brosse découvre les parties les plus saillantes du bas-relief, ce qui arrive très fréquemment, recouvrez-les de papier mouillé et tamponnez plus doucement. S'il se trouve des dessous, des noirs sur le monument, appliquez-y hardiment de la pâte, et avec des ébauchoirs à modeler, ou avec le manche de votre pinceau de badigeonneur façonné d'avance, poussez-là dans le creux ; puis, avec les doigts, pétrissez fortement vos contours. Quand ce travail préparatoire est terminé, que le marbre, la pierre, le bois ou le bronze sont entièrement couverts, faites à l'aide d'une grosse éponge, sur toute la surface du bas-relief, une vigoureuse aspersion d'eau, évitant toutefois, avec beaucoup de soin, d'en introduire par le haut (si vous opérez sur des façades de temple ou sur des rochers verticaux), entre le marbre et la pâte, ce qui la ferait détacher.

Alors vous prendrez de la colle de farine de froment très cuite, délayée, après sa cuisson, avec de l'eau légèrement saturée de sulfate d'alumine (6), et, à l'aide d'une large queue de morue (grand pinceau plat), enduisez tout votre bas-relief avec cette composition ; appliquez ensuite par-dessus une couche généralement de papier légèrement collé, sans vous préoccuper cette fois des plis, et avec la brosse tamponnez fortement pour que la colle s'incorpore avec votre pâte de papier détrempée d'eau.

Une chose d'une très-grande importance quand on moule des objets exposés à l'air, ou sur des pics, c'est de pouvoir garantir des vents impétueux ces creux si légers ; dès que le soleil commence à les sécher, le vent les emporte. Que de fois, dans l'origine de ma découverte, j'ai vu mon travail, après son entier achèvement, tomber à terre et s'en aller au gré des rafales qui l'emportaient dans l'espace ! que de peines, que de fatigues, que d'ennuis ! La nécessité, après des tâtonnements mauvais ou infructueux, finit par me suggérer le moyen que voici : chaque fois que je devais mouler un monument de quelque importance, je plongeais un pinceau plat dans de l'eau très légèrement collée, et j'en couvrais le bord des bas-reliefs, des stèles ou des inscriptions : le papier adhérait immédiatement à la pierre, et en séchant, cette colle, bien qu'affaiblie encore par l'opération du moulage, suffisait à maintenir mes creux si frêles, et les protégeait suffisamment contre la tourmente ; sans ce moyen, il m'eût été impossible de mouler les stèles colossales de Sarabit-el-Kadem dans la péninsule du Sinaï, perchées qu'elles sont sur un pic constamment labouré par des vents terribles. On le voit, je ne néglige rien de ce qui peut assurer le succès de ceux qui viendront après moi et qui doivent se servir de ma découverte, appelée à rendre de grands services à la science, aux arts et à l'industrie.

J'ai fait bien des tentatives, j'ai eu une peine infinie pour toucher le but, il faut que mon expérience serve à tous, en leur aplanissant toutes les difficultés. - La récompense viendra peut-être quelque jour de la reconnaissance publique !

La seconde opération terminée, couvrez votre bas-relief (toujours avec la queue de morue) d'un mince enduit de gélatine de pieds de mouton, ou de chevreau, ou de gazelle, très-chaude, en ce qu'elle est plus liquide et qu'il s'en emploie une quantité moindre, ou de colle forte dite de Givet, si l'on peut s'en procurer durant les voyages. Puis, tamponnez et pétrissez la matière en ayant bien soin de ne laisser aucune partie du bas-relief à nu. - S'il s'agit d'inscriptions ou de reliefs n'excédant pas deux ou trois centimètres, pas n'est besoin de tant de précautions : deux ou trois doubles de papier comme celui du Kaire suffisent.

Dans les déserts asiatiques, je fabriquais moi-même ma gélatine avec les pieds de mouton ou des autres animaux qui servaient à mon alimentation et à celle de mes gens. C'est la chose la plus simple, mais encore fallut-il y songer et trouver ce moyen.

Quelquefois je couvrais rapidement cet enduit de gélatine d'une feuille de papier mouillé ; d'autres fois, quand j'étais dans des lieux difficiles, dangereux, ou placé sur des échelles fragiles, je m'en dispensais ; mais, en général, je conseille de l'employer, surtout s'il s'agit de sculptures fortement accentuées. Cela fait, on jette un dernier regard sur le moule, pour s'assurer s'il adhère bien au marbre ou à la pierre tout alentour, autrement il faut repasser le pinceau imprégné de colle de farine et d'eau sur ses bords, ainsi que je l'ai décrit plus haut, afin que si quelque partie séchait plus rapidement que d'autres, le vent ne soulève pas votre creux. Alors l'opération du moulage sera terminée. Désormais, on voudra peut-être bien reconnaître que je ne serai pas le seul à pouvoir me servir de mes procédés ainsi qu'on l'a tant dit. - Le difficile était de les trouver ; quant à l'application, elle est à la portée de tout le monde.

 

II
SECONDE OPÉRATION
Moyens destinés à mettre les creux à l'abri de la pluie.

Quand les moules sont bien secs, on les enlève avec précaution (7). Dans la Perse etl'Arabie, après quelques heures, ils avaient acquis la rigidité du bois, et en les détachant de bas en haut, ils cédaient à la main en une seconde. Si, au moment où on les détache, il se trouvait encore de l'humidité dans les épaisseurs, on doit les faire sécher à l'ombre. A ce sujet, je ne saurais trop recommander de laisser les creux se sécher complètement sur l'oeuvre ; puis on fait fondre du suif de mouton, ou à défaut, la graisse de la queue de ces animaux (le suif vaut mieux). Je parle ici pour les opérations que les voyageurs devront faire dans les déserts, ou, si l'on se trouve dans les villes, on se procurera de l'huile de sésame (kongit, en persan) raaû kongit, iack, iack kongit ; elle est très bonne, très siccative, surtout si l'on y ajoute un peu de naphte liquide ; elle se trouve dans toute la Perse, la Russie asiatique, l'Inde, l'Arabie, la Syrie et l'Egypte. On enduit légèrement les moules avec ces matières, et on les expose ensuite au feu ou à un soleil ardent qui fait pénétrer les corps gras dans les bons creux et les met ainsi à l'abri de la pluie et de l'humidité, chose si essentielle pour des objets si fragiles et d'apparence si perméable. En France, et par tout l'Europe, on aura la ressource de l'huile lithargée ou à défaut de l'huile de lin dans laquelle on fera fondre de la cire jaune.

 
III
Pour rendre les plus grands bas-reliefs transportables.

On a beaucoup discuté et nié que j'eusse pu rapporter du fond de l'Asie des sculptures d'une dimension considérable. Que n'a-t-on pas dit à ce sujet ? On avait sous les yeux les monuments, et certains esprits se refusaient à croire. Selon quelques-uns (8) (et j'en ai honte pour eux !) j'avais modelé des maquettes sur mes dessins, de grandeur exacte, et arrivé à Paris dans les mystérieuses profondeurs de mon laboratoire, j'avais fait des creux en plâtre par les procédés ordinaires. Quel archaïsme ! quel tour de force ! Hélas ! je ne suis pas si habile. J'ai pourtant exécuté avec mes procédés des choses bien plus extraordinaires que celles qu'il m'a été donné de couler en plâtre et d'exposer. Ainsi avec du mauvais papier et quelques autres agents assez simples qu'on trouve sur tous les points du globe, j'ai moulé au village de Mythrayneh, sur les ruines de Memphis, la merveilleuse tête de Ramsès le Grand (Sésostris), un masque de dix pieds de hauteur depuis le menton jusqu'au sommet du front, d'environ un mètre de relief, et cela seul, en une heure, avec une dépense de trente sous ! Et il a fallu tous les mauvais vouloirs dont j'ai été assailli pour m'empêcher de l'exposer à l'admiration des vrais savants et des artistes. Vous voyez maintenant qu'avec des procédés si commodes et si peu coûteux, on peut cependant reproduire des colosses et les rapporter avec des milliers de monuments dans une simple caisse portée à dos de chameau.

Simplifier, simplifier, tel doit être l'axiome des voyageurs sérieux. Peu de bagages, peu de caisses sont une condition de tranquillité et même de sécurité. Les grosses et lourdes malles excitent toujours la convoitise des barbares. Pour notre affaire, quand il s'agira de longues explorations, on pourra se contenter d'une caisse de 5 pieds de longueur sur une largeur de 60 à 70 cent. et une épaisseur de 50 cent. L'unique qui m'a servi à transporter tant de monuments si grands n'atteignait pas à cette dimension. Elle m'était commode à plus d'un titre. Comme en Asie j'ai voyagé sans tente durant près de quatre années, j'étendais dessus un tapis, et elle me servait de lit. L'hiver, elle m'évitait de coucher parfois dans la boue ; du moins, je ne recevais que l'eau du ciel. Elle me procurait d'autres avantages : pendant l'hiver de 1845-1846, la Perse était en ébullition ; je voyageais seul avec un domestique et deux chalewadars (muletiers) : c'était chose fort périlleuse en ces temps de troubles ! Portant le costume turkoman des bords de la mer Caspienne, on croyait généralement que j'étais un pieux hadji, allant conduire à Kerbélah, dans l'Arabie déserte (pèlerinage très dangereux fait par moi l'année précédente), les restes vénérés d'un parent ou d'un ami, tandis qu'en riant dans ma longue barbe, j'emportais au fond de l'Occident, dans cette pauvre caisse, les contemporains de Xerxès, de Darius, Xerxès lui-même, Sapor et peut-être Sardanapale.

Pour en revenir à la possibilité de placer des moules très grands dans une caisse dix fois moindre, voici comment je procédais. Je prends pour exemple les inscriptions colossales de Persépolis. Avec de forts ciseaux je les scindais par bandes de la largeur de ma caisse, dans les cannelures inter-linéaires, toutefois après les avoir numérotées et mis des points de repère soit avec une, soit avec plusieurs lignes verticales au crayon. Quand on veut les couler en plâtre, on les rapproche, et cela forme dans le creux de l'interligne une couture à peine visible, qu'il est très aisé de faire disparaître quand le plâtre est encore frais, avec le pouce, ou avec une oreille de chien de mer mouillée dont se servent tous les mouleurs.

Relativement aux grands bas-reliefs et aux figures colossales, on procède de même en agissant avec intelligence ; il est toujours facile, ou de placer la couture dans des plis, ou sur le fond ; les parties du bon creux se rapprochent au moulage avec une extrême facilité.

Quand je trouvai le magnifique bas-relief d'Amyrtée au fond de la plus méridionale des carrières de Tourah, sur la rive orientale du Nil, je le moulai instantanément ; ce monument précieux, composé de cinq figures entourées de cartouches et d'inscriptions hiéroglyphiques, occupe, autant qu'il m'en souvient, une surface plane d'au moins 50 pieds carrés. Je le coupai en quatre et plaçai ces bandes repérées l'une sur l'autre dans ma caisse.

Le Ramsès de Mythrayneh fut scindé en deux parties horizontales, mais seulement au Kaire, car il m'avait servi d'enveloppe pour apporter de Memphis, de Daschour, de Sakkarah, des hypogées d'Abousir et des carrières de Tourah, sur un chameau, des creux pouvant couvrir, une fois moulés en plâtre, près d'un kilomètre de murailles : et tout cela je l'avais exécuté seul, en huit ou dix jours. - Il est vrai de dire que je n'épargnais pas ma peine, et que je restais quinze ou dix-huit heures chaque jour dans les entrailles de la terre, au fond des mystérieux hypogées de l'Egypte. Par les procédés ordinaires du moulage il eut fallu vingt ans à dix sculpteurs pour faire avec des dépenses énormes et des embarras de toute sorte ce que je venais d'exécuter en si peu de temps avec une dépense qui n'atteignait pas à deux cents francs pour les matières employées ; et, ce qui eût exigé des milliers de caisses et de chameaux pour les voiturer jusqu'au Nil et plusieurs navires pour transporter en France de pareilles masses, moi je le rapportais sur l'unique dromadaire qui me servait de monture.

S'il s'agit d'inscriptions d'une dimension considérable, comme les inscriptions arabes du Kaire et des tombeaux des khalifes et des sulthans, ou celles qui s'enroulent autour des mosquées de Damas, ou les merveilleuses inscriptions koufiques de la cour intérieure de la mosquée impériale de Diarbekir (Tigranocerte), on n'a nul besoin de les couper : n'ayant généralement qu'un centimètre ou deux de relief, deux ou trois feuilles de papier superposées suffisent à l'exécution, et on plie les bandes de la longueur de la caisse que l'on possède, en ayant soin de choisir pour le point de chaque pli un endroit correspondant, autant que possible, à un elif, ou un mim, ou un lam, toutes lettres droites ou à peu près droites. J'ai plié de cette façon en cinq ou six des bandes d'une longueur assez considérable, ainsi que les beaux ornements de la mosquée el-Azar, du tombeau du sulthan Barkouk et de cent autres lieux ; revenu à Paris, j'ai fait disparaître les plis soit à la cuisson, soit au moulage.

Une précaution que tous les voyageurs doivent prendre, c'est d'écrire sur chaque creux, au dedans, au moment même où on le détache du monument, la provenance et le caractère de l'oeuvre ; j'ai toujours agi ainsi dans mes voyages et m'en suis bien trouvé : sans cela comment aurais-je pu me reconnaître en face de milliers de monuments entassés l'un sur l'autre dans une simple caisse et provenant de tant de coins différents du globe !

 
IV
Cuisson des moules.

C'est une opération aussi délicate qu'importante, en ce qu'elle peut entraîner la perte de bons creux fort précieux qu'il serait parfois difficile de retourner chercher sur place. Les voyageurs peuvent se dispenser de la faire, puisque c'est seulement au retour de leurs excursions qu'ils devront couler leurs monuments en plâtre ; néanmoins, cela est préférable. Quoi qu'il en soit, voici la description de l'opération qui donne aux bons creux une grande force de résistance, une solidité extrême, ce qui m'a permis de tirer de nombreuses épreuves dans mes moules si légers, chose qui paraissait inexplicable, même aux praticiens les plus habiles.

Je place mes creux en face d'une vaste cheminée dans laquelle brûle un feu très-vif (9) ; on les adosse verticalement à des chaises, de manière à pouvoir les soumettre de très-près à l'action du feu. Quand le moule est brûlant, je le retire et l'enduit intérieurement d'une mixtion composée ainsi qu'il suit :

Huile lithargée, dite huile grasse cuite...... 500 gr.
Cire jaune....................................   50
Essence de térébenthine.......................   50

Ces substances, mises ensemble dans un vase de fer, doivent être appliquées très-chaudes avec un large pinceau ; une couche suffit. Ensuite, je place les creux dans un four chauffé à 80 ou 100 degrés, où ils restent une demi-heure ; à défaut de four, on peut les remettre en face de la cheminée comme précédemment, mail il est nécessaire d'établir un courant d'air dans l'appartement où l'opération aura lieu ; autrement, les vapeurs méphitiques, en se dégageant, pourraient occasionner des coliques et de l'irritation à la gorge.

Ces diverses préparations terminées, on peut mouler en plâtre.

Une remarque importante que j'ai eu l'occasion de faire bien des fois depuis vingt ans dans le maniement de tant de milliers de moules, se rattachant à tous les arts orientaux et occidentaux, c'est que, plus la préparation des moules est ancienne (voir le § 2), plus ils résistent, plus ils sont solides et plus ils sont aptes à donner un grand nombre d'épreuves ; j'attribue cette cause aux matières grasses qui, en s'incorporant dans la pâte du papier, bouchent toutes les parties poreuses et les solidifient ; une longue pratique m'a suggéré cela.

 
V
Imperméabilité des moules

Il est des circonstances où il devient de toute nécessité d'avoir de bons creux imperméables ; je crois même qu'à l'avenir, les savants chargés de missions scientifiques devront les préparer tous de cette manière, en cas d'accidents de mer ou de pluies torrentielles et persistantes, ou quand les bêtes de sommes s'abattent dans les rivières. Dans les diverses opérations décrites jusqu'ici, nous n'avons assuré que l'imperméabilité intérieure, pour qu'elle soit complète, après avoir fait subir aux moules la préparation telle qu'elle se trouve au § IV, on opère de même avec les matières décrites, et seulement à l'extérieur. Je ferai remarquer que cette opération ne doit être pratiquée qu'après toutes les autres ; puis on expose l'intérieur des moules au feu.

On a pu voir, dans l'introduction, que toutes ces expériences furent successivement faites au Ministère de l'instruction publique, en présence d'une commission nommée à cet effet ; le moule, plongé dans un baquet d'eau et chargé d'un grès très-lourd, resta submergé pendant dix minutes, ce qui ne nuisit en rien à la beauté de l'épreuve que je coulai immédiatement en plâtre après l'avoir retiré de l'eau. J'ai laissé chez moi un creux de papier préparé par mes inventions plus de vingt heures sous l'eau ; une autre fois, ayant moulé un bas-relief en bois du seizième siècle, je le laissai trois ou quatre jours au fond d'un cuvier rempli d'eau et chargé de briques ; quand je le retirai, je l'épongeai, le mis au four, et quelques minutes après, il me donna une épreuve en plâtre aussi belle, aussi pure que la première tirée par moi avant sa longue submersion.

VI
Réparation des moules.

Il arrive fréquemment que les moules se soulèvent dans quelques parties ; la première feuille de papier, appliquée au commencement de l'opération, se détache de la masse générale sur une profondeur variant de 1 à 4 ou 5 centimètres, et cela même avant d'avoir servi. Il ne faut pas s'en préoccuper tout d'abord et bien se garder surtout d'y appliquer de la colle, parce que, au moment de la cuisson, la partie nouvellement collée se plisserait ; ce n'est qu'après les opérations successives décrites dans les cinq premiers paragraphes de ce Manuel, et lorsqu'on sera prêt à couler en plâtre qu'il faudra réparer. Voici comment on doit procéder.

On étend son creux sur la table à mouler ; on l'enduit dans toutes ses parties, sur toute sa surface, d'une couche légère d'huile de lin dans laquelle on aura mis un sixième d'huile lithargée, après quoi l'on prend une brosse plate (pinceau), large de deux centimètres, imprégnée de colle de farine ; on l'introduit légèrement sous les feuilles soulevées et l'on opère l'adhérence avec les doigts ; puis, sans attendre que la colle soit séchée, on coule le plâtre.

Quelquefois, lorsqu'on fait des moulages dans les lieux déserts, sous un soleil brûlant, des objets d'un mince relief, ou des inscriptions dont le creux est peu considérable, la partie supérieure, en se séchant très-vite, occasionne certaines gerçures, ou des plis ; en général, cette chose n'a lieu que pour les moules faits d'une feuille ou deux de papier ; on fera néanmoins subir à ces moules toutes mes préparations : seulement, quand il s'agira de couler en plâtre, on devra prendre une éponge imprégnée d'eau, et s'en servir pour tamponner doucement l'intérieur du moule ; après quelques minutes, le creux reprendra sa forme primitive. On pourra alors l'enduire d'huile de lin avec de l'huile lithargée, couler le plâtre, le mettre sécher, et les plis auront à tout jamais disparu.

 
VII
Moulage en plâtre.

Mes moules si légers, si minces, puisqu'ils n'atteignent pas l'épaisseur d'un millième de mètre, n'ont pas la résistance nécessaire pour recevoir des masses souvent très considérables de plâtre, gâché dans plusieurs barriques d'eau ; on n'a pas la ressource des chapes et des armatures en fer, ainsi que cela se pratique dans le moulage ordinaire, où le moule d'un grand bas-relief pèse quelquefois des milliers de kilogrammes ; j'y ai suppléé d'ailleurs.

Quand il s'agit de couler en plâtre un bas-relief d'un ressort puissant, comme le Djemschid de Persépolis, ou les grandes figures de Ninive, ou les têtes d'Isis de Sarabit-el-Kadem, ou même la décollation de saint Jean-Baptiste que j'avais mise à l'Exposition universelle, j'étends sur ma table à mouler une couche de plâtre équivalente à la plus grande profondeur du creux, ensuite je pose l'extérieur de mon creux sur ce lit de plâtre dans lequel il prend sa forme ; c'est ce procédé si simple et n'occasionnant ni peine ni dépense, puisque le plâtre qui me sert de chape s'emploie ultérieurement, qui m'a permis de faire des sculptures à peu près en ronde bosse ; ensuite, avec une petite planche, ou le triangle à racler des maçons et des mouleurs, on foule ce plâtre on le serre tout alentour du creux jusqu'à ce qu'il atteigne la hauteur des parties plates du moule, c'est-à-dire du fond de l'oeuvre ; puis, avec de longues et larges tringles, on entoure son bas-relief. Ces tringles ou planches doivent être disposées de façon à pouvoir les enlever facilement lorsque le plâtre est pris, en frappant en dedans et sur les bords un petit coup sec avec le triangle. Il est nécessaire de les appuyer de distance en distance, soit avec des briques, soit avec des pierres ou des morceaux de bois, pour que le plâtre liquide, lorsqu'on le répand dans le creux, ne les renverse pas.

Pour l'épaisseur à donner à l'épreuve, cela est facultatif, et la pratique aura bientôt mis sur la voie d'une foule de petits moyens, longs à décrire et qui pourraient faire croire à des difficultés qui n'existent pas.

En ce qui concerne le gâchage du plâtre, c'est une chose qui s'apprend aisément ; c'est surtout en le triturant, en l'employant, qu'on acquiert l'habileté nécessaire pour faire des sculptures solides. - Du reste, pour l'employer dans mes creux, on doit le gâcher de la même manière que s'il s'agissait de mouler dans des creux de plâtre et de soufre.

 
VIII
Sculptures en ciment romain.

Quand j'annonçai au monde savant qu'il m'était donné de faire dans mes creux si légers et sans pression des bas-reliefs en ciment romain, ceux qui ont hérissé de tant d'obstacles ma voie douloureuse nièrent. - Cela est facile de nier ! Le vendredi suivant, je fis porter à l'Institut cinq moulages dont deux en ciment romain ; j'en fis hommage à l'illustre assemblée, et l'on peut voir dans le Moniteur universel du 20 mars 1851, comment cet hommage fut agréé. Ces sculptures sont placées dans le cabinet du secrétaire perpétuel de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.

La première fois que je me servis de cette matière si rebelle, si capricieuse, si difficile à employer, j'étais dans un grand embarras ; c'était dans les salles que M. le Ministre de l'intérieur avait bien voulu me faire donner au Louvre ; mes conditions d'outillage étaient assez tristes, pour mieux dire, je n'avais pas d'outils : d'un autre côté, je ne suis ni sculpteur, ni modeleur, ni mouleur ; à cette heure même, moi qui ai moulé des milliers de bas-reliefs, j'ignore comment se font les bons creux en plâtre par les procédés ordinaires. On le voit, c'est une condition de plus qui permettra à tout le monde, indistinctement, de se servir avec succès de mes procédés.

Pour en revenir au ciment romain, la première fois que j'en usai, je le triturai à la façon du plâtre, il se mit en blocs, devint visqueux, se gonfla, et se durcit aussitôt, sans que je pusse en tirer parti ; à la seconde épreuve j'y fis une addition d'eau plus considérable, et j'y ajoutai un peu de plâtre, cela réussit. Plus tard, je trouvai le moyen de l'employer pur. Je fabriquai une auge de plâtrier très-large et peu profonde, je me munis d'une grosse molette en bois et d'une truelle ; quand mon ciment se trouva noyé dans une quantité d'eau suffisante, je le broyai vigoureusement avec la molette, de façon à réduire les blocs en une espèce de pâte ; puis, saisissant rapidement la truelle je fis passer toute la pâte sous le plat de l'outil, ce qui rendit la mixtion très-liquide, et je la versai instantanément dans mon creux ; le lendemain, j'avais un bas-relief très pur, et dur comme du fer. Il arrive quelquefois que certains ciments prennent très-lentement (l'usage m'a fait reconnaître que c'étaient les meilleurs). Un jour, j'avais moulé de grandes inscriptions en caractères talik sur fond d'arabesques, destinées à orner la façade d'une maison ; durant plusieurs jours, le ciment resta mou comme de l'argile ; désolé, je le retirai du moule, et jetai les fragments dehors sous la pluie ; longtemps après, voulant retirer ces fragments, je reconnus qu'ils avaient acquis la dureté de la pierre. Cette découverte est précieuse en ce qu'elle permettra dorénavant de décorer sans frais pour ainsi dire, les façades des habitations avec cette matière si dure, qui a l'aspect des monuments antiques ; mais pour bien réussir, il faut avoir acquis une certaine habileté, et joindre à cela une célébrité très grande.

Le ciment romain peut s'appliquer aux objets de grande dimension comme aux plus petits ; pendant mon séjour au Louvre, j'ai fait plusieurs épreuves d'une pierre précieuse venant de Denon que M. de Mortemart avait bien voulu me confier ; les hiéroglyphes, hauts à peine d'un demi-centimètre étaient très-effilés et d'une grande beauté ; le ciment romain les reproduisit avec toute la finesse et toute la perfection désirables, ainsi que peuvent s'en souvenir beaucoup de savants et d'artistes à qui je les fis voir.

 
IX
Moulages avec la pâte des doreurs, avec le zinc ; décoration d'appartements, décorations extérieures.

Mes moules se prêtent à tous les caprices de l'ornementation ; la pâte dite Anglaise, dite pâte des doreurs, si ductile, si malléable, si fine et si dure, comme je sais la faire, se modèle admirablement dans mes creux ; j'ai moulé les lambris d'un salon de la régence, dans un château ayant appartenu aux Montmorency. Ces lambris sont d'une recherche, d'un caprice et d'un goût exquis : eh bien ! tout ce grand salon m'a pris deux heures à peine pour faire quarante bons creux en papier, et en moins d'une semaine je pourrai à mon gré le reproduire en pâte dure, le dorer ensuite et le rechampir en outremer sur un fond blanc de neige. Quelle splendeur à bon marché ! Que de riches oisifs et que d'hommes peu fortunés, mais ayant le goût des arts, pourront désormais se donner toutes les jouissances du luxe et des belles choses à très-peu de frais. Nous ne sommes pas de ceux qui croient que les arts énervent les nations comme on l'a tant dit : nous sommes, au contraire, persuadé que le goût des arts est un grand promoteur de moralisation.

Dans la contrée des Mille et une Nuits, à Baghdad, à Bassora, à Ispahan, à Damas, à Alep, j'ai vu des palais ou des restes de palais qui m'ont prouvé bien des réalités des Mille et une Nuits ; j'ai vu des parois de murailles constellées d'arabesques, resplendissantes d'or et de miroirs incrustés, rehaussées de filets d'ébène, d'ivoire et de losanges de nacre de perle, rechampies avec le vert de Perse, le vermillon de la Chine et le lapis-lazuli, ces trois couleurs saintes des musulmans ; j'ai moulé un assez grand nombre de ces dentelles de plâtre, de ce plâtre devenu si précieux par l'art et le goût, et quelque jour, au printemps peut-être, je reconstruirai comme spécimen dans ma demeure que le malheur a faite très humble, une salle comme Baghdad en vit au temps du grand Haroun-al-Raschid. Vous tous qui me lisez, après avoir étudié ce petit livre, vous serez aussi habiles que moi : vous pourrez, à votre gré, décorer vous-mêmes vos maisons et vos châteaux.

Si vous aimez l'art ogival, la France, en ce genre est bien riche, et les modèles ne vous manqueront pas ; j'ai fait en un jour assez de panneaux gothiques pour en entourer une chambre (10), et puisque je suis en train de brûler mes vaisseaux, je vais tout dire ; je ne veux pas qu'aucune voix m'accuse d'avoir rien gardé pour moi.

Quand on voyage dans les beaux jours, il sera bon d'avoir une malle à double fond ; on devra mouler toutes les belles sculptures que l'on rencontrera sur sa route, et on les empilera au fur et à mesure dans le fond de sa malle ; c'est si léger, si commode, et cela tient si peu de place ! Revenu chez soi, si l'on veut se donner une chambre avec lambris gothiques (je me sers de ce mot impropre, mais généralement consacré), on prendra ses dimensions et on moulera en plâtre le nombre de panneaux nécessaires ; après quoi on les mettra à sécher au soleil. Si les murs de l'appartement sont en plâtre, en moellons ou en briques, il sera nécessaire de faire clouer sur les murs, horizontalement ou verticalement, des tringles de sapin ou de peuplier tout alentour ; après quoi il sera utile d'unir le bord de chaque panneau avec un rabot de menuisier, le plâtre se varlopant mieux et plus facilement que le bois le plus tendre. Cela fait, prenez une vrille et, doucement, sans pression forte, percez des trous dans la bordure de vos panneaux, de façon qu'ils correspondent aux tringles scellées dans le mur. Alors, avec des vis à bois, vous fixez vos panneaux de plâtre aux parois de vos murailles, et vous recouvrez la tête de la vis d'un peu de plâtre, de façon à laisser complètement ignorer la manière dont ces panneaux sont appliqués.

Il est aisé ensuite de faire des compartiments ou de poser de riches doucines sur ces sculptures.

Maintenant si l'on veut donner à la chambre l'aspect du chêne antique, voici comment on doit procéder :

Munissez-vous d'un réchaud à doreur ; c'est une boîte de fer grillée, ayant une longue poignée. On emplit ce réchaud de charbon enflammé, puis on le promène sur chaque panneau ou bas-relief ; gardez-vous de l'approcher trop près ou de trop chauffer, car le plâtre se fendrait. Lorsque votre panneau est suffisamment chaud, on applique dessus avec un large pinceau la mixtion déjà décrite au paragraphe IV, se composant d'huile lithargée, de cire jaune et d'essence de térébenthine ; appliquez-en à plusieurs reprises et toujours à chaud, jusqu'à ce que le plâtre en refuse l'absorption ; une fois refroidi, le plâtre a acquis la dureté de la pierre et il défie toute humidité ; cela lui donne encore l'extrême avantage de pouvoir recevoir la dorure et l'argenture, soit en poudre, soit en feuilles, soit de l'or faux, connu dans le commerce et l'industrie sous le nom d'or de Manheim.

Quand votre chambre est ainsi entourée de panneaux préparés au feu avec cette mixtion, vous la laissez sécher quelques jours ; puis vous procédez à la teinture en vieux chêne qui se prépare de la manière suivante :

Terre de Cassel............ 500 gr.

On met cette terre de Cassel dans quatre litres d'eau qu'on fait bouillir plusieurs heures jusqu'à ce que la réduction soit parvenue à deux litres ; cela fait, retirez votre vase du feu, et jetez dans la teinture 100 grammes de potasse blanche, puis filtrez-la dans un tamis après son refroidissement, mettez-la en bouteille et bouchez.

Quand vous voudrez colorer vos panneaux, appliquez-y deux ou trois couches ; avec un peu d'habitude, il est aisé, en lâchant la main, d'imiter les parties claires et les veines du vieux bois : on obtiendra ainsi de merveilleux effets. Quand les lambris seront bien secs, couvrez-les d'une couche d'huile de lin et laissez sécher ; ensuite on fera un encaustique de cire et d'essence de térébenthine (fort peu de cire) qu'on étendra très légèrement sur les panneaux, et, après deux ou trois jours, on frottera toutes les parois avec une brosse un peu molle et un morceau de vieux drap. L'opération sera terminée, et sans frais, pour ainsi dire. En faisant un travail plein d'intérêt et de jouissances on aura doté sa demeure d'un appartement somptueux.

Nous avons dit déjà que la préparation pour la dorure est absolument identique.

Si l'on veut imiter l'ébène, une fois les panneaux durcis, on y applique la teinture suivante :

Noix de galle verte concassée.............. 250 gr.
Bois de campêche haché...................... 175
Sulfate de fer.............................. 125
Sulfate de cuivre............................ 50
Gomme arabique.............................. 100
Noir d'ivoire léger......................... 12

On fait bouillir le bois de campêche et la noix de galle dans deux litres d'eau pendant une heure jusqu'à l'évaporation de la moitié ; on passe ensuite ce mélange dans un tamis de fil de fer ou de crin, et l'on jette dedans les autres substances que l'on agite fortement durant quelques minutes ; après deux ou trois jours, on agite de nouveau cette teinture que l'on conserve dans des bouteilles de verre placées dans un lieu sec.

Cette teinture s'emploie comme celle du vieux chêne ; l'encaustique est le même et l'on n'a qu'à brosser et frotter ; s'il y a des fleurons ou des écussons dans les panneaux, on peut, à l'aide de la mixtion, les rehausser d'or ; ce sera d'un magnifique effet.

On peut agir de même à l'égard des statuettes en plâtre qu'il faudra toujours préparer de la même manière que les panneaux.

 
X.
Pour bronzer les bas-reliefs en plâtre, bronze antique, bronze florentin, etc..

L'aspect blanc et froid du plâtre a quelque chose de désagréable à l'oeil, principalement quand il s'agit de reproductions antiques : pour obvier à cet inconvénient, j'ai fait bien des fois subir à des sculptures une complète métamorphose qui a trompé l'oeil exercé des connaisseurs.

Il est essentiel que les pièces soient bien sèches et complètement terminées, après quoi on les expose au soleil ou, à défaut, à une distance de 50 centimètres d'un feu modéré ; on leur fait subir la préparation décrite au paragraphe IV avec une couche unique, et dès que cette préparation est incorporée au plâtre, on prend de l'ocre jaune en vessie, broyé très fin, du noir d'ivoire et un peu de brun rouge que l'on délaye sur une palette avec de l'huile lithargée et de la mixtion dont se servent les doreurs.

Huile lithargée......................... 4 parties.
Mixtion................................. 2

On couvre la pièce avec cette peinture qui est très-liquide et même transparente ; elle donne au plâtre un ton olivâtre tirant sur le vieux bronze ; après douze ou quinze heures, quelquefois au bout de vingt-quatre heures, selon la température, on essaie, avec le dessus du doigt, si la mixtion mord ; il ne faut pas que cela soit ni trop frais ni trop sec ; c'est par la pratique qu'on acquerra l'expérience nécessaire. Quand la pièce sera bonne, on prendra de la poudre de bronze d'Allemagne qui se vend chez Toussaint, 8, rue Albouy ; on posera légèrement dessus les deux premiers doigts de la main droite, et l'on frottera doucement les *parties saillantes* de la sculpture ; en quelques secondes, votre plâtre prendra l'aspect du beau bronze, laissant le creux d'un ton mat, et d'un vert noir ayant toute l'apparence de la vétusté.

Il y a des poudres de bronze de toutes couleurs ainsi que de l'or et de l'argent réduits en poudre impalpable.

Après deux ou trois essais, avec du goût, tout le monde indistinctement, pourra se donner une foule d'objets d'art.

Et maintenant, cher lecteur, je cherche si je n'ai rien omis ; s'il me revient quelque chose ce sera pour la prochaine édition ; car j'ai l'espérance que ce petit livre, à cause de sa nouveauté et de son utilité, fera son chemin dans le monde. A une époque comme la nôtre où tant de gens ont leur chez soi, où l'on aime les belles choses qui ne coûtent pas cher, où chacun rêve un hôtel Cluny en miniature, c'est, il me semble, une grand bonne fortune que de pouvoir instantanément, sans peine, sans apprentissage d'art, se faire une salle de l'Alhambra, un Balâ-Khanè persan, un oratoire gothique, une chambre à coucher de la renaissance, un divan constantinopolitain, un boudoir du temps fleuri de la régence, orner l'extérieur comme l'intérieur de sa demeure, avoir, en un mot, tout le bénéfice et les jouissances des arts sans les inconvénients et sans, pour ainsi dire, alléger sa bourse. - Et ne devoir cela qu'à soi-même ; et en le faisant, en voyant surgir rapidement sous ses doigts ce qui a coûté, dans les temps anciens, tant d'argent, de peine et de génie, ce qui, jusque-là, n'était réservé qu'aux souverains, aux monuments publics, à quelques rares grands seigneurs et à un très-petit nombre d'artistes, on éprouvera chaque jour, à toute heure, à tout instant, les secrètes et délicieuses jouissances de l'imprévu et de l'inconnu.

Et maintenant, artistes, architectes, voyageurs, savants, archéologues, ecclésiastiques, touristes, collectionneurs, amis de l'art, de la forme et des vieux souvenirs nationaux, travaillons ! Voici une foule de moyens que les plus grands esprits ont déclarés être aussi précieux qu'utiles ; mettez-les en oeuvre. Dorénavant, que le marteau des démolisseurs soit devancé ; moulez la moindre inscription, le moindre fragment, le bahut que le ver ronge, la porte de l'église dont on varloppe les fines ogives tréflées, pour la peindre en jaune ou en gros vert, afin de la rendre plus belle, les pierres tombales si curieuses, dont le fer des chaussures emporte chaque jour une parcelle précieuse, en un mot, tout ce qu'on fait les artistes et les vieux et sublimes ouvriers des temps passés : les étrangers nous imiteront, soyez-en sûrs ; il y a longtemps que l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie et d'autres nations demandent mes procédés, elles vont les avoir, et alors tout ce qui reste debout sera sauvé. Puis les esprits aventureux, les pionniers de la science, ces martyrs de tous les âges, dont les trois quarts meurent sans gloire dans les coins les plus ignorés du globe, ceux-là aussi les emporteront avec eux, et quelques-uns feront comme moi, j'en ai l'espoir : ils reviendront, et ils nous rapporteront sous le plus mince volume, et que le temps, les barbares et les touristes vaniteux ont bien voulu laisser subsister des grandes civilisations de l'antiquité.

Je vous donne tout ce que la Providence m'a enseigné. Hormis Dieu, j'ai été peu aidé ; loin de là ! - Il m'a fallu lutter plus de dix ans pour mettre tout cela au jour, et, pour le faire, j'ai dû recourir au dévouement de quelques amitiés puissantes et courageuses et pousser encore plus loin le patriotisme que Bernard de Palissy qui brûlait ses pauvres meubles pour trouver son fameux émail. - Moi, j'y ai compromis mon avenir et usé ma vie avant l'heure.

FIN
 

Notes :
(1) Les murs des monuments d'Ani sont couverts de grandes inscriptions admirablement gravées et conservées.
(2) Schulz fut assassiné par les Kurdes sur le chemin de Vàn à Djulamerck.
(3) Plusieurs accidents de ce genre ont ruiné les travaux de plusieurs savants voyageurs, ceux de Nestor L'Hôte entre autres.
(4) Dès 1846, les picoreurs de la science essayèrent de suborner des personnes qui m'avaient vu opérer : on chercha à retrouver dans l'Orient deux de mes domestiques ; plus tard, on inventa un drogman d'Alep, et ce fameux drogman se trouva être M. Rochas, qui m'avait aidé quand je moulai les chambres de M. Wise à Gizéh, en 1850. Plus tard, un M. B...., chez qui j'avais logé à Tourah, entra au service de M. M...., et lui porta ce qu'il avait pu surprendre de mes procédés.
(5) Je trouvai à Baghdad et à Chiraz une pâte de papier de coton qui me fut fort précieuse quand je moulai les grands bas-reliefs de Persépolis ; elle se fabrique à Chiraz même. Comme papier à envelopper, c'est détestable, en ce qu'elle n'a aucune consistance, malgré son épaisseur ; mais pour la plastique elle offre de grands avantages. Mohammed-Ali faisait fabriquer dans les environs du Kaire un grand papier bleu qui valait mieux encore ; chez nous on peut se servir de certains papiers à sucre, mais tout cela n'est pas indispensable. A l'aide de larges immersions et de ma brosse emmanchée, en quelques instants je réduisais le papier le plus mauvais, le plus rebelle, en pâte très liquide qui prenait toutes les formes désirables ; c'était plus fatigant, voilà tout.
(6) Quand on est chez soi, qu'on a les ressources d'un laboratoire ou d'un atelier, si l'on a besoin de creux destinés à tirer un grand nombre d'épreuves curieuses, comme des parties de meubles de la renaissance, ou du système ogival fleuri, si heureusement nommé flamboyant par mon savant ami M. Auguste Leprévost, ou des monuments arabes, ou des linteaux de portes, ou des piédroits, on peut ajouter à la pâte du blanc d'Espagne en poudre ; alors, à la suite des dernières opérations, les moules acquièrent une dureté et une solidité extrêmes.
(7) Il est nécessaire d'avoir toujours avec soi un long couteau-poignard pour beaucoup de raisons : si la colle mise au bord des moules est trop forte, ce qui a des inconvénients de plus d'un genre que la pratique révélera, on introduit la lame du poignard sous le moule, afin de détacher les bords avec précaution.
(8) Voir le Journal des Débats du 12 juillet 1851, où le savant critique d'art, M. Delécluze, a fait une justice éclatante de ces indignes tracasseries qui toutes avaient un but déplorable.
(9) Quand j'ai empli trois salles du Louvre avec les monuments de l'Arabie Pétrée, je n'avais qu'une cheminée à la prussienne ; j'ai cependant opéré la cuisson de mes moules. Mais c'était incommode, et cela me forçait à respirer les émanations dangereuses de l'oxyde de plomb qui s'évaporait de l'huile lithargée, indispensable à la solidité des moules. Une grande cheminée aplanit toutes les difficultés, et le four mieux encore.
(10) On a pu voir un de ces grands panneaux très compliqués dans mon cadre à l'Exposition universelle.
retour
table des auteurs et des anonymes Static Wikipedia 2008 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2007 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - en - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Static Wikipedia 2006 (no images)

aa - ab - af - ak - als - am - an - ang - ar - arc - as - ast - av - ay - az - ba - bar - bat_smg - bcl - be - be_x_old - bg - bh - bi - bm - bn - bo - bpy - br - bs - bug - bxr - ca - cbk_zam - cdo - ce - ceb - ch - cho - chr - chy - co - cr - crh - cs - csb - cu - cv - cy - da - de - diq - dsb - dv - dz - ee - el - eml - eo - es - et - eu - ext - fa - ff - fi - fiu_vro - fj - fo - fr - frp - fur - fy - ga - gan - gd - gl - glk - gn - got - gu - gv - ha - hak - haw - he - hi - hif - ho - hr - hsb - ht - hu - hy - hz - ia - id - ie - ig - ii - ik - ilo - io - is - it - iu - ja - jbo - jv - ka - kaa - kab - kg - ki - kj - kk - kl - km - kn - ko - kr - ks - ksh - ku - kv - kw - ky - la - lad - lb - lbe - lg - li - lij - lmo - ln - lo - lt - lv - map_bms - mdf - mg - mh - mi - mk - ml - mn - mo - mr - mt - mus - my - myv - mzn - na - nah - nap - nds - nds_nl - ne - new - ng - nl - nn - no - nov - nrm - nv - ny - oc - om - or - os - pa - pag - pam - pap - pdc - pi - pih - pl - pms - ps - pt - qu - quality - rm - rmy - rn - ro - roa_rup - roa_tara - ru - rw - sa - sah - sc - scn - sco - sd - se - sg - sh - si - simple - sk - sl - sm - sn - so - sr - srn - ss - st - stq - su - sv - sw - szl - ta - te - tet - tg - th - ti - tk - tl - tlh - tn - to - tpi - tr - ts - tt - tum - tw - ty - udm - ug - uk - ur - uz - ve - vec - vi - vls - vo - wa - war - wo - wuu - xal - xh - yi - yo - za - zea - zh - zh_classical - zh_min_nan - zh_yue - zu -

Sub-domains

CDRoms - Magnatune - Librivox - Liber Liber - Encyclopaedia Britannica - Project Gutenberg - Wikipedia 2008 - Wikipedia 2007 - Wikipedia 2006 -

Other Domains

https://www.classicistranieri.it - https://www.ebooksgratis.com - https://www.gutenbergaustralia.com - https://www.englishwikipedia.com - https://www.wikipediazim.com - https://www.wikisourcezim.com - https://www.projectgutenberg.net - https://www.projectgutenberg.es - https://www.radioascolto.com - https://www.debitoformativo.it - https://www.wikipediaforschools.org - https://www.projectgutenbergzim.com