[QUINSONAS, François Dugas chevalier
de (1719-1768)] : Ordonnance de
Momus en faveur des avocats du parlement de Normandie.- Au
Parnasse,
chez les Héritiers d'Apollon, [ca1743].- 14 p. ; 18 cm.
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de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (28.IX.2016)
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ORDONNANCE
DE MOMUS
EN FAVEUR
Des Avocats du Parlement de
Normandie.
AU PARNASSE,
Chez les Héritiers d'Apollon.
_____
ORDONNANCE
DE MOMUS
En faveur des Avocats du Parlement
de Normandie.
DE par le Dieu porte marotte,
Nous Général de la Calotte,
SALUT. Honneur aux Avocats,
Que Momus toujours favorise
Quand ils ont fait une sottise
Dont ils se repentent tout bas.
Attendu le rapport fidèle
Fait au Conseil du Régiment
Par un Auteur rempli de zèle,
Le même jour qu'au Parlement,
Humble & soumis en apparence,
Sans avouer cette ignorance (1)
Dont Vaillant osa l'accuser
Sans avoir dessein d'offenser,
L’orgueilleux Fal ** a la tête,
De ses Confrères révoltés,
Qui furent trop bien écoutés,
Présenta, dit-on, la Requête ;
Qu'en déjeunant il composa,
Qu'il méritait qu'on refusa.
Informé par notre Emissaire,
Que pour prévenir leur misère
En obéissant à Thémis ;
Ces Révoltés se sont soumis,
Et déjà vont à l'Audience
Etaler avec confiance
La vanité d'un Avocat
Enorgueilli de son état.
Qu'en attendant qu'on expédie
Les Brevets qui sont destinés
A ses Confrères obstinés
En chantant la palinodie
Fal ** ouvre son cabinet,
Reprend sa robe & son bonnet,
Et sans craindre qu'on le condamne,
Dans le Temple de la chicane
Admire en secret dans Vaillant (2)
Les vertus, l'esprit, le talent
D'un Magistrat si respectable,
Qui dans ses discours véritable
S'est attiré des ennemis
Dont il rit avec ses amis.
Sur l'avis de nos Commissaires ;
Nous ordonnons qu’incessamment
On reçoive publiquement
Dans nos PANDOURES LITTÉRAIRES
Tous les Anti Parlementaires,
En leur donnant permission
De faire leur soumission,
A l'exemple de leurs Confrères,
D'employer tous ces traits brillants
Dans leurs Plaidoyers satiriques
Qu'ils font bien payer aux Clients ;
Et ces phrases métaphoriques,
Dont la juste application
Détruit la réputation
Des Adversaires qu'ils déchirent,
Souvent pour plaire à leurs dépens,
Et faire briller leurs talents
Quand les faits ne peuvent suffirent,
Où que leurs moyens sont mauvais.
Permettons que dans le Palais,
Conformément au privilège
Que nous donnons en sa faveur,
En le nommant grand Pourvoyeur
Du Régiment & du Collège,
Fal * * au gré de ses désirs
Fasse construire une Buvette,
Où Thémis sans être indiscrète
Sera témoins de ses plaisirs,
Et qui sera toujours ouverte
Aux Avocats fiers & mutins,
Qui comme lui de leurs festins
Souvent ont regretté la perte.
C'est là qu’en leur versant à boire,
Tous nos Officiers Calotins
Pourront apprendre leur histoire
Qu'ils transcriront fidèlement
Sur leurs Registres ordinaires
Avec les notes nécessaires.
Voulons que dans le Régiment
De nos PANDOURES LITTÉRAIRES,
En qualité de volontaires,
On reçoive aussi ces Auteurs,
Qui, ridicules Novateurs,
A la tête de leurs ouvrages
En se louant, de leurs lecteurs,
Semblent exiger les suffrages.
Informé par nos Ambulants
Que quelques Avocats Normands,
A Tho ** ont osé promettre
D'abandonner robe & rabat,
Et de ne jamais se soumettre
Aux volontés d'un Magistrat (3)
Qui loin de punir l'insolence
De ses Confrères révoltés,
Dans les Arrêts qu'il a dictés,
Pour eux n'eût que trop d'indulgence,
Et les combla de ses bontés.
Instruit de toutes les bravoures
Du grand Tho * * que nous nommons
Econome de nos Pandoures.
A CES CAUSES, nous ordonnons
Qu'il portera notre calotte
A la place de son bonnet,
Qu'en arborant notre marotte,
Il fermera son cabinet ;
Et n'aura d'autre inquiétude
Que de bien remplir son emploi
Qui sera son unique étude
S'il se conforme à notre Loi...
Voulons aussi, ne lui déplaise,
Qu'il fasse choix d'un Cuisinier
Pour la Buvette de Fal **.
Choisissons pour notre Aumônier,
L'Auteur des Feuilles consacrées (4)
A l'éloge des bons Ecrits (5)
Qui dans la Province admirées
Occupaient un tiers de Paris
Sans en être plus estimées,
Et qu'enfin l'on a supprimées (6).
Ordonnons que Guyot prendra
Pour son Collègue Episodique,
Gourné qu'alors on chargera
D'un Ouvrage périodique (7)
Qui peut être accréditera
Son Géographe méthodique (8).
Nous observons à cet égard,
Qu'avant de la rendre publique,
De l'Ordonnance on fera part
A la petite République (9)
Qui sans délai décidera
Si notre Imprimeur ordinaire,
Qui n'a pas l'âme mercenaire,
A ses dépens l'imprimera
Pour jouir de son Privilège,
Sous promesse & condition
D'en faire au profit du Collège
Une seconde Edition.
Pour remplir la bourse commune (10)
Que l'Econome en ménageant,
Et son honneur & sa fortune,
A chaque Confrère indigent,
En lui servant alors de père,
Egalement partagera,
Et par ce moyen soutiendra
Les Révoltés dans leur misère.
Pour terminer avec succès
Ce qui fait l'objet du Procès (11)
Qu'on doit juger à la Tournelle
Entre ce nouveau Traducteur,
Qui trop sévère observateur
Dans ses feuilles chercha querelle,
Et critiqua ce jeune Auteur,
Dont les méthodiques ouvrages
Sont bien dignes de nos suffrages.
Nous voulons que les Avocats
Qui doivent plaider cette affaire,
Sans consulter les Magistrats,
Ni même exiger de salaire,
Remettent à nos Officiers
Sans retard avec leurs dossiers,
Les Pièces dont notre Notaire,
A nos frais fera l'inventaire.
Pour nous en faire le rapport,
Et mettre ces Auteurs d'accord,
Voulons que Tho ** & Fal **
Montés chacun fur une chaise,
A la tête du Régiment,
Nous répètent le Jugement ;
Qu'à la Basoche du Parnasse
Apollon qui leur fera grâce
En leur faveur prononcera
Le jour qu'on les recevra
Dans une des plus belles loges (12)
Et que l'Abbé Fre * * fera
Leurs Histoires & leurs Eloges
Que le grand Maître approuvera.
Comme ils rendront de bons services
A nos Pandoures Francs-Maçons,
En leur composant des chansons
Sur la feuille des bénéfices
Dépendants de nos Officiers.
Voulons qu'à titre d'Aumôniers,
Ils soient mis en gros caractères,
Que les Avocats nos Confrères
Par esprit de soumission
Leur fassent une pension
Dont cette année on les dispense,
Attendu qu'on la retiendra
Sur les sommes qu'on donnera
Pour subvenir à la dépense
Que nous occasionnera
Les Brevets qu'on expédiera
Dans le quartier de la finance
En vertu de notre Ordonnance
Faite en présence d'Apollon
Dans un coin du sacré Vallon,
Le même jour qu'avec Thalie,
Melpomène chez la Gaussin,
Sans consulter son Emilie,
Introduisit avec dessein
Le grand Volt * * à fa toilette (13)
Qui griffonna sur sa tablette
Tous les endroits qu'il a changés,
Et les Vers qu'il a corrigés
Dans sa Mérope si vantée,
Et qui sera représentée
Dans la loge des Francs-Maçons,
Où profitant de leurs leçons,
L'Auteur de l'Ecole des Mères
Que sans doute on critiquera
Pour leur plaire composera
Avec lui l'Ecole des Frères
Qu'en secret on imprimera.
Tandis qu'au comique Opéra,
Un jeune Elève de Thalie
Avec succès parodiera
Les nouveaux Acteurs d'Italie (14)
Qu'Arlequin qui les conduira
Tour à tour accompagnera
A l'Ecole de la Folie,
Qu'à la Foire on applaudira. |
NOTES :
(1) Cependant il s'est persuadé que M. Vaillant à l'Audience de la
Tournelle lui avoir taxativement reproché une ignorance crasse &
grossière, &c. Voyez la Lettre d'une Demoiselle de Rouen à une
Dame de Caen fur l'affaire des Avocats, page 22.
(2) Voyez la lettre ci-dessus citée, pages 15 & 16, son portrait
est vrai dans toutes ses parties, il n’y manque que deux anecdotes
histori-critiques pour servir d'éclaircissement à l 'époque sur
laquelle on a passé légèrement par respect pour un Magistrat qui
mérite toute notre estime.
(3) Voyez la lettre déjà citée p. 25. C’est un Magistrat humain &
pacifique, qui croit devoir agir moins en Juge sévère, que comme un
père tendre qui veut épuiser toutes les voyes de la douceur pour
réconcilier son fils ainé avec ses enfants cadets, &c.
(4) M. l'Abbé Guyot Desfontaines, Auteur des Observations sur
les Ecrits modernes.
(5) Voyez l’Epitre Dédicatoire (p. 4.) qui est à la tête de sa nouvelle
traduction de Virgile, sa feuille périodique à laquelle son Prince des
Valachies faisait, dit-il, c haque semaine traverser des pays immenses
est consacrée à l'entretien du goût & à l'éloge des bons Ecrits,
&c.
(6) Voyez l'Arrêt du Conseil du 7 Septembre 1743, & ce que dit M
Tubeuf à la p 16.de sa lettre fur la traduction de Virgile. Voyez aussi
la lettre imprimée à l'occasion de la suppression de ses feuilles, que
cependant il continue toujours sous le titre de Jugements sur les
nouveaux ouvrages sans permission ni approbation, & que c'est en
quoi il se rend encore plus digne de la place que nous lui donnons dans
notre nouveau Régiment.
(7) On dit que pour donner plus d'intelligence aux Mémoires pour
servir à l’histoire de la Calotte imprimés en 1735 on a proposé un
plan à l'exécution duquel un * * * que nous avions choisi, devait
travailler sous le titre de feuilles histori-geograhiques ; mais
l'Abbé de Gourné qu'en trouve plus exact pourra entreprendre l'ouvrage
que l'on annoncera par souscription à tous ceux qui s'y intéressent.
(8) Le Géographe méthodique à l'usage de M. le Comte de la Marche,
ou, Description des Royaumes de Portugal & d'Espagne, &c.
Voyez son Prospectus.
(9) Voyez la lettre fur les Avocats, pages 10, 11, 12, 13 & 14. Si
je vous disais que notre Collège est une petite République libre &
indépendante au milieu d'un Etat Monarchique, ne seriez-vous pas encore
plus étonné de la singularité de nos maximes. &c.
(10) Cela pourra aussi ménager pour quelque tems la bourse
particulière de chaque Avocat, d'où proviennent les fonds de la
bourse commune (Voyez la lettre, p. 10, 11.) Me Tho * ** en sa qualité
d' Oeconome veillera au besoin de ses Confrères pour éviter qu'ils ne
tombent dans le cas du sieur Ga*** ( Voyez id. p. 12. ) pour empêcher
qu'on ne prive un Confrère indigent de son état (quand bien même il
aurait fait sa soumission) pour le réduire à une plus grande
indigence ; & pour que l'on ne foule plus aux pieds les principes
du Droit naturel & les lois de la charité chrétienne. (Voyez id.
p. 13.)
(11) Voyez les feuilles fur les Ecrits modernes des 23 Février, 10 Mars
& 21 Avril 1741, la lettre à Dom Gilbert, l'Arrêt du Parlement, qui
défend aux Juges du Châtelet de connaître de cette affaire actuellement
pendante à la Tournelle, & qui devait être jugée au mois de
Décembre dernier. Voyez aussi la lettre de M. Tubeuf déjà citée page 7
& 8. & les autres qui ont paru, ainsi que différents Mémoires,
où les Parties sous le nom de leurs Avocats ont épuisé tout leur art
pour divertir le public à leurs dépens.
(12) Quoiqu'il ne soient pas compris dans le nombre de ceux que l'Abbé
Fre * * invite à entrer dans l'Ordre des Francs-Maçons. Plusieurs
nous ont assuré qu'on devait les incorporer : on prétend même que
l'Abbé Desfontaines est déjà reçu, & qu'il a assisté à quelques
repas pour avoir occasion de vendre les nouvelles feuilles qu'il fait
débiter sous le manteau.
(13) On dit que M. de Vol.. qui était allé à Ciray si l'on en
croit un bel esprit du Café de Procope pour refondre sa Mérope, en
fit lecture il y a quelques jours à la toilette de Mademoiselle Gaussin
en présence de deux ou trois Francs-Maçons qui lui offrirent de jouer
sa pièce dans une maison bourgeoise où ils doivent représenter une
Comédie que M de la Chaussée s’est engagée de faire sur les Mémoires
& anecdotes qui lui ont été fournies à cet effet par le grand
Maître de la Loge.
(14) Quelques Acteurs nouvellement arrivés, & qui. ont débuté avec
l'applaudissement du public sur le Théâtre Italien ont déterminé un
Acteur de Province à solliciter l'Entrepreneur de l'Opéra-Comique pour
jouer à la Foire Saint Laurent où il se propose de parodier ses
Confrères avec lesquels on dit qu'il a représenté à Florence ; on dit
aussi qu'il donnera une pièce de sa façon sous le titre de l' Ecole de
la Folie, dans laquelle un Auteur anonyme qui en a pris communication
y a inséré trois Scènes Episodiques sur la Comédie nouvelle de M. de la
Chaussée.
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