La Vie Rurale
Et la Production Agricole
Au Pays Normand
(Sixième article de la
série.)
IV
IMPORTANCE DE L'ÉLEVAGE BOVIN DANS L'ÉCONOMIE RURALE DU CALVADOS. — LES
HERBAGES DE LA VALLÉE D'AUGE. — LE COMMERCE DU BÉTAIL : VACHES
AMOUILLANTES, BŒUFS ET VEAUX GRAS, VACHES LAITIÈRES. — L'ENGRAISSEMENT
DES BŒUFS ; SON AVENIR. — LE LAIT ET LES PRODUITS DE L'INDUSTRIE
LAITIÈRE. — LES BEURRES D'ISIGNY. — L'EXPLOITATION DE L'ESPÈCE OVINE :
MOUTONS CAENNAIS, TRUNNOIS ET CAUCHOIS. — L'ÉLEVAGE OVIN DANS L'EURE :
PRODUCTION DE LA VIANDE ET DE LA LAINE.
Dans l'article précédent, nous avons mis en relief les qualités de
notre belle race bovine normande, et les mérites des éleveurs qui, par
une sélection persévérante, ont amené cette race à un très haut degré
d'amélioration, et l'ont rendue apte à satisfaire merveilleusement aux
fonctions économiques (production du lait, du beurre, de la viande) qui
font l'objet de son exploitation et constituent de multiples sources de
richesse pour notre belle contrée.
Nous n'avons pas encore quitté le Calvados, l'étude de ses productions
agricoles exigeant un développement en rapport avec leur importance
même. Aussi bien, nous estimons que si pour chacune de nos provinces
françaises, on s'appliquait à faire ressortir la variété et la valeur
des éléments appelés à jouer un rôle dans l'œuvre économique visant à
l'accroissement de la richesse et à la prospérité du pays, ce serait là
un moyen de faire progresser vigoureusement la campagne devenue plus
que jamais nécessaire en faveur du régionalisme.
En Normandie, l'exploitation animale est, à tous les points de vue
auxquels on se place, la forme la plus intéressante — comme aussi la
plus ancienne — de la mise en valeur du sol. L'Economie du bétail,
surtout en ce qui concerne le bétail bovin, est le premier et le plus
important facteur sur lequel s'appuie l'Economie rurale. De quelque
façon qu'on l'envisage, fût-ce même dans les manifestations de l'art
qui s'inspirent de la beauté du paysage normand, l'élevage
apparaît comme la caractéristique de notre petite
Patrie. Les chefs-d'œuvre de Troyon, notamment son magnifique
tableau
La vallée d'Auge, nous montrent, à travers les fertiles
herbages, des riantes vallées de la Touques, de la Dives et de la Vie,
qui, elles-mêmes, se subdivisent en plusieurs vallées secondaires et
sont séparées les unes des autres par des collines ou des plateaux —
telles les vallées de Vimoutiers, de Livarot, de Saint-Julien, de
Crèvecœur, de Lisieux, de Corbon et de Pont-l'Evêque — les grands bœufs
normands plongés dans l'herbe épaisse et attendant, après le coucher du
soleil, les salutaires effets de leur paisible rumination.
C'est sur ce magnifique tapis de verdure, strié de limpides cours d'eau
aux rives verdoyantes, et agrémenté de collines aux pentes douces
complantées de haies vives et de pommiers innombrables, d'ormeaux
géants à proximité de rustiques cottages aux façades roses, garnies
d'espaliers ; c'est dans ce silencieux décor, au milieu de ces
plantureux herbages, dans ce cadre, doux et humide, frais et
pittoresque, à hivers peu rigoureux, et à étés tempérés, que
s'élaborent les richesses de l'élevage bovin. Le Pays normand — le
Calvados notamment — se distingue par la prédominance du régime
herbager sur la culture arable ; cette dernière, n'occupant qu'une
surface relativement réduite, cède le pas aux pâturages, consacrés à la
pratique de l'élevage, de l'engraissement et de la production du lait
qui forment la base de la richesse du pays. Le régime habituel du
bétail est l'herbage et non la stabulation, sauf pour les jeunes
animaux, pendant quelques mois. C'est à ce régime que l'on doit le
succès des entreprises zootechniques, dans l'exploitation des diverses
fonctions économiques des bovidés.
***
Voyons comment s'exercent, dans le Calvados, les diverses formes de
l'élevage bovin, quels résultats on en obtient et ce qu'en peuvent
retirer l'agriculture et le commerce de ce département, de même que, à
certains points de vue, l'agriculture et le commerce des autres
départements normands. Dans l'arrondissement de Caen, un centre
d'élevage réputé est le canton de Villers-Bocage ; à quatre lieues à la
ronde de ce chef-lieu de canton, qui est un marché très important,
notamment pour les vaches amouillantes, on élève de nombreux sujets qui
se vendent toujours facilement et à des prix rémunérateurs, et vont
peupler les étables de Seine-et-Marne, Seine, Seine-Inférieure,
Seine-et-Oise et de l'Yonne. Suivant les habitudes locales, les
acheteurs préfèrent tantôt les animaux à pelage bringé, tantôt ceux à
pelage caille. Villers-Bocage partage avec Vire, Carentan, Litry,
Isigny et Bayeux, ce fructueux commerce dans les départements précités.
Les bœufs gras se vendent surtout à Caen, après avoir été achetés
maigres dans le département de la Manche, à Avranches, La Haye-Pesnel
et Montebourg.
Cette prospérité de l'élevage, particulièrement de la production de
vaches laitières ayant de grandes qualités, a contribué à développer
largement, en temps ordinaire, dans l'arrondissement de Caen, le
commerce du lait et des produits laitiers. On obtient le kilogramme de
beurre avec 22 litres de lait, en moyenne, et la fabrication du beurre
avec les appareils centrifuges s'est répandue dans cette région.
Les bœufs engraissés dans les riches pâturages de l'arrondissement de
Pont-l'Evêque viennent, en grande partie, de la Manche, de l’Orne, de
la Mayenne, de Maine-et-Loire, et de la Sarthe. La Bretagne et le
Nivernais fournissent aussi un certain contingent de bœufs maigres.
Nos herbagers ou engraisseurs se plaignaient — il y a de cela quelques
années — de ne pas trouver dans leurs opérations tout le profit qu'ils
en devraient retirer, et ils en attribuaient la cause à l'écart trop
restreint existant entre le prix d'achat (cours maigre) et le prix de
vente à la boucherie (cours gras). Mais la guerre, qui a si
profondément modifié les conditions du marché de la viande, ne peut que
rendre à la pratique de l'engraissement l'intérêt qu'elle présentait
jadis, ne serait-ce que par les besoins toujours plus grands de la
consommation et l'élévation considérable des cours de la viande, qui ne
s'atténuera pas après la cessation des hostilités. Que l'on songe aussi
à l'intensité des réquisitions de bétail depuis le début de la guerre,
et on concevra aisément que les producteurs de viande ont toute raison
d'escompter, pour l'avenir, le retour à une situation meilleure, même
en tenant compte des transformations qui se produisent dans
l'exploitation des terres (mise en herbe des terres labourables) et de
l'extension de l'engraissement des bovidés dans les pays betteraviers.
D'autre part, il y aurait un réel intérêt à développer l'élevage et
l'industrie laitière, encore trop négligés dans cet arrondissement. Une
vache d'aptitudes moyennes donne, pendant trois mois, une moyenne de 16
litres de lait par jour, pendant trois autres mois, 12 litres, et
pendant quatre mois, 6 litres, c'est-à-dire qu'une vache de qualité
moyenne donne, par an, environ 3.300 litres de lait. C'est un sérieux
appoint à assurer aux exploitations qui, actuellement, ne se consacrent
pas encore à la production laitière.
Et puis, nos cultivateurs auraient de même avantage à se grouper en
associations pour la vente du lait à un prix déterminé aux fromageries
importantes, et à exploiter en commun des beurreries de façon à
maintenir le prix du lait vendu à la fromagerie et à faire du beurre
avec tout le lait produit, quand la saison n'est pas favorable à la
fabrication du fromage. Le petit-lait résiduel servirait à nourrir des
porcs, d'où un nouveau bénéfice ajouté à ceux de la production
laitière, beurrière et fromagère. Il n'est pas excessif de dire qu'en
temps normal, une exploitation entretenant douze vaches laitières peut
réaliser sur l'engraissement des porcs, un bénéfice annuel de 800 à
1.000 francs.
Dans l'arrondissement de Lisieux, nous voyons prédominer la variété
augeronne du bovin normand ; mais on se procure aussi des taureaux dans
le Cotentin. On élève les génisses et on livre les mâles à la
boucherie, vers l'âge d'un mois et demi. Bon nombre de ces veaux gras
sont consommés dans le pays ; les autres sont vendus sur le marché de
Caen et sur celui de La Villette.
On aurait de meilleurs veaux en ne supprimant pas l'alimentation au
lait pur, pour substituer à ce dernier du lait écrémé et des farines,
régime qui est tout à fait insuffisant, défectueux.
Les contrées voisines de la Normandie fournissent aux éleveurs de la
région lexovienne, les bœufs à engraisser. Les principaux centres
d'engraissement sont : Lisieux, Fervaques (vallée de la Touques),
Méry-Corbon (vallées de la Dives et de la Vie), Mesnil-Mauger,
Saint-Julien-le-Faucon (vallées de la Vie et de la Viette). Les bœufs
engraissés donnent lieu à d'importantes transactions sur le marché de
la Villette ; quelques-uns sont expédiés sur les marchés de Caen et de
Rouen.
Le lait produit dans cet arrondissement est utilisé à la fabrication
des fromages Camembert et Pont-l'Evêque ; en été, on en fait du beurre.
Les produits sont vendus à Paris et en Angleterre. Les fromages faits à
la ferme sont vendus à des « caveurs » qui les affinent et les livrent
ensuite à la consommation.
***
L'arrondissement de Falaise est remarquablement favorisé au point de
vue du commerce des vaches. Chaque commune vend le lait de ses vaches
aux nombreuses fromageries qui existent dans la contrée. Quant aux
bœufs gras, on en trouve principalement à la fameuse foire de Guibray.
Cet arrondissement produit environ les deux tiers des animaux gras qui
s'y trouvent. Il faut observer que la Société d'agriculture de Falaise
a contribué pour beaucoup, par ses concours, ses encouragements à la
sélection, à améliorer le bétail bovin. C'est un exemple que devraient
suivre toutes nos sociétés locales ayant à se consacrer au
développement de l'élevage et des industries qui en dérivent.
La région de Bayeux a, elle aussi, des éléments d'exploitation de
l'espèce bovine qui tiennent une grande place dans l'Economie rurale du
pays. On y engraisse des bœufs provenant de cet arrondissement ou
d'autres régions du Calvados, de la Manche, du Morvan et de la
Bretagne. C'est dire qu'on importe des sujets d'autres races que la
race normande (croisement Durham). L'élevage des veaux ne se pratique
que rarement, mais on les engraisse, à l'âge de 3 ou 4 mois, pour les
vendre à la boucherie. La nourriture qu'on leur distribue consiste
surtout en petit-lait auquel on mélange des farines de blé, de sarrazin
et de la fécule de pomme de terre ; à la dernière quinzaine de
l'engraissement, on ajoute à la ration de chaque veau et par jour, 3 à
4 litres de lait doux. Dans quelques cantons, principalement ceux de
Balleroy, Caumont et Rye, on élève des génisses pour renouveler le
contingent des vacheries.
Le commerce des vaches amouillantes et des vaches laitières est très
important sur les marchés de Bayeux, Isigny et Le Molay. Presque toutes
ces vaches sont revendues aux nourrisseurs-laitiers parisiens et aux
cultivateurs de la grande banlieue de Paris.
Les beurres produits dans l'arrondissement de Bayeux se vendent aux
Halles centrales de Paris, sur les marchés de la région et aux
exportateurs de Coutances, Valognes et Vire. Les principaux marchés où
se vendent les beurres sont ceux de Balleroy, Bayeux, Isigny, Caumont
et Trévières.
Le climat, la qualité des herbages, les aptitudes de la race et enfin
la bonne méthode de fabrication sont les facteurs essentiels qui
donnent aux beurres du canton d'Isigny leurs incomparables qualités et
justifient leur universelle renommée. Il faut ajouter que de grands
progrès ont été réalisés dans l'industrie beurrière, notamment par
l'emploi de l'écrémage centrifuge avec pasteurisation des crèmes et
ensemencement par les ferments naturels du pays. C'est grâce à ces
améliorations suivant des principes scientifiques rationnellement
interprétés et appliqués, que la qualité des beurres d'Isigny a trouvé
sa consécration dans la haute valeur acquise par ces beurres sur le
marché de Paris, comme sur ceux du monde entier.
Les animaux de l'espèce bovine entretenus dans l'arrondissement de
Vire, pays d'herbe, très favorable à l'élevage, appartiennent tous à la
race normande ; ces animaux sont de petite ou de moyenne taille,
généralement assez bien conformés ; leur squelette réduit est le reflet
de la nature granitique ou schisteuse du sol. Si les vaches que l'on
entretient dans la région de Vire ne donnent pas autant de lait que les
puissantes vaches, du Cotentin — surnommées « alambics » ou « fontaines
» à lait — par contre, leur période de lactation est de longue durée,
et leur rusticité est bien connue. On apporte une attention
particulière à la sélection des reproducteurs et, chaque année, on va
recruter, dans la Manche, notamment dans le canton de Percy, quelques
bons taureaux qui fournissent de belles lignées et impriment à la
population bovine de cette partie du Calvados des qualités infiniment
précieuses et fort appréciées.
On engraisse les bœufs dans le pays même, et le commerce
des vaches amouillantes, en temps normal, présente une grande
importance sur les marchés de Vire et de Condé-sur-Noireau. Ce dernier
reçoit, en certaines années, plus de 5.000 bœufs, vaches et veaux.
La production laitière et beurrière est importante. La vente du lait en
nature est réservée aux grands centres. Le beurre, produit en grandes
quantités, se vend en mottes, sur les marchés ; il présente une pâte
moins onctueuse, plus courte et plus sèche que celle des beurres
d'Isigny. Les beurres du Bocage normand réussissent surtout comme
beurres salés, pour l'exportation.
***
Les animaux de l'espèce ovine sont très inégalement disséminés sur le
territoire des cinq départements normands : l'Eure est de beaucoup le
plus peuplé ; avant la guerre, on y comptait 250.000 têtes ; le
Calvados est le plus pauvre, la statistique de 1914 indiquant 15.000
têtes, tandis que l'Orne s'inscrivait avec 56.000, la Seine-Inférieure
avec 128.000 et la Manche avec 178.000.
Le nouveau système de culture et le manque de bergers paraissent être
les causes dominantes de la diminution du nombre des troupeaux ovins.
Dans la région lexovienne, on engraisse surtout les moutons élevés dans
cette région, mais ce genre de spéculation n'a que peu d'importance,
aussi la production ne suffit-elle pas aux besoins locaux. Dans
l'arrondissement de Vire, le climat, la nature du sol, le système de
culture se prêtent peu à l'élevage du mouton. Les troupeaux sont de
races très mélangées : race locale, croisée avec la race de Dishley ou
avec d'autres types plus ou moins bien définis.
Dans l'Orne et le Calvados, les bergeries sont formées de moutons
caennais ou trunnois (nom tiré de Trun, chef-lieu de canton de l'Orne),
qui se reconnaissent à la coloration rousse ou dorée des poils de la
face et des pattes, et à la saveur délicate de leur chair.
Sur le littoral de la Manche, on élève la race originaire des comtés
méridionaux d'Angleterre, race habituée à la brume, aimant le pacage en
liberté et ne craignant pas l'humidité du sol.
Sur les grands plateaux découverts du pays de Caux, si souvent balayés
par les vents violents du nord-ouest, de l'ouest et du sud-ouest, on
exploite la race cauchoise qui dérive des races picarde et artésienne.
Ce sont des moutons à hautes jambes, taillés pour le parcours, et
d'aspect assez fruste, mais très rustiques. Ce type de mouton ne
présente pas, dans sa conformation générale, ce cubisme corporel qui
est l'idéal poursuivi par les éleveurs, dans les autres provinces. Par
la sélection constante et minutieuse, on arriverait à améliorer cette
conformation du mouton cauchois.
Dans le département de l'Eure, l'élevage ovin est bien plus important.
Ainsi que nous le faisions remarquer dans notre précédent article,
c'est Henri de Tilly, châtelain de Tilly et seigneur de Fontaines qui,
au moyen âge, introduisit en Normandie des brebis venant de Séville. En
1811, Napoléon Ier fit instituer dans l'Eure, des dépôts peuplés de
béliers mérinos choisis en Espagne par Gilbert. En 1816, on commença à
croiser le mérinos avec les races cauchoise et trunnoise ; en 1828, le
type anglais new-leicester avec des brebis mérinos. De nos jours, le
type ovin exploité dans les plaines sèches de l'Eure : Vexin normand,
Plaine de Saint-André, Plateau du Neubourg, est le Dishley-mérinos,
type mixte, producteur de viande et de bonne laine fine, ayant le frisé
de la laine du mérinos du Soissonnais. Notre bon ami, M. A. Bourgne,
directeur des Services agricoles de l'Eure, qui, depuis tant d'années,
prodigue aux éleveurs de ce département ses sages conseils, les fruits
de son savoir et de sa grande expérience en matière d'élevage, et qui a
ainsi largement contribué aux améliorations réalisées, nous citait des
troupeaux justement réputés : celui de M. Henri Doré, à Gamaches, dans
lequel des acheteurs argentins et australiens viennent faire parfois
des acquisitions ; le troupeau des bergeries de M. M. Bouchon, à
Nassandres, véritable fabrique de viande, exploitant les produits du
croisement de béliers southdown (race anglaise des Dunes), avec nos
brebis berrichonnes. Les agneaux, vendus à l'âge de cinq mois ou cinq
mois et demi, fournissent 35 à 38 livres de viande. On engraisse les
moutons avec des pulpes de sucrerie ou de distillerie.
***
Par ce rapide aperçu de l'élevage et de l'exploitation de l'espèce
bovine, dans le Calvados, et de l'espèce ovine, dans l'Eure, on peut
déjà apprécier l'importance de la part contributive que cette région de
la Normandie doit apporter à la production de la viande et du lait,
denrées de première nécessité dans notre alimentation. Nous aurons à
étudier, dans des articles ultérieurs, d'autres sources de production
de l'agriculture normande.
Henri BLIN,
Lauréat de l'Académie d'Agriculture de France.
*
* *
RICHESSES MINIÈRES
de Normandie
Au mois d'avril dernier, dans mon article sur les Richesses minières de
Normandie, j'indiquais que lors de leur visite à Caen, en novembre
1916, les ministres avaient annoncé que le gouvernement demanderait aux
Chambres un crédit de deux millions pour assurer la prospection du
bassin houiller de Littry, dans l'arrondissement de Bayeux.
Un premier pas vient d'être fait. M. Desplas, ministre des travaux
publics, a résolu d'assurer la prospection immédiate de ce bassin ;
deux sondages vont être pratiqués aux environs de
Saint-Martin-de-Blangy, sous la direction de M. Bigot, doyen de la
Faculté des sciences de Caen et par les soins du service de la carte
géologique de France.
D'autre part, les Etablissements Schneider et Cie viennent d'être
autorisés à entreprendre une campagne de sondages à l'est de la
concession du Plessis et à l'ouest de l'ancienne concession de Littry.
Un sondage doit être fait près de Saint-Froment, sur le prolongement
présumé, vers l'ouest, du bassin de Littry, que l'on croit devoir être
fort riche en charbon de bonne qualité.
Cette décision vient à l'appui de la conviction qu'avaient les
ingénieurs Vieillard et Hérault, de la continuité du terrain houiller
entre les mines de Littry et du Plessis.
Les efforts du dévoué Président du Conseil général du Calvados, M.
Henri Chéron, sénateur, ont été pour beaucoup dans ce premier pas vers
la solution de la question houillère en Normandie.
Une autre bonne nouvelle, toujours au sujet du combustible :
Un industriel, à la suite de l'autorisation qui lui a été accordée, le
16 juin dernier par le Préfet du Calvados, vient de commencer
l'exploitation de la tourbe à Chicheboville.
Une autre demande d'exploitation est en instance, en ce moment, à la
Préfecture du Calvados, et recevra très probablement une solution
favorable.
On me signale également une très importante exploitation de tourbière à
Heurteauville, en face Jumièges (Seine-Inférieure)- Le chantier ouvert
depuis le mois d'avril dernier compte 80 ouvriers environ.
En outre, le gisement de Vierville, Saint-Laurent et Colleville a été
concédé à M. Basly, à Isigny, qui espère extraire 60 tonnes par jour,
au moyen de la main-d'œuvre de prisonniers allemands mis à sa
disposition.
Espérons que ces bons exemples seront suivis, car il existe en
Normandie, d'autres tourbières exploitées autrefois.
A. M.
*
* *
L'Hôtellerie des Plages Normandes
Un de nos abonnés appelle mon attention sur un article, paru le 12
août dernier, dans l'Action Française
, sous la signature de M. Pierre
Chastel, qui écrit :
……… Il faut avouer que la masse des consommateurs se plient d'une façon
beaucoup trop sensible aux exigences des fournisseurs. Les prétentions
de ceux-ci sont en raison directe de la docilité de ceux-là ? En
veut-on la preuve ? La voici : le prix moyen de la pension, qui est de
12 francs par jour sur les plages bretonnes s'élève à 22 francs par
jour dans le plus misérable hôtel des côtes normandes. Pourquoi ? Parce
que la clientèle des plages normandes est plus facile à déplumer que
celle des plages bretonnes. Elle est plus riche.
……… Et n'importe qui peut aller le constater lui-même, que la
nourriture des hôtels bretons est actuellement de beaucoup supérieure
comme qualité et comme quantité à celle des hôtels normands malgré la
différence sensible des prix. Pour 3 francs vous faites un excellent
déjeuner à Roscoff, tandis que vous courez le risque de mourir de faim
à Houlgate ou à Villers-sur-Mer. Et pourtant le ravitaillement n'est
pas plus difficile dans ces deux derniers endroits, au contraire.
Où notre confrère, a-t-il puisé ses renseignements en ce qui concerne
la Normandie ? Est-ce à Houlgate, ou à Villers sur Mer qu'il cite dans
son article ?
Je doute fort que les hôteliers de ces deux stations balnéaires
laissent passer sans protestation, cette réclame d'un nouveau genre, si
elle parvient à leur connaissance.
Et M. Pierre Chastel me permettra de prendre la défense des hôteliers
normands en général, qui, pas plus que leurs confrères bretons, n'ont
l'habitude d'écorcher toute vive leur clientèle.
Le prix de 22
francs par jour qu'il indique, a dû lui être demandé,
je suppose, dans un de ces palaces que l'on rencontre aujourd'hui dans
les principales stations balnéaires et que, pour les besoins de la
cause, il qualifie du plus misérable hôtel des côtes normandes !!!
Il ne manque pas, sur toute l'étendue des côtes normandes, de bons
hôtels de deuxième ordre, où le prix de la journée varie de 8
à 12
francs, et comprend : la chambre, trois repas avec boisson, le service,
la lumière, etc., et, n'en déplaise à M. Chastel, on n'y meurt pas de
faim. Lorsqu'il le désirera, je me ferai un plaisir de lui indiquer,
sur la côte normande, des hôtels où il trouvera bon gite et bonne table
à des conditions raisonnables.
M. Pierre Chastel me permettra encore de lui signaler, qu'en publiant
un article de ce genre, sans s'être suffisamment documenté, il porte le
plus grand préjudice à une classe d'honnêtes commerçants. Si vraiment
il a été écorché, je ne vois aucun inconvénient à ce qu'il le dise, à
ce qu'il cite même l'écorcheur ; les hôteliers auront vite fait de se
désolidariser d'avec un pareil confrère ; mais de là à généraliser et à
jeter la suspicion sur toute une corporation, il y a loin.
Dans le numéro d'août de Normandie
, j'appelais l'attention des
hôteliers normands sur la constitution de la Chambre Nationale de
l'Hôtellerie française
, toute désignée pour prendre en mains la cause
des hôteliers dont les intérêts pourraient être lésés par une semblable
publication, et je suis persuadé que les membres normands du Conseil
d'administration, MM. Lebrun et Ducoudert, se feront un devoir
d'appeler son attention sur ce fait.
***
Qu'ont donc bien pu faire les Normands à M. Pierre Chastel ? Dans une
autre partie de son article, il écrit encore:
……… La vérité m'oblige à dire, d'ailleurs, et tout de suite, que les
prix des denrées comestibles varient dans des proportions considérables
avec les régions. Un poulet, par exemple, coûte en Bretagne moitié
moins cher que dans les Pyrénées, et deux fois moins cher qu'en
Normandie. Pourquoi ? Tout simplement parce que les Bretons sont moins
âpres au gain que les autres. La production et le prix de revient des
volailles sont à peu près équivalents dans ces trois régions.
Je n'ai aucun renseignement sur le prix de revient de l'élevage des
volailles, mais ce facteur n'est pas le seul qui influe sur les prix de
vente.
Il faut aussi, et pour une large part, y faire entrer la loi de l'offre
et de la demande, ainsi que les conditions économiques dans lesquelles
se trouve la contrée où se font les achats. Sous ce rapport, la
Normandie voit non seulement affluer des ordres d'achat venant de la
capitale, mais encore, sur son territoire, sont installés de nombreux
camps anglais, et l’on sait que nos alliés sont aussi prodigues de
leurs livres sterling que de leur sang.
L'âpreté au gain n'a donc rien à voir dans cela.
A. MACHÉ.
*
* *
FIGURES NORMANDES
Albert Boissiere
L’Extravagant Teddy, de la Croix-Rouge anglaise (1), tel est le titre
du dernier roman qu'Albert Boissière, le grand écrivain normand dédie
au grand poète normand Paul Labbé.
Je viens de recevoir ce livre, soigneusement édité par Pierre Lafitte.
Si vous connaissez l'œuvre d'Albert Boissière, je vous engage à le
lire, car jamais cet auteur n'écrivit quelque chose de mieux construit,
d'aussi ingénieux, d'autant audacieux, de plus attachant. Et si vous
l'ignorez, je vous engagerai plus vivement encore à acquérir ce bouquin
: l'
Extravagant Teddy de la Croix-Rouge anglaise, en effet,
synthétise aussi complètement que possible le talent très particulier
d'Albert Boissière, homme exceptionnel en toutes choses.
Cache ta vie, montre tes œuvres : voilà sa devise. Elle est sage. Ce
n'est pas une raison pour que je ne soulève pas, à votre intention, un
petit coin du voile — car la vie de notre célèbre compatriote est aussi
pittoresque que le meilleur de ses romans.
Sans entrer dans des détails dépassant à la fois les limites du permis
et celles d'un portrait à la plume, sachez donc qu'Albert Boissière, né
le 26 janvier 1866, à Thiberville (Eure), passa la première moitié de
son existence à restituer joyeusement à la collectivité la confortable
fortune qu'il tenait de son père. Beaumont-le-Roger, Bernay et autres
lieux se souviennent encore de ce joyeux, généreux, solide et beau
garçon, observateur scrupuleux des préceptes de ses vieux compatriotes,
Olivier Basselin, Le Houx, et Saint-Amand. En particulier, certain
magistrat bernayen n'oubliera jamais la nuit paisible au cours de
laquelle, grâce à la... sollicitude d'Albert Boissière, il fut arrêté
par les gendarmes et coffré sans hésitation pour attentat à la pudeur.
Cette insouciante existence dura tant que l'auteur de l'
Extravagant
Teddy n'eut pas de doutes sur la solidité de son crédit. Elle cessa
lorsqu'il ne lui resta en toute propriété qu'une rente insuffisante
pour lui permettre de vivre pendant un mois entier.
Que faire ? Refaire fortune, parbleu !... Mais en vendant quoi ?...
Tout simplement de la littérature — le seul métier ou le seul Art
auquel Albert Boissière n'avait jamais songé I Et, sacrifiant à
l'usage, pour une fois mais bien à sa manière, il débute par un volume
de vers : l'
Illusoire Aventure (2) (Edition de
La Plume, 1897).
Paris ne l'intéressa pas longtemps. Il y fonda pourtant une éphémère et
rarissime revue qu'il intitula :
D'Art, titre original et bref,
suffisant presque à caractériser déjà son inventeur. Cet infortuné
provisoire y fit la charité, mais il sut choisir ses pauvres, et l'on
put lire à ses sommaires des noms consacrés depuis (ou à la veille de
l'être) : Jean Viollis, Yvanohé Rambosson, André Magre, auteur des
Poèmes de la Solitude, en attendant d'être un héroïque sous-préfet,
son frère Maurice Magre, qui écrivait alors la
Chanson des Hommes,
Paul Vérola, Edmond Pilon, etc.
Enfin, d'une de ses innombrables et successives résidences de province,
il envoya les
Magloire, roman rustique aussi différent que possible
de l'
Illusoire Aventure, à Eugène Fasquelle, qu'il ne connaissait
point.
Fasquelle, continuant les traditions de Charpentier, est un des
rarissimes éditeurs qui lisent et qui traitent en amis les auteurs de
leur goût. Il édita les
Magloire, « inventant » ainsi Albert
Boissière, écrivain à peu près inédit — comme il nous « inventa » peu
après, M.-C. Poinsot et moi, en publiant notre premier roman,
l'
Echelle, sans nous avoir jamais vus et sans rien savoir de nous. Du
coup, Albert Boissière fit tomber les longs et fins cheveux encadrant
le front du bel auteur de l’
Illusoire Aventure — à la stupéfaction de
la Rive-Gauche éperdue... Au point qu'Henri Mazel, portraicturant
l'étonnant écrivain dans la
Plume de Léon Deschamps (3), pouvait
écrire : « Au physique, Albert Boissière est un homme d'environ
trente-cinq ans, d'allure robuste, de physionomie franche, de regard
affectueux ; jadis il se nimbait d'une auréole crespelée et noire,
aujourd'hui il se profile en crâne de centurion sur camaïeu chauve.
Lebègue a représenté les deux Boissière, la main dans la a main, le
chevelu tenant l'
Illusoire Aventure, le dénudé ostentant les
Magloire ; ces deux « Siamois semblent frères. »
Or, jouer les frères Siamois ne suffit bientôt plus ni à
Boissière, ni même aux héros de ses romans (l’
Extravagant Teddy et
plusieurs de ses aînés vous le montreront) : il joua les Protée.
Poète en quatre genres, fort différents avec la
Gloire de l'Epée,
œuvre de la noble école hérédienne,
Culs de Lampe, « bouquet de
ciselures martelées par un chef ouvrier désireux de se prouver à
lui-même sa maîtrise en tous les styles (4) », L’
Illusoire Aventure,
influencée à la fois par Baudelaire et par Mallarmé, et Aquarelles
d'Ames (Ed. de « la Maison d'Art », 1901) où la sensibilité exaspérée
des précédents recueils montre plus de profondeur intime, moins de goût
pour l'allégorie et le décor et où il se soucie plus « de revêtir
l'idée avec netteté et de traduire son caractère que de collaborer à un
tissu harmonieux de nuances égales (5) », romancier néo-naturaliste
avec les
Magloire, grande étude terrienne, toute parfumée de la bonne
odeur des pommes normandes, « fresque de mœurs rustiques se rattachant
à tous les grands peintres de la vie rurale, à Zola par l'intensité de
la vision ; à Guy de Maupassant, par la fidélité de l'observation ; à
l'Huysmans d'
En rade, par la particularité artistique de l'expression
(6)» et avec
Une garce (Fasquelle, 1900), il revient immédiatement à
l'écriture artiste et compose un roman symboliste :
Les trois fleurons
de la couronne (Fasquelle, 1900), puis des romans humoristiques, où,
constate Pierre Véber, il obtient « un comique particulier par une
observation minutieuse des petits gestes et des petites pensées », puis
des pages de critique d'art telles que
Le Peintre J. L. Rame (chez
Gentil) ; puis des contes et des nouvelles à l'
Echo de Paris, au
Journal, au
Matin, etc. ; puis des essais de feuilletons de tous
ordres annonciateurs de ses grands succès du
Petit Journal et du
Petit Parisien ; puis d'aimables et gaies reconstitutions historiques
:
Jolie, d'abord publié par l'
Echo de Paris et la
Crinoline
enchantée, offerte en inédit aux lecteurs du
Figaro ; puis d'alertes
critiques littéraires au
Nouveau Précurseur d'Anvers ; puis des
romans policiers et de grands ouvrages populaires en France et à
l'étranger :
Le scandale de la rue Boissière ;
Un Crime a été
commis ; l'
Homme sans figure ;
Z, le tueur à la corde ;
Le Petit
Mécano,
Le Clown rouge ;
Les Deux Milliardaires, etc.. Et je n'ai
cité ni la
Tragique Aventure du Mime Properce, ni
La Vie malheureuse
de l'heureux Stevenson, ni les
Chiens de Faïence, ni les
Tributaires, ni
Joies conjugales, ni
Clara Bill, danseuse, ni le
Jeu de Flèches, ni même
M. Duplessis, veuf, son premier feuilleton
: « le cœur m'en bat encore à quinze ans de distance !... »,
m'écrivait-il en 1915.
Tout cela fut édité par Fasquelle ou Pierre Laffitte, publié en inédit
par le
Temps, le
Journal, le
Figaro, le
Petit Journal, le
Matin ou le
Petit Parisien, reproduit en province, en Angleterre,
en Belgique, en Italie, aux Etats-Unis, au Canada, puis en Serbie, en
Roumanie, en Espagne, en Suède, voire en Autriche et en Allemagne même
!...
Les écrivains les plus féconds restent confondus devant une production
aussi rapide, aussi parfaite — et d'une, variété sans seconde.
Quant à Albert Boissière, il semble que son talent se complète et
grandisse sans arrêt d'un volume à l'autre.
Jamais il n'a mieux jonglé avec les difficultés effrayantes qu'il
semble accumuler à plaisir, que dans L’
Extravagant Teddy de la
Croix-Rouge anglaise ; jamais il n'a échafaudé une intrigue plus
saisissante, plus serrée, plus étrange (J.-H. Rosny aîné seul, grâce à
son admirable génie, a pu le dépasser dans l'
Enigme de Givreuse),
jamais il n'a plus dédaigné les effets, le style et le morceau
d'anthologie ; jamais non plus il n'a écrit une langue plus directe,
plus sobre, plus correcte (en dépit d'
un rien, très voulu, de raideur
anglaise), plus complètement exempte de bavures.
Pourtant, la littérature semble n'être plus pour lui — revenu de tant
de choses, de tant de lieux et de tant de gens ! — qu'un passe-temps
assez dénué d'agrément.
La guerre l'a surpris dans les Pyrénées qui lui ont rendu la santé,
qu'il ne quitte plus et où il stupéfie les foules. Ne faisant qu'un
avec son auto, il file à toute vitesse « pour les virages à la corde et
grimpe toutes les côtes en prise directe ». Il se lance comme un
projectile « sur les routes ondulées qui, de Biarritz à Luchon, se
déroulent dans les sites les plus variés, tour à tour plaisants et
tragiques ... » Il n'ébouriffe plus les pensionnaires du
Soleil d'Or,
il ne fait plus coffrer les magistrats de Bernay pendant les belles
nuits silencieuses où son rire annulait le frisselis de la Charentonne,
mais du Pic du Midi d'Ossau au Pic du Midi de Bigorre, il se conduit
comme un wiking foulant un rivage inconnu. Dans ses ruées affolantes,
il a écrasé sans remords des chiens, des oies, des canards et des
cochons considérables, mais les contraventions pour excès de vitesse
n'ont pu mettre fin à ses exploits de Tarbes à Pau, de Saint-Christau à
Bagnères, ou de Biarritz à Luchon, — que Jean Lorrain éberlua naguère
d'autre façon.
Excès de vigueur, amour héréditaire du changement, de l'aventure et du
danger, procédé de travail, moyen de surexciter l'imagination (lente
chez nous tant qu'elle n'a pas un point d'appui,) fuite ou dédain des
réalités toujours décevantes, ou culture physique intensive ?... Que
nous importe !...
Depuis qu'Henri Mazel saluait ce « Normand de pure Normandie » à ses
débuts, signalait sa « carrure semi-trapue », sa « forte moustache
arquant le milieu du visage » et proclamait qu'il rappelait Flaubert,
Albert Boissière bon vivant très vivant, a créé, comme en se jouant,
une œuvre solide, neuve, bien à lui, encore plus vivante que lui.
C'est à merveille. Tout le reste n'est rien.
Georges NORMANDY.
(1) 1 vol. sous couverture ill. (Ed. Pierre Laffitte, 90, av. des
Champs-Elysés, Paris), 3 fr. 50.
(2) Je passe sous silence deux minces plaquettes : La Gloire de
l'Epée et Culs de Lampe.
(3) 1er mars 1899, p. 146 et suiv.
(4 Henri MAZEL, passim.
(5)(6) Gustave Kahn.
*
* *
Colombine sauvée
ballet-pantomime en un acte et quatre tableaux
par
Jean Lorrain
TROISIÈME TABLEAU
Un cimetière de village, très gai, très ensoleillé, bordé, au fond,
vers la droite, par le chevet de l'église dont les contreforts viennent
mourir dans l'herbe. Le fond de la scène est occupé par le mur du
cimetière, - dont une partie, écroulée, laisse voir la campagne et
d'immenses champs de blé, - mur fuyant à perte de vue, sur le ciel
bleu. A gauche, entre deux piliers rongés de mousse, la grille du
cimetière. Sur une des tombes, déjà envahie par les herbes et occupant
le milieu de là scène, on peut lire : « Ci-gît PIERROT. »
Au lever du rideau la scène est vide. Une femme en haillons,
encapuchonnée d'une mante et qui semble se traîner avec peine, paraît
dans la brèche du cimetière. Elle passe et disparaît.
Une minute après, elle reparaît à la grille, entre et se dirige en
chancelant parmi les tombes : c'est C
OLOMBINE. Elle se laisse tomber,
assise, les mains jointes, sur l'une d'elles ; elle songe, puis, avec
un geste de désespoir, elle se lève et va rôdant par le cimetière comme
si elle cherchait à lire une inscription.
Elle arrive devant celle de P
IERROT, recule comme épouvantée, puis
demeure stupide, les mains jointes sous sa mante et la tête baissée.
Le gardien du cimetière, depuis un moment, vaque à travers les tombes,
un arrosoir à la main, et passe auprès d'elle sans la
voir. C
OLOMBINE l'entend, tressaille et allant vers lui, lui demande
qui est enterré là. Le jardinier lui explique par signes que c'est un
fou qui aimait une dévergondée, une jeune fille perdue, qui a quitté le
pays et qui, pour elle, a reçu un coup d'épée là (au coeur), et il s'en
va en haussant les épaules.
C
OLOMBINE s'accroupit, atterrée, sur la tombe de P
IERROT ; elle demeure
là, quelques moments, immobile, muette, affaissée dans ses haillons.
Est-elle donc si changée que le vieux fossoyeur ne l'ait pas reconnue ?
Musique joyeuse. Ce sont les filles et les gars du village qui
reviennent de la moisson et passent le long du mur du cimetière en
chantant et en dansant presque. Les uns portant des gerbes, les autres
couronnées de coquelicots, de nielles, de bluets, ils apparaissent
d'abord en buste dans la brèche, puis tout entiers derrière la grille.
C
OLOMBINE les entend, se soulève et se dirigeant vers le mur du fond,
s'appuie contre la brèche. Elle les regarde tristement passer.
Les chants s'éteignent au loin. La campagne demeure vide.
C
OLOMBINE reste immobile à la même place. Aucun de ceux-là non plus ne
l'a reconnue !
Pendant qu'elle songe, les yeux perdus dans la campagne, C
ASSANDRE et
sa femme sortent lentement de l'église. Ils sont vieux, cassés, tous
les deux en grand deuil ; ils avancent péniblement. Bras dessus, bras
dessous, s'appuyant chacun sur une canne, ils traversent lentement le
cimetière.
C
OLOMBINE, la bouche grande ouverte et les mains jointes, les regarde
stupidement passer entre les tombes. Arrivée devant celle de P
IERROT,
Mme C
ASSANDRE s'arrête et se baisse pour cueillir une fleur ; dans ce
mouvement, son livre de messe lui échappe et c'est C
ASSANDRE qui le lui
ramasse. Il la gronde cependant en brandissant sa canne. Mme C
ASSANDRE
porte alors son mouchoir à ses yeux, et le bonhomme s'excuse et la
console ; lui-même écrase avec son doigt une grosse larme qu'il a dans
l'oeil.
C
OLOMBINE, qui a suivi toute cette scène avec un regard d'angoisse,
fait un crochet à travers les tombes et les suivant presque pas à pas,
les dépasse enfin et vient, en rabattant sa mante sur sa tête, se
poster devant eux, à la porte du cimetière, dans l'attitude d'une
mendiante.
Arrivé devant elle, C
ASSANDRE, d'un geste machinal, retire quelque
monnaie de son gousset et lui fait l'aumône. Puis il passe. C
OLOMBINE
reste seule.
Eux non plus ne l'ont pas reconnue !
C
OLOMBINE porte la main à son front avec un grand geste de désespoir,
et, trébuchant à travers les tombes et les hautes herbes, vient
s'abattre à plat ventre sur la tombe de P
IERROT. On voit son dos
haleter, secoué par les sanglots.
A ce moment, les deux Arlequins du premier tableau apparaissent sur la
crête du mur, tous deux masqués de noir, leur guitare en sautoir et
dans l'attitude de leur première apparition : l'un, assis, les jambes
pendantes dans l'intérieur du cimetière, l'autre, à mi-corps sur une
échelle, ils grattent, sur leur guitare, le motif de leur aubade...
mais devenu singulièrement strident et moqueur.
A cette musique, C
OLOMBINE relève lentement la tête, comme folle, puis,
se retournant, elle aperçoit les Arlequins. Elle se lève toute droite.
Leur faisant face, le dos tourné au public, elle les regarde avec
épouvante. Les Arlequins ôtent leurs masques et sous leurs bicornes
ricanent deux têtes grimaçantes. Ils disparaissent derrière le mur,
avec de grands éclats de rire.
C
OLOMBINE, elle, est tombée à la renverse en poussant un grand cri.
RIDEAU
(A suivre.)
*
* *
L’ÉCOLE DE FÉCAMP (1)
René Crevel
Ce descendant de potiers, d'architectes et de dessinateurs sur
étoffes, est un décorateur-né. Il a vingt-six ans et son tempérament
est déjà aussi fermement esquissé que la plupart de ses œuvres. Amené,
par les exigences de la vie pratique, à créer des compositions suivant
avec assiduité toutes les variations de la mode parisienne, il fait
preuve d'une fécondité, d'une facilité, d'une souplesse, d'une variété
exceptionnelles tout en conservant son originalité propre. Cela n'est
pas facile ; toutefois, sa quasi spécialisation dans la recherche des
galbes mobiliers et des motifs d'impressions sur tissus lui fait de
temps en temps exagérer, jusqu'à la raideur, la vigueur de sa facture
et l'intensité de son coloris jusqu'à cette brutalité éclatante dont
raffolent à présent nos élégantes.
Exagération d'une qualité fort rare chez un vrai jeune et défaut
passager que de longs tête-à-tête avec la Nature cauchoise tempéreront
à souhait dès que René Crevel pourra travailler librement, — j'entends
sans souci de la « matérielle ».
Son amusant logis de la rue de l'Université contient des études devant
lesquelles j'ai pu me porter garant de l'avenir de ce curieux
artiste en tant que décorateur. J'espère bien le voir signer un jour
prochain — lui qui n'a pu signer tant de compositions exploitées et
vantées « en exclusivité (2) » par le Printemps
, les Galeries
Lafayettes
ou Pygmalion
! — j'espère, dis-je, le voir signer un jour
prochain, de belles affiches, des décors de théâtre et des meubles
disputés. Nous lui devrons des papiers peints à rendre jaloux les vieux
artisans de Rixheim, des images coloriées à désespérer Guy Arnoux, des
ameublements à affoler Iribe et André Groult, des illustrations à «
épater » Carlègle et Delaw, des toiles peintes à éclipser les toiles de
Jouy d'antan, des reliures à stupéfier Marius Michel et André Mare et
des « intérieurs » à damner Poiret en personne...
Mais lui devrons-nous de bonnes peintures ? Oui, certes, s'il ne traite
pas la nature avec une indépendance excessive ; s'il interprète (aussi
hardiment qu'il voudra car, même lorsqu'il s'amuse à suivre les rares
cubistes doués de talent, il n'abandonne pas toute mesure) des paysages
réels ; s'il étudie souvent sans but commercial — « J'apprends,
confessait Harpignies plus qu'octogénaire » ; —
s'il ne se laisse pas
accaparer tout entier par les séductions dorées mais fragiles de la
Mode capricieuse, tyrannique et stérilisante.
En résumé, René Crevel m'apparaît non seulement comme un décorateur
capable d'arriver, au sens vulgaire du mot, mais encore comme un
artiste nanti de tous les dons nécessaires à la création des œuvres
complètes et des renommées solides.
Georges NORMANDY.
(1)Voir Normandie n°2 (André-Paul LEROUX) et n°4 (Henri-E. BUREL).
(2) Il y a là une grave question de propriété artistique que je me
propose d'élucider bientôt avec le concours de mon confrère Cadot,
administrateur du Petit Messager des Arts, et avec celui de ses
collaborateurs.
*
* *
Lorsque j'ai trop souffert, lorsque je me désole,
Je prends ton cher portrait pour lui parler tout bas.
Je sais bien, pauvre fou, qu'il ne répondra pas,
Mais ils parlent tes yeux ! et cela me console.
Pour mieux te regarder, du monde je m'isole :
Que ton sourire est doux, qu'ils sont doux tes appas !
Et de les contempler je ne suis jamais las,
O ma dernière amie, ô mon unique idole !
Pourtant je dois garder, tu me l'as dit souvent,
Mes plaintes pour moi seul : ma douleur t'importune
Ou te fait rire... Autant en emporte le vent !
Te voir, offrande en main, — dédaigner mes amours,
T'adorer sans espoir : telle est mon infortune...
Et ton portrait me raille en souriant toujours !
Vincent-Louis MARTIN
***
Crépuscule
Souvenir des marais de Carentan.
Le désert des joncs durs jusqu'aux coteaux lointains
Creuse mollement ses ondulations vertes.
Le marais est à sec, le bleu du ciel s'éteint,
Un brouillard monte épais des crevasses ouvertes...
C'est l'heure où naît le soir, où la fine dentelle
Des taillis élancés qui suivent l'horizon
Déchire le soleil, qui saigne et qui chancelle ;
L'heure où l'oiseau regagne sa frêle maison...
Rien ne respire plus... L'ombre approche sans rides
Le vent s'appesantit sur le brouillard ouaté...
C'est l'heure où les cieux clairs sont complètement vides
Et le marais s'endort dans son immensité...
Marcel FAUCHOIS.
***
L'Attente
Je m'accoude à ma vitre et reste sans bouger.
C'est le printemps. J'attends ma Muse, une hirondelle.
Trop épris pour oser me croire oublié d'elle.
Je tressaille et souris au son le plus léger.
Et, comme un pauvre amant que le soir fait songer,
Je soupire. Ce que je veux de l'infidèle,
Oh ! ce n'est pas un bruit de pas, mais un bruit d'aile ;
Aussi le monde est-il à ma peine étranger !
Pourtant, l'amant déçu, las de veiller sans trêve,
S'endort et voit deux yeux s'étoiler dans son rêve.
Du plus fervent amour le sommeil est vainqueur !
Mais moi, j'attends, ô Muse. Et quand, une par une
Chaque seconde bat au rythme de mon cœur,
J'ai l'air de chercher l'heure au cadran de la lune.
Paul VAUTIER.
***
Mauvais Passage (1)
Le sang des guerriers coule et se mêle aux fontaines :
La terre se détrempe en de rouges limons ;
Du creux de la vallée à la cime des monts,
La jeunesse agonise au choc des vieilles haines.
L'atmosphère trahit ; les mers sont inhumaines,
Et le ciel sert de lice aux tournois de démons.
Auprès de ces horreurs, qui serrent nos poumons,
Les neuf fléaux d'Egypte ont l'air d'infimes peines.
Nous paraissons descendre au fin fond de l'enfer,
Car sous nos pieds tremblants un abîme est ouvert
D'où monte, vénéneuse, une vapeur de soufre.
Et pour franchir le temps jusques à l'autre bord,
Nous allons sur la planche ondulante du sort,
Visé par le vertige aux aguets sur le gouffre.
Jean MIRVAL (Georges LEBAS).
(1) Ces poèmes font partie d'un recueil, intitulé
Eclats de Vers, qui
paraîtra après la guerre.
*
* *
M. LIARD
Un Normand des plus éminents, M. Liard, vice-recteur de l'Académie de
Paris, vient de mourir à l'âge de 71 ans.
Originaire de Falaise, élève de l'Ecole Normale supérieure, agrégé de
philosophie et docteur ès lettres, il avait professé la philosophie à
la Faculté de Bordeaux, en 1875, puis était devenu recteur à la Faculté
de Caen. En 1884, il avait été appelé à remplir au ministère de
l'Instruction publique les fonctions de directeur de l'enseignement
supérieur et puis avait été nommé vice-recteur de l'Académie de Paris
en 1902, en remplacement de M. Gréard.
Membre de l'Institut, grand'croix de la Légion d'honneur, M. Liard a
écrit de nombreux ouvrages :
les Logiciens anglais contemporains,
la
Science positive et la Métaphysique,
la Morale et l'Enseignement,
l’Enseignement supérieur en France,
Universités et Facultés, etc.
Très souffrant depuis quelque temps, il avait demandé sa mise à la
retraite et devait être remplacé à la rentrée d'octobre, comme
vice-recteur de l'Académie de Paris, par M. Lucien Poincaré.
Le Conseil des Ministres a décidé qu'en raison des services rendus à
l'Université et au pays, par M. Liard, ses obsèques auraient lieu aux
frais de l'Etat.
*
* *
La Réforme de l'Éducation nationale et le Régionalisme scolaire
Un ingénieur, M. Georges Hersent, dans un livre qui est appelé à faire
sensation dans les milieux universitaires, trace pour l'après-guerre un
plan de réforme de l'éducation nationale:
« La France de demain, dit-il, réclame impérieusement que chacun soit
préparé à une vie mieux en rapport avec ses facultés personnelles et
surtout avec sa destinée normale. Elle exige que l'éducation ne soit
plus un plan purement idéal et uniforme, dont la poursuite ne mène à
rien, tout en voulant mener à tout : mais qu'elle soit organisée en vue
de faire des gens heureux dans leur situation, entraînés à la
production intensive dont dépendra l'essor du pays. »
Et en homme d'action, M. Hersent ne s'est pas borné aux généralités ;
tout de suite il a tracé un plan et fixé un programme de l'éducation
moderne telle qu'il la juge nécessaire pour l'après-guerre, en passant
par la culture physique, la formation du caractère, l'instruction,
l'enseignement professionnel : élémentaire, moyen et supérieur, pour
former des contremaîtres, chefs de services, chefs de grandes
entreprises, etc.
Au point de vue régionaliste, ce programme dit:
L'enseignement primaire doit être adapté aux divers milieux
économiques :
REGIONALISME SCOLAIRE.
Dans les campagnes les deux dernières années seraient remplacées par
des cours périodiques ou saisonniers.
Ce plan qui sera approuvé par tous les Français clairvoyants, réclame,
en somme, un peu moins d'idéal et un peu plus de réalités, et il me
paraît cadrer avec l'état d'esprit de ceux de nos poilus qui ont
fréquenté les tranchées. Un officier, en effet, m'écrivait dernièrement
:
« C'est que, voyez-vous, après 26 mois de tranchées, on doit savoir,
pour peu qu'on ait observé et réfléchi, ce qu'il faudra à notre France
de demain : du Rêve, certes, et qui songerait à le nier, puisque c'est
proprement le génie français, mais de l'action, de l'action immédiate. »
Je souhaite vivement que nos compatriotes, réfléchissant à ces paroles,
n'attendent pas l'après-guerre pour les mettre en pratique, car ce
n'est que de l'énergie et de la coordination des efforts de tous que
l'on peut attendre le développement de la prospérité régionale et
nationale.
A. M.
*
* *
Les Régionalistes à la guerre.
Le capitaine Emile Lesueur vient d'être nommé chevalier de la Légion
d'honneur à la suite de la citation que voici:
« Officier d'une haute valeur morale et d'un dévouement absolu. Bien
que reconnu inapte à l'infanterie, a fait toute la campagne comme
commandant de compagnie dans un régiment actif, jusqu'au 23 juin 1916,
date à laquelle il a été blessé à Verdun. A demandé à être affecté à un
état-major sur le front, dans lequel il vient d'être à nouveau très
grièvement blessé, le 11 juillet 1917, au cours d'une reconnaissance
sous un violent bombardement. Déjà cité à l'ordre. »
Le capitaine Emile Lesueur, (fils du chef de bataillon Benoni Lesueur,
membre de l'Académie d'Arras, auteur d'une remarquable histoire
d'Etrun, fait prisonnier à Maubeuge et mort en captivité à Torgau) est
l'avocat bien connu, le poète fort estimé de
Mais survint l'Amour...
(Sansot éditeur) et le fondateur des
Rosati d'Artois, cette
florissante société régionaliste qui organisa les fameuses fêtes
d'Arras, Saint-Pol et Cambrai (1912-1913-1914) en l'honneur de Paul
Adam, Sébastien, Charles Leconte et Auguste Dorchain.
Normandie offre
ses félicitations à ce régionaliste de marque et à cet héroïque soldat.
*
* *
Le Retour à la Terre
Le retour à la terre, qui a été traité à différentes reprises dans ses
articles, par notre collaborateur Henri Blin, est aussi l'objet des
préoccupations de la Société des Agriculteurs de France. Elle pense
qu'il faut retenir les cultivateurs à la terre, et en former de
nouveaux.
Le meilleur moyen d'y parvenir, croit-elle, est de placer les enfants,
au moment où ils sortent de l'école primaire, dans un orphelinat
agricole ou dans une ferme-école.
Leur préparation durant trois années, pendant lesquelles ils ne
rapportent rien, la Société des Agriculteurs de France vient de décider
la création, par voie de souscription, de bourses et de demi-bourses,
d'une valeur de 500 francs par an.
*
* *
Notre collaborateur Paul Vautier, en ce moment au front, nous avait
annoncé un article :
Les Croix du champ de bataille de la Marne, qui
ne nous est pas encore parvenu au moment de mettre sous presse. Nous le
publierons dans notre prochain numéro.
*
* *
Nouvelles Commerciales et Industrielles
— Les actionnaires des
Mines de Larchamp, dont le siège est à Flers
(Orne), réunis en assemblée générale, ont voté l'augmentation du
capital à 5 millions de francs, par l'émission de 4.000 actions de 500
francs. Cette augmentation est destinée à la reprise de l'exploitation
et au remboursement d'avances.
— Le Conseil d'administration de la
Société Française des Mines de
fer (Calvados), a également décidé la reprise de l'exploitation ;
pendant le premier semestre de 1917, il a été vendu 12.000 tonnes de
minerai, alors que pendant toute l'année 1916, il n'en était sorti que
1.000 tonnes.
—
La Compagnie Française des mines Powell-Duffryn, siège social, 24,
quai Gaston-Boulet, à Rouen, va augmenter son capital de 5 millions à
7.500.000 francs par la création de 5.000 nouvelles actions. La
priorité de souscription est réservée aux anciens actionnaires.
—
Les Etablissements Tricoche, fonderie de suif, à Rouen, viennent
d'être achetés par la
Société d'alimentation
d'Aubervilliers.
*
* *
NOS PORTS
LE HAVRE
La Chambre de commerce du Havre est autorisée, par décret du 6 août, à
emprunter 1.017.434 francs pour faire face aux améliorations suivantes
du port : Construction d'un appontement à l'extrémité est du grand quai.
Amélioration du bassin-dock. Etablissement d'une voie
charretière sur la partie est de l'écluse de Vetillart. Acquisition des
terrains.
CAEN
La Chambre de Commerce a adressé au ministère des Travaux publics une
demande d'emprunt de deux millions destinés aux premiers travaux
d'élargissement et d'approfondissement du canal de Caen à la mer. De
grands travaux vont en effet être entrepris pour rendre le port
accessible aux navires de 4.000 tonnes. Le devis s'élève à 20 millions
de travaux. Le canal qui a actuellement un tirant d'eau de 6 m 12, en
aura 7 mètres et une largeur de 21 mètres au plafond au lieu de 10 m.
qu'il a actuellement.
CHERBOURG
La nouvelle jetée du Homet est maintenant en pleine exploitation ; elle
offre aux navires six ports d'accostage de 125 mètres de long chacun.
Des voies ferrées la desservent, on y compte 11 grues à vapeur à benne
automatique de 3 tonnes de puissance à 14 mètres de portée.
Le déchargement simultané de 3 à 4 navires est actuellement exécuté
dans de bonnes conditions. (Le nombre de grues prévues pour l'ensemble
des postes est de 18 ; quand ces grues auront été livrées, 6 navires
pourront être déchargés simultanément dans de bonnes conditions.)
L'établissement maritime de Homet est en principe réservé aux navires
portant des marchandises pondéreuses en vrac (combustibles minéraux),
accessoirement aux navires porteurs d'aciers ou métaux lourds ; la
disposition des lieux ne permet que les déchargements directs de
bateaux en wagons découverts. Mais un stockage situé à 2 kil. 500
environ de la jetée, et desservi par wagons de brouettage, peut
recevoir les marchandises pondéreuses en provenance des navires et en
attente.
Deux remorqueurs, l'un de 1.200 chevaux, l'autre de 500, sont affectés
aux manœuvres d'accostage et de départ du navire ; ces opérations
s'exécuteront donc dans des conditions de sécurité aussi complètes que
possible. L'ensemble des manutentions et des transports à exécuter dans
l'Etablissement du Homet c'est-à-dire depuis la jetée jusqu'à
Equeserdreville) sera assuré par une entreprise unique, composée de MM.
Jules Cavroy, Y. et G. Hersent, et à la Société commerciale
d'affrètements et de commission.
__________
—
Les Régions Economiques. — Le projet de division de la France en
régions économiques ayant été soumis pour avis à la Chambre de commerce
de Caen par le ministère du commerce et de l'industrie, l'assemblée a
décidé de demander que la Basse-Normandie ne soit pas englobée dans la
2e région, dont le siège a été primitivement fixé à Rouen, et qu'elle
forme, en égard à l'importance du port de Caen, auquel le plus grand
avenir est réservé, ainsi qu'aux richesses minières et au développement
industriel de la région, une division autonome comprenant les
départements du Calvados, de l'Orne et de la Manche, dont le siège
serait Caen.
—
Mines de houille du Plessis. — Par décret du 1er août 1917, est
autorisée la cession de la concession de mines de Houille du Plessis,
consentie au nom de l'Etat à la Société Civile de Recherches de
Basse-Normandie, sans que cette autorisation implique aucune
approbation des conditions financières de la cession ou préjuge de la
valeur de la mine.
—
Mines de fer de Barbery (Calvados). — Par décret en date du 28
juillet est rejetée la demande de la société des mines de fer de
Barbery en extension de la concession des mines de fer du même nom, sur
le territoire des communes de Barbery, Saint-Germain-le-Vasson ;
Fontaine-le-Pin et Grainville-Langannerie.
—
Nouvelle Société à Rouen pour la fabrication de tissus. — Une
société en nom collectif a été constituée au capital de 800.000 francs
et pour une durée de 10 années, avec siège, à Rouen, 34-36, rue
Saint-André, sous la raison sociale :
André Laîné, Bignolais et Cie.
Cette société a pour objet la fabrication de tissus.
— La Société anonyme
Union Normande, quai du Havre, 21, à
Rouen, vient d'augmenter son capital de 1.700.000 francs à 2.f25.000
fr. suivant acte du 22 juin 1917, déposé à l'étude de Me Gaston Gence,
notaire à Rouen.
— Une Société en commandite simple,
Van Linden et Cie, vient de se
former à Rouen, 5, rue Moiteuse, avec pour objet le
Commerce
d'approvisionnement de navires à Rouen, et tout commerce accessoire.
Capital, 50.000 francs. Durée, 5 ans.
*
* *
Le Palmarès Normand
DUVAL, J
OSEPH-M
ARIE, marin, de Fécamp :
« Lors du torpillage du « Mont-Viso », s'est fait remarquer par son
énergie et son dévouement dans les opérations de sauvetage de ce
bâtiment. » M. Duval est actuellement second maître de manœuvre à bord
du chalutier Normandie.
DESBAINS, pharmacien auxiliaire :
« Pharmacien auxiliaire, très dévoué et courageux, acceptant gaiement
les missions périlleuses. S'est particulièrement distingué lors des
attaques du 16 au 23 avril 1917 en assurant la liaison avec un P. S.
régimentaire et en dirigeant les évacuations dans une région violemment
bombardée. » M. Debains est pharmacien rue du Général-Faidherbe, au
Havre.
PREVOST F
RANÇOIS-A
RMAND, sergent au 74e d'infanterie :
« Sous-officier de grande valeur. Au front depuis le début de la
campagne. S'est distingué en maintes circonstances par son courage et
son sang-froid, et notamment le 5 avril 1916, en se portant dans un
élan superbe à l'assaut des tranchées ennemies, a été très grièvement
blessé au cours de cette action. » M. Prévost, dont c'est la troisième
citation, était directeur d'assurances à Rouen, 43, rue de la
République.
LABRO, H
IPPOLYTE-F
ERNAND, lieutenant au 23e régiment d'artillerie
coloniale, a été nommé chevalier de la Légion d'honneur :
« Officier d'une bravoure et d'un dévouement remarquables. Déjà blessé
au début de la campagne, l'a été de nouveau très grièvement le 16 avril
1917, en accomplissant une mission périlleuse. Déjà cité à l'ordre. »
Pour prendre rang du 27 avril 1917). La présente nomination comporte
l'attribution de la croix de guerre avec palme. » Ancien élève de
l'Ecole communale de Maromme, de l'Ecole supérieure de Rouen et des
Beaux-Arts de Rouen, M. Labro est le gendre de M. Bennelli, chimiste,
aux Etablissements de Thaon, à Notre-Dame-de Dondeville.
DUVAL, R
AYMOND, sergent au 329e d'infanterie :
« Sous-officier d'une très grande bravoure et d'un sang-froid
exemplaires, volontaire pour toutes les missions périlleuses, a été
blessé en se portant, à la tête de sa demi-section, à l'assaut d'une
tranchée ennemie fortement organisée et armée de mitrailleuses. » M.
Duval était un des plus brillants équipiers de l'équipe foot-ball
association du Havre-Sports.
AVENEL, E
UGÈNE, de la compagnie de mitrailleuses du 329e d'infanterie :
« Bon soldat mitrailleur, a fait preuve de beaucoup de courage et de
sang-froid en servant sa pièce sous les feux les plus violents
d'artillerie et de mitrailleuses. » M. Avenel est le propriétaire du
café Thiers, au Havre.
ULLERN, C
ARL, capitaine, directeur d'une école de grenadiers d'armée :
« Après s'être fait remarquer dans la troupe par son courage et son
activité, commande depuis plus d'un an une école de grenadiers d'armée
: à ce titre, a organisé plusieurs opérations difficiles. Le 24 avril,
a pris la direction d'un combat acharné contre un adversaire très
supérieur en nombre et après quatre heures d'efforts a conquis de haute
lutte un point d'appui important. » M. Ullern est de Honfleur.
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