AU LECTEUR
Mon esprit a juré sur les sacrez Autels,
De n'offenser jamais personne des mortels,
Mais si quelqu'un icy sent sa galle eschauffée
Il pourra se galler pendant toute l'année.
ESPRITS qui ne respires que les
armes, & qui n'avez rien tant en horreur que les combats, vostre
temps est arrivé, vous pourrez maintenant faire paroistre avec éclat,
combien Mars boüillonne dans vos veines ; dont vous ignorez neantmoins
le nom. Vous ne faites sortir hors de vostre bouche, & vos poulmons
ne font raisonner qu'assauts, que pillages, que surprises : Il est vray
que vous estes furieusement surpris quand vous entendrez crier aux
armes, & que vostre imagination pille à merveille ce que vos mains
n'ont jamais fait, les stupides vapeurs qui embroüillent vos testes,
vous semblent estre ces fumées de canons qui ravissent le jour aux
combattans, & les combattans à eux-mesmes. Jusques à present je
vous avois veu plongez dans la tristesse, qui accompagne ordinairement
les esprits steriles ; mais le bruit des tambours vous réveille, vous
surprend, & vous glace le sang dans les veines. Je sçay que vous ne
voudrez pas advouer, que c'est la peur qui vous inspire ces frenetiques
convulsions. Je sçay aussi que vous ne dirés jamais, que ce soit masle
courage, qui vous anime à la defence de vostre pays. La generosité loge
dans des esprits nobles, qui font & ne disent jamais rien.La
temerité ne les fait point courir aux combats. Si la necessité les y
engage, ils en sortent les derniers victorieux, ou succombent à la
force, ou quelque-fois à la temerité. Il n'est pas question de
s'entretenir d'occasions de guerre ; mais quand elles se presentent, il
faut leur donner la vie, ou leur oster la victoire. Lors que j'entends
raisonner vostre voix qui n'a rien de masle, & vostre poulmon qui
tremble mesme, lors que vous parlez des choses qui font trembler, quand
elles arrivent. Il me semble voir ces certains mauvais chiens qui
abbayent lors qu'ils ne voyent, n'y entendent rien, & qui quand le
voleur approche ont des pieds pour fuyr, & point de langue pour
éveiller leurs maistres. Certes j'ay pitié de vous, vous seriez capable
de quelque chose, si vous aviez un peu plus d'effect, & moins de
parole. La voix nous est commune avec les autres animaux, mais les
actions nous rendent hommes. Je sçay que vous voudriez avoir fait les
pillages, que vous vous forgez dans vos testes mal timbrées, & que
vous souhaiteriez avoir esté dans les rencontres que vous descrivez si
mal, que nous pouvons dire, que si vous excellez en quelque chose,
c'est à mentir. Quand vous voyez que nous prenons plaisir à entendre
vos mensonges, vous discourez des mieux, vostre langue fait rage.
Tantost vous donnez combat, mais je croy que c'est à bacchus : tantost
vous faites passer tout par le fer, mais je croy que c'est des poulets.
Vous vous trouvez dans d'estranges rencontres, mais je crois que vous
estes si malheureux que de n'avoir rien rencontré que des coups de
baston. Quoy pensez vous que vos discours discours nous charment ? qui
feroient vomir une furie. Quoy croyez-vous que nous croyons les
productions de vostre imaginations, vos combats, vos pillages ? helas
vous avez esté plus battus à la cuisine qu'à la guerre. Il vous semble
que vous nous intimidez par vos discours fantastiques. Helas vous
pouvez seulement vous faire peur, & empuantir l'air de vostre
haleine, comme fait un dragon qui sort d'un marests, & porte la
peste & la mort par tout ou il vole. Ces nobles actions auront des
recompenses propotionnées à leur grandeur, elles ont leur fondement
dans l'air, jugez quel doit estre le vostre. Quoy vous parlez de
batailles ? vostre mine me fait pitié, plustost que peur. Vous parlez
de canons ? le seul bruit d'un seroit capable de vous faire mourir six
fois. Vous parlez de cavalerie ? ouy fort bien vostre rangs doit estre
entre les chevaux legers. Vous parlez de dangers ? prenez garde que le
seul souvenir de danger ne vous ravisse le courage, & vous fasse
mourir. Vous vantez vostre adresse ? mais c'est à fuyr. A quoy bon tant
de discours malfaits, qui ne font que laisser une meschante opinion de
vous dans l'esprit de ceux qui les escoutent. Ils ressemblent à ces
ampoulles faittes de savon & d'eau, qui semblent belles à ceux qui
les font, mais qui ne laissent que de la boüe & de l'ordure dans
les mains de ceux qui les reçoivent.