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C. Lavergne : Notice historique sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Honfleur (1865)
LAVERGNE, Claudius (1814- 1887) :  Notice historique sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Honfleur.- Honfleur : Charles Lefrançois,1865.- V-86 p. - 1 f. de pl. en front. ; 19 cm.
Saisie du texte : O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (20.IV.2005)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (Bm Lx : Norm br 2019)
 
Notice historique sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce de Honfleur
par
Claudius Lavergne

~*~

Quando Dominus circumdabat mari
terminum suum, et legem ponebat aquis,
ne transirent fines suos… Cum eo eram.

                                            PR VIII, 29,30.

Lorsque le Seigneur imposait des lois à la mer
afin que les eaux ne passassent pas leurs limites…
j’étais avec lui.



vers l'image agrandie (301 ko)

AVANT PROPOS

En 1833 M. l’abbé Vastel, Chapelain de Notre-Dame-de-Grâce publia une notice sur ce lieu de pèlerinage. Le pieux et savant ecclésiastique réunit tous les documents que purent lui fournir les traditions locales, les archives de la province et le registre manuscrit des R. R. PP. Capucins qui avaient desservi la Chapelle de Notre-Dame-de-Grâce pendant cent soixante-neuf ans, de 1620 à 1789. Il y joignit et y entremêla le récit des guérisons et des sauvetages miraculeux dont les ex-voto de la Chapelle conservent le souvenir, et de nombreuses dissertations sur le culte des saints, les indulgences, les miracles et les pélerinages en général. - M. l’abbé Vastel vivait au milieu d’une génération profondément ignorante des choses de la foi. Le voltairianisme de 1830 poursuivait de ses ricanements séniles les rares fidèles qui essayaient de relever les ruines des églises : il applaudissait au sac de l’Archevêché de Paris, arrachait ou renversait les croix, et il eut volontiers contesté aux chrétiens le droit d’invoquer la Sainte-Vierge, s’il eut pu les détourner des voies de la prière et tarir ainsi la source des miracles. - Controversiste zélé, M. l’abbé Vastel voulut que son opuscule fournit des armes aux chrétiens intimidés, et l’âme attristée du digne prêtre ne put faire passer dans son écrit ces sentiments d’invincible espérance qui remplissent le coeur du pèlerin lorsqu’arrivé aux pieds de Notre-Dame-de-Grâce il domine les agitations du monde et des flots et contemple l’ineffable sourire de la Mère de Dieu. - Soldat perdu et troublé par les commotions contemporaines, le chapelain de Grâce fut, il est vrai, le gardien fidèle des traditions, mais il n’entrevit pas et ne put prévoir le prochain triomphe de la cause qu’il servait. Il n’eut pas le temps de reconnaître que le sanctuaire à demi délaissé qui l’abritait était fondé sur le roc inébranlable de la foi catholique, qu’il portait sur les assises des traditions nationales et populaires, et que bientôt, en présence du monde étonné des audacieuses négations du naturalisme, la croyance au surnaturel allait sortir comme Jonas, des profondeurs de l’océan, et monter vers l’Étoile de la mer, son épave à la main, jetant à la face des savants et des apostats l’écume impuissante et l’amertume des flots.

On a donc pensé qu’il n’était pas opportun de réimprimer telle quelle la notice de M. l’abbé Vastel, et qu’il suffisait d’en recueillir la partie historique, tout en élaguant certains détails peu dignes d’être conservés. Une esquisse de l’histoire de Honfleur les a remplacés, et offrira nécessairement plus d’intérêt au lecteur que des relations de procès et des inventaires de mobilier. Quant aux récits des grâces obtenues par les marins et les pélerins et notés dans les Annales de la Chapelle, ils ont été respectueusement transcrits, mais placés dans un appendice, afin que le nouvel opuscule pût à la fois contenter la pieuse curiosité des fidèles, et ne pas effrayer par ses dimensions les touristes et les lecteurs pressés.

Il nous semble d’ailleurs que la dévotion des serviteurs de Marie n’en est plus à se défendre : elle s’affirme et se manifeste hautement, et bien loin d’accéder aux conseils d’une foi tiède et prudente, au lieu de se cacher et de se taire, elle va comme l’aveugle de Jéricho, «criant encore plus fort» et publiant partout les louanges et la gloire de Dieu. L’Archiconfrérie du Très-Saint et Immaculée Coeur de Marie a pénétré partout où s’élève la Croix. La promulgation du Dogme de l’Immaculée Conception a retenti par toute la terre, mais les peuples avaient déjà repris le chemin des pélerinages, et nos jeunes soldats, en quittant leurs foyers, emportaient la médaille de Notre-Dame-des-Victoires. Aussi la parole du Souverain Pontife a réjoui la terre et tous les échos de la chrétienté ont répondu par un tressaillement joyeux à sa voix douce et paternelle. - Les coeurs brisés, les âmes éprouvées par les souffrances, se sont tournés du côté du Ciel pour obtenir ce que le génie et la science humaine ne pouvaient leur donner.

Celui qui écrit ces lignes n’a fait que suivre cette mystérieuse impulsion. Après qu’il eut été touché et guéri par la main du Seigneur, un ami bien cher, un fils de Saint-François d’Assise, témoin actif de la grâce reçue, lui indiqua de loin le sanctuaire et le beau pays où il était venu lui-même l’année précédente rétablir ses forces au contact d’un air pur, et sur une plage saintement abritée. Son conseil fut suivi : le convalescent aima ces lieux bénis, ces souvenirs franciscains, cette paix et cette immensité dont son ami lui avait décrit l’ineffable beauté. Il revint l’année suivante, il espère revenir encore, mais cette fois il veut apporter dans ses mains raffermies l’humble témoignage de sa reconnaissance.

Obscur pèlerin, il ne peut offrir à la Reine des Anges, ni or, ni chefs-d’oeuvre. Il lui présente ces pages comme un bouquet de fleurs agrestes cueillies dans son domaine. Puissent-elles, avant de se flétrir, répandre un doux parfum autour du sanctuaire, s’effeuiller sur la voie qui y conduit, et, lorsque le vent d’automne les aura dispersées, Dieu veuille que de leur poussière renaissent d’autres fleurs, plus brillantes et plus durables, et qu’elles s’épanouissent aux pieds de Notre-Dame-de-Grâce, immortels témoignages des bienfaits accordés, et de la reconnaissance qui leur survit !
                                                                                    CLAUDIUS LAVERGNE.


~*~


CHAPITRE Ier

HONFLEUR


                            Tua autem, pater, providentia gubernat ;
                            quoniam dedisti et in mari viam, et inter
                            fluctus semitam firmissimam.
                                    SAP. XIV 3.
                          
 C’est votre providence, ô père, qui le gouverne ;

                            car c’est vous qui avez ouvert un chemin au travers
                            de la mer, et une route très assurée au milieu des
                            flots.


Lorsque placé sur la jetée du Havre le voyageur contemple les magnifiques perspectives qui s’étendent devant lui, il est un point de la rive opposée ou ses regards s’arrêtent et reviennent toujours. A l’angle occidental de la baie formée par l’embouchure de la Seine, s’élève un promontoire boisé. Au pied de cette falaise verdoyante brillent au soleil les toits et les clochers d’une petite ville. C’est Honfleur, c’est la Côte de Grâce, c’est le port autrefois si animé de la ville forte, premier boulevard de la Normandie. Ces noms réveillent des souvenirs historiques. On sait que Notre-Dame-de-Grâce est un lieu de pélerinage, un site pittoresque et renommé. Aussi n’est-il pas de touriste, chrétien ou non, qui consente à quitter le Havre sans aller visiter Honfleur. - La traversée est courte, et les flots agités qui combattent le courant du fleuve et lui disputent l’entrée de l’Océan, après avoir secoué le navire à sa sortie du port, se calment tout à coup, et semblent favoriser sa course rapide.

Bientôt le rivage approche. La vieille cité semble sortir de la mer, et se dessine aux yeux ravis des passagers, sur le fond d’une sombre verdure. Le phare, l’hospice aux antiques murailles baignées par les flots, le vaste orphelinat, les vieilles églises, la mâture des navires, les maisons revêtues d’ardoises, les vaisseaux en construction, la jetée couverte de femmes et d’enfants attendant le retour des barques, tout cela apparaît au pied de la colline. Au sommet, à droite, s’élève un grand crucifix qui semble bénir la mer, mais la Chapelle de Notre-Dame-de-Grâce reste invisible, cachée sous les arbres séculaires qui l’entourent.

A peine a-t-on mis le pied sur le quai de Honfleur, qu’un petit édifice du XVIe siècle, la Lieutenance, attire les regards par sa structure originale, ses tourelles en encorbellement et la statue de la Sainte-Vierge placée au-dessus de la porte et revêtue aux jours de fête d’une robe de dentelle. Cette petite forteresse située entre le vieux port et les nouveaux bassins, semble en commander l’entrée. Heureusement elle ne gêne pas le mouvement des navires et n’aura pas le sort de la tour de François Ier, seul vestige ancien qui ornât la ville du Havre, et qui maintenant a disparu. Bâtie sur les fortifications de la porte de Caen, la Lieutenance en s’appuyant sur ces vieilles murailles conserve leurs derniers débris. Louis XIV avait ordonné la démolition de l’enceinte fortifiée de Honfleur, et les pierres de ses tours et de ses remparts ont servi à construire les différents bassins que nous voyons aujourd’hui.

Le port de Honfleur n’a plus son activité d’autrefois, la vase l’envahit et les vaisseaux d’un fort tonnage n’y peuvent plus entrer. Mais il est encore l’entrepôt de la Normandie et c’est là que les troupeaux et les fruits de ses fertiles campagnes arrivent et s’entassent dans les flancs des navires qui les emportent au Havre ou en Angleterre. A Honfleur aussi, débarquent constamment les vaisseaux de Norwège, et les bois qu’ils apportent sont mis en oeuvre dans de vastes chantiers.

Les églises de Honfleur ne sont pas belles : Sainte-Catherine surtout, construite en bois et toute vermoulue, ressemble à la carène d’un vieux vaisseau échoué. Saint-Léonard paraît tout près de tomber en ruines et porte encore la trace des balles calvinistes : mais ces vieilles églises ne sont jamais désertes. Aux jours de fête elles sont trop étroites, et leurs dalles usées témoignent de la ferveur des bons Honfleurais.

A part un bâtiment vulgaire situé entre l’ancien et le nouveau port, espèce de coffre à portes et fenêtres sur lequel est inscrit le mot Mairie, le voyageur le moins expérimenté reconnaît aussitôt, par le contraste même de ce spécimen du style municipal moderne, avec le caractère général de la ville de Honfleur, qu’il a mis le pied sur un vieux territoire dont les traditions et les souvenirs historiques sont à peine voilés sous le manteau de ses ruines et les replis de ses falaises. - Honfleur est situé tout auprès de l’emplacement qu’occupait au temps de la conquête Romaine, la ville de Portus-Iccius, appelé aussi Portus-Niger, et où Jules César s’embarqua pour la Grande-Bretagne. Portus-Iccius fut ruiné par les Saxons et le terrain même sur lequel s’élevait l’ancienne cité Gallo-Romaine, au pied de la Côte de Grâce, sous Vasouy, a disparu, emporté par la mer. Cependant les vestiges de quatre voies romaines, de nombreuses antiquités découvertes aux environs de Honfleur et les traces d’un camp romain, encore visibles sur la Côte de Grâce, confirment sur ce point la tradition populaire et les écrits des savants.

Au commencement du Vie siècle, Honfleur (Honna-Flew, sous le flot), existait déjà. C’était une colonie saxonne qui l’avait fondé. Il fut fortifié en 800 par l’ordre de Charlemagne, afin de pouvoir résister aux invasions normandes si fréquentes à cette époque.

En 912, cette peuplade remuante et guerrière fut régulièrement établie dans la contrée même qu’elle avait tant de fois ravagée. Un de ses chefs les plus redoutables, Rollon, ayant été battu par les armes de Robert, Duc de France, consentit à traiter avec le Roi, Charles-le-Simple. La pensée politique qui inspira le traité de Saint-Clair-sur-Epte fut d’arrêter les déprédations des Normands par les Normands eux-mêmes ; en leur octroyant la possession de la Neustrie. Elle fut cédée à Rollon comme Duché, avec les droits de vasselage que la couronne de France pouvait prétendre sur la Bretagne. Devenu chrétien, le nouveau Duc épousa la fille du Roi de France, et fit bientôt de la Normandie un état modèle et florissant. Il la distribua en comtés, dont il donna l’investiture aux chefs qui l’avaient suivi, fortifia les villes, protégea le commerce et l’agriculture et établit des lois sévères qui réprimèrent le brigandage. On dit que Rollon fit suspendre ses bracelets d’or pendant trois ans dans la forêt de Maromme près de Rouen et que personne n’osa y toucher (1). Les terres situées entre l’embouchure de la Risle et celle de la Seine, n’avaient pas été cédées à Rollon, mais il parvint à se les faire octroyer et le canton de Honfleur fut joint à son duché. Les premiers Seigneurs de Honfleur dont le nom ait été conservé par l’histoire, furent donc le Duc Rollon, son fils Guillaume-Longue-Epée, de 927 à 942. Richard Ier de 942 à 996, Richard II de 996 à 1026, Richard III de 1026 à 1028, Robert-le-Magnifique, fondateur de la Chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, qui régna de 1028 à 1035, et enfin son fils, Guillaume-le-Conquérant, qui joignit à sa couronne ducale la souveraineté de l’Angleterre.

Lorsque Guillaume-le-Conquérant mourut à Rouen, en 1087, ses courtisans s’enfuirent, abandonnant le corps du Duc aux outrages des valets, qui après l’avoir dépouillé le laissèrent nu sur le plancher. Un seul chevalier resta fidèle au Duc défunt : c’était son beau-père, Herlewin de Conteville, à qui il avait donné la Seigneurie de Honfleur. Il accourut au palais désert et dévasté, et après avoir à ses frais rendu les derniers honneurs à la dépouille mortelle de son suzerain, il s’embarqua sur la Seine et conduisit le cercueil royal à Honfleur d’abord, et de là à Caen.

Les Ducs de Normandie devenus Rois d’Angleterre, n’en restèrent pas moins vassaux du Roi de France. En 1203, après que le Roi d’Angleterre, Jean, eut assassiné à Rouen son neveu Arthur, héritier de la Normandie, les Pairs du Royaume prononcèrent la confiscation de cette province. Philippe-Auguste se mit aussitôt en campagne et tandis qu’il reprenait une à une les places fortes de la Normandie, le lâche Jean-sans-Terre habitait tour à tour les châteaux qui environnent Honfleur, et s’occupait à peupler de daims amenés à grands frais du nord de l’Ecosse, les forêts du beau duché qu’il allait bientôt quitter pour toujours.

En 1204, Philippe-Auguste se présenta devant Honfleur, et la ville lui ouvrit ses portes avec joie. Il la donna pour apanage à Bertrand de Roncheville, chevalier tout dévoué à la cause Française.

Sous la domination paisible des Barons de Roncheville, Honfleur prit de l’accroissement et devint une cité commerçante et active, célèbre par la hardiesse et l’intelligence de ses marins.

Cette prospérité fut anéantie en 1357. La France était alors en guerre avec l’Angleterre, un parti d’Anglais s’empara de Honfleur, pilla la ville et s’y maintint trois années. « Et moult fut le pays troublé de la prinse de Honnefleu, pour l’empêchement de la rivière de Seine, qui gouverne le royaume en sa plus noble et puissante partie ».

Les Anglais fortifiés dans Honfleur et se recrutant sans cesse, commirent tant de brigandages que leur nom seul était en horreur dans toute la contrée. Les malheureux Normands disaient dans leurs prières : «Seigneur, délivrez-nous des Anglais.» N’ayant pu réussir à les chasser, on prit le parti d’acheter leur départ : un subside fut levé à cet effet dans les baillages de Rouen et du pays de Caux, et les Anglais bien pourvus d’argent, quittèrent enfin Honfleur, chargés des malédictions de toute la province.

Sous Charles V, la ville se releva de ses ruines. Ce roi plus prévoyant que ses prédécesseurs, ordonna la construction de nouveaux remparts et nomma gouverneur de Honfleur, un descendant de Charlemagne, l’illustre Amiral Jean de Vienne. Une époque de gloire et de prospérité commença alors pour la ville. De nombreux navires furent rassemblés dans son port, et Jean de Vienne dont le système consistait à prendre l’offensive et à attaquer les Anglais chez eux, dirigea plusieurs expéditions qui allèrent ravager les plus belles provinces de l’ennemi et devint aussi redoutable aux Anglais, que ceux-ci l’avaient été aux Normands. L’illustre gouverneur de Honfleur couronna sa noble carrière par la mort d’un croisé. Il fut tué à Nicopolis en 1396, et le lendemain de la défaite des Français, le Sultan Bajazet parcourant le champ de bataille, trouva le corps de l’amiral étendu sur un monceau de cadavres musulmans, et serrant encore dans ses vaillantes mains l’étendard de Notre-Dame.

En 1417, Honfleur assiégé par le Comte de Salisbury, tomba de nouveau au pouvoir des Anglais, et l’année suivante les ambassadeurs Français et Anglais s’y réunirent pour traiter des conditions de la paix, mais sans rien conclure. La Normandie se soumit à Henri V ; quelques nobles refusèrent de lui prêter serment de fidélité et s’exilèrent. Parmi eux fut Perrette de Roncheville, dame de Honfleur. Le Roi d’Angleterre confisqua ses biens, et dans la distribution qu’il fit à ses favoris des fiefs enlevés aux seigneurs restés fidèles à la France, il se réserva Honfleur.

De nombreuses révoltes eurent lieu contre les Anglais. Trois ans après le jour où ils crurent avoir étouffé dans les flammes du bûcher de Jeanne d’Arc, la résistance et la haine des Français, le maréchal de Rieux et sa petite troupe de cent quatre braves, leur reprirent Harfleur - Dieppe et Fécamp leur échappèrent de même. Honfleur subit plus longtemps la domination Anglaise. Henri VI avait pris cette ville en affection. Il y habita presque constamment en 1443, 1444 et 1445. La douceur du climat de Honfleur, le voisinage de la giboyeuse forêt de Touques, et par-dessus tout le séjour du Roi, attirèrent à Honfleur les plus puissants Barons de l’Angleterre. De beaux hôtels furent construits, les églises Saint-Léonard et Sainte-Catherine s’élevèrent, mais l’or des Anglais ne put faire oublier aux loyaux Honfleurais leur nationalité, et lorsque Charles VII entreprit de reconquérir la Normandie, ils l’envoyèrent supplier de venir assiéger leur ville. Le Comte de Dunois en prit possession au nom du Roi de France le 17 janvier 1450, et, peu après, la reddition de Caen amena l’entière et définitive réunion de la Normandie au Royaume de France.

La propriété de Honfleur fut alors rendue au Sire de La Roche-Guyon, fils de cette dame Perrette de Roncheville, qui avait refusé de se soumettre au roi d’Angleterre. Charles VII confia le gouvernement de la ville à un brave chevalier Robert de Floque, les fortifications furent séparées, et le nouveau gouverneur fit une descente en Angleterre et revint à Honfleur, ramenant plusieurs navires conquis sur les Anglais.

La fin du XVe siècle et le commencement du XVIe siècle furent glorieux pour les marins de Honfleur. Ils se signalèrent par de lointaines expéditions. Deux de leurs capitaines, Binot-Paulmier et Jean Denis, découvrirent l’un, les côtes méridionales du Brésil, l’autre l’île de Terre-Neuve, qui devint pour le commerce de Honfleur une source de richesses. Les Honfleurais étaient alors cités comme les premiers marins de France et ils comptaient aussi parmi ses plus vaillants soldats, mais déjà la vase envahissait leur port, et François Ier élevait sous leurs yeux une cité rivale, le Hâvre-de-Grâce et préparait ainsi pour Honfleur l’ère de la décadence.

Les guerres de religion ensanglantèrent la ville. Pris et repris par les protestants et les catholiques, Honfleur fut pillé et brûlé en partie. Les habitants du faubourg Saint-Léonard, catholiques fervents, soutinrent un siège dans leur église, et résistèrent avec un courage admirable. L’incendie put seul leur faire abandonner l’église. Les calvinistes la profanèrent et finirent par la faire sauter. L’explosion détruisit trois cents maisons et fit périr plusieurs habitants. Le chef protestant Saint-Nicol, auteur de cette action infâme, s’enfuit et resta impuni.

Les guerres de la Ligue vinrent ensuite, et l’histoire de Honfleur n’offre pendant ce temps que le triste récit de sièges, de pillages et d’exactions de toute sorte. La ville tenait pour la Ligue. Henri IV vint l’assiéger en personne. Elle était défendue par Georges de Crillon, frère de l’ami du Béarnais. Celui-ci écrivait à son brave Crillon « J’ai trouvé vostre frère en cette place de Honnefleu, résolu, dit-il, de s’opiniastrer contre l’exemple que vous lui avés donné de meilleur conseil ; dont je suis bien marry, pour avoir cogneu tant de valeur et d’affection en vous, qu’il me veuille faire dommaige ny entendre quoique ce soit, à mon très grand regret. Mais puisque j’en suis si avant, j’espère que Dieu me donnera aussi bonne issue de cette mienne entreprise, qu’il a fait des autres, et que l’opiniastreté de vostre frère n’apportera aucune mutation ne changement à vostre affection accoutumée à mon service, ny en la bonne volonté que j’ai toujours eue, et que je veux continuer en vostre endroit quand l’occasion se présentera de vous la faire cognoistre par effet, priant sur ce Nostre Seigneur, vous avoir Monsieur de Crillon, en sa sainte garde. (2) »
                        Henry.

L’opiniastreté de Georges de Crillon ne put tenir devant celle de Henri IV, et il se rendit après un siège de huit jours, pendant lequel le roi avait cent fois exposé sa vie. - Mais la ville ne resta pas longtemps au pouvoir de Henri. Crillon la reprit, s’y fortifia, ayant avec lui le curé de Trouville, qui de prêtre s’était fait homme de guerre, et comme il s’était emparé aussi du fort de Tancarville, il commandait sur les deux rives de la Seine. Ses soldats arrêtaient les navires, pillaient les campagnes et enlevaient partout des prisonniers qu’ils ne relâchaient que moyennant rançon. En vain l’abjuration de Henri IV avait ôté tout prétexte à la résistance, celle de Crillon se prolongea jusqu’en 1594. Une armée de dix mille hommes commandés par le duc de Montpensier et le maréchal de Fervacques, vint alors assiéger Honfleur. Crillon se défendit énergiquement. Plus de sept mille coups de canon furent tirés sur la ville. Enfin, pour la seconde et dernière fois, Crillon capitula, et remit les clefs de la ville aux chefs royalistes.

Il fallut plusieurs années pour effacer tant de désastres. En 1603, les fortifications étant réparées, Henri IV visite Honfleur. Il y fut reçu avec de grands honneurs, et cette affection qu’il savait si bien inspirer à ses nouveaux sujets.

Pendant le XVIIe siècle, les essais de colonisation au Canada, les armements pour Terre-Neuve, et la construction de nombreux vaisseaux de guerre entretinrent l’activité du port de Honfleur.

Jusqu’alors la ville avait conservé son aspect féodal : ses tours et ses remparts la protégeaient encore, mais fidèle à la politique de Richelieu et de Mazarin, Louis XIV les fit abattre. Duquesne vint à Honfleur et constata la nécessité d’y creuser de nouveaux bassins ; mais on ne donna pas suite à ces projets dont l’exécution eut été cependant pour la cité démantelée une légitime compensation. La chûte de cette tour carrée, bâtie par l’ordre de Charlemagne, et sur laquelle avaient flotté les étendards victorieux de Philippe-Auguste, de Charles VII et de Henri IV, fut en quelque sorte le présage funeste d’un amoindrissement progressif. La ville découronnée cessa d’être le boulevard de la Normandie : les calamités qui l’assaillirent pendant la guerre de 1755 à 1763 achevèrent sa ruine, et le Havre se fortifia de plus en plus et devint à son tour pour la France et l’ennemi, le point redoutable de l’attaque et de la défense.

Mais bien que la cité de Honfleur ne soit plus à l’avant-garde, elle est encore une pépinière de braves marins destinés à perpétuer ses glorieuses traditions. Actifs, robustes, pleins de confiance en Notre-Dame-de-Grâce, ils gardent l’empreinte des siècles passés comme les rochers de leurs falaises ont gardé la trace des boulets anglais. Le commerce et la paix n’ont pu effacer la rivalité des deux peuples, et les boulets rouillés qu’on retrouve encore ça et là sur les grèves de la Normandie, flotteront plutôt sur les eaux que ses fiers enfants n’oublieront la martyre de Rouen et le prisonnier de Sainte-Hélène.

Aujourd’hui le sanctuaire de Grâce est l’unique forteresse qui protège la vieille cité. Paisible et hospitalière, elle ne menace plus, elle attire vers ses doux rivages de nombreux voyageurs qui subissent le charme de cette atmosphère pieuse et sereine, et des pélerins plus nombreux encore, qui apportent aux pieds de la divine Suzeraine l’hommage et le tribut des cités rivales et des contrées lointaines.


CHAPITRE II

LA CHAPELLE

LES RR. PP. CAPUCINS A NOTRE-DAME-DE-GRACE


                                 Laudato sia mio Signore
                            Per quelli que perdonano per lo tuo amore
                            Et sosteneno infirmitate et tribulatione :
                            Beati queli que sostenerano in pace :
                            Che da ti altissimo serano incoronati.
                             Ste-FRANCESCO. CANTICO DE LE CREATURE.
                                    
Loué soyez-vous, mon Seigneur, à cause de
                            ceux qui pardonnent pour l’amour de vous, et qui
                            soutiennent patiemment l’infirmité et la tribula-
                            tion ! Heureux ceux qui persévéreront dans la
                            paix ! C’est le Très-Haut qui les couronnera.


Après avoir parcouru quelques rues tortueuses, bordées de petites maisons ornées de fleurs, et entremêlées de jardins, on arrive à la belle allée qui, depuis 1832, sert d’avenue au plateau où s’élève la chapelle. Des arbres touffus, des charmilles aux racines noueuses en soutiennent les bords, et les pélerins cheminent doucement sur cette pente ombragée. Souvent des marins sauvés du naufrage, des femmes inquiètes, montent cette côte pieds nus, les uns en chantant le Magnificat, les autres en priant pour de chers absents. Leurs regards ne s’arrêtent guères sur le splendide paysage, mais s’il importe peu à ces coeurs illuminés des vives clartés de la foi, que la baie soit immense et ses rives enchantées, le voyageur incroyant a senti souvent son coeur s’émouvoir et son âme s’élever devant ce spectacle magnifique. A mesure qu’il monte, l’horizon grandit, et les navires qui sillonnent la baie n’apparaissent plus que comme des points noirs dans l’azur agité des flots. L’antique Lillebonne, Orcher, la vieille abbaye de Saint-Georges-de-Boscherville, Harfleur et son clocher, svelte aiguille de pierre où la cloche sonne cent quatre coups tous les matins en souvenir des cent quatre braves qui reprirent la ville aux Anglais, le Havre et sa forêt de mâts, les phares du cap de la Hève et la petite chapelle de Notre-Dame-des-Flots, se dessinent le long des côteaux de la rive droite. Du pied du grand crucifix placé en haut de l’avenue, la perspective s’étend encore à gauche : c’est la pleine mer, le ciel, l’infini. Arrivés là, les pélerins s’agenouillent et prient, avant d’entrer à la chapelle ; et souvent les femmes des marins absents interrompant leur prière, interrogent du regard l’immensité des flots, et cherchent à reconnaître dans le lointain la voile des barques attardées.

A quelques pas du calvaire, la falaise escarpée, haute de cent mètres, descend brusquement dans la mer. En vain s’attache à ses flancs ravinés un manteau de verdure, en vain les chênes et les robustes charmilles se cramponnent à ses roches moussues, chaque hiver les vents et les flots emportent un débris de ces pentes mouvantes où sont ensevelies les ruines de l’ancien sanctuaire de Notre-Dame-de-Grâce.

Située à peu de distance de la croix, la chapelle actuelle est petite. Les arbres de haute futaie et les belles pelouses qui l’entourent contrastent avec ses humbles dimensions. Ce porche rustique, ce clocher lézardé ne présentent aux yeux que des lignes sans beauté. C’est Bethléhem, c’est la crèche, et les enfants de Saint-François qui desservirent cette chapelle au siècle dernier semblent lui avoir imprimé ce cachet d’austère pauvreté si cher au séraphin d’Assise.

A l’intérieur, tout est pauvre et décent. La voûte basse et les fenêtres obscurcies par l’épais feuillage des arbres environnants, laissent régner à toute heure un demi jour mystérieux et voilé. - Du côté de l’Evangile, à l’angle formé par l’entrée du choeur et le transept nord, la statue de la Sainte Vierge est placée sur un pilastre tronqué. Un dais, dont l’étoffe taillée en baldaquin redescend de chaque côté, l’encadre comme une sorte de niche. Elle est revêtue d’un grand manteau de soie dont la partie antérieure s’entrouvre pour dégager l’Enfant Jésus, porté par sa sainte mère, et paré comme elle d’une couronne d’or.

Aux pieds de Notre-Dame sont placées de petites ancres ; des coeurs d’argent de vermeil brillent sur le dais, et l’on voit, suspendus à la grille qui protège le soubassement, une quantité de petits bouquets de fleurs, humbles hommages des pauvres et des enfants. Les béquilles des infirmes guéris sont aussi là comme les trophées victorieux de la prière, dont les cierges allumés et sans cesse renouvelés auprès de la sainte image, attestent la persévérante ardeur. - Au-dessus de la porte de la sacristie on voit le tableau commémoratif du pèlerinage que firent à Notre-Dame-de-Grâce sept cents paroissiens de Saint-Laurent de Paris, sous la conduite de leur éloquent et zélé pasteur, M. l’abbé Duquesnay. L’éclat de la dorure et des broderies s’accorde avec la date récente du 8 septembre 1863. C’est un témoignage collectif et édifiant de la piété des serviteurs de Marie, un gage fraternel offert par la grande cité aux pieux marins de Honfleur, qui ont su fixer sur un rocher du Calvados le nom et les faveurs de Notre-Dame-de-Grâce.

La sainte tradition des sauvetages miraculeux est inscrite sur toutes les murailles de la chapelle, qui est tapissée d’ex-voto dont plusieurs ont plus de deux cents ans de date. Rien n’est plus expressif que ces pauvres petits tableaux représentant les navires battus par la tempête, ou brisés sur les écueils, et au bas desquels on lit le récit abrégé des périls courus et du salut envoyé. C’est le laconisme du journal du bord et l’éloquence énergique du navigateur chrétien dont l’oeil a mesuré le danger, et constaté la puissance surhumaine du pilote qui l’a conjuré. - Le nom du capitaine, celui du navire, sont apposés au bas du tableau avec la date du fait et de l’offrande. Plusieurs de ces ex-voto remontent au commencement du règne de Louis XIV. En parcourant l’échelle des âges on retrouve, sans se lasser d’admirer, la même conformité de sentiment dans la variété infinie des accidents maritimes.

A voir ainsi toutes ces épaves de l’Océan rangées avec ordre dans ce port de salut, on est porté à croire qu’elles ont dû y conserver toujours le calme et la sécurité d’un asile inviolable. Cependant il n’en est rien. Un jour Dieu a permis que le souffle de l’enfer souleva dans les âmes perverties une de ces tempêtes qui mettent en péril tous les témoignages éclatants de la foi, alors même qu’ils ont reçu la triple consécration du malheur, de l’héroïsme et de la mort. Le flot sacrilége de 93 est monté jusqu’au faîte de la côte de Grâce ; il s’est rué sur les ex-voto aussi bien que sur les reliquaires et le trésor des cathédrales et les tombes de Saint-Denis. Il a tout dispersé, mais plus favorisés que les richesses de l’Église et les cendres royales, les pauvres petits navires des naufragés de Honfleur, conduits par les voies mystérieuses d’un second sauvetage, sont venus reprendre leur mouillage paisible dans le vieux sanctuaire. Ils sont là comme auparavant, rangés sur les murs ou suspendus à la voûte, et affirmant par ce retour inespéré l’authenticité et la permanence de l’intervention miraculeuse dont ils rendent deux fois témoignage.

L’origine du pèlerinage de Notre-Dame-de-Grâce remonte au XIe siècle. La tradition rapporte que vers l’an 1034 Robert-le-Magnifique, duc de Normandie, faisant voile vers l’Angleterre, fut assailli d’une violente tempête, et qu’au plus fort du danger il promit de fonder trois chapelles et de les consacrer à la Sainte Vierge s’il revenait sain et sauf dans ses États. La tempête cessa, et le prince, aussitôt de retour, s’occupa d’accomplir son voeu. Il fit bâtir l’une des chapelles promises à Harfleur, près de son château, et la dédia à Notre-Dame-de-Pitié, une autre, près de Caen, qu’il appela Notre-Dame-de-la-Délivrande, et la troisième, construite sur le plateau qui domine Honfleur, reçut le nom de Notre-Dame-de-Grâce.

Cette chapelle fut d’abord desservie par des chapelains désignés par les fondateurs. Elle ne tarda pas à devenir un lieu de pèlerinage très-fréquenté, mais le premier document authentique qui soit resté sur son histoire est fourni par des lettres patentes du roi Louis XI, qui, le 28 janvier 1478, fit don de la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce à la collégiale de Notre-Dame-de-Cléry. Ces lettres témoignent que la chapelle était dotée d’une certaine étendue de terrain, contenant une maison d’habitation, une grange, etc., etc.

Un violent tremblement de terre, arrivé le 29 septembre 1538, fit écrouler la chapelle et engloutit la partie de la falaise sur laquelle s’étendaient ses dépendances. Seuls un pan de muraille, un autel et une statue de la Sainte Vierge restèrent debout, et telle était la dévotion du peuple à ce lieu privilégié que de nombreux pélerins continuèrent à venir prier auprès de ces débris ; mais les éboulements ne cessant pas, on finit, en 1602, par enlever les derniers vestiges du sanctuaire afin d’empêcher les fidèles d’exposer leur vie.

Les Honfleurais regrettaient leur chapelle, et l’un d’eux, M. Gonnyer, entreprit d’en élever une nouvelle. Il en fit creuser les fondations à cent pas environ de l’ancienne, vers le sud-ouest, mais il en resta là, faute d’argent et de protections. Le terrain sur lequel il avait commencé à bâtir appartenait à Mademoiselle de Montpensier, comtesse de Roncheville et dame de Honfleur, et il fallait obtenir son autorisation. M. Gonnyer s’adressa alors au marquis de Fontenay, intendant des biens de la princesse, et celui-ci obtint d’elle le don d’un acre de terrain, et la permission de choisir huit chênes dans la forêt de Touques pour construire la charpente du nouvel édifice. Les offrandes des habitants de Honfleur firent le reste, et en moins d’une année, en 1613, la chapelle s’éleva ; mais elle se ressentait de la pauvreté qui régnait alors en France ; ce n’était qu’un petit bâtiment trois fois aussi long que large, couvert en chaume, isolé au milieu des bruyères, et ressemblant plutôt à une grange qu’à un oratoire. - Cependant les chanoines de Cléry revendiquèrent leurs anciens droits sur la chapelle de Grâce, mais ils ne furent pas écoutés, et un arrêt du Parlement de Normandie, après avoir constaté que le nouveau sanctuaire n’était pas construit sur le terrain donné à la collégiale de Notre-Dame-de-Cléry par Louis XI, les débouta de leurs prétentions.

Ce fut alors que les RR. PP. Capucins vinrent s’établir à Honfleur, sur l’invitation du gouverneur de la ville, Étienne de la Roque. M. de Fontenay obtint de Mademoiselle de Montpensier, que ces religieux seraient mis en possession de la chapelle et des terrains avoisinants. Les Capucins furent donc installés à Notre-Dame-de-Grâce le 16 mars 1621, par M. L’abbé Durand le Saulnier, délégué à cet effet par Mgr l’évêque de Lisieux, et en signe de prise de possession, ils plantèrent une grande croix de bois sur le lieu même où avaient été les ruines de l’ancienne chapelle.

Tels sont les seuls renseignements qui nous restent sur l’établissement de la famille Franciscaine sur la côte de Honfleur. Le voyageur chrétien qui lira ces lignes trouvera aisément dans ses souvenirs pieux et ses sympathiques aspirations la justification de l’acte du magistrat Honfleurais. Il n’en sera pas de même du touriste libre penseur qui croit voir dans l’expulsion des religieux et la spoliation des couvents en Italie et en Pologne la marche naturelle du progrès, le triomphe de la liberté de conscience, et l’anéantissement définitif de l’influence cléricale et des ténèbres du moyen-âge. En effet, pour le vandale, ganté et ignorant de la démocratie contemporaine, tout ce qui est marqué du signe de la croix dans le passé et dans le présent, se confond et se résume dans ces deux formules, qui du reste sont parfaitement en rapport avec la mesure de son érudition et de son intelligence. - Quant au philosophe attardé de l’école du XVIIIe siècle, son antipathie pour les ordres religieux est moins menaçante. Effrayés par les commotions révolutionnaires de 93 et de 1848, les derniers voltairiens sont devenus conservateurs. Inquiets des progrès de la libre pensée ils conviennent et même ils professent que les religieux capucins, bénédictins et trappistes, ne sont pas seulement des hommes qui ont les pieds nus, la tête rasée, de longues barbes et un vêtement singulier, mais qu’ils ont rendu autrefois de grands services aux lettres, à l’agriculture et à la société toute entière en des jours de calamité. Et, s’ils étaient bien sûrs que l’existence et l’influence des ordres monastiques puissent leur offrir des garanties pour leur repos et leurs rentes, bien loin de voter pour l’ostracisme avec le Siècle et l’Opinion nationale, ils accorderaient généreusement et sans examen, un brevet d’instituteur au jésuite, l’exploitation d’une ferme modèle au trappiste, et au frère de Saint-Jean de Dieu et au capucin, le service d’un hôpital et d’un poste de pompiers.

Nous tenons pour certain qu’Étienne de la Roque entrevoyait au moins tous ces avantages à travers les ténèbres du moyen-âge et le fanatisme clérical qui pesaient encore sur la France au XVIIe siècle. - De plus, ce magistrat chrétien, sollicité par l’intérêt d’une cité populeuse, avait compris qu’il lui fallait des aides, des auxiliaires actifs, dévoués et charitables, afin de pourvoir à des besoins moraux en présence desquels l’administration la mieux organisée est toujours impuissante. Il savait que l’apostolat des ordres monastiques était nécessaire pour former et maintenir entre les riches et les pauvres les liens de la charité, régler la vie opulente des uns et adoucir les souffrances des autres, et communiquer à tous, en prêchant d’exemple, le secret de bien vivre et de bien mourir.

C’est pour cela, sans doute, qu’Étienne de la Roque appela les Capucins à Honfleur. Qui pouvait, en effet, mieux remplir cette mission que cette humble et généreuse milice de Saint-François, que ces pauvres volontaires, devenus à l’exemple de leur saint fondateur les chevaliers errants de l’amour divin, marchant à sa suite et comme lui sous l’étendard des stigmates du Christ, servant Dieu, et honorant la sainte pauvreté en souvenir de Bethléhem et de Nazareth, et aussi parce qu’elle est à la fois la plus méprisée et la plus générale des conditions humaines.

A défaut d’enquête positive, nous pouvons affirmer que l’installation des RR. PP. Capucins à Honfleur en 1621 ne peut être autrement motivée.

L’année précédente, 1620, M. de Fontenay était tombé dangereusement malade à Paris. Les médecins ne conservaient plus aucun espoir de guérison : dans cette extrémité le malade se recommanda à Notre-Dame-de-Grâce, dont il était depuis plusieurs années l’économe zélé, le serviteur infatigable. Bientôt après il perdit connaissance et tomba dans un sommeil léthargique, si bien qu’on le crut mort et que ses serviteurs le revêtirent de l’habit de Franciscain dans lequel il avait demandé à être enseveli. On sonna les cloches à sa paroisse et même à Honfleur, où la nouvelle de sa mort fut envoyée. Mais au bout de sept heures de léthargie, M. de Fontenay s’éveilla, demanda ses habits ordinaires et alla se mettre à table. Il vécut encore vingt ans, s’employant avec plus de zèle que jamais à servir la bonne maîtresse qui lui avait rendu la santé. Cet homme de bien mourut à Honfleur en 1640 et fut enterré dans l’église Sainte-Catherine.

Après sa mort, les pères Capucins supprimèrent les quêtes qu’il faisait faire pour l’entretien de la chapelle et ne voulurent plus d’autre économe que la Providence. Elle ne leur fit pas défaut : Les pélerins affluèrent à la chapelle que le Pape Paul V avait dotée d’une indulgence plénière, et tous, pauvres, riches, gentilshommes et matelots, s’empressèrent de compléter et d’orner le petit sanctuaire. M. de Meautry et le marquis de Fatouville d’Hébertot firent construire les deux chapelles latérales. Le choeur fut ajouté au moyen des aumônes des fidèles. M. de Villars en actions de grâces de la guérison de son fils, donna la somme nécessaire pour couvrir l’édifice en ardoises. M. d’Herbigny paya les faîtages en plomb et Mme l’Abbesse de Montivilliers donna en 1630 les ormes que le Père Michel-Ange planta autour de la chapelle, et qui la défendent encore contre les vents et abritent aux jours de fêtes les nombreux pélerins que le petit sanctuaire ne peut contenir. Vers la même époque, le frère Constance, qui était un ingénieur distingué et que le gouvernement avait employé à diriger d’importants travaux hydrauliques exécutés à la citadelle du Havre, à Brest et à Belle-Ile, entoura la chapelle d’un pavé destiné à l’assainir et construit une citerne qui existe encore.

Il semblait qu’une donation faite par une princesse et confirmée par l’arrêt du Parlement de Normandie, aurait dû assurer aux bons pères Capucins la paisible jouissance du terrain environnant la chapelle. Il n’en fut rien cependant, et plusieurs procès vinrent mettre leurs droits en question. Il serait long et fastidieux de les raconter ; un seul trait suffit pour les caractériser : certains voisins prétendaient retrouver auprès de la nouvelle chapelle leurs terres englouties avec l’ancienne. Fidèles à l’esprit de leur ordre, les bons pères aimèrent mieux céder que de contester, et abandonnèrent aux envahisseurs Normands une partie de leur chétif domaine. Ils plantèrent un petit jardin, qui fut pillé, mais ce qui les affligea davantage, leur croix de bois fut renversée trois fois par des mains inconnues, et enfin brisée et souillée. Ils la remplacèrent par une croix de pierre que leur donna M. Thierry, et qu’ils posèrent plus près de la chapelle que ne l’avait été la première.

Peu après ces nuages se dissipèrent. La patience des bons pères désarma leurs ennemis, et, lors des pestes terribles qui ravagèrent Honfleur en 1636 et 1649, on vit les Capucins au chevet des malades, distribuant partout les secours spirituels et temporels, ensevelissant les morts et donnant l’exemple d’un courage et d’une charité sans bornes. La reconnaissance et l’admiration de toute la contrée furent acquises alors aux bons religieux. Chacun s’empressa d’améliorer leur situation, et les gardiens de la chapelle devinrent aussi populaires que la chapelle elle-même.

Alors, comme aujourd’hui, le pèlerinage de Notre-Dame-de-Grâce était surtout cher aux marins. Ces hommes qui vivent en présence de la mort, entre cet Océan, tombe toujours ouverte, et le ciel où le calme et les tempêtes se succèdent à l’ordre d’un commandant invisible et tout puissant, ces hommes ont la foi simple et naïve des petits enfants, et leur coeur intrépide est fidèle à l’étoile de la mer, comme l’aiguille aimantée l’est au pôle.

Aussi avons nous vu que les ex-voto les plus nombreux et les plus intéressants de la chapelle ont été offerts par des marins. L’appendice joint à la présente notice renferme le récit de quelques-uns des sauvetages, que M. l’abbé Vastel copia sur le manuscrit des pères Capucins. Il eut été facile de donner à ces courtes narrations une forme plus littéraire, mais elles y eussent perdu leur caractère de vérité naïve. Les braves matelots qui arrivaient pieds nus à la chapelle racontaient leurs dangers et leur délivrance en peu de mots : le père gardien transcrivait en quelques lignes, on signait, et souvent une nouvelle troupe de pélerins qui attendait son tour, appelait le bon père et le pressait de finir. Il en résulte que ces récits par leur brièveté même offrent une certaine monotonie. - Il n’en est pas de même à la chapelle où cette foule de petits navires peints sans art, les uns démâtés, les autres à demi renversés sous des vagues énormes, ces naufragés flottant sur les débris de leurs embarcations, ou nageant en pleine mer, présentent une suite de scènes émouvantes qu’on ne se lasse pas de regarder. Quelle que soit l’inhabileté des peintres qui les ont représentées, le bruit des vagues, cette plainte incessante qui résonne sous la voûte de la chapelle, semble animer ces naïfs tableaux et retracer à l’imagination du spectateur l’effrayante réalité des tempêtes, les angoisses des marins et les gémissements de ceux qui les attendent au rivage.

Autrefois les pélerins montaient à Notre-Dame-de-Grâce par un sentier qui serpente sur le versant oriental du côteau et d’où l’on découvre toute la ville, le port, les collines de la rive gauche et l’entrée du fleuve dans la baie. Le nouveau chemin plus court, plus facile et d’où l’on domine une perspective plus belle et plus étendue a fait délaisser l’ancien. Mais le sentier tortueux du Mont-Joli restera toujours cher aux pélerins qui explorent la côte de Grâce pour chercher et raviver le souvenir de leurs pieux devanciers. C’est par ces pentes abruptes que passa Mgr. de Belsunce, lorsqu’il vint à Honfleur en 1723 accomplir le voeu qu’il avait fait à Notre-Dame-de-Grâce pendant la peste de Marseille. Il fut reçu à Honfleur dans le couvent des RR. PP. Capucins, et ceux-ci pleins d’admiration pour leur hôte, notèrent avec soin tous les incidents de son pèlerinage. - Voici leur récit, qui nous montre dans toute sa noble simplicité, l’illustre évêque de Marseille gravissant l’âpre sentier le crucifix à la main, les pieds nus et ensanglantés, et imitant saint Charles Borromée dans sa prière d’actions de grâces, comme il l’avait imité dans son héroïque dévouement.

« Le vénérable évêque de Marseille arriva à Honfleur le 10 mai 1723 à 4 heures du soir, il fut reçu par le clergé de Sainte-Catherine, Saint-Etienne, Notre-Dame et Saint-Léonard, et par Messieurs de l’administration.

Le 12, à dix heures du matin, le son des cloches se fait entendre ; les prêtres se rendent  au couvent des RR. PP. Capucins. Le peuple de la ville et des environs encombre la rue et le chemin par où le cortège doit passer. A 11 heures, la procession sort du cloître. Les pères Capucins ouvrent la marche, n’ayant pour ornement que leur antique croix de bois. A côté du R. P. gardien marche sa Grandeur, pieds nus ; son visage vénérable est inondé de pleurs. Il tient dans ses mains l’image du Sauveur crucifié. Le chemin est impraticable ; les pieds de ce bon pasteur sont écorchés et pleins de sang. Il arrive au sommet du côteau, porte ses regards sur le Calvaire, adore la croix, et bénit le peuple en silence.

Avant d’entrer dans le sanctuaire dédié à Marie, ce digne pasteur s’agenouille sur la terre et prie, en élevant les yeux vers le Ciel, sous le modeste portail couvert en chaume. Le père gardien desservant la chapelle présente la croix à sa Grandeur, qui reçoit aussi l’eau bénite. Monseigneur la présente au peuple et au clergé. Au moment où le père gardien s’apprête à l’encenser, Monseigneur prend l’encensoir des mains du Père et encense l’image de Marie en disant : Sancta Maria.

Monseigneur se prosterne devant la Très-Sainte Vierge et prie en silence, puis élevant la voix, il consacre à Marie sa bonne ville de Marseille et il demande à la Reine du ciel de protéger notre cité et ses habitants. Ensuite il monte à l’autel et fait une courte allocution, publiant la grandeur et les bienfaits de la Sainte Mère de Dieu. Aussitôt commence la messe qui est suivie du Regina Cæli et du Te Deum.

La procession retourne dans le même ordre sa Grandeur étant au Calvaire a chanté l’antienne Christus delivit. Après le verset et l’oraison Monseigneur a donné la bénédiction pontificale ; puis se tournant vers la mer il a béni les navires.

La procession de retour au couvent des pères Capucins, l’illustre pontife s’est reposé. Immédiatement après il a visité les églises et les personnes notables de la ville.

Le 14, Mgr. de Belsunce a officié pontificalement à Sainte-Catherine. Il était accompagné de son grand vicaire. Il est reparti de notre ville le 15, laissant aux pauvres des marques de sa libéralité. (3) »


CHAPITRE III

LA RÉVOLUTION

                                Deus qui das vindictas mihi, et subdis
                                populos sub me.
PS. XVII, V. 48.
                               
C’est Dieu qui prend soin de me venger, et sa
                                parole m’assujettit les peuples
.

C’est en vain que la foi des peuples et tant de grâces répandus par Notre-Dame, semblaient devoir protéger l’humble sanctuaire et les religieux qui le desservaient. L’heure des profanations allait sonner dans la France entière : la Révolution éclata, et toutes les communautés furent dissoutes. A Honfleur on espéra un moment garder les Capucins. Une pétition rédigée dans ce but par M. Allais, curé de Ste-Catherine, et M. Baudin, curé de St-Léonard, fut lue dans une assemblée générale des habitants de Honfleur, le 10 novembre 1790. « La suppression des communautés, disaient les pétitionnaires, nous fait craindre d’être privés des secours importants que nous retirons des Capucins de cette ville. Ces religieux se sont dans tous les temps, prêtés à obliger la ville et les campagnes voisines, et par la droiture de leurs intentions et la justice de leurs procédés, ils se sont attirés l’estime et la confiance publique……. Il y a encore » ajoutaient-ils « une petite chapelle, située sur la côte de Grâce, sous l’invocation de la Très-Sainte Vierge, qui est en grande vénération dans toute la contrée, et nous demandons sa conservation. »

Les habitants de Honfleur appuyèrent cette demande et adressèrent leur pétition à l’Assemblée Nationale, mais elle eut le sort de bien d’autres. Deux mois après, on réclamait de tous les ecclésiastiques le serment politique. Les Capucins le refusèrent, et lorsque Fauchet, l’évêque constitutionnel du Calvados, vint faire sa première visite à Honfleur, en mai 1791, ils refusèrent de le recevoir. Ce fut le signal de leur dispersion. Ils étaient alors au nombre de huit : le père Firmin, gardien, les pères Hémery, Hugues, Gélas, Henry et Norbert, vicaires, Gerbold et Martin, frères lais. Tous se retirèrent au couvent de leur ordre qui existait alors à Lisieux, et qui ne tarda pas à être supprimé.

Leur maison de Honfleur fut occupée par la gendarmerie, puis vendue plus tard à des personnes qui la démolirent.

Honfleur avait alors pour maire un de ses plus respectables habitants, M. Cachin. Il forma le projet d’acheter la chapelle, déclarée propriété nationale, afin de la préserver de toute profanation et de conserver comme lieu de promenade publique, les terrains plantés d’arbres qui l’entouraient. Il s’adjoignit à cet effet plusieurs notables de la ville : MM. Nicolas-Thibault Lion, Jean Daufresne, Chauffer de Barneville, Lecesne du Puits, Gentien Lecesne, Louis-Robert Morin ; Henry-Thomas Quillet, Fossard et Jean-Baptiste Coquerel. Une souscription fut ouverte par leurs soins. Les principaux souscripteurs furent :

Le père Henry, capucin, pour plusieurs personnes………………………..  102 livres.
J.-B. Hamelin………………………..   24  »  »
Pierre-Louis Luce………………………..  12  »  »
Hébert-Desrocquettes………………………..   48  »  »
L’abbé Charles Delaunay………………………..  120  »  »
Coudre Lacoudrais……………………….. 100  »  »
La Chambre maritime……………………….. 374  »  »
Bruneau, négociant………………………..    30  »  »
Lecarpentier, procureur de la commune………………………..      50  »  »
La Société des amis de la Constitution………………………..  777  »  »
Quête dans le quartier St-Léonard………………………..     291  »  »
Quête dans le quartier Ste-Catherine……………………….. 468 »  »
La 5me compagnie de la garde nationale………………………..   41 »  »

La ville de Honfleur complèta la somme.

Le 17 février 1791, M. Cachin et, ses associés achetèrent des administrateurs du district de Pont-l’Evêque la chapelle de Grâce et ses dépendances, moyennant 3525 livres, puis ils en firent don à la ville de Honfleur, et le père Victor, capucin, fut chargé de desservir la chapelle. Mais ce ne fut qu’un instant de trève : l’administration changea, et la démagogie triomphante accomplit son oeuvre sacrilége. En 93 la chapelle fut pillée et transformée en taverne, l’antique statue fut anéantie « Et ceux qui venaient naguères y prier et demander des grâces, s’oublièrent jusqu’à commettre des orgies dans un lieu où tout, jusqu’aux murailles, leur reprochait leur apostasie. (4) »

A l’époque du concordat, la chapelle fut enfin rendue au culte. Hors un seul autel, oublié dans un coin obscur, rien ne restait dans son enceinte souillée. Elle fut réconciliée, garnie peu à peu des objets indispensables, et quelques prêtres y vinrent de temps à autre célébrer les saints mystères. En 1805, le Conseil municipal de Honfleur présenta M. l’abbé Berthelot à la nomination de Mgr. l’évêque de Bayeux. Le nouveau chapelain s’occupa activement de recomposer le mobilier de la chapelle, mais tout était à faire, les dons étaient rares et M. Berthelot entraîné par son zèle, contracta des dettes qu’il ne put payer. Il en fit l’aveu dans une lettre touchante qu’il adressa au Conseil municipal de Honfleur et qui fut comme le testament de ce bon prêtre. Il mourut deux mois après l’avoir écrite, et les Honfleurais tinrent à honneur d’acquitter toutes ses dettes, se montant à la somme de 16,214 fr.

M. l’abbé Fossé, vicaire de Sainte-Catherine, succéda à M. Berthelot et desservit la chapelle de 1818 à 1822. Cette année-là, Mgr. de Bayeux nomma chapelain M. l’abbé Vastel, homme instruit et prédicateur distingué. Vicaire à Barneville avant la révolution, il avait émigré en Pologne, et revenu après dix ans d’exil, il dirigeait à Honfleur une école secondaire, et avait publié un essai historique sur cette ville. Il desservit la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce jusqu’à sa mort, arrivée en 1839, et n’épargna rien pour rendre au pèlerinage son ancienne popularité. Mais les temps étaient difficiles et plusieurs passages de la notice qu’il publia sur la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce témoignent de la profonde tristesse qui remplissait son coeur sacerdotal : « Toutes les indulgences obtenues pour ceux qui visitaient la chapelle, dit-il, sont éteintes, et n’ont plus de valeur, tout ayant été changé à la révolution, chapelains, autels, office même, religion, piété et ferveur……. sous prétexte de remédier à un mal apparent, on en a commis un réel, la liberté est une idole que chacun taille à sa fantaisie. Les uns l’enchaînent, les autres la déchaînent, et personne ne lui donne une forme humaine……. Dieu est presque méconnu, la piété n’est plus d’usage et les temples sont à peu près abandonnés. »

M. Vastel mourut en 1839, et après quelques débats occasionnés par le droit que prétendait avoir le Conseil municipal de Honfleur de désigner au choix de l’Évêque le nouveau Chapelain, Mgr l’évêque de Bayeux, nomma de motu proprio, M. l’abbé Aubert qui dessert actuellement la chapelle.

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Dans une froide matinée de février 1848, alors que les vents d’hiver ébranlaient les arbres et gémissaient autour de la petite chapelle, une femme pauvrement vêtue, belle encore, quoique au déclin de l’âge, vint s’agenouiller aux pieds de Notre-Dame-de-Grâce. Elle entendit la messe, communia, et quitta l’église après une longue prière. Personne ne l’avait remarquée à cette heure matinale et l’eut-on fait, qui se serait étonné de voir à la chapelle, les yeux fatigués de larmes, une femme, une mère aux cheveux blancs ? Jamais cependant pareilles douleurs n’étaient venues là chercher refuge et consolation. De ce front qui s’inclinait venait de tomber une couronne. Marie-Amélie fugitive ignorait le sort de ses enfants, abandonnait des tombes chéries et prête à s’éloigner à jamais de ce beau royaume où elle avait semé tant de bienfaits et répandu tant de pleurs, elle était venue confier à la Mère de douleurs, ses dernières espérances. Celui qui, la veille encore, était Roi, l’attendait près de là, caché dans la maison d’un ami. S’il fut venu, instruit par l’adversité, s’agenouiller auprès de la Reine, s’il eut prié comme elle, l’âme toute chrétienne de Marie-Amélie eut tressailli de joie, et le Te Deum eut jailli de son coeur à demi brisé. Mais il ne vint pas à la chapelle, et le soir même, les deux époux prirent ensemble la route de l’exil, lui, courbant la tête et subissant la peine du talion, elle, partageant l’expiation, abreuvée de douleur, mais les yeux fixés vers l’éternelle patrie.

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Tandis que le flot de la prospérité commerciale caresse et favorise le développement de la ville et du port du Havre, Honfleur reste stationnaire et semble même s’amoindrir, si l’on ne veut reconnaître le signe de la prospérité d’une ville que dans l’accroissement de ses richesses et de sa population, sans tenir compte de la démoralisation et des misères de toute espèce qui en sont le complément ordinaire. Le Havre, c’est le siège des armateurs et des spéculateurs cosmopolites qui luttent dans la sphère commerciale d’où sort la fortune ou la ruine des uns et des autres. C’est là que règnent l’activité dévorante de l’agiotage, la soif insatiable des richesses, l’avidité sans frein et le travail sans trève.

A la même distance de Honfleur, mais sur la même côte, le nom obscur de Trouville a conquis tout à coup une étonnante célébrité. Sa plage unie et sablonneuse est devenue le rendez-vous annuel de la fashion parisienne. Dès que les salons et les foyers des théâtres sont fermés, les quadrilles brillants prennent leur course vers ce point, et la plage déserte se couvre de laquais vêtus en grands seigneurs, de beaux messieurs habillés en palfreniers, mais portant des voiles verts pour tempérer les ardeurs du soleil et conserver leur teint. Les femmes, au contraire, bottées et coiffées comme des pages ou des mousquetaires, se promènent la canne à la main, parlant haut en public et fumant aux fenêtres. Puis, à l’heure voulue, cette population extravagante de comtes, de marquis, d’acteurs, de danseuses, de banquiers et de princesses, se baigne et tritonne pêle-mêle, sous les yeux des enfants et des valets.

Entre ces deux Babylone, celle où retentissent nuit et jour les clameurs du travail et les mugissements du veau d’or, et celle où l’opulente oisiveté étale au grand soleil son impudence et sa dégradation, l’aimable et antique cité de Honfleur, abritée par le sanctuaire de Notre-Dame-de-Grâce, conserve intacts son caractère patriarcal et sa paisible activité. Elle voit sans regret la vase qui retrécit son port, et les galets amoncelés sur ses rivages, puisqu’ils la préservent des périls de la cupidité et des corruptions de l’oisiveté en vacance. - L’étranger peut parcourir à toute heure ses rues tranquilles, jamais il n’y rencontre un visage effronté, jamais une voix insolente n’offense ses oreilles. - Les hommes travaillent, construisent des navires, réparent la barque et les filets, ou se reposent en attendant la marée montante. Modestes et laborieuses, les jeunes filles cousent, assises aux fenêtres, ou sur le seuil des maisons, près de leurs mères, et des enfants, tout occupés à faire flotter de petits bateaux sur les eaux limpides qui descendent du côteau. - C’est du côteau aussi que viennent ces traditions d’honneur et de chasteté. A Honfleur comme à Chartres, on est dans le domaine de Marie, et l’éclat de sa couronne semble se refléter sur le front candide des jeunes filles, sur les traits hâlés, intelligents et nobles de leurs parents.

Faut-il donc après cela tant vanter le fracas des villes opulentes, et dédaigner celles qui vivent dans un ordre régulier de travail et de paix ? Pour nous le choix n’est pas douteux, et les familles que la divine Providence a placées dans un centre moins agité ne doivent pas envier le sort de celles qui se forment et se dispersent dans les campements incertains et sur les pentes volcanisées des villes naissantes. - Les enfants grandissent mieux là où s’épanouissent les fleurs et où chantent les oiseaux du ciel. La maison rebâtie sur de vieilles murailles est plus solide et plus saine que celle qui s’élève sur des marais desséchés. Les boulevards improvisés, les hauts fourneaux et les forteresses de l’industrie exhalent des émanations malsaines qu’il faut parfois subir, mais non point rechercher. D’ailleurs la fortune des grandes villes n’est pas mieux assurée que celle des grands empires si elle n’a pour fondement la crainte du Seigneur et la soumission aux lois divines. - Nisi Dominus oedificaverit domum, in vanum laboraverunt qui oedificant eam.

Seul, le trône de Marie Immaculée résiste aux orages. Chaque siècle en s’écoulant forme une assise nouvelle, marquée du triple sceau de l’art, de la science et de la foi, et lorsque des mains impies prétendent la briser, leur oeuvre sacrilége se tourne contre elles-mêmes. Bientôt les débris enfouis ou dispersés sortent de terre comme les graines semées par le vent du ciel et qui vont porter au loin le merveilleux secret de leur germination. - Selon de pieux desseins, l’humble chapelle de Notre-Dame-de-Grâce doit bientôt se transformer en un sanctuaire plus vaste et plus beau. Comment cela se fera-t-il ? Dieu le sait, et nous n’avons pas à nous mettre en peine des moyens qu’il emploiera pour réaliser ce voeu, si tant est qu’il l’agrée. - Le sou du pauvre, le bracelet de la grande dame, l’or de l’inconnu tomberont dans la bourse de quelque quêteur, bien simple, bien ignorant des habiletés mondaines, mais confiant et actif. Il fera venir des ouvriers, on creusera le sol, et de cette terre dès longtemps fécondée par les faveurs du ciel et la prière des humbles, la nouvelle église germera et s’élèvera comme un lys dans la vallée d’Hébron. Et de même qu’à Boulogne, à Marseille, à Alger, la lampe du sanctuaire de Notre-Dame-de-Grâce dominera les phares, projettera sa douce lumière sur le rivage, et attirera vers elle les navigateurs et les pélerins qui fuient les mêmes tempêtes et cherchent le même port.

Ave, maris stella !                                                                                     

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APPENDICE
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GRACES & FAVEURS PARTICULIÈRES OBTENUES PAR
L’INTERCESSION DE LA TRÈS-SAINTE VIERGE,

Sous l’invocation de Notre-Dame-de-Grâce.
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I

Les faits que nous signalons à l’attention du lecteur reposent sur les preuves les plus certaines. Les uns ont été recueillis dans les archives de la chapelle et transcris sur le registre des RR. PP. Capucins, par M. l’abbé Vastel, ancien chapelain de Notre-Dame-de-Grâce ; les autres, plus récents, sont appuyés sur des documents non moins authentiques. Nous les rapportons, autant que possible, par ordre de dates.

1. La première grâce marquante qui nous soit connue est celle qu’obtint, en 1620, M. de Fontenay, fondateur de cette chapelle. (Page 28.)

2. Une autre grâce non moins frappante est celle obtenue par Madame de Nollent d’Hébertot, en 1623. Cette Dame accoucha d’un enfant qui ne donna aucun signe de vie. Etait-il effectivement mort ou ne l’était-il pas ? - Le manuscrit des RR. PP. Capucins porte en toutes lettres qu’il était mort et la tradition le confirme. Quoi qu’il en soit, il fut abandonné pendant quelque temps à ses forces naturelles, et c’eut été assez pour le faire périr quand même il aurait eu encore quelque souffle de vie.

Mme d’Hébertot, extrêmement affligée de cet accident, invoqua le secours de Notre-Dame-de-Grâce, fit porter l’enfant, dans l’état où il était, sur l’autel du Rosaire de l’Eglise et commanda que l’on chantât les litanies de la sainte Vierge. Pendant ce temps-là il donna des signes de vie, et fut baptisé. Saint Augustin nous a conservé la mémoire d’un fait semblable arrivé à Uzale, ville d’Afrique, par l’intercession de Saint-Etienne, premier Martyr. (Sermon 324).

3. Un autre fait aussi extraordinaire que celui concernant Mme de Nollent, est ce qui arriva à des pilotes du Havre, en 1624.

Un vaisseau se présente à la rade, sous pavillon français, et demande à entrer. Aussitôt une barque sort et s’approche pour le diriger ; dès qu’elle fut à portée, le vaisseau jette le grapin pour l’arrêter ; les pilotes s’apercevant qu’ils étaient tombés dans les mains des barbares, se précipitent à genou et implorent l’assistance de Notre-Dame-de-Grâce, et dans l’instant le grapin se cassa et les pilotes se sauvèrent à force de rames. La partie du grapin qui tomba dans la barque était si forte que tous ceux qui la considèrent, jugèrent qu’il n’avait pu se casser naturellement.

4. En 1626, Mme de Blavy, veuve de M. de Blavy, conseiller au parlement de Rouen, avait été attaquée d’un mal au visage, qui la défigurait au point qu’elle était obligée de porter un masque pour ne pas faire peur. Après avoir employé tous les remèdes de l’art pendant deux ans sans soulagement et sans espoir de guérison, elle se recommanda à l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce. Elle vint elle-même à la Chapelle s’acquitter de son voeu, et après qu’elle eut fait ses prières, elle sortit sans masque et aussi fraîche qu’elle était avant sa maladie.

5. Agnès Fontaine, femme de Pierre Delahaie, de Honfleur, avait, en 1630, un enfant qui, à l’âge de 4 ans, n’avait pas l’usage de ses membres. Dans cette circonstance fâcheuse, elle implora les miséricordes de Dieu par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce, et fit voeu d’apporter son enfant à la Chapelle pendant 9 jours consécutifs. Le neuvième jour, il quitta les bras de sa mère avant que le saint sacrifice de la messe fut achevé, et se promena librement à la vue de tous les assistants. En foi de quoi on fit dresser un acte public, dûment signé.

6. En 1639, M. le marquis de Fatouville d’Hébertot fut attaqué d’une maladie qui fut jugée mortelle par les docteurs qui le traitèrent et qui bientôt l’abandonnèrent, désespérant de le sauver. Il se recommanda alors à Dieu par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce, et promit d’entretenir une lampe allumée devant le saint sacrement de l’autel ; son voeu ne fut pas plus tôt fait qu’il se trouva hors de tout danger.

Cette lampe a brûlé jusqu’à la Révolution. Mme d’Aguesseau en faisait les frais, comme héritière de la maison de Nollent.

7. En 1641, une demoiselle des environs de Saint-Pierre-du-Chatel, avait un chancre dans la bouche qui lui rongeait la figure. Après avoir employé tous les remèdes connus par les médecins d’alors, sans avoir éprouvé le moindre soulagement, elle se recommanda à Dieu par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce. Elle vint à la Chapelle faire ses dévotions. Sa foi fut récompensée, elle s’en retourna entièrement guérie. Ce fait est attesté par la demoiselle elle-même, et son attestation se trouve dans les archives de la Chapelle.

8. Une demoiselle de Falaise, qui demeurait à Honfleur en 1648, fut surprise d’une maladie dont les caractères étaient si fâcheux que les médecins refusèrent de la traiter, n’espérant rien de leur science ni de leur art. Alors elle se fit porter toute malade qu’elle était, à la Chapelle de Grâce ; là, ayant fait ses prières avec ferveur, elle se trouva parfaitement guérie. En reconnaissance, elle donna une chaîne d’argent et une croix d’or, qu’elle avait, pour la décoration du lieu saint.

9. Sept ans après, en 1655, Mlle Alix, de Honfleur, étant paralysée de ses membres, se fit aussi transporter à la Chapelle, et pendant que l’on disait la sainte Messe à son intention, elle recouvra l’usage de ses membres et retourna chez elle sans avoir besoin de secours.

10. Une femme de la campagne apporta à la Chapelle un enfant de huit ans qui n’avait encore pu marcher ni parler ; comme elle l’avait recommandé d’une manière particulière à la sainte Vierge, elle en obtint la grâce qu’elle demandait. L’enfant marcha et parla avant que le prêtre eût achevé le sacrifice de la Messe, ce qui surprit tellement les assistants, qu’ils chantèrent comme par inspiration le Te Deum en action de grâce. Le certificat en est signé par les témoins oculaires.

11. Louise Le Grip, femme de Robert-le-Roi, de la paroisse de Genneville, ayant eu la jambe brisée sous une roue de moulin, ne pouvait plus marcher. Tout l’art de la chirurgie ne put lui procurer que la triste consolation de se traîner avec peine, à l’aide de deux potences, dans sa maison. Elle implora le secours de Notre-Dame-de-Grâce, et se fit porter à la Chapelle, en 1659. Et après avoir prié avec dévotion, elle s’en retourna chez elle sans secours et sans aide. Son certificat est dans les archives de la Chapelle, dûment signé.

12. En 1662, Jacqueline Fresson, femme de Romain Rebut, officier de M. le duc d’Orléans, frère de Louis XIV, fut saisie d’une fièvre quarte qu’elle garda onze mois, malgré les soins que lui donnèrent les docteurs de Honfleur, Rouen et Paris. Comme elle enfla à pleine peau, ils la traitèrent comme si elle eut été hydropique et ensuite l’abandonnèrent par désespoir. Alors elle mit sa confiance en Dieu, se recommanda à la Mère de miséricorde sous l’invocation de Notre-Dame-de-Grâce, et se fit transporter à la Chapelle, le jour même de son accès. Ses prières furent exaucées, elle obtint une guérison si prompte et si parfaite, qu’elle s’en retourna chez elle sans fièvre ni enflure. Le procès-verbal qui en fut dressé alors est signé de sa main et de celle de son mari.

13. M. Thirel, mousquetaire de la seconde compagnie de la garde royale, en 1669, en partant pour l’île de Candie, qui était assiégée par les Turcs, se recommanda à Notre-Dame-de-Grâce. Dès qu’il fut arrivé, dit-il, une bombe tombée à vingt pas de lui éclata et un des éclats l’atteignit, le renversa par terre, brisa son pistolet de ceinture, coupa le ceinturon de son épée, et le meurtrit légèrement à la cuisse sans lui faire d’autre mal. Il en fut quitte pour la peur.

14. En 1671, M. Gravois, curé de Crémanville, étant tombé malade, fut abandonné des médecins parce qu’ils ne connaissaient rien à sa maladie. Dans ces circonstances, il eut recours à Notre-Dame-de-Grâce, et, à un mieux marqué succéda bientôt une guérison complète, ce qu’il a attesté et signé.

15. Mgr. Colbert, archevêque de Rouen, atteint depuis longtemps d’une maladie grave, fit voeu de  visiter le sanctuaire vénéré de Notre-Dame-de-Grâce. Arrivé à Honfleur le 15 août 1673, Sa Grandeur, pieds nus, gravit la sainte montagne et le digne prélat fut complètement guéri.

16. En 1702, Anne du Bon de Honfleur, fut attaquée d’une fluxion qui lui tomba sur les yeux. A peine y voyait elle à se conduire. M. Lecerf, médecin, fut consulté ; il employa tous les remèdes qu’il connaissait sans améliorer son sort ; le mal fit des progrès si alarmants, que M. Lecerf désespérant de sa guérison, lui déclara franchement qu’il ne pouvait plus rien faire et qu’elle perdrait la vue. Frappée de la rigueur de cet arrêt, elle eut recours au souverain médecin des corps et des âmes par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce ; elle se prépara à la communion et pria M. l’abbé Touroude, de venir à la Chapelle dire la messe à son intention. Pendant qu’il s’en acquittait, elle éprouva, dit-elle, des douleurs inouïes et extraordinaires dans les yeux. Sa foi, néanmoins, ne fut point affaiblie. Elle sortit de la Chapelle parfaitement guérie. Le certificat qui en fut dressé fut signé par son confesseur et par trois autres témoins. Il est déposé dans les archives.

17. Anne Guerrier, femme de Jean Poignan, s’était chargée, en 1726, d’un nourrisson qu’elle élevait avec soin. Par malheur, cet enfant, à l’âge de neuf mois, tomba dans le feu et se brûla le visage, et particulièrement l’oeil droit. Après bien des remèdes, l’oeil sortit de son orbite et lui tomba jusque sur la bouche. La nourrice, justement alarmée de cette difformité, fit voeu d’aller à Grâce, pieds nus, pendant neuf jours de suite, pour obtenir la guérison de cet enfant. Dès le premier voyage l’enfant fut mieux, et au neuvième jour il fut guéri. Ce qu’elle signa de sa main.

18. Un soldat de l’armée d’Italie, sous Bonaparte, se recommanda à Notre-Dame-de-Grâce, au moment d’une bataille sanglante que l’on allait livrer, et par un évènement singulier, il resta seul debout de toute sa ligne, sans aucun mal. Ce récit a été raconté, à M. l’abbé Vastel, par le soldat lui-même.

19. En 1827, le 25 mars, dit l’abbé Vastel, un homme d’un département voisin vint faire une offrande à la Chapelle. Il avait été attaqué d’une maladie qui l’avait privé, d’abord de l’usage de ses membres, puis l’avait plongé dans un assoupissement continuel pendant plus de deux ans. Voyant que malgré les médecins qui le traitaient, il prenait la route des morts, il se recommanda à Notre-Dame-de-Grâce, et il fut guéri. Je le tiens de sa bouche.

20. En 1833, raconte toujours l’ancien chapelain de Grâce, deux personnes, m’ont dit, il n’y a que quelques mois, qu’elles avaient promis de venir à Grâce une fois par an. L’une parce qu’elle avait recouvré la vue, l’autre à cause de sa femme. Cette femme, pendant quelques années, avait été perclue de tous ses membres. Elle se fit apporter à Grâce, où elle assista à la messe, couchée sur un matelas. D’abord elle éprouva du mieux, et bientôt elle se trouva rétablie. De sorte qu’elle fit à pied la moitié de la route en retournant chez elle. Le lendemain elle alla à pied à Lisieux, distant de deux lieues de son domicile. Et, depuis ce temps, elle vaque à ses affaires comme avant sa maladie.

Un autre fait qui me paraît aussi surprenant est celui-ci : un enfant est privé de la vue, à l’âge le plus tendre ; il prie sa mère de le porter à la Chapelle, dont elle lui parlait. Et dès qu’il y fut arrivé, il s’écria : Vierge sainte, obtenez à un petit aveugle, la grâce d’y voir ! Et la foi de l’innocence fut récompensée.

21. Le 24 août 1835, vers les neuf heures du soir, au moment même où un violent orage venait d’éclater sur la ville de Honfleur, Madame Lihard, de Saint-Léonard, eut le malheur de tomber dans le bassin du Centre, à un des endroits les plus dangereux et où plusieurs personnes s’étaient noyées. L’obscurité, produite par l’orage, couvrait alors de son voile épais toute cette partie de la ville, et, l’absence de tout témoin de sa chute, ne permettait pas à Madame Lihard d’espérer aucun secours humain. Dans cette fâcheuse position elle se crut perdue sans ressource. A ce moment suprême et plein d’anxiété, Madame Lihard met sa confiance en Dieu et fait un voeu à Notre-Dame-de-Grâce. Aussitôt elle se sent comme soutenue et élevée hors de l’eau. Un éclair d’espérance jaillit du plus profond de son coeur et vient ranimer son courage abattu. Elle profite du moment où sa tête est ramenée à la surface de l’eau pour pousser un cri, lequel est entendu par son frère. Cet homme, reconnaissant la voix de sa soeur, s’empresse de jeter une corde dans la direction d’où le cri est parti. Ce moyen de salut tombe directement dans la main de Madame Lihard et l’arrache à une mort inévitable.

C’est par reconnaissance pour celle qui, du haut de la colline vénérée, veille avec tant de sollicitude sur la cité et ses habitants, que Madame Lihard a déposé le récit touchant de cet évènement, et la grâce reçue, dans le sanctuaire béni d’où ce secours lui est venu.

Comme nous terminions cette première liste, un document bien précieux nous est communiqué par M. l’abbé Aubert, chapelain actuel de Notre-Dame-de-Grâce, témoin oculaire du fait. Nous le reproduisons in extenso et nous sommes convaincus qu’il sera reçu avec plaisir et lu avec intérêt :

COMMUNAUTÉ DE L’IMMACULÉE CONCEPTION

Nogent-le-Rotrou, 28 avril 1865.
                                                  
Monsieur l’Abbé,
                       
Marie vient réaliser aujourd’hui un de mes plus chers désirs, en me procurant l’occasion de proclamer publiquement la reconnaissance et l’amour que je lui dois. Oui, M. l’Abbé, c’est avec bonheur que je rappelle à votre mémoire des circonstances qui, paraissant tout extérieures, ont eu cependant, sur ma vie, une influence et une action qui s’est plus développée au-dedans qu’au dehors.

J’avais 20 ans. Il y avait 3 ans et demi que je gémissais sous les étreintes terribles d’une maladie nerveuse de l’estomac et de la poitrine, arrivée à son plus haut degré. Crises périodiques trois fois par jour et me jetant deux heures durant, chaque fois, dans les plus horribles souffrances. Ces crises étaient suivies d’une sorte de sommeil léthargique, pendant lequel l’application d’un fer rouge sur ma poitrine ne pouvait parvenir à me faire faire le moindre mouvement et avec cela une toux continuelle.

Tous les secours de la médecine étaient épuisés : j’étais près de succomber sous la double influence de la douleur et du dévouement, quand soudain un éclair d’espérance jaillit du fond de mon coeur. Marie est toute-puissante, me dis-je, il faut qu’elle me guérisse ! Je résolus d’aller lui demander ma guérison dans la Chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, convaincue qu’elle me l’accorderait. Mais que d’obstacles s’opposaient à mon projet. A la première exposition que j’en fis, il fut jugé impossible à réaliser.

En effet, il fallait compter sur une protection signalée de Marie, pour oser entreprendre un tel voyage. Trente-trois kilomètres à parcourir ; et j’étais dans une telle situation de souffrances et de sensibilité nerveuse que, le changement d’un lit dans un autre, quoique fait avec les plus grandes précautions, occasionnait des crises ou des sommeils qui plongeaient mes parents dans la plus grande désolation.

On me représenta les difficultés, on m’offrit de faire pour moi ce voyage. Les difficultés ne m’épouvantèrent point ; je persistai dans mon dessein et je voulus partir. Enfin, on céda à mes instances ; ou plutôt on obéit à l’impulsion de la volonté de la douce Vierge, qui voulait que l’enfant sût que par elle elle obtiendrait tout pour le corps et pour l’âme.

Le 6 novembre 1855, j’arrivai à Notre-Dame-de-Grâce, avec ma mère et mon oncle. Quoique couchée dans une voiture bien fermée, dont les chevaux n’allaient que le pas, j’avais été sans connaissance et sans mouvement pendant toute la route. On ne me fit pas entrer à la Chapelle ce jour-là. Le lendemain, malgré ma demande, mon oncle ne voulut pas consentir à ce que je fisse la sainte communion à la messe qu’il devait dire à mon intention : parce que, disait-il, dans l’état de faiblesse où j’étais réduite, il me serait impossible de supporter ce jeûne, si court qu’il fût. Je cédai sur ce point, soit que ma foi faiblît devant les obstacles, soit que, reconnaissante de ce qu’on avait bien voulu m’accorder l’important, je craignisse de me montrer trop exigeante. Enfin, à dix heures du matin, le 7 novembre, deux personnes descendaient sur un fauteuil, une pauvre jeune fille, allant demander à Marie sa guérison ou la mort. Cette douce mère me protégeait déjà ! Il est vrai qu’on avait pris toutes les précautions possibles afin qu’aucune secousse ne me fût donnée, mais d’après ce que j’éprouvais ordinairement, j’aurais dû éprouver quelques souffrances. Le miracle commençait.

On arrive à la Chapelle. On veut me laisser dans le bas ; à chaque instant et à chaque pas on craignait de me voir mourir. Je demande à monter jusqu’au haut, et à être déposée au pied de la statue de la Sainte-Vierge. Que pouvait-on me refuser ? On sentait bien que j’étais l’objet d’une protection spéciale de cette bonne mère, on me plaça où je désirais être. La messe commence et avec elle, la souffrance, souffrance telle, que jamais je n’en ai éprouvé de semblable. Cette souffrance augmentait à mesure que l’auguste sacrifice approchait de sa consommation. Au moment de la consécration, elle devint si intense et si vive que, malgré moi, je poussai une sorte de cri. Mais ce cri, causé par la douleur, fut aussitôt suivi de cet autre jeté dans le coeur de Marie par la foi et l’espérance : je suis mieux ! Marie va me guérir !.. Un changement subit s’opéra en moi. L’expression de douleur et de souffrance peinte sur mon visage s’effaça ; une lueur de vie causée par la joie s’y répandit : on ne me reconnaissait plus. Il y a bientôt dix ans que ceci s’est passé ; ceux qui en ont été les témoins en ont gardé le souvenir et peuvent mieux que moi en rendre témoignage.

Cependant, Marie ne jugea pas à propos d’effectuer entièrement la guérison de son enfant. Une amélioration notable se fit sentir ; les crises et les sommeils disparurent, mais il m’était encore impossible de me tenir assise et même de remuer les jambes. On jugea à propos de me faire changer d’air. On me transporta à Orbec, chez mon oncle. L’état de souffrance dans lequel j’étais restée me décourageait. Une seconde fois je recourus à Marie. Le 8 décembre, je priai qu’on me portât à la messe, j’y reçus encore des preuves sensibles de la protection maternelle de la Vierge Immaculée et j’obtins du mieux, seulement je sentis intérieurement que je n’obtiendrais mon entière guérison qu’en faisant un second voyage à Notre-Dame-de-Grâce. On fut encore obligé de me porter à la Chapelle, puisque mes jambes me refusaient leurs services. Après avoir assisté à la messe et fait la sainte communion, je fus pressée d’un ardent désir d’aller me mettre à genoux aux pieds de la Sainte-Vierge ; et, sans songer que puisque je ne pouvais marcher, cela m’était impossible, je demandai qu’on y portât un prie-Dieu. On fit ce que je désirais, sans s’en rendre compte. Aussitôt je me lève, et, seule, sans soutien, je vais m’agenouiller aux pieds de celle à qui je dois tout. Que fis-je alors ? ou plutôt que fit-elle ?.. Dans le temps, je ne le compris pas ; mais aujourd’hui, rangée au nombre de ses enfants de prédilection, je la remercie de ce qu’elle fit à ce moment que je n’oublierai jamais.

Je retournai à pied, de la chapelle à l’hôtel où nous étions descendus. Je montai l’escalier seule, et revenue à Orbec, chez mon oncle, après un voyage de 53 kilomètres, je descendis seule de la voiture et je montai à ma chambre sans le secours de personne.

Voilà, je crois, M. l’Abbé, le récit que vous me demandez. Je désire qu’il soit aux yeux de tous, une nouvelle preuve de la protection de la Sainte-Vierge envers ses enfants qui l’invoquent avec confiance. Puissent tous ceux qui le liront y puiser l’abandon le plus entier entre les mains de cette bonne Mère !... Car, je l’atteste et le reconnais publiquement, c’est à Marie et à Marie seule que je dois ma guérison ; et c’est à dater du jour que je lui en ai abandonné et confié le soin, sans plus recourir aux secours de la médecine que j’ai obtenu, d’abord du mieux, ensuite la guérison complète.

Dire maintenant ce que je dois de reconnaissance à cette bonne Mère serait impossible ; car ce qui a paru extérieurement n’a certes pas été en moi, son plus grand travail. Marie m’a rendu la santé du corps, puisque, depuis cette époque, 7 janvier 1856, jour de mon second pèlerinage à Notre-Dame-de-Grâce, je n’ai plus été soumise aux terribles souffrances dont elle me délivra alors ; mais Marie a fait incomparablement plus, en me retirant des jouissances et des vanités du monde, pour me placer au rang des épouses de Jésus. C’est cela que je voudrais qu’on sache, et c’est cela que je ne puis dire !..

Pourrait-il, après tant de grâces reçues, m’être pénible de voir mon nom figurer parmi les protégées de la Reine du Ciel ? Trop heureuse au contraire, M. l’Abbé, de témoigner ainsi mon amour à Marie !.. Je désire, au contraire, si c’est possible, que le récit de ma guérison soit consigné, tel que je viens de vous le faire, sur le registre de la Chapelle.

Daigne Notre-Dame-de-Grâce, continuer à la pauvre petite soeur Saint-Bernard, la protection qu’elle accorda à Félicité Dutacq, et la rendre digne de s’appeler une soeur de l’Immaculée Conception, et que surtout elle lui en donne les vertus !....

Veuillez recevoir, M. l’Abbé, avec l’assurance de mon profond respect, l’expression de ma reconnaissance pour l’heureuse nécessité où vous me mettez, de payer une dette d’amour à Marie. Agréez aussi mes remercîments pour toutes les bontés, qu’à cette époque, vous avez eues pour moi ; et s’il m’est permis de vous adresser une prière, je vous supplie de ne pas oublier aux pieds de Notre-Dame-de-Grâce celle qui veut être,

                Son enfant pour toujours.

                    F. DUTACQ,

                En religion soeur Saint-Bernard,
                                Nov. de l’Immaculée Conception.


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MARINS PRÉSERVÉS DU NAUFRAGE

Par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce.
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II

Les faits rapportés dans cette seconde liste sont extraits du registre des RR. PP. Capucins et des légendes écrites au bas des ex-voto suspendus dans la Chapelle.

1. Charles Genois fut surpris d’une tempête épouvantable en revenant de Terre-Neuve en 1644. Son mât fut emporté et son navire par deux fois submergé. Alors ranimant le courage perdu de tout son équipage, il se recommanda à Dieu par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce, et la mer devint aussitôt calme, les vents tombèrent et il arriva heureusement à Honfleur. Ils donnèrent un cierge de cire blanche, pesant six livres, avec quatre écus pour l’ornement de la Chapelle.

2. En 1655, Samson Tuné, en revenant des îles, essuya une tempête si violente en arrivant à Nantes, qu’il fut enseveli tout-à-coup dans les ténèbres les plus épaisses. Les vents faisaient un tel vacarme que les matelots ne s’entendaient pas. Pour comble de malheur, le navire s’ouvrit et l’équipage perdit l’espoir de se sauver. Dans cette extrémité, il eut recours à Notre-Dame-de-Grâce. Et sans distinction de protestants et de catholiques qui composaient son équipage, tous firent le même voeu, et aussitôt, dit-il dans son rapport, le vent tomba, la mer devint unie et le navire se referma. En reconnaissance ils donnèrent une lampe d’argent.

3. Jean Liebard de Honfleur, qui commandait le Saint-François, étant parti d’Amsterdam pour revenir en France, en 1660, éprouva sur la rade du Texel un coup de vent qui dura depuis dix heures du soir jusqu’à sept heures du matin, et qui fut si terrible qu’il fut obligé de couper son mât. Ses câbles s’étant rompus, il devint le jouet des vents. Il toucha deux fois et perdit sont gouvernail. L’eau commença à entrer par l’arrière avec tant d’abondance que les matelots en avaient jusqu’à la ceinture entre deux ponts. Enfin, ayant vu dix-sept navires périr sous ses yeux, corps et biens, il se recommanda avec son équipage à Notre-Dame-de-Grâce, et il alla s’échouer sur une petite île voisine où il resta six semaines, pour réparer son navire.

Il y eut deux cent soixante-dix bâtiments qui périrent sur la rade avec dix mille hommes. La bourse d’Amsterdam fut fermée pendant trois semaines.

4. La même année, une gribane battue par la tempête et prête à être engloutie implora Notre-Dame-de-Grâce. Une vague la renversa la quille en haut et une autre vague la redressa. Quoique tous les matelots fussent dispersés dans les flots, il ne s’en perdit pas un, et elle arriva au lieu de sa destination.

5. Le 8 septembre 1665, Guillaume Morin essuya une tempête, en revenant du banc de Terre-Neuve, qui remplit son navire d’eau, l’inclina si fort que la mer touchait le mât de hune. La soute fut remplie d’eau et le pain fut gâté. L’équipage s’étant retiré sur l’avant, on essaya de couper le grand mât, mais il ne fut pas possible, les flots étaient trop gros. Dans cet embarras, capitaine et matelots implorèrent le secours de Notre-Dame-de-Grâce, et un peu de calme permit qu’en deux coups de hache on l’abattit. Alors le navire se redressa et arriva à Honfleur.

6. Le capitaine Thurelle, commandant le Mercoeur, vaisseau de guerre, sur la rade du Havre, ayant perdu toutes ses ancres et dérivant au gré des vents, dans une tempête furieuse qui le poussa plusieurs fois sur le Bourbon, autre vaisseau de guerre, crut n’avoir d’autre moyen de se sauver que d’implorer le secours de Notre-Dame-de-Grâce. Et en effet, il ne lui arriva d’autre accident que la perte de ses ancres, le 6 octobre 1673.

7. En 1679, le capitaine Crété, revenant de Terre-Neuve, chargé de morues, éprouva une tempête qui l’obligea à jeter l’ancre à trois lieues au dessus du Ratier. La nuit suivante, ses ancres ayant filé, il se trouva tout près de cet écueil, où le naufrage était inévitable. Pour comble de malheur, il perdit sa principale ancre. N’ayant plus que trois brasses d’eau et n’étant retenu que par un mauvais câble sur lequel son expérience ne pouvait compter, il se crut perdu sans ressource. Dans ce danger, il mit son espérance en Dieu, implora Notre-Dame-de-Grâce, et son vieux câble résista jusqu’au moment où il y eut assez d’eau pour lui faire franchir l’écueil du Radier, car aussitôt il manqua, et il arriva heureusement au port de Honfleur.

8. Le capitaine Potel revenait du banc de Terre-Neuve, chargé de morues en 1680, ayant toujours été battu par la tempête, son navire s’ouvrit à cent lieues en deça du banc. Tout l’équipage se crut perdu, et en effet, humainement parlant, il n’y avait pas grand espoir, car les pompes ne suffisaient pas pour épuiser l’eau, l’équipage se lassait et on était trop éloigné de terre. Dans cette position, ils se mirent sous la protection de Notre-Dame-de-Grâce. Leur foi ne fut point trompée ; ils s’aperçurent même que toutes les fois qu’ils renouvelaient leurs voeux et leurs prières, le vent se calmait. Enfin, après avoir lutté contre la mort pendant cinq à six cents lieues, au milieu des vents et des tempêtes, le navire vint couler à un demi-quart de lieue des côtes d’Angleterre, tout près d’un autre navire dont la Providence, ce semble, avait réglé la marche et le repos pour les sauver. Personne ne fut perdu.

9. En 1682, le capitaine Berrenger, qui commandait le Saint-Pierre, essuya une tempête si terrible sur le banc de Terre-Neuve, qu’en un instant il perdit son mât d’arrière, plus de moitié du premier pont, les deux galeries, son gouvernail, toute sa chambre et tout le bord du navire, de sorte qu’il était sans défense au milieu des flots agités. Son fils, qui lui servait de pilote, fut enlevé auprès de lui, dans sa chambre, par une vague. Le plancher de la chambre défonça, et il tomba la tête en bas, entre les deux ponts où il fut abimé d’eau. S’imaginant qu’il était jeté dans la mer, il invoqua la miséricorde de Dieu par l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce, et par un bonheur inexprimable, il parvint à se dégager d’entre tous les débris de sa chambre ; mais au premier pas qu’il fit, il pensa se jeter à la mer, trompé par le jour qu’il voyait par le bout du navire, que la mer avait emporté. Il entra alors tant d’eau, que les matelots qui étaient entre les deux ponts pensèrent en être suffoqués. Dans ce moment d’alarmes, croyant être à leur dernière heure, ils firent tous voeu à Notre-Dame-de-Grâce. Le navire resta encore sept jours sur le banc sans pouvoir en sortir, tant il avait été maltraité et tant la mer était furieuse. Alors il vint en pensée à quelqu’un de l’équipage d’attacher une image de la Sainte Vierge au mât qui restait, pour servir de gouvernail et de pilote, n’ayant ni l’un ni l’autre. Enfin le navire s’ébranla, et deux mois après, il arriva à Honfleur sans dévier et sans recevoir une goutte d’eau à bord, quoique la mer fût toujours agitée. Le certificat qui en fut dressé est signé du capitaine et de l’équipage.

M. l’abbé Vastel cite encore plusieurs noms de capitaines qui ont été l’objet de faveurs spéciales dues à l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce. Ces pieux et braves marins sont : le capitaine Berthelot en 1669, le capitaine Cordier en 1674, le capitaine Doublet en 1685.

10. En l’année 1701, le Passager, de Honfleur au Havre, fut assailli dans la traversée, par une formidable tempête. Il portait le lieutenant de Roi en la citadelle du Havre, quelques officiers supérieurs et leurs domestiques. Le danger devint tellement imminent qu’on fit un voeu à Notre-Dame-de-Grâce la bonne patronne des marins de la côte depuis les anciens jours. Le bateau touchait au Port aux Bretons et l’espérance ranimait tous les coeurs, quand une vague énorme, le prenant en travers, le fit sombrer et disparaître. Il y eut plus de douze victimes, entr’autres le major de la citadelle et la servante du lieutenant de Roi. Quant aux autres passagers portés, on ne sait trop comment, sur le rivage, ils reconnurent ne devoir leur salut qu’à un vrai miracle qu’ils attribuèrent à la protection de Notre-Dame-de-Grâce. Aussi se rendirent-ils pieusement dans le sanctuaire vénéré de la côte de Honfleur pour remercier la Sainte Vierge, et ils y déposèrent leur offrande après avoir fait célébrer un service solennel pour leurs malheureux compagnons ensevelis sous les flots. M. de Clieu, curé du Havre, qui relate ce malheureux évènement dans ses Notes quotidiennes, parle souvent, dans ses opuscules, de la piété et de la dévotion des anciens Havrais à Notre-Dame-de-Grâce.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par le capitaine Jean Legrix de Honfleur et son équipage, le 21 mars 1754.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par le capitaine Bellet et son équipage, sur le navire le Saint-André, le 11 avril 1754.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par Joseph Bernard Quillet, sur le navire la Dauphine, ayant fait naufrage sur le banc d’Amfar, le 22 mars.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par le capitaine François Fortin fils, de Honfleur et son équipage, le 21 septembre 1768.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce par le capitaine Loisel et son équipage, commandant le navire l’Union, de Honfleur, borné par la terre et les rochers, dans une grande tempête, le 20 octobre 1768, sous les Iles Lucayes ou de Bahama latitude nord 27°, longitude 81°, méridien de Paris, partant du Port-au-Prince.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par Robert Bunel et son équipage, sur le navire la Marie-Françoise, les 22 et 30 novembre 1768.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par Alexandre Gille et son équipage sur le navire le Brancas, le 7 février 1770.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par le capitaine Benjamin Harang, de Honfleur et son équipage, le 17 septembre 1781.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par le capitaine Tréguilly et son équipage, le 5 octobre 1784.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par le capitaine Liard, sur le bateau l’Étoile, allant à la Guadeloupe, le 24 août 1782.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, par Etienne-Julien-Amand Liard et son équipage, sur le navire la Gentille, le 21 septembre 1792.

Voeu fait à Notre-Dame-de-Grâce, à bord du Vigilant, de Honfleur, par Lecesne et le capitaine Bauduin, dans les bancs du Texel, le 19 août 1844, allant à Amsterdam. Donné à Notre-Dame-de-Grâce, en 1845.

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PÉLERINAGES
___

PERSONNES ILLUSTRES QUI ONT VISITÉ LA CHAPELLE
DE NOTRE-DAME-DE-GRACE DE HONFLEUR
____

III

Le lecteur qui a suivi avec attention les principaux faits miraculeux, dus à l’intercession de Notre-Dame-de-Grâce, verra avec non moins de plaisir la liste des pélerinages les plus remarquables et celle des personnages de distinction qui sont venus s’agenouiller dans ce modeste sanctuaire, aux pieds de la Reine du Ciel et de la Terre. Nous les transcrivons d’après les authentiques qui nous ont été communiquées :

En 1624, la ville de Lisieux fut attaquée d’une peste violente qui la décima. Mgr. Alleaume, qui en était évêque, touché de la désolation du peuple, fit voeu avec son chapitre, de venir à Grâce en procession pour être délivrés de ce fléau destructeur. A peine le voeu fut-il fait que la peste cessa ses ravages. Mgr. l’Évêque vint en effet à Grâce en procession avec son chapitre. Il y prêcha, et laissa deux chandeliers d’argent en témoignage de sa reconnaissance.

En 1708, Mgr. Claude-Maur d’Aubigné, archevêque de Rouen, accompagné des évêques de Bayeux, Evreux, Lisieux, Séez, vint à Honfleur, afin de présider un synode tenu en cette ville.

Cette assemblée de prélats et de théologiens avait pour objet de condamner solennellement la doctrine d’un ministre protestant, nommé Stander, qui enseignait au peuple les erreurs de Jansénius et de Luther.

Après avoir prononcé leur jugement contre les fausses opinions que professait cet hérétique, leurs Grandeurs et tout le clergé de Honfleur se rendirent, plusieurs fois, processionnellement à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, au milieu d’un concours immense de fidèles, venus de plus de dix lieues à la ronde.

Le 10 mai 1723, pèlerinage de Mgr. Belsunce, évêque de Marseille (pages 33 à 35).

Ici se présente un laps de temps assez long (79 années) sans que nous ayons à mentionner le moindre fait d’une importance quelconque ; cependant le sanctuaire de grâce ne dut cesser d’être visité et plus d’un pèlerin, plus d’un personnage marquant, vint sans doute, demander à la dispensatrice des grâces, les secours nécessaires à chacun. Leurs noms ont dû être inscrits sur le registre de la chapelle, tenu, à cette époque, par les RR. PP. Capucins. Ces documents précieux, surtout aujourd’hui, manquent totalement ; l’histoire n’en fait même aucune mention. Peut-être auront-ils subi le sort de bien d’autres, également intéressants, et que la Révolution, accomplissant son oeuvre de destruction, les aura anéantis à tout jamais. Nous reprenons la suite de notre liste à l’époque du Consulat.

Le 28 octobre 1802, Bonaparte, premier consul, visitant Honfleur, monta sur la Côte de Grâce et voulut voir la Chapelle. Il y fut reçu par M. l’abbé Quillet, prêtre insermenté, qui la desservait en attendant la nomination d’un nouveau Chapelain.

En 1817, le cardinal Étienne Hubert de Cambacérès, archevêque de Rouen, vint incognito, à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, pour accomplir un voeu qu’il avait fait. Le prélat fut assisté par MM. les abbés Fossé et Sénécal, vicaires de Sainte-Catherine de Honfleur. Après avoir célébré les saints mystères, son Eminence repartit immédiatement.

Le 22 octobre de la même année, M. le duc d’Angoulême, de passage à Honfleur, se rendit au côteau de Grâce et visita la chapelle vénérée.

En juillet 1824, Madame la duchesse de Berry, vint du Havre à Honfleur. Aussitôt débarquée, Son Altesse Royale monta le côteau et se rendit à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, où un Te Deum fut chanté en son honneur par M. l’abbé Vastel, chapelain. Après avoir prié quelques instants dans ce sanctuaire béni, Madame la duchesse de Berry se dirigea vers le Mont-Joli, où de grands préparatifs avaient été faits pour la recevoir.

Le 6 avril 1829, Madame la duchesse d’Angoulême passant également du Havre à Honfleur, vint ajouter son nom à ceux déjà si nombreux des illustres visiteurs de Notre-Dame-de-Grâce. Cette princesse ne resta que très-peu de temps, l’heure de la marée l’obligeant à se rembarquer pour retourner au Havre.

Mgr. Hyacinthe de Quélen, archevêque de Paris, vint à Honfleur en 1835. Sa Grandeur arriva le samedi 29 août. Le dimanche 30, elle officia pontificalement dans l’église Sainte-Catherine.

Le lendemain, 31, le vénérable prélat se rendit à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce et y célèbra le saint sacrifice de la messe, assisté de son vicaire général et de M. l’abbé Rivière, curé de Sainte-Catherine de Honfleur.

En 1848, la reine Marie-Amélie, traversant la France pour se rendre en Angleterre, visita le sanctuaire de Notre-Dame-de-Grâce (page 42 et 43).

En 1852, Mgr. Grant, évêque de Southwark (Angleterre) vint en France pour accomplir un voeu qu’il avait fait de visiter la chapelle de Notre-Dame-de-la-Délivrande. En quittant ce sanctuaire vénéré pour retourner en Angleterre, le pieux prélat passa par Honfleur et se rendit à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce.

En 1855, le 3 août, Mgr. Ignace-Antoine Samhiri, patriarche d’Antioche des Syriens, vint à Honfleur, visita la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce et y célébra la sainte messe. Sa Béatitude était assistée de M. l’abbé Godard, curé de Sainte-Catherine de Honfleur, chanoine honoraire de Bayeux et des ecclésiastiques de la ville.

En 1857, le 2 février, un bien digne évêque, un enfant de Honfleur, Mgr. Désiré-Michel Vesque, officia pontificalement à la chapelle de Notre-Dame-de-Grâce, assisté de M. l’abbé Dupart, son vicaire général, et de plusieurs prêtres de Honfleur. Ce prince de l’église, ce serviteur si dévoué de Marie, eut toujours une si profonde vénération pour le sanctuaire béni qui avait abrité ses jeunes années, qu’il voulut que l’image de Notre-Dame-de-Grâce fût gravée sur ses armoiries, afin d’en consacrer le souvenir. Le 10 du même mois, avant de s’embarquer pour son lointain diocèse, Roseau, île de la Dominique (Antilles anglaises), sa Grandeur célébra une dernière fois, à la Chapelle, le saint sacrifice de la messe.

Nous citerons encore les noms de plusieurs princes de l’Eglise, pélerins au modeste sanctuaire, et dont le souvenir est resté vivant au sein de notre population. Ce sont : Mgr. Emmanuel Verrolles, du diocèse de Bayeux, évêque de Colomby, vicaire apostolique de Mandchourie (Chine) ; Son Eminence le Cardinal Mathieu, archevêque de Besançon ; Mgr. de Marguerye, du diocèse de Bayeux, évêque de St-Flour, actuellement à l’évêché d’Autun ; Mgr. Salmon du Châtellier, Mgr. Ollivier et Mgr. de Voucoux, évêques d’Evreux.

Nous ne parlerons pas de tous les Pontifes qui se sont succédés sur les siéges de Bayeux et Lisieux. Ces dignes prélats n’ont jamais descendu à Honfleur sans aller s’agenouiller aux pieds de Notre-Dame-de-Grâce. Plusieurs d’entr’eux y ont même conféré les sacrements d’Eucharistie et de Confirmation, entr’autres Mgr. Robin, en 1853.

Et maintenant que nous nous sommes fait l’écho des miracles obtenus par l’intercession de cette vierge bénie, et que nous avons dressé la liste de ses illustres visiteurs, n’ajouterons-nous pas quelques mots encore ? - Sans doute, il est beau de voir des princes de la terre, des prélats, des personnages marquants par leurs mérites ou par leurs vertus, venir s’agenouiller l’un après l’autre, au pied du modeste autel de Marie, et demander, confondus avec le pauvre et le souffrant, les secours et les faveurs dispensés à tous également ; sans doute, ces manifestations, quoique particulières et individuelles, sont éclatantes, parce qu’elles viennent de haut. Mais si, au lieu d’un individu, quelque grand qu’il soit, c’est tout une paroisse, tout une ville, qui vient ainsi, unanime comme un seul homme, confiante et recueillie, implorer à son tour la Mère des grâces divines, mater divinæ gratiæ, alors, la manifestation, croyons-nous, est plus éclatante encore et le spectacle plus beau. C’est comme une nouvelle gloire qui rejaillit sur le nom de Marie.

Pourquoi cette gloire aurait-elle manqué à son humble sanctuaire de la colline ? Honfleur se souviendra longtemps de ce pèlerinage de Saint-Laurent de Paris, le 8 septembre 1863, où plus de 700 personnes, sous la conduite de leur zélé pasteur, l’abbé Duquesnay, vinrent, loin du bruit et des affaires de la capitale, montrer à nos plages tranquilles qu’il y a encore de la foi dans Paris. - Et cette autre démonstration religieuse, moins d’une année après, qui pourrait jamais l’oublier ? Cette fois, ce n’était plus 700 personnes, c’était 1400 qu’une ville plus voisine, il est vrai, Lisieux, envoyait demander au nom de tous, la protection de Marie. Oh !  ces jours-là, comme la colline était verte et fleurie ! comme elle semblait s’embellir encore, pour recevoir sur son sommet, dans sa chapelle rustique, les pieux pélerins ! Et tous les ans, de nouvelles processions aux longues rangées de jeunes filles parées de blanc, de jeunes garçons au lendemain de leur première communion, viennent en chantant des hymnes saints, demander à la Mère, la confirmation dans la foi de ces chrétiens, nouveaux conviés à la table du Fils. Et le lendemain, ou le soir même, tous s’en retournent, pleins de bonheur et de paix. Puis, d’autres leur succèdent, et chaque année semble augmenter le nombre des pélerinages. Et ainsi en sera-t-il longtemps encore, sans doute ; car, c’est là le lieu de votre repos, ô Marie, le lieu que vous avez choisi pour y faire votre demeure.

Hoec requies mea… hic habitabo quoniam elegi eam.
___

Nous devons à l’obligeance de M. Bréard, notaire, à Honfleur, la communication d’un document très-précieux, et quoiqu’il nous soit parvenu au moment même où nous terminions le tirage de cette notice, il n’en sera pas moins lu avec intérêt. Nous le reproduisons en entier et avec l’orthographe du temps :

Nous Gabriel de Hally prestre chanoine en l’esglise cathédralle de Sainct Pierre de Lisieux docteur en théologie de la faculté de Paris, grand chantre et vicaire général de l’evesché dudit Lisieux, en la présence de Mes Nicolas Lecourt Tabellion royal à Honfleur et Ollivier Moulin chirurgien juré en la vicomté d’Auge, avons veu et visité les Reliques à nous présentez par les Révérends pères Capucins de Nostre Dame de Grâce de Honfleur estant dans une boite cachetée que nous avons à cet effet ouverte, lesquelles concistent en celles de Sainct Fidelle martyr, qui est un os du grand bras, une autre de Saincte Perpétue martire, qui est une partie de l’os isquion ; en une autre de Sainct Severien aussy martir qui est une vertesbre du dos ; en une autre de Sainct Olimpius, martir, qui est une partie du rayon ou avant bras, en une autre de Sainct Probus martir qui est une partie de l’os isquion, lesquelles reliques nous avons treuvez conformes à l’autentique donnée par le cardinal Gaspard du tiltre de Sainct Silvestre, vicaire général de Notre Saint Père le Pape, donné à Rome l’an du Jubilé le vingt et une d’apvril mil six cent soixante et quinze en faveur de l’abbé Charles Mannusccus deubment signé scellé au dos duquel est la concession qui en a esté faite par ledit sieur abbé au père Amadée prédicateur capucin de Bayeux qui était pour lors  à Rome, dabtée du vingtsix desdits mois et an ; lequel père Amadée en a fait donation à la Chapelle de Nostre Dame de Grâce ; les cachets de laquelle boite nous avons treuvez conformes aux termes dudict authentique, suivant quoy nous avons confirmé et aprouvé lesdites reliques et permis aux pères Capucins de la dite chapelle de Nostre Dame de Grâce de Honfleur, de les exposer au culte et à la vénération des fidelles ; pour la solempnité de quoy nous avons fait avec le clergé de ladite ville une procession solempnelle à laquelle ont esté portez lesdites reliques de l’esglise de Sainct Léonard à ladite Chapelle de Grâce, en foy de quoy nous avons signé et expédié le présent à ladite chapelle de Nostre Dame de Grâce ce jourd’huy deuxe jour de juillet mil six cent soixante dix sept aux présences de discreptes personnes Me Noel Lebret prestre, curé de Beuzeville, Jacques Delahaye, prestre, demeurant au Pont Audemer, Maistre Vincent Liestout aussy prestre vicaire des parroisses de Sainct Estienne et Saincte Catherine de Honfleur, Pierre Peley aussy prestre de ladite parroisse de Saincte Catherine présents à l’ouverture de ladite boitte et visitte desdites reliques qui ont été remises aux mains desdits pères Capucins soubsignez ensemble ledit authentique ; fait comme dessus.

        Signé : DE HALLY. N. LE BRET. DE LA HAYE.
            LIÉTOUT. PELEY. O. MOULIN.

F. PAULIN D'EVREUX capucin demeurant à Grâce.
F. JOSAPHAT DE DIEPPE, capuc. demeurant à Grâce.
      LE COURT, tab. et DE LANNOY.

Le présent mis et déposé au tabellionnage royal de Honnefleur par lesdits Révérends pères Capucins pour y avoir recours en cas de besoin, ledit jour deuxiesme de Juillet mil six cent soixante dix sept et en a esté délivré acte auxdits révérends pères.

                    Signé : LE COURT et DE LANNOY.


Notes :
(1) G. Ozaneaux, Histoire de France, Paris, Tandou, éditeur.
(2) A. Catherine, archiviste. *Histoire de la Ville et du Canton de Honfleur* 1864.
(3) Archives de la ville de Honfleur.
(4) Notice de M. l’abbé Vastel.


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